eJournals Vox Romanica 80/1

Vox Romanica
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2021-019
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2021
801 Kristol De Stefani

Mathieu Goux, Le pronom-déterminant relatif lequel en français préclassique et classique (1580-1720), Paris (Classiques Garnier) 2019, 367 p. (Collection Histoire et évolution du français 6).

2021
Elena Carmona Yanes
344 DOI 10.2357/ VOX-2021-019 Vox Romanica 80 (2021): 344-351 Besprechungen - Comptes rendus Mathieu Goux, Le pronom-déterminant relatif lequel en français préclassique et classique (1580-1720), Paris (Classiques Garnier) 2019, 367 p. (Collection Histoire et évolution du français 6). La syntaxe historique romane est probablement l'un des domaines de la linguistique qui a connu les transformations les plus remarquables pendant les dernières décennies. Les études traditionnelles ont été révisées à l'aune de nouvelles approches telles que l'analyse du discours, la linguistique textuelle, la pragmatique, la sociolinguistique ou la linguistique variationnelle. L'enrichissement empirique favorisé par des techniques et des technologies qui ont multiplié les possibilités pour l'accès et pour le traitement des textes a également permis de mettre à jour des observations et des conclusions qui semblaient parfois incontestables. C'est dans ce contexte que Mathieu Goux présente sa monographie consacrée au pronom-déterminant relatif lequel en français préclassique et classique (1580-1720). L'ouvrage est une révision efficace du comportement syntaxique de cet outil, notamment de ses emplois directs, que les grammaires d'usage envisagent d'habitude comme une variante atypique, plus rare, par rapport aux relatifs simples, et dont la spécificité fondamentale serait sa capacité à désambiguïser l'antécédent évoqué grâce à sa morphologie susceptible de faire l'accord en genre et en nombre. La fréquence d'emploi de lequel a subi des modifications importantes au long de son histoire: marginalisé lors de la période moderne, l'on observe que lequel «revient fortement dans l'usage et dans l'écrit contemporain» (p.-303). Goux se propose donc d'explorer les facteurs (syntaxiques, sémantiques, référentiels, textuels et stylistiques) qui ont donné lieu à cette évolution, dans le but de comparer le fonctionnement du pronom-déterminant à l'époque classique, sur laquelle il se penche, et à l'époque actuelle. L'auteur définit sa problématique à partir de trois questions: «(i) Pourquoi ce terme qu-, doublet fonctionnel de qui, que, quoi, dont et où en emploi relatif, s'est-il aussi bien répandu en discours et pourquoi a-t-il disparu? (ii) Dans quels contextes syntaxiques, sémantiques et référentiels le rencontrait-on et le rencontre-t-on encore? (iii) Quelles sont ses spécificités au regard des autres mots quet des pronoms relatifs simples en particulier? » (p.-22). Pour mener à bien ce projet, Goux aborde toutes les difficultés méthodologiques et descriptives fondamentales de la morphosyntaxe historique actuelle (la dimension transphrastique des relations syntaxiques, la segmentation des unités qui composent le discours, l'influence des genres discursifs et des styles individuels sur la distribution quantitative d'un élément linguistique, la représentativité des corpus textuels et le traitement des informations qu'ils apportent), ses décisions étant toujours rigoureuses et cohérentes et en général réussies. Le volume est organisé en cinq parties. Dans la première partie, on délimite le cadre d'analyse retenu pour l'étude de la «subordination relative et la dynamique informationnelle des énoncés, ainsi que le fonctionnement syntaxique et référentiel du pronom-déterminant» (p.- 22). La deuxième partie présente le corpus et la méthodologie de l'étude et se consacre «aux antécédents que recrute le pronom-déterminant du point de vue syntaxique, sémantique et référentiel» (p.-22). La troisième partie se penche sur l'organisation du continuum textuel, soit la participation de lequel à l'organisation des énoncés, puisque l'étude sera orientée «vers une analyse globale du continuum textuel, plutôt que vers une analyse discrète et syntaxique 345 DOI 10.2357/ VOX-2021-019 Vox Romanica 80 (2021): 344-351 Besprechungen - Comptes rendus de celui-ci» (p.