eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 49/96

Papers on French Seventeenth Century Literature
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2022-0013
2022
4996

Agnès de Langeac : une sainte en attente…

2022
Sophie Houdard
PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 Agnès de Langeac : une sainte en attente… S OPHIE H OUDARD (U NIVERSITÉ S ORBONNE N OUVELLE ) Comment penser la sainteté d’une religieuse réputée sainte et qui échoue à se faire reconnaître comme telle par l’institution ? Jacques Le Brun écrivait naguère que maints personnages de grande vertu et dotés de grâces exceptionnelles ont longtemps patienté, leur cause n’ayant abouti que des décennies, voire des siècles, après leur mort 1 . D’où ce phénomène qu’il évoquait et dont nous partirons à notre tour : l’élaboration de règles rigoureuses de la fin du XVI e siècle au pontificat de Benoît XIV n’a pas suffi à séparer le canonique et le non canonique en matière de sainteté, elle a plutôt multiplié « des formes partielles ou provisoires d’autorisation 2 » en permettant paradoxalement l’essor de formes de sainteté non canonique. Parmi les preuves requises, les témoignages oculaires et les « mémoires » devaient garantir la véracité des faits rapportés ainsi que la rigueur du texte biographique sur le modèle de l’histoire et de ses méthodes. Malgré ces précautions, on reste frappé par la quantité de biographies du XVII e siècle qui tout en s’efforçant de répondre aux critères d’approbation développent des faits qui privilégient des phénomènes extraordinaires, voire « incroyables » dans une surenchère de miracles sanglants. Michel de Certeau lisait dans ces Vies rédigées le plus souvent à l’ombre des murs conventuels, la présence tenace, non refoulée, de « singularités physiologiques » et de leur symbolique (plaies, pertes de sang, lévitations, douleurs), recueillies et pieusement rédigées dans ce qu’il appelait une « dramaturgie corporelle de la société 3 ». C’est l’une de ces Vies qui retiendra notre attention, c’est-à-dire 1 Jacques Le Brun, « La sainteté à l’époque classique et le problème de l’autorisation », dans Confessional Sanctity (c.1500-c.1800), éd. par Jürgen Beyer, Albrecht Burkardt, Fred van Lieburg et Marc Wingens, Mainz, Philipp von Zabern, 2003, p. 149-162. 2 Ibid. p. 150. 3 Michel de Certeau, La fable mystique XVI e -XVII e siècle, t. 2, éd. par Luce Giard, Paris, Gallimard, 2013, p. 27. Sophie Houdard PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 254 l’un de ces nombreux écrits qui oscille entre garanties historiques et juridiques d’une vie « assurément » sainte et preuves surnaturelles d’une expérience spirituelle « extraordinaire » que borde le risque de l’illusion. 1 La Vie extraordinaire de la mère Agnès de Jésus Agnès de Jésus, dominicaine au couvent de Langeac près du Puy, décède en 1634 à l’âge de trente-deux ans après une vie de souffrance, de maladies et de mortifications 4 . Le sulpicien Charles de Lantages publie la Vie de la vénérable Mere Agnes de Jesus en 1665, trente ans après le décès de la dominicaine 5 : l’extraordinaire corporel et le surnaturel y sont abondamment décrits, comme la participation d’Agnès à la Crucifixion, sa dévotion sanglante aux plaies du Christ, la présence active et presque fantastique de son ange gardien, enfin des épisodes de mort et de résurrection, sans compter des séjours surnaturels dans le temps et l’espace des Écritures. Ces faits enregistrent les « faveurs » d’une vie mystique intérieure soustraite aux regards et d’autant plus intense qu’elle reste secrète, « mystique ». Fluctuant entre l’excès et le déficit des signes, pris dans ce déphasage entre l’extérieur visible et l’intérieur discret, le biographe souligne qu’il ne peut pas renoncer aux singularités corporelles visibles ou sensibles qui constituent le passage à la limite de toute « sainte potentielle », comme s’il lui fallait malgré les soupçons, publier la candidate à la sainteté en « virtuose » de l’Incarnation dont elle performe le sacrifice 6 . 