eJournals lendemains 45/177

lendemains
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Narr Verlag Tübingen
10.2357/ldm-2020-0002
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2020
45177

Introduction: Hétérolinguisme et traduction – concepts théoriques, mises en perspectives historiques, enjeux contemporains

2020
Judith Lamberty
Hans-Jürgen Lüsebrink
ldm451770005
DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 5 Dossier Judith Lamberty / Hans-Jürgen Lüsebrink (ed.) Écriture hétérolingue et traduction Introduction: Hétérolinguisme et traduction - concepts théoriques, mises en perspectives historiques, enjeux contemporains Approche théorique et mise en perspective historique Le terme ‚hétérolinguisme‘, créé au début des années 1990 par Rainier Grutman (Université d’Ottawa), est une notion qui vise à penser et à analyser „toute textualisation d’idiomes étrangers aussi bien que de variétés (sociales, régionales, historiques, …) de la langue auctoriale“ (Grutman 1996: 40, voir n. b. p.). L’hétérolinguisme concerne ainsi la mise en texte de „la variété“ et de „l’hétérogénéité langagière“ (Grutman 2019: 10). Cette définition met donc l’accent sur la présence de la diversité linguistique dans l’espace textuel et distingue ainsi fondamentalement l’hétérolinguisme d’autres notions comme le bilinguisme et le multilinguisme qui visent la co-présence de deux ou de plusieurs langues dans un espace politique et social. L’hétérolinguisme est intrinsèquement lié à des types de traduction qui peuvent prendre des formes très différentes: implicites ou explicites, par le biais de transpositions, de commentaires ou de paraphrases. L’hétérolinguisme et son corollaire, la traduction, ne sont toutefois pas des phénomènes récents; ils ont connu une longue tradition et sont assez répandus. Ils se manifestent, sous des formes multiples et chez des auteurs issus de contextes très divers, tant dans des œuvres littéraires anciennes que dans des textes contemporains. Ayant pris une toute nouvelle dimension avec l’invention de l’imprimerie et l’émergence et la diffusion de l’imprimé depuis la fin du XV e siècle, les écritures hétérolingues, avec les phénomènes de traduction qui leur sont consubstantiels, ont parcouru depuis les cinq siècles derniers une évolution au sein de laquelle on peut distinguer schématiquement quatre grandes périodes. D’abord la période prémoderne et prénationale des XVI e au XVIII e siècles, où des écritures hétérolingues, accompagnées de traductions, étaient liées à un double clivage: celui, d’une part, entre cultures lettrées et cultures populaires, recoupant le clivage, d’autre part, entre une (ou plusieurs) langues écrites et imprimées, pratiquées par les élites sociales, et de multiples langues et dialectes parlés. Les sociétés de l’Europe des XVI e au XVIII e siècles étaient ainsi foncièrement des sociétés multilingues où plusieurs langues écrites et parlées co-existaient (Haskins/ Sandrier 2007). Ce multilinguisme se manifeste entre autres dans la présence des patois et des langues régionales, par exemple dans le théâtre de Molière, et surtout chez les auteurs du Théâtre de la Foire, produisant autant de phénomènes hétérolingues. Et l’importance du français comme lingua franca des élites européennes entre la fin du XVII e et le début du XIX e 6 DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 Dossier siècle - parfois même, comme en Russie, encore pendant une bonne partie du XIX e siècle (Offord/ Rjéoutski/ Argent 2014, 2018) - a eu pour conséquence la co-présence de plusieurs cultures imprimées et lettrées sur un même territoire. L’allemand, le français et le latin qui occupa encore 28% du marché du livre en Allemagne en 1740 (Nies 2009: 71) y co-existèrent jusque dans les premières décennies du XVIII e siècle. Cette configuration engendra de multiples phénomènes d’interférences hétérolingues. On peut ainsi relever de nombreuses éditions bilingues de périodiques, mais aussi de feuilles volantes et d’ouvrages littéraires, comme par exemple le Courrier de Strasbourg / Strassburger Kurier (1790-93) ou le Patriotisches Wochenblatt / Feuille hebdomadaire patriotique (1789-90), publié également à Strasbourg. Il s’agissait de journaux bilingues publiés en deux langues sur la même feuille. 1 La période révolutionnaire et impériale représenta, dans l’espace germanophone mais aussi en Italie et dans d’autres aires culturelles européennes, la dernière période d’une forte présence du français qui eut pour conséquence une importante production d’imprimés en français hors de l’Hexagone, mais également l’apparition de multiples formes de bilinguisme, de code-switching et d’hétérolinguisme, tant dans la communication quotidienne et administrative que dans le monde de l’écrit et de l’imprimé. 