eJournals Vox Romanica 80/1

Vox Romanica
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2021-008
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/
In questo articolo, analizzo l’evoluzione diacronica incoerente, la natura ibrida e l’originalità di un dialetto occitano: il nizzardo. Un nuovo dizionario monolingue del nizzardo è in corso di elaborazione. Pur essendo esaustivamente descrittivo di ogni tipo di variazione, ha bisogno di uno standard per i suoi lemmi e il suo metalinguaggio. Per precisare quale dovrebbe essere la filosofia generale dello standard, dimostro che è insufficiente definire il nizzardo come un dialetto del provenzale e che le ultime proposte di standardizzazione tendono a sacrificare l’autenticità in nome della regolarità. Le due sezioni principali dell’articolo consistono in una raccolta commentata di dati. Mostrano che il nizzardo si è sviluppato come un dialetto marginale in cui le evoluzioni provenzali e alpine hanno avuto luogo simultaneamente e in modo disordinato. È la combinazione particolare di queste due evoluzioni con un altro insieme di trattamenti più specifici che forma l’essenza stessa del nizzardo. Pertanto, una standardizzazione accettabile non deve modificare arbitrariamente la forma delle parole nizzarde; essa deve solo determinare un sistema grafico stabile e i principi della lemmatizzazione quando si incontrano casi di polimorfismo.
2021
801 Kristol De Stefani

Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois

2021
Philippe Del Guidice
DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois Philippe Del Giudice (Université Côte d’Azur / CNRS, BCL UMR 7320) http: / / orcid.org/ 0000-0002-0743-9564 Riassunto : In questo articolo, analizzo l’evoluzione diacronica incoerente, la natura ibrida e l’originalità di un dialetto occitano: il nizzardo. Un nuovo dizionario monolingue del nizzardo è in corso di elaborazione. Pur essendo esaustivamente descrittivo di ogni tipo di variazione, ha bisogno di uno standard per i suoi lemmi e il suo metalinguaggio. Per precisare quale dovrebbe essere la filosofia generale dello standard, dimostro che è insufficiente definire il nizzardo come un dialetto del provenzale e che le ultime proposte di standardizzazione tendono a sacrificare l’autenticità in nome della regolarità. Le due sezioni principali dell’articolo consistono in una raccolta commentata di dati. Mostrano che il nizzardo si è sviluppato come un dialetto marginale in cui le evoluzioni provenzali e alpine hanno avuto luogo simultaneamente e in modo disordinato. È la combinazione particolare di queste due evoluzioni con un altro insieme di trattamenti più specifici che forma l’essenza stessa del nizzardo. Pertanto, una standardizzazione accettabile non deve modificare arbitrariamente la forma delle parole nizzarde; essa deve solo determinare un sistema grafico stabile e i principi della lemmatizzazione quando si incontrano casi di polimorfismo. Mots-clés : Niçois (niçard, nissart), Occitan, Diachronie, Évolution, Standardisation, Dialecte 1. Introduction C’est dans le cadre des travaux dialectologiques et occitanistiques de l’équipe Dialectologie et Linguistique formelle (autrefois Diachronie, Dialectologie et Phonologie) du laboratoire bcl (umr 7320) qu’est née l’idée d’un nouveau projet numérique de dictionnaire dialectal niçois monolingue. Cet outil, destiné à décrire les unités lexicales occitanes de l’ensemble du Pays Niçois, prend pour pivot la variété linguistique employée dans la ville de Nice. C’est à cette variété (le «niçois urbain», employé sur une très courte bande littorale allant des rives du Var jusqu’à Villefranchesur-Mer/ Beaulieu), la mieux connue de la province en question, que correspondront aussi bien les lemmes de la langue-objet que le métalangage. C’est aussi à cette variété, exclusivement, qu’est consacré cet article et que sont empruntées les formes niçoises données en exemple 1 . 1 Notamment dans la section 4. Nos données, tirées aussi bien de la pratique orale --observée pendant plusieurs années auprès des derniers locuteurs natifs (enquêtes dialectologiques, échanges informels réguliers ayant donné lieu à des enregistrements)-- que des productions littéraires loca- Philippe Del Giudice 240 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 La vocation première du nouveau dictionnaire est de documenter en détail toute la variation (qu’elle soit diatopique ou intraponctuelle, phonétique, morphologique, sémantique ou même graphique) des unités lexicales recueillies, sans rien escamoter. L’outil se propose d’organiser la présentation de cette riche variation autour de ses lemmes qui, en plus d’être nécessaires sur le plan technique à l’élaboration de l’usuel, fourniront la forme codifiée des renvois synonymiques et des définitions. Du point de vue microstructurel, le lemme sera donc suivi de toutes les variantes formelles observées à Nice (les prononciations seront données en API) et chacune d’elles, le cas échéant, de marques d’usage. Un bouton aménagé dans chaque article donnera accès aux formes (et à leurs éventuelles significations particulières) recueillies dans les différentes localités de la région niçoise 2 . Commodité conventionnelle, le lemme n’est pas neutre, et l’on attend de lui qu’il ne soit pas sans rapport avec la réalité observée. Les problèmes posés, pour la définition des lemmes, par la physionomie originale du dialecte niçois sont, avec la lecture de Sumien (2006) et Sumien (2009), à l’origine de l’étude présentée dans cet article. En fin de compte, quelle est la nature du niçois, et pourquoi ce dialecte est-il comme il est? Un regard critique, à la fois sur les a priori dont le niçois a pu faire l’objet et sur les propositions de sa standardisation, précédera l’observation factuelle des données. Le caractère composite de ce dialecte et l’irrégularité foncière de son évolution diachronique paraîtront alors avec clarté. Il s’agira de proposer une interprétation à la construction historique d’un parler atypique de l’ensemble linguistique occitan. La ligne de conduite du lexicographe, relativement aux principes de codification, en découlera naturellement. 