eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 49/96

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2022-0012
2022
4996

Le Nécrologe de Port-Royal — « Faire connoître la toute-puissance et la grandeur de Dieu, l’infirmité et la bassesse de l’homme »

2022
Philipp Stenzig
PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 Le Nécrologe de Port-Royal — « Faire connoître la toute-puissance et la grandeur de Dieu, l’infirmité et la bassesse de l’homme » P HILIPP S TENZIG (U NIVERSITÉ DE D ÜSSELDORF ) Le rapport entre « Port-Royal et la sainteté » a été, ces dernières années, un champ de recherche intensément cultivé, et c’est d’ailleurs le titre d’un numéro des Chroniques de Port-Royal auquel ont contribué, entre autres, Éric Suire et Pascale Thouvenin 1 . De plus, le sujet a été traité récemment dans le recueil La Mémoire à Port-Royal, de la célébration eucharistique au témoignage 2 . Mais, même si l’essentiel est dit, il peut toujours être permis de joindre aux résultats de ces recherches quelques modestes réflexions. 1 La doctrine janséniste sur la sainteté — l’image d’une religieuse parfaite et d’une imparfaite Le point de départ en sera ce que disent les théologiens dits jansénistes sur la sainteté, c’est-à-dire, qu’elle vient de Dieu : Dieu seul est saint. Pour l’homme, la sainteté est un don qu’il reçoit sans l’avoir mérité. La prière des enfants des Petites-Écoles de Port-Royal, qui se trouve dans le Règlement pour les enfants, à la fin des Constitutions de Port-Royal parues en 1665, est bien connue : « Mon Dieu, soyez plus fort pour nous sauver que nous ne sommes pour nous perdre 3 ». Or, si Dieu sauve, c’est en partageant la charité qui est son essence, c’est donc en sauvant qu’il sanctifie. Bien sûr, le janséniste ne nie pas le libre arbitre, il ne se croit pas sauvé « malgré lui », mais il 1 Olivier Andurand, Philippe Luez et Éric Suire (dir.), Port-Royal et la sainteté, Chroniques de Port-Royal, 69 (2019). 2 Laurence Plazenet (dir.), La Mémoire à Port-Royal, de la célébration eucharistique au témoignage, Paris, Classiques Garnier, 2016. 3 Agnès Arnauld, Les Constitutions du monastère de Port-Royal du Saint Sacrement, Mons, G. Migeot, 1665, p. 469. Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 232 se croit prévenu sur la voie du salut par la grâce d’un Dieu plus fort que lui, il est beaucoup plus témoin qu’auteur du bien qui s’opère en lui. La prière des enfants des Petites-Écoles est l’expression de la doctrine des deux attraits, c’est-à-dire de la doctrine qui énonce que, dans l’état de la nature déchue, la volonté de l’homme est alternativement dominée par deux attraits prévenants qui sont la charité (ou bien la grâce) et la cupidité. Le principe de mouvement de son vouloir, c’est toujours l’un des deux, la grâce ou la cupidité, qui se livrent, dans son cœur, une bataille sans trêve 4 . Dans le contexte du débat théologique du XVII e siècle, ce point de vue relève assurément de la « solution antithétique » de la question du rapport entre nature et grâce, ainsi que de la conception « rigoriste » du mérite, selon laquelle les mérites du saint sont uniquement des dons de Dieu, deux positions évoquées par Éric Suire dans La sainteté française 5 . Sur le fond de cette doctrine des deux attraits, la sainteté n’est pas en premier lieu un ensemble de qualités extraordinaires qui s’ajoutent, pour ainsi dire, à l’état de grâce ; c’est plutôt la manifestation de celui-ci dans la mesure où elle tend vers sa perfection. Ainsi, la sainteté se présente comme le fruit d’une conversion, dont le principe et la fin sont Dieu. Ainsi René Tavenaux écrit : Le XVII e siècle est souvent qualifié de « siècle des saints » : à cette appellation sans doute serait-il préférable de substituer celle de « siècle des convertis », car aux yeux des hommes de ce temps, le véritable signe de chrétienté était moins la continuité dans la vertu - parfois simple reflet d’une morale philosophique - que l’irruption dans l’âme d’une grâce personnelle, c’est-à-dire la conversion 6 . C’est une doctrine qui dans les écrits de Port-Royal est certainement moins omniprésente que ne le prétendent ses opposants, mais dans la mesure où elle fait effectivement partie des caractères distinctifs qui 4 Cf. par exemple Jean Duvergier de Hauranne (abbé de Saint-Cyran), Considérations sur les dimanches et les festes des mysteres, et sur les festes de la Vierge et des saints, manuscrit Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, 2822, p. 33 ; et dans l’édition parue chez la veuve Charles Savreux, Paris, 1670, p. 72, cité par Denis Donetzkoff, « Saint-Cyran et la sainteté : soyez parfaits, comme votre Père qui est au Ciel est parfait », Chroniques de Port-Royal, 69 (2019), p. 39-58, ici p. 45. 5 Éric Suire, La sainteté française de la Réforme catholique (XVI e -XVIII e siècles) d’après les textes hagiographiques et les procès de canonisation, Pessac, PUB, 2001, p. 84-86 pour le rapport entre nature et grâce, et p. 88-89 pour la conception augustinienne du mérite (« lorsque le Seigneur récompense les saints, il couronne en eux ses propres dons »). 6 René Tavenaux, « Les voies de la sanctification chez les premiers jansénistes », dans Histoire et sainteté, Angers, PUA, 1982, p. 95-108, ici p. 102. Le Nécrologe de Port-Royal PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 233 distinguent la littérature qualifiée de « janséniste » du contre-projet plus au moins moliniste de son époque, elle mérite qu’on s’y attarde. Cette doctrine est, en effet, assez manifeste dans l’œuvre de la mère Agnès et de sa collaboratrice, la sœur Euphémie, Jacqueline Pascal, qui, d’ailleurs, est probablement l’auteur de la prière citée ci-dessus, puisque l’on lui attribue le Règlement pour les enfants des Petits-Écoles, qui se trouve à la fin des Constitutions de Port-Royal 7 . Voyons l’idéal de sainteté que la mère Agnès propose à ses novices dans L’image d’une religieuse parfaite et d’une imparfaite 8 , parue en la même année que les Constitutions de Port-Royal. La genèse plus au moins simultanée de ces deux ouvrages a été étudié par Guy Basset, qui observe que Racine et Nicole