2 On trouve également des écritures hétérolingues générées notamment par l’importance du français dans l’ensemble de l’aire culturelle et linguistique germanophone. L’écrivain et pédagogue allemand Johann Heinrich Campe publia ainsi en 1788 sa nouvelle version - une réécriture en allemand traduite en même temps en français - du Robinson Crusoe de Daniel Defoe sous le titre de Le Nouveau Robinson pour servir à l’amusement et l’instruction des enfans, en ajoutant comme soustitre: „Allemand et françois. A l’usage des deux nations“. Il s’agissait, en effet, d’une version en deux langues, destinée aux lecteurs allemands et français, mais aussi aux lecteurs, notamment allemands, qui maîtrisaient suffisamment le français pour le lire, mais qui avaient besoin, à l’occasion, de consulter la traduction allemande. Un autre cas de figure d’une écriture et d’une édition hétérolingues, également caractéristique pour le biet multilinguisme de l’Europe des XVII e et XVIII e siècles, est constitué par l’édition des Aventures de Telémaque de Fénelon, l’un des bestsellers de l’époque, publié d’abord en 1769 à Ulm, Frankfurt et Leipzig. La page de titre, en allemand et en français, semble annoncer une version bilingue du roman, mais en vérité il s’agit d’une édition en français accompagnée de nombreuses notes en allemand en bas de page. Celles-ci sont censées remplir, d’après la préface rédigée par Johann Ludwig Köhler, plusieurs fonctions: celle d’indiquer „en bas de chaque page la plus juste traduction en allemand de tous les mots & de toutes les phrases qui ont quelque difficulté, comme aussi les variations des façons de parler nettement dans la langue allemande“; puis celle d’une „interprétation précise des Gallicismes et des Manières de parler très singulières“; en troisième lieu celle d’ajouter des exemples pour „mieux connoître la nature, l’usage, l’emphase & la signification variante de ces mots et de ces phrases“; et, enfin, la fonction d’indiquer „les constructions particulières dont se servent les François“ (Fénélon 1773: 5). DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 7 Dossier L’émergence des États-Nations et l’hégémonie de ce modèle politique et culturel depuis la fin du XVIII e siècle a fait reculer partout en Europe le phénomène du multilinguisme, de même que les formes d’écriture qui y étaient associées. Les éléments hétérolingues intégrés dans un texte eurent désormais en premier lieu la fonction d’un ‚effet de réel ‘ (Barthes 1968), visant à rendre de manière plus adéquate, et certes indicielle et fragmentaire, une réalité sociale complexe, aussi sur le plan linguistique. Cette ambition se trouve en particulier dans le roman régionaliste qui prend un essor à partir de la fin du XIX e siècle, avec le mouvement de l’industrialisation et le recul des cultures populaires traditionnelles, mais également dans la littérature dite ‚réaliste‘ de l’époque, chez Theodor Storm en Allemagne et Émile Zola en France, par exemple. À une visée ‚réaliste‘ voulant donner une ‚couleur locale‘ crédible aux façons de parler des personnages littéraires s’est associé, à travers le recours à des éléments hétérolingues, la volonté de produire un effet exotique qui caractérise les littératures régionalistes, 3 mais aussi les littératures coloniales qui prendront un essor considérable, notamment en France, avec l’expansion des empires coloniaux après 1885. Dans leur roman La Randonnée de Samba Diouf (1922), l’un des grands bestsellers de la littérature coloniale française, les frères Jean et Jérôme Tharaud utilisent ainsi un certain nombre de mots et d’expressions tirés de langues africaines qui sont généralement expliqués et traduits, parfois dans les notes en bas de page - tels le mot „douran“ traduit par „Riz à l’arachide“ ou le mot „taparka“ traduit par „Sorte de massue pour repasser le linge“ (Tharaud 1922: 137, 309). Dans leur préface, rédigée par les deux auteurs mais formulée à la première personne, qui s’adresse à l’administrateur colonial André Demaison, qui était aussi un écrivain et un spécialiste des langues africaines, les frères Tharaud mettent en relief leur effort de rendre les réalités linguistiques africaines au moyen d’éléments hétérolingues épars et un effort (prétendu) de „traduction“: Je traduis mot pour mot ce qu’ils [„les Noirs“] disent. Si leurs langues sont souples et riches, et capables de rendre des nuances très subtiles, cela témoigne simplement que ces gens d’Afrique Occidentale ne sont pas du tout les brutes qu’une médiocre littérature coloniale se plaît à nous représenter. Un beau langage est un chef d’œuvre collectif et inconscient. Ces Noirs ne parleraient pas ainsi s’il n’y avait derrière eux une civilisation tout de même… (ibid.: 4). Les écritures hétérolingues contemporaines, et les phénomènes de traduction qui leur sont associés, sont marqués par de profondes transformations sociales, socioculturelles et médiatiques survenues depuis le milieu des années 1950; celles-ci sont liées