2. Le niçois est-il du provençal? La présentation générale des dialectes occitans compte généralement six grands espaces où sont parlés les six dialectes suivants, d’ouest en est et du nord au sud: le limousin, l’auvergnat, le vivaro-alpin, le gascon, le languedocien et le provençal. Sur les cartes de l’Occitanie, Nice et la moitié méridionale de sa province historique (le Comté de Nice) sont presque toujours représentées à l’intérieur de l’aire provençale. Sumien (2009) énumère de nombreux essais de classification dialectale de l’espace d’oc, du XIX e siècle au tout début des années 2000, et force est de constater que, les (de J.R. Rancher et de F. Gag essentiellement), sont facilement vérifiables dans les recueils lexicaux déjà existants (notamment Castellana 1947 et 1952). 2 Pour connaître plus en détail les principes généraux qui permettent, pour chaque entrée du dictionnaire, de présenter les manifestations de polymorphisme autour d’une forme graphique stabilisée, cf. Del Giudice (2018). Les modalités de l’articulation entre parler urbain et autres variétés dialectales du Pays Niçois dans le dictionnaire sont décrites dans Del Giudice (à paraître a). Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois 241 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 selon la tradition des études occitanes, le niçois n’est qu’une variété de provençal. Ce point de vue est parfaitement résumé par l’affirmation d’un universitaire occitaniste de tout premier plan, selon qui le niçois est «un parlar bèn provençau» (Lafont 1972: 10). Spécialiste des parlers des Alpes-Maritimes, Dalbera (1985-1986: 28) identifie «deux manifestations dialectales» de l’occitan dans le département: «le gavot 3 et le provençal maritime». Même si, par la suite, Dalbera (1994) préférera l’emploi du seul mot «maritime», il est évident que les traits linguistiques maritimes 4 , partagés avec les parlers provençaux voisins, jouent bien un rôle dans ce qui sépare le niçois des parlers de son arrière-pays. Faut-il en déduire que la langue de Nice est non seulement du provençal, mais en plus qu’elle n’a pas de particularité justifiant qu’on la distingue du sous-dialecte appelé provençal maritime (le plus étendu de Provence)? Si tel était vraiment le cas, les problèmes de lemmatisation et d’élaboration de la métalangue ne se poseraient pas: la normativisation du provençal est suffisamment avancée. Or, il se trouve qu’elle s’applique mal au niçois pour un certain nombre de raisons. La tendance à mêler, par réflexe et par habitude, niçois et provençal maritime peut donner une impression d’homogénéité qu’il convient sans doute de nuancer. Car si le niçois arbore effectivement de très nombreux traits structurels partagés avec le provençal maritime, il présente aussi quelques aspects originaux. Tout d’abord, une partie substantielle du lexique de Nice et de son arrière-pays ne se retrouve pas en Provence. Le Pays Niçois possède sur ce plan sa propre identité 5 . Inversement, il ne serait pas malaisé de prouver que des termes ou des formes couramment employés en Provence, de Draguignan à Marseille 6 , lui sont tout à fait étrangers. La particularité du chef-lieu des Alpes-Maritimes apparaît notamment si l’on consulte, pour la comparaison, une description d’ensemble des variétés de provençal les plus voisines du niçois. La Grammaire du provençal varois (Domenge 1999 ) englobe les parlers du Var et ceux des Alpes-Maritimes situés à l’ouest de Nice 7 . Dans toutes ses sections, cet ouvrage présente des faits généraux de la Provence orientale dont on constate qu’ils sont inconnus en niçois. En effet, on y trouve à nouveau des formes nominales (nacien ‘nation’, toulerènci ‘tolérance’, magnanarello ‘femme qui élève les vers à soie’, arange ‘orange’) ou des suffixes (capelanùgi ‘l’engeance des 3 Gavot est le terme traditionnel emprunté à l’occitan ([ɡa(v)wˈat], à Nice) pour désigner les parlers montagnards. 4 Notamment, sur le plan morphologique, la désinence de première personne -i (face à -u) et l’invariabilité en nombre, dans la plupart des cas, des nominaux. Plusieurs différences phonologiques seront aussi énumérées dans la suite du propos. 5 Cf. Del Giudice (à paraître b). Dalbera (1985-1986: 25) fait également une allusion aux écarts de lexique entre niçois et provençal. 6 Pour en donner quelques exemples à la volée: talounà ‘plaisanter’, s’aplantà ‘s’arrêter’, jouine ‘jeune’, qunte ‘quel’, subran ‘subitement’, reçubre ‘recevoir’, esbalauvi ‘abasourdir’… 7 «Nous n’avons pas oublié les Provençaux de l’ancien Var et avons cité autant que possible les variantes des parlers orientaux de Cannes et Grasse» (Domenge 1999: 10). Philippe Del Giudice 242 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 prêtres’) qui n’ont pas cours à Nice. Dans le dialecte de cette ville on n’emploie pas non plus l’article provençal de pluriel lei(s) et, surtout, ses phénomènes de liaison sont inconnus. Concernant l’adjectif, les alternances morphologiques (fres, fresco 8 ), les morphèmes désinentiels d’accord en genre et en nombre (féminin en -o, féminin de -èire en -erello, pluriel en -ei, apparition d’un -s ([z]) devant voyelle), les conditions mêmes de ces accords (lei figo maduro ‘les figues mûres’, où l’adjectif ne porte pas de marque de pluriel particulière alors que l’on aurait li figa maduri en niçois 9 ) diffèrent, comme les pronoms. Nice ne connaît pas plus nous ‘nous’, vautrei ‘vous’, que le pronom neutre vo/ va. Les systèmes de possessifs sont différents (formes provençales atones partiellement inconnues et de toute façon réduites à des contextes bien précis à Nice, formes toniques dissemblables: tiéuno vs tiéua), ceux des démonstratifs divergent également (formes impossibles à Nice: eiçoto, conditions d’emploi diverses: estéis erbo vs aqueli erba 10 ). La forme des numéraux n’est pas toujours partagée (vue, vounge, milien, tresen contre vuèch, ounze, milioun, tèrs…). Les interrogatifs ne dérogent pas non plus au désaccord (sens différents de quau 11 , absence en niçois de dequé, de quìntou, de quete…). Enfin, la morphologie verbale n’est pas toujours la même dans les deux systèmes (prov. erian ‘nous étions’ vs