-173). La quatrième partie est consacrée à la stylistique du pronom-déterminant: l'auteur décide d'adopter un «angle stylistique» pour traiter les aspects liés à l'incidence des genres discursifs et les séquences textuelles sur la description des usages de lequel lors de chaque étape. Enfin, la cinquième partie «étudie les emplois de lequel au long de la période moderne et contemporaine, en tâchant d'expliquer les raisons présidant à sa quasi-disparition passée l'époque classique et à sa résurgence récente» (p.-22). Les spécificités essentielles au niveau grammatical, sémantique et discursif sont déjà soulignées dans la première partie: d'un côté, une recension des études grammaticales va montrer que «lequel ne peut introduire que certaines relatives uniquement […] et ne semble donc pas, en langue, un parfait équivalent des pronoms relatifs simples» (p.-33). D'un autre côté, Goux identifie plusieurs éléments qui «invitent à voir une continuité» entre le relatif de liaison latin et les emplois de lequel, qui introduit une «subordonnée enchaînée» plutôt qu'enchâssée, et qui joue un «rôle complexe, entre pronom relatif et connecteur textuel». En effet, le pronom-déterminant, «bien qu'introduisant des propositions subordonnées relatives adjectives, possède des caractéristiques linguistiques qui en font davantage une nouvelle expression référentielle, interprétée comme un autre GN, qu'un outil subordonnant» (p.-65). L'origine de cette spécialisation pourrait s'expliquer par le fait que les «traducteurs ont pris pour habitude, et ce depuis l'époque classique, de restituer ce pronom relatif non pas par le pronom relatif simple français, mais par un GN construit avec un déterminant défini ou démonstratif» (p.-63-64). Dans le premier chapitre de la deuxième partie, Goux explicite ses choix méthodologiques fondamentaux. Il justifie les limites temporelles de son étude (p.-71-72) et décrit un corpus textuel «comptant plus de neuf-cents occurrences, que nous avons analysées manuellement» (p.-71). L'auteur explique sa décision de ne pas se «diriger vers une étude relevant à proprement parler de la linguistique de corpus et de faire le choix de travailler ‹à l'ancienne›» (p.-78). Il argumente avec précision les désavantages de l'analyse automatique quand il s'agit d'étudier des relations syntaxiques au-delà du cadre de la phrase (p.- 80). En fait, même s'il opte pour se débarrasser de représentativité statistique dans son corpus afin «d'éclairer sa spécificité en diachronie au sein du système de la langue, et ce par une étude aussi précise que possible de ses emplois discursifs» (p.- 90), Goux réalise une combinaison méthodologique intéressante en se servant également du corpus PRESTO pour contraster quelques observations: une renonce à une méthodologie pure dont les résultats semblent très rentables du point de vue de la rigueur descriptive. L'attention à l'influence de la typologie textuelle, soit les genres et les séquences, est une autre décision méthodologique sans doute pertinente, voire indispensable. Comme l'auteur l'indique, «les grammairiens associent parfois l'emploi de lequel avec certains genres textuels» (p.-72), et, en effet, son analyse aboutit à relever des occurrences nombreuses de cette forme dans les textes narratifs et les textes d'idées, et moins nombreuses dans la correspondance, le théâtre, l'éloquence et la poésie. Les catégories textuelles retenues pour l'analyse prennent en compte cinq visées illocutoires empruntées à Adam et quatre fonctions du langage dominantes reprises des travaux de Jakobson, selon l'approche choisie par Combe (2002a 346 DOI 10.2357/ VOX-2021-019 Vox Romanica 80 (2021): 344-351 Besprechungen - Comptes rendus [1992]: 98) 1 (p.- 73-74). La répartition générique évoquée reprend d'ailleurs «les sous-titres des œuvres du temps». De cette façon, la catégorisation sélectionnée «traduit une esthétique de la réception à laquelle nous devons prêter attention dans la mesure où les grammairiens de l'époque classique commentent selon ce paramètre les relations entre lequel et ces genres discursifs» (p.-76). Mais d'autres facteurs sont considérés aussi, comme le style des auteurs et «des paramètres extralinguistiques qui pourraient, éventuellement, justifier ces disparités d'emploi: par exemple, le profil des auteurs, leur âge ou leur origine sociale» (p.