eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 49/96

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2022-0005
2022
4996

La sainteté au prisme de l’humanisme critique : canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus

2022
Axelle Guillausseau
PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 La sainteté au prisme de l’humanisme critique : canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus A XELLE G UILLAUSSEAU (L YCÉE H ENRI IV / C ENTRE R OLAND M OUSNIER , S ORBONNE U NIVERSITÉ ) La quintuple canonisation exceptionnelle de 1622 participe de la célébration d’une chrétienté romaine en ordre de bataille : l’élévation simultanée aux honneurs des autels d’Ignace de Loyola, de François-Xavier, de Thérèse d’Avila, de Philippe Néri et d’Isidore le Laboureur peut être lue comme un événement programmatique de la nouvelle fabrique des saints qu’illustrent les cérémonies grandioses organisées le 12 mars 1622 dans Saint-Pierre de Rome. La reconnaissance de ces cinq figures de sainteté est en effet promue par l’Église comme exemplaire du processus de codification et de rationalisation de la procédure de canonisation engagé, dans un contexte de controverse religieuse 1 , avec la création de la Congrégation des Rites en 1588 et mené à son point d’aboutissement avec la publication des décrets d’Urbain VIII en 1642. Dans le même temps, durant cette période marquée par l’émergence de l’humanisme critique, les dénonciations des récits médiévaux, taxés d’être auréolés de merveilleux, deviennent un lieu commun d’une écriture hagiographique renouvelée. Pour ressaisir les logiques argumentaires selon lesquelles sont alors (re)pensées la mise au jour et l’écriture de la sainteté, les procès de canonisation de la fondatrice du Carmel déchaussé et ses hagiographies successives constituent un corpus documentaire pertinent. De fait, les premières informations sont réalisées à l’initiative de l’évêque de Salamanque en 1591, soit peu après la création de la Congrégation des Rites, et, si la canonisation est prononcée avant la parution des décrets d’Urbain VIII, il faut rappeler que 1 On peut rappeler ici que les décrets tridentins réaffirment la place centrale des élus de Dieu dans les rapports entre Églises terrestre et céleste mais que, dans cette période de réflexion dogmatique, nul saint n’a été élevé aux honneurs des autels entre 1523 et 1588. Axelle Guillausseau PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 104 ceux-ci fixent des règles peu à peu établies et affirmées au cours des décennies précédentes. En outre, les dires de milliers de témoins consignés dans ce cadre pour ressaisir l’élection divine et notamment la fama sanctitatis de la sainte 2 entrent en résonance avec les multiples œuvres hagiographiques qui lui sont consacrées (vies rédigées par le père jésuite Francisco de Ribera puis par l’évêque Diego de Yepes, pièces de théâtre, sermons et autres occasionnels…), offrant ainsi à l’historien un riche matériau. Ce sont ces sources diverses que nous utiliserons pour évoquer la codification de la reconnaissance de la sainteté dans un contexte d’affrontement confessionnel, puis les marques de celle-ci et leur hiérarchisation, avant de mettre en lumière, dans un dernier temps, la complexité du système de la preuve alors mis en œuvre. 1 Établir la sainteté au lendemain du Concile de Trente : un enjeu à réinscrire dans le contexte d’affrontement confessionnel Rappeler le rôle des candidats aux honneurs des autels dans la lutte contre l’hérésie est un lieu commun à l’articulation des XVI e et XVII e siècles. Thérèse de Jésus, sainte contemporaine, ne fait pas exception en cela. Dans le Flos sanctorum du père Ribadeneira, il est ainsi indiqué que La Seraphique Vierge & bien-heureuse Mere Terese de Jesus, restauratrice de la premiere regle de nostre Dame du Mont-Carmel nasquit à Avila en Espagne le vingt-huictiesme jour de Mars 1515. […], deux ans auparavant que le detestable Luther commençast à s’élever contre l’Eglise, lequel devant tirer les Religieuses hors de leurs Cloistres sacrez, nostre Seigneur fit naistre peu au precedent ceste Saincte, par le moyen de laquelle plusieurs en toutes parts se sont renfermées, & consacrées à Dieu 3 . À l’image de cet extrait, dans les sources qui lui sont consacrées, son action de réformatrice du Carmel déchaussé et ses fondations de couvents 2 Les différents documents produits dans le cadre du procès de canonisation de Thérèse d’Avila sont aujourd’hui facilement accessibles dans la mesure où ils ont fait l’objet de deux publications successives dans la Biblioteca Mística Carmelitana, tout d’abord en 1935 par les soins du père Silverio de Santa Teresa puis en 2015- 2016 par ceux du père Julen Urkiza. 