niç. eravan; prov. aviéu ‘j’avais’ vs niç. avìi), ni d’ailleurs les constructions (prov. parles pas ‘ne parle pas’ vs niç. noun parlà). Si ces quelques indices diffus ne permettent pas de jugement définitif sur le degré de provençalité du niçois, ils alertent sur les dispositions de cette variété à se démarquer de certains traits partagés par les parlers de Provence orientale. Par conséquent, on pourra difficilement se contenter de dire que le niçois est du provençal maritime sans, au moins, rappeler ses nombreuses spécificités. Il semble, de surcroît, que le même constat doive être fait du niçois par rapport au provençal dans son ensemble. Car la plupart des exemples cités ci-dessus, que l’on a empruntés à un petite grammaire varoise, se retrouvent dans la vallée du Rhône: c'est-à-dire qu’une description du provençal en général ne coïncide pas avec du niçois. En élargissant l’aire de comparaison, considérée désormais jusqu’à Arles et Avignon, les écarts lexicaux déjà évoqués avec la Provence varoise restent naturellement tout aussi -- sinon davantage-- valables. Plusieurs cartes de l’ALF et de l’ALP montrent la grande homogénéité lexicale provençale, seulement mise à mal par la campagne niçoise (par exemple 8 Le système niçois ne prévoit pas l’apparition d’une nouvelle consonne au féminin. 9 Toutefois, sur le plan de l’accord au pluriel de l’adjectif postposé et de ses marques, le passage du système provençal général au niçois produit une rupture moins nette puisque, à proximité de Nice, des localités provençales recourent au morphème -ei (Cagnes, Vence) ou, comme à Nice, à son stade ultérieur -i (Antibes, Cannes). À Vence et à Antibes, les substantifs féminins issus de la 1 re déclinaison prennent eux aussi la marque du pluriel: de bellei figuei; de figuei madurei/ de belli figui; de figui maduri (Dubois, 1958: 219-20, 226). 10 La série (e)stou, (e)sta, (e)stu, (e)sti, sous des formes différentes du provençal, ne s’emploie couramment à Nice qu’en rapport avec des noms temporels: estou matin ‘ce matin’, est’an ‘cette année’, estu jou ‘ces jours-ci’. 11 ‘Qui’ en provençal, ‘quel, lequel’ en niçois. Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois 243 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 prov. escoubo ‘balai’ vs niç. ramassa, prov. moucadou (et mouchouar) ‘mouchoir’ vs niç. mandìlhou, prov. nebout ‘neveu’ vs niç. nèp, prov. galavard/ goulut ‘glouton’ vs. niç. engourt, prov. peu (et chivus) vs niç. bèrri). De plus, et c’est sans doute l’aspect le plus remarquable, la prosodie et le vocalisme du parler de Nice présentent une originalité telle qu’elle n’a pratiquement pas d’équivalent dans tout l’ensemble d’oc 12 . En effet, ce système présente, tout à la fois, des proparoxytons (pèssegue [pˈɛseɡe, pˈɛsiɡe] ‘pêche (fruit)’ et non pessègue [pesˈɛɡe]) 13 , une abondance de hiatus (avìa [avˈia] ‘avait’ et non avié [avjˈe] ou abiò [abjˈɔ]), des [ai ̯ ] et des [au̯ ] atones (laissà réalisable [lai ̯ sˈa] face à [lei ̯ sˈa]), une désinence féminine prononcée [a] et non [ɔ] ou [ə], le recours généreux à des appuis vocaliques et à des voyelles paragogiques en finale d’unité lexicale (fòssou [fˈɔsu] ‘fossé’ pour fos, anat ‘allé’ le plus souvent réalisé [anˈate]). En définitive, il convient de dire que, malgré les points communs (nombreux et incontestables) avec le provençal, le dialecte de Nice s’avère immédiatement reconnaissable, dans la mesure où il échappe sur de multiples points (à la fois lexicaux et grammaticaux) aux caractéristiques générales des parlers provençaux. Vis-à-vis du provençal, la particularité niçoise ne se limite pourtant pas aux phénomènes originaux qui viennent d’être énumérés. Il y a, en plus du reste, le fait que le niçois présente des traits caractéristiques d’un autre ensemble dialectal occitan. Sumien (2009: 16, 21) l’a bien vu, lorsqu’il mentionne des ressemblances du niçois avec l’alpin. Dans sa classification dialectale, cet auteur désigne avec précision certains des traits partagés avec l’alpin (comportement de -dintervocalique, maintien des consonnes finales) qui contribuent à la singularité du niçois dans l’ensemble provençal. Niçois et alpin formeraient même, à l’intérieur du grand ensemble supradialectal arverno-méditerranéen, un sous-groupe remarquable, archaïsant, distinct du transoccitan qui englobe le reste de la Provence. Traditionnellement considéré comme du provençal (ce qui est donc trop schématique), assez unique par sa prosodie et son lexique, par surcroît non dénué de spécificités alpines, le parler de Nice est donc nettement individualisé et assez difficile à définir. Tâchons de montrer en quoi cet état de fait rend périlleuse l’élaboration d’une variété référentielle pour ce dialecte. 12 On les doit en grande partie à un ensemble de phénomènes régressifs liés, généralement réunis sous le nom de «raffermissement prosodique» (cf. Del Giudice à paraître c). 13 On trouve d’ailleurs, à côté des proparoxytons autochtones tels que pèssegue ou améndoula [amˈendula] ‘amande’, une autre série de proparoxytons niçois (tels que mùsica [mˈyzica] ‘musique’) dus au contact avec l’italien. Philippe Del Giudice 244 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 3. La standardisation du niçois En revenant sur la théorie générale de la standardisation, Sumien (2006: 15-18) rappelle que la planification linguistique (en particulier le volet de la linguistique normative) est amenée à faire des choix qui doivent concilier les deux impératifs d’aspirer à la plus grande cohérence des traitements (on pourra nommer cet aspect principe de cohérence) et tenir compte de la langue héritée telle que nous la présentent les résultats de l’analyse interne. Ce deuxième point correspond à un «principe d’authenticité». Selon l’auteur, «il n’y a pas d’opposition entre langue héritée et langue normée: la première doit nourrir la seconde» 14 . Or, il est possible d’imaginer un cas de figure où les deux impératifs entrent irrémédiablement en contradiction. Que faire si le système à codifier est, par nature, dialectalement incohérent? C’est-à-dire si ses formes linguistiques attestées présentent en masse des traitements différents, certains