-89). Cependant, Goux s'écarte explicitement de «tout ce qui pourrait relever d'une analyse sociolinguistique» 2 et opte par une approche stylistique de l'ensemble d'aspects qu'il considère pertinents pour la caractérisation complète du fonctionnement du pronom-déterminant. Les deux chapitres suivants de la deuxième partie se penchent sur l'étude syntaxique de lequel (qui comprend le recrutement de l'antécédent, la syntaxe interne de la subordonnée et la concurrence avec les pronoms relatifs simples) et sur l'étude des propriétés sémantiques et référentielles des antécédents des subordonnées relatives. Les occurrences de lequel direct et de lequel prépositionnel sont toujours étudiées séparément. L'analyse du comportement de lequel du point de vue syntaxique, sémantique et référentiel permet à l'auteur d'argumenter la mise en question de la désambigüisation du référent dans un énoncé univoque comme rôle fondamental de ce pronom-déterminant (p.-171). En revanche, l'étude sur corpus révèle que le recrutement de l'antécédent de lequel «se fait surtout par proximité» et que «son fonctionnement dépasse une problématique morphosyntaxique pour s'orienter vers des questions sémantiques». En effet, «lequel recrute le référent jouissant de meilleure identifiabilité dans l'esprit des locuteurs»: «il recrutera un antécédent animé humain en priorité, y compris dans les cas où un antécédent plus saillant syntaxiquement conviendrait à sa morphologie» (p.-172). Voilà la nature de la distinction entre lequel et les relatifs simples qui, «n'étant pas référentiels, sont des instruments de continuité n'exigeant aucun calcul spécifique dirigé vers 1 Combe, D. 2002a [1992]: Les genres littéraires, Paris, Hachette supérieur. 2 Le traitement des chiffres dans ce travail est, comme Goux l'affirme, très prudent: il évite d'assumer des présupposés des disciplines où la statistique joue un rôle capital, comme la linguistique de corpus ou la sociolinguistique, et de généraliser ses conclusions. Ses justifications peuvent sembler nécessaires, mais, l'option de Goux (de travailler «à l'ancienne») n'est pas si démodée. Kabatek (cf. Kabatek, J. 2014: «Lingüística empática», Rilce 30.3: 705-23) soutient le caractère potentiellement innovateur des méthodologies typiques de la linguistique diachronique romane actuelle, qui ont besoin de l'intuition et de l'analyse qualitative pour orienter les recherches à composante de plus en plus quantitative. D'autre part, dans ce domaine, le dépouillement exhaustif d'un corpus génériquement homogène ou des productions d'un locuteur en particulier, plutôt que l'emploi de vastes corpus mêlant plusieurs idiolectes et types de textes, est même considéré une condition méthodologique requise. C'est le cas de la méthode idiolectale (cf. Barra Jover, M. 2007: «S’il ne restait que l’induction: corpus, hypothèses diachroniques et la nature de la description grammaticale. Le tournant inductif dans les sciences du langage», Recherches Linguistiques de Vincennes 36: 89-121, Barra Jover, M. 2015: «Método y teoría del cambio lingüístico: argumentos en favor de un método idiolectal», in: J.M. García Martín/ T. Bastardín Candón/ M. Rivas Zancarrón (coord.), Actas del IX Congreso Internacional de Historia de la Lengua Española (Cádiz, 2012), Madrid/ / Frankfurt a. M., Iberoamericana/ Vervuert 1: 263-92) et du paradigme des traditions discursives (cf. Kabatek, J. 2018: Lingüística coseriana, lingüística histórica, tradiciones discursivas, Madrid/ Frankfurt a. M., Iberoamericana/ Vervuert). 347 DOI 10.2357/ VOX-2021-019 Vox Romanica 80 (2021): 344-351 Besprechungen - Comptes rendus l'antécédent». Comme Buridant (2000) et Dufter (2009) l'avaient déjà observé, Goux affirme que la proposition introduite par lequel «gagne à être analysée comme une proposition autonome» et réussit donc à définir le rôle spécifique de lequel dans un cadre transphrastique et lié à la dynamique informationnelle des énoncés (p.-173) où la fonction du pronom-déterminant, à la différence de celle des relatifs simples, se rapproche de celle d'une expression référentielle qui implique une interprétation qualitative des propriétés sémantiques de l'antécédent, qui seront réactivées pour «faciliter la compréhension de l'énoncé et articuler au mieux sa progression informationnelle» (p.