eJournals Oeuvres et Critiques 48/1

Oeuvres et Critiques
0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
10.24053/OeC-2023-0002
2023
481

Marie-Catherine d’Aulnoy : ses contes et leur prolifique héritage en Europe

2023
Anne E. Duggan
1 Voir Julie L. J. Koehler, « Navigating the Patriarchy in Variants of ‘The Bee and the Orange Tree’ by German Women », Marvels & Tales 35.2 (2021) : 252-270 ; et Shawn C. Jarvis, «-Monkey Tales-: D’Aulnoy and Unger Explore Descartes, Rousseau, and the Animal-Human Divide-», Marvels & Tales 35.2 (2021)-: 271-289. Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe Anne E. Duggan Wayne State University Selon Le Petit Robert , « prolifique » veut dire « Qui se multiplie rapidement » et « Qui produit beaucoup ». Au moment de la mode des contes de fées, Marie-Ca‐ therine d’Aulnoy se révèle une conteuse « prolifique », publiant vingt-quatre contes de fées, répartis sur quatre tomes, en deux ans (1697-98). Henriette Julie de Murat publie seize contes de fées (douze entre 1697-99 et quatre en 1708), Charles Perrault n’en publie que dix - onze si l’on considère « Grisélidis » un conte et non une nouvelle - une production quand même supérieure à celle de Charlotte-Rose de La Force (huit contes), Marie-Jeanne L’Héritier (cinq contes) et Catherine Bernard (deux contes). D’Aulnoy a certainement « produit beaucoup », et cette profusion concerne aussi l’héritage de ses contes au dix-huitième et au dix-neuvième siècles en France, en Grande-Bretagne et en pays allemands. En effet, ses contes «-se multiplient rapidement-» à travers l’Europe. Dès 1699 ses contes sont traduits en anglais ; à partir de 1733 certains recueils de ses contes paraissent sous le sobriquet de Mother Bunch ou de Queen Mab, sans autre attribution. Dans ces collections, on peut parfois retrouver des contes du chevalier de Mailly, de Murat ou de Louise d’Auneuil, ce qui montre combien l’œuvre de d’Aulnoy était populaire : tout conte associé avec les siens attire le public et se vend bien. Son impact dans les pays allemands est aussi important. De récentes études de Shawn Jarvis et Julie Koehler traitent la question des réécritures des contes de d’Aulnoy de la part des écrivaines allemandes telles que Friederike Helene Unger, Jeannette Hassenpflug et Karoline Stahl 1 . Tout comme dans le cas des recueils de contes de Mother Bunch et de Queen Mab, ce prolifique héritage des contes de d’Aulnoy en pays allemands demeure souvent Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 2 Antoine Hamilton, Les Quatre Facardins , ed. Georges May, Paris, Desjonquères, 2001, p.-34-35. non attribué. Cette étude a donc pour but de rendre visible l’étendue de l’impact des contes de d’Aulnoy sur le conte de fées européen en suivant l’histoire des publications et des adaptations de ses contes. En fin de compte, loin de disparaître après la vogue des contes de fées des années 1690s, les contes de d’Aulnoy se prolifèrent, prenant de nouvelles formes en traversant les frontières nationales et génériques. 1. D’Aulnoy au dix-huitième siècle A l’époque des Lumières, les romans de d’Aulnoy sont aussi populaires que ses recueils de contes. L’Histoire d’Hypolite, comte de Duglas (1690) a eu au moins trente-sept éditions au dix-huitième siècle, un roman qui a continué de jouir du statut de best-seller bien après sa parution en 1690 (voir Table 1). En tout, les ouvrages de d’Aulnoy - à part la publication des contes individuels - ont été republiés au moins quatre-vingt-dix fois au cours du dix-huitième siècle, ce qui illustre qu’elle est toujours considérée une auteure de réputation importante. Ses recueils de contes, publiés en 1697 et 1698, ont été réédités une vingtaine de fois et dix-huit parmi ses vingt-cinq contes de fées - c’est-à-dire 70 % de son corpus - ont été publiés sous forme de livre de colportage au dix-huitième siècle (voir Table 2). Bien que la vogue orientaliste influence de nombreux textes à l’époque des Lumières, les contes de d’Aulnoy continuent d’influer sur le champ littéraire, souvent sous des formes parodiques. Dans Les Quatre Facardins (1730), ouvrage posthume d’Antoine Hamilton (c. 1646-1719), le narrateur situe son histoire dans le sillage de Télémaque de François Fénelon, du « Rameau d’or » et de « L’Oiseau bleu » de d’Aulnoy et des Mille et une nuits d’Antoine Galland 2 . Un autre ouvrage posthume, cette fois-ci de la main de Claude-Anne de Caylus, Tout vient à point qui peut attendre ; ou Cadichon, suivi de Jeannette ; ou l’indiscrétion : contes (1775), porte le sous-titre Pour servir de Supplément aux Contes des Fées de Madame d’Aulnoy . Ces exemples démontrent que les contes et le nom de d’Aulnoy continuent de servir de références fondamentales pour les auteurs qui se mêlent du genre. Dans sa préface à Trois nouveaux contes de fées (1735), Catherine de Lintot (1728-1816), explique qu’elle marche « sur les traces de Madame d’Aulnoy, de M. Perault [sic], et de plusieurs Ecrivains illustres »; mais plus tard elle constate qu’elle a pris « Madame d’Aulnoy pour modèle » et qu’elle serait « extrêmement 12 Anne E. Duggan Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 3 Catherine de Lintot, Trois nouveaux contes de fées , Paris, Didot, 1735, p. iv, v. 4 Ibid. , p.-17. 5 Marie-Catherine d’Aulnoy, Contes I , introd. Jacques Barchilon, éd. Philippe Hourcade, 1697, Paris, Société des Textes Français Modernes, 1997, p.-15-16. 6 Lintot, p.-19. 7 Aulnoy, Contes I , p.-15-; Lintot p.-19. flattée » si l’on se rend compte de cette relation entre ses contes et ceux de sa prédécesseuse 3 . Cette influence est bien évidente dans son conte « Timandre et Bleuette », qui représente une réécriture de « L’île de la Félicité », d’une part ; et de « L’Oiseau bleu », de l’autre, avec un clin d’œil à « Gracieuse et Percinet ». Le prince Timandre est séduit par un billet galant venant de la part d’une princesse inconnue. Pour atteindre le château de cette inconnue, Timandre « traversa les airs pendant quatre heures », porté par des mouches, qui le posent dans un beau jardin 4 , ce qui fait penser au Prince Adolphe de d’Aulnoy, qui est porté par Zéphir à l’île de la princesse Félicité. L’île de la Félicité se caractérise par une « pluie [qui] sentait la fleur d’orange » et par des « jets d’eau [qui] s’élevaient jusqu’aux nues » 5 ; chez Lintot, le prince apprécie l’ « eau claire, fraîche et pure [qui] sortoit de plusieurs fontaines . . . des palissades de jasmins, de grenades et de fleurs d’oranges ». 