d’entre eux semblant même déviants au vu de ce que l’on attendrait au sein d’un grand espace dialectal réputé homogène? Appliquer coûte que coûte le principe de cohérence revient dès lors à perdre de vue le principe d’authenticité: le résultat de la codification risque d’être un déni de la langue réelle davantage que sa standardisation. Les propositions de Sumien (2006) pour la standardisation des dialectes occitans sont toutes documentées et motivées. Elles s’appuient à la fois sur la connaissance des systèmes et sur la prise en compte des contextes sociolinguistiques régionaux. Rarement les normalisateurs de la langue occitane ont montré autant d’intérêt pour le parler de Nice que cet auteur, qui va jusqu’à proposer un standard particulier pour le niçois (à côté des standards provençal, languedocien, gascon, limousin, auvergnat et vivaro-alpin). On comprend cependant, en voyant les contours de la standardisation préconisée par Sumien, que celui-ci ne s’est pas complètement résolu à modérer le principe de cohérence: selon cet auteur, lorsque les formes d’un parler montrent des cas d’instabilité, une intervention s’impose pour rétablir la régularité. L’idée est alors de corriger les formes attestées de sorte à les aligner sur le traitement du grand ensemble évolutif auquel le dialecte est réputé appartenir. C’est cela que l’on retrouve, à propos du niçois, chez Sumien (2006: 207) (et chez le Niçois Toscano, comme l’indique la citation suivante) pour qui les marques de l’évolution populaire dans certains mots niçois justifient une mise en cohérence généralisée: Le niçois hésite entre les formes finales en -au (provençau, ostau) et en -al (normal, general, verbal) (Castellana 1947 et 1952; Calvino 1905). Le type -au est un suffixe d’origine populaire qui correspond à l’évolution diachronique du niçois 15 . Il devrait se retrouver malgré tout dans 14 Sumien (2006: 18). 15 Certaines des données que l’on propose plus loin permettent de nuancer cette affirmation qui, peut-être, serait moins tranchée sans le poids de la tradition qui identifie le niçois au provençal. Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois 245 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 les mots savants, à l’instar du provençal ou du limousin (Toscano 1998): provençau, ostau (mots populaires); normau, generau, verbau (mots savants). Ici et là, d’autres suggestions correctives et d’autres exemples de niçois normalisé sont donnés. Une des préconisations (Sumien 2006: 227) conduirait par exemple à rejeter les formes niçoises tordolear ‘papillonner’, bletonear ‘bégayer’, sabatear ‘courir, cavaler, se déplacer hâtivement’, en faveur de *tordolejar, *bletonejar, *sabatejar. L’auteur explique «préf[érer] cette solution en j car elle est plus simple et plus répandue [dans l’espace d’oc]». Elle permet en outre d’aligner ces formes sur celles de type batejar ‘baptiser’ (que présentent aussi plusieurs unités lexicales de Nice) et, à nouveau, de supprimer une incohérence structurelle du lexique niçois. Inversement, lorsque le normalisateur juge acceptable de conserver un trait niçois remarquable, la généralisation arbitraire de celui-ci risque de produire d’autres formes inexistantes dans le dialecte en question, tel ce *suar 16 ‘suer’ qui supplante sudar (mise en cohérence avec d’autres termes niçois, tels que coe ‘coude’, dont la forme présente le résultat d’une chute du -dintervocalique). Cela est inattendu, car Sumien reconnaît dans le paragraphe précédent que des «exceptions restent inévitables dans les mots usuels». La question qui se pose est donc la suivante: faut-il accepter ou non d’appliquer une telle méthode à l’ensemble du lexique et à l’ensemble des cas d’incohérence? Avant de conclure sur la pertinence de ce genre d’opération, par exemple pour l’appliquer à un projet lexicographique, une dernière mise au point sur la nature du niçois s’impose. Elle correspond à ce que l’on appellera la dimension «diachronotopique» (à quel grand espace dialectal correspond la pente évolutive suivie? d’où l’on tire ce que Sumien a appelé supra «l’évolution diachronique du niçois»). 4. Les données de l’incohérence dialectale Si l’on s’en tient aux données observables dans le lexique, le caractère versatile du niçois aboutit à l’impression d’une profusion d’incohérences évolutives marquant l’hésitation entre différents traitements. Voici quelques tableaux qui rendent compte des séries parmi les plus importantes de ces incohérences structurelles dans le domaine consonantique 17 . Afin de rendre l’hétérogénéité des traitements bien visible, on fournit, à côté des termes niçois, l’étymon latin. Parfois, la forme d’ancien occitan (aoc.) y supplée. En dernier recours, c’est un dérivé qui est utilisé: par le jeu des alternances morphologiques, il restitue la consonne finale étymologique masquée par l’évolution. 16 Sumien (2006: 227). 17 Dans la continuité de la section 2, on a choisi de présenter ces données sous la forme d’une graphie phonologisante inspirée du système mistralien. Chaque forme est suivie d’une transcription en API (dans laquelle la marque de l’accent tonique est placée directement devant la voyelle concernée). Philippe Del Giudice 246 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 Traitement de [z] intervocalique (< s, c i,e …) Chute Maintien ae [ˈae] ‘âne’ (< asinu) couhina [kuˈina] ‘cuisine’ (< cucina) peà [peˈa] ‘peser’ (< pe(n)sare) esquasi [eskˈazi] ‘presque’ (< quasi) ase [ˈaze] ‘grain de raisin’ (< acinu) atesà [atezˈa] ‘tendre’ (< te(n)sare) Traitement de [d] intervocalique (< -t-, -d-) Chute Maintien fea [fˈea] ‘brebis’ (< feta) pinea [pinˈea] ‘pinède’ (< pineta) blea [blˈea] ‘bette’ (< blita) alàpea [alˈapea] ‘arapède’ (< lepadi) seda [sˈeda] ‘soie’ (< seta) mouneda [munˈeda] ‘monnaie’ (< moneta) preda [pχˈeda] ‘proie’ (< preda) àneda [ˈaneda] ‘canard’ (< anati) Traitement du [dʒ] intervocalique du suffixe -e(j)à (< -izare) Chute Maintien floutouneà [flutuneˈa] ‘flotter’ bletouneà [bletuneˈa] ‘bégayer’ rangueà [ʁaŋɡeˈa] ‘boiter’ voulastrejà [vulastχed͡ʒˈa] ‘voleter’ netejà [neted͡ʒˈa] ‘nettoyer’ passejà [pased͡ʒˈa] ‘promener’ Traitement de [l] devant