eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 49/96

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2022-0003
2022
4996

Entre le merveilleux et le vraisemblable : la représentation des miracles dans les hagiographies post-tridentines

2022
Rogier Gerrits
PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 Entre le merveilleux et le vraisemblable : la représentation des miracles dans les hagiographies post-tridentines R OGIER G ERRITS (U NIVERSITÉ DE H AMBOURG ) Dans le troisième livre de La vie du béat Pere César de Bus (1645), l’hagiographe Jacques Bauvais donne une définition du miracle, en faisant référence à saint Augustin : Dieu qui est l’autheur de la nature, qui lui a donné des loix & estably son ordre, s’est reservé, selon saint Augustin, le pouvoir de faire certaines actions extraordinaires & produire des œuvres qui surmontent les loix communes, pour éveiller en certain temps l’admiration des hommes […]. Les miracles sont du nombre de ses oeuvres que Dieu a preparé pour faire mieux cognoistre sa Majesté souveraine, lors que les hommes l’oublient & mécognoissent, voyans toûjours le cours invariable des œuvres naturelles 1 . Cette définition du miracle qui est courante au XVII e siècle montre qu’il remplit sa fonction surtout par la réaction provoquée chez les témoins de 1 Jacques Bauvais, La vie du béat Pere César de Bus, Paris, S. Heure, 1645, p. 158. Il est étonnant que Bauvais se réfère à Augustin, parce que celui-ci déclare que le miracle n’est pas une action de Dieu qui va à l’encontre ou qui surmonte les lois de la nature (cf. De Civitate Dei, 21,8 ; Contra Faustum Manichaeum 26,3). Bauvais fait peut-être référence à la citation suivante dans Contra Faustum où Augustin définit le miracle comme un événement qui est contraire au cours de la nature tel qu’il est connu de l’homme : « Sed contra naturam non incongrue dicimus aliquid deum facere, quod facit contra id, quod nouimus in natura. Hanc enim etiam appellamus naturam, cognitum nobis cursum solitumque naturae, contra quem deus cum aliquid facit, magnalia uel mirabilia nominantur. » Augustin, Contra Faustum Manichaeum, 26,3, éd. J. Zycha, Vienne, Tempsky, 1891, p. 731, 15-20 (Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum 25/ 1). « Les loix communes » dont Bauvais parle, pourraient alors correspondre avec ce que « nous savons de la nature » (« novimus in natura ») et « le cours usuel de la nature » (« cursum solitum naturae »). Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 66 ces événements surnaturels 2 . Ce n’est pas le miracle en soi, mais sa perception qui évoque l’admiration des spectateurs et qui en fait un signe de la puissance et de la grâce de Dieu. Car en plus d’être un acte de pouvoir, le miracle est un signe de Dieu pour montrer aux hommes sa majesté. Ainsi, les miracles que Jésus-Christ accomplit dans le Nouveau Testament sont décrits non seulement avec les termes grecques ρα α térata (fr. chose monstrueuse), ργ érgon (fr. œuvre, action) ou δ αμ dúnamis (fr. puissance), mais aussi avec σ μ α sēmeîa (fr. signe) et παρ δ α parádoxa (fr. quelque chose d’incroyable) 3 . L’admiration que suscite la perception des miracles chez l’homme témoigne de l’incompréhensibilité du miracle et est par conséquent preuve de leur origine divine. Étant donné que c’est la réaction d’étonnement de celui qui perçoit le miracle - mot auquel le miracle aussi bien que l’admiration sont liés par leur racine étymologique latine mirari (fr. admirer, s’étonner) - qui donne au miracle sa force, le miracle est un événement qui exige d’être médiatisé 4 . Afin de propager 2 Au XVII e siècle, la définition du miracle selon Thomas d’Aquin est celle que l’on utilise communément. Selon lui « illa quae a Deo fiunt praeter causas nobis notas, miracula dicuntur. » (Thomas d’Aquin, Summa Theologica, I, quaestio 105, articulus 7, Dominikanern und Benediktern Deutschlands und Österreichs (trad.), Albertus-Magnus-Akademie Walderberg bei Köln (dir.), Tome 8, Salzburg, Pustet, 1951, p. 68). Thomas contredit Augustin dans la mesure où selon lui Dieu peut bien agir à l’encontre de l’ordre de la nature, mais l’homme ne reconnaît un miracle que par l’effet qu’il produit en l’homme. Pour l’histoire du terme ‘miracle’ nous renvoyons aux sources suivantes : John A. Hardon S.J., « The Concept of Miracle from St. Augustine to Modern Apologetics », Theological Studies, 15, 2 (1954), p. 229-257 ; Lorraine Daston, « Marvelous Facts and Miraculous Evidence », Critical Inquiry, 18, 1 (1991) p. 93-124 ; Caroline W. Bynum, « Wonder », The American Historical Review, 102, 1 (1997) p. 1-26 ; Fernando Vidal, « Miracles, Science, and Testimony in Post-Tridentine Saint-Making », Science in Context, 20, 3 (2007), p. 481-508 ; Alexander C. T. Geppert / Till Kössler, « Einleitung : Wunder der Zeitgeschichte », dans id. (dir.), Wunder : Poetik und Politik des Staunens im 20. Jahrhundert, Berlin, Suhrkamp, 2011, p. 49-68. 3 Cf. Ruben Zimmermann, « Wundern über ‘des Glaubens liebstes Kind’. Die hermeneutische (De-)Konstruktion der Wunder Jesu in der Bibelauslegung des 20. Jahrhunderts », dans Geppert/ Kössler (dir.), Wunder, p. 95-125, ici p. 98 ; Mario Grizelj, Wunder und Wunden. Religion als Formproblem von Literatur, Paderborn, Fink, 2018, p. 171 seq. ; Wolfgang Weiß, « Zeichen und Wunder ». Eine Studie zu der Sprachtradition und ihrer Verwendung im Neuen Testament, Neukirchen-Vluyn, Neukirchner Verlag, 1995. 4 Cf. Grizelj, Wunder und Wunden, p. 8. Pour l’étymologie des mots ‘miracle’ et ‘admiration’ nous renvoyons à Jacques le Goff, « L’imaginaire médiéval : le merveilleux dans l’Occident médiéval », dans id. (dir.), Un autre Moyen Âge, Paris, Gallimard, 1999, p. 421-770, ici p. 456. L’admiration implique le regard et la Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 67 l’effet du miracle en dehors du cercle des témoins directs, il faut une reproduction médiale en forme de texte ou d’image. Dans ce qui suit, nous investiguons ce processus de médiatisation telle qu’il se présente dans l’hagiographie dans laquelle les récits de miracles jouent un rôle primordial. Étant donné que les miracles sont par définition des événements incompréhensibles, nous poserons la question de savoir comment les auteurs des hagiographies procèdent pour les représenter de façon crédible. De quelle manière arrivent-t-ils à soulever l’admiration des lecteurs tout en respectant la vraisemblance qui