6 Les deux princes trouvent que c’est un lieu ou un séjour « enchanté » 7 . Lintot intègre des éléments aussi de « L’Oiseau bleu » : la princesse inconnue s’appelle, ironiquement, « Gracieuse » (c’est une sorte d’ « anti-Gracieuse ») et pousse Timandre à l’épouser sans qu’il puisse voir son visage ; quand elle révèle son visage laid, c’est trop tard. Répugné par sa laideur et se rendant compte de la tromperie de Gracieuse, Timandre la rejette et elle le transforme en papillon. Cet épisode fait penser au Prince Charmant de « L’Oiseau bleu » qui est trompé par Truitonne (déguisée comme Florine, la «-vraie-» bien aimée du prince) et est métamorphosé en oiseau bleu pour avoir refusé de respecter, dans ce cas, la promesse de mariage avec Truitonne. Tout comme Lintot rend hommage à son modèle dans « Timandre et Bleu‐ ette », ainsi le poète allemand Christoph Martin Wieland (1733-1813) honore la conteuse avec de nombreuses références à ses contes dans Don Sylvio von Rosalva , publié en allemand en 1764. Madame d’Ussieux, la femme de l’écrivain et journaliste Louis d’Ussieux (1744-1805), collaborait avec son mari sur des traductions et celle de Don Sylvio est signée de son nom. En 1770, elle produit Le Nouveau Don Quichotte, imité de l’Allemand de M. Wieland (4 tomes), texte qui constitue plus tard le trente-sixième tome du Cabinet des fées de Charles-Joseph Mayer (1785-89). Chez d’Aulnoy, les contes sont interpolés dans un récit-cadre qui est une nouvelle espagnole (le cas des Contes des fées ) ou qui évoque l’histoire de Don Quichotte (comme dans le cas des Contes nouveaux, ou les fées à la Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 13 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 8 Le récit-cadre des Contes des fées s’intitule « Don Gabriel Ponce de Léon » ; celui des Contes nouveaux mélange des éléments de Don Quichotte de Cervantes et du Bourgeois Gentilhomme de Molière. 9 Alain Montandon, «-Le merveilleux dans le Don Sylvio de Wieland-», Etudes Germani‐ ques 2.306 (2022), p.-167. 10 Madame d’Ussieux, Le Nouveau Don Quichotte, Imité de l’Allemand de M. Wieland , 3 tomes, Paris, Fetil, 1770, tome 1 p.-17. 11 « By 1740 at least thirty-six editions of Mme d’Aulnoy’s work had been published in England ». C’est moi qui traduis. Voir Melvin D. Palmer, « Madame d’Aulnoy in England-», Comparative Literature XXVII.3 (1975), p.-238. 12 Voir Anne E. Duggan, « Introduction : The Emergence of the Classic Fairy-Tale Tradition », dans Anne E. Duggan, dir., A Cultural History of Fairy Tales in the Long Eighteenth Century , London, Bloomsbury, 2021, p.-4-5. mode ) 8 . Dans le cas de Wieland, la distinction entre le récit-cadre (une nouvelle espagnole) et les contes se brouillent, le héros confondant la réalité et le monde de l’imaginaire. Les références féeriques chez Wieland - et par conséquent, chez d’Ussieux - viennent avant tout des contes de d’Aulnoy : Alain Montandon a identifié des références à « vingt contes de Madame d’Aulnoy » par rapport à cinq contes de Murat, deux contes d’Antoine Hamilton et des références à Crébillon fils, à Charles Duclos et aux Mille et une nuits ; mais d’Aulnoy est « l’autrice la plus citée » 9 . Dès le début du texte, Don Silvio « concevoit aisément comment la noix de Babiole pouvoit opérer des choses merveilleuses. Il ne trouvoit pas impossible que la pièce de toile de quatre cens aunes, repliée six fois, passât par le trou de la plus fine éguille [sic], ni qu’elle eût été tirée d’un grain d’orge par l’amant de la Chatte blanche » 10 . Dans les premières vingt pages, le narrateur invoque « Babiole », « La Chatte blanche », « La Grenouille bienfaisante », « Le Serpentin vert », et « Le Mouton ». En effet, les contes de d’Aulnoy circulent au dix-huitième siècle dans des recueils de contes et des livres de colportage et nourrissent aussi de nouveaux contes, souvent ironiques, montrant le fait que ses contes demeurent pertinents en France - et en pays allemands - à l’époque des Lumières. Ses ouvrages ont eu un accueil favorable en Grande-Bretagne aussi. Selon Melvin D. Palmer, « Dès 1740 au moins trente-six éditions des ouvrages de Madame d’Aulnoy ont été publiés en Angleterre » 11 . Au cours du dix-huitième siècle, j’ai pu répertorier dix-huit éditions en anglais de ses contes - sans compter ses romans influents - souvent sous le sobriquet « Mother Bunch » et «-Queen Mab-» 12 . En revanche, j’ai trouvé quatorze collections des contes de Perrault publiées en anglais à la même époque. Comme le nom de Perrault est plus célèbre que celui de d’Aulnoy aujourd’hui, on a tendance à présumer que c’était toujours le cas. En étudiant l’histoire de leurs publications respectives, il 14 Anne E. Duggan Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 13 « A longstanding scholarly consensus holds that German translations of Madame d’Aulnoy’s fairy tales did not appear until the second half of the eighteenth century . . . But this dominant narrative needs to be revised in light of the book that I would like to introduce in this post: a German translation of the first eight tales from Les Contes des fées, published in Nuremberg in 170 ». Voir Volker Schröder, « The First German translation of Les Contes des fées », Anecdota, https: / / anecdota.princeton.edu/ archive s/ 1961. Site consulté le 24 octobre 2022. 14 Voir Ruth B. Bottigheimer, « Fairy Tales », dans Encyclopedia of German Literature , édité par M. Konzett, New York, Taylor and Francis, 2000, p.