3 Pedro de Ribadeneira, Les Fleurs des Vies des Saincts, et des Festes de toute l’année, Lyon, Pierre Rigaud, 1625, « La Vie de la Saincte Vierge & B. Mere Terese de Jesus. Par le R. P. Barthelemy de la Mere de Dieu, Carme deschaussé », p. 786, 2 nde col. Canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 105 sont inlassablement mises en avant 4 . Au-delà, les miracles de Thérèse de Jésus, comme ceux des autres saints canonisés durant cette période, sont vus comme des confirmations des points du dogme et des sacrements alors contestés par les protestants. Dans un poème présenté lors des fêtes organisées à Salamanque à l’occasion de sa béatification, le liquide qui émane de son corps est ainsi désigné comme Aquel balsamo, y azeyte, Que tanto en la Iglesia cunde A los hereges confunde, Y a los fieles da deleyte 5 tandis que des miracles advenus par l’intercession de son portrait sont considérés comme une confirmation du culte des images réaffirmé lors du Concile de Trente, ainsi que l’illustre un occasionnel de 1618 qui présente en ces termes les visées célestes qui sous-tendent les résurrections procurées : « Lo qual hago para que Dios sea glorificado, su querida Esposa honrada, y confudidos los hereges, que impia, y desatinadamente nos quieren privar de la veneracion de saludable que a las Images de los Santos se deve 6 ». 4 Dans un sermon prononcé en 1617 à Grenade, le frère José de la Madre de Dios y Arellano affirme ainsi : « Este mismo nombre tomó por sobrenome la bienaventurada Virgen Teresa, llamandose de Jesus el dia que se declaró por el, Teresa de Jesus es lo mismo que Teresa de salvar almas, no puedo hazer lo que los Predicadores y Doctores en Pulpitos, y en Cathedras, porque soy muger, pero seré como Apostola, buscando por otros medios la salud espiritual de las animas, y la mayor gloria de Dios ; reformarê mi Religion Carmelita en parte cayda, y mitigida, y desviada de su primero rigor, fundarê muchos Monasterios de Monjas que guarden la primera regla del Carmen, y vivan en penitencia, soledad, y oracion continua … » (« Sermon que predico el Padre Maestro F… Lector de Sagrada Escriptura, en la solemne fiesta que se celebró en su Convento del Carmen de Nuestra Señora de la Cabeça de Granada, a la Seraphica Madre y Beata Virgen Teresa de Jesus, fundadora de la Religion Descalça de Nuestra Señora del Carmen, a ocho de Octubre, de 1617 », Grenade, Martin Fernández Zambrano, 1617, f. 7). 5 Fernando Manrique de Luján, Relacion de las fiestas de la ciudad de Salamanca, en la Beatificacion de la Sancta Madre Teresa de Jesus…, Salamanque, Diego Cussio, 1615, « Certamen poetico de la insigne Ciudad de Salamanca en la solennissima fiesta que el Colegio del sanctissimo Padre y Patriarcha el Propheta Elias de Carmelitas descalços, celebra a la Beatificacion de la bienaventurada Virgen Madre Teresa de Jesus. Gloriosa Reformadora de Descalços y Descalças de nuestra Señora del Carmen », « Certamen Sexto », « Redondillas II. F. Leandro de Andrada Geronymo », p. 126. 6 « Relacion breve de un milagro que nuestro Señor ha obrado por intercession de la Gloriosa Santa Madre Teresa de Jesus, fundadora de los Descalços Carmelitas, Axelle Guillausseau PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 106 Dans ces conditions, l’établissement de la sainteté, par le biais tant des hagiographies que des enquêtes réalisées, doit être incontestable. Les procès de canonisation de Thérèse de Jésus permettent de ressaisir les transformations de la procédure alors engagées : les premiers procès informatifs sont menés dans 18 lieux entre 1591 et 1597 avant d’être présentés à Rome. Après leur révision par les Auditeurs de la Rote et la Congrégation des Rites, est engagé le procès in partibus, qui est instruit entre 1604 et 1610 dans une trentaine de villes de la Péninsule. Au total, ce sont une soixantaine de procès qui sont menés, dans le cadre desquels sont interrogés plus d’un millier de témoins. Comme le souligne le père Julen Urkiza dans ses travaux 7 , peu de procès ont eu autant d’ampleur. La validité de cette reconnaissance de la sainteté est affirmée par de nombreux canaux. L’imprimé permet tout d’abord de donner une large publicité au processus de canonisation, depuis les enquêtes menées par l’ordinaire jusqu’aux instructions et aux décrets romains. Sont en effet publiés les relations devant le consistoire mais aussi des occasionnels évoquant des miracles attestés par l’évêque du lieu. Le procès de la réformatrice du Carmel est en outre largement évoqué en dehors des sphères érudites, comme en témoigne ce passage d’un sermon prononcé par le frère Pedro Cornejo en 1615 (lequel est ensuite publié) : […] Mas que diremos de las hazañosas obras de sus Milagros? Negocio prolixo es esse: Treynta y cinco mil hojas tienen las informaciones que se hizieron para canonizarla por orden de N.S.P. Clemente VIII. y Paulo V, y casi no contienen otra cosa sino milagros, y de solo Salamanca estan escriptos en ellas 400 8 . Le prédicateur donne ainsi à voir à son auditoire l’exhaustivité des enquêtes et des interrogatoires menés. En regard, les deux principaux hagiographes de la réformatrice du Carmel, le père Francisco de Ribera et l’évêque Diego de Yepes, illustrent le fait que l’écriture de la sainteté est également repensée en profondeur durant cette période. Aussi multiplient-ils les remarques destinées à fonder resucitando una niña, y de la averiguacion, que en contraditorio juyzio se hizo en Guadix, en comprovacion del : ordenada por don Diego de Santa Cruz Saavedra, Chantre de la Santa Yglesia desta ciudad de Guadix », Grenade, Martin Fernández Zambrano, 1618. 