qualifient les Constitutions et L’image d’une religieuse parfaite d’oùvrages collectifs relevant au fond de la responsabilité de toute la communauté de Port-Royal, dans la mesure où ils ne sont qu’un reflet de la doctrine qui y règne depuis la réforme du monastère. Ainsi, Racine explique que « la Religieuse parfaite a été recueillie par la sœur Euphémie sous la mère Agnès, lorsque celle-ci était maîtresse des novices 9 », alors que Nicole précise à propos de la seconde partie, le Traité des Occupations intérieures : « C’est un ouvrage de Port-Royal, il contient la conduite que l’on gardait dans ce monastère à l’égard des novices. Ceux qui sont le plus informés des choses savent que ce traité a été recueilli des discours de la mère Agnès par la sœur Euphémie Pascal, et qu’il a été ensuite revu et augmenté par la mère Agnès elle-même 10 ». La sœur Euphémie Pascal est entrée à Port Royal en 1652, et elle est morte en 1661, c’est donc entre ces deux dates qu’il faut situer la rédaction du livre 11 . L’attribution à la mère Agnès est, d’ailleurs, confirmée par le Nécrologe de Port-Royal, dont il sera question dans la 7 Guy Basset, « Du parfait et de l’imparfait : qu’est-ce qu’une religieuse ? », Chroniques de Port-Royal, 43 (1994), p. 81-96, ici p. 84. 8 Agnès Arnauld, L’image d’une religieuse parfaite et d’une imparfaite avec les Occupations intérieures pour toute la journée, Paris, C. Savreux, 1665. Pour l’attribution à la mère Agnès, cf. Basset, « Du parfait et de l’imparfait », p. 81-96. Cf. aussi les Mémoires d’Utrecht (Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal, éd. Jean-Louis Barbeau de la Bruyère, Utrecht, aux dépens de la Compagnie, 1742, t. 3, p. 248 ; cité par Basset, « Du parfait », p. 82). 9 Jean Racine, Abrégé de l’Histoire de Port-Royal, éd. Augustin Gazier, Paris, Lecène / Oudin, 1908, p. 197 : « Diverses particularités concernant Port-Royal recueillies par mon père [i. e. Jean Racine] de ses conversations avec M. Nicole » ; cité par Basset, « Du parfait », p. 84. 10 Pierre Nicole, Les imaginaires et les visionnaires, traité de la foi humaine, jugement équitable tiré des œuvres de saint Augustin, Cologne, P. Marteau, 1683, p. 362, cité par Basset, « Du parfait », p. 84. 11 Ibid. Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 234 deuxième partie de cet article ; ce texte explique dans la notice qu’il lui consacre qu’« elle était elle-même l’image de cette parfaite religieuse dont elle a tracé le portrait admirable dans le livre qu’elle a écrit sous ce titre 12 ». La préface de La religieuse parfaite déclare que le livre ne s’adresse pas aux seules religieuses, mais à tout chrétien et que la « religieuse parfaite » est un synonyme de « l’âme parfaite ». Dans l’« Avis au lecteur », l’auteur ajoute : [Ce] traitté qui contient la double image d’une religieuse parfaite et d’une imparfaite [...] ne fait dans l’une que représenter les mouvemens naturels de l’amour de Dieu, et dans l’autre les mouvemens naturels de l’amour propre, apprenant ainsi à chacun à reconnoistre ce que la charité l’obligeroit de faire si elle estoit aussi grande en luy qu’elle devroit estre 13 . Ainsi, le cœur de la religieuse parfaite est mû par l’amour de Dieu, la charité est son principe de mouvement, au sens aristotélicien du terme. Conformément à Mt 5,48, nous lisons : « Dieu nous ordonne d’estre saints parce qu’il est saint 14 ». Dieu ne peut l’ordonner que parce qu’il communique la sainteté qui lui est propre. Quant à elle, la bonne religieuse ne possède rien d’elle-même. La mère Agnès explique : Bien qu’elle ressente que Dieu luy a fait beaucoup de grâces, elle les regarde comme des dettes qu’elle a contractées, et dont elle doit s’acquitter, et non comme des richesses qui puissent luy estre attribuées, puisqu’elles sont à Dieu, et non à elle, qui n’y a rien que par sa miséricorde 15 . [Dans les contrariétés, quand ses forces diminuent, elle considère que Dieu] couvre sa bonne volonté et sa force par la foiblesse et l’impuissance qu’elle sent, pour luy faire connoistre ce qu’elle est dans sa force même quand il la laisse à elle mesme, et afin qu’elle sçache mieux que ce qu’elle a esté venoit de Dieu, et non pas d’elle 16 . L’abbesse organise son traité en fonction des principales vertus de sa « religieuse parfaite ». Sur l’humilité, elle dit : C’est [sur la] connoissance de soy-mesme, et sur cette impuissance dans laquelle on est de pouvoir faire le moindre bien et éviter le moindre mal 12 Nécrologe de l’abbaie de Nôtre-Dame de Port-Roial des Champs, Ordre de Cîteaux, Institut du Saint-Sacrement, éd. Angélique de Saint-Jean Arnauld d’Andilly et Antoine Rivet de La Grange OSB, Amsterdam, Potgieter, 1723, p. 85 ; cité par Basset, « Du parfait », p. 82. 13 Arnauld, L’image d’une religieuse parfaite, p. VIII. 14 Ibid., p. VI, selon Mt 5,48 : « Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait ». 15 Ibid., p. 78-79. 16 Ibid., p. 81. Le Nécrologe de Port-Royal PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 235 sans le secours de Dieu, que la vraye religieuse établit une humilité inébranlable 17 . Quant à l’amour de la pauvreté (spirituelle), la bonne religieuse doit « supporter avec patience l’interruption et la privation des grâces de Dieu, quand il plaist à Dieu de luy faire éprouver qu’elle ne les mérite pas 18 ». En ce qui concerne ces grâces, elle sait qu’elle ne les possède [...] comme un bien qui luy appartienne, mais comme un pur don de Dieu, dont elle reconnoist qu’elle est infiniment indigne, et que le moindre degré de grâce n’est que trop pour elle, sans y pouvoir rien prétendre, que ce qu’il plaist à Dieu de luy en communiquer par sa seule bonté 19 . Quant à la chasteté, la religieuse parfaite ne craint pas seulement ce qui est hors d’elle qui la pourroit attirer au mal, mais elle redoute encore plus la loy du péché qui règne en elle mesme, ce qui fait qu’elle crie avec le saint apostre : « Hélas, misérable que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort » ! Et sçachant que la grâce de Jésus- Christ le peut faire, elle l’invoque sans cesse à son secours 20 . Ce qui suit concerne toujours la religieuse parfaite, non l’imparfaite : Cette âme qui voit qu’elle se souille toujours en voulant se purifier ne trouve point d’autre remède à ses maux, que d’attendre la mort avec plus de désir que de crainte, la regardant comme la fin de ses péchéz, et le commencement d’une vie dans laquelle Dieu régnera sur elle. Et bien que l’appréhension de ses jugements luy donne de la frayeur, elle aime mieux tomber entre ses mains que de demeurer plus longtemps dans le danger où elle est dans ce monde 21 . La bonne religieuse doit donc être faible pour que Dieu puisse se montrer fort en elle 22 . Le point de départ de la théologie de la mère Agnès dans toutes ces observations se résume ainsi : 17 Ibid., p. 94. 