-267-270. est clair que les ouvrages de d’Aulnoy étaient aussi sinon plus populaires que ceux de Perrault. Les contes de d’Aulnoy ont eu un impact important en pays allemands aussi et ont été traduits dès le début du dix-huitième siècle. Selon Volker Schröder, « Un consensus scientifique de longue date soutient que les traductions allemandes des contes de fées de Madame d’Aulnoy ne sont apparues que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle . . . Mais ce récit dominant demande à être révisé à la lumière du livre que je voudrais présenter dans ce poste : une traduction allemande des huit premiers contes des Contes des fées , publiée à Nuremberg en 1702 » 13 . Ce « consensus » est basé sur l’idée que les lecteurs et lectrices privilégiés en pays allemands pouvaient lire les contes de d’Aulnoy en français et donc n’avaient pas besoin de traductions. L’importance des recherches de Schröder réside dans la découverte que ses contes circulaient en allemand aussi bien qu’en français dans les pays de langue allemande dès le début du dix-huitième siècle. Donc ses contes atteignaient un public plus large que l’on ne le supposait jusqu’alors. Une soixantaine d’années plus tard, Friedrich Immanuel Bierling a traduit et publié le Cabinet der Feen (Nuremberg, 1761-65), qui consiste de neuf tomes et soixante-douze contes français de d’Aulnoy, Murat, L’Héritier et La Force, parmi d’autres. De 1790 à 1797 Justin Bertuch a publié à Gotha Blaue Bibliothek aller Nationen qu’il a modelé sur la Bibliothèque bleue française avec des contes de d’Aulnoy, de Perrault et des contes orientaux 14 . En examinant l’histoire de la publication des œuvres de d’Aulnoy en pays allemands, ses contes étaient particulièrement populaires dans les années 1760s et 1790s (voir Table 3). 2. Les conteuses allemandes et d’Aulnoy La popularité des contes de d’Aulnoy en pays allemands est évidente quand on considère l’impact de la conteuse française sur les écrivaines comme Benedikte Naubert et Friederike Helene Unger et les conteuses-informantes des Grimms comme Jeannette Hassenfplug et Ludovica Brentano Jordis. Selon Shawn Jarvis, Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 15 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 15 « Benedikte Naubert knew . . . tales from the French tradition (she makes overt refe‐ rences in Vellada , for example, to Madame d’Aulnoy) ». Shawn Jarvis, « The Vanished Woman of Great Influence : Benedikte Naubert’s Legacy and German Women’s Fairy Tales-», In the Shadow of Olympus : German Women Writers around 1800 , éd. Katherine Goodman et Edith Waldstein, Albany, SUNY Press, 1992, p.-197. 16 Voir Koehler, « Women Writers », p. 190 et Marzolph, p. 306 et 309 (cité dans Koehler). 17 Voir les annotations d’Ulrich Marzolph dans son édition de Feen-Mährchen Hildesheim : Georg Olms, 2000, p.-308-310. 18 Voir Jeannine Blackwell, « German Fairy Tales, A User’s Manual : Translations of Six Frames and Fragments by Romantic Women », Marvels & Tales 14.1 (2002), p. 117 ; et Jack Zipes, trad. et éd., The Complete Fairy Tales of the Brothers Grimm , New York, Bantham, 2003, p.-746. Naubert « connaissait . . . les contes de la tradition française (elle fait ouverte‐ ment référence à Madame d’Aulnoy, par exemple, dans Vellada ) » 15 . Selon les spécialistes des contes allemands, le recueil anonyme intitulé Feen-Mährchen (Contes de fées, 1801) est l’ouvrage d’une femme qui connaissait bien l’œuvre de d’Aulnoy : un tiers des contes de son recueil sont marqués par l’influence de la conteuse française 16 . Par exemple, son conte « Der Reisenwald » (« La forêt géante ») se révèle une adaptation de « L’Oranger et l’abeille ». Dans la version d’Anonyme, l’ogresse porte le nom de «-Tertulla-» au lieu de «-Tourmentine-», Aimée devient Aurore, et Aimé s’appelle Friedrich 17 . Jeannine Blackwell fournit un exemple qui illustre bien le fait que les contes de d’Aulnoy sont entrés dans la tradition orale allemande. Vers 1792 ou 1793, Maxmiliane von La Roche Brentano a raconté une histoire à sa fille de cinq ou six ans, Ludovica Brentano Jordis ; l’histoire s’avère être une version bien raccourcie de «-La Grenouille bienfaisante-» de d’Aulnoy. Le 31 mai 1814, Brentano Jordis a oralement communiqué à Jacob et Wilhelm Grimm le conte, qui inclut une scène de décapitation - celle d’un lion - une scène qui fait penser aussi à un autre conte de d’Aulnoy, « La Chatte blanche », où la décapitation s’emploie comme l’instrument du renversement de la métamorphose en animal 18 . Les frères l’ont publié dans l’édition de 1815 de leur Kinder- und Hausmärchen ( Contes de l’enfance et du foyer ), mais ils ont éliminé le conte - trop proche du conte français - dans l’édition de 1819. Un autre conte inspiré de d’Aulnoy a rencontré le même destin. Selon Koehler, Jeannette Hassenpflug a raconté « Der Okerlo » (qui signifie « ogre » ou « croquemitaine »), une version de « L’Oranger et l’abeille », aux Grimms ; Hassenpflug a retenu la scène où l’ogre (ici, le « cannibale ») a envie de manger le prince mais l’héroïne le trompe et fuit avec le prince grâce aux bottes de sept lieues et une baguette magique. Les frères l’ont inclus dans la première édition de leurs contes en 1812 mais ont décidé de l’éliminer pour l’édition de 16 Anne E. Duggan Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 19 Voir Koehler, «-Patriarchy-» p.-252 et Zipes, The Complete Fairy Tales , p.-744. 20 Sur le conte de Stahl, voir Koehler «-Patriarchy-» p.-252 et p.-257-258. 21 Voir la Table 1 dans Koehler « Patriarchy » p. 262 pour une comparaison entre le conte de d’Aulnoy et les versions allemandes. 22 Par rapport aux contes collectés par les Grimms des familles Brentano, Droste-Hülshoff Hassenpflug, Haxthausen et Wild, Blackwell explique : « Certains d’entre eux [des contes] viennent en effet des contes de fées livresques qui ont été absorbés dans la culture orale, comme c’est le cas dans la traduction suivante [la version allemande de « Finette-Cendron »] » (« Some of these were actually from book fairy tales that had submerged in oral culture, as is the case in the following translation » ; p. 84). Sur la notion de « folklorisation » du conte littéraire, voir Charlotte Trinquet du Lys, « On the Literary Origins of Folkloric Fairy Tales : A Comparison between Madame d’Aulnoy’s ‘Finette Cendron’ and Frank Bourisaw’s ‘Belle-Finette’ », Marvels & Tales 21.1 (2007)-: p.-37-38. 