7 Julen Urkiza, Procesos de Beatificación y Canonización de la madre Teresa de Jesús, Burgos, El Carmen, 2016, tomes V et VI. 8 Pedro Cornejo, « Sermon, que predico en las mismas fiestas el P. Maestro, Fr … de la Orden de N. Señora del Carmen, y Cathedratico de Durando, en esta Universidad », dans Fernando Manrique de Luján, Relacion de las fiestas, p. 294. Canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 107 la crédibilité de leurs écrits, Diego de Yepes affirmant dans le prologue de son œuvre : […] quien desea glorificar a Dios contando lo que el hizo por sus sanctos, no le puede glorificar ni contentar con mentir, ni con fingir, y naturalmente aborrezco todo lo que sabe a esto, y me parece cosa muy agena y muy indigna de hombre cuerdo afirmar lo dudoso por cierto, dexare todo lo que no fuere cierto, y lo que dixere lo sera: y por eso pongo nombres de personas particulares, y baxo a cosas menudas para que se vea con quanta diligencia se a hecho la averiguacion de la verdad, aun en cosas que no importavan mucho 9 . Le recours au métalangage, topos de l’hagiographie post-tridentine, reflète l’émergence d’un recul critique et le souci de se distinguer des hagiographies médiévales largement décriées, à l’image de la Légende dorée dont la légende noire traverse la période 10 . Les actes officiels de la canonisation étant insérés dans de nombreux documents hagiographiques (y compris dans des recueils de sermons ou des descriptions de fêtes 11 ) et les hagiographes figurant parmi les premiers témoins auditionnés lors des procès de canonisation, il apparaît qu’une volonté commune de rendre incontestable l’élévation aux honneurs des autels lie les différents promoteurs et instructeurs de cette cause. C’est dans cette même logique que s’inscrivent la définition et la hiérarchisation des critères fondant la sainteté. 9 Diego de Yepes, Vida virtudes, y milagros, de la Bienaventurada Virgen Teresa de Jesus, Saragosse, Angelo Tavanno, 1606, « Prologo en que se trata de los provechos que traen las vidas de los sanctos, y de lo que en este libro se a de tratar », p. 6. 10 Ainsi Juan Luis Vives écrit-il dans le deuxième livre de son De causis corruptarum artium : « Quam indigna est divis et hominibus Christianis illa sanctorum historia, quæ Legenda aurea nominatur, quam nescio cur auream appellent, quum scripta sit ab homine ferrei oris, plumbei cordis. Quid fœdius dici potest illo libro? ô quam pudendum est nobis Christianis, non esse præstantissimos nostrorum divorum actus, verius et accuratius, memoriæ mandatos, sive ad cognitionem, sive ad imitationem tantæ virtutis, quum de suis ducibus, de philosophis, et sapientibus hominibus tanta cura Græci et Romani autores perscripserint » (Opera, Bâle, Nikolaus Episcopius, 1555, p. 371-2). 11 La Relacion de las fiestas de la ciudad de Salamanca, en la Beatificacion de la Sancta Madre Teresa de Jesus… publiée par Fernando Manrique de Luján inclut par exemple le décret du Conseil suprême de la Rote et le bref de béatification de la sainte. Axelle Guillausseau PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 108 2 Définition et hiérarchisation des marques de la sainteté Pour mettre au jour la pensée de la sainteté qui sous-tend les procès de canonisation de Thérèse de Jésus comme ceux menés durant cette période et pour ressaisir, au-delà, la réaffirmation post-tridentine du dogme, il est possible de s’appuyer sur le questionnaire préparé en 1591 par l’évêque de Salamanque, Jerónimo Manrique, en vue du procès informatif 12 . Les interrogatoires menés en vertu de celui-ci se concentrent sur trois éléments principaux relatifs à la sainteté : outre la vie de la sainte, ses origines, ses œuvres et ses vertus, sont évoqués les miracles advenus durant sa vie et après sa mort par son intercession, puis sa fama sanctitatis, soit les principaux éléments qui structurent classiquement les hagiographies. Ouvrant l’interrogatoire, les questions relatives à la vie, aux œuvres et aux vertus de la sainte (comme les parties des vies de Ribera ou de Yepes qui y sont consacrées) rappellent l’idée d’une élection divine et, en regard, d’un don de soi, d’un abandon à la grâce de Dieu. L’insistance avec laquelle sont évoquées l’acceptation des épreuves et la pratique consciente des vertus permet ainsi de souligner que les saints doivent être des modèles. Les interrogatoires des témoins et les hagiographies sont ensuite consacrés à la question des miracles. On peut noter chez les principaux hagiographes de Thérèse de Jésus une oscillation entre affirmation des miracles en tant que signes surnaturels attestant la sainteté et volonté de se distinguer des hagiographies médiévales relayant topoï fantaisistes et pratiques matérialistes. Si Diego de Yepes relativise la place du miracle en tant que critère de la sainteté dans le prologue de la partie de son ouvrage qu’il y consacre : Los testimonios que Dios da en la tierra de la santidad de aquellos que por sus obras, y virtudes heroycas posseen el cielo, suelen ser muchos, y no todos de una manera. Por que unas vezes con el glorioso martyrio, otras con la dotrina, y luz que los Santos dieron á su Iglesia, aprueva Dios la santidad de su vida: como lo hizo con algunos de los sagrados Dotores, de los quales los mayores milagros que se cuentan, son las obras que 12 L’original de ce procès ordinaire se trouve au couvent des Carmélites déchaussées de Salamanque, une copie notariale étant par ailleurs conservée au saint désert de las Batuecas. Une traduction espagnole en a été faite par le père Silverio de Santa Teresa (Procesos de beatificación y canonización de