s’impose dès le XVII e siècle face à la critique humaniste des sources hagiographiques ? Comment, finalement, est-ce qu’ils balancent leur rhétorique entre le merveilleux, indispensable pour démontrer le statut miraculeux des œuvres du saint, et le vraisemblable, qui à sa tour est nécessaire pour convaincre le lecteur de la véracité des miracles. Les notions du merveilleux et de la vraisemblance ont bien évidemment une valeur poétologique. Au XVII e siècle, les termes qui dérivent de la poétique aristotélicienne ont intensivement été discutées dans le contexte du théâtre et de la poésie épique 5 . Compte tenu de ce contexte, nous examinerons la question de savoir si et comment cette discussion poétologique influence l’écriture hagiographique. perception, puisqu’elle ne peut être suscitée que par les sens. Cf. aussi Bernard Vouilloux, Avant-propos, dans Aurélia Gaillard et Jean-René Valette (dir.) : La beauté du merveilleux, Bordeaux, PUB, 2011, p. 14 : « […] mirabilia et mirabilis se rattachent à la racine mir- (présente dans miroir, mirari, mirus), qui implique le regard, sens esthétique s’il en est ». 5 Dans la Pratique du Théâtre (1657) l’abbé d’Aubignac développe sa théorie sur les trois unités du théâtre classique. Il y insiste sur l’équilibre entre le merveilleux et la vraisemblance en écrivant que celle-ci « enveloppe en soi le Merveilleux, qui rend les événements d’autant plus nobles qu’ils sont imprévus, quoique toutefois vraisemblables ». Abbé d’Aubignac, La Pratique du Théâtre, éd. Helène Baby, Paris, Champion, 2001, p. 126. Lors de la querelle du merveilleux païen et du merveilleux chrétien, les deux concepts ont été liés par rapport à la poésie épique. Jean Desmarets de Saint-Sorlin dans La Défense du poème épique (1674) argumente que l’inclusion du merveilleux chrétien (c’est-à-dire de la matière biblique) augmente la vraisemblance, puisqu’il s’agit d’histoires vraies. Cf. La Deffense du Poëme heroïque, Paris, J. Le Gras, 1674, p. 13. Nicolas Boileau stipule pourtant que l’inclusion de vérités chrétiennes dans le genre fictionnel de la poésie épique risquerait de les transformer en mensonge. Cf. L’Art Poétique, III, 235-236, dans Nicolas Boileau, Œuvres complètes, éd. Antoine Adam et Françoise Escal, Paris, Gallimard, 1966. Cf. aussi Reinhard Krüger, « Merveilleux païen ou merveilleux chrétien ? Le débat sur l’épopée française et la sécularisation du merveilleux au XVIIe siècle » dans : Frédéric Canovas et David Wetsel (dir.), La Spiritualité/ L’Épistolaire/ Le Merveilleux au Grand Siècle, Tübingen, Narr, 2003, p. 289-302. Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 68 Toutes ces questions ont une pertinence spécifique quand il s’agit de l’hagiographie post-tridentine. La régulation stricte des processus de canonisations qui suit le Concile de Trente a aussi des conséquences pour la reconnaissance de l’authenticité des miracles que les saints en attente auraient accomplis et qui en tant que signum sanctitatis sont nécessaires pour leur canonisation. En effet, le décret sur le culte des saints interdit « d’admettre de nouveaux miracles et de recevoir de nouvelles reliques si ce n’est après que l’évêque les aura examinées et approuvées 6 ». Dans les préfaces des hagiographies et des récits de miracles publiés après l’approbation du décret, l’on trouve une grande quantité d’indices montrant que les auteurs se sont rendu compte de la difficulté de maintenir le juste équilibre entre le merveilleux et le vraisemblable. Dans la dédicace qui précède les récits de miracles dans le Saint Pélérinage de Notre-Dame de Lumières (1666), Michel du Saint Esprit affirme à propos de la description des miracles qui auraient eu lieu dans le village de Goult : « Semblables matieres doivent estre traitées fort simplement, avec la pure narrative 7 ». Pareillement, dans la préface de La Vie de la vénérable Mere Agnez de Jésus (1666), Charles-Louis de Lantages rassure les lecteurs sceptiques en expliquant que, lui aussi, il n’aurait pas « crû legerement tant de choses merveilleuses » et qu’il offre « le simple récit de quoy que ce soit qui est arrivé à cette admirable fille 8 ». Les déclarations de ces deux ecclésiastiques indiquent que les récits de miracles doivent correspondre surtout à une exigence de simplicité. Pour vérifier ces premiers indices rhétoriques nous examinerons trois hagiographies françaises publiées au milieu du XVII e siècle. Il s’agit de La Vie de la vénérable Mere Agnez de Jésus publiée en 1666 par Charles Louis de Lantages, La vie du Béat Pere Cesar De-Bus publiée en 1645 par Jean Bauvais, La Vie du révérend père J. F. Régis publiée en 1654 par Claude la Broüe. Tout en sachant que notre analyse ne peut être exhaustive, nous avons choisi ces exemples, parce qu’elles montrent chacune une stratégie rhétorique légère- 6 « Nulla etiam admittenda esse nova miracula […], nisi eodem recognoscente et approbante episcopo ». Concile de Trente, 25 e session, 3 décembre 1563 : De l’invocation, de la vénération, et des reliques des saints, et des saintes images. Le saint Concile de Trente, œcuménique et général, célébré sous Paul III, Jules III, et Pie IV, souverains pontifes, traduit par M. l’Abbé d’Assance, t. 2, Paris, Méquignon Junior, 1842, p. 294. 7 Michel du Saint Esprit, Saint Pélérinage de Notre-Dame de Lumières, Lettre dédicatoire, Lyon, Iean Gregoire, 1666, s.p. Nous soulignons. 8 Charles-Louis de Lantages, La Vie de la vénérable Mere Agnez de Iesus, Préface, Paris, George Iosse, 1666, s.p. Nous soulignons. Voir aussi la contribution de Sophie Houdard dans ce volume. Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 69 ment différente. Une attention particulière sera prêtée à la façon dont les auteurs équilibrent le merveilleux et le vraisemblable 9 . 