1819 19 . Évidemment, les Allemand.e.s aimaient bien « L’Oranger et l’abeille », qui a vu une troisième adaptation en 1818 de Karoline Stahl, intitulé « Der Pomeranzenbaum und die Biene », ou « L’Oranger amer et l’abeille », un conte qui a paru dans sa collection Fabelen Mährchen, und Erzählungen für Kinder (Fables, contes de fées et histoires pour enfants). 20 Comme le signale Koehler, dans les trois versions allemandes d’Anonyme, Hassenpflug et Stahl, c’est le prince qui se transforme en abeille et la princesse en pêchier, rosier ou oranger 21 . Un autre conte que les Grimms ont collecté vers 1818 mais qu’ils n’ont jamais publié s’intitule «-Schöneblume, Fienetchen und Leiseöhrchen-» («-Belle-Fleur, Finette, et Fine oreille »). C’est un conte qui vient de la part de Ludowine von Haxthausen, une femme d’une famille aristocratique, et qui est une adaptation de « Finette-Cendron » de d’Aulnoy. En effet, von Haxthausen maintient la riva‐ lité des sœurs tout en intégrant des moments de solidarité, notamment quand il s’agit de tuer les ogres. Blackwell considère cette version de « Finette-Cendron » une « folklorisation » d’un conte de d’Aulnoy - c’est-à-dire, l’adaptation au milieu oral d’un conte littéraire - ce qui révèle l’étendue de l’impact des contes de d’Aulnoy en pays allemands au dix-huitième et dix-neuvième siècles 22 . 3. D’Aulnoy sur scène au dix-neuvième siècle Les contes de d’Aulnoy ont vu de nombreuses adaptations théâtrales en France et en Grande-Bretagne. Dans la première décennie du dix-neuvième siècle, le journaliste et dramaturge Michel-Nicolas Balisson de Rougemont a adapté « L’Oiseau bleu » à la scène en mars 1803 au Théâtre des Jeunes Artistes, donnant le rôle du héros éponyme à Arlequin dans le plus pur style pantomime. Rival du célèbre dramaturge René-Charles Guilbert de Pixérécourt, Jean-Guillaume-Au‐ gustin Cuvelier de Trie a mis en scène « Le Nain jaune » qui a eu sa première le Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 17 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 17 janvier 1804 au célèbre Théâtre de la Gaïté. Le dramaturge prolifique Antoine Simonnin a collaboré avec le poète et chansonnier Nicolas Brazier sur deux adaptations des contes de d’Aulnoy : La Belle aux cheveux d’or : mélodrame-féerie en trois actes (1806) et Gracieuse et Percinet, mélodrame-féerie en trois actes (1806). Les deux pièces ont été montées au Théâtre des Nouveaux troubadours, dirigé par l’acteur Lebel, qui jouait souvent « des rôles importants dans les féeries » 23 . Le Théâtre Séraphin, un théâtre d’ombres et de marionnettes, a mis en scène « Le Nain jaune », « Le Rameau d’or », « L’Oiseau bleu » et « La Belle aux cheveux d’or-» dans les années 1830 et 1840 24 . Bien que « L’Oiseau bleu », « La Biche au bois » et « La Belle aux cheveux d’or » soient des féeries populaires au dix-neuvième siècle, c’est avec l’adaptation de « La Chatte Blanche » par Théodore et Hippolyte Cogniard que la féerie-vaudeville atteint son sommet. La Chatte Blanche : pièce en vingt-deux tableaux, précédée de La Roche noire, prologue a été créée au Cirque national en 1852 et a été montée au Théâtre National cette même année. Pour la concevoir, les Cogniard ont combiné des éléments de deux contes de d’Aulnoy : « La Chatte blanche », concernant une princesse métamorphosée en chatte ; et « Belle-Belle, ou le chevalier Fortuné », une histoire d’une fille noble travestie en soldat 25 . Une féerie populaire, elle a été renouvelée en 1869 au Théâtre de la Gaïté et en 1887 au Théâtre du Châtelet. Dans son compte rendu de la représentation de 1869, Charles Monselet a écrit dans Le Monde illustré- : Vous me direz que ce sont toujours les mêmes ballets, toujours les mêmes décors . . . toujours les mêmes femmes nues suspendues dans les airs, toujours les mêmes rois livrés aux mêmes plaisanteries, toujours les mêmes fées scandant leur démarche de la même baguette d’or, toujours le même écuyer poltron, toujours les mêmes diables cabriolant . . . mais que voulez-vous que je vous dise? ce n’est plus toujours le même public ; ce sont des spectateurs qui remplacent d’autres spectateurs ; c’est mon fils, c’est le vôtre qui écarquillent les yeux là où j’ai écarquillé les miens 26 . Ses propos témoignent de la popularité répandue de cette adaptation théâtrale du conte de d’Aulnoy qui a été effectivement commémorée, en 1888, dans 18 Anne E. Duggan 23 Emile Abraham, Les acteurs et les actrices de Paris: biographie complète. Paris, Michel Lévy frères, 1861, p.-94. 24 Pour des adaptations au Théâtre Séraphin de « La Belle aux cheveux d’or » et « Le Nain jaune », voir Feu Séraphin: Histoire de ce spectacle. Depuis son origine jusqu’à sa disparition, 1776-1870 , Lyon, N. Scheuring, 1875. 25 Pour une analyse de la féerie par rapport à ces deux contes de d’Aulnoy, voir Anne E. Duggan, « Gender, Class, and Human/ Non-Human Fluidity in Théodore and Hippolyte Cogniards’ féerie , The White Cat -», Open Cultural Studies , 5 (2021), p.-208-220. 26 Charles Monselet, Le Monde illustré, journal hebdomadaire. 21 août 1869, p.-126. Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 l’histoire de la photographie : La Chatte Blanche est la première pièce à être photographiée. 27 Les adaptations théâtrales de ses contes de fées sont encore plus populaires en Grande-Bretagne au dix-neuvième siècle, grâce en partie au succès des « extravaganzas » ( vaudeville-féeries ) de James Robinson Planché (1796-1880) 28 . De 1800 à 1829, il y a eu environ sept adaptations des contes de d’Aulnoy à la scène anglaise. Planché commence à produire des extravaganzas - la plupart basés sur les contes de d’Aulnoy - à partir de 1842, et entre 1842 et la fin du siècle, il y a eu au moins cinquante-six adaptations théâtrales en Grande Bretagne des contes de d’Aulnoy. Un dramaturge à grand succès, Planché a monté quatorze pièces basées sur les histoires de la conteuse, notamment : « La Chatte blanche » (1842), « Belle-Belle, ou le chevalier Fortuné » (1843), « La Belle aux cheveux d’or » (1843-44), « Gracieuse et Percinet » (1844-45), « L’Oranger et l’abeille » (1845-46), « Le Prince Lutin » (1846-47), « Le Rameau d’or » (1847-48), « La Princesse Rosette » (1848-49), « Le Serpentin vert » (1849-50), « L’Oiseau bleu » (1851), « La Grenouille bienfaisante » (1851), « La