Santa Teresa de Jesús, Burgos, El Carmen, t. 18-20, 1935, t. 18, p. 2-3). Ce document peut par ailleurs être mis en perspective avec le formulaire rédigé par le Promotor fiscalis Antoine Cerri inséré dans les décrets d’Urbain VIII, ce qui permet de confirmer que les procès relatifs à la cause de Thérèse de Jésus sont représentatifs de la codification progressive de la reconnaissance de la sainteté alors opérée. Canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 109 escrivieron, y el provecho, y fruto que con ellas hizieron. Estos son claros indicios de la santidad de su alma, y pureza de su vida, y á vezes mas ciertos, que los milagros. S. Juan Baptista el mayor de los Santos no escrivio libros, ni hizo milagros: pero tuvo el mayor testimonio, que Santo ninguno: pues la mesma verdad, que fue Christo nuestro Redemptor le canonizò por el mayor Santo de los Santos. El mas ordinario testimonio, y en que la Iglesia mas se funda para certificarse de la santidad, y virtudes de los Santos son los milagros; que son como unos sellos de Dios, con que sella por defuera â los justos, para que sean conocidos por amigos suyos 13 , le père Ribera affirme pour sa part répondre, ce faisant, à une attente commune : […] La guarnicion deste retrato me falta de poner, que son los milagros y grandezas con que Dios a hermoseado y dado mucho lustre, particularmente para los ojos de aquellos que no se pueden persuadir que aya muy gran sanctidad sino fuere manifestada y confirmada con milagros 14 . Les récits de miracles apparaissent sous sa plume comme un passage obligé, dont l’absence pourrait faire douter de la sainteté. On peut souligner ici que cette structuration des interrogatoires et des hagiographies laisse apparaître en creux le lien établi entre vertus et miracles 15 . Comme l’analyse Christian Renoux : [les dons surnaturels] viennent toujours après les vertus car selon les théologiens, ces dons ou charismes ne sont, selon la distinction devenue classique depuis Thomas d’Aquin, des fruits de la grâce sanctifiante, comme le sont les vertus, mais des effets de la grâce donnés gratuitement, qui ne sont pas liés aux mérites des récipiendaires. Ils sont donnés pour la sanctification et l’édification de la communauté chrétienne et ils ne peuvent donc pas servir de preuves à la sainteté des personnes qui les reçoivent. Cependant, s’ils viennent s’ajouter à des vertus solidement fondées, ils sont 13 Diego de Yepes, Vida virtudes, y milagros, « De los milagros, y maravillas que Dios obro en vida, y en muerte por intercession de la bienaventurada Madre Teresa de Jesus », p. 1. 14 Francisco de Ribera, La vida de la Madre Teresa de Jesus, fundadora de las Descalças y Descalços Carmelitas…, Salamanque, Pedro Lasso, 1590, « Prologo », p. 214. 15 Celui-ci est formalisé dans la bulle de canonisation : « Tantas virtutes Teresiæ plurimis, dum adhuc in humanis ageret, miraculis Deus illustravit… » (« Bulla canonizationis S Æ . Teresiæ Virginis », in Dominique de Jésus, Acta publica Canonizationis Sanctæ Teresiæ a Jesu, Fundatricis Carmelitarum Excalceatorum. Hoc est bulla et Relationes duæ, in quibus præclara gesta, virtutes, & miracula ejusdem Sanctæ compendio describuntur, & probantur, Paris, Michel Sonnius, 1625, p. 354). Axelle Guillausseau PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 110 des signes supplémentaires de sainteté. Ils viennent en quelque sorte couronner les vertus 16 . Est ainsi réaffirmé que ce ne sont ainsi pas les saints qui font les miracles, mais bien les miracles qui font les saints, position qui s’inscrit certes dans la continuité de la réflexion sur les marques de la sainteté menée dès le pontificat d’Innocent III, mais qui révèle également, lue à la lumière de l’élan de réforme qui caractérise la période, un souci d’échapper aux critiques formulées contre les pratiques votives matérialistes et de spiritualiser la pensée de la sainteté. L’« odeur de sainteté », entendue au sens propre et au sens figuré, est le dernier critère de sainteté. Au cœur de l’interrogatoire de Jerónimo Manrique et du formulaire rédigé par Antoine Cerri, elle se retrouve sous la plume de Diego de Yepes qui utilise la formule « tan notoria y tan sabida 17 ». La renommée de sainteté est en effet considérée elle-même comme une confirmation divine. Le père Juan Salvador fait ainsi le lien, dans un sermon prononcé lors de la béatification de la sainte, entre l’extension de sa réputation de sainteté après sa mort et l’huile qui émane de son corps : […] Vive esta fama, este nombre de Santa: Non extinguetur in morte, sed magis augebitur. […] en orden a esso parece que ofrece azeyte su cuerpo para que no se apague, y con tanta abundancia manava desde que la enterraron, que penetrava el sepulcro, y para que se entienda que es azeyte para fomentar la luz de la fama desta santa, es azeyte oloroso, precioso balsamo, simbolo de la noticia, y fama, segun aquello de los Cantares: Oleum efusum nomen tuum. [Cant. I] 18 . Comme le rappelle Kenneth Woodward dans son ouvrage Comment l’Église fait les saints, [t]héologiquement, le véritable « signe divin » dans chaque cause est la réputation de sainteté implantée dans les croyants et manifestée par leur 16 Christian Renoux, « Discerner la sainteté des mystiques : quelques exemples italiens de l’âge baroque », Rives nord-méditerranéennes, 2, 3 (1999), « Saints et sainteté », p. 19-28, ici p. 27-28. 