4 Sœur Agnès de Jésus-Galand, dite Agnès de Langeac, est née au Puy en 1602, religieuse dominicaine, elle est d’abord converse puis sœur de chœur, enfin prieure au monastère de Langeac où elle meurt en 1634. On entame en 1697-1698 son procès de canonisation : dès 1697 la reconnaissance de non cultu est entérinée et en 1698 le procès super fama sanctitatis. Le procès apostolique démarré en 1717 s’achève en 1723. Le décret sur les vertus est publié en 1808. Il faudra attendre les années 1898-1900 pour le procès sur les miracles. Agnès de Jésus est béatifiée le 20 novembre 1994 par le pape Jean-Paul II. À ce jour, la cause paraît toujours ouverte. 5 Vie de la vénérable Mere Agnes de Jesus, Religieuse de l’ordre de S. Dominique au dévot monastère de Sainte Catherine de Langeac, par un prêtre du clergé, Le Puy, A. et P. Delagarde, 1665 (repris à Paris, Cerf, 2011). Charles-Louis de Lantages (1616- 1694), sulpicien, attaché dès 1643 à Jean-Jacques Olier, fonde le séminaire du Puy en 1652 ; il régit ensuite celui de Clermont en 1664-1675, mais des bruits le font relever de ses fonctions. Il est auteur du Catéchisme de la foi et des mœurs chrétiennes, Clermont, N. Jacquard, 1674, réédité au XIX e . 6 Jean Seguy, Conflit et utopie, ou réformer l’Église. Parcours wébérien en douze essais, Paris, Cerf, 1999. Agnès de Langeac : une sainte en attente… PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 255 Dès lors, les formules d’atténuation ou de justification négocient le récit des mortifications sanglantes et l’exhibition d’un surnaturel controversé. L’expérience mystique est entrée dans un tel discrédit qu’il faut se garder d’en partager les secrets que « certains esprits » traitent de « vision mystique et de belles idées » : l’antimystique l’emporte et oblige à tenir un impossible milieu, pour produire, mais entre soi, c’est-à-dire entre expérimentés, ces choses que les mystiques nomment les « biens les plus exquis du royaume de Dieu dans les âmes » et qu’ignorent les « doctes versés dans la théologie scolastique 7 ». Or, seuls les confesseurs et les directeurs ont accès à ces trésors de la vie intérieure des religieuses dont ils favorisent alors les récits. Ainsi la mère Agnès de Jésus aurait expérimenté la participation « sensible » au couronnement d’épines, ce qui a été approuvé par les directeurs qui ont recueilli la narration de la « souffrance » dont la mère Agnès a « visiblement » donné des signes, « comme si on lui eût appliqué fort rudement une couronne d’épines sur la tête 8 ». L’auteur publie l’imitation christique de son héroïne, mais avec la précaution d’un comme si qui en atténue la portée. Devant ces faits extraordinaires Lantages reconnaît les difficultés que les lecteurs auront à « croire » les « merveilles de grâce dont cette vie est toute remplie », obstacle qu’il franchit en posant préalablement la garantie quasi juridique de son témoignage : « c’est pourquoi je dois assurer icy le lecteur, comme je le fais très sincérement, que je n’ay escrit quoy que ce soit que par de tres bons temoignages 9 ». La publication de la Vie trente ans après la mort de la candidate à la canonisation ne peut échapper à la disparition de témoins fiables. C’est d’abord un réseau de biographes que Charles de Lantages doit énumérer : Jacques Branche, qui a « vu de ses propres yeux » ou appris de « personnes fort pieuses », les faits décrits dans la vie qu’il a « mise au jour » treize ans plus tôt ; les mémoires de Charles de Noailles, évêque de