eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 49/96

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2022-0002
2022
4996

Procès de canonisation et hagiographies en français au temps de la Réforme catholique : une construction de la preuve en miroir ?

2022
Éric Suire
PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 Procès de canonisation et hagiographies en français au temps de la Réforme catholique : une construction de la preuve en miroir ? É RIC S UIRE (U NIVERSITÉ B ORDEAUX M ONTAIGNE ) Les hagiographes du temps de la Réforme catholique n’ignoraient plus l’exigence de la preuve. Le titre de l’œuvre du chartreux Laurent Surius, De probatis sanctorum historiis (1570), en rend témoignage. Ce recueil n’était qu’une adaptation du légendier de Louis Lippomano, mais il était dédié au pape Pie V qui lui accorda, le 23 septembre 1569, un privilège apostolique d’impression 1 . Derrière l’affichage, peu de réalisations concrètes sont repérables avant les travaux des bollandistes et des bénédictins de Saint-Maur, au XVII e siècle. En 1583, Joseph Juste Scaliger publiait l’Opus de emendatione temporum, dont l’érudition fit forte impression sur les milieux savants 2 . Les « chronologistes » s’employaient, désormais, à retracer l’enchaînement des faits avec une rigueur scientifique. Un siècle plus tard, un simple vulgarisateur ne pouvait plus éluder les débats portant sur les dates de naissance et de mort des saints. Dans sa Vie de sainte Geneviève (1697), le baron Jacques Parrain des Coutures situait la venue au monde de son héroïne « sous le règne de Clodion l’an 435 », mais il précisait, dans une note marginale, « d’autres mettent 219, d’autres 423 3 ». Plus ambitieux, Nicolas Gervaise, prévôt de la collégiale Saint-Martin de Tours, concluait en 1699 sa Vie de l’apôtre de la Gaule par une ample « Dissertation sur le tems de la mort de saint Martin ». Il y examinait les avis de différents chronologistes : Prosper d’Aquitaine, 1 La préface, adressée au souverain pontife, est datée du 2 mars 1570. 2 Ses travaux marquent le terminus ad quem de la thèse de Philipp E. Nothaft, Dating the Passion. The Life of Jesus and the Emergence of Scientific Chronology (200- 1600), Leyde, Brill, 2011. 3 La Vie de sainte Geneviève avec l’eloge de Madame de Miramion, Paris, R. & N. Pepie, 1697, p. 5. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 44 Baronius, Bollandus et le P. Le Cointe 4 , qui proposaient tous des dates différentes : 400, 402, 397… Lui-même se déclarait pour 396, « cette opinion m’aïant parû la plus conforme au sentiment de saint Gregoire de Tours, celui de tous les historiens qui a le mieux désigné le tems des principales actions, & de la mort de saint Martin 5 ». Cette approche historique plus rigoureuse était une réponse des écrivains catholiques aux critiques adressées au culte des intercesseurs par les réformateurs humanistes, « moyenneurs 6 » et protestants. Au XVI e siècle, leurs attaques eurent pour effet de déstabiliser la « fabrique des saints ». Proclamée en 1519 à l’issue d’un procès très documenté, la canonisation du fondateur des minimes, saint François de Paule, fut l’une des dernières célébrations romaines avant la révision complète de la procédure. Pendant plus de soixante-dix ans, les canonisations s’interrompirent, avant de reprendre sous le pontificat de Clément VIII, le 17 avril 1594 7 , avec la reconnaissance de la sainteté du dominicain polonais Hyacinthus Odrowaz, mort à Cracovie en 1257. Entre temps, la Sacrée Congrégation des Rites avait été créée, le 22 janvier 1588, pour traiter les questions liturgiques et les causes des saints. La rénovation de la procédure était pratiquement achevée sous le pontificat d’Urbain VIII, qui rassembla les différents décrets de réforme dans le bref Cœlestis Hierusalem Cives du 5 juillet 1634. L’établissement d’une documentation en vue d’un procès canonique n’est, certes, pas une invention de la Contre-Réforme. L’usage est bien attesté à la fin du Moyen Âge 8 . L’étude des fonds anciens de la bibliothèque des dominicains de Toulouse a montré que les manuscrits 345 et 346 furent certainement rédigés dans le contexte de la canonisation de saint Vincent 4 Charles Le Cointe (1611-1681), de l’Oratoire, auteur des Annales Ecclesiastici Francorum, en huit volumes, parues à partir de 1665. 5 Nicolas Gervaise, La Vie de Saint Martin évêque de Tours, avec l’histoire de la fondation de son Eglise, et ce qui s’y est passé de plus considérable jusqu’à présent, Tours, J. Berthe, 1699, p. 355. 6 Le théologien Claude d’Espence, prêchant à Saint-Merry de Paris en 1543, aurait dit qu’elle était une « légende ferrée de mensonges » selon l’abbé J. Duvernet, Histoire de la Sorbonne, Paris, Buisson, 1790, t. I, p. 261. 7 Index ac Status Causarum, éd. Pietro Galavotti, Cité du Vatican, Congregatio pro causis sanctorum, 1988, p. 397. 8 Dès le XI e siècle est affirmée la nécessité d’une enquête portant sur les miracles des candidats aux autels, André Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 1988 (2 e éd.), p. 39. À partir d’Innocent III, la foi et les œuvres du serviteur de Dieu sont mises sur un pied d’égalité avec les miracles, ibid., p. 43. Procès de canonisation et hagiographies au temps de la Réforme catholique PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 45 Ferrier, en 1455, en lien avec l’enquête qui l’avait précédée dans la ville 9 . Il est probable que les dépositions toulousaines aient cherché à correspondre à l’image que les enquêteurs pontificaux entendaient donner du candidat à la sainteté 10 . Avant la refonte de la procédure romaine, à la fin du XVI e siècle, la collecte des preuves n’avait pas, néanmoins, de caractère systématique. La papauté pouvait se passer d’une enquête avant d’authentifier la sainteté d’un intercesseur. Le 17 juillet 1514, un indult, rendu au nom de Léon X par le cardinal de Pavie, instaura une fête solennelle en l’honneur de saint Bruno le 6 octobre, dies natalis du confesseur. Le fondateur des chartreux était élevé au rang des saints sans qu’aucun procès préalable n’ait établi les preuves de sa gloire céleste 11 . Cela n’était plus possible au XVII e siècle. À partir d’Urbain VIII, le procès canonique était standardisé. Les évêques étaient