17 Diego de Yepes, Vida virtudes, y milagros, IV, chap. 2, « De los milagros que el señor ha obrado despues de la muerte de la Bienaventurada Madre Teresa de Jesus, particularmente de la incorrupcion de su cuerpo, olio, y fragrancia que salen del », p. 17. 18 « Sermon del Padre Maestro Fray Juan Salvador Lector de Teologia en el Carmen calçado de Cordova, predicado en las descalças Carmelitas de la misma ciudad. », in José de Jesús María, Sermones predicados en la Beatificacion de la B.M. Teresa de Jesus Virgen..., Madrid, veuve d’Alonso Martin, 1615, f. 296. Canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 111 admiration, leur dévotion et leur invocation au serviteur de Dieu pour des faveurs 19 . Il est ainsi considéré que la volonté céleste préside à la constitution de la fama sanctitatis, ce qui permet également de comprendre que l’existence de la fama soit une condition sine qua non de la tenue d’une enquête in specie 20 . La main divine guide selon cette logique la Jérusalem terrestre et cette conception se retrouve dans le système de la preuve alors construit, entre recherche et analyse rationnelle des marques célestes de la sainteté, recours à l’expérience et caution des autorités. 3 La complexité du système de la preuve La façon dont est attestée la fama sanctitatis en offre un témoignage. Son étendue en est un premier signe. Le prédicateur royal Gregorio de Pedrosa souligne ainsi […] de cuyas grandezas, los doctos, y los no doctos; los hombres, y las mugeres; las Religiosas en sus clausuras, y las señoras en sus estrados, el vulgo en sus corrillos; todos hablan, y todos hablan verdades, (que no es la menor grandeza: ) Uno tiene la carta que le dio salud, otro la prenda que sanô su hija; el cochero que la llevava a Avila, la vio hazer el milagro, el que la hospedô se espantô de su humildad: viven, y ay aqui oyendome muchos testigos de sus grandezas. Prolixa laudatio, quæ non quæritur, sed tenetur 21 . De la même façon, le nombre considérable de témoins interrogés lors des différents procès thérésiens et la diversité de leurs conditions permettent de faire le constat d’une grâce divine notoire. Comme l’écrit le père Julen Urzika, « [l]os procesos de beatificación y canonización de la madre Teresa de Jesús […] nos presentan la expansión de su fama y personalidad, su 19 Kenneth L. Woodward, Comment l’Église fait les saints, Paris, Grasset, 1992, p. 229. 20 Decreta Servanda in Canonizatione et Beatificatione Sanctorum, Rome, Imprimerie de la Chambre Apostolique, 1642, p. 49-50 : « In hac prima Remissoria super inquisitione generali fieri solet magnum fundamentum, & merito, quia si non probetur fama sanctitatis in loco præsertim ubi mortuus fuit ille, pro quo instatur, concedi non debere Remissoria super inquisitione in specie, & propterea nunquam debet omitti hæc inquisitio in genere […] ». 21 Gregorio de Pedrosa, « Sermon hecho el viernes de la Octava que se celebrô en las Religiosas descalças Carmelitas, en Madrid, en la Beatificacion de la Santa Madre Teresa de Jesus, por el R. P. Fray Gregorio de Pedrosa Predicador de su Magestad », in José de Jesús María, Sermones predicados, f. 48v°. Axelle Guillausseau PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 112 irradiación en todas las capas sociales, hasta convertirse en un “fenómeno” socio-religioso 22 ». Néanmoins, l’objectif poursuivi est de fonder en raison la reconnaissance de la fama sanctitatis. Ainsi les témoins sont auditionnés selon un ordre de préséance qui donne la primauté au confesseur, aux hagiographes (qui figurent parmi les premiers à être interrogés par l’évêque de Salamanque en 1591) et aux religieux et aux religieuses ayant côtoyé la réformatrice, tandis que l’interrogatoire des laïcs vise à établir tout d’abord qu’ils sont bons chrétiens 23 . Les questions posées doivent ensuite permettre d’établir une distinction entre attestation personnelle et ouï-dire. Jerónimo Manrique enjoint ainsi de vérifier si saben los testigos que hay, ha habido después de la muerte de la madre Teresa algún milagro por intercesión y devoción que se haya tenido a su cuerpo y cosas que hayan llegado a él; digan en particular qué milagros han visto y sabido, y en quién se han obrado; y si se hallaron presentes los testigos o lo han oído decir, a quién y cómo […] 24 . Le témoignage de la sœur Anne de la Trinité, moniale du couvent d’Albe, l’illustre : Siendo la dicha testigo enfermera en este monasterio, vió que teniendo la hermana Juana de Jesús una postema en la garganta, y queriéndola dar un botón de fuego, el día siguiente se encomendó a la madre Teresa de Jesús, y poniéndose un pañito de los del óleo, se le abrió la postema y se le fué sanando. […] Otros muchos milagros ha oído decir la dicha testigo que ha obrado Nuestro Señor por medio de los pañitos de la dicha Madre. Ha oído 22 Julen Urkiza. « La canonización de santa Teresa de Jesús », Anuario de Historia de la Iglesia, 29 (2020), p. 229-260, ici p. 230. 23 Les premiers articles du questionnaire d’Antoine Cerri l’illustrent clairement : 1. Deinde interrogetur quilibet Testis, ut supra de nomine, cognomine, patria, ætate, parentibus, exercitio, seu professione, divitiis, vel paupertate, et aliis circumstantiis ad ejus personam, et conditionem spectante. 