1 La Vie de la mère Agnès de Jésus Dès le début de la Vie de la dominicaine mère Agnès de Jésus (1602- 1634), Charles-Louis de Lantages, qui écrit l’hagiographie en sa fonction de directeur du séminaire du Puy, met l’accent sur la véracité des miracles. En admettant aux lecteurs qu’il est difficile de croire aux miracles, il tente de les rassurer dans la préface, en affirmant que pour les récits de miracles il s’appuierait sur des témoignages fiables : Ce qui pourra mettre obstacle en quelques uns à un effet si desirable, sera la difficulté qu’ils auront à croire les merveilles de grace dont cette Vie est toute remplie. C’est pourquoy je doy asseurer icy le Lecteur, comme je fais tres-sincerement, je n’y ai écrit quoy que ce soit que par de tres-bons témoignages 10 . Ensuite, il dresse la liste de tous les témoignages qui constituent le fondement de son texte. En premier lieu, il présente plusieurs ecclésiastiques qui avaient connu Agnès de son vivant. L’authenticité et la fiabilité de ces témoignages sont soulignées par des stratégies différentes. Les mémoires du père Esprit Panassière qui avait reçu Agnès dans l’ordre des dominicains avaient par exemple été « signez de sa Main & attestez par son serment devant Monsieur le Vice-Official du Puy 11 ». Le confesseur d’Agnès, Monsieur Martinon, avaient également confirmé ses mémoires par son serment 12 . De plus, Lantages confirme que plusieurs témoins ecclésiastiques auraient « examiné et observé » Agnès 13 . En se servant d’un vocabulaire qui provient du témoignage oculaire, nécessaire au processus de canonisation comme au procédés des sciences expérimentales naissantes, il suggère que ces témoins auraient procédé de façon méthodique ce qui donne plus de 9 Sophie Houdard, Marion de Lencquesaing et Didier Philippot ont eux aussi discuté les concepts du merveilleux et de la vraisemblance par rapport à l’écriture hagiographique après la Concile de Trente, constatant qu’« [à] l’évidence du miracle succède le soupçon à l’égard de toute invraisemblance merveilleuse » (Sophie Houdard, Marion de Lencquesaing et Didier Philippot, « Lire et écrire des Vies de saints : regards croisés XVII e / XIX e siècles », Les Dossiers du Grihl, ( 2015), en ligne : http: / / journals.openedition.org/ dossiersgrihl/ 6322 (consulté le 30 janvier 2022). 10 Lantages, Mere Agnez, « Preface », s.p. 11 Ibid. 12 Cf. ibid. 13 Cf. ibid. Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 70 crédibilité à leurs déclarations. Quant aux miracles qui sont narrés dans la troisième partie du livre, il cite le témoignage de Jean-Jacques Olier (1608- 1657), l’instituteur du Séminaire de Saint Sulpice et « vray Homme de Dieu » qui « a esté aussi un Tesmoin de ses [d’Agnès] graces les plus signalées, & des plus grandes merveilles qui luy soient arrivées 14 ». D’abord, Lantages se sert donc d’une stratégie de légitimation que l’on pourrait qualifier de juridique. Il fournit des témoins qui ont tous déclaré par serment que les miracles attribués à la mère Agnès sont vrais. La fiabilité des témoins leur est accordée par leur statut ecclésiastique et donc par une autorité institutionnelle. En suivant le décret du Concile de Trente cité cidessus, les miracles sont donc jugés et certifiés par des autorités ecclésiastiques avant qu’ils ne soient narrés 15 . L’attitude prudente de Lantages à l’égard des miracles devient encore plus claire quand il anticipe sur quelques miracles particulièrement extraordinaires à la fin de la préface. Il semble surtout vouloir prévenir le lecteur de nourrir une admiration excessive pour ces miracles. En premier lieu, il instruit le lecteur de ne pas imiter les actions extraordinaires d’Agnès. Ainsi, le lecteur ne devrait pas sauter dans un puits tel qu’Agnès l’avait fait à l’instruction de la mère prieure de son monastère pour démontrer son obéissance 16 . La même réserve devient visible dans cette déclaration sur les résurrections miraculeuses d’Agnès : Une autre chose particuliere, dont il faut que je dise un mot, c’est le recit de deux Ressurrections de la M. Agnez. Ce qu’il y a de tres-certain dans ce recit, ce sont tous les accidents exterieurs que virent de leurs yeux les personnes tres dignes de foy qui estoient proche d’elle quand on la crût mourir & ressusciter. Mais je demeure d’accord qu’il n’est pas d’une égalle evidence qu’elle soit alors veritablement morte & ressuscitée. […] [Q]uoy qu’il me semble que ma créance est pieuse & prudente en cette rencontre, je declare pourtant au Lecteur, que je ne blâmeray pas, ny que je ne disputeray pas mesme opiniâtrement contre luy, s’il veut estre d’un sentiment contraire, & dire, comme quelques-uns, que la Mere Agnez ces deux fois là est seulement revenuë à soy d’une grande extase, & non pas ressuscitée, ainsi que je le croy avec beaucoup d’autres, & avec elle-mesme 17 . Le fait que Lantages diminue l’aspect miraculeux des résurrections en les réduisant à des effets psychologiques, montre que la vraisemblance a prio- 14 Ibid. 15 Axelle Guillausseau démontre que la même stratégie est employée dans les récits des miracles d’Ignace de Loyola. Cf. Axelle Guillausseau, « Les récits des miracles d’Ignace de Loyola », Mélanges de la Casa de Velázquez, 36, 2 (2006), p. 233-254. 16 Pour le récit en question cf. Lantages, Mere Agnez, p. 421. 17 Ibid., s.p. Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 71 rité sur le merveilleux 18 . Il n’emploie pas un langage qui vise à l’évocation de l’admiration du lecteur. Certes, Lantages décrit les miracles comme des « heureuses & admirables experiences 19 » reconnaissant ainsi leur exceptionnalité et véracité. Mais en les qualifiant comme des « experiences », il met l’accent sur l’effet que les miracles produisent plus que sur leur statut ontologique. Aussi, selon Lantages, le but des récits de miracles contenus dans le troisième livre de la vie d’Agnès n’est-il pas d’étaler tous les miracles qu’elle avait produits pendant et après sa vie. Au contraire, il s’agirait surtout d’y voir sa vertu et sa dévotion qui peuvent servir d’exemple au lecteur : Une troisième particularité de cette Vie, à laquelle je supplie le pieux Lecteur de faire attention, c’est que les Chapitres où sont rapportées plus expressément ses graces extraordinaires, ne sont pas moins instructifs ny moins capables de toucher les cœurs que les autres. Il est certain que de la façon que ces faveurs divines luy ont esté faites par N. Seigneur mesme, ou par la tres-sainte Vierge, ou par quelques Saints ou quelques Saintes, & la façon qu’elle s’est comportée en les recevant, on ne peut en lire le recit en aucun endroit de ce Livre sans y découvrir des traits ravissans de plusieurs vertus, & particulierement d’un tres-ardent amour de N. Seigneur, d’une humilité tres-profonde & tres-sincere, & d’un desir insatiable de souffrir 20 . Le vocabulaire dont Lantages se sert pour décrire les miracles souligne la dimension morale et non pas la dimension surnaturelle des récits. Ils devraient être vus comme des « graces » que Dieu offre à Agnez en raison de son comportement. Les formulations hyperboliques ne