Biche au bois » (1851-52), « La Princesse Carpillon » (1853-54), et « Le Nain jaune » (1855). En général, la première de ses extravaganzas avait lieu « boxing day », le lendemain de Noël, et les pièces connaissaient de nombreuses représentations, entre quarante et quatre-vingt et jusqu’à 135 représentations dans le cas de son adaptation du «-Serpentin vert-» intitulée The Island of Jewels   29 . Certains contes étaient particulièrement populaires. « Le Nain jaune » a été adapté dès 1807 et a vu plusieurs adaptations de la part de Charles Westmacott (1820), Charles Farley (1821), Inconnu (1829), G. D. Pitt (1847), T. L. Greenwood (1851), Planché (1854-55), Inconnu (1865), H. J. Byron (1869), J. W. Shenton (1876), R. Reece (1878), G. W. Browne (1879), Frank Hall (1880), Robert Reece et Alfred Thompson (1883), T. F. Doyle (1888), George Conquest et H. Spry (1897), J. H. Woolfe (1897) et John Henderson (1898). Jennifer Schacker témoigne de la popularité du personnage du Nain jaune, constatant que « le Nain jaune est devenu partie d’un répertoire flexible de personnages de pantomime - faisant Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 19 27 Il s’agit de la première pièce photographiée à l’intérieur, au Théâtre du Châtelet. Sur La Chatte Blanche et la photographie, voir G. Mareschal, « La photographie au théâtre », La Nature 16 (1888), p. 93-94 ; et Beatriz Pichel, « Reading Photography in French Nineteenth Century Journals-». Media History 25.92 (2018), p.-1-19. 28 Sur Planché et ses « extravaganzas », voir Paul Buczkowski, « J. R. Planché, Frederick Robson, and the Fairy Extravaganza-», Marvels & Tales 15.1 (2001), p.-42-65. 29 Pour une liste non-exhaustive des contes adaptés au théâtre en anglais au dix-neuvième siècle en Grande Bretagne et aux États-Unis et le nombre de représentations, voir « D’Aulnoy Theatrical Adaptations English, 1800-1900 », https: / / www.debunking-myt hs-about-fairytales.com/ #. Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 des apparitions dans des productions qui n’avaient que peu ou pas de lien avec le conte de d’Aulnoy » 30 . En effet, le personnage est devenu si populaire qu’il se détache du corpus de d’Aulnoy pour devenir un personnage type sur la scène anglaise au dix-neuvième siècle. « La Chatte blanche » représente un autre conte qui a été adapté fréquemment à la scène, la version de Planché étant parmi les plus célèbres. De plus, les féeries anglaises ont traversé l’océan pour être montées sur scène à New York, avec une cinquantaine de représentations entre 1843 et la fin du siècle 31 . Les dramaturges anglais ont adapté les contes « rococos » de d’Aulnoy au public de l’époque victorienne, jouant sur des références anglaises et contem‐ poraines 32 . Par exemple, dans son adaptation du « Rameau d’or », Planché donne au héros Torticoli et à l’héroïne Trognon des noms du folklore anglais : ils deviennent le Prince Humpy et la Princesse Dumpy, noms inspirés de la comptine « Humpty Dumpty » et qui évoquent - tout comme « Torticoli » et « Trognon » - l’aspect monstrueux des personnages 33 . Francis Cowley Burnand donne un nom similaire au nain de sa version de « La Chatte blanche » : il s’appelle Humpi Dumpi. Dans Fortunio and His Seven Gifted Servants , une adaptation de « Belle-Belle, ou le chevalier Fortuné », le héros (joué par une actrice) mentionne les dompteurs de lion célèbres à l’époque, Isaac Van Amburgh et James ( John) Carter. Jeffrey Richards énumère les nombreuses références contemporaines que l’on retrouve dans ces pièces : « The Invisible Prince (1846) contient des références au télescope de Lord Rosse, perfectionné en 1845 . . . Fortunio and His Seven Gifted Servants (1843) se réfère à . . . Duff Gordon Sherry-» 34 . Il ne s’agit pas seulement des références à la culture populaire mais aussi à la politique. Richards insiste que « The Invisible Prince représente une 20 Anne E. Duggan 30 Schacker explique : « the Yellow Dwarf was to become part of a flexible repertoire of pantomime characters—making appearances in productions that have little or no association with d’Aulnoy’s tale » (p. 126). Jennifer Schacker, Staging Fairyland : Folklore, Children’s Entertainment, and Nineteenth-Century Pantomime , Detroit, Wayne State University Press, 2018. 31 Pour une liste non-exhaustive des contes adaptés au théâtre aux États-Unis et le nombre de représentations, voir «-D’Aulnoy Theatrical Adaptations English, 1800-1900-», https: / / www.debunking-myths-about-fairytales.com/ #. 32 J’emprunte ici la notion de « rococo » à Allison Stedman, qui considère les contes de d’Aulnoy et Henriette-Julie de Murat comme faisant partie de ce qu’elle appelle « la fiction rococo ». Voir Allison Stedman, Rococo Fiction in France, 1600-1715 : Seditious Frivolity, Lewisburg, Bucknell University Press, 2013. 33 « Humpy » suggère que le héros est « bossu », et « Dumpy » insinue que l’héroïne est mal formée. 34 Jeffrey Richards, The Golden Age of Pantomime : Slapstick, Spectacle and Subversion in Victorian England , London, I. B. Tauris, 2015, p.-115. Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 version à peine voilée de l’actualité espagnole », tandis que « The King of the Peacocks (1848) s’ouvre avec une référence directe à la Révolution de 1848 et l’expulsion de la monarchie française-» 35 . Les contes de d’Aulnoy jouissaient d’une présence importante dans la culture populaire en France et en Grande Bretagne, évidente non seulement dans les nombreuses publications de ses ouvrages mais aussi dans la multitude des adaptations et performances théâtrales à Paris, Londres et New York. L’aspect burlesque de ses contes aristocratiques leur donne une certaine souplesse qui facilite leur adaptation à la scène pantomime qui déborde de parodies et de jeux de mots 36 . Le succès de ses contes dans toutes leurs formes est ressenti aussi dans le domaine de la publicité, où les histoires de d’Aulnoy ont été déployées pour vendre des produits sous la forme des chromolithographies. 