2. Item an sit confessus peccata sua, et Sacræ Eucharitiæ Sacramentum sumpserit, in qua Ecclesia a quo Sacerdote, quibus præsentibus, de quo mense, et anno ultima vice id fecerit. Ulterius an fuerit unquam inquisitus, accusatus, vel processatus de aliquo crimine, et quo, coram quo Judice, de quo anno, et an semel, vel pluries, et an secuta sit absolutio, vel condemnatio, vel abolitio. Similiter an ob aliquam causam fuerit unquam excommunicatus, et quoties, et ex qua causa, et an fuerit absolutus, vel adhuc in eadem excommunicatione permaneat. 24 Silverio de Santa Teresa, Procesos, p. 4. Canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 113 decir la dicha testigo, que en vida de la madre Teresa de Jesús obró Nuestro Señor muchos milagros por medio de sus oraciones […] 25 . La façon dont est mené l’interrogatoire conduit ainsi les témoins à hiérarchiser les faits rapportés en fonction de leur degré d’implication. Audelà, suivant le questionnaire de Jerónimo Manrique, les interrogateurs doivent s’enquérir des éléments suivants : « que dijeren de la pública voz y fama, y con cuántas personas o actos se causa la pública voz y fama 26 ». Les témoins sont dès lors appelés à réfléchir à la signification de la renommée de sainteté, ce qui reflète l’attention humaniste portée au sens des mots. On peut citer ici à titre d’exemple la déposition de la sœur Damiana de Jesús dans laquelle le notaire indique « que pública voz y fama entiende que es decir una cosa muchas personas, y todas las que han oído hablar en ello decir todas de una manera y opinión y decirlo todo el pueblo a una y muchos pueblos a una 27 ». Deux éléments sont ainsi analysés de façon concomitante : l’existence de la fama sanctitatis, qui est considérée comme un signe céleste de la sainteté, et la capacité de jugement des témoins, qui conditionne la recevabilité de leur déposition. Aussi cette façon d’appréhender la fama sanctitatis traduitelle à la fois une inscription dans une tradition et une adaptation aux exigences critiques du temps. Cette complexité du système de la preuve se retrouve dans les enquêtes portant sur les miracles. L’exigence philologique et conceptuelle prévaut en 25 Ibid., p. 49. De même, une plus grande confiance est accordée aux témoins qui ont côtoyé la sainte durant sa vie. La déclaration faite lors du procès de Madrid par le frère Diego de Yepes (qui fut à la fois son confesseur et son hagiographe) en est un bon exemple (ibid., p. 286-9). Notons néanmoins que, si le récit qu’il fait des miracles de la réformatrice du Carmel est tenu pour véridique, c’est non seulement parce qu’il est un témoin direct, mais aussi parce que, en tant qu’hagiographe, il a porté un soin tout particulier lors de la rédaction de son ouvrage à la collecte des sources. 26 Ibid., p. 5. Cette exigence se retrouve dans la question 14 du formulaire d’Antoine Cerri : « 14. Ultimo generaliter interrogetur circa famam, an sciat quid sit fama, & an illa viguerit in aliqua parte populi, an vero in majori, an orta sit ex probabilibus causis, vel potius fuerit vanus rumor populi. An habuerit originem a personis nimis affectis, vel suspectis, et interessatis, puta conjunctis, vel affinibus, amicis intrinsecis, religiosis ejusdem Ordinis, vel aliis quibuscunque, qui ratione Ecclesiæ, in qua corpus reperitur, vel ob aliquam aliam causam aliquod interesse saltem affectionis habere possint. An personæ, a quibus fama orta est, essent personæ graves, et fide dignæ, an potius leves, et ordinariæ, puta mulieres, rustici, et illi idiotæ, vel ignari. » (Decreta Servanda in Canonizatione et Beatificatione Sanctorum, p. 49). 27 Silverio de Santa Teresa, Procesos, p. 73. Axelle Guillausseau PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 114 effet également, les interrogateurs devant demander, selon le questionnaire établi par l’évêque de Salamanque, « cómo saben los testigos que las tales cosas sean milagros, por qué causa entiendan que son milagro ; qué cosa es milagro 28 ». Le souci d’attester des miracles en recourant à différentes formes de preuves transparaît ensuite dans le recours aux médecins, dont la présence est mise en avant tant dans les sources hagiographiques que dans les enquêtes menées dans le cadre des procès de canonisation. Néanmoins, la preuve clinique n’est que la première étape permettant d’établir le miracle. Celle-ci doit ensuite être confirmée et confortée par des arguments d’ordre théologique, comme en témoigne la façon dont les Auditeurs de la Rote analysent la guérison de la sœur Anne de la Trinité après que Thérèse de Jésus lui a imposé les mains sur le visage en la recommandant à Dieu : […] tres primi testes declarant, quod cum doctor Polanco Medicus dicti Monasterii venisset ad visitandum dictam Sororem Annam infirmam, & illam reperisset sanam : interrogavit quomodo se res habuisset, & illi facto narrato, ipse affirmavit fuisse Miraculum, & aliter fieri non potuisse. Quod nobis probari, & Miraculum esse visum fuit, stante gravitate infirmitatis assidua, & a tot annis, & illius ingravescentia, cum gravi febre, & attento maximo narium tumore, & Medicorum timore de Cancro ibi generando, & quod Erysipelas, & tumefactio narium, & febris insimul, & in continenti cessarunt, accedere solummodo tactu Servæ Dei, & quod nunquam in futurum dicta infirmitas prius assidua, illam