aux processus de décolonisation, aux flux migratoires croissants, à la mise en cause - certes partielle et parfois fragile - du concept d’État-Nation et, enfin, à la nouvelle phase de la mondialisation qui a débuté au milieu des années 1980. Les phénomènes de transfert culturel et d’hybridation (ou de métissage) que ces transformations ont entraînés ont également conduit à de nouvelles formes d’écriture où l’hétérolinguisme joue un rôle important. Le présent dossier se propose de questionner en particulier - mais pas uniquement - cette dernière phase de l’évolution des 8 DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 Dossier écritures hétérolingues et de leurs rapports étroits avec la traduction. Celle-ci a conduit à de nouvelles conceptions et de nouvelles formes d’écriture littéraire, marquant une rupture délibérée avec le passé, dont l’apparition est particulièrement frappante dans le contexte des littératures postcoloniales. L’œuvre de nombre d’écrivains africains francophones depuis la fin des années 1960 paraît à cet égard emblématique: tels les romans de Yambo Ouologuem (Mali), de Patrick Chamoiseau (Martinique), d’Antonine Maillet (Québec/ Canada), de Boubacar Boris Diop (Sénégal), de Patrice Nganang (Cameroun), de Mehdi Charef (France/ Algérie) ou encore, et peut-être en premier lieu, ceux d’Ahmadou Kourouma (Côte d’Ivoire), ou encore des pièces de théâtre comme celles de Michel Tremblay (Québec). Ahmadou Kourouma a mis en lumière, dans un article programmatique intitulé „Écrire en français, penser dans sa langue maternelle“, publié en 1997, les enjeux résultant, sur le plan de son écriture littéraire, de la situation multilingue dans laquelle il exerce son métier d’écrivain. Il n’utilise ni le terme d’‚hybridité‘ ni celui d’‚écriture hétérolingue‘, mais ses réflexions rejoignent ces problématiques, et celle de la traduction, quand il écrit par exemple: Je dois repenser, reprendre et reconcevoir la fiction dans le français dans lequel elle doit être produite, soit ‚africaniser‘ le français pour que l’œuvre conserve l’essentiel de ses qualités. […]. Ce n’est pas par le seul lexique que l’écrivain peut ‚casser le français‘; la syntaxe de la langue de Molière doit être effleurée. […]. Je cherche à écrire le français tout en continuant à penser dans ma langue maternelle, le malinké. C’est une expérience qui, pour des peuples africains dont les langues ne sont pas écrites, constitue un moyen de libération intellectuelle (Kourouma 1997: 117-118). La ‚pratique de Kourouma‘ de l’écriture littéraire hybride et hétérolingue représente une des nombreuses voies explorées par des écrivain(e)s contemporain(e)s pour donner une expression aux nouveaux défis et enjeux générés par les transformations sociales, culturelles et médiatiques des dernières décennies. L’écrivain francoalgérien Mehdi Charef met en évidence, tout au long des 245 pages de son autobiographie Rue des Pâquerettes (2018) racontant la jeunesse de l’auteur, après son immigration en France, dans les bidonvilles de Nanterre, le fait que l’environnement langagier dans lequel son protagoniste vit est particulièrement multilingue (notamment arabe, français, berbère), avec une domination de l’arabe dont le lexique traverse le texte de cette autobiographie comme un palimpseste. Les mots et expressions en langue arabe sont expliqués dans un „Glossaire“ placé à la fin du roman, comportant une cinquantaine d’occurrences. La mise en parallèle de ce glossaire, qui donne l’illusion de pouvoir donner sans problème l’équivalent de mots arabes comme „El Hachma: la honte“, avec la présence de ces éléments hetérolingues dans le texte de l’autobiographie, amène une certaine complexité. La signification de ces éléments hétérolingues s’y révèle en effet à travers les situations de communication décrites, à travers aussi les commentaires du narrateur, mais laisse entrevoir en même temps une couche d’intransparence et d’intraduisibilité interculturelle. L’écrivaine germano-iranienne Nava Ebrahimi emprunte, pour sa part, encore une autre DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 9 Dossier voie, à la fois proche et très différente de celle de Kourouma et de celle de Charef, dans son roman Sechzehn Wörter (2019, „Seize mots“). En choisissant pour chacun des seize chapitres de son roman un mot ou une expression persans particulièrement chargés sémantiquement et parfois tabouisés dans l’espace public iranien, elle introduit un palimpseste hétérolingue dans son texte, qu’elle tente de traduire par les moyens de la narration et du commentaire. En même temps, elle montre l’intraduisibilité fondamentale de ce lexique en rejoignant par ce biais les positions et les approches théoriques de Barbara Cassin (1999) et sa vision des ‚intraduisibles‘, ainsi que celles de Kourouma et de nombreux autres auteurs contemporains. Hétérolinguisme et traduction Même