évincés de la décision finale ; ils pouvaient seulement collaborer à l’instruction des causes. La béatification était devenue une étape obligatoire avant la canonisation. La réputation de sainteté, les vertus et les miracles du candidat aux autels se voyaient soumis à un examen approfondi. Il fallait des témoignages probants, des attestations écrites, des dépositions sous serment, comme lors d’un procès judiciaire. Nous pouvons étendre à la fabrique des saints le constat que Martine Boiteux a dressé à propos du rituel de la cérémonie de canonisation : l’un et l’autre traduisent « un processus de normalisation 12 ». Les juges des Rites avaient besoin de certitudes. Les biographies spirituelles allaient leur en fournir. Ces hagiographies modernes, écrites en langue vernaculaire afin de répandre, dans les élites dévotes, la renommée de sainteté d’un serviteur de Dieu, ont pris leur essor en France dans les années 1610. Les archives romaines conservent de multiples exemplaires de ces textes édifiants, en version originale ou traduits en italien, soumis à l’appréciation des relatori romains. Ils figurent parmi les pièces manuscrites 9 Michelle Fournié, « Mirificus praedicator. Saint Vincent Ferrier d’après l’enquête de canonisation de Toulouse », dans Émilie Nadal et Magali Vène (dir.), La Bibliothèque des dominicains de Toulouse, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2020, p. 138. 10 Ibid., p. 140. 11 Pierrette Paravy, « 1514 : la canonisation de saint Bruno dans l’ordre cartusien. Jalons pour la construction d’une mémoire », dans Sylvain Excoffon et Coralie Zermatten (dir.), Histoire et Mémoire chez les Chartreux XII e -XX e siècles, Colloque international du CERCOR, Analecta Cartusiana, 319 (2017), p. 23-26. 12 Martine Boiteux, « Le rituel romain de canonisation et ses représentations à l’époque moderne », dans Gábor Klaniczay (dir.), Procès de canonisation au Moyen Âge, Rome, École française de Rome, 2004, p. 354. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 46 conservées dans le fonds Riti de l’Archivio Segreto Vaticano 13 . Nous n’en avons pas retrouvé dans les procès du XVII e siècle, mais il est certain que les cardinaux des Rites les lisaient déjà 14 . Les postulateurs étaient conscients de l’importance de cet examen. Pour attirer l’attention des juges, ils s’efforcèrent de recruter des écrivains compétents, informés des attentes de la Curie, capables d’attester la fama sanctitatis du candidat aux autels. Ils devaient s’attacher, en particulier, à démontrer que le « saint vivant » avait pratiqué les vertus chrétiennes dans le degré héroïque exigé par la procédure. Certains auteurs avaient une bonne connaissance de celle-ci, pour avoir collaboré, à un titre ou à un autre, à une cause de canonisation. L’évêque Henri de Maupas du Tour et le barnabite Maurice Marin, biographes de Jeanne de Chantal et de la carmélite Marie de l’Incarnation, avaient l’un et l’autre participé au procès de l’évêque de Genève, François de Sales 15 . Les biographies spirituelles publiées en France au XVII e siècle traduisent la volonté de rassembler des preuves dans l’optique d’un procès. Elles associent les topoi habituels de l’écriture hagiographique (l’enfance du puer senex, la conversion, la vie ascétique, la mort sainte…) à un arsenal documentaire qui en rend la lecture fastidieuse. Elles ne se contentent pas de se conformer aux exigences du Saint-Siège, mais vont jusqu’à imiter les aspects formels du procès de canonisation. Nous pouvons parler, dès lors, d’une construction en miroir. Ces ouvrages ne ressemblent pas exactement aux Vies qui les ont précédés. Ils se sont détournés des schémas narratifs des biographies classiques pour s’arrêter longuement sur les vertus de leurs héros. Celles-ci peuvent accaparer jusqu’à la moitié du livre, voire davantage. Dans ce cas, le récit a cédé la place au catalogue. Cet agencement correspondait à l’évolution de l’enquête canonique : les premiers procès romains s’étaient focalisés sur les miracles, puis, à partir du XIII e siècle, sur les miracles et la vie sainte. Les juges de l’époque moderne 13 Archivio Segreto Vaticano, Riti 396, Joannae de Lestonnac, La vie de la vén. Mère Jeanne de Lestonnac (du P. François Julia, de Toulouse), cum versione italiana, 1671 ; Riti 2218, Magdalenae a S. Joseph, Versio vitae… Parisiis, 1645 (italien) ; Riti 4305, Mariae Teresiae a Jesu (Alix Leclerc), Vie de la vén. M. Alix, 1759 ; Riti 4230, Michaelis Le Nobletz, La vie de M. le Nobletz, 1666. 14 Au procès de François de Sales, la Vie écrite par Henri de Maupas du Tour en 1657 fit scandale car elle ne respectait pas les directives du Saint-Siège. Elle qualifiait l’évêque de « saint » et de « bienheureux » alors que sa sainteté n’était pas reconnue, ce qui constituait une entorse au principe de non cultu. Voir Ernestine Lecouturier, Françoise-Madeleine de Chaugy et la tradition salésienne au XVII e siècle, Paris, Bloud et Gay, 1933, p. 235-237. 15 Ibid., p. 98, p. 223. Procès de canonisation et hagiographies au temps de la Réforme catholique PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 47 portaient leur examen sur l’héroïcité des vertus, devenue, à la fin du XVII e siècle, l’étape la plus difficile à franchir. « Ce décret est d’autant plus glorieux au bienheureux […] qu’il y a près de cinquante ans que le Saint- Siège n’a approuvé dans le degré héroïque les vertus d’aucun serviteur de Dieu 16 » insistait le biographe de Jean-François Régis, Guillaume Daubenton, après que le pape Clément XI, le jour de Pâques 1712, eut proclamé que le jésuite français avait pratiqué dans un degré héroïque les trois vertus théologales et les quatre cardinales. Les hagiographes concentraient leur attention sur le sujet, quitte à déséquilibrer leurs récits et à négliger les autres aspects de la vie de leurs héros. 