occlusive Vocalisation Rhotacisme bauma [bˈau̯ma] ‘grotte’ (< balma) saumouira [sau̯mˈui ̯ ʁa] ‘saumure’ (<-sal(i) muria) bauca [bˈau̯ ka] ‘graminée’ (< balcha) auba [ˈau̯ ba] ‘aube’ (< alba) esparmà [espaʁmˈa] ‘espalmer’ (<-expalmare) armanac [aʁmanˈak] ‘almanach’ (<-almanach) arga [ˈaʁɡa] ‘algue’ (< alga) tarpa [tˈaχpa] ‘taupe’ (< talpa) Dans le cas de ce [l], un tableau comparatif à deux colonnes est insuffisant pour comprendre la complexité de la situation, car il y a plus que seulement deux traitements. Il y a une troisième évolution, plus rare, lorsque l devant occlusive (cluster liquide-occlusive-liquide, dans la plupart des cas) passe à [s]. On la trouve dans le nom de quartier Mascouhinà [maskuinˈa] (<-oc. médiéval mal cosinat ‘mal cuisiné’ 18 ), dans fistre [fˈistχe] (< filtru) ‘cafetière’, sastre [sˈastχe] (<-sartre < sartor) ou Ges- 18 Il existe, à Toulouse, une rue du même nom, qui n’a pas connu ce traitement particulier («Malcosinat»). Pour des attestations anciennes, à Nice, du type malcosinat avec un <l>, cf. Caïs de Pierlas (1898: 304, 513). Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois 247 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 truda [d͡ʒestχˈyda] (< Gertruda) 19 . Ces formes sont généralement en concurrence avec celle où la liquide est conservée. Elles s’opposent toutefois au traitement subi par autre [ˈau̯ tχe] (< alter) et ses composés (nautre [nˈau̯ tχe], vautre [vˈau̯ tχe]). Enfin, des formes avec [l] existent mais semblent artificielles (dans un lexique manuscrit de 1830, Scaliero donne spalmà) et les termes aujourd’hui en usage à l’oral calcul [kalkˈyl], balcoun [balkˈu ᵑ ], almanac [almanˈak]… pourraient n’être que des réfections rendues possibles par le contact avec le français. Traitement de l final Vocalisation Conservation 20 mau [mˈau̯ ] ‘mal’ (< male) cavau [kavˈau̯ ] 21 ‘cheval’ (< caballu) davau [davˈau̯ ] ‘en bas’ (< de ad valli) signau [siɲˈau̯ ] ‘signal’ (aoc. senhal) espitau [espitˈau̯ ] ‘hôpital’ (< hospitali) capourau [kapuʁˈau̯ ] ‘caporal’ (it. caporale) deal [deˈal] ‘dé à coudre’ (< digitale) gal [ɡˈal] ‘coq’ (< gallu) pourtegal [puχteɡˈal] ‘orange’ (< portucalli) beal [beˈal]‘canal d’irrigation’ (aoc. bezal) general [d͡ʒeneʁˈal] ‘général’ (< generali) carneval [kaʁnevˈal] ‘carnaval’ (< carne levare) Le tableau sur le traitement du l final n’expose que des termes en -au ou -al, et fait écho au propos de Sumien cité en section 3. Les données montrent qu’en synchronie le système phonologique niçois s’accommode bien du -l final (impossible en provençal). À ce propos, on pourrait proposer les exemples suivants en données complémentaires: cougùou [kuɡˈyu̯ ] ‘coucou, cocu’, mùou [mˈyu̯ ] ‘mulet’ vs bahul [baˈyl] ‘bahut, valise’, cassul [kasˈyl] ‘verre de vin’; bèu [bˈɛu̯ ] ‘beau’ vs bèl [bˈɛl] ‘bêlement’; aqueu [akˈeu̯ ] ‘celui-là’ vs pel [pˈel] ‘poil’, vel [vˈel] ‘voile’. 19 Le phénomène n’est pas typiquement niçois. La forme sastre, que l’on peut rencontrer ailleurs en pays d’oc, est courante en catalan et en espagnol. Dalbera (1994: 447) signale, en guise d’illustration à un propos tout autre, une forme [sˈeskje] (< circulu) à Menton. Ce mot est réputé être prononcé [sˈewkle] à Nice, mais c’est plutôt [sˈɛrkle] (gallicisme? ) qui semble en usage, ce qui atteste des trois traitements possibles pour cette unité. Gestruda est attesté dans le texte Paion ven! Paion ven! - d’Aimée Bèu (in Gasiglia 1995: 89), comme fistre que l’on trouve aussi chez l’auteur dialectal Rancher. Symptôme d’une confusion générale, catechisme [katet͡ʃˈizme] devient parfois catechierme [katet͡ʃʲˈɛʁme] en Provence, et caesma ‘carême’ se dit plutôt caerma [kaˈeʁma] à Peille. 20 Avec, dans tous les cas, la possibilité d’ajouter un -e d’appui. 21 On met ensemble les termes dont les étymons comportent une consonne simple et ceux dont les étymons comportent une consonne géminée, tant «le parler de Nice témoigne d’un nombre considérable d’anomalies dans le traitement de -l et de -ll» (Dalbera 1994: 542). Philippe Del Giudice 248 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 Traitement de [ʎ] final Vocalisation en [u̯ ] Vocalisation en [i ̯ ] magau [maɡˈau̯ ] ‘bêchard’ (dérivé: magaià, aoc. magalh <-μακελλα) mourrau [muʁˈau̯ ] ‘muselière’ (dérivé: enmourraià 22 ) badai [badˈai ̯ ] ‘bâillement’ (dérivé: badaià, aoc. badalh) mirai [miʁˈai ̯ ] ‘miroir’ (< miraculu, dérivé: miraià) escandai [eskandˈai ̯ ] ‘balance romaine’ (dérivé: escandaià) Il existe un troisième traitement, qui est plus rare. C’est celui que l’on trouve notamment dans pecoul [pekˈul] 23 (< rom. pecolh) ‘pédoncule du fruit’ où [ʎ] final a abouti à [l]. D’autres termes présentant la même configuration de départ tels que barboui [baʁbˈui ̯ ] ‘barbe des céréales’, rangoui [ʁaŋɡˈui ̯ ] ‘râle’, ginoui [d͡ʒinˈui ̯ ] ‘genou’, feroui [feʁˈui ̯ ] ‘verrou’, pastroui [pastχˈui ̯ ] ‘cancans’, ont suivi une évolution plus régulière. Le traitement illustré par pecoul est connu en pays gavot et dans le Languedoc, là où la consonne [ʎ] n’est pas devenue [i ̯ ] et continue d’exister en position intervocalique. Il témoigne d’une époque, peut-être pas si éloignée 24 , où le niçois n’avait pas encore confondu [ʎ] et [i ̯ ] ([j] à l’intervocalique). Le cas de [iʎ] en finale de mot est plus particulier. On trouve bisbil ‘murmure’ chez le célèbre auteur dialectal Rancher 25 (La Nemaïda, chant VII, v. 515) et [suχsˈil] ‘sourcil’ dans la langue orale courante, mais ces formes sont concurrencées par un traitement plus classique ([bizbˈii ̯ ], [suχsˈii ̯ ] --où [i ̯ ] devient parfois syllabique, soit [bizbˈii])-- ou particulier au contact de [i] et [i ̯ ] aboutissant à la chute de ce dernier son ([bizbˈi], [suχsˈi]). Traitement des consonnes nasales postvocaliques en position finale Neutralisation > [ ŋ ] Consonne d’origine 26 fan [fˈa ŋ ] ‘faim’ (dérivé: afamegà [afameɡˈa]) fen [fˈe ŋ ] 27 ‘fumier’ (dérivé: femà [femˈa]) rahin [ʁaˈi ŋ ] ‘raisin’ (< racemu) bram [bʁˈam] (dérivé: bramà [bʁamˈa]) trèm [tχˈɛm] ‘terreur’ (à rapprocher de tremoulà [tχemulˈa]) rim [ʁˈim] [‘roussi’ (déverbal de rimà [ʁimˈa]) 22 Si ce dérivé niçois ne suffit pas à démontrer la présence ancienne d’un [ʎ] final dans mourrau, on renvoie aux autres dialectes d’oc où [ʎ] est maintenu soit en finale, soit à l’intervocalique (dans les dérivés): [murːˈaʎ], [murːˈaʎɔ], [murːaʎˈu], [emːurːaʎˈa] etc. Cf., par exemple, FEW (6/ 3: 233-234) ou TDF aux articles correspondants. 