s’il fait partie intégrante des littératures en général, l’hétérolinguisme se heurte toujours à l’idée selon laquelle les œuvres littéraires sont écrites dans une seule langue et s’adressent également à un public unilingue, une conception qui s’est installée dans le monde littéraire depuis les débuts de l’ère des nationalismes à la fin du XVIII e siècle. Comme le souligne Gisèle Sapiro, au cours de cette période, l’„identification entre langue, nation et pays […] s’est opérée dans le monde éditorial (au détriment des langues régionales et d’immigration)“ (Sapiro 2009: 297; souligné par l’auteur). À la diversité linguistique n’est par conséquent réservée qu’une moindre place. Cependant, depuis la seconde moitié du XX e siècle, la présence des langues étrangères au sein d’un texte littéraire unique a commencé à être prise en compte par les instances littéraires. Malgré cette évolution, la norme du monolinguisme, dominante pendant le siècle précédent, a néanmoins encore des répercussions importantes aujourd’hui, auxquelles s’ajoute le fait que les marchés du livre soient encore généralement structurés selon une langue, ce qui pose encore aujourd’hui le problème des limites de la transgression des frontières linguistiques dans un texte littéraire - qu’il s’agisse des œuvres littéraires ou de leurs traductions (cf. Lennon 2010, Yildiz 2012, Gramling 2016). Dans ce contexte de la persistante prédominance implicite du texte unilingue et de son lecteur monolingue - que Yasemin Yildiz qualifie de „postmonolingual condition“ (Yildiz 2012: 4-5) - les auteurs, mais aussi les traducteurs, qui veulent écrire ou traduire un texte hétérolingue, oscillent entre l’hétérogénéité et l’homogénéité linguistique: si les écrivains, face à la norme de l’unilinguisme, sont encore enclins, dans leur majorité, à réduire l’hétérolinguisme à un minimum possible ou du moins à accompagner de leurs traductions certains éléments textuels pour faciliter la lisibilité du texte pour le public, Antoine Berman constate dans les années 1980 que les traducteurs, quant à eux, ont, face à des textes littéraires hétérolingues, „tendance à homogénéiser ce qui est de l’ordre du divers“ (Berman 1999: 60, cité dans Grutman 2012: 61). 4 10 DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 Dossier Création hétérolingue et traductions intratextuelles La mise en œuvre des traductions à l’intérieur des textes littéraires hétérolingues est un choix important auquel est confronté tout auteur écrivant dans plus d’une langue: si l’accompagnement des traductions des mots, expressions ou phrases en langue étrangère dans une œuvre littéraire facilite la lecture du lecteur, ce dernier est, dans le cas de l’absence de ces explications, amené à déchiffrer lui-même le sens des éléments étrangers auquel il est confronté pendant sa lecture. Le maniement des traductions intratextuelles peut donc être fort variable, comme le démontrent les deux exemples suivants. Publié en 1999, Tsubaki est le premier roman en français de l’auteur Aki Shimazaki, écrivaine d’origine japonaise qui, depuis la fin des années 1990, vit, travaille et publie au Québec. Dans ce court roman est racontée l’histoire d’une femme qui a survécu à l’explosion de la bombe atomique pendant son enfance au Japon. Inspirée par la création littéraire d’Agota Kristof, qui, depuis son émigration de la Hongrie vers la Suisse, a écrit directement en français, Aki Shimazaki a choisi de rédiger son premier roman dans la langue qu’elle était encore „en train d’apprendre“ (Shimazaki citée dans Amyot 2007: 45). Toutefois, dans Tsubaki, comme dans tous ses romans ultérieurs, sa langue maternelle, le japonais, resurgit sous forme de mots et d’expressions disséminés à la surface du texte. Ces mots japonais, qui se limitent dans chacun de ses romans à une dizaine, parfois une vingtaine d’occurrences, donnent à son œuvre, comme certains critiques le soulignent, „une touche d’exotisme“ (Doyen 2015). Dans tous les romans de Shimazaki, ces mots en japonais, dont la présence est renforcée par le fait qu’ils sont toujours mis en italique, sont accompagnés de leurs traductions en français, qui font l’objet d’un glossaire en fin d’ouvrage. Ces traductions facilitent la lecture pour le lecteur francophone non familier de la langue japonaise, qui apprend ainsi, entre autres, que Tsubaki, titre du roman, signifie „camélia“ en français. Le roman de l’auteure Aki Shimazaki est donc caractérisé par la présence d’une quantité modérée de mots en japonais, dont des traductions sont fournies au lecteur. Avec cette caractéristique, ce roman répond aux critères que Theodor Elwert considérait déjà, dans les années 1960, comme essentiels pour définir un texte littéraire traversé par plusieurs langues respectant la convention du monolinguisme: afin que le public visé monolingue soit mis en capacité de lire un texte littéraire hétérolingue, il