concernent pas les miracles, mais les « traits ravissants » des vertus d’Agnès telles qu’un « tresardent amour, […] une humilité tres-profonde & tres-sincere » et « un desir insatiable de souffrir ». L’objectif de Lantages devient aussi visible dans les récits de miracles mêmes. Souvent l’étonnement y est mentionné comme une réaction des témoins. Cependant, il n’y a pas d’effort rhétorique pour susciter l’admiration des lecteurs comme l’on peut voir dans un récit sur Agnès qui traverse un fleuve en marchant sur l’eau. Agnès, écrit Lantages, était « allée aux eaux des Sales proche du Puy par ordre des Medecins 21 » pour se reposer et pour prier. Toutefois, « il n’y a point de bois dans lequel on puisse 18 L’attitude sceptique à l’égard de certains miracles fait bien sûr aussi partie d’une stratégie de légitimation. En effet, en faisant étalage de son opinion critique à l’égard des miracles les plus merveilleux, Lantages renforce la véracité des autres miracles dont il ne se montre pas réticent. 19 Lantages, Mere Agnez, « Preface », s.p. 20 Ibid. 21 Ibid., p. 181. Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 72 se promener après la prise des eaux, comme il est necessaire 22 ». Alors, l’ange qui l’accompagne toujours selon Lantages, lui dit de passer à l’autre bord de la Loire où il y a un bois pour faire l’oraison. Le miracle qui se produit est décrit de la façon suivante : Agnez à cette parolle de l’Ange, que Dieu accompagna d’une inspiration bien pressante, ne voyant ny Pont ny Batteau pour ce passage, entra dans la riviere, se confiant que la divine Providence luy en feroit faire le trajet sans aucun danger. Sa confiance ne fut pas vaine. Car par un Miracle bien extraordinaire elle passa marchant sur les eaux sans que seulement sa chausseure en fust moüillée. Dequoy quelques Personnes furent témoins avec un extréme estonnement 23 . L’étonnement des témoins est bien mentionné, ce qui aide à souligner la véracité du miracle, mais le récit du miracle lui-même se limite aux faits. Lantages met l’accent avant tout sur la dévotion d’Agnès qui montre sa confiance en Dieu. Cet aspect moral du récit est confirmé par le fait que la narration suit le modèle d’un miracle biblique, à savoir la scène où Jésus- Christ et l’apôtre Pierre marchent sur l’eau (Mt 14, 22-33). Comme dans le récit d’Agnès, la marche sur les eaux va de pair avec une oraison (Jésus vient de descendre d’une montagne où il a prié seul, Agnès traverse l’eau pour aller prier en solitude). La voix de Jésus qui encourage Pierre à venir vers lui sur la mer se reflète dans les paroles de l’ange gardien d’Agnès. Les similarités entre les récits biblique et hagiographique contribuent à la crédibilité de celui-ci. Pourtant, la reprise implicite du miracle biblique dirige le regard du lecteur également vers la dimension morale. Tout comme dans le récit sur Agnès, la marche sur les eaux met à l’épreuve la confiance de l’apôtre Pierre en Jésus. Cependant, Agnès représente un meilleur exemple que sa contrepartie biblique dans la mesure où celui-ci ne démontre pas la même confiance qu’elle. Tandis que Pierre doute, elle n’hésite pas du tout. Tout sert donc à faire d’Agnès un exemple d’une vertu parfaite. Le miracle est présenté comme la récompense pour son comportement. Lantages nous relate aussi des récits dans lesquels Agnès elle-même diminue la dimension surnaturelle des miracles. Dans un cas elle provoque la guérison de l’une des religieuses du monastère par sa prière. Mais au lieu d’insister sur l’aspect miraculeux de l’événement, Agnès attribue la guérison du flux de sang à la « qualité astringente 24 » de l’œuf cuit extrêmement dur qu’elle avait servi à la malade après sa prière. Lantages ajoute que l’inten- 22 Ibid. 23 Ibid., p. 181 seq. 24 Lantages, Mere Agnez, 1666, p. 635 Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 73 tion d’Agnès était de « cacher par là, si elle eust pû, le pouvoir admirable, qu’avoit eu sa priere en cette rencontre 25 ». Dans un autre cas elle guérissait une sœur d’un saignement de nez en faisant un signe de croix sur le front de celle-ci, un geste qu’Agnès tente de cacher. Lantages insiste qu’elle « luy mit la main au front comme pour luy tenir la teste, & et y fit doucement un signe de Croix 26 ». L’hagiographe nous peut seulement rapporter ce miracle parce qu’elle ne le faisait pas « si secrettement, que quelques Religieuses ne s’en apperceussent 27 ». De nouveau Lantages met l’accent sur l’aspect moral des actions d’Agnès qui reste modeste, même en provoquant des miracles. La description des miracles - qu’Agnès ne réussit bien évidemment pas à cacher - reste dans les cadres d’une déclaration de faits. Agnès ne tente pas seulement de cacher les miracles qu’elle provoque, mais elle démasque aussi des faux miracles. Dans le chapitre onze de la deuxième partie de la Vie d’Agnès, Lantages raconte un épisode dans lequel elle découvre les faux stigmates d’une fille appelée Marguerite. Elle reconnaît que les stigmates qui apparaissaient sur les pieds, les mains et le côté de la fille lui avait été imprimés par un démon qui abusait de sa vanité. Sous le prétexte de vouloir baiser les stigmates, pendant une visite de la fille à Agnès, celle-ci sort un petit couteau pour tester la profondeur des plaies 28 . Bien évidemment, elle découvre que ce sont de faux stigmates, car la vue du couteau « luy [Marguerite] fit retirer sa main fort promptement, parce qu’elle aimoit l’apparence & l’applaudissement des stigmates, & non pas la douleur 29 ». Tout cela montre clairement que l’aspect merveilleux ou surnaturel du miracle n’occupe pas de place centrale dans les récits. C’est en revanche le comportement d’Agnès qui doit servir comme exemple au lecteur. L’admiration qui est suscitée par les événements miraculeux jouent certainement un rôle dans la description de la tenue des témoins. Cependant, Lantages ne semble pas vouloir susciter l’admiration du lecteur même. La véracité des miracles est confirmée par des témoins fiables, mais le lecteur des récits n’est pas encouragé à s’émerveiller devant les actions merveilleuses d’Agnès. C’est plutôt sa vertu exemplaire qui est au centre des récits de miracles et 25 Ibid. 26 Ibid., p. 636. Nous soulignons. 27 Ibid. 28 Cf. ibid., p. 297 seq. 29 Ibid. La fausseté du miracle est ensuite également confirmée par Arnauld Boyre, superviseur jésuite au Puy, qui donne à la prétendue stigmatisée un texte qui contient des erreurs dogmatiques. Celle-ci le signe avec du sang qu’elle affirme faussement être de Jésus-Christ lui-même. En signant des faussetés dogmatiques, elle se démasque comme une fausse sainte. Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 74 pour laquelle Lantages soulève l’admiration du lecteur par des hyperboles. En fin de compte, la vertu est la cause pour laquelle Dieu accorde le pouvoir de faire des miracles à Agnès. Aussi les miracles sont-ils - nous l’avons déjà constaté ci-dessus - qualifié comme des grâces. Tout cela peut bien être vu dans le cadre des décrets du Concile de Trente : l’approche de Lantages évite que son hagiographie mène à un culte idolâtrique d’Agnès elle-même, et permet à la fois de confirmer l’autorité de l’institution de l’Église catholique. En effet, la crédibilité des miracles qui sont inclus dans cette hagiographie repose sur le statut ecclésiastique des témoins. 2 La Vie du Pere César de Bus Une stratégie légèrement différente, mais qui découle des mêmes principes tridentins peut être trouvée dans La vie du béat Pere César de Bus (1645) écrite par Jacques Bauvais. Après avoir donné la définition du miracle que nous avons citée au début de cet article, l’hagiographe continue le septième chapitre de la vie du père César avec une brève histoire des miracles que Dieu avait déjà accomplis à l’intercession des hommes aux temps bibliques. Dieu avait accordé le « don de faire des miracles 30 » aux figures de l’Ancien Testament telles que Moïse ainsi qu’aux figures du Nouveau Testament telles que Jésus-Christ et ses apôtres. À la fin de la liste figure le père César. En concurrence avec la référence à l’autorité du Père de l’Église Augustin pour la définition du miracle, Bauvais place César dans une lignée ecclésiastique que l’on peut retracer jusqu’à la Sainte Écriture même. Il poursuit cette stratégie d’argumentation dans les récits des miracles. Ainsi, Bauvais raconte que César a guéri un enfant de douze ans d’une plaie incurable par le signe de la croix : « Le Père sans appliquer aucune herbe ny emplastre, mais seulement le signe de la Croix, par laquelle le Fils de Dieu a guery toutes nos playes, rendit la santé à ce malade 31 ». En évoquant la Croix de Jésus-Christ, Bauvais introduit un élément allégorique dans le récit qui relie le miracle au plus grand miracle chrétien : le pardon des péchés par la souffrance du Christ devient visible dans ce miracle contemporain qui en est un signe. Bien que Bauvais affirme que c’est la fonction du miracle de susciter l’admiration des hommes (« pour éveiller en certain temps l’admiration des hommes 32 »), le récit souligne principalement la dimension spirituelle du miracle. 30 Bauvais, César de Bus, p. 159. 31 Ibid. 32 Ibid., p. 158. Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 75 Les guérisons de quelques aveugles attribuées au père César sont décrites de façon similaire. Elles sont précédées d’un alinéa où Bauvais leur accorde une valeur morale et allégorique. Il stipule que la guérison des maladies des yeux est une vertu particulière de César qu’il aurait reçue pour avoir souffert lui-même de l’aveuglement : « […] Dieu luy a donné une vertu particuliere pour guerir les maux des yeux, voulant recompenser la longue patience qu’il eût, de souffrir l’aveuglement durant quatorze ans 33 ». Tout comme Agnès, le père César aurait reçu le don de faire des miracles à cause de sa volonté de souffrir. Ensuite, Bauvais compare César avec saint Roch qui avait également la capacité de guérir la maladie dont il souffrait lui-même - à savoir la peste - et il identifie une sorte de règle par rapport aux miracles : « […] la puissance de Dieu éclate davantage, guerissant par des moyens opposés 34 ». Pour prouver la validité de la règle, il établit de nouveau un lien avec des récits bibliques où Dieu atteint ses objectifs en se servant d’un moyen inadapté. Il commence par la Passion du Christ : « [L]a Croix qui estoit un instrument de mort, a esté choisie par son admirable sagesse, pour estre l’instrument de la vie & du salut […] 35 ». Il voit la règle confirmée également par l’énigme de Samson : [D]e cette façon s’accomplît le mystique probleme que Samson propose à ses compagnons, la viande est sortie de la bouche de celuy qui devore, & la douceur a coulé de la bouche du fort ; parce qu’il trouva dans la gueule d’un Lyon qu’il avoit esgorgé un rayon de miel, si bien que comme Samson trouva de quoy manger dans la gueule d’un Lyon qui devore les autres, & la douceur du miel en cet animal, qui espouvante par son rugissement, qui est toûjours en cholere, & dans le feu de la fièvre 36 . La référence à la Passion du Christ et l’exégèse de l’énigme proposé par Samson dans Juges 14,12 placent les guérisons miraculeuses de César dans le contexte plus grand de l’histoire du salut. Ce procédé a pour but de montrer que Dieu intervient de façon constante aussi bien dans les temps bibliques qu’au vivant du père César. À première vue, l’établissement d’une règle concernant la fonction des miracles semble être un effort paradoxal, puisqu’ils constituent des événements qui échappent au cours ordinaire de la nature tel qu’il est connu à l’homme. Pourtant, la règle est en accordance avec la définition du miracle donné par Bauvais au début de ce chapitre de miracles : Dieu est capable de faire des choses qui nous semblent impossibles. Tous les miracles ont en commun qu’ils fonctionnent de façon 33 Ibid., p. 165. 34 Ibid., p. 166. 35 Ibid., p. 165. 36 Ibid., p. 166. Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 76 paradoxale (« Dieu opère par des moyens opposés »). Le fait que les guérisons des aveugles qui ont lieu à l’intercession de César se déroulent selon cette règle, les rend plus légitimes. En outre, en attribuant les miracles directement à Dieu, Bauvais obéit au principe tridentin d’éviter l’établissement d’un culte personnel qui pourrait mener à l’idolâtrie. En effet, ses miracles font partie de l’histoire du salut et dans cette histoire le père César occupe, certes, une position extraordinaire, mais il reste un servant de Dieu. De nouveau, l’admiration que les miracles suscitent chez le lecteur est redirigée vers la vertu du père. La véracité des miracles est garantie par un discours théologique 37 . Ce discours légitime les miracles de façon institutionnelle et permet de saisir des événements qui échappent à la compréhension humaine. En même temps la description des miracles comme des événements qui suivent toujours la même règle, réduit leur caractère merveilleux et empêche le lecteur de s’émerveiller devant eux. 3 La vie du père Jean François Régis La réduction du merveilleux devient encore plus clairement visible dans le troisième exemple : La Vie du révérend père J. F. Régis (1654) par Claude La Broüe. Cependant, quand il s’agit de produire des témoignages La Broüe choisit une autre stratégie que les deux autres hagiographes. Contrairement à Lantages et Bauvais qui fournissent des témoignages spécifiques et des dates précises, La Broüe fait appel à la connaissance commune des lecteurs qui auraient pu lire l’une des hagiographies déjà publiées sur Jean François Régis (1597-1640) : Ie vous prie seulement de ne trouver pas estrange, si je ne marque pas tousjours le temps & le lieu des choses que je raconte : car ou je n’ay peu le sçavoir, ou ie n’ay pas creu le devoir faire, de peur de tomber en des redites, la pluspart des actions que i’ay êcrites ayant esté faites en divers lieux, & reïterées en divers temps 38 . Le but du texte de La Broüe n’est donc pas de concevoir un récit détaillé qui devrait convaincre les lecteurs de la véracité des événements à l’aide 37 Dans son analyse des récits de miracles d’Ignace de Loyola, Guillausseau montre que leurs auteurs font également un lien entre les miracles d’Ignace et des miracles bibliques. Tout comme nous l’avons tenté ici, elle identifie cette façon d’argumenter comme une stratégie pour réfuter la critique protestante du culte des saints et de la croyance en des miracles contemporains. Cf. Guillausseau, « Les récits des miracles d’Ignace de Loyola », p. 233-254 38 Claude La Broüe, La vie du reverend Pere Iean Francois Regis, de la Compagnie de Iesus, Préface, Liège, J. Mathias, 1654, s.p. Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 77 d’un discours juridique. C’est la fonction édificatrice de l’hagiographie qui est la plus importante pour La Broüe. Il s’agit d’encourager le lecteur à remercier Dieu pour avoir fait des miracles à l’intercession de Régis : Recevez donc cette Histoire, plutost comme un prodige du Ciel, que comme un ouvrage de mon travail, & rendez graces à Dieu, de ce que pour relever l’honneur de son Serviteur, sa Providence a voulu que les effects les plus merveilleux de sa vie, ne fussent publiez que par l’effect d’une des plus rares merveilles qu’il ait faite apres sa mort 39 . La focalisation sur l’aspect moral de la narration s’infiltre aussi dans les récits de miracles comme nous le montrerons ci-dessous. Son attitude réservée à l’égard du merveilleux se laisse également expliquer par les restrictions du décret du pape Urbain VIII concernant les processus de canonisation 40 . La Broüe le mentionne dans sa préface : Il reste seulement que pour obeyr au decret de nostre Sainct Pere le Pape Urbain VIII je proteste avant qu’entrer en matiere, que ie ne pretend point qu’on donne autre creance à ce que ie dois écrire, que celle qu’on doit à un fidelle Historien, & à l’authorité des personnes dignes de foy qui m’ont donné ces memoires 41 . Comme Jean-François de Régis n’a pas encore été canonisé au moment de la publication de cette hagiographie (il n’a été canonisé qu’en 1737), La Broüe admet implicitement que les détails de son texte tout en étant solides n’ont pas été confirmés officiellement par l’Église. Cet aveu judiciaire influence aussi son attitude à l’égard du merveilleux. Il commence le chapitre sur les miracles attribués à Régis à titre posthume par un avertissement sceptique similaire à celle de Bauvais : Ie ne suis pas des plus credules du monde, & pour avoüer une merveille extraordinaire, il me faut du moins des preuves qui ne soient pas loing de l’evidence, je ne sçay pourtant point d’autre nom, que je puisse donner à beaucoup de guerisons qui ont esté obtenuës apres sa mort, par beaucoup de personnes qui ont eu recours à ses prieres & à ses intercessions 42 . 39 Ibid. La merveille « rare » à laquelle La Broüe fait référence ici est sa propre guérison d’une phtisie pulmonaire par l’intercession de Régis. La guérison s’accomplissait à son vœu d’écrire la Vie de celui-ci. Pour le récit de cette guérison voir La Broüe, Iean Francois Regis, p. 331 seq. 40 Pour une analyse des décrets nous renvoyons à Éric Suire, La sainteté française de la Réforme catholique, XVI e - XVIII e siècles, d’après les textes hagiographiques et les procès de canonisation, Pessac, PUB, 2001, p. 353 seq. 41 La Broüe, Iean Francois Regis, préface, s.p. 42 Ibid., p. 291. Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 78 Comme dans les hagiographies étudiées ci-dessus, l’attitude sceptique vis-à-vis des miracles sert également à convaincre le lecteur de la véracité des guérisons miraculeuses et permet La Broüe à souligner son statut de « fidèle historien ». La manière réservée dont il écrit à propos des miracles se reflète dans les récits des guérisons qui sont tout autant brefs et réduits aux faits que dans les autres exemples. Et de la même façon que Bauvais et Lantages, La Broüe lie le déroulement des miracles contemporains à ceux de la Bible. Quand par exemple les ulcères d’une femme sont guéris en les frottant avec de la terre du sépulcre du père Régis, il compare l’événement avec la guérison d’un aveugle par Jésus-Christ qui lui avait mis de la boue sur les yeux 43 . Selon La Broüe, les miracles se ressemblent, parce que dans des circonstances normales le remède aurait aggravé la maladie : Il n’apartient qu’à Dieu de guerir les maux par des remedes qui les devroient empirer, & je ne trouve guere moins êtrange, de voir que des ulceres frottez avec de la terre, s’addoucissent d’abord, & commencent à se fermer, que de sçavoir qu’un aveugle ait esté guery, en luy mettant sur les yeux de la bouë, qui ne sembloit estre propre qu’à aveugler 44 . Comme chez Bauvais la comparaison entre miracle contemporain et miracle biblique occasionne la confirmation du pouvoir de Dieu et fait de Régis un ‘simple’ intercesseur. Le protagoniste est surtout loué pour son comportement modeste : « […] [I]l [Régis] se plaisoit à faire des merveilles sans beaucoup de bruit, & sa vertu ne paroissoit jamais mieux, que lors que ne voulant point paroistre, elle agissoit en secret, & operoit des prodiges sans pome & sans appareil 45 ». Aussi, les guérisons miraculeuses qui dépassent clairement les lois de la nature ne sont-elles pas présentées comme les plus remarquables merveilles qui ont été accomplies par Régis : « De tous [sic] les merveilles qui ont rendu illustre la vie du Pere Regis, les plus êclattantes ne sont pas celles que sa main & sa parole ont operées sur les corps : je trouve bien plus estranges les effets surnaturels qu’il a produits sur les ames […] 46 ». Ainsi, La Broüe relate la conversion d’une femme huguenote qui aurait le cœur dur « comme un diamant » et se moquerait des « savants hommes » qui auraient déjà essayé de la convertir 47 . Pourtant, Régis aurait réussi à la convertir en lui disant tout simplement : « Et bien 43 Cf. Jean 9, 6. 