1 Un style hagiographique « jésuite » ? En 1572, la publication de la Vie d’Ignace de Loyola par Pedro de Ribadeneyra inaugura une période féconde pour les biographies spirituelles, tout en offrant un modèle à leurs futurs auteurs. Dans les quatre premiers livres, l’hagiographe retraçait l’existence de son fondateur, mais il réservait le dernier, plus bref, tenant en seulement treize chapitres, aux vertus et aux miracles accomplis par le saint 17 . La clarté du propos et le style de l’ouvrage ne passèrent pas inaperçus. Au lendemain de la publication de l’ouvrage en castillan, Louis de Grenade écrivit à l’auteur pour le féliciter 18 . Par la suite, l’attention portée aux vertus ne cessa de croître dans les Vies édifiantes. En 1618, celle du bienheureux Pierre Favre - ou « Lefèvre », transcription du latin Faber - était imprimée en français, à Bordeaux, par Simon Millanges, un éditeur proche des jésuites de la ville, dont le collège voisinait la boutique installée rue Saint-James. Le plan suivi par Nicolas Orlandini tenait en deux parties : il retraçait d’abord l’existence, puis énumérait les vertus du premier compagnon d’Ignace 19 . Cette conception de l’écriture hagiographique allait bientôt s’imposer. Sans qu’on puisse parler d’une 16 Guillaume Daubenton, La vie du bienheureux Jean-François Régis, Paris, N. Le Clerc, 1716, p. 450. 17 Pedro de Ribadeneyra, Vita Ignatii Loyolae, Societatis Iesu Fundatoris, libris quinque comprehensa, Naples, s. n., 1572. Publication en castillan en 1583. 18 Rady Roldán-Figueroa, « Pedro de Ribadeneyra’s Vida del P. Ignacio de Loyola (1583) and Literary Culture in Early Modern Spain », dans Robert Aleksander Maryks (dir.), Exploring Jesuit Distinctiveness: Interdisciplinary Perspectives on Ways of Proceeding within the Society of Jesus, Leyde, Brill, 2016, p. 156. 19 Nicolas Orlandini, La vie du R.P. Pierre Le Fevre, premier compagnon du B. Père Ignace de Loyola fondateur de la Compagnie de Jésus, Bordeaux, S. Millanges, 1618. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 48 exclusivité jésuite, nous la retrouvons surtout chez des écrivains proches de la Compagnie, ou chez des auteurs de sensibilité romaine 20 . La première biographie du fondateur des Pères de la doctrine chrétienne, César de Bus, essaya pourtant de résister à ce schéma. Jacques Marcel divisait son récit en six livres, dont seul le dernier s’arrêtait sur les miracles et les vertus du vénérable 21 . Son successeur, Jacques Beauvais, rentrait dans le rang en 1642 : sa biographie ne comptait plus que cinq livres, mais les deux derniers énuméraient les vertus de César 22 . Pierre Du Mas, en 1703, ne se démarquait pas sensiblement de son prédécesseur : les trois premiers livres de la Vie de son fondateur mêlaient récit chronologique et miracles, le quatrième revenait sur les vertus du serviteur de Dieu 23 . Les ouvrages dédiés à François de Sales présentent davantage d’originalité. L’un de ses premiers biographes, un noble du Dauphiné nommé Longueterre 24 , optait en 1624 pour un plan en dix parties chronologiques 25 , alors que la même année, le minime Louis de La Rivière préférait organiser sa biographie en quatre livres. Le dernier, consacré aux vertus et aux miracles de l’évêque de Genève, occupait à lui seul la moitié de l’ouvrage 26 . Les hommages au prélat, il est vrai, avaient fleuri de manière spontanée, dans les deux ans qui suivirent son trépas, avant que la Visitation et le neveu du saint, Charles-Auguste de Sales de La Thuille (1606-1660), ne 20 La première Vie de la fondatrice de la Compagnie Notre-Dame à Bordeaux, Jeanne de Lestonnac, publiée par Sainte-Marie, reprend exactement cette organisation en 1645. Celle du missionnaire Jean-François Régis, par le jésuite Claude La Broue en 1650, ne s’en écarte guère, avec ses trois parties Vie, Vertus, Miracles et fama sanctitatis. L’ancien ligueur André Duval, en 1621, développait un triptyque comparable en l’honneur de la carmélite Marie de l’Incarnation : d’abord sa vie sainte, puis ses vertus, et enfin ses miracles. 21 Jacques Marcel, La vie du R. Père César de Bus, Fondateur de la congregation de la Doctrine Chrestienne, erigee en Avignon, nouvellement unie à celle des Clercs Reguliers de Somaque, Lyon, C. Morillon, 1619. 22 Jacques Beauvais, La vie du B. Père César de Bus Fondateur en France de la Congregation de la Doctrine Chrestienne, Paris, S. Huré, 1645. 23 Pierre Du Mas, La vie du vénérable César de Bus, fondateur de la congrégation de la doctrine chrétienne, Paris, L. Guérin, 1703. 24 Les rares informations sur ce membre de la famille Perrotin sont données par Hilarion de Coste, Les éloges de nos rois, et des enfans de France qui ont esté daufins de Viennois, Paris, S. Cramoisy, 1643, p. 365. 25 M. de Longueterre, La vie de très-illustre messire François de Sales, évesque et prince de Genève, Lyon, V. de Cœursilly, 1624. 26 Louis de La Rivière, La vie de l’illustrissime François de Sales, de tres-heureuse & glorieuse mémoire evesque et prince de Genève, Lyon, P. Rigaud, 1625 (éd. originale 1624). Procès de canonisation et hagiographies au temps de la Réforme catholique PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 49 parviennent à reprendre partiellement le contrôle de son image, dans la perspective du procès. Les deux premières biographies de Jeanne de Chantal, tirées des Mémoires de la mère Françoise-Madeleine de Chaugy, ancienne secrétaire de la fondatrice 27 , épousent mieux la logique de la procédure romaine. Celle du jésuite Alexandre Fichet, en 1643, consacre deux parties à sa vie dans le siècle puis à sa vie religieuse, avant d’exposer ses « vertus et dons gratuits », et, enfin, les nombreux miracles obtenus par son intercession 28 . Henri de Maupas du Tour suit la même trame dans sa biographie publiée l’année suivante, en se contentant de réunir les deux dernières parties 29 . La béatification, puis la canonisation de saint François de Sales, entre 1662 et 1665, semblent avoir rallumé l’espoir, dans les milieux gallicans, qu’un régnicole accéderait bientôt à la gloire des autels 30 . Les procès engagés en France dans la première moitié du XVII e siècle avaient achoppé sur des vices de procédure. Les biographies publiées dans les années 1660 se montrent particulièrement soucieuses de satisfaire les exigences romaines. La vie de M gr Alain de Solminihac par Léonard Chastenet, en 1663, se divise en quatre livres. Elle aborde la jeunesse du saint, son épiscopat, ses vertus, avant de détailler les grâces miraculeuses obtenues par son intercession 31 . Celle de Vincent de Paul par Louis Abelly, parue l’année suivante, fait l’impasse sur les miracles, mais elle met l’accent sur la vie sainte et l’héroïcité des actes du fondateur des lazaristes. Le premier livre retrace son existence, le second son apostolat, le troisième ses vertus 32 . En 1665, le sulpicien 27 Leurs conditions d’élaboration ont été analysées par Sonia Rouez, « La Visitation et la diffusion de la dévotion à sa fondatrice. La publication et la circulation des Vies de Jeanne de Chantal », dans Religieux, saints et dévotions. France et Pologne XIII e - XVIII e siècles, Cahiers du centre d’histoire « Espaces et cultures », Université Blaise- Pascal, Clermont-Ferrand II, 16 (2003), p. 103-118. 