faut que „l’élément étranger est [soit] très réduit, limité à quelques mots ou à un bout de phrase“ et, de plus, qu’il soit „immédiatement suivi de la [sa] traduction ou d’une explication“ (Elwert 1960: 422). De par la façon dont la diversité linguistique est insérée dans Tsubaki, ce roman constitue un bon exemple de ce que Brian Lennon désigne comme une faible forme de l’hétérolinguisme („weak plurilingualism“, Lennon 2010: 17-18). Or, les textes hétérolingues de nos jours ne se caractérisent pas toujours par une faible quantité de mots en langues étrangères intégrés et par la présence de traductions de ces éléments étrangers. On en trouve une illustration dans Le fou d’Omar, roman d’Abla Farhoud, écrivaine et dramaturge née au Liban qui vit au Québec, racontant l’histoire DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 11 Dossier de Radwan, un jeune homme atteint d’une maladie mentale, et de sa famille d’origine libanaise qui vit à Montréal. Écrit en langue française, ce roman constitue un bon exemple pour ce que Lennon définit sous le terme de „strong plurilingualism“ (ibid.) et il se situe, en tant que tel, en opposition par rapport à la norme du monolinguisme. En effet, si la langue française demeure la langue principale du texte, ce dernier est traversé par des mots, des phrases et parfois de longs passages en français québécois, en anglais, en arabe ou en italien, qui bien souvent apparaissent sans être accompagnés d’une traduction. Contrairement à Tsubaki, Le fou d’Omar se distingue donc par la non-traduction de ses éléments en langue étrangère ce qui demande une plus grande activité du lecteur: il faut que ce dernier traduise lui-même, et le lecteur devient donc traducteur (ibid.: 76). La traduction des œuvres hétérolingues La comparaison des œuvres de Shimazaki et de Farhoud démontre que les textes littéraires qui sont écrits dans plus d’une langue peuvent être considérés comme ‚hétérolingues‘ à des degrés plus ou moins prononcés. De plus, la confrontation de ces deux romans souligne toute l’importance de l’existence, voire de la non-existence, de la traduction à l’intérieur des œuvres hétérolingues. Or, quels effets l’existence ou non de la traduction à l’intérieur des textes hétérolingues peut-elle avoir sur la traduction même des oeuvres? Selon Brian Lennon, des œuvres caractérisées par une grande quantité d’éléments linguistiques étrangers non-expliqués au lecteur ont une faible probabilité d’être traduites: „[…] strong plurilingualism is today found exclusively in books published by independent publishing houses not oriented in this way to translation“ (ibid.: 9). Rebecca Walkowitz, dans son ouvrage Born translated, semble parvenir à une conclusion semblable lorsqu’elle écrit que des œuvres hétérolingues exigeant un lecteur-traducteur „are born untranslatable in the sense that they do not travel well and in fact often resist it“ (Walkowitz 2015: 33). Les deux exemples de romans mentionnés ci-dessus semblent bien confirmer cette thèse: si Tsubaki est traduit dans plusieurs langues (e. a. en anglais et en allemand), le roman Le fou d’Omar, quant à lui, n’existe que dans sa version originale française. L’hétérolinguisme, et plus particulièrement la façon dont les éléments linguistiques étrangers sont intégrés dans une œuvre littéraire, semble alors influencer, réduire, voire exclure sa possibilité d’être traduite, car la présence de plus d’une langue à l’intérieur du texte pose de véritables défis à ceux qui veulent transposer un tel texte dans une autre langue. S’il existe cependant des traducteurs qui font face à ce défi, on peut observer que leurs façons de le relever varient considérablement. Dans son article „Traduire l’hétérolinguisme: questions conceptuelles et (con)textuelles“, Rainier Grutman identifie et explique quatre stratégies majeures de traduction de l’hétérolinguisme: a) l’„effacement“, b) la „non-traduction“, c) la „restitution“ et d) le „déplacement“. Les traducteurs, face à un texte hétérolingue, optent encore aujourd’hui, dans leur majorité, pour la suppression de l’hétérolinguisme du texte 12 DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 Dossier source en traduisant ses éléments hétérogènes („effacement“), mais d’autres refusent de traduire ces éléments et préfèrent les redonner tels quels dans le texte traduit („non-traduction“). À côté de ces deux voies clairement opposées, les traducteurs peuvent en outre choisir de reprendre les éléments hétérolingues mais en les accompagnant d’une traduction dans la langue dans laquelle elle/ il traduit („restitution“), ou encore préférer trouver un équivalent qui assumerait la même fonction dans le texte traduit que celle que l’élément hétérolingue exerçait dans le texte source („déplacement“) (Grutman 2012: 57-65). Comme le souligne Grutman, ce choix de l’une de ces stratégies au détriment des autres dépend