molestaverit. Unde non solum cessavit infirmitas, & accidens grave tunc temporis imminens : verumetiam & causa illius, quæ operabatur illam assiduitatem, & continuationem annuam. Quæ circunstantiæ recuperatæ salutis in instanti, maxime concernit Miraculum juxta illud Matthæi cap. 8. de Leproso per Christum Dominum mundato, ibi. Et confestim mandata est lepra ejus, & Actuum Apostolorum cap. 9. Et continuo surrexit ; & pluribus aliis locis Sacræ Paginæ... […] Ponderavimus etiam modum operandi hujusmodi Miraculum : nempe per contactum manus Servæ Dei super infirma, ad instar plurimorum Miraculorum, quæ operatus est ipse Dominus noster Jesus Christus per se ipsum. & manus Suorum Apostolorum : prout legitur Marci, quinto ibi. Et tenens manum puellæ, ait illi : Puella, tibi dico Surge, & confestim surrexit. […] Sanctis etiam aliquibus hoc donum fuisse communicatum docet Divus Gregorius secundo Dialogorum cap. 30. & (Ut docet S. Thomas q. 3. de malo art. 3. & 2.2. q. 83. art.1.) ille modus dicitur excellentior operandi Miracula, quia ad illa potestative, seu tanquam instrumentum physicum concurrit. Cum ergo Deus per contactum manus suæ Servæ Virginis Teresiæ miraculum hoc perfecerit : ostenditur, illi suam virtutem communicasse : ita ut ipsa illi, per veram, & realem actionem contactus, tanquam instru- 28 Ibid., p. 4. Canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 115 mentum physicum cooperaretur. Unde quamvis istud factum, quasi excedens vires naturæ creatæ, quoad modum sit referendum (prout censuimus) ad tertium gradum ex enumeratis, juxta Divum Thomam dicta parte 1. q. 105. art. 8. in corpore vers. Tertio modo... 29 La structure de ce raisonnement est éclairante : le constat, réalisé par le médecin et confirmé par les auditeurs de la Rote, de l’impossibilité médicale d’une guérison en constitue le point de départ, puis les justifications d’ordre théologique viennent étayer l’analyse, la nature divine de cette manifestation étant alors confirmée par une mise en perspective avec les miracles relatés dans les Écritures mais aussi par son inscription dans les catégories de la classification thomiste. La logique argumentaire qui préside aux procès de canonisation, comme aux hagiographies, peut ainsi être inscrite - pour reprendre les catégories théorisées par Krzysztof Pomian dans L’Ordre du temps - dans « le temps stationnaire de la vraie Église » et dans « le temps progressif du savoir » 30 : ces preuves s’inscrivent à la fois dans la logique d’une médecine enrichie par la redécouverte des médecins grecs et dans la revendication d’une fidélité à l’Église primitive 31 . Coexistent en somme deux systèmes de justification antithétiques mais non exclusifs, l’un fondé sur le savoir médical contemporain, étayé par l’observation et l’expérience, l’autre théologique. Les sources thérésiennes montrent ainsi que la place croissante faite au droit et au savoir médical dans les procès de canonisation modifie en profondeur le processus de reconnaissance des élus de Dieu. Mais elles révèlent également que, malgré la normalisation de la procédure et de l’examen des dépositions, le système de la preuve reste inscrit dans une complémentarité entre les mondes terrestre et céleste, de laquelle les procès de canonisation et les hagiographies tirent non seulement leur logique, mais aussi leur légi- 29 Dominique de Jésus, Acta publica, « Relatio prima. De miraculis », « Art. 2. De Miraculis in vita. », « 2. Miraculum in vita, de sanitate restituta cuidam, Erysipelate, & febri laboranti. », p. 23-27. 30 Krzysztof Pomian, L’Ordre du temps, Paris, Gallimard, 1984, p. 49-52. 31 La diversité des sources utilisées par les Auditeurs de la Rote dans la Relatio produite dans le cadre du procès de canonisation de Thérèse de Jésus le confirme : « Prior igitur Relatio ex hiis, nimis erudita est ; quippe quæ variis Sacræ paginæ locis (& iis quidem rite adductis) illustratur, pluribus juris decretis ornatur, fulciturque gravium Auctorum dictis, non modo Jureprudentum, atque Historiographorum, verumetiam & artis medendi Principum, puta Hippocratis, Galeni, Avicenæ… » (Beatæ Virginis Teresiæ Vitæ, Virtutum, ac Miraculorum Relationes. SS. D.N. Paulo Papæ V. per Sacræ Rotæ Auditores deputatos factæ ad solemnem Canonizationem, Barcelone, Esteban Liberós, 1621, « Ad pium Lectorum », f. 5r°). Axelle Guillausseau PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 116 timité. Le topos de la main divine guidant la Jérusalem terrestre durant les procès de canonisation ou encore l’idée que Dieu a multiplié les miracles pendant le procès de canonisation pour attester de la sainteté de Thérèse de Jésus 32 en témoignent. Par leur nature à la fois tangible et surnaturelle, les miracles participent ainsi d’une « recharge sacrale » 33 (Olivier Christin) de la sainteté et du culte des saints, qui n’est pas exclusive de l’adoption de nouvelles techniques de la preuve et de grilles de lecture portant la marque de l’humanisme critique. 