28 Alexandre Fichet, Les saintes reliques de l’Erothée, en la sainte vie de la Mère Jeanne- Françoise de Frémiot, baronne de Chantal, Paris, S. Huré, 1643. Une permission d’imprimer a été également accordée à Vincent de Cœursilly, imprimeur de la Visitation, le 6 mai 1643. 29 Henri de Cauchon de Maupas du Tour, La vie de la vénérable Mère Jeanne-Françoise Frémiot Fondatrice, première mère et religieuse de la Visitation de Sainte-Marie, Paris, S. Piget, 1644. 30 François de Sales était sujet du duc de Savoie, mais l’évêque du Puy Maupas du Tour et la Visitation de Paris s’employèrent à présenter la cause comme une cause française, soutenue par le roi et l’Assemblée générale du clergé de France. 31 Léonard Chastenet, La vie de Monseigneur Alain de Solminihac evesque baron, et Comte de Caors, et Abbe regulier de Chancellade, Cahors, J. Bonnet, 1663. 32 Louis Abelly, La vie du vénérable Serviteur de Dieu Vincent de Paul, instituteur et premier supérieur général de la congrégation de la Mission, Paris, F. Lambert, 1664. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 50 Charles-Louis de Lantages divise lui aussi en trois parties sa biographie de la dominicaine Agnès de Langeac. Il parle d’abord de sa jeunesse jusqu’à son entrée en religion, puis de sa vie religieuse, avant d’aborder ses vertus et miracles… Cette dernière partie occupe, à elle seule, 40% de l’ouvrage 33 . Un parti-pris plus radical encore est adopté par l’oratorien Daniel Hervé dans La vie chrétienne de la vénérable sœur Marie de l’Incarnation, fondatrice des Carmélites en France, parue en septembre 1666 avec une permission du supérieur général de l’Oratoire Jean-François Senault. Le manuscrit avait été approuvé par trois prélats renommés : Félix Vialart de Herse, évêque de Châlons, à la date du 14 août 1666 ; François Bosquet, évêque de Montpellier, le 17 août suivant ; et Guillaume Le Boux, ancien évêque de Dax transféré à Périgueux, le 19 août de la même année. Ce dernier avait été oratorien avant d’accéder à l’épiscopat. Cet ouvrage traduit la reprise en main de la cause de la carmélite par les autorités tutélaires de l’ordre : la famille Séguier et la congrégation de l’Oratoire. Parmi les approbateurs sollicités, M gr Félix Vialart de Herse était un petit-fils de Charlotte Séguier et du maître des requêtes Jean de Ranticey 34 . M gr François Bosquet, d’abord intendant avant de recevoir le sacerdoce, avait servi en Normandie sous les ordres du chancelier, dont il était resté un ami 35 . Dans sa dédicace à la reine Marie-Thérèse, après avoir concédé qu’il était trop jeune pour avoir connu la sœur Marie de l’Incarnation et qu’il avait « fort peu d’habitude » aux Carmélites, Daniel Hervé précisait que la révérende mère Jeanne de Jésus, « Sœur de M. le chancellier » et prieure du monastère de Pontoise, avait mis à sa disposition de nombreux mémoires pour étoffer sa documentation. Volumineux, avec ses 598 pages de texte réparties en treize livres, l’ouvrage était conçu en deux parties. La première contenait les vertus que la religieuse avait pratiquées « dans le Monde ». La seconde était consacrée aux vertus qui lui avaient été communes « dans le Monde et dans la Religion ». Bref, l’existence entière de la carmélite prenait la forme d’un 33 Charles-Louis de Lantages, La vie de la venerable Mere Agnez de Iesus, religieuse de l’ordre de S. Dominique au devot monastere de Sainte Catherine de Langeac, Le Puy, A. et P. Delagarde, 1665. 34 Abbé Claude-Pierre Goujet, La Vie de Messire Felix Vialart de Hesse, Evêque et Comte de Châlons en Champagne, pair de France, Cologne, Aux dépens de la Compagnie, 1738, p. 10. 35 Abbé Henry, François Bosquet, intendant de Guyenne et de Languedoc, évêque de Lodève et de Montpellier, Paris, Thorin, 1889, et Yannick Nexon, Le chancelier Séguier (1588-1672). Ministre, dévot et mécène au Grand Siècle, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2015, p. 259-260. Procès de canonisation et hagiographies au temps de la Réforme catholique PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 51 catalogue édifiant. Le livre III était dédié à sa charité, le IV à sa patience, le V à sa chasteté, le VII à sa foi, le VIII à son espérance, etc. Les approbateurs ne s’y trompèrent pas. Pour Félix Vialart de Herse, on ne trouvait pas seulement en ce livre « la vie d’une des plus grandes Saintes de ces derniers Siècles […] mais aussi une excellente instruction de toutes les vertus Chrétiennes 36 ». François Bosquet affirmait que « la Vie sans les vertus estant une mort plustost qu’une vie […] Le Pere Hervé a eu grande raison de décrire la Vie de la Venerable Sœur Marie de l’Incarnation par l’Histoire de ses Vertus ». Quant à Guillaume Le Boux, il estimait que « cet ouvrage comprand ce qu’il y a de plus important dans la Morale chrétienne en mesme temps qu’il nous represante la Vie Chrétienne de cette sainte, et tres-vertueuse Religieuse. » 2 Le jugement des lecteurs Nous avons étudié la manière dont les biographies édifiantes ont été reçues par les examinateurs romains, et utilisées dans les causes de béatification et de canonisation 37 . Nous n’avons pas, en revanche, suffisamment analysé l’accueil réservé par les lecteurs français à ces ouvrages. Un témoignage original sur ce sujet, émis par Jean Louail (1668-1724), figure dans le fonds « Port-Royal » des Archives d’Utrecht. L’auteur, janséniste, est connu pour avoir été le disciple de Nicolas Le Tourneux. Il avait partagé sa retraite au prieuré clunisien de Villers-sur-Fère, en Soissonnais, entre juin et novembre 1686, lui servant de secrétaire, et l’assistant dans la célébration des offices. Nous ne savons pas précisément pourquoi Louail