4. Les contes de d’Aulnoy et la pub Le premier grand magasin parisien, Le Bon Marché, a innové le secteur publi‐ citaire avec son usage des « chromos » que les client.e.s pouvaient collecter à chaque fois qu’elles et ils venaient faire des achats. L’invention de la chro‐ molithographie, qui produisait des images en couleur à un prix accessible, a révolutionné le domaine de la publicité au dix-neuvième siècle 37 . Le Bon Marché a profité de cette nouvelle technologie pour élargir leur base de clientèle, et à partir des années 1870s et 1880s, Le Bon Marché et Chocolat Poulain, parmi d’autres compagnies, utilisent des contes de fées - surtout les histoires de d’Aulnoy et de Perrault - pour vendre leurs produits. Dans le cas du Bon Marché et du Chocolat Poulain, chacun a adapté quatre contes de d’Aulnoy, cinq contes de Perrault, et un conte de L’Héritier. Les deux compagnies ont traduit en forme de chromo presque les mêmes contes, Le Bon Marché adaptant « La Belle aux cheveux d’or », « La Biche au bois », « L’Oiseau bleu », « Le Nain jaune », « Peau d’âne », « Le Chat botté », « Cendrillon », « La Belle au bois dormant », « Les Souhaits ridicules » et « Finette ou l’Adroite princesse » ; et Chocolat Poulain utilisant « La Belle aux cheveux d’or », « La Biche au bois », « L’Oiseau bleu », « La Chatte blanche», « Peau d’âne », « Le Chat botté », « Cendrillon », « La Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 21 35 Richards, The Golden Age of Pantomime , p.-91 et 116. 36 Veronica Bonanni a montré à quel point Collodi s’est inspiré de l’aspect comique, parodique, des contes de d’Aulnoy dans son étude « L’ Oiseau bleu et L’ Uccello turchino . Collodi traducteur d’Aulnoy-», Féeries 9 (2012), p.-251-265. 37 Sur l’histoire de la chromolithographie, voir Laura Kalba, Color in the Age of Impressio‐ nism: Commerce, Technology, and Art , University Park, PA, Penn State University Press, 2017 ; et Emily Cormack, Commercial Ephemera at the fin-de-siècle: A Study of Au Bon Marché Chromos , MA Thesis, Bard College, US, 2018. Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 38 Aulnoy, Contes II p.-94. 39 Ibid. , p.-95. Belle au bois dormant », « Barbe bleue» et « Finette ou l’Adroite princesse ». Souvent les contes étaient sérialisés pour obliger les client.e.s de revenir au magasin ou d’acheter encore du chocolat pour pouvoir assembler tout le récit des contes comme « La Belle aux cheveux d’or », « L’Oiseau bleu », « La Biche au bois », « Le Nain jaune », ou « La Chatte blanche ». Comme cette liste suggère, les contes de d’Aulnoy déployés pour vendre des produits étaient souvent les mêmes contes qui servaient d’inspiration aux plus célèbres féeries-vaudevilles. Une chromo non-sérialisée de « La Biche au bois » produite par Le Bon Marché (c. 1890s) effectue quelques modifications qui minimisent le pouvoir féminin du conte source. Chez d’Aulnoy, c’est la reine qui demande aux bonnes fées de protéger sa fille du sort jeté par une méchante fée qui la condamne si jamais elle voit le jour avant d’avoir quinze ans ; les bonnes fées construisent un palais « sans portes ni fenêtres » avec une entrée souterraine pour protéger la princesse 38 . Quand ses quinze ans approchent, c’est aussi la reine qui la fait peindre, et qui envoie son portrait dans « les plus grandes cours de l’univers » 39 . Par contre, dans la chromo produite par le Bon Marché, c’est le roi qui fait construire une tour (ce qui fait penser à « Persinette » de La Force ou « Raiponce » des Grimms), et c’est le roi qui fait faire le portrait et qui l’envoie « à tous les rois voisins » (voir figure 1). Bien sûr, les producteurs de chromos modifient le conte original pour l’adapter à la forme des chromos, mais parfois ils respectent mieux l’esprit de l’original. 22 Anne E. Duggan Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 Figure 1 : Chromo de « La Biche au bois » fabriquée par Le Bon Marché c. 1890s. Collection personnelle de l’auteure. Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 23 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 40 Voir Pearl Michel, « Sucreries et friandises: quand la gourmandise s’émancipe du péché-», Romantisme 186 (4), p.-26. Parfois les chromos semblent évoquer les adaptations théâtrales de ces contes. Par exemple, dans la version de « La Belle aux cheveux d’or » produite par Chocolat Poulain, la mort du roi - le premier époux de l’héroïne éponyme - est représentée tout à fait comme une scène théâtrale, avec des rideaux derrière le corps allongé par terre, et le mouvement des deux femmes qui descendent l’escalier (figure 2). La conclusion du conte n’enlève pas le pouvoir à l’héroïne : la Belle aux cheveux d’or libère le prince et lui explique « qu’elle le trouvait le seul digne de régner avec elle et elle lui offrit sa main derechef » (figure 3). A la fin de cette adaptation chromo, l’héroïne ne renonce pas au trône en prenant le prince pour son époux. Quelles que soient les modifications effectuées aux contes de d’Aulnoy, la prolifération de ses contes sous forme de chromos - et Poulain, par exemple, fabriquait environ 350.000 chromos par jour 40 - révèle le fait que d’Aulnoy continue de faire pleinement partie de la culture populaire jusqu’à la fin du dix-neuvième siècle. Figure 2 : La mort du roi dans « La Belle aux cheveux d’or », représentée de manière théâtrale, c. 1870s. Collection personnelle de l’auteure. 24 Anne E. Duggan Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 41 Cette image a été obtenue sur ebay. 42 « In the first thirty years of its publishing history there were more English editions of the Travels into Spain than there were of Galland's popular Arabian Nights and more than all of the editions of Mme de Lafayette's works » (Melvin D. Palmer, « Madame d’Aulnoy in England-», Comparative Literature , 27.3 (1975), p.-238). 43 « Planché helped establish a trend among younger writers such as H. J. Byron and Francis Talfourd of basing plays on d'Aulnoy’s romances [tales], which had been seldom Figure 3 : La Belle aux cheveux d’or libère Avenant et le prend pour son époux, c. 1870s. 41 Dès 1975, Melvin D. Palmer avait documenté l’impact important des œuvres de d’Aulnoy sur le champ littéraire anglais. Il constate : « Au cours des trente premières années de son histoire éditoriale, il y avait plus d’éditions anglaises de sa Relation du voyage d’Espagne qu’il n’y en avait des Mille et une nuits de Galland et plus que toutes les éditions des œuvres de Madame de Lafayette ». 