44 La Broüe, Iean Francois Regis, p. 294 seq. On notera que La Broüe insiste également sur la fonction paradoxe du miracle. 45 Ibid., p. 290 seq. 46 Ibid., p. 276 seq. 47 Ibid., p. 278. Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 79 ma bonne amie, vous ne voulez pas vous convertir 48 ? » Elle se convertit toute de suite et répond : « Hé, qui vous dédiroit mon Père ? Vous me le demandez de si bonne grace 49 ». L’énumération des miracles de l’intérieur et dont la qualité surnaturelle n’est pas visible, sont ceux que La Broüe décrit comme « le plus éclattantes ». 4 Conclusion Pour prouver la sainteté dans la période post-tridentine, dans laquelle l’approbation des nouveaux miracles est mise sous un contrôle systématique par l’Église, les hagiographes ne se focalisent plus sur l’aspect merveilleux des miracles, mais conduisent les lecteurs plutôt à leur pertinence morale, édifiante et spirituelle. Nous avons commencé cet article en faisant référence aux concepts poétologiques du merveilleux et du vraisemblable. Selon les théoriciens que nous avons cités le récit doit garder un juste équilibre entre le merveilleux et le vraisemblable pour susciter l’admiration du lecteur 50 . L’admiration pour le merveilleux n’est suscitée que quand le lecteur est convaincu qu’il est vraisemblable. Or, le miracle produit son effet de renforcer la foi en Dieu en suscitant l’admiration des témoins. Pourtant, nous avons pu constater que dans les hagiographies étudiées ici, la balance penche plutôt en faveur de la vraisemblance. Le scepticisme avec lequel les hagiographes introduisent les récits de miracles, renforce effectivement la vraisemblance, mais il n’y a pas, ou peu, d’efforts textuels ou rhétoriques pour attirer l’attention du lecteur sur les dimensions merveilleuses des miracles. Il est donc difficile à concevoir comment les récits de miracles analysés ci-dessus pouvaient soulever l’admiration du lecteur. Une des raisons de ce déficit du merveilleux pourrait être le rôle paradoxal que joue l’admiration dans le genre textuel qu’est le récit de miracle, 48 Ibid. 49 Ibid. Dans le même sens, La Broüe raconte que le père Régis aurait également sauvé quelques mariages : « Je sçay qu’il s’est trouvé des personnes mariées qui ayant eu le bien de luy parler une fois, ont esté gueries soudainement des aversions prodigieuses que l’une avoit de l’autre depuis long-temps » (ibid., p. 288). 50 Selon Aristote c’est le merveilleux qui suscite l’admiration du lecteur : « Il faut jetter le merveilleux dans la Tragédie, mais encore plus dans l’Epopée, qui va en cela jusqu’au deraisonnable ; car, comme dans l’Epopée on ne voit pas les personnages qui agissent, tout ce qui passe les bornes de la raison est tres propre à y produire l’admirable & le merveilleux ». Aristote, La Poétique, traduite en françois avec des remarques, XXV, Paris, C. Barbin, 1692, p. 386. Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 80 un genre qui est traditionnellement non-fictionnel et qui fait forcément partie de l’hagiographie. Bien que les miracles soient par définition des événements surnaturels et que l’admiration des témoins directs soit régulièrement mentionnée par les hagiographes, ils font partie de la vie quotidienne à l’époque moderne. Pour l’homme (catholique) du XVIIe siècle une intervention divine dans l’ordre naturel était une possibilité tout à fait acceptée. En outre, le récit de miracle est un élément constitutif pour le genre textuel de l’hagiographie. Ainsi, ce n’est pas possible de surprendre les lecteurs en jouant avec leurs attentes 51 . De plus, l’analyse ci-dessus a démontré que les hagiographes n’ont pas l’intention de surprendre leurs lecteurs avec les miracles, car l’objectif est surtout l’édification des lecteurs. Les récits de miracle ne suscitent donc pas l’admiration du lecteur comme le font les genres textuels typiquement associés avec le merveilleux (surtout l’épopée, mais aussi la tragédie) dont le caractère central est qu’ils provoquent une hésitation chez le lecteur 52 . Tel n’est par leur fonction. Les récits de miracles se comportent plutôt comme l’exemplum médiéval, dans lequel cette hésitation à l’égard de la provenance du merveilleux ne joue aucun rôle. Dans son article sur la représentation du miracle dans les récits médiévaux, Axel Rüth le formule de façon suivante : « [A]s non-autonomous components of a non-literary discourse, miracles are not subject to the logic of verisimilitude but rather to the logic of the exemplum 53 ». Cette observation semble encore avoir sa validité pour les récits de miracle dans l’hagiographie post-tridentine 54 . La vraisemblance n’y joue pas de rôle dans sa fonction mimétique. Elle n’est pas nécessaire pour faire croire le lecteur à un univers merveilleux. Dans le récit de miracle, elle se rapporte au miraculeux réel dans la mesure où la vérité des miracles est présentée comme une réalité indéniable et évidente. 51 Cf. aussi Le Goff, « L’imaginaire médiéval : Merveilleux », p. 460 : « Je crois percevoir, malgré les mutations et les ressources de l’hagiographie, une sorte de lassitude croissante des hommes du Moyen Âge vis-à-vis des saints dans la mesure où, à partir du moment où un saint apparaît, on sait ce qu’il va faire ». Il constate également que le miracle restreint en quelque sorte le merveilleux. C’est une thèse qui semble être confirmée par nos analyses. 52 Dans sa théorie sur la littérature fantastique, Tzvetan Todorov voit dans l’hésitation entre « une explication naturelle et une explication surnaturelle des événements évoqués » la première condition du fantastique. Cf. Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, Paris, Seuil, 1976, p. 37. 53 Axel Rüth, « Representing Wonder in Medieval Miracle Narratives », MLN, 126, 4, French Issue Supplement : The Long Shadow of Political Theology (2011), p. 90. 