s’est intéressé à la biographie de Vincent de Paul écrite par l’ancien évêque de Rodez, Louis Abelly. La polémique suscitée par Martin de Barcos en 1668, autour de ce livre, a peut-être attiré son attention 38 . Nous suggérons une autre hypothèse. Après la mort de Le Tourneux, survenue lors d’un déplacement à Paris, le 28 novembre 1686, Louail avait entrepris d’écrire la vie de son mentor, 36 Cet extrait, ainsi que les suivants, sont tirés des textes des approbations, n. p. 37 Éric Suire, « Les biographies spirituelles dans les Animadversiones du Promoteur de la foi (XVII e -XX e siècle) », colloque international Hagiographie et canonisation XVI e - XX e siècle, Christian Renoux et Philippe Castagnetti dir., Orléans, Centre Dupanloup, 8-9 décembre 2016, actes à paraître ; id., « Collecte et usage de l’information : le procès de canonisation à l’issue des réformes d’Urbain VIII (XVII e -XX e siècles) », dans Laurent Coste (dir.), S’informer pour gouverner, Pessac, MSHA-CEMMC, 2020, p. 67-80. 38 Éric Suire, « L’hagiographie janséniste. Théorie et réalités », Histoire, Économie, Société, XIX, 2 (2000), p. 185-200. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 52 auquel il portait une admiration profonde. Sa tentative, inachevée si l’on en juge par l’état de la copie conservée à Utrecht, dépourvue de date, a pour titre Mémoires pour servir à l’histoire de la vie de M. Le Tourneux P.D.V. Ces Mémoires ont sans doute été rédigés à la demande du protecteur de Louail après la mort du prieur de Villers, le jeune abbé de Louvois, garde des livres de la Bibliothèque du roi 39 . Il est probable que Jean Louail, jeune et totalement inexpérimenté dans ce domaine, ait cherché à se documenter sur la manière de rédiger la vie d’un vénérable prêtre. Le livre d’Abelly pouvait lui servir de modèle, car plusieurs points communs reliaient Le Tourneux à M. Vincent : leurs origines modestes, leur trajectoire ascendante jusqu’à la cour de France, leurs étonnantes capacités intellectuelles, et même leur ordination précoce, avant l’âge requis par le Concile de Trente. Dans un passage d’un de ses manuscrits, dont une copie est conservée à Utrecht, l’hagiographe improvisé livre un compte rendu méthodique de la vie du fondateur de la Mission. Il semble s’inspirer des extraits publiés dans les périodiques à la mode, comme le Journal des Savants de l’abbé Gallois ou les Nouvelles de la République des Lettres de Pierre Bayle : Vie de M. de Vincent de Paule [sic] fondateur et instituteur des Prêtres de la Mission. Par M. Abely ancien évêque de Rodez. A Paris en 1664. In-4 Je n’ai fait que parcourir ce livre : son épaisseur m’épouvanta d’abord ; et la manière dont je vis que M. Abély exécutoit ce qu’il avoit promis dans la préface, d’écrire cette vie avec sincérité, simplicité et netteté, & de ne pas faire une pièce d’éloquence, mais un simple récit des actions vertueuses d’un serviteur de Dieu me rebuta tout à fait. Car il n’a rien fait de ce qu’il promet si solennellement, ainsi que nous le verrons dans la suite. Cependant voici un abrégé de ce que cet évêque dit de M. Vincent […] M. Vincent eut aussi un grand éloignem[en]t de la morale relâchée, et recommanda fortem[en]t aux siens d’en détester les maximes corrompuës. Il fut en un mot un modèle de toutes les vertus ; car selon le témoignage de son historien, il avoit reçu de Dieu une latitude & capacité de cœur qui lui fesoit embrasser toutes les vertus [chré]tiennes, qu’il possédoit toutes un en degré très parfait. Il étoit consommé, dit encore le même historien, en vertu, en doctrine et expérience. Mais ce qui a plus éclaté en lui c’est son humilité, sa modération, sa simplicité. C’étoit là, selon l’expression de M. Abély, son équipage ordinaire. Louail s’appuie ensuite sur la Défense de M. Vincent, écrite par Martin de Barcos, pour souligner les défauts de l’ouvrage d’Abelly. Sa neuvième observation porte précisément sur la façon dont les vertus du serviteur de 39 Thierry Sarmant, « L’abbé de Louvois, Bibliothécaire du roi (1684-1718) », Revue de la BNF, 41, 2 (2012), p. 76-83. Procès de canonisation et hagiographies au temps de la Réforme catholique PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 53 Dieu y sont décrites : « M. Vincent a possédé toutes les vertus dans un degré parfait : louanges hyperboliques, et démesurées 40 . » Il n’a donc pas goûté le livre qu’il s’était, peut-être, proposé pour modèle. De même que Barcos avant lui, il l’a trouvé excessif et insincère. Il ne comprenait pas que l’auteur avait écrit pour lancer la cause de canonisation, à la demande de René Alméras, le supérieur de la Mission. Il n’est pas exclu que l’échec de ce livre, et la querelle suscitée par l’abbé Barcos, ait contribué au retard du procès de canonisation. En tout cas, les rééditions de 1667 et de 1684 de la Vie écrite par Abelly réalisèrent de nombreuses coupes dans le texte original, qui ne comportait plus que deux livres. L’accueil du public fut plus que mitigé à l’égard de La vie chrétienne de la vénérable sœur Marie de l’Incarnation de Daniel Hervé. À la fin du XVIII e siècle, l’abbé de Montis écrit à son sujet qu’« il règne peu d’ordre dans les faits qui se trouvent d’ailleurs noyés dans des réflexions trop étendues et quelquefois étrangères, et qui en font plutôt un livre de piété sur les vertus chrétiennes et religieuses, que l’Histoire d’une Sainte 41 ». Dans sa Vie de la bienheureuse sœur Marie de l’Incarnation parue en 1800, Jean-Baptiste Antoine Boucher réhabilite la première biographie de la carmélite, publiée par André Du Val, mais juge avec sévérité les ouvrages de ses successeurs 42 . Il considère que le livre de l’oratorien n’est pas une Vie mais un éloge historique : L’auteur s’est borné à parler des vertus de la Bienheureuse, et à montrer qu’elle les a pratiquées conformément à la doctrine des maîtres de la vie spirituelle. Un plan si rétréci l’a mis dans le cas de dire une foule de choses qui sont étrangères à l’histoire ; en sorte que dans plusieurs pages de suite, on trouve à peine quelques lignes qui aient le ton du récit. On regrette que le P. Hervé ait suivi cette marche : il avait plus de liberté que Duval pour raconter au long certains faits ; et les Carmélites lui avaient fourni beaucoup de mémoires authentiques 43 . En 1824, le polygraphe Charles-Yves Cousin d’Avallon reprochait encore à Daniel Hervé d’avoir introduit de longues digressions dans son propos : « Cette Vie est plutôt un panégyrique qu’une histoire ; les faits y sont noyés dans un déluge de réflexions et de moralités qui en rendent la lecture 40 Jean Louail, Archives d’Utrecht, Verzameling Port-Royal 215 (en ligne), Ms 1797- 1, clichés 69-73. 