-172). Dans le corpus, la proposition introduite par lequel est «quasiment toujours située la périphérie droite de la matrice, ce qui amène à interroger non seulement les relations entre les propositions, mais également l'organisation des constituants de la subordonnée et ses relations avec la matrice». D'ailleurs, plusieurs cas où un relatif simple et lequel ont le même antécédent sont relevés, «ce qui pose la question de la cooccurrence entre les différents pronoms» (p.-93). En raison de ces conclusions, la troisième partie aborde la dimension transphrastique du fonctionnement du pronom déterminant: «pour analyser le rôle de lequel en discours, il nous faut dépasser les structures phrastiques au profit d'une nouvelle unité d'analyse, susceptible de décrire les mécanismes textuels que nous avons rencontrés». Le cadre syntaxique identifié comme pertinent sera donc «l'unité discursive privilégiée des locuteurs du Grand Siècle, la période» (p.-177), et non pas la phrase. Goux montre que dans la période, unité autonome du point de vue textuel, avec l'action solidaire de la ponctuation et d'autres connecteurs, lequel «possède des rôles d'ouverture, de clôture ou de transition et est interprété comme un jalon essentiel quant à la construction du sens, puisque son emploi cadence la compréhension de l'énoncé en attirant l'attention du lecteur sur des centres d'intérêt successifs» (p.- 237). Le pronom-déterminant est ainsi classé comme un marqueur périodique qui «fait système avec d'autres marqueurs périodiques» et qui «agit sur un plan intermédiaire dans la construction de l'énoncé, entre les pronoms relatifs simples, qui sont des relais mémoriels, et les expressions démonstratives qui ont surtout un rôle de clôture» (p.-238). L'auteur étudie aussi le rôle informationnel des subordonnées relatives introduites par lequel à l'aune de la hiérarchisation du continuum textuel qu'elles assurent. Goux constate deux types d'effets: dans les textes à dominante narrative, elles créent une opposition entre narration et description ou premier plan/ second plan; d'un point de vue énonciatif, le pronom-déterminant permet de distinguer des plans différents, soit en introduisant du discours rapporté, soit en indiquant «que l'énonciateur quitte un instant son rôle dans la narration pour endosser celui d'un spécialiste» (p.-233). Comme nous l’avons mentionné plus haut, pour étudier la distribution des emplois de lequel en fonction des genres et des séquences textuelles et de la perception des locuteurs et des doctes de l'époque classique sur la présence de cette forme, Goux décide d'adopter «un angle stylistique» dans la quatrième partie du volume. La notion de style retenue, empruntée à Combe (2002b: 43) 3 , comprend des modes d'expression typiques d'un genre ou un sujet, d'un moment de l'histoire littéraire et d'un auteur (ou un personnage) (p.-243). Ces paramètres 3 Combe, D. 2002: «La stylistique des genres», Langue française 135: 33-49. 348 DOI 10.2357/ VOX-2021-019 Vox Romanica 80 (2021): 344-351 Besprechungen - Comptes rendus déterminent, bien entendu, les fréquences d'emploi croissantes et décroissantes que cette étude tient à expliquer. En premier lieu, Goux met en rapport l'abondance de lequel dans les genres du roman et du texte d'idées et dans les séquences narratives avec l'ampleur et la densité potentielle de ces formats: «[l]a construction périodique suppose effectivement un continuum textuel assez long et entortillé. Lequel permet ainsi de structurer efficacement les textes denses, mais devient inutile dans les énoncés plus réduits» (p.-247). L'auteur identifie également un lien entre l'emploi de lequel et la conception plus ou moins oralisée des textes «en opposant une lecture silencieuse et intériorisée et une lecture à voix haute» (p.-249-50). Ainsi, Le grand nombre d'occurrences dans les romans et textes d'idées d'une part, et leur absence quasi complète dans les pièces de théâtre, la poésie, les correspondances et les oraisons de l'autre, s'expliquerait par une opposition entre littérature écrite et littérature orale, la première ample et construite, la seconde resserrée et visant la simplicité (p.