54 Guillausseau attire aussi l’attention sur le fait que les récits de miracles fonctionnent comme des exempla médiévaux. Cf. Guillausseau, « Les récits des miracles d’Ignace de Loyola », p. 233-254. Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 81 C’est aussi pour cette raison que les discussions poétologiques autour des concepts aristotéliques du merveilleux et de la vraisemblance ne semblent influencer que peu l’écriture des récits hagiographiques 55 . En raison de la critique protestante du culte des saints et du rejet des miracles post-bibliques, la véracité joue un rôle primordial dans les récits de miracles post-tridentins bien plus important que dans les récits de miracles médiévaux. Le récit de miracle du XVIIe siècle porte en lui-même encore les traces de l’exemplum médiéval, mais dans le cadre des réformes tridentines le discours de la preuve s’y ajoute d’une façon envahissante. La véracité des miracles doit être désormais prouvée. Ce n’est pas en appliquant une stratégie rhétorique visant à étonner le lecteur que l’on y parvient, mais surtout en développant une ligne d’argumentation qui inscrit les miracles dans l’histoire du salut, et en faisant appel à des témoins fiables. Finalement, les hagiographes détournent l’attention du lecteur du merveilleux et lient les miracles à la vertu des candidats à la sainteté. Les récits des miracles servent donc en premier lieu d’exemples édifiants et suscitent plus d’admiration pour la vertu des saints que pour les miracles 56 . Les saints post-tridentines sont - pour utiliser les termes de Hans Ulrich Gumbrecht - plus des « ethische Virtuosen » (virtuoses éthiques) que des « magische 55 Ces discussions qui comme on le sait mèneront à la fin du siècle à la querelle du merveilleux païen et du merveilleux chrétien joue pourtant un rôle important pour la représentation du merveilleux dans les genres fictionnels tels que le théâtre ou la poésie épique. Pour la représentation des saints et de la sainteté dans le théâtre ou dans les poèmes épiques nous renvoyons aux études suivantes : Anne Teulade, Le théâtre hagiographique en France et en Espagne au XVIIe siècle : essai de poétique comparée, Lille, atelier de reproduction des thèses, 2004 ; Barbara Selmeci Castioni, « Déjouer le saint. Le devenir de l’image du saint dans le théâtre religieux en France au XVII e siècle, à l’interstice du théâtralisable et du théâtralisé », Fabula- LhT, 19 (2017), Les Conditions du théâtre : le théâtralisable et le théâtralisé, dir. Romain Bionda, en ligne : http: / / www.fabula.org/ lht/ 19/ selmecicastioni.html (consulté le 31 janvier 2022) ; Lucien Wagner, « Guerre sainte et politique moderne. La croisade dans Clovis et Saint Louis », dans Roman Kuhn et Daniel Melde (dir.), La guerre et la paix dans la poésie épique en France (1500-1800), Stuttgart, Steiner, 2020, p. 153-164. 56 C’est ce que constatent aussi Sophie Houdard, Marion de Lencquesaing et Didier Philippot, « Lire et écrire des Vies de saints : regards croisés XVII e / XIX e siècles », http: / / journals.openedition.org/ dossiersgrihl/ 6322. Dans son article dans ce même recueil Anoinette Gimaret montre que l’admiration joue également un rôle quant aux corps des saints. Cf. Savoir lire le corps de l’autre : la biographie hagiographique et le travail de la preuve (autour des Vies de Marthe d’Oraison et Agnès d’Aquillenqui), https: / / doi.org/ 10.4000/ dossiersgrihl.6355 (consulté le 31 janvier 2022). Rogier Gerrits PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 82 Helfer » (assistants magiques) 57 . La question de la médiatisation du miracle dans l’hagiographie post-tridentine est donc ambivalente. Il s’avère être difficile de représenter le miraculeux de sorte qu’il suscite la même admiration chez le lecteur qu’il est censé susciter chez les témoins directs. À l’époque post-tridentine, la médiatisation du miracle s’accomplit en suivant les normes institutionnelles. Elle fait désormais partie d’un processus et d’une campagne ecclésiastique qui met au centre d’un côté l’importance du culte des saints officiels et tente de l’autre d’empêcher l’idolâtrie pour laquelle les protestants les avaient critiqués. Le miraculeux n’est accessible qu’à travers une médiatisation contrôlée et institutionnalisée. 57 Hans Ulrich Gumbrecht, « Faszinationstyp Hagiographie. Ein historisches Experiment zur Gattungstheorie », dans Christoph Cormeau (dir.), Deutsche Literatur im Mittelalter. Kontakte und Perspektiven. Hugo Kuhn zum Gedenken. Stuttgart, Metzler, 1979, p. 37-84, ici p. 54. En partant de l’idée fascinante que les textes hagiographiques tentent de donner une réponse à la question de savoir comment atteindre une vie accomplie, Gumbrecht attribue deux fonctions à l’hagiographie dont la signification varie historiquement : d’un côté, elle a la fonction de donner aux lecteurs un exemple d’une vie éthique à imiter, de l’autre elle doit garantir le recours aux pouvoirs surnaturels. Sans vouloir discuter la question de la vie accomplie, nous pouvons constater que les réflexions de Gumbrecht ouvrent une piste de réflexions pertinente pour nos recherches dans la mesure où elles définissent l’hagiographie par rapport à ses fonctions en tant que genre textuel. À cause de l’institutionnalisation des procès de canonisations, la deuxième fonction semble perdre son pouvoir au profit de la première. Entre le merveilleux et le vraisemblable PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0003 83 5 Bibliographie 5.1 Sources Aristote. La Poétique, traduite en françois avec des remarques, XXV, Paris, C. Barbin, 1692. Aubignac, Abbé d’. La Pratique du Théâtre, éd. Helène Baby, Paris, Champion, 2001. Augustin d’Hippon. Contra Faustum Manichaeum, éd. J. Zycha, Vienne, Tempsky, 1891, (Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum 25/ 1). Augustin d’Hippon. De civitate dei libri uiginti duo, éd. B. Dombart, A. Kalb, Turnhout, Brepols, 1955 (Corpus Christianorum Series Latina 47). Bauvais, Jacques. La vie du béat Pere César de Bus, Paris, S. Heure, 1645. Boileau, Nicolas. Œuvres complètes, éd. Antoine Adam et Françoise Escal, Paris, Galllimard, 1966. Broüe, Claude La. La vie du reverend Pere Iean Francois Regis, de la Compagnie de Iesus, Préface, Liège, J. Mathias, 1654. De l’invocation, de la vénération, et des reliques des saints, et des saintes images. 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