23 Dérivé pecouiut [pekujˈyt] ‘muni d’une tige’. 24 Rancher, dans la première moitié du XIX e siècle, utilise des graphèmes différents pour noter [j] et [ʎ] (ou [j] issu de [ʎ]? Cela semble improbable tant son système graphique est phonologisant). Dans le TDF, Mistral emploie encore le digramme <lh> pour le niçois, comme il le fait pour transcrire le [ʎ] languedocien. 25 Cf. Compan (1954). 26 Avec possibilité d’ajout d’un -e d’appui dans de nombreux cas. 27 Ce terme est en variation. On trouve [fˈe ŋ ] aussi bien que [fˈem]. Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois 249 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 calen [kalˈe ŋ ] ‘petite lampe à huile’ (dérivé: calegneta [kaleɲˈeta] ‘genre de veilleuse à huile’) luèn [lˈœ ŋ ] ‘loin’ (f. luègna [lˈœɲa] 28 ) empegn [empˈeɲ] ‘engagement’ (dérivé: empegnà [empeɲˈa]) engegn [end͡ʒˈeɲ] ‘ingéniosité’ (dérivé: engegnà [end͡ʒeɲˈa]) Traitement de -nt# Chute du t Conservation du t dèn [dˈɛ ŋ ] ‘dent’ (< denti) elemen [elemˈe ŋ ] ‘élément’ (< elementu) argèn [aʁdʒˈɛ ŋ ] ‘argent’ (< argentu) fouòn [fwˈa ŋ ] ‘fontaine’ (< fonte) cliènt [kliʲˈɛnt] ‘client’ (< clienti) vènt [vˈɛnt] ‘vent’ (< ventu) lènt [lˈɛnt] ‘lent’ (< lentu) pouònt [pwˈant] ‘pont’ (< ponte) 5. Interprétation des faits Quelques remarques d’ordre diachronotopique sur ces séries de doubles traitements s’imposent. Ce que les faits montrent, c’est un entrelacs de phénomènes provençaux et alpins qui touchent les unités lexicales sans cohésion d’ensemble, sans véritable logique. Le maintien de -z-, la chute de -d-, le suffixe -eà, le rhotacisme de l devant occlusive, la conservation telle quelle de -l et la non-vocalisation en -u̯ de -ʎ ([ʎ], [l] ou [j]), le maintien de t final après n, le maintien de l’opposition entre les consonnes nasales finales, tout cela est de l’alpin. Inversement, sont provençaux la chute de -z-, le maintien de -d-, la vocalisation en -u̯ de l devant occlusive et de l et ʎ en position finale, la neutralisation en / N/ et la chute du t. À première vue, des termes populaires courants tels que aubre ‘arbre’, bauma ‘grotte’, sautà ‘sauter’, escaume ‘tolet’… porteraient à croire que la vocalisation est le traitement niçois naturel. Il s’opposerait à ce que l’on trouve dans des mots susceptibles d’avoir été introduits ou réintroduits à une époque ultérieure (arbicò ‘abricot’, armanac ‘almanach’, carcul ‘calcul’, barcoun ‘balcon’, Galibardi ‘Garibaldi’ 29 ). Ce n’est pourtant pas ce qu’indique la si conservatrice toponymie: on trouve parmi les signa (amers, repères à terre) des pêcheurs du littoral des barma, des barmeta et des barmassa. Signalons que cette même source plaiderait en faveur de l’existence d’un traitement «alpin» autochtone, à Nice, de la chute de -dpuisque les hommes de mer villefranchois nous ont également signalé les lieux-dits la Puà [la pyˈa] ‘la Montée’ et Pèira-Pertuà [pˈɛi ̯ ʁa pɛχtuˈa] ‘Pierre-Trouée’ (soit la Puada et Pèira-Pertuada, après 28 Féminin relevé, par exemple, dans un manuscrit de Rancher, La Legenda de Nem (Bibliothèque de Cessole, cote 168) au v. 795: «la terra es luegna» (la terre est loin). 29 Ce dernier mot présente un cas intéressant de métathèse qui permet d’éliminer le problème dû à la présence de [l] devant occlusive. Philippe Del Giudice 250 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 chute de la consonne dentale via un stade Puaa, Pèira-Pertuaa typique des parlers alpins). Mais on trouve aussi en toponymie des baumeta et des beguda… Pourtant, comment pourrait-on suggérer qu’un mot comme arga ‘algue’ soit un emprunt à la montagne? De même, si mouneda ‘monnaie’, seda ‘soie’, preda ‘proie’, ajuda ‘aide’, passejada ‘promenade’ sont aussi clairement des mots de formation populaire courants, on ne peut en déduire schématiquement que la survie de -dintervocalique est le «vrai» traitement niçois, car alors alàpea ‘arapède (genre de mollusque de mer)’ et pinea ‘pinède’ seraient des formes originaires du Haut-Pays, ce qui, au moins pour alàpea, est très peu vraisemblable. Si l’on voulait à tout prix retoucher la langue afin de produire des séries régulières, il faudrait parvenir à identifier --pour chaque configuration de départ-- la «-véritable-» évolution diachronique niçoise, de nature foncièrement alpine ou provençale selon les traits considérés. Or, au vu des données, cette identification pose un problème qui semble insoluble. En définitive, qu’est-ce que ces séries permettent de conclure sur la nature du niçois? Tout d’abord, il faut se méfier des impressions générales. Il arrive que les faits soient plus complexes qu’il n’y paraît. Contrairement à l’hypothèse avancée par Sumien, l’opposition -u̯/ -l en finale de mot, ne correspond manifestement pas à une opposition mot populaire/ mot savant. Comment suspecter gal ‘coq’, beal ‘canal’, cal ‘masure, maison en ruine’, deal ‘dé à coudre’, pal ‘pieu’ d’être des cultismes? Le double traitement s’observe jusque dans les termes anciens et authentiques: le niçois est touché en profondeur. Ensuite, le problème n’est pas limité à un ou deux phonèmes isolés. L’échantillon qui a été donné montre que les faits concernent différents éléments dans différents contextes. Le niçois est donc bien dialectalement incohérent: le lexique de ce dialecte réputé provençal contient en masse des traitements gavots. La Provence méridionale use bien de fedo [fˈedɔ] ‘brebis’ là où le niçois use de fea [fˈea] (forme «alpine», sans consonne intervocalique). Il y aurait au moins deux postures pour essayer d’expliquer cette situation d’incohérence. La première consisterait à considérer que les formes autochtones côtoient les formes d’emprunt. Il faudrait admettre que le niçois est (a) un parler d’évolution alpine, qui, soumis à des courants innovateurs venus de Provence a emprunté massivement du lexique maritime, ou bien (b) un parler d’évolution maritime, qui témoigne d’une influence lexicale sensible