-255). Goux propose une troisième hypothèse, énonciative, à la lumière de l'une des fonctions décrites dans la troisième partie, selon laquelle le pronom-déterminant interviendrait davantage dans des genres discursifs qui n'ont pas pour vocation d'être interprétés de façon polyphonique, où il permet de baliser efficacement les différents tours de parole par son marquage linguistique. Au contraire, les genres qui jouent déjà sur une alternance entre différents énonciateurs n'auraient nul besoin d'un indice comme lequel puisqu'ils construiraient différemment leur hiérarchisation énonciative (p.-252). Dans les deux chapitres suivants, la valeur de lequel à l'époque classique est décrite comme une marque de latinité et comme une marque de littérarité. D'abord, Goux se sert maintenant de quelques travaux de traduction (la version latine du Discours de la méthode de Descartes et la version française de la Vie d'Alexandre de Vaugelas) pour illustrer la continuité entre le relatif de liaison latin et la fonction anaphorique de rappel de lequel, qui «prend le pas» sur sa fonction subordonnante et relative (p.-266). La traduction de Vaugelas montre que le choix de lequel en construction directe dans les contextes où il ne joue pas un rôle désambiguïsant (des tours latins comme les ablatifs absolus, après une ponctuation forte, etc.) s'impose malgré les prescriptions normatives de l'époque, voire celles de Vaugelas lui-même (p.- 271). Goux argumente donc l'existence d'un lequel de liaison français dont les emplois plus coordonnants que subordonnants seraient «influencés par les discours sur la langue latine et la reconnaissance de ce relatif de liaison qui, quae, quod» (p.-283). Il pense également que «la régression d'emploi de lequel a été favorisée par une distanciation des auteurs avec cette influence latine» (p.-284). Encore une fois, les nombreuses traductions composées au long du Grand Siècle «afin de plaire au goût du temps, quitte à s'éloigner de la conformité au texte original» (p.- 284) lui permettent de constater des options divergentes ou infidèles dans la version française du Don Quichotte d'Oudin, qui choisit parfois lequel dans des contextes où l'original espagnol présente une forme autre que son équivalent el cual. L'influence précise d'autres langues romanes mérite, comme Goux l'affirme, une étude plus approfondie. Dans le cas de l'espagnol, l'équi- 349 DOI 10.2357/ VOX-2021-019 Vox Romanica 80 (2021): 344-351 Besprechungen - Comptes rendus valent morphologique et, dans une grande mesure, fonctionnel 4 de lequel est également un élément soumis à la variation diachronique, diaphasique et idiolectale. Les études contrastives de la distribution des fréquences d'emploi du pronom-déterminant seraient, sans aucun doute, d'un grand intérêt. Si, dans le cas de la langue française, les recommandations de l'époque déconseillaient déjà la forme lequel, qui était vue comme «appartenant à un état ancien de la langue dont on cherchait à s'éloigner» (p.-287), les occurrences de la construction directe du pronom-déterminant dans les textes constituent évidemment des emplois atypiques ou marqués. Goux observe que lequel «se charge en effet d'une interprétation stylistique particulière en fonction du discours où nous le rencontrons, notamment dans les textes scientifiques ou juridiques qui entretiennent un rapport étroit avec la latinité» (p.- 289). Les occurrences du corpus montrent que «dès les premières années du XVII e siècle», lequel «se colore de propriétés stylistiques et s'associe à des parlers anciens et datés, latins ou médiévaux, et à des textes de spécialité, médicaux, juridiques ou religieux» (p.- 294). En même temps, ces interprétations stylistiques du pronom-déterminant «en font un introducteur d'hyperbate», soit «un introducteur d'ajouts qui prolonge le continuum textuel et en fait comme un ensemble illimité dans bornes finales clairement établies, toujours susceptible de se prolonger» (p.-299). Contraires donc au goût et aux prescriptions du Grand Siècle, ces emplois ont été parodiés «par les auteurs, qui le mettent dans la bouche de médecins ou de juges burlesques» (p.-299). La cinquième partie du volume est consacrée à une recension plus succincte des témoignages qui montrent la «marginalisation» (en discours, même métalinguistique) de lequel lors de la période moderne et sa renaissance à l'époque contemporaine. En ce qui concerne l'évolution moderne du pronom-déterminant, pour la période 1730-1830 Goux se sert de Frantext pour identifier déjà une évolution par rapport à la période classique (p.