de „l’ouverture culturelle du traducteur“ et de l’horizon d’attente du public pour lequel ce dernier traduit (ibid.: 59). Le roman ru de Kim Thúy, publié en 2009, et ses nombreuses traductions constituent une excellente illustration de ces différentes stratégies utilisées par les traducteurs pour traduire l’hétérolinguisme dans les œuvres littéraires. Ce premier roman de l’écrivaine québécoise d’origine vietnamienne, dans lequel sont racontées les expériences d’une jeune femme vietnamienne pendant et après son immigration au Québec, est rapidement devenu un bestseller et a remporté de nombreux prix littéraires au Québec et aussi en France. Suite à son succès sur le marché du livre francophone, il fut très vite traduit dans plus de vingt-cinq langues. L’hétérolinguisme de ce roman, qui est toutefois, selon la définition de Lennon, assez faible, c’est-àdire limité à quelques mots et expressions en vietnamien et en anglais, est annoncé dès la couverture, à travers son titre „ru“: [ry], ou faut-il plutôt le prononcer [ru]? - la question se pose immédiatement au lecteur. Des informations supplémentaires concernant la signification de ce petit mot précèdent le roman: En français, ru signifie „petit ruisseau“ et, au figuré, „écoulement (de larmes, de sang, d’argent)“ (Le Robert historique). En vietnamien, ru signifie „berceuse“, „bercer“ (Thúy 2009: 7). Ce titre ne constitue donc pas une simple juxtaposition, mais il est un véritable mélange de deux langues, le français et le vietnamien; il est ainsi à la fois étranger et hétérolingue, voire doublement hétérolingue en lui-même. En raison de son caractère hétérolingue, ce titre suscite non seulement une interrogation chez les lecteurs, mais il constitue aussi un défi pour les nombreux traducteurs qui ont cherché des moyens pour transposer son caractère hétérolingue dans une, voire dans plusieurs autres langues. Ils ont opté pour des stratégies de traduction très diverses: en 2010, l’éditeur italien nottetempo a publié la version italophone de ru sous le titre de Riva. La traductrice italienne Cinzia Poli et l’éditeur nottetempo ont donc décidé d’effacer ici complètement l’hétérolinguisme en donnant au roman un titre italien. La traductrice anglaise Sheila Fischman, deux ans plus tard, a choisi, elle, un autre chemin: sa traduction anglaise - primée par ailleurs à plusieurs reprises - est parue sous le titre non-traduit de Ru et garde donc toute l’étrangeté du titre, même si son ambiguïté, résultant du mélange entre le vietnamien et le français, est probablement moins perceptible pour le lecteur anglophone que pour le lecteur francophone. Cependant, étant donné que le caractère hybride du titre original est expliqué en DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 13 Dossier exergue, l’hétérolinguisme est toutefois restitué. En ce qui concerne la traduction allemande, les traductrices Andrea Alvermann et Brigitte Große n’ont choisi ni la traduction directe d’une des significations du titre ni la reprise du titre original, mais elles ont formulé un nouveau titre, Der Klang der Fremde (que l’on peut re-traduire en français par „le son de l’étranger“). Ainsi, ces traductrices déplacent l’étrangeté du niveau du signifiant vers celui du contenu: même si le caractère hétérolingue du titre source se perd ainsi, elles ont cherché à exprimer l’étrangeté du titre original dans leur traduction. Les contributions du dossier Les contributions qui suivent sont le fruit de deux rencontres organisées à l’Université de la Sarre: La journée d’étude intitulée „Écriture hétérolingue & traduction“ qui a eu lieu le 8 février 2019 a réuni des chercheuses et chercheurs venus d’Allemagne, du Sénégal et de Russie. Les contributions présentées pendant ce colloque, qui pour la plupart se trouvent intégrées dans ce dossier, ont porté sur les caractéristiques des œuvres hétérolingues produites dans des contextes divers, sur la dimension de la traduction inscrite dans tels textes littéraires, sur les différents défis rencontrés et sur les stratégies choisies par les traducteurs face à des œuvres traversées par plusieurs langues. La variété des contributions rend compte du fait que le sujet peut être abordé sous des angles très divers. Les discussions vives et fructueuses pendant cette journée d’étude nous ont par la suite amenés à inviter le philosophe Souleymane Bachir Diagne, qui est venu à Sarrebruck le 29 et 30 mai 2019 5 pour partager ses idées concernant „la pensée de langue à langue“ et sa vision de la problématique de la traduction. Ses réflexions, présentées lors de sa conférence, et les réponses qu’il a données ultérieurement à nos questions lors d’un entretien sont placées l’une au début et l’autre à la fin de ce dossier, et elles encadrent ainsi les articles issus de la journée d’étude. Dans l’article „Philosophie africaine, traduction et hétéroglossie“, avec lequel