41 Abbé de Montis, La vie de vénérable sœur Marie de l’Incarnation, religieuse converse carmélite, fondatrice des carmélites de France, Paris, P.-F. Gueffier, 1778, Addition à la préface, p. XV. 42 Jean-Baptiste Antoine Boucher, Vie de la bienheureuse sœur Marie de l’Incarnation, dite dans le monde, Mademoiselle Acarie, Paris, H. Barbou, 1800, Préface, p. xij. 43 Ibid., p. xiij. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 54 fastidieuse 44 ». Or, l’oratorien avait clairement revendiqué cette manière d’écrire. Il s’était appliqué à représenter toutes les vertus de la carmélite, estimant, avec le prieur des feuillants dom Eustache de Saint-Paul, qu’elles formaient « des marques beaucoup plus assurées de sa sainteté que les miracles 45 ». Il avait travaillé dans la perspective du procès en béatification. Son livre s’adressait moins aux lecteurs français qu’aux cardinaux romains. Un religieux du tiers-ordre de Saint-François, Jean-Marie de Vernon, auteur, en 1687, d’une biographie de la fille de Marie de l’Incarnation, carmélite comme elle sous le nom religieux de Marguerite du Saint-Sacrement, a dénoncé, dans une addition à la préface de son livre, ajoutée à la réédition de 1691, les critiques adressées aux « Vies nouvelles qui se donnent maintenant au public ». Il constatait, dans cette dissertation, que « le récit de la bonne conduite des personnes illustres, qui ont paru dans nos jours, n’agrée pas à plusieurs, lesquels pourtant ne peuvent point justifier raisonnablement leur répugnance 46 ». Dès qu’une biographie édifiante paraît, chacun « en parle selon son sens et à sa mode 47 ». Peut-être a-t-il été, lui-même, victime de ces attaques qui émanaient, selon lui, de quatre sortes de personne : les impies, les hérétiques, les railleurs, et les sages du monde. Ces derniers ne rejetaient pas entièrement les livres de dévotion, mais ils en blâmaient le grand nombre, ou la longueur, ils souhaitaient que les impressions « fussent plus rares ou plus courtes 48 ». Le franciscain regrettait qu’on ne murmurât point contre les romans et « tous ces gros tomes, où les vies des connétables, des Ducs et Pairs, Maréchaux de France, Hommes d’État, et des autres personnes de cette trempe sont décrites 49 ». 44 Charles-Yves Cousin d’Avallon, « Hervé, Daniel, prêtre de l’Oratoire », dans Dictionnaire biographique et bibliographique des prédicateurs et sermonnaires français…, Paris-Lyon, Persan-Périsse, 1824, p. 129. 45 Lettre à Michel de Marillac du 15 septembre 1618, reproduite par D. Hervé, op. cit., « Avertissement », n. p. 46 Jean-Marie de Vernon, Conduite chrétienne et religieuse, selon les sentiments de la Vénérable Mère Marguerite du Saint-Sacrement, Religieuse Carmélite, Fille de la bienheureuse Sœur Marie de l’Incarnation, Religieuse du même ordre. Avec un abrégé de sa Vie, Paris, R. Chevillion, 1691 (éd. originale : Lyon, 1687), « Dissertation sur les Vies nouvelles qui se donnent maintenant au public », p. XLII. 47 Ibid., p. XL. 48 Ibid., p. LVIII. 49 Ibid., p. LXV. Procès de canonisation et hagiographies au temps de la Réforme catholique PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 55 3 Les réorientations de la fin de l’Ancien Régime La rupture entre une certaine manière d’écrire la Vie d’un saint et les attentes d’un lectorat émancipé paraît bien amorcée à la fin du XVII e siècle. En 1645, le chanoine régulier Jean Bedel avait opté pour le plan tripartite, alors en faveur, dans la biographie du restaurateur de son ordre, le vénérable Pierre Fourier : Vie, vertus, dons extraordinaires 50 . Une trentaine d’années plus tard, Jacqueline Bouette de Blémur était invitée par les chanoinesses de Notre-Dame, l’autre congrégation fondée par le prêtre lorrain, à rédiger une biographie nouvelle destinée à appuyer la cause de béatification. Bien que le livre ait paru sans nom d’auteur, en 1678, la bénédictine, déjà connue pour ses travaux hagiographiques 51 , a été identifiée par le bibliographe Jacques Lelong. Dans sa dédicace à l’archevêque de Paris, M gr de Harlay de Champvallon, elle prend un recul étonnant par rapport à son ouvrage : On sera surpris infailliblement que j’ai travaillé sur la vie du Père de Mataincour, après que d’autres l’ont déjà donnée au public. Je dois donc avertir ceux qui prendront la peine de la lire, que c’est de ma part l’ouvrage de la condescendance et de la soumission que j’aie eue pour le zèle des filles de ce grand serviteur de Dieu, qui ont souhaité que je lui rendisse ce service dans le temps qu’elles essaient de ménager sa béatification auprès du S. Siège, et de rendre par ce moyen sa vénération publique 52 . Elle ajoutait cependant que le lecteur serait bien aise d’être informé « d’une manière plus historique, et moins étendue que la Vie qui en a été composée en Lorraine par un des Pères de sa Congrégation, très savant, mais qui ne parle pas notre langue, comme on le fait à présent 53 . » Sa biographie, plus ramassée, suivait un développement strictement chronologique, avant de s’achever par le récit de quelques miracles. En 1687, la Vie de François de Sales par Charles Cotolendi rompait, elle aussi, avec le primat accordé aux vertus. Ses trois parties, que l’on peut qualifier de « chrono-thématique », abordent les années de jeunesse, l’évêque, 50 Jean Bedel, La vie du Révérend Père Pierre Fourier ; dite vulgairement le père de Mataincour, Paris, S. Piquet, 1645. 51 Voir les éléments biographiques donnés sur cette religieuse par Fabienne Henryot, « La religieuse lectrice sous la plume de la Mère de Blémur », dans Fabienne Henryot et Philippe Martin (dir.), Les femmes dans le cloître et la lecture (XVII e - XIX e siècle), Paris, Beauchesne, 2017, p. 217-220. 52 Jacqueline Bouette de Blémur, La vie du Révérend Père Pierre Fourier, général des chanoines réguliers de la Congrégation de Notre-Sauveur et instituteur des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame, curé de Mataincour, Paris, L. Billaine, 1678, n. p. 53 Ibid. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 56 puis l’auteur spirituel et le directeur de conscience 54 . En 1697, Louise- Françoise de Bussy-Rabutin ne retenait que deux parties chronologiques dans la biographie abrégée de sa bisaïeule, Jeanne de Chantal, où elle traitait de sa vie dans le monde, puis de sa vie religieuse 55 . Certes, ces deux écrivains étaient des laïcs, et leur statut put orienter leurs choix. Cependant, à la fin du XVII e siècle et au cours de la période suivante, maints ecclésiastiques se détournaient, eux aussi, des schémas calqués sur la procédure de canonisation. La description des vertus n’occupait plus qu’une place relativement modeste dans les Vies de Julien Maunoir par Antoine Boschet, en 1697, de Jeanne de Lestonnac par Guillaume Beaufils, en 1742, ou de Marie-Louise de Jésus (Trichet) par René Allaire, en 1768 56 . Toutes étaient conçues sur le même modèle : cinq livres chronologiques, puis un sixième dédié aux vertus et aux « grâces spéciales » de leur héros. En 1724, le jésuite Pierre-François- Xavier de Charlevoix publiait une Vie de l’ursuline du Québec, Marie-Guyart de l’Incarnation, en suivant un plan strictement chronologique, alimenté par les mémoires autobiographiques de la religieuse 57 . En 1729, l’évêque de Soissons Languet de Gergy divisait, lui aussi, sa Vie de la visitandine Marguerite-Marie Alacoque en dix livres chronologiques 58 , ce qui ne préserva pas l’ouvrage de contestations virulentes, mettant en cause les 54 Charles Cotolendi, La vie de saint François de Sales, evêque et prince de Geneve, fondateur de l’ordre de la Visitation Sainte Marie, Paris, C. Barbin, 1687. Dans sa préface, l’auteur dit avoir été incité à l’écriture de cette nouvelle biographie par Louis Abelly, « à cause de plusieurs digressions, qui peut-être étoient alors de la maniere d’écrire [les histoires des saints] & qui ne sont plus du goût d’aujourd’hui », n. p. 55 Louise-Françoise de Bussy-Rabutin, La vie en abrégé de Madame de Chantal, première Mère et fondatrice de l’ordre de la Visitation de Sainte-Marie, Paris, S. Bénard, 1697. Le même plan en deux parties est repris par Claude-Simon Cordier dans sa Vie de Jeanne de Chantal publiée en 1752. 56 Antoine Boschet, Le Parfait missionnaire ou la vie du R.P. Julien Maunoir, de la Compagnie de Jésus, Paris, J. Anisson, 1697 ; Guillaume Beaufils, La vie de la vénérable Mère Jeanne de Lestonnac, fondatrice de l’ordre des religieuses de Notre- Dame, Toulouse, P. Robert, 1742 ; René Allaire, Abrégé de la vie et des vertus de la sœur Marie-Louise de Jésus, supérieure des Filles de la Sagesse, Poitiers, J.-F. Faulcon, 1768. 57 Pierre-François-Xavier de Charlevoix, La vie de la mère Marie de l’Incarnation, institutrice et première supérieure des Ursulines de la Nouvelle-France, Paris, L.-A. Thomelin, 1724. 58 Jean-Joseph Languet de Gergy, La vie de la vénérable mère Marguerite-Marie, religieuse de la Visitation Sainte-Marie du Monastère de Paray-le-Monial en Charolois, Paris, Veuve Mazières et J.-B. Garnier, 1729. Procès de canonisation et hagiographies au temps de la Réforme catholique PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 57 passages sur les états mystiques de la religieuse 59 . L’abbé Blain, en 1733, osait ajouter à sa Vie de Jean-Baptiste de La Salle une quatrième partie sur les vertus du serviteur de Dieu 60 , mais les frères des Écoles chrétiennes se déclarèrent insatisfaits de l’ouvrage, jugé beaucoup trop long pour remplir son office. S’ensuivit une brève querelle entre l’auteur et ses commanditaires. Quatorze ans après le décès de Jean-Baptiste, ces derniers n’avaient plus le temps de recruter un autre écrivain pour faire connaître les mérites de leur fondateur. Les auteurs conservant le développement « Vie-Vertus-Miracles » au XVIII e siècle furent, à l’instar de l’abbé Blain, des « écrivains mercenaires », contraints de se plier aux exigences de leur employeur. Nous avons, après lui, l’exemple de l’abbé Cever et de son Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne de la Noue, publié en 1743. Cette biographie se déploie en trois temps ; elle commence par le récit de l’existence de la fondatrice des sœurs de la Providence de Saumur, puis rapporte quelques miracles survenus pendant sa vie ou après sa mort, avant de préciser la manière dont elle avait pratiqué les vertus théologales, puis les vertus cardinales. L’abbé Cever écrivait sur le commandement des religieuses, qui avaient sollicité le privilège royal. Il avouait, dans un avertissement liminaire, qu’il n’avait vu Jeanne que deux ou trois fois, « & encore fort peu de tems à chaque fois », et avait travaillé à partir des mémoires remis par sa congrégation, « extraordinairement longs », recueillis après sa mort 61 . Il déclarait ne pas se soucier des jugements du monde : « je me mets peu en peine des blâmes que le monde fera peut-être de ce Livre, pour l’inélégance du stile, le peu d’exactitude à suivre les règles de l’art & les autres défauts qu’il y trouvera 62 ». Il avait certainement suivi une trame indiquée par les sœurs de la Providence. En revanche, le chanoine anonyme qui écrivait, en 1759, une nou- 59 Henri Duranton, « Haro sur l’évêque de Soissons Jean-Joseph Languet de Gery livré aux chiens jansénistes », dans Christelle Bahier-Porte, Pierre-François Moreau et Delphine Reguig (dir.), Liberté de conscience et arts de penser (XVI e -XVIII e siècle). Mélanges en l’honneur d’Antony McKenna, Paris, H. Champion, 2017, p. 745-748. 60 Jean-Baptiste Blain, La vie de Monsieur Jean-Baptiste de La Salle, Instituteur des Frères des Ecoles chrétiennes, Rouen, J.-B. Machuel, 1733. 61 Abbé Cever, Discours sur la vie et les vertus de la vénérable sœur Jeanne de la Noue, Fondatrice et première Supérieure de la Maison de la Providence de Saumur, décédée le 16 août 1736 en odeur de sainteté, Angers, P.-L. Dubé, 1743, « Avertissement », p. XI. 62 Ibid., p. XIV. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 58 velle Vie de la mère Alix Leclerc pour soutenir sa cause de béatification 63 , semble avoir profité d’une plus grande liberté. De même que la mère de Blémur avait rajeuni, avant lui, le portrait de Pierre Fourier, il s’efforçait de mettre au goût du jour la première biographie imprimée sur la fondatrice des chanoinesses de Notre-Dame : […] il m’a fallu renverser tout un imprimé que les Religieuses de la Congrégation ont autrefois donné au public sur la vie de leur glorieuse fondatrice . Rien de plus grand, rien de plus édifiant que tout ce qu’elles y rapportent ; mais ce qui devrait être placé dans le corps de la vie de leur vénérable et digne Mère, se trouve répandu et confondu après sa mort parmi ses vertus. Ce qui devrait être rapporté dans une année est raconté dans une autre, il n’y a aucun ordre ni dans les faits ni dans le temps. Pour remédier à un si grand défaut, j’ai suivi la Servante de Dieu dans toutes ses résidences, dans tous ses voyages et dans tout le cours de sa vie, année après année depuis sa conversion jusqu’à la fin de sa carrière 65 . Là encore, l’écrivain interprétait comme un défaut de méthode une démarche inspirée, en son temps, par la volonté de correspondre à la procédure romaine. 4 Conclusion Lors des procès menés à la fin du Moyen Âge en vue d’une canonisation, les efforts des enquêteurs pour orienter les dépositions des témoins se lisent dans les documents récoltés. Dans le cas du procès toulousain de Vincent Ferrier, on décèle, dans les témoignages recueillis, l’esquisse du portrait officiel qui allait triompher dans l’hagiographie ultérieure 66 . Assez logiquement, la légende du saint s’appuyait sur l’enquête canonique qui l’avait précédée. C’est le phénomène inverse que l’on constate au XVII e siècle, à plus forte raison si l’on étudie les caractéristiques formelles des biographies édifiantes. Les Vies des serviteurs de Dieu récemment décédés cherchent à devancer les attentes de la Sacrée Congrégation des Rites. Elles visent, manifestement, à 63 Cet ouvrage figure dans le fonds Riti de l’Archivio Segreto Vaticano, sous la cote 4305 : Vie de la vénérable Mère Alix fondatrice et institutrice de la congrégation Notre- Dame par un chanoine de l’insigne église de Saint-Pierre de Remiremont, in-4, manuscrit relié, 1759, n. p. (300 p.). 64 Il s’agit de La Vie de la venerable Mere Alix Le Clerc Fondatrice, première mere et religieuse de l’ordre de la Congrégation de Nostre-Dame contenant la relation d’icelle, Nancy, Antoine, C. et C. Les Charlots, 1666. 65 Vie de la vénérable Mère Alix fondatrice et institutrice de la congrégation Notre-Dame, op. cit., « Préface », n. p. 66 Michelle Fournié, art. cit., p. 147. Procès de canonisation et hagiographies au temps de la Réforme catholique PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 59 influencer le regard des examinateurs des procès. Mais cette ambition se heurta à une double réalité. D’une part, les hagiographies publiées ne réussirent pas à tromper l’expertise du Promoteur de la Foi et des consulteurs des Rites. Les examinateurs romains prirent l’habitude de confronter l’enseignement des textes imprimés aux auditions des témoins, et de formuler des objections à partir de leurs contradictions éventuelles. Au procès du jésuite Jean-François Régis, par exemple, le cardinal Prospero Lamberini s’appuya sur la biographie du missionnaire pour formuler certaines animadversiones 67 . D’autre part, les critiques émises sur les biographies édifiantes à la fin du XVII e siècle, et l’insuccès commercial de certains livres n’ayant pas été réédités 68 , enseignent que la lourdeur des démonstrations déployées, avec leurs interminables listes de vertus, avaient fini par lasser le public dévot. Cette littérature de piété était même devenue un objet de railleries. Les dénonciations des théologiens de Port-Royal, attachés au modèle augustinien du pécheur converti plutôt qu’au concept thomiste du saint héroïque, ne purent que favoriser cette prise de distance. Au siècle suivant, les hagiographes se détournèrent des schémas calqués sur la procédure romaine pour renouer avec une trame chronologique de type narratif. Les ouvrages offrant la part belle à l’évocation des vertus de leur héros faisaient, dorénavant, figure d’archaïsme 69 . Un siècle plus tôt, ils incarnaient une certaine modernité. 67 Il lisait dans la vie de Jean-François Régis (par Claude La Broue ? ) que le missionnaire s’était souvent exposé à recevoir des coups pour remettre les pécheurs dans le droit chemin. Si une telle patience devait être louée, on pouvait aussi considérer qu’il avait incité ses adversaires à le frapper, en se prêtant aux attaques avec une si bonne volonté, Biblioteca Apostolica Vaticana, Barberini LL III 28, Positio super dubio : An constet de virtutibus…, 1710, Animadversiones P.F., n.p. 68 Les rééditions des Vies de la carmélite Marie de l’Incarnation révèlent une audience en décrue progressive : celle d’André Duval (1621) fut éditée à dix reprises, celle de Maurice Marin (1642) connut deux éditions, celle de Daniel Hervé (1666) en connut trois, tandis que celle de l’abbé de Montis (1778) ne fut pas rééditée. 69 Nous avons l’exemple de La vie de la vénérable Mère Alix Leclerc, co-institutrice de l’ordre de la congrégation de Notre Dame, Liège-Nancy, H. Haener, 1773, écrite à la demande des religieuses du couvent de Nancy par le P. Gautrelle, carme déchaux de la province de Lorraine, et divisée en trois livres : première partie de la vie de la fondatrice ; seconde partie de sa vie ; vertus théologales et cardinales. Ce livre ne connut, apparemment, aucun succès. Éric Suire PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0002 60 5 Bibliographie 5.1 Sources Abelly, Louis. La vie du vénérable Serviteur de Dieu Vincent de Paul, instituteur et premier supérieur général de la congrégation de la Mission, Paris, F. Lambert, 1664. Allaire, René. Abrégé de la vie et des vertus de la sœur Marie-Louise de Jésus, supérieure des Filles de la Sagesse, Poitiers, J.-F. Faulcon, 1768. Avallon, Charles-Yves Cousin d’. Dictionnaire biographique et bibliographique des prédicateurs et sermonnaires français…, Paris-Lyon, Persan-Périsse, 1824. Beaufils, Guillaume. La vie de la vénérable Mère Jeanne de Lestonnac, fondatrice de l’ordre des religieuses de Notre-Dame, Toulouse, P. Robert, 1742. Beauvais, Jacques. La vie du B. 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