des parlers gavots. La prégnance plutôt de l’un ou de l’autre modèle d’évolution selon les phénomènes considérés et l’enchevêtrement des traitements rend une telle représentation peu satisfaisante. Dans une telle optique, il faudrait répondre à la question suivante: quel mot correspond au niçois le plus authentique? Cavau ‘cheval’ ou gal ‘coq’? Arga ‘algue’ ou auba ‘aube’? Dèn [dˈɛ ŋ ] ‘dent’ ou vènt [vˈɛnt] ‘vent’? Cela serait évidemment absurde. De plus, admettre la légitimité de ce questionnement aurait des implications conséquentes puisqu’un dictionnaire «cohérent», pour produire un lexique normalisé, se devrait Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois 251 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 dès lors de modifier une quantité considérable de mots niçois (par exemple remplacer gal par *gau, arga par *auga, imposer la prononciation *[dˈɛnt]). Cela invite à porter un regard différent sur les faits. C’est ce que fait la seconde attitude qui consiste à accepter que le niçois est un parler tiraillé de longue date entre deux pentes évolutives contradictoires et en concurrence, plus ou moins prégnantes selon les époques et les phénomènes concernés. Ce dialecte, point de rencontre des deux aires provençale et gavote, tire son essence du fait d’avoir répondu aux dilemmes de manière non systématique, non homogène, en sédimentant des formes lexicales qui représentent des évolutions dissemblables par rapport à une seule et même configuration de départ 30 . Cet état de fait contribuerait à lui donner un aspect hybride 31 . La marque de fabrique du niçois, par certains aspects à la fois maritime et alpin, serait d’être un dialecte irrésolu de l’occitan, et par là même, un cas passionnant. On pense à Ronjat (1941: 4), lorsqu’il écrit que «les villes ont souvent un langage mêlé» 32 . À propos des faits niçois, Dalbera (1988-1989: 31) développe cette idée: On ne s’étonnera sans doute pas que le parler d’une cité qui s’étend progressivement en absorbant ses faubourgs, qui grossit des apports de son Arrière-Pays, qui se veut un lieu de passage et de commerce où s’installent des nouveaux venus, qui se stratifie socialement et se divise en quartiers et à qui les aléas de l’histoire imposent un questionnement de nature identitaire s’avère moins homogène -- diachroniquement- -, plus composite et moins aisément caractérisable, en termes d’aréologie, que celui de telle ou telle petite communauté villageoise davantage à l’écart des mouvements et des échanges et repliée sur elle-même par la force des choses. Cela étant dit, on tomberait peut-être dans l’erreur à croire que la diversité d’influences est la source infaillible des étrangetés de surface. En effet, le traitement niçois variable (-dvs ∅) de -t-, -dprésente pour certains termes des caractéris- 30 Le détail des mécanismes qui ont permis de fixer une forme ou une autre dans l’usage est difficile à établir et demanderait une étude complémentaire très poussée. La rencontre, à Nice, des traitements concurrents provençaux et alpins a d’abord dû donner lieu à une variation libre importante dans le parler de cette cité. Si l’on prend l’exemple de l’opposition l~u̯ en finale de mot, on constate que la vocalisation a progressée entre le troubadour niçois du XIII e siècle Raymond Féraud et les vers, écrits en 1642, de Jules Torrini (cf. Barelli 2012: 247-291). Mais, dans le texte de Torrini, on trouve aussi bien vouol ‘il veut’, tal ‘tel’, cel ‘ciel’ que voou, taou, ceou. Si l’hésitation entre [tal] et [tau̯ ] demeure observable dans l’état de langue actuel, ce genre de variation a été drastiquement réduite de nos jours, au bénéfice -- à nouveau- - du traitement provençal (d’ailleurs, les aoussel, espagnol, caval de Torrini sont désormais des aucèu, espagnòu, cavau). Pour l’heure, nos premières explorations liées à la fréquence des mots ou à leur appartenance à une thématique ne suffisent pas à expliquer que gal ait résisté à la vocalisation et non, donc, cavau ou aucèu. 31 À propos des incohérences de traitement de -l et -ll, et leur confusion, assez inexplicable si l’on croit à une évolution autochtone et linéaire, Dalbera (1994: 542-43) voit plutôt «un phénomène de convergence entre systèmes voisins» pour un parler niçois qui occupe «une position charnière» entre parlers occidentaux, montagnards et orientaux. 32 Pour lui la cause est exclusivement liée aux migrations. Le cas du niçois est aggravé par sa situation à tous points de vue frontalière. Philippe Del Giudice 252 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 tiques uniques 33 et n’a pu être influencé par aucun parler voisin (Dalbera 1994: 488). De plus, une pression morphologique (interne, donc) serait bien souvent derrière les formes présentant [d] issu de -d- (Dalbera 1994: 488-89). Ces mécanismes autonomes s’ajoutent aux caractéristiques énumérées en section 2 sur la prosodie et le vocalisme du niçois, d’une grande singularité pour un parler d’oc et qui témoignent d’une évolution particulière, en totale contradiction avec l’hybridité foncière du dialecte de Nice, car probablement assez tardive 34 . À rebours des trajectoires évolutives des territoires environnants, le niçois démontre donc qu’il est aussi sujet à des développements inattendus, car plus personnels. Mais là encore, l’individualisation n’est sans doute pas étrangère à une position frontalière, entre deux zones où les procédés de résolution des déséquilibres divergent. En définitive, le niçois est un parler individualisé, susceptible par certains aspects de faire le lien entre plusieurs variétés occitanes de sa région. Dalbera (1994: 653-54) considère qu’il est «le plus composite» et le plus travaillé, au fil des siècles, par des mécanismes évolutifs que cet auteur appelle des «normalisations». Après avoir estimé que le niçois n’est pas le lieu de traitements spécifiques 35 , Dalbera poursuit ainsi: [Le parler de Nice] mêle bon nombre de ces traitements divergents que nous avons identifiés ici et là comme des traits constitutifs de telle ou telle aire dialectale. Sa morphologie le rattache sans conteste à la bande littorale: flexion nominale quasi abolie, infixe -g2-, Pers 