42 Pour sa part, en 2001, Paul Buczkowski a publié une étude examinant la réception des contes de d’Aulnoy en Grande Bretagne et le rôle joué par James Robinson Planché en établissant la mode d’adapter ses contes à la scène : « Planché a contribué à établir une vogue parmi les dramaturges plus jeunes, tels que H. J. Byron et Francis Talfour, où on base des pièces [surtout des pantomimes] sur les romans [en effet, les contes] de d’Aulnoy, qui avaient rarement servi d’inspiration avant [Planché] ». 43 En 2018 Jennifer Schacker a pris la relève pour Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 25 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 used before » (Paul Buczkowski, « J. R. Planché, Frederick Robson, and the Fairy Extravaganza-», Marvels & Tales 15.1 (2001), p.-45). 44 Les données pour les deux tables sont basées sur le catalogue de la BnF, celui de l’Internet Archive et de WorldCat. Il s’agit des presses européennes (françaises et autres) qui publient des ouvrages en français. documenter l’usage et l’influence des contes de d’Aulnoy sur la scène anglaise. Avec le travail de Jeannine Blackwell, Shawn Jarvis et Julie L. J. Koehler, on est de plus en plus conscient de l’impact de d’Aulnoy sur les conteuses et informantes allemandes pour qui elle était une figure d’inspiration. J’espère que les futures générations de chercheuses et de chercheurs n’auront pas besoin de réarticuler l’importance de d’Aulnoy dans l’histoire littéraire et l’histoire des contes de fées, où elle a joué un rôle au moins aussi important que celui de Perrault. Peut-être un jour ce prolifique héritage de d’Aulnoy serait reçu comme un fait historique, connu non seulement des chercheurs et chercheuses, mais aussi du grand public, comme c’était le cas au dix-huitième et dix-neuvième siècles en France, en pays allemands et en Grande Bretagne, parmi d’autres pays européens. Table 1. Liste non-exhaustive des romans, relations de voyage, ouvrages reli‐ gieux et collections de contes de Marie-Catherine d’Aulnoy publiés en français au dix-huitième siècle 44 Titre Première édition Éditions subséquentes Histoire d’Hypolite, comte de Duglas (roman) 1690 --- 1702, 1704, 1708, 1710, 1713, 1714, 1721, 1722, 1726, 1730, 1733, 1735, 1736, 1738, 1740, 1743, 1744, 1746, 1751, 1756, 1757, 1759, 1761, 1763, 1764, 1768, 1769, 1774, 1776, 1777, 1779, 1782, 1783, 1786, 1788, 1793, 1798 (37 éditions) Mémoires de la cour d’Es‐ pagne (memoirs; travel) 1690 - 1716, 1736 Relation du voyage d’Es‐ pagne (memoirs; travel) 1691 - 1705, 1715 Sentimens d'une ame pé‐ nitente sur le pseaume Miserere 1691 -- 1709, c1712/ 23, 1719, 1721, 1730, 1732, 1745, 1746, 1747, 1751, 1753, 1754, 1763, 1764, 1776, 1778 (16 éditions) Histoire de Jean de Bourbon, Prince de Ca‐ rency (roman) 1692 - 1704, 1709, 1710, 1714, 1720, 1729, 1761 (7 éditions) 26 Anne E. Duggan Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 Titre Première édition Éditions subséquentes Mémoires de la cour d'Angleterre (memoirs; travel) 1694 1726 Le comte de Warwick (roman) 1703 1704, 1715, 1729, 1740 (4 éditions) Les Contes des fées et nouveaux contes des fées 1697 --- 1700, 1702, 1708, 1710, 1719, 1725, 1726, 1735, 1742, 1749, 1757, 1766, 1774, 1782, 1785 ( Ca‐ binet des fées ) (15 éditions) Les Contes nouveau ou les fées à la mode 1698 -- 1711, 1715, 1725, 1742, 1745, 1785 ( Cabinet des fées ) (6 éditions) Table 2. Liste non-exhaustive des contes de Marie-Catherine d’Aulnoy publiés individuellement et en forme de livre de colportage au dix-huitième siècle Titre Première édition Éditions de colportage La Bonne petite souris - 1697 (conte tiré des Contes des fées ) c1700s (Bibliothèque bleue) La babiolle [sic]: conte amu‐ sant 1697 (conte tiré des Contes des fées ) c1700s (Bibliothèque bleue) La Princesse Belle-étoile et le Prince Chéri: conte 1698 (conte tiré des Contes nouveaux ) c1700s (Bibliothèque bleue) L’Oranger et l’abeille 1697 (conte tiré des Contes des fées ) c1760 (Bibliothèque bleue) La Princesse Rosette 1697 (conte tiré des Contes des fées ) c1743/ 1834? (Bibliothèque bleue) Fortunée 1697 (conte tiré des Contes des fées ) c1743/ 1834? (Bibliothèque bleue) Le Prince Lutin et Fortunée - 1697 (conte tiré des Contes des fées ) 1772, 1780 (Bibliothèque bleue) L’Oiseau bleu 1697 (conte tiré des Contes des fées ) 1775 Le Prince Marcassin: conte 1698 (conte tiré des Contes nouveaux ) 1780 (Bibliothèque bleue) Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 27 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 Titre Première édition Éditions de colportage La Grenouille bienfaisante: conte nouveau tiré des fées 1698 (conte tiré des Contes nouveaux ) 1780, 1788 (Bibliothèque bleue) Le Nain jaune 1697 (conte tiré des Contes des fées ) 1782, 1788 La Biche au bois 1698 (conte tiré des Contes nouveaux ) 1784 (Bibliothèque bleue) Ile de la Félicité: épisode tiré d’Hypolite, come de Duglas 1690 1785, 1788 Le Mouton 1697 (conte tiré des Contes des fées ) c. 1793/ 1800 (Bibliothèque bleue) Contes des fées, contenant: la Grenouille bienfaisante; le Mouton et le nain jaune 1697-98 (contes tiré des Contes des fées et des Contes nouveaux ) -c. 1793 (Bibliothèque bleue) Le Rameau d’or, conte nou‐ veau 1697 (conte tiré des Contes des fées ) c. 1790s (Bibliothèque bleue) La Belle aux cheveux d’or, tiré des Contes des Fées 1697 (conte tiré des Contes des fées ) 1790; c. 1700s (deux éditions) La Chatte blanche, conte tiré des fées 1698 (conte tiré des Contes nouveaux ) c. 1798-99 Le Pigéon et la colombe: conte nouveau 1698 (conte tiré des Contes nouveaux ) c. 1795/ 1804 (Bibliothèque bleue) Table 3. Liste non-exhaustive des ouvrages de Marie-Catherine d’Aulnoy publiés en allemand au dix-huitième siècle Titre Éditions Lieu Der curiose, vorstellend Achte Lust-und Lehr-reiche Ge‐ schichte -1702 -Nuremberg Spanische Staats-Geschichte : benebenst einem anhang, die nach absterben Königs Carln des II. erfolgte grosse Revolu‐ tion in Spanien betreffend [ Mémoires de la Cour d’Espagne ] -1703 -Leipzig Historie des Hypolitus Grafens von Duglas [ Histoire d’Hypolite, comte de Duglas ] -1744 -Berlin Der Graf von Warwick [ Le comte de Warwick ] -1744 -Berlin 28 Anne E. Duggan Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 45 Voir « Chronologie des pièces dramatiques et lyriques sur les contes de fées en France aux XVIIe-XIXe siècles », http: / / expositions.bnf.fr/ contes/ arret/ reperes/ scene.htm ; Charles Beaumont Wicks, The Parisian Stage: Alphabetical Indexes of Plays and Authors Part II (1816-1830) , University of Alabama Press, 1953 ; Charles Beaumont Wicks et Jerome W. Schweitzer, The Parisian Stage: Alphabetical Indexes of Plays and Authors Part III (1831-1850) , University of Alabama Press, 1961 ; et Roxane Martin, La Féerie romantique sur les scènes parisiennes 1791-1864 , Paris, Honoré Champion, 2007. Titre Éditions Lieu Das Cabinet der Feen oder Gesammlete Feen-Mährchen in neun Theilen. [Le cabinet des fées, ou contes de fées recueillis en neuf parties] -1761-1765 1781 -Nuremberg Nuremberg Gesinnungen einer bußfertigen Seele, oder poetische Ums‐ chreibung des 51sten Psalms Davids … Beygefüget eben … dieser Verf. Conversione di S. Agostino [ Sentiment d’une âme pénitente ] -1764 -Leipzig Der Frau von Aunoi Reise durch Spanien an den Hof zu Madrid. Aus dem Französischen übersezt; Zur Kenntniß des Zustandes und der Sitten von Spanien im siebenzehnten Jahrhunderte Erster Theil [ Voyage d’Espagne ] -1782 -Nordhausen Der Frau von Aunoi Nachrichten von dem spanischen Hofe oder die Regierung der Günstlinge vom Jahre 1679 bis 1681 . [ Mémoires de la Cour d’Espagne . 2 tomes] -1783-1784 -Nordhausen Feen-Mährchen der Frau Gräfin von Aulnoy .- [Contes de fées de Madame la Comtesse d’Aulnoy] -1790 -Gotha Die blaue Bibliothek aller Nationen [La Bibliothèque bleue de toutes les nations] Contes de d’Aulnoy-: tomes 3-4 et 9-10 -1790-1791 1796 -Gotha Weimar Richard, Graf von Warwick, eine Geschichte [ Le Conte de Warwick ] 1792 Vienne Table 4. Liste non-exhaustive des contes adaptés au théâtre français au dix-neu‐ vième siècle. 45 Année Titre Dramaturge(s) Théâtre 1803 L’Oiseau bleu, Opéra, panto‐ mime, féerie en 4 actes, à grand spectacle Balisson de Rougemont, mise en scène Eugène Hus Théâtre des Jeunes Artistes Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 29 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 Année Titre Dramaturge(s) Théâtre 1804 Le Nain jaune, ou la Fée du désert, mélodrame en trois actes et en prose Jean-Guillaume Cuvelier de Trie et Coffin-Rony - Théâtre de la Gaïté 1806 La Belle aux cheveux d’or: méolodrame-féerie, en trois actes, à grand spectacle Antoine Jean-Baptiste Si‐ monnin et Nicolas Bra‐ zier Théâtre des Nou‐ veaux troubadours 1806 Gracieuse et Percinet, Mélo‐ drame-féerie, en trois actes, à grand spectacle Antoine Jean-Baptiste Si‐ monnin et Nicolas Bra‐ zier Théâtre des Nou‐ veaux troubadours 1806 La Biche au bois, ou la Fausse Princesse Frédéric Théâtre des Nou‐ veaux troubadours 1807 Le Prince Lutin, mélo‐ drame-féerie-vaudeville Alexandre [Fursy Guesdon], Constant [Forgeaux] Théâtre des Nou‐ veaux troubadours 1821 L’Oiseau bleu ou la Princesse ingénue Emmanuel Théaulon - Théâtre de la Gaïté 1826 La Biche au bois, pièce féerie en 1 acte Brazier, Carmouche, Du‐ bois Théâtre des Va‐ riétés 1830 La Chatte blanche: panto‐ mime anglaise en quatorze tableaux (adaptation d’un pantomime anglais de X) Adolphe Adam et Ca‐ simir Gide Théâtre des Nou‐ veautés - 1831 L’Oiseau bleu, mélo-féerie en 3 actes et 8 tableaux Ducange, Simonnin et Guilbert de Pixérécourt Théâtre de la Gaïté 18? ? Le Rameau d’or Du Mersan Théâtre Séraphin 18? ? L’Oiseau bleu Du Mersan et Théaulon Théâtre Séraphin 1836 L’Oiseau bleu , comédie vau‐ deville Varner et J. F. A. Bayard Théâtre du Palais Royal 1839 La Belle aux cheveux d’or Ménétrier, dit Richard Listener Théâtre du Gym‐ nase enfantin 1841 L’Oiseau bleu, féerie en 3 actes Ménétrier, X. Vérat Théâtre du Gym‐ nase enfantin 1844 La Belle aux cheveux d’or, pièce féérie en trois actes Duplessis Théâtre Séraphin 18? ? Le Nain jaune Duplessis Théâtre Séraphin 1845, 1853 La Biche au bois; ou, Le royaume des fées. Vaude‐ Théodore et Hippolyte Cogniard Théâtre de la porte Saint Martin 30 Anne E. Duggan Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 Année Titre Dramaturge(s) Théâtre ville-féerie en 4 actes et 16 tableaux - 1846 La Belle aux cheveux d’or-; féerie en 1 acte Anonyme Théâtre Séraphin 1847 La Belle aux cheveux d’or: féerie en quatre actes et dix-huit tableaux Théodore et Hippolyte Cogniard - Théâtre de la porte Saint Martin 1847 La Belle aux cheveux rouges (parodie), Guénee et Leprévost - Délaissements Co‐ miques / Théâtre du Prince Eugène 1852; 1869 et 1870 (Gaïté); 1887 (Châ‐ telet) La Chatte blanche: pièce en vingt-deux tableaux, pré‐ cédée de La roche noire, pro‐ logue Théodore et Hippolyte Cogniard - Paris, Cirque na‐ tional; Théâtre Na‐ tional 1853 L’Oiseau bleu, féerie Anonyme Marionnettes Lyri‐ ques 1860 Le Nain jaune, féerie en 4 tableaux Anonyme Théâtre Séraphin 1862 Le Rameau d’or, féerie-arle‐ quinade en 18 tableaux Th. Duché, A. Guyon Théâtre des Fu‐ nambules 1864 La Biche au bois, féerie en 2 actes Ch. Foliguet Marionnettes Lyri‐ ques 1864 L’Oiseau bleu, féerie en 4 ta‐ bleaux Ch. Foliguet Marionnettes Lyri‐ ques 1867 La Nouvelle Biche au bois, grande féerie en 5 actes et 17 tableaux Théodore et Hippolyte Cogniard - Théâtre de la porte Saint Martin 1884 L’Oiseau bleu, opéra co‐ mique en trois actes Alfred Duru et Henri Chivot, Charles Lecocq Théâtre des Nou‐ veautés Marie-Catherine d’Aulnoy-: ses contes et leur prolifique héritage en Europe 31 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0002 46 Pour les éditions de Queen Mab et Mother Bunch , voir « d’Aulnoy, Marie-Catherine » en ligne à «-The Women’s Print History Project-», https: / / womensprinthistoryproject.com/ person/ 3123? page=2. Bibliographie - I. Sources 46 Aulnoy, Marie-Catherine, d’, Contes I , introd. Jacques Barchilon, éd. Philippe Hourcade, 1697, Paris, Société des Textes Français Modernes, 1997. — Contes II , introd. Jacques Barchilon, ed. 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