18 Ibid., p. 101-102. 19 Ibid., p. 103. 20 Ibid., p. 119. 21 Ibid., p. 32. 22 La bonne religieuse est conduite par une grâce toute-puissante, mais en soi, elle est faible (ibid., p. 4). « Elle n’est par elle mesme qu’une terre déserte, qui ne peut rien produire qu’à mesure que Dieu la bénit, la cultive, et l’arrose de ses grâces » ; « elle s’égareroit, si la lumière de Dieu venoit à luy manquer pour la conduire dans la voye droite » (p. 16). L’âme sainte est surtout une âme pénitente : « Elle voit [...] qu’elle se laisse aller à plusieurs infidélités contre la grâce qu’elle a receue par dessus les autres, ce qui fait qu’elle s’estime plus coupable qu’eux, sachant que Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 236 L’esprit de l’homme est tombé depuis le péché dans une mobilité et instabilité si grande, que si Dieu ne l’arreste par sa grâce, il ne peut demeurer ferme dans le bien, encore qu’il le connoisse, et qu’il ait le désir de l’embrasser 23 . Elle termine son œuvre avec la prière suivante : Les grâces, mon Dieu, que vous faites aux chrestiens, et particulièrement aux âmes religieuses, sont si excellentes, qu’il ne leur manque rien pour devenir un peuple parfait qui vous serve en sainteté et en justice tous les jours de sa vie. Mais vous enfermez ce thrésor en des vaisseaux de terre qui n’ont aucune force pour résister aux attaques de leur ennemy, sinon à mesure que vous les défendez par une grâce nouvelle qu’ils vous doivent toujours demander 24 . 2 Cette doctrine théologique devrait se manifester dans une hagiographie particulière Les enseignements de la mère Agnès sont parfaitement conformes avec la doctrine des théologiens de son parti. Ainsi, Pierre Nicole précise dans ses Réflexions morales : Le terme d’élus marque la préférence éternelle que Dieu a faite d’eux à ceux qu’il n’a pas élus ; la qualité de saints marque leur séparation actuelle de la corruption du monde, et celle de bien-aimés marque l’amour que Dieu leur porte, qui est la source des dons qu’il leur fait. Car l’amour de Dieu est toujours joint à ses dons. Dieu aime les hommes dans l’état où il les met par sa grâce, et non dans leur état naturel 25 . Or, si la sainteté est un don particulier de Dieu, il convient que le saint lui rende, en échange, un hommage particulier : Dieu demandera davantage à ceux à qui il aura plus donné. Elle se tient donc dans le tremblement devant Dieu, craignant avec Iob, que s’il l’interroge en luy faisant rendre compte en son jugement, elle ne luy puisse répondre un pour mille » (p. 24- 25 ; cf. p. 28-29). 23 Ibid., p. 133. 24 Ibid., p. 183 ; voici la suite : [...] « Que si une âme qui vous cherche en vérité a besoin à toute heure que vostre grâce la soutienne, de peur qu’estant debout elle ne vienne à tomber, combien plus une âme imparfaite, qui manque si souvent à la fidélité qu’elle vous doit, aura-t-elle besoin de vostre miséricorde, afin que ce peu de lumière qui luy reste ne s’éteigne pas, et que les ténèbres ne la puissent surprendre » (p. 184). 25 Pierre Nicole, Continuation des essais de morale, t. 9 (= Réflexions morales sur les Épîtres et Évangiles, t. 1), Paris, G. Desprez, 1723, p. 431. Nicole y commente Col 3,12. Le Nécrologe de Port-Royal PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 237 Le nouvel homme est créé selon Dieu dans la justice (Eph. 4, 24), parce qu’il rend à Dieu ce qui est dû à Dieu [...] il rend au souverain être l’hommage et l’amour qu’il lui doit. Comme il tient tout de lui, il lui rapporte tout 26 . L’essence de l’hommage consiste à nommer les faits pour lesquels on est obligé de rendre hommage. Le saint, s’il reconnaît les grâces reçues, rend à Dieu les louanges qui lui sont dues, c’est-à-dire qu’il s’acquitte d’un devoir. Cette obligation fait partie du « devoir de mémoire » dont parle Pascale Thouvenin dans son étude Une mémoire en quête d’histoire 27 . D’un point de vue augustinien, le peuple des élus est tenu à l’auto-hagiographie, pour ne pas être ingrat : la pietas l’oblige à rendre témoignage des secours reçus, à faire la part entre la misère du vieil homme et la miséricorde « qui opère en lui le vouloir et le faire » (Ph 2,13). Ce devoir relève de la leiturgía au sens propre du mot, dans la mesure où il correspond à l’une des quatre fins que l’on attribue traditionnellement à la liturgie, c’est-à-dire « offrir à Dieu de dignes actions de grâce pour les bienfaits reçus 28 ». L’hagiographie est née (entre autres) de la liturgie, parmi ses premières formes d’expression, il faut compter les leçons aux matines, dans le sanctoral de l’office, et les courtes notices du martyrologe. Témoigner des grâces reçues et de la conversion qu’elles ont opérée, c’est d’ailleurs ce que fait saint Augustin dans ses Confessions. D’une certaine manière, ce texte doit être considéré comme le modèle de l’auto-hagiographie de Port-Royal 29 . Simon Icard explique à ce propos : « À Port-Royal, on a une vive conscience que l’existence individuelle et communautaire est une histoire sainte [...]. À la manière de saint Augustin, il s’agit de relire sa vie et celle de la communauté comme une histoire de la grâce 30 ». 26 Nicole, Continuation des essais de morale, t. 13 (= Réflexions morales, t. 5), p. 156- 158. 27 Pascale Thouvenin, « Une mémoire en quête d’histoire. L’idée de “devoir de mémoire” chez les religieuses de Port-Royal », dans Laurence Plazenet (dir.), La mémoire à Port-Royal. De la célébration eucharistique au témoignage, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 199-239. 