Saint-Flour, envoyés à Monsieur Olier et malheureusement perdus, mais qui « touchaient » tous ceux qui les lisaient, enfin les écrits de Monsieur Chomel, vicaire général de l’évêché de saint Flour, qui écrivit à son tour : Cette vie pleine de merveilles y meslant quantités de fort beaux discours de piété à l’occasion des pratiques qu’il en rapportait. Comme on parloit de 7 On lira par exemple la mise au point du jésuite Jean-Jospeh Surin dans la lettre 398 qu’il adresse à la mère Jeanne des Anges, prieure des ursulines à Loudun, le 29 juillet 1661, à propos de la controverse sur les « grâces extraordinaires » Correspondance, Paris, DDB, 1966, p. 1187. 8 Lantages, Vie de la vénérable Mere Agnes, p. 59. Je souligne. 9 Ibid., préface, n. p. Sophie Houdard PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 256 l’imprimer, quelques personnes lui representerent qu’on eust mieux aimé qu’il eust fait un simple recit des vertus et des graces de la Mere Agnez 10 . Lantages vient ensuite : Ce m’a esté un grand avantage d’écrire les choses extraordinaires qui y sont, après un Homme qui par sa piété, par son intelligence en ces matières et par sa qualité, les avoit beaucoup autorisées en les ecrivant avant moy. Les lecteurs auront de la difficulté à croire les merveilles de grâce dont cette vie est toute remplie. C’est pourquoy je doy asseurer ici le lecteur, comme je fais tres sincerement, que je n’y ai escrit quoy que ce soit que par de tres-bons temoignages […] Mais afin que le Lecteur sache que ny lui ny moy n’avons pas cru legerement tant de choses merveilleuses, il considerera, s’il luy plaist, sur quel fondement nous les avons crues 11 . Les « choses extraordinaires » sont choses écrites « après » d’autres (dominicains, jésuites, curés, docteurs en théologie), qui autorisent l’entreprise biographique de Lantages qui fournit après eux le « simple récit », véritable et vraisemblable, sans discours de piété ni ornement inutile, le récit historique moderne, en somme, d’une vie de sainte. Le soupçon qui entoure les phénomènes mystiques est tel que Lantages doit veiller à fournir des témoignages ordinaires et sûrs, comme ce religieux sans nom qui convainc par sa simplicité même, de la véracité de phénomènes au contraire extraordinaires. Les « plus rares merveilles », les « dons extraordinaires » les « vertus éminentes » ont été vérifiés par des ecclésiastiques qui ont examinée et éprouvée la religieuse, et c’est à Monsieur Olier, qu’il revient « parce qu’il l’a pratiquée » de garantir les expériences admirables livrées dans la troisième partie de la Vie. Mais la contestation de certains faits ou leur mise en doute s’inscrit dès la préface qui exige du public qu’il devra admirer et non imiter la candidate à la sainteté, quand « l’instinct extraordinaire » de la mère Agnès l’a conduite en des excès d’obéissance condamnables et des actions qui restent difficilement vérifiables (comme ses deux prétendues résurrections après un séjour dans l’autre vie, qui restent comme on s’en doute fort contestables). La force improbable de l’extraordinaire tient alors moins à sa nature merveilleuse ou étonnante qu’à l’effort que le lecteur croyant devra produire pour admettre une chose difficile à croire, le croyable étant posé comme un domaine dont il convient cependant de dresser préalablement les limites. Car l’adhésion du lecteur croyant ne suppose pas qu’il renonce à la vérité ni qu’il abdique de sa raison, mais qu’il accepte, comme lors d’un procès, un 10 Ibid. 11 Ibid. Agnès de Langeac : une sainte en attente… PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 257 récit vérifié et des témoignages autorisés, selon une procédure historicojuridique qui appuie la vérité biographique, fût-elle merveilleuse. 