s’ouvre le dossier, Souleymane Bachir Diagne (Columbia University, New York) fait un plaidoyer pour l’écriture philosophique dans des langues africaines, c’est-à-dire dans des langues qui, selon la pensée colonialiste, étaient supposées être incapables d’exprimer des pensées philosophiques. Diagne déconstruit cette vision des langues africaines comme des langues imparfaites ou incomplètes et soutient l’idée que la tâche des philosophes africains est de „(re)faire des langues africaines des langues de création et de science“. Selon lui, cette entreprise demande aux philosophes africains d’explorer la situation hétéroglossique de leur contexte de production, de penser „de langue à langue“, et donc de traduire. Et il parvient à la conclusion que „s’il y a une langue par excellence de la philosophie, […] c’est la traduction“. Ibrahima Diagne (Université Cheikh Anta Diop, Dakar) entame ses réflexions par une interrogation sur „la dimension traductive“ des textes hétérolingues et montre que le dialogue entre les langues est régi par des processus de traduction. Dans la suite de sa contribution intitulée „Africanisme, interférence, diglossie, hétérolinguisme 14 DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 Dossier etc.: comment saisir les traductions dans les littératures africaines“, il effectue un survol chronologique de la présence de l’hétérolinguisme dans les littératures de l’Afrique subsaharienne. Ce survol lui permet d’observer que le „français petit nègre“, présent dans les littératures africaines des années 1930 et 1940, fut ensuite remplacé par l’insertion d’„africanismes“, d’expressions et de mots africains, par les auteurs de la première génération de la Négritude (Léopold Sédar Senghor, Birago Diop, Aimé Césaire), soucieux d’affirmer leur identité culturelle et linguistique face la domination de la culture occidentale dans leurs textes littéraires. Si les œuvres publiées ensuite dans les années 1960 et 1970 par la seconde génération d’auteurs (Ahmadou Kourouma, Ousmane Sembène) se voient caractérisées par leur utilisation d’interférences - de „tournures propres aux variations du français parlé en Afrique“ - au niveau du lexique, de la syntaxe et de la sémantique, les auteurs de la troisième génération (Sony Labou Tansi) publiant entre les années 1970 et 1990 choisissent, eux, de recourir plutôt à des jeux inventifs avec ‚l’entre-leslangues‘, n’hésitant pas à réinventer des mots et à créer des néologismes. Quant aux écrivains de la quatrième génération, ceux de la fin des années 1990 du début des années 2000 (Calixthe Beyala, Patrice Nganang, Jean-Marie Adiaffi, Alain Mabanckou), ils „dévoilent une multiplicité d’appartenances culturelles“, „une esthétique transculturelle“, pour reprendre les propos de l’auteur de la contribution, et mettent en œuvre un hétérolinguisme caractérisé par la pluralité de langues ayant marqué leurs vies. Placée après cette vue d’ensemble de l’histoire de l’hétérolinguisme dans des littératures africaines, la dernière partie de l’article d’Ibrahima Diagne met en lumière les défis auxquels les traducteurs doivent faire face confrontés à la traduction des textes littéraires traversés par plusieurs langues. L’article „L’hétérolinguisme comme articulation entre le roman et les genres populaires dans Mbaam Dictateur de Cheik Aliou Ndao“ d’Ibrahima Diouf (Université Cheikh Anta Diop, Dakar) s’articule avec la contribution précédente en présentant une analyse de l’hétérolinguisme dans l’œuvre d’un auteur africain faisant partie de la troisième génération. Mbaam Dictateur (1997) de Cheik Aliou Ndao, écrivain d’origine sénégalaise, est une œuvre écrite originairement en wolof, mais qui, pour des raisons économiques, a été par la suite adaptée en français; une contrainte qui se reflète, comme le montre l’auteur de la contribution, dans des stratégies particulières de traduction du texte. Ibrahima Diouf interroge l’hétérolinguisme tant au niveau du paratexte qu’au niveau du texte. Ses analyses montrent que la cohabitation des deux langues dans le texte de Ndao lui permet de véhiculer ensemble deux imaginaires - un imaginaire occidental et un imaginaire africain - ce qui entraîne une „instabilité générique“: ni roman ni conte, l’œuvre de Ndao échappe ainsi en effet à toute classification dans un genre précis. Dans son article „Traduire les éléments hétérolingues dans le roman francophone africain: fonction contextuelle et rôle du skopos“, Edmond Kembou (Université de la Sarre) s’intéresse à des textes littéraires hétérolingues produits dans le contexte camerounais. Partant d’abord de l’idée que les œuvres hétérolingues sont „le reflet des sociétés dans lesquelles elles sont produites“, l’auteur focalise son attention sur DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 15 Dossier le processus de traduction de ces romans hétérolingues, et plus précisément sur les