28 Ici, il faut se souvenir du fait que la vertu particulaire de la « religio » relève de la vertu cardinale de la « iustitia ». 29 Cf. Simon Icard, « Port-Royal ou la vie in memoriam », dans Plazenet (dir.), La Mémoire à Port-Royal, p. 11-20, ici p. 18 ; Laurence Plazenet, « Un continent inconnu. Les vies intéressantes et édifiantes des religieuses de Port-Royal (1750- 1752) », dans La mémoire à Port-Royal, p. 125-197, ici p. p. 145 ; Pascale Thouvenin, « Mémoires et vies des saints à Port-Royal : une écriture de la sainteté », Chroniques de Port-Royal, 69 (2019), p. 77-92, ici p. 84-85. 30 Icard, « Port-Royal et la vie in memoriam », p. 18. Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 238 3 Présence de cette doctrine dans les écrits auto-hagiographiques de Port-Royal - le Nécrologe de Port-Royal On peut, évidemment, se demander si, et comment cette doctrine s’est manifestée dans les écrits auto-hagiographiques de Port-Royal. Y a-t-il des « vies de saints jansénistes 31 » qui correspondent à ces théories ? D’un côté, il ne faut pas s’attendre à une hagiographie qui insiste trop sur la misère ou les défauts du saint ou de la sainte en question 32 . D’un autre côté, le volet « grâce efficace par elle-même » est bien présent dans l’hagiographie port-royaliste, et il y est explicitement nommé. Voyons d’abord le premier aspect. Il ne faut pas s’attendre à une hagiographie qui insiste trop sur les défauts du saint : cela est évident, parce que tout aveu trop confidentiel de cette nature aurait compromis la cause de Port-Royal. Or, l’hagiographie port-royaliste relève indubitablement d’un caractère apologétique 33 . En rendant témoignage de la vie angélique des 31 Éric Suire (« L’hagiographie janséniste. Théorie et réalités », Histoire, économie et société, 19.2 (2000), p. 185-200) s’est penché sur la production littéraire du courant dit ‘figuriste’, à partir de 1730 environ, il s’agit principalement des ‘Vies’ du diacre Pâris, de Pavillon, de Soanen et d’Antoine Arnauld ; en ce qui concerne « le prototype du saint janséniste [qui] devrait être le pécheur converti, ayant entamé un long chemin de repentance, sans cesse inquiet de tomber, toujours soutenu à bout de bras par la grâce », il n’y en a pas trouvé de trace (p. 192). Tout au contraire, son analyse l’a amené à conclure que « la réalité de l’hagiographie janséniste est décevante. Cette littérature de combat [...] ne met en scène que des héros infaillibles, finalement assez proches des champions du catholicisme tridentin vantés par le camp adversaire » (p. 185). 32 Ainsi, Pascale Thouvenin trouve les Mémoires de Nicolas Fontaine imprégnés non « d’un rigorisme glacial » mais de « la joie qui domine les manifestations les plus significatives de la vie chrétienne comme le quotidien de la vie des Solitaires », les saints de Port-Royal sont surtout des saint heureux » (« Mémoires et vies des saints à Port-Royal », p. 87-88). 33 C’est pourquoi, quant à ses formes d’expression, l’auto-hagiographie de Port-Royal se présente sous les aspects les plus traditionnels - tout ce qu’il faut est là, et même en abondance : les dépositions des témoins qui avaient, de son vivant, connu le, ou plutôt la protagoniste respective ; les récits de miracles, attestés par des médecins assermentés, de préférence accompagnées d’un avis favorable de l’autorité ecclésiastique compétente ; les pièces extraites de la correspondance de la défunte, voire son journal... Il y a bien un argument apologétique dans l’accoutrement de ces recueils : il s’agit de documenter la parfaite catholicité de Port-Royal. Par conséquence, aucune extravagance n’y est admise, tout est - on dirait presque : ostensiblement - conforme aux normes ecclésiastiques et aux usages communs de l’époque post-tridentine. Le Nécrologe de Port-Royal PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 239 sœurs, les « Amis de la Vérité » plaident, évidemment, tout d’abord leur propre cause. Quant au deuxième aspect, il convient de le rechercher dans le fonds des écrits « auto-hagiographiques » de Port-Royal qui remontent à des notices compilées à partir de 1652 par la mère Angélique de Saint-Jean Arnauld d’Andilly, la future abbesse, à la demande de son neveu, Antoine Le Maistre 34 . Après la mort de ce dernier, la mère Agnès prit la relève « ordonna[nt] que toutes les sœurs écrivissent chacune à part ce qu’elles auraient pu savoir de particulier, afin que cela servît de mémoires 35 ». À cette entreprise de « mise en mémoire » de l’abbaye de Port-Royal sont puisées, outre le Nécrologe de Port-Royal, dont il sera question dans la suite, les Relations sur la vie de la révérende mère Angélique de Sainte-Magdelaine Arnauld, imprimées en 1737 36 ; les trois tomes des « Mémoires d’Utrecht », c’est-à-dire des Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal, et à la vie de la révérende mère Marie Angélique de Sainte-Magdeleine Arnauld, réformatrice de ce monastère, publiés par Jean-Louis Barbeau de la Bruyère à Utrecht en 1742 37 , pour faire suite aux Mémoires de Nicolas Fontaine, parus en 1736 38 ; et les quatre tomes des Vies intéressantes et édifiantes des religieuses de Port-Royal, complétés et publiés par Pierre Le Clerc entre 1750 et 1752 39 . Jean 34 Jean Lesaulnier, « Port-Royal au jour le jour ? Les Journaux de l’abbaye : une éphéméride devant l’histoire », dans Plazenet (dir.), La Mémoire à Port-Royal, p. 85-124, ici p. 87-88. 35 Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal, Utrecht, s. n. 1742, t. 1, p. 5 ; cité par Thouvenin, « Une mémoire en quête d’histoire », p. 212. 36 Angélique de Saint-Jean Arnauld d’Andilly, Relations sur la vie de la révérende mère Angélique de Sainte-Magdelaine Arnauld, s. l., 1737. 