2 Une hagiographie en réseau Il est fort probable que cette Vie constituait la première pièce d’un projet de canonisation resté inabouti 12 . C’est la raison pour laquelle Charles-Louis de Lantages publie le patronage des autorités religieuses du diocèse du Puy et du couvent parisien de Saint-Sulpice, avec Jean-Jacques Olier (dont la mère Agnès aurait de loin favorisé la vie spirituelle) qui aurait demandé une vie de la religieuse dès 1636 à la mère Hyacinthe du Saint Esprit. Au seuil de cette Vie un répertoire de noms et de titres met au jour le réseau spirituel entre Paris et l’Auvergne, qui s’est activé, dès la disparition de la jeune mère Agnès. Les écrits se substituent ainsi au corps vif de l’héroïne prématurément disparue, les mémoires du confesseur dominicain Esprit de Panassière vers 1635, une vie manuscrite d’un père bénédictin de Saint-Germain-des-Prés (conservée aujourd’hui aux Archives de Saint-Sulpice), les mémoires du jésuite Arnaud Boyre, son directeur spirituel (conservés encore à Langeac), enfin la première vie imprimée et déjà citée ici de Jacques Branche, prieur de Pébrac qui a connu Agnès de Langeac 13 . La Vie d’Agnès de Langeac demanderait une étude d’histoire et de géographie sociales comme Grégory Goudot l’a récemment réalisée pour le 12 Sur l’hagiographie comme opérations d’écriture prises dans les débats doctrinaux, politiques et esthétiques, on lira Marion de Lencquesaing, Crises et renouveaux du geste hagiographique (XVII e et XX e siècles). Les vies de Jeanne de Chantal (thèse de doctorat, Paris, Sorbonne Nouvelle, 2017), Paris, Classiques Garnier, 2021. 13 Entre 1634 et 1676, date de la première démarche officielle par l’évêque de Saint- Flour, divers témoignages sont arrêtés et conservés. La biographie de Lantages, éditée au Puy est réimprimée en 1666 au Puy et se vend à Paris rue saint Jacques à la Couronne d’Espines ; seconde édition revue, corrigée, augmentée au Puy en 1675. L’ouvrage est traduit à Cologne en 1670, en latin, puis en allemand ; à Louvain en 1675 en flamand ; à Naples en 1695 du français en italien. La troisième édition, au Puy en 1718, est suivie d’une nouvelle édition par Émery, supérieur général de la Compagnie de Saint Sulpice, qui fera expurger l’édition de Lantages en 1808 enfin, la dernière par Paul Lucot à Paris en 1863 avec notes érudites. Agnès de Jésus est béatifiée par Jean-Paul II en 1994. Raymond Darricau, « La vénérable Mère Agnès de Langeac (1602-1634) et la sainteté de son temps », dans La mère Agnès de Langeac et son temps. Une mystique dominicaine au Grand Siècle des Ames, Le Puy, Dominicaines de Mère Agnès, 1986, p. 15-42, et l’article très nourri de Bernard Montagne, « Agnès de Jésus revisitée », dans Agnès de Langeac, Le souci de la vie et ses commencements, Paris, Cerf, 2006, p. 25-57. Sophie Houdard PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 258 diocèse de Clermont, de manière à saisir la façon dont une série d’actions (écritures, financements, donations, constructions de couvents, etc.) élaborent non seulement un dossier hagiographique mais aussi, voire d’abord, les fondations écrites du diocèse auvergnat spirituel et dévot 14 . On rappellera sommairement quelques éléments qui expliquent l’importance de ce dossier, qui pourrait sinon paraître mineur parmi les nombreuses Vies de la même époque : les conflits entre les institutions du Puy et du Velay, les fondations récentes du monastère de Langeac en 1623 à partir du monastère du Puy et du monastère de Sainte-Praxède à Avignon, le renouveau religieux de la congrégation dominicaine réformée érigée en 1608 en Occitanie par le dominicain Sébastien Michaëlis (qui s’est rendu célèbre durant la possession d’Aix en 1611) et les liens avec un milieu spirituel dominicain très actif (Louis Chardon, Jean-Baptiste