-307). Il reprend son explication, cohérente, basée sur les modifications qui ont lieu au sein des pratiques de l'écriture, où la période sera remplacée en tant qu'unité de référence: les locuteurs se concentrent progressivement sur l'expression d'une prédication principale du type [GN-GV] et intègrent dans celle-ci des structures jadis plus libres syntaxiquement. Ce phénomène, observé tout au long du Grand Siècle, a été décrit par Combettes (1998) dans son étude consacrée aux constructions détachées. Lequel, du moins dans ses fonctions directes et du fait de ses propriétés linguistiques, a été directement touché par ces évolutions. Son rôle enchaînant, proche d'un relatif de liaison et lié à la période, complexifie un sens qui devait à présent donner l'impression de sortir ‹d'un seul jet›. Il rentrait ce faisant en contradiction avec cette nouvelle conception du texte, et seuls les lequel prépositionnels, parce que leur force de liaison est moindre et parce qu'ils se moulent davantage dans le paradigme des pronoms relatifs simples, sont restés dans l'usage (p.-306). 4 Pons (2007: 275-77) décrit également l'origine latine de el cual, la relation de juxtaposition de la proposition introduite par cette expression et son rôle comme outil de cohésion référentielle (cf. Pons Rodríguez, L. 2007: «La qual çibdad: las relativas con antecedente adjunto del siglo XIII a hoy. Evolución de un procedimiento cohesivo», RJ 58: 275-305). 350 DOI 10.2357/ VOX-2021-019 Vox Romanica 80 (2021): 344-351 Besprechungen - Comptes rendus Enfin, un corpus de romans et de journaux contemporains permet à l'auteur d'illustrer une résurgence de lequel dans l'usage actuel qui «se départ de la langue classique de plusieurs façons» (p.-312). D'abord, les occurrences des emplois directs additifs après le point sont significatives dans le corpus journalistique utilisé, ce qui pourrait être interprété comme «un retour à une écriture périodique». Même si l'hypothèse ne se présente pas comme confirmée, Goux souligne qu'elle «avait été formulée, pour le français écrit non-normé, par Reichler-Beguelin (1988, p.- 40-43) et nous retrouvons certaines de ses caractéristiques dans la prose journalistique» (p.-315). En revanche, «lequel déterminant est peu rencontré dans ce corpus, tout comme il était déjà rare en français préclassique et classique» (p.-316): dans les textes journalistiques, on constate une préférence pour d'autres recours anaphoriques aux mêmes effets de sens, et dans les romans, on peut apprécier un effet archaïsant dans les exemples relevés. Pour finir, Goux identifie une fonction «de connivence» dans quelques occurrences du Canard enchaîné, qui serait absente dans d'autres publications à finalité plus objective, où «lequel, parmi d'autres indices et grâce à son balisage énonciatif, invite le lecteur à avoir un regard critique sur les événements» (p.-319). Il s'agit du rôle dans l'introduction d'un segment au discours rapporté que l'auteur avait déjà observé en français classique. L'intérêt de la problématique présentée dans cette étude invite sans doute à la lecture du volume et à la continuation des analyses. L’auteur prévoit déjà le besoin de comparer ces résultats avec ceux qu’on pourrait obtenir du dépouillement d’autres types de textes: «des textes non-littéraires, traités scientifiques ou juridiques [auxquels on peut ajouter les textes journalistiques du moins à partir du XVII e siècle]», ce qui «éclairerait plus précisément les phénomènes que nous avons mis au jour compte tenu de la rigueur d’écriture dont doivent faire preuve les auteurs» (p.-329). Le recours aux textes traduits constitue également l'un des atouts de ce travail. Si le contact interlinguistique est toujours un facteur à considérer quand il s'agit d'aborder les circonstances de l'évolution ou de la variation linguistique, la perspective contrastive est d'autant plus pertinente dans le cas de cette forme lequel, qui possède des équivalents dans d'autres langues romanes comme l'espagnol et l'italien, où l'origine latine et cultivée est constatée par plusieurs auteurs 5 et qui ont connu aussi une histoire de fréquences d'emploi croissantes et décroissantes. Une approche romane contribuerait probablement à préciser quelques particularités du fonctionnement et de la distribution des usages du pronom-déterminant. D'un autre côté, l'approche stylistique, rhétorique