différents défis posés aux traducteurs lors des différentes étapes du processus de traduction que constituent la compréhension, le transfert et la (re)production. Selon Kembou, le skopos - la finalité de la traduction prédéfinie par celui qui traduit - et la fonction contextuelle - la prise en compte dans le processus de traduction du „rôle que joue un élément hétérolingue dans son contexte immédiat“ - constituent les bases régissant la traduction d’une œuvre hétérolingue et déterminant les stratégies de traduction développées par les traducteurs face aux éléments hétérolingues dans le texte source. Le skopos et la fonction contextuelle, ainsi que les effets engendrés par ceux-ci concernant la traduction, sont illustrés à travers l’analyse du roman Temps de chien de l’auteur camerounais Patrice Nganang (2001/ 2003) et de sa traduction allemande (2003). Elena Galtsova (Université d’État des sciences humaines de Russie, Moscou) s’intéresse, dans son article intitulé „L’hétérolinguisme dans les Notes écrites dans un souterrain de Dostoïevski et ses traductions françaises“, également aux stratégies choisies par les traducteurs pour transposer (ou non) l’hétérolinguisme du texte source dans le texte cible. En prenant l’exemple des Notes écrites dans un souterrain (1864) de Dostoïevski, récit en russe caractérisé par la présence de la langue française, l’auteure étudie des parties du texte comprenant des éléments hétérolingues et les confronte à leurs passages équivalents dans cinq traductions françaises parues entre les années 1920 et aujourd’hui. Ses analyses révèlent que les éléments français dans le texte original russe tendent à se perdre dans les traductions: en raison du fait que ces éléments n’ont pas besoin d’être traduits ou expliqués dans un texte français adressé à un lecteur francophone, les traducteurs choisissent simplement de „souligner formellement l’hétérolinguisme“ en mettant en exergue cet élément par des guillemets ou par une note de bas de page, plutôt que d’essayer de le ré-insérer dans leurs traductions. La contribution de Svetlana Čečović (National Research University Higher School of Economics, Moscou) - „Une approche du transculturalisme. Négociations identitaire et langagière chez deux écrivaines françaises d’origine iranienne: Chahdortt Djavann et Maryam Madjidi“ - est centrée sur l’étude de la représentation du bilinguisme dans deux romans contemporains: en confrontant et en analysant Comment peut-on être français ? (2006) de Chahdortt Djavann et Marx et la poupée (2017) de Maryam Madjidi, l’auteur étudie la „transition linguistique complexe“ des deux protagonistes, des jeunes femmes d’origine iranienne ayant émigré en France. Son analyse des rapports à la langue persane et à la langue française de ces deux personnages conduit Svetlana Čečović à une réflexion théorique sur l’écriture des écrivains bilingues, sur l’orientalisme ainsi que sur le paradigme de la transculture. Le dossier se clôt avec l’entretien mené avec Souleymane Bachir Diagne portant le titre „Universalité de la traduction et intraduisibilité“. Débutant par une réflexion de Souleymane Bachir Diagne à propos de sa propre expérience de l’écriture en plusieurs langues, du passage d’une langue à l’autre et de la traduction, la discussion s’est orientée vers la question des enjeux propres concernant la publication des 16 DOI 10.2357/ ldm-2020-0002 Dossier œuvres hétérolingues, ainsi que vers l’interrogation de concepts comme „l’intraduisible“, la „diversité“, l’„universalité“, l’„universalisme“, l’„interculturel“ et la „transculturalité“. Cette grande diversité des sujets témoigne bien du fait que la réflexion sur l’hétérolinguisme, sur sa fonction et sur celle de sa traduction, constituent un vaste champ de recherches ouvrant sur des questionnements de première importance, non seulement pour les études littéraires et culturelles, mais aussi pour d’autres disciplines comme notamment la philosophie et la traductologie. 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Isabelle Laboulais, Hans-Jürgen Lüsebrink). 2 Cf. sur ce point en particulier la thèse pionnière de Paye 2013. 3 Cf. sur ce point Thiesse et Boivin/ Lüsebrink/ Walter 2014. 4 De même, quelques années plus tard, Madeleine Stratford, spécialiste de la traduction et du multilinguisme littéraire, constate que „la pratique homogénéisante“ est encore une stratégie „populaire“ chez les traducteurs (Stratford 2008: 464). 5 L’organisation de la journée d’étude et l’invitation de Souleymane Bachir Diagne ont été possibles grâce au soutien du groupe international de formation à la recherche „IRTG Diversity“ des universités de Trier, Saarbrücken et Montréal, une École Doctorale Internationale subventionnée par la Deutsche Forschungsmeinschaft (DFG) et le Conseil de Recherche en Sciences Sociales du Canada (CRSH) auxquels nous aimerions adresser nos vifs remerciements.