4 Bibliographie 4.1 Sources Beatæ Virginis Teresiæ Vitæ, Virtutum, ac Miraculorum Relationes. SS. D.N. Paulo Papæ V. per Sacræ Rotæ Auditores deputatos factæ ad solemnem Canonizationem, Barcelone, Esteban Liberós, 1621. Decreta Servanda in Canonizatione, & Beatificatione Sanctorum. Accedunt Instructiones, & Declarationes quas Excellentissimi et Reverendissimi S.R.E. Cardinales Præsulesque Romanæ Curiæ ad id muneris congregati ex ejusdem Summi Pontificis mandato condiderunt, Rome, Imprimerie de la Chambre Apostolique,1642. Relacion breve de un milagro que nuestro Señor ha obrado por intercession de la Gloriosa Santa Madre Teresa de Jesus, fundadora de los Descalços Carmelitas, resucitando una niña, y de la averiguacion, que en contraditorio juyzio se hizo en Guadix, en comprovacion del : ordenada por don Diego de Santa Cruz Saavedra, Chantre de la Santa Yglesia desta ciudad de Guadix, Grenade, Martin Fernández Zambrano, 1618. Dominique de Jésus. Acta publica Canonizationis Sanctæ Teresiæ a Jesu, Fundatricis Carmelitarum Excalceatorum. Hoc est bulla et Relationes duæ, in quibus præclara gesta, virtutes, & miracula ejusdem Sanctæ compendio describuntur, & probantur, Paris, Michel Sonnius, 1625. José de la Madre de Dios y Arellano. Sermon que predico el Padre Maestro F… Lector de Sagrada Escriptura, en la solemne fiesta que se celebró en su Convento del Carmen de Nuestra Señora de la Cabeça de Granada, a la Seraphica Madre y Beata Virgen Teresa de Jesus, fundadora de la Religion Descalça de Nuestra Señora del 32 Francisco de Ribera, La vida, chap. VIII, « De milagros que a hecho nuestro Señor en personas que se encomendavan a la madre Teresa de Jesus. », p. 561 : « … veo que nuestro Señor a tomado la mano para honrrar a esta sancta y darla a conocer a todos, desde que murio, y cada dia va haziendo nuevas maravillas, por que deve de querer que sea presto canonizada para que sea mas conocida y honrrada y mas almas sean por ella aprovechadas. Aunque a mi parecer entretanto que la yglesia la canoniza la tiene Dios en alguna manera canonizada con el milagro que se vee en su cuerpo, quando otro ninguno uviera ». 33 Olivier Christin, Une révolution symbolique, Paris, Minuit, 1991, chap. 2, p. 239. Canonisation et hagiographies de Thérèse de Jésus PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 117 Carmen, a ocho de Octubre, de 1617, Grenade, Martin Fernández Zambrano, 1617. José de Jesús María. Sermones predicados en la Beatificacion de la B.M. Teresa de Jesus Virgen, fundadora de la Reforma de los Descalcos de N. Señora del Carmen. Colegidos por orden del padre fray Joseph de Jesus Maria General de la misma Orden, y dedicados a N. Santissimo Padre y Señor Paulo V. Pontifice Summo, Madrid, veuve d’Alonso Martin, 1615. Manrique de Luján, Fernando. Relacion de las fiestas de la ciudad de Salamanca, en la Beatificacion de la Sancta Madre Teresa de Jesus, Fundadora de la Reformacion de los Descalços, y Descalças de Nuestra Señora del Carmen, Salamanque, Diego Cussio, 1615. Ribadeneira, Pedro (de). Les Fleurs des Vies des Saincts, et des Festes de toute l’année. Recueillies par le R.P. Pierre Ribadeneira, de la Compagnie de Jesus. Mises en François par M. René Gaultier, Conseillier du Roy en son Conseil d’Estat & privé. Edition derniere, embellie de la distinction des vies appartenantes à Ribadeneira, & enrichie d’un grand nombre de vies choisies, tant des Saincts de France adjoustées par M. André du Val, comme aussi de divers autres Saincts, notamment des Provinces du Dauphiné, Provence, Bourgongne, Lyonnois, Vivarés & Savoye ; rangées chacune en leur mois & jour. Item des vies des Saincts nouvellement canonizés ; avec celles de quelques bien-heureux, non canonisés pour encores, Lyon, Pierre Rigaud, 1625. Ribera, Francisco (de). La vida de la Madre Teresa de Jesus, fundadora de las Descalças y Descalços Carmelitas, Compuesta por el P. Doctor Francisco de Ribera de la Compañia de Jesus, y repartida en cinco libros. Van en estos libros añadidas muchas cosas a lo que ella escrivio de su vida, y otras muchas declaradas ; y fuera deso van añadidas las fundaciones de los monasterios, y lo demas que hizo en veynte años que vivio despues de lo que escrivio de su vida, y lo que a sucedido de su cuerpo y de los milagros que se an hecho, Salamanque, Pedro Lasso, 1590. Silverio de Santa Teresa. Procesos de beatificación y canonización de Santa Teresa de Jesús, Burgos, El Carmen, 1935, t. 18-20. Urkiza, Julen. Procesos de Beatificación y Canonización de la madre Teresa de Jesús, Burgos, El Carmen, 2016, tomes V et VI. Vives, Juan Luis. De causis corruptarum artium, Opera, Bâle, Nikolaus Episcopius, 1555. Yepes, Diego (de). Vida virtudes, y milagros, de la Bienaventurada Virgen Teresa de Jesus, Madre y Fundadora de la nueva Reformacion de la Orden de los Descalços, y Descalças de Nuestra Senora del Carmen. Por Fray …, Religioso de la Orden de San Geronymo, Obispo de Taraçona, y Confessor del Rey de España Don Felipe II. y de la S. Madre. A nuestro Santissimo Padre Paulo Papa V, Saragosse, Angelo Tavanno, 1606. 4.2 Études Christin, Olivier. Une révolution symbolique. L’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, Minuit, 1991. Pomian, Krzysztof. L’Ordre du temps, Paris, Gallimard, 1984. Axelle Guillausseau PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0005 118 Renoux, Christian. « Discerner la sainteté des mystiques : quelques exemples italiens de l’âge baroque », Rives nord-méditerranéennes, 3 (1999), p. 19-28. Urkiza, Julen. « La canonización de santa Teresa de Jesús », Anuario de Historia de la Iglesia, 29 (2020), p. 229-260. Woodward, Kenneth L. Comment l’Église fait les saints, Paris, Grasset, 1992.