et textuelle retenue par Goux est efficace du point de vue descriptif, puisqu'elle prend en considération toute une variété de facteurs discursifs, énonciatifs et métalinguistiques indispensables pour la caractérisation complète des fonctions de lequel. Il serait intéressant de contraster cette perspective avec celle des modèles de la linguistique variationnelle d'origine coserienne retenus dans quelques études sur l'équivalent espagnol du pronom-déterminant, el cual 6 . Du point de vue des études gram- 5 Cf. Pons 2007, Pountain 2008 [Pountain, C. J. 2008: «Las distintas gramáticas de los relativos españoles», in: C. Company/ J.G. Moreno de Alba (ed.), Actas del VII Congreso Internacional de Historia de la Lengua Española, I, Madrid, Arco Libros: 967-979]. 6 Cf. notamment le modèle de Peter Koch et Wulf Oesterreicher [Koch, P./ Oesterreicher, W. 1990: Sprache in der Romania: Gesprochene Französisch, Italienisch, Spanisch, Tübingen, Niemeyer], appliqué par exemple par Pons (2007). 351 DOI 10.2357/ VOX-2021-020 Vox Romanica 80 (2021): 351-365 Besprechungen - Comptes rendus maticales, il est important de remarquer que la perspective transphrastique, une contribution majeure du travail de Goux, ne devrait pas concerner seulement la rhétorique et la stylistique, mais aussi la linguistique en général. Grâce à ce regard au-delà du cadre de la phrase et de l'immanence des formes grammaticales, Mathieu Goux a réussi à contester la remarque traditionnelle, souvent répétée sans critique, pour conclure que la spécialisation fonctionnelle de lequel «doit s’établir indépendamment d’une désambiguïsation de l’énoncé et de la ‹levée des équivoques›» (p.-323). Elena Carmona Yanes (Universidad de Sevilla) https: / / orcid.org/ 0000-0002-0427-2770 ★ Pietro G. Beltrami, Amori cortesi. Scritti sui trovatori, Firenze (Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Ezio Franceschini) 2020, xxxv + 800 p. (Collana Archivio Romanzo 37). Con i suoi oltre duemila testi conservati, la poesia trobadorica costituisce, per forme, temi e modalità espressive, uno dei più importanti elementi di novità del Medioevo romanzo. Datata ad un arco di tempo relativamente ristretto --tra il 1100 e il 1300 circa-- questa tradizione lirica ha avuto un impatto cruciale sulla letteratura occidentale, partecipando in maniera determinante alla costruzione di un immaginario e di un orizzonte di valori la cui eredità si è estesa ben oltre i confini cronologici del Medioevo. Non a caso, dunque, gli studi trobadorici hanno giocato un ruolo essenziale nella formalizzazione teorica e di metodo alle origini della filologia romanza, e hanno poi partecipato in maniera determinante al dibattito critico che, tra anni Sessanta e Ottanta del Novecento, ha prodotto rinnovamenti assolutamente cruciali tanto nel campo dell’interpretazione dei testi quanto nel campo dell’indagine filologica. Anche in ragione di un notevole affinamento degli strumenti di indagine e delle acquisizioni di natura erudita e prosopografica, nonché dell’aumento delle risorse disponibili on-line, negli ultimi trent’anni le ricerche dedicate ai trovatori sono state marcate da un evidente incremento del coefficiente ‘tecnico’. Il versante filologico-editoriale della disciplina, da sempre vivacissimo, ha abbastanza chiaramente preso il sopravvento sull’indirizzo critico-interpretativo; e l’abbondante produzione scientifica di natura strettamente specialistica non sembra, almeno al momento, bilanciata da contributi di carattere più generale e manualistico, in grado di presentare le nuove acquisizioni e i nuovi sviluppi di metodo degli studi occitanici ad un pubblico di non-specialisti 1 . 1 Questo testo è scaturito da una comunicazione al seminario di Filologia romanza della Fondazione Ezio Franceschini di Firenze («Gli Amori cortesi di Pietro Beltrami: filologia e interpretazione dei trovatori»), tenuta assieme a Stefano Asperti il 17 novembre 2020, e ne ricalca in larga parte la struttura. Colgo l’occasione per ringraziare gli organizzatori del seminario dell’invito. Per un’analisi, più dettagliata e da un punto di vista leggermente diverso da quello qui adottato, della situazione attuale degli studi occitanici, rimando al consuntivo proposto da Chambon, J.-P. 2010: «Développement et problèmes actuels des études occitanes», Comptes rendus des séances de