37 Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal, et à la vie de la révérende mère Marie Angélique de Sainte-Magdeleine Arnauld, réformatrice de ce monastère, éd. Jean Louis Barbeau de la Bruyère, trois tomes, Utrecht, aux dépens de la Compagnie, 1742. Il ne faut pas confondre ce recueil avec les Mémoires de Nicolas Fontaine, éditées par Barbeau de la Bruyère en 1736. Dans ses Mémoires, Fontaine avait parlé surtout des solitaires et des relations extérieures de Port-Royal. Le recueil publié en 1742 en constitue la suite, il comprend les « vies » des religieuses, écrites par euxmêmes, et collectées par la mère Angélique de Saint-Jean. 38 Nicolas Fontaine, Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal, éd. Jean Louis Barbeau de la Bruyère, trois tomes, Utrecht, aux dépens de la Compagnie, 1736. 39 Vies intéressantes et édifiantes des religieuses de Port-Royal, éd. Pierre Le Clerc, quatre tomes, s. l., 1751. Le Clerc (né à Buchy, en 1706, et mort à Amsterdam, en 1781) était sous-diacre de l’église de Rouen (C. A. Schipper, La bibliothèque de Pierre Le Clerc, thèse, Radbout Universiteit Nijmegen, 2017). Le recueil contient des vies écrites par les mères Angélique de Saint-Jean Arnauld et Marie de l’Incarnation, la plus longue pièce est l’autobiographie d’Angélique de Saint-Alexis d’Hécaucourt de Charmont. Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 240 Lesaulnier a retracé la genèse de ce fonds de sources dans son étude « Aux sources de l’historiographie port-royaliste - tradition orale et récits symbolique », où il consacre quelques pages au Nécrologe de Port-Royal. Cette écriture hagio-historiographique de Port-Royal a été le sujet de nombreuses études. Alors que Laurence Plazenet s’est penchée sur les Vies intéressantes 40 , Pascale Thouvenin a travaillé sur les Mémoires de Fontaine et les « Mémoires d’Utrecht » qui en constituent la suite 41 . Selon elle, « ces récits consignent une partie de l’histoire du Salut, lorsqu’ils narrent l’histoire de la grâce à l’œuvre dans les individus et les collectivités 42 ». Ainsi, l’autobiographie, dont Antoine Le Maistre voulut que la mère Angélique l’écrivît, eût été le « Livre de la Providence de Dieu » (mais enfin, la mère Angélique ne l’acheva pas) 43 . Puisqu’il s’agit de narrer l’action de Dieu sur le cœur, cette hagiographie port-royaliste n’est pas une énumération d’actes héroïques, mais une introspection 44 . Qui plus est, l’auteur, tout en faisant l’inventaire des effets de la grâce sur le cœur de celui dont il relate la vie, évoque en même temps les effets que ceux-ci produisent sur le sien : il verbalise sa propre réaction 40 Plazenet, « Un continent inconnu », passim. 41 Pascale Thouvenin, « Port-Royal, laboratoire de Mémoires », Chroniques de Port- Royal, 48 (1999), p. 15-55 ; Nicolas Fontaine, Mémoires ou Histoire des solitaires de Port-Royal, éd. Pascale Thouvenin, Paris, Champion, 2001 ; Pascale Thouvenin, « Les Mémoires de Port-Royal : un rayonnement contrasté, de l’âge classique au XX e siècle », Littératures classiques, 76.3 (2011), p. 109-122 ; ead., « Une mémoire en quête d’histoire » ; ead., « Mémoires et vies des saints à Port-Royal ». 42 Thouvenin, « Une mémoire en quête d’histoire », p. 205 (dans la suite, elle précise : « Certes, les existences et les entreprises humaines sont conduites par Dieu, mais le récit contemporain où rétrospectif qui en est fait permet de rendre visible ce qui est caché, de révéler ce qui est mû dans le secret ») ; cf. aussi p. 206 : « L’écriture de ces Vies impose, pour qu’elles puissent être « édifiantes », que soient rendus visibles le dessein providentiel et le mystère de la grâce qui les a animées ». 43 Thouvenin, « Une mémoire en quête d’histoire », p. 207 ; cf. p. 211. Voir aussi ead. « Mémoires et vies des saints à Port-Royal », p. 84 : « L’abbaye a collecté les signes d’une théologie du Salut en actes dans les témoignages de vies contemporaines. [...] Antoine Le Maistre [a organisé] systématiquement l’écriture de récits personnels par les moniales afin de livrer un témoignage au plus près de la vérité des événements et des personnes » ; alors que Nicolas Fontaine a voulu tracer, dans ses Mémoires, « “le règne de la Providence de Dieu” qui agit autant dans l’histoire collective que dans les destinées individuelles ». 44 Pascale Thouvenin dit à propos des Mémoires de Fontaine : « La prévalence de la vie intérieure sur la vie dans le monde impose la restriction extrême de la relation des événements concrets de la vie personnelle » (Thouvenin, « Mémoires et vies des saints à Port-Royal », p. 85). Le Nécrologe de Port-Royal PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 241 affective face aux faits qu’il relate, conditionnant ainsi les effets que son récit doit, à son tour, produire dans le cœur du lecteur - témoigner des effets de la grâce, c’est se prêter à l’œuvre de sa transmission. Ainsi, il faut s’exclamer avec Fontaine : « Mon Dieu, quelles étranges métamorphoses fait votre grâce dans vos serviteurs, et avec quelle secrète force les change-t-elle en nouveaux hommes ! 45 ». Voyons comment les choses se présentent au Nécrologe de l’abbaie de Nôtre-Dame de Port-Roial des Champs, Ordre de Cîteaux, Institut du Saint- Sacrement, paru prétendument chez Potgieter à Amsterdam en 1723. C’est la pièce la plus « liturgique » dans l’ensemble auto-hagiographique de Port- Royal. Son éditeur est le bénédictin Antoine Rivet de La Grange (1683- 1749), transféré de Saint-Cyprien de Poitiers aux Blancs-Manteaux à Paris, en 1717, pour y collaborer à l’historiographie de son ordre. Il était appelant, et suite à la publication du Nécrologe (dont l’anonymat était apparemment très relatif) ses supérieurs le reléguèrent à l’abbaye Saint-Vincent du Mans, où il devait rédiger sa monumentale Histoire littéraire de la France, continuée après sa mort par ses confrères Dom Colomb, Dom Poncet, Dom Clément et Dom Taillandier 46 . À en croire son éditeur, le Nécrologe n’est qu’une collection de notices biographiques jadis existantes au monastère de Port-Royal 47 . Un tiers en a pour objet des personnages ayant vécu du XIII e au XVI e siècle, notamment les fondateurs et premiers bienfaiteurs de l’abbaye cistercienne, un autre tiers les religieuses du XVII e siècle, et le troisième les solitaires qui s’étaient joints à l’abbaye après sa réforme, ainsi que ceux qui l’avaient soutenue dans ces derniers temps. Les notices qui concernent des personnages récents sont naturellement beaucoup plus circonstanciées que celles qui traitent des personnages du Moyen Âge. La plupart en avaient été collectées et rédigées, à partir de 1652 environ, par Angélique de Saint-Jean Arnauld, dans le 45 Fontaine, Mémoires, p. 778, cité par Thouvenin, « Mémoires et vies des saints à Port-Royal », p. 85. 