Gonet, Antonin Massoulié, Alexandre Piny), l’importance enfin de Monsieur Olier (lui-même entouré d’une aura mystique ambiguë), ceci concourant à la publication de la Vie de la mère Agnès de Langeac pour promouvoir un axe spirituel Paris, Provence, Auvergne 15 . Les approbations signées par des chanoines et doyens de la cathédrale du Puy, des docteurs en mission au diocèse de Clermont, le procureur du roi et le juge mage mettent au jour des noms, des lieux et des autorités. Comme on le sait grâce aux travaux de Nicolas Schapira, le privilège de librairie, et l’approbation obligatoire pour les ouvrages religieux, ne sont pas seulement des outils juridiques de contrôle, ils permettent une opération de promotion d’un groupe social 16 . En matière de spiritualité, la Vie met aussi au jour des faits qui renvoient implicitement à des courants spirituels et à leurs doctrines, comme la servitude que la mère Agnès de Jésus aurait été la première à « inventer » (avant le « livre » de Bérulle et sa condamnation), et les formes sanglantes d’imitation qui inscrivent la religieuse dans la généalogie spirituelle dominicaine. 14 Grégory Goudot, « Dévots et fondations de couvent en Auvergne au XVII e siècle », Revue historique, 668 (2013), p. 833-874. 15 Augustin Laffay, « Un air de famille. Théologiens et auteurs spirituels dominicains dans la réforme de Michaëlis au XVII e siècle », dans Les écoles de pensée religieuse à l’époque moderne, dir. Yves Krumenacker et Laurent Thirouin, Lyon, LARHRA, 2006, p. 11-127. 16 Cf. Nicolas Schapira, « Quand le privilège de librairie publie l’auteur », De la publication entre Renaissance et Lumières, GRIHL, éd. par Christian Jouhaud et Alain Viala, Paris, Fayard, 2002, p. 121-139, ici p. 121-139. Voir du même, « Le monde dans le livre, le livre dans le monde : au-delà du paratexte. Sur le privilège de librairie dans la France du XVII e siècle », Histoire et civilisation du livre, 6, 2010, p. 79-96. Agnès de Langeac : une sainte en attente… PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 259 Quoiqu’il en soit, avec Agnès de Jésus, des liens sont tissés par les écrits entre le couvent des dominicaines et les missionnaires jésuites, mais aussi avec les sulpiciens et les mauristes du couvent de Saint-Germain-des Prés, produisant une zone de réformation spirituelle de l’Église et de l’ordre dominicain dont la Vie écrite assume la « responsabilité ». Comme l’écrit Louis Marin, le sujet de la biographie « répond » de cette histoire, il polarise le réseau, il le fait tenir. Or, c’est le corps mortifié d’Agnès, corps sanglant, souffrant, visité de mille et une présences surnaturelles, corps extatique, corps esclave, qui est au centre de la biographie et qui sera au cœur du couvent des Dominicaines de Langeac et de la continuité historique du lieu saint. Le retour du corps de la religieuse dans le monastère en 1841, après la « catastrophe » révolutionnaire, permettra la refondation du corps institutionnel identifié dans le sujet biographique et condensé dans le récit de vie. Comme l’écrit encore Marin, il y a un « fantasme d’éternité » de tout corps religieux qui passe par l’effacement des processus historiques et sociaux, voire par leur déni, le monument de la biographie érigeant le fantôme d’une présence sans histoire et sans origine. La vie racontée emplit alors ce « désir biographique » et l’illusion d’un sujet qui en répond 17 comme une écriture autobiographique qui utiliserait la pensée et la plume d’un autre. Car ce sont les témoignages et les mémoires écrits par le réseau qui se substituent à toute introspection (on ne dispose pas, sauf erreur, d’écrits de la religieuse qui a pourtant eu une correspondance ni de doctrine spirituelle) et qui produisent encore aujourd’hui la mère Agnès de Jésus (ou de Langeac) comme autorité dans les milieux charismatiques. 