1 [-i]; seuls, quelques vestiges ([ly] < lus, [bˈɛj], [tˈuj]…) témoignent d’un état plus ancien. Sa phonématique est, dialectalement parlant, plus composite: l’ensemble des réaménagements opérés dans l’ordre médian 36 conduit à un système qui n’est ni celui de la bande littorale ni celui des hautes vallées; par ailleurs les régressions et/ ou les normalisations relatives aux sonantes intervocaliques aboutissent à doter le parler de Nice d’un système qui, typologiquement, rejoint celui des hautes vallées. Sa prosodie, enfin, ne s’inscrivant ni dans la dynamique de l’aire dialectale littorale (le parler de Nice a sauvegardé ses séries proparoxytoniques) ni dans la dynamique de l’aire dialectale des hautes vallées (le parler de Nice a scrupuleusement conservé ses hiatus, pourtant fort nombreux), demeure un trait d’union avec les parlers de la frange orientale et contribue à conférer au nissart sa physionomie particulière. (Dalbera 1994: 653-54) Dans de telles conditions, on voit mal comment une entreprise de mise en congruence généralisée des traitements au service d’une programmation linguistique pourrait convenir au niçois. Ce dialecte, par nature incohérent, ne s’y prête pas et ne peut être que lui-même, dans sa mixité. 33 Les mots niçois audì, sudà n’ont guère d’équivalent en provençal et en vivaro-alpin. Dans les régions où sont parlés ces dialectes c’est respectivement ausì, auvir et susà, suar que l’on rencontre. 34 En la matière, les phénomènes régressifs évoqués supra (note 12), en gestation dès le XVIII e siècle, ont joué un rôle décisif. Cf. Del Giudice (à paraître c). 35 Cette affirmation un peu étonnante paraît exagérée. On a vu qu’il y avait bien quelques traitements typiquement niçois, parfois remarquables, que Dalbera avait d’ailleurs lui-même identifiés. 36 C’est-à-dire l’ordre dental et l’ordre palatal, pris comme un tout. Trajectoire diachronique d’un dialecte composite: le niçois 253 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 Il n’est pas question, dans le cadre du projet de nouveau dictionnaire, de négliger la codification ou de ne pas tenir compte du mouvement de standardisation de l’occitan, tel qu’il apparaît, avec le plus de détail, chez Sumien (2006) et Sumien (2007). Mais la nature complexe du dialecte dont on veut décrire le lexique demande des précautions particulières. Il est inutile de standardiser le niçois si on neutralise ce qui fait son essence, inutile de le décrire si les formes que l’outil lexicographique propose sont inconnues à ce parler. Les lemmes du nouveau dictionnaire ne pourront donc être que de type cavau, gal, normal, sudar, coe, tordolear, netejar (et en aucun cas cavau, gau, normau, suar, coe, tordolejar, netejar comme cela a été suggéré, en contradiction avec l’usage). Tout compte fait, l’objectif que l’on s’assigne est simplement de ne pas sacrifier le principe d’authenticité au bénéfice d’une parfaite régularité (du point de vue des changements diachroniques). Les locuteurs ne ressentent d’ailleurs aucune aberration dans la physionomie de leur langue, puisque les incohérences prennent place dans un mouvement révolu. Elles ne sont sensibles que pour un spécialiste de phonétique historique. La définition de principes graphiques stables et d’une méthode de sélection des formes référentielles devant les cas de polymorphisme (par ailleurs tous abondamment documentés par le dictionnaire) devra donc seule tenir lieu de standardisation. Pour tout le reste, il faut s’en remettre à l’usage réel tel que l’ont façonné des siècles d’histoire, et tant pis s’il présente des incohérences. 6. Conclusion En dépit des représentations classiques, des caractérisations à grand trait et des appellations pratiques (provençal maritime), le dialecte employé à Nice est une singularité dans le continuum linguistique de la Provence méridionale. C’est faire fausse route que de ne voir dans le niçard que du provençal, que de vouloir généraliser à l’ensemble du lexique les traits alpins qu’on lui reconnaît, que de chercher à réparer à tout prix les anomalies, massives et consubstantielles à ce système linguistique. L’énigme que constitue le dialecte de Nice (à la fois évolué et conservateur, hybride par la plupart de ses traitements et néanmoins original par d’autres) se conçoit mieux dans son contexte. Nice est à cheval sur deux aires dialectales, mais elle est la commune dominante de la région. Ainsi, cette ville est une individualité sise à une confluence et son langage s’en ressent. En cela, le niçois porte dans son évolution indécise la trace de la géographie et de l’histoire de son territoire. Si les procédés de standardisation retenus par le dictionnaire étaient destinés à régulariser les incohérences foncières du niçois, ils masqueraient le caractère fondamental de ce dialecte qui est d’être contradictoire par nature. Partant, le nouvel outil lexicographique manquerait l’objet de sa description. La codification devra Philippe Del Giudice 254 DOI 10.2357/ VOX-2021-008 Vox Romanica 80 (2021): 239-255 donc se limiter à définir le système graphique et à garantir, pour les cas de polymorphisme, des lemmes compatibles avec la pratique attestée. Bibliographie ALF = Gilliéron, J./ Edmont E. 1902-1914: Atlas linguistique de la France, Paris, Honoré Champion. ALP = Bouvier, J.-C./ Martel C. 1975-2016: Atlas linguistique et ethnographique de Provence, Paris, CNRS/ Forcalquier, Alpes de lumière. 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The two main sections of the paper consist in a commented collection of data. They show that Niçois has developed as a marginal dialect in which Provençal and Alpine evolutions have taken place simultaneously and in a disorderly way. It is the particular combination of both these evolutions with another set of more specific treatments that forms the very essence of Niçois. Therefore, an acceptable standardization must not arbitrarily modify the form of Niçois words; it should only determine a stable graphic system and the principles of lemmatization when cases of free variation are encountered. Keywords : Niçois (Niçard, Nissart), Occitan, Diachrony, Evolution, Standardization, Dialect