46 Bruno Neveu, « L’Histoire littéraire de la France et l’érudition bénédictine au siècle des lumières », Journal des savants, 2 (1979), p. 73-113, ici p. 78-79. 47 Nécrologe de Port-Royal, p. IV-V : « Ceux donc qui en avoient été les témoins oculaires, et le plus souvent les religieuses mêmes de la maison entreprirent de les écrire à mesure que ces grands serviteurs de Dieu sortoient de cette vie mortelle, pour passer à l’éternité ; et elles ont exécuté ce dessein avec tant de succès, que l’ouvrage est devenu aussi utile au public que glorieux à Port-Roial et à l’Église entière. Comme leur principal, pour ne pas dire, leur unique but étoit de s’édifier elles-mêmes et d’édifier leurs sœurs, à qui l’on en faisoit la lecture en chapitre au jour de l’anniversaire de chacun des illustres morts, elles se sont presque toujours bornées à n’y rapporter que les faits propres à nourrir leur piété, et à les instruire de leurs devoirs ». Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 242 cadre de l’entreprise de « mise en mémoire » susnommée, initiée par son cousin, Antoine Le Maistre 48 . C’est elle qui qualifie les religieuses ayant vécu au XVII e siècle de « ma sœur ». Le genre littéraire du necrologium ne relève, originellement, pas du genre hagiographique proprement dit. Un « nécrologe » ou « obituaire » existait depuis le Moyen Âge dans tous les établissements monastiques, c’était plutôt une liste des morts - des propres défunts de la communauté, de leurs parents et de certains bienfaiteurs - pour lesquels il fallait prier le jour de l’anniversaire de leur décès, ce qui suppose, en principe, que ces morts pouvaient encore avoir besoin de ces prières, étant peut-être au purgatoire. De jour en jour, on en lisait des extraits lors de la pretiosa, c’est-à-dire de l’office du chapitre, à l’issue de prime, dans la salle capitulaire - mais cette place quasiment liturgique rapprochait le nécrologe justement du martyrologe qui recense les saints dont l’Église fait, de jour en jour, la mémoire. Alors que le martyrologe se présente comme l’inventaire des saints de toute l’Église en général, le nécrologe inventorie d’une manière analogique les figures emblématiques, les maiores, dont se souvient une communauté spécifique, il est le support matériel d’un souvenir collectif empreint de vénération et de gratitude. Dans le cas concret du Nécrologe de Port-Royal, ce caractère se voit encore accentué - son éditeur qualifie les notices biographiques qu’il a réunies très explicitement d’« éloges », et il veut qu’elles servent d’exemple pour l’édification des fidèles et de témoignage pour les bienfaits que Dieu a prodigué à son Église et à la nation française à travers « son » abbaye de Port-Royal. Ainsi, le Nécrologe fait indubitablement partie de l’auto-hagiographie de Port-Royal. Jean Lesaulnier écrit à ce propos : « L’éloge d’un défunt ne vise pas tant, dans cette perspective, à concentrer l’attention du vivant sur la célébration des qualités humaines que sur la louange de Dieu 49 ». Sur ce plan, le Nécrologe de Port-Royal est peut-être le monument le plus emblématique de l’auto-hagiographie de Port-Royal, parce qu’il il vise directement un contexte liturgique - témoigner des bienfaits reçus, c’est une sorte d’action de grâces. Le Dictionnaire des livres jansénistes du jésuite Colonia qualifie le Nécrologe ainsi : « Cet ouvrage est le Calendrier du parti. On y rapporte à chaque jour la mort et l’histoire de quelqu’un des prétendus grands hommes, grands saints, ou grandes saintes, qui ont plus figuré dans la petite église 50 ». 48 Jean Lesaulnier, « Aux sources de l’historiographie port-royaliste », Chroniques de Port-Royal, 46 (1997), p. 75-105, ici p. 75 et 84. 49 Lesaulnier, « Aux sources de l’historiographie port-royaliste », p. 83. 50 Dominique de Colonia, Dictionnaire des livres jansénistes ou qui favorisent le jansénisme, Anvers, Verdussen, 1755, t. 3, p. 150. Colonia y dit aussi « L’auteur est Le Nécrologe de Port-Royal PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 243 Dans la préface du Nécrologe, nous lisons : Dans les épitaphes comme dans les éloges des personnes sont par-tout représentées telles qu’elles étoient, et l’on s’y attache également à faire connoître la toute-puissance et la grandeur de Dieu, l’infirmité et la bassesse de l’homme 51 . Dans la suite, l’éditeur énumère les personnes qui figurent dans le Nécrologe : d’abord les abbesses 52 et les religieuses de Port-Royal, certes, mais aussi les bienfaiteurs, et les solitaires, dont maints courtisans « que les charmes et la force de la Grâce désabusent de la vanité et des pompes du siècle 53 ». Les « charmes de la Grâce » font songer au Poème de la Grâce de Louis Racine qui résume la doctrine de la grâce efficace par elle-même ainsi : « Grâce qui pour charmer a de si doux attraits, que notre liberté n’y résiste jamais 54 » (on peut, d’ailleurs, y voir une allusion à Molière, Le malade imaginaire, scène 9, second intermède : « L’amour a, pour nous prendre, de si doux attraits, que, de soi, sans attendre, on voudrait se rendre à ses premiers traits »). Ensuite, en citant les Confessions de saint Augustin (de la traduction de Robert Arnauld d’Andilly) l’éditeur s’adresse directele p. Toussaint Desmares, Oratorien, né à Viré en Basse Normandie, l’an 1599, et mort en 1687 » ; mais cette information est évidemment fausse. 51 Nécrologe de Port-Royal, p. V. 52 Quant à la mère Angélique, l’éditeur se montre réticent - il aurait été dangereux pour la cause de Port-Royal (et pour celle de son abbesse) d’insister trop sur le fait que la mère Angélique avait été faite abbesse par son père, quand elle n’avait ni l’âge canonique ni les marques d’une véritable vocation pour l’état monastique. Par conséquence, la « misère » (qui contraste avec la grâce de Dieu) n’est pas énoncée par rapport à ses débuts personnels, mais plutôt par rapport à la situation du monastère en général, sur le plan spirituel et matériel (ibid., p. XXI-XXII). Cette misère contraste avec l’agir de Dieu : « Le tems étant venu, auquel Dieu avoit résolu de se préparer un sanctuaire, pour y mettre comme en dépôt le trésor de ses grâces [...], il choisit Port-Roial, et inspira à la nouvelle abbesse la généreuse résolution de se réformer. Sa situation convenoit aux desseins de miséricorde que Dieu avoit sur la France. L’abbaie n’étoit qu’a peu de distance de la capitale du roiaume, où elle fut ensuite transferée, et se trouva depuis à la porte de Versailles, qui devint le séjour de la cour. D’ailleurs, rien n’étoit plus capable de faire observer le doit de sa toute-puissance, que de commencer l’exécution de ce grand dessein par le ministère d’une jeune fille » (p. XXII). Cette stratégie s’inscrit dans la ligne générale du livre qui est d’insister sur la misère de l’homme en général, la misère intérieure pour ainsi dire, mais de plutôt taire les méfaits concrets, surtout s’ils concernent les abbesses. 53 Ibid., p. VI-VII. 54 Louis Racine, La Grâce, Paris, s. n., 1723, p. 21, chant 2, v. 105-106. Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 244 ment à Dieu - dans son Nécrologe, il voit les « effets merveilleux de votre grâce certifiez par tant de témoins 55 ». Dans les notices individuelles abondent les motifs de la conversion, de la pénitence, et surtout celui de la grâce triomphante sur la nature déchue. Voici des tournures typiques : - le changement que la Grâce avoit fait en elle [plusieurs fois] - cela n’empêchoit pas que cette grâce victorieuse ne dominât toujours 56 - l’ouvrage de sa grâce 57 - elle se demandoit à elle-même ce qu’elle avoit fait à Dieu pour avoir mérité une telle grâce dont elle n’a cessé de le louer jusqu’à la fin de sa vie 58 - Dieu alluma une étincelle de sa charité dans son âme, lorsqu’elle étoit encore tout de glace pour lui 59 - ce fut la grâce de Jésus-Christ qui se servit de cet instrument pour s’assujettir cet esprit superbe 60 - la grâce qui le devoit délivrer de l’amour du monde [plusieurs fois] - la grâce l’avoit si parfaitement changé 61 - Dieu lui fit la grâce de se reconnoître et de retourner à lui dans un entier détachement du monde 62 - il avoit tant de mépris de soi-même, qu’il se regardoit toujours indigne des grâces et des miséricordes de Dieu 63 - la Grâce l’avoit toute transformée en une autre personne, de sorte qu’elle n’avoit presque plus rien de ses humeurs et de ses inclinations naturelles. Elle ne vivoit donc plus de sa vie propre, mais cependant Dieu permettoit, pour mettre son trésor en sûreté, que cette vie de Grâce demeurât cachée sous des foiblesses qui l’humilioient, et la portoient à avoir beaucoup de mépris de soi-même 64 - il fut touché d’une grâce puissante 65 - il fut puissamment touché de Dieu 66 - ayant été puissamment touché de Dieu 67 55 Nécrologe de Port-Royal, p. IX, cite S. Augustin, Confessions, VIII.6, éd. Robert Arnauld d’Andilly, Paris, P. Le Petit, 1649, p. 286. 56 Nécrologe de Port-Royal, p. 2. 57 Ibid., p. 20. 58 Ibid., p. 39. 59 Ibid., p. 115. 60 Ibid., p. 129. 61 Ibid., p. 176-177. 62 Ibid., p. 182. 63 Ibid., p. 142. 64 Ibid., p. 192. 65 Ibid., p. 200. 66 Ibid., p. 229. Le Nécrologe de Port-Royal PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 245 - la Grâce le pressant de marcher 68 - Dieu le toucha dans la suite par les traits de sa grâce 69 - il fut devenu un nouvel homme, par le changement que la Grâce avoit fait dans son cœur 70 - prévenue d’une grâce puissante qui lui avoit inspirée du dégoût pour le monde et du mépris pour la grandeur de sa naissance 71 - la Grâce n’a jamais été plus puissante en lui, que lorsqu’il a été plus foible et plus abbattu 72 - prévenu d’une grâce puissante 73 - prévenue d’une grâce particulière de Dieu 74 - etc. Sans la grâce, l’homme ne peut rien faire - le Nécrologe dit : [Elle] éprouva en elle-même [...] un effet terrible de la foiblesse humaine, lors qu’elle n’est pas soutenue du secours de Dieu. [...] Alors Dieu l’abandonnant aux désirs de son cœur, permit qu’elle trouvât des personnes qui la conseillèrent, comme elle souhaittoit, et qui la mirent dans une fausse assurance. [...] Il sembloit que Dieu, qui la vouloit sauver, comme il y a sujet de croire, s’opposât à ses désirs et à ses desseins 75 . À propos d’une religieuse qui avait signé le fameux Formulaire, le Nécrologe constate : « Dieu l’aiant abandonné à sa foiblesse 76 ». 67 Ibid., p. 245. 68 Ibid., p. 249. 69 Ibid., p. 356. 70 Ibid., p. 390. 71 Ibid., p. 406. 72 Ibid., p. 451. 73 Ibid., p. 458. 74 Ibid., p. 470. 75 Ibid., p. 78-79. 76 « Néanmoins Dieu l’aiant abandonné à sa foiblesse, elle signe deux fois dans une maison des Annonciades Célestes, où on l’avoit réléguée » (ibid., p. 264). [...] « Dieu cependant par se bonté, voulant rallumer un feu qui s’étoit éteint en elle, comme il l’avoit permis, afin de lui faire connoître que les grandes ardeurs qu’elle avoit témoignées auparavant étoient un effet de la Grâce, et non pas de sa propre vertu, il lui ouvrit les yeux dès le lendemain qu’elle fut arrivée ici, pendant qu’elle assistoit à la Messe, et lui fit voir combien elle étoit déchue de son premier état. Cette vue la toucha si vivement, qu’elle se résolut d’en faire pénitence tout le reste de sa vie » (p. 265). Cf. aussi à propos d’une autre signataire du Formulaire : « Dieu avoit permis qu’elle éprouvât ce que peut la foiblesse humaine, mais il lui fit ensuite connoître que l’on peut tout par la force de sa grâce. Éclairée et affermie par ce puissant secours, elle répara généreusement ce qui la foiblesse et la tentation lui avoient fait faire contre sa conscience » (p. 408). Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 246 Les saints de Port-Royal sont des convertis et des pénitents (comme d’ailleurs, saint Ignace de Loyola), même après leur conversion, ils restent faibles et fragiles 77 , ils sont transformés par la grâce 78 , toutefois, rien n’est jamais acquis, tant que dure leur exil terrestre, c’est pourquoi ils demandent que Dieu les fasse mourir pour les empêcher de pécher davantage 79 . Voyons, pour terminer, ce que dit le Nécrologe à propos de trois personnages emblématiques de Port-Royal : Angélique de Saint-Jean Arnauld d’Andilly (abbesse) : Elle crut que Dieu lui avoit pardonné toutes les fautes que sa Grâce l’avoit empêchée de commettre, et elle fut aussi humble que si elle les eût commises » [...] Elle ne mettoit point de bornes à ses obligations, parce qu’elle n’en mettoit point à la miséricorde de Dieu. Comme elle étoit persuadée que le moindre bien lui étoit impossible sans la Grâce, elle croioit au contraire que tout lui seroit facile avec son secours. Elle trouvait un vrai orgueil à se croire capable même de peu, parce que cette confiance est humaine, et une fausse humilité à se croire incapable d’une plus grande perfection, parce que cette défiance est injurieuse à Jésus-Christ 80 . Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville : [Le monde] ravit à Dieu pour un tems [l’âme] de cette princesse. Elle en a toujours attribué la première cause à un sentiment d’orgueil, qui lui inspira la présomtion de croire et de dire en une occasion, que sa vertu n’avoit rien à craindre, qu’elle se soutenoit par elle-même. Dieu qui n’a qu’à retirer sa main qui nous soutient, pour nous convaincre de notre foiblesse par nos chûtes, ne fit que la laisser à elle-même, et elle commença bient-tôt à entrer dans les égaremens de toutes les voies du siècle. Comme sa qualité l’exposoit à de plus grandes tentations, elle se trouva même engagée dans le malheur d’une guerre civile [c’est une allusion à la Fronde, 1648-1653], qui entraîne après elle une suite de maux infinis, dont on se trouve chargé devant Dieu, quand il ouvre les yeux pour voir le compte qu’on lui doit rendre. Ce fut ce qui lui arriva. Dieu la prit les armes à la main et contre lui 77 Ibid., p. 491, et p. 468-469. 78 Blaise Pascal : « Voilà quels sont mes sentimens, et je bénis tous les jours de ma vie mon Rédempteur qui les a mis en moi, et qui d’un homme d’orgueil et d’ambition a fait un homme exemt de tous ces maux par la force de la Grâce à laquelle tout est dû, n’aiant de moi que la misère et l’horreur » (ibid., p. 341 ; fragment Lafuma 931 / Sellier 759, citation rapportée par Gilberte Perrier dans « La vie de Monsieur Pascal », jointe aux éditions des Pensées à partier de 1684). Cf. Nécrologe de Port-Royal, p. 441. 79 Ibid., p. 373 et p. 138-139. 80 Ibid., p. 48-49. Le Nécrologe de Port-Royal PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 247 et contre son roi, lorsqu’il commença de la toucher et de lui faire appercevoir par un raion de sa grâce dans quel précipice elle alloit tomber 81 . La phrase « Dieu n’a qu’à retirer sa main qui nous soutient, pour nous convaincre de notre foiblesse par nos chûtes » est une parfaite expression de la théologie de Port-Royal. La phrase « Dieu la prit les armes à la main et contre lui et contre son roi », par contre, témoigne d’une certaine tendance à enjoliver la réalité : il est bien connu que la conversion de la duchesse de Longueville ne date que de l’époque qui suit l’échec de la Fronde, alors qu’elle avait déjà perdu toutes ses faveurs et se trouvait dans une disgrâce parfaite. Nicolas Richer (avocat) : Son inclination, ses talens, ses emplois l’avoient engagé bien avant dans le siècle, mais la grâce du Libérateur, qui l’avoit choisi du milieu du monde, le sépara d’une nation corrompue pour le faire passer dans la société des enfans de Dieu. [...] La cupidité, qui avoit jetté de profondes racines dans son cœur, céda bien-tôt à la douceur toute-puissante de la charité 82 . C’est une nette expression de la doctrine des deux attraits qui était le point de départ de ces réflexions. Ce que dit le père Nicolas Eustace sur la Vie de la sœur Élisabeth de Sainte-Agnès Le Féron, dont il était le confesseur, cela vaut, selon toute évidence, pour le Nécrologe de Port-Royal, aussi : C’est un « mémorial de la victoire que Dieu [les] avait fait remporter sur elle[s]-même[s] 83 ». 81 Ibid., p. 156-157. 82 Ibid., p. 68. 83 Vies intéressantes et édifiantes, t. 2, p. 393 ; cité par Plazenet, « Un continent inconnu », p. 143 ; cf. p. 145-146. Cf. aussi ce qu’écrit la mère Agnès à la sœur Marie Dorothée de l’Incarnation Le Conte, en 1649 : « Il est vrai que vous n’êtes pas une parfaite religieuse ; mais de dire que vous ne la soyez point de tout, cela n’est pas : vous l’êtes autant qu’il plaira à Dieu de vous attribuer ce titre, et de ne vous point imputer les taches que vous contractez contre la pureté de ce saint état. Il n’y a que Dieu qui forme les bonnes religieuses ; c’est un chef d’œuvre de sa main », Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, éd. Armand Prosper Faugère, Paris, Duprat, 1858, t. 1, p. 159 ; cité par Basset, « Du parfait et de l’imparfait », p. 93). Philipp Stenzig PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0012 248 4 Bibliographie 4.1 Sources Arnauld, Agnès. Les Constitutions du monastère de Port-Royal du Saint Sacrement, Mons, G. Migeot, 1665. Arnauld, Agnès. L’image d’une religieuse parfaite et d’une imparfaite avec les Occupations intérieures pour toute la journée, Paris, C. Savreux, 1665. 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Mémoires pour servir à l’histoire de Port-Royal, et à la vie de la révérende mère Marie Angélique de Sainte-Magdeleine Arnauld, réformatrice de ce monastère, éd. Angélique de Saint-Jean Arnauld d’Andilly et Jean-Louis Barbeau de la Bruyère, trois tomes, Utrecht, aux dépens de la Compagnie, 1742. Nécrologe de l’abbaie de Nôtre-Dame de Port-Roial des Champs, Ordre de Cîteaux, Institut du Saint-Sacrement, éd. Angélique de Saint-Jean Arnauld d’Andilly et Antoine Rivet de La Grange OSB, Amsterdam, Potgieter, 1723. Nicole, Pierre. Les imaginaires et les visionnaires, traité de la foi humaine, jugement équitable tiré des œuvres de saint Augustin, Cologne, P. Marteau, 1683. Nicole, Pierre. Réflexions morales sur les Épîtres et Évangiles (= Continuation des essais de morale), cinq tomes, Paris, G. Desprez, 1723. Racine, Jean. Abrégé de l’Histoire de Port-Royal, éd. Augustin Gazier, Paris, Lecène / Oudin, 1908. Racine, Louis. La Grâce, Paris, s. n., 1723. 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