3 Une généalogie spirituelle dominicaine : mortifications et corps liturgique Le genre de la biographie est un témoignage important de la façon de vivre le christianisme des sociétés féminines du XVII e siècle qui ont à gérer l’héritage matériel et symbolique de leur institution 18 . La vie d’Agnès de Jésus, d’abord religieuse du Tiers-Ordre dominicain, puis sœur de chœur est bien sûr construite sur celle de Catherine de Sienne : comme la célèbre 17 Louis Marin, « Biographie et fondation », Esprit, 12, 1993, p. 141-156 : étudiant la Relation écrite sur Port Royal, L. Marin évoque « l’enjeu proprement fondamental du récit « biographique » de fondation, à savoir la quasi-identification entre le sujet biographique et le corps fondé (dans le passé) et le corps à fonder (par le récit) » (p. 142). 18 Jacques Le Brun, Sœur et amante. Les biographies spirituelles féminines du XVII e siècle, Genève, Droz, 2013. Sophie Houdard PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 260 sainte et docteure de l’Église dominicaine, elle meurt jeune, reçoit des stigmates invisibles, et la couronne d’épines : Les Directeurs de cette Âme de grâce ont jugé depuis qu’assurément elle eut [dès lors] la participation sensible au Mystère du couronnement d’épines qu’elle a eue depuis visiblement, comme nous verrons bientôt […]. Elle y sentit aussitôt une douleur très aiguë, qui lui dura tout le temps de l’Avent, et jusqu’à la Messe de Minuit, en laquelle elle fut un peu soulagée après la Sainte Communion. Cela n’empêcha pas qu’elle n’eût depuis toute sa vie un mal de tête fort sensible, qui était étonnant en ce qu’il lui faisait parfois verser du sang 19 . On voit ici comment opère une mémoire active de l’institution selon le régime d’une exemplarité connue, avec la persistance du sang versé que souligne le cadrage difficile entre imitation, diminution et excès. Tout se passe comme si le sang, « signe étonnant » selon le biographe, n’était acceptable qu’à proportion de ce qu’il épuise la singularité grâce à la répétition sous une forme mineure de l’histoire « exemplaire » de l’institution dominicaine. Le Brun rapporte cependant plusieurs cas suspects de religieuses qui s’adonnaient à des pratiques plus ou moins clandestines : ainsi, ces visitandines d’Annecy qui en 1675 avaient l’habitude de boire un peu de sang de François de Sales mélangé avec du vin 20 . La présence du fondateur dans ses filles, relèverait alors d’une incorporation réelle qui se substituerait au régime symbolique de la mémoire et de la méditation pieuse. Tout le problème de l’imitation se joue ici dans le cadrage d’une mémoire qui ne doit pas être passage à l’acte et surveiller les débordements ou les excès (veiller à ne pas faire mieux que la sainte, à ne pas être la sainte, ni manger le corps du saint, faire comme si…). La biographie d’Agnès est écrite classiquement en trois parties à peu près égales, d’abord la vie depuis la naissance jusqu’à la prise d’habit, puis les vertus héroïques de la religieuse et les signes de son corps mort à son décès, enfin les « faveurs extraordinaires », les grâces et les miracles qui ont eu lieu après son décès. La vie comme religieuse n’ayant duré que treize ans environ, sans grande variété, c’est au goût du martyre et de la Passion du Christ qu’est consacré l’essentiel du récit selon un calendrier liturgique qui se substitue à celui trop terne des jours et des années derrière les murs. On en suivra quelques étapes pour suivre l’organisation des mortifications 21 . 19 Lantages, Vie de la vénérable Mere Agnes, p. 55. 20 Le Brun, Sœur et amante, p. 12. 21 Ibid., chapitre VII, « Mutations de la notion de martyre au XVII e siècle d’après les biographies spirituelles », p. 157-177. Agnès de Langeac : une sainte en attente… PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 261 À six ans, Agnès entame sa dévotion d’esclave de Marie en portant une chaine de fer sur la peau de ses reins, elle fait également secrètement vœu de virginité, puis à dix ans médite la prière du Christ au Jardin des Oliviers et entame l’imitation de la Crucifixion : Un Dimanche des Rameaux […] Agnès à l’Oraison fut saisie d’un mal de tête si violent, qu’elle en demeura comme morte pendant trois heures. Cette douleur lui dura jusqu’au Samedi saint […] Un autre jour en méditant le coup de lance […] elle jeta par la bouche et par les narines beaucoup de sang. Ce que nous verrons ci après lui être arrivé plusieurs fois 22 . Sans durée réelle, les faits se répètent dans une atemporalité hagiographique, en sorte que le temps liturgique de la présence du Christ remplace le temps accidentel du corps et de la vie ordinaire, tout en aplanissant le caractère extraordinaire des phénomènes (le mal de tête lors du couronnement d’épines ; la douleur du bras au moment de la Crucifixion ; le coup de lance qui la fait saigner). La seule action qui ne soit pas un effet de la méditation est la montée à l’extrême du désir de souffrir et de mourir. Arrivée à la quinzième année de la jeune religieuse, le récit se focalise alors sur l’Incarnation, comme expiation rédemptrice qui commence le Jour des Saints Innocents : Agnès décide alors de subir des mortifications intenses, comme l’atteste le port depuis l’enfance d’une ceinture de rosettes qui lui arrache les chairs. Sa Mère en ayant trouvé une [chemise] ainsi pleine de sang, crut qu’elle avait quelque ulcère sur les reins et donna charge à sa sœur d’y prendre garde […] l’ayant portée [la chaine] plusieurs années de suite, pendant lesquelles sa taille s’était bien augmentée, il se trouva que les rosettes étaient fort enfoncées et quasi cachées dans sa chair. De sorte que pour l’en tirer, il fallut qu’elle employât les mains d’une de ses compagnes bien affidée, laquelle y travaillant avec toute l’adresse que la charité et la compassion lui pouvaient donner, ne put pourtant venir à bout de cette opération sans verser bien du sang et faire un petit carnage sur cette victime innocente 23 . L’épisode de la ceinture de rosettes donne l’occasion au biographe de montrer que la mère d’Agnès est méfiante, l’ulcère aux reins pouvant désigner un sang « naturel » ou le soupçon du sang menstruel. La mise en place à l’intérieur du récit de quelques surveillantes (sa mère, sa compagne) permet de répondre au soupçon de contrefaçon ou d’exagération comme dénoncé de l’intérieur et autoriser ainsi la publication des dévotions secrètes. Le confesseur à son tour fait preuve de rigueur doctrinale en ne 22 Lantages, Vie de la vénérable Mere Agnes, p. 57. 23 Ibid., p. 70. Sophie Houdard PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 262 cautionnant pas l’excès de pratiques de mortifications - qui renvoient ici aux dévotions spirituelles de l’Esclavage - et en « déchaînant » la religieuse. Malgré les risques qui pèsent alors sur l’interdiction canonique de favoriser un culte local, les sœurs du couvent distribueront des reliques, dès les années 1690, aux pèlerins qui viennent visiter la tombe pour se guérir de graves maladies : elles prêteront la chaine de fer, la tasse dans laquelle Agnès avait coutume de boire, du bois de sa bière, des pièces de ses vêtements (insérés dans des Agnus dei). Plus, les religieuses seront « forcées » de donner des petites parties du corps d’Agnès pour les personnes de qualité, mais la pratique aurait été de courte durée, « afin d’être obéissants à l’Église 24 » et aux règles en vigueur. Monsieur Olier a quand même emporté la mâchoire et des dents ont été données à plusieurs autres personnes. Les écrits attestent qu’aucun culte local n’est rendu, et si aucun miracle n’est retenu avant 1655, l’afflux des pèlerins est tel qu’on en garde la mémoire tandis que les dépositions seront retenues par un procureur d’office et un commissaire à partir de 1672. Les religieuses doivent adopter des stratégies pour convenir aux règles de la canonisation : en septembre 1695, pour ne pas contrevenir aux prescriptions de non cultu Joachim-Joseph d’Estaing doit faire enfouir le cadavre dans une fosse de quatre ou cinq pieds de profondeur et éviter ainsi le pillage du corps. Se plier aux règles ou ruser avec elles, telle est l’alternative délicate où se trouve le rédacteur d’une vie de sainte au XVII e siècle. 4 Les stigmates invisibles ou la conversion du signe sanglant : les ruses du biographe Le biographe se fait l’écho du désir de souffrir le martyre de l’héroïne. Comme pour la plupart des chrétiens de l’époque, les possibilités ne sont pas absentes à l’époque (que l’on songe aux missions au Japon, aux guerres avec les Turcs ou, plus proches, aux missions en Angleterre) mais elles rencontrent des difficultés diverses, soit que l’Église catholique ne favorise pas la quête du martyre, soit qu’elle en contrôle les récits et la réalité. Dans les Vies d’Agnès c’est imaginairement qu’elle substituerait au martyre le fantasme d’une scène intérieure, secrète, comme ce jour de saint Laurent où elle connaît le « Martyre invisible [qui] lui commença à minuit comme elle faisait son oraison et lui dura jusqu’au lendemain à la même heure et depuis lui continua toutes les années à pareil jour 25 ». 24 Montagne, « Agnès de Jésus revisitée », art. cit., p. 48. 25 Lantages, Vie de la vénérable Mere Agnes, p. 82. Agnès de Langeac : une sainte en attente… PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 263 Dans les pages qu’il consacre à la religieuse dans le recueil des Saints et Saintes d’Auvergne, publié en 1652, le père Branche qui y a travaillé pendant douze ans, se montre plus éloquent : Le jour de saint Etienne il lui semblait que toute sa personne était lapidée et surtout le jour de saint Laurent, elle sentit le feu par toute sa personne et sembla bruler. Le jour de saint Pierre le Martyr, elle sent de grands coups à la tête et au cœur. Le jour de la Couronne de notre Seigneur elle sent de grandes douleurs. Pour les deux jours de Croix de mai et de septembre, elle sent de grandes douleurs par tout le corps et en touchant la croix […] Et toutes les fêtes que j’ai dit, cela ne manque pas de venir, et c’est de minuit jusqu’à l’autre 26 . Jacques Branche choisit de décrire un martyre, mais comme tenu à distance dans une participation sensorielle et invisible (« il lui semblait », « elle sentit » et « sembla brûler ») 27 . Le verbe « sentir » intériorise le martyre et en déplace les formes vers le pâtir où se reconnaissent tant de mystiques du XVII e siècle. Le problème des stigmates invisibles ne pouvait manquer de venir dans cette biographie d’une religieuse dominicaine. L’épisode des stigmates est donc développé dans la Vie d’Agnès, mais les biographes qui insistent sur une nouvelle sémiologie du signe sanglant montrent une sorte d’hésitation ou d’ambiguïté dans sa description. Car le problème n’est décidément pas le signe miraculeux, mais sa visibilité, c’est-à-dire sa publication. L’épisode est également raconté par l’augustin Jacques Branche : Dieu met des croix rouges en fleurs de lys dans les mains d’Agnès de Jésus, phénomène qu’elle essaye de cacher. La dissimulation du signe sanglant a ici plusieurs fonctions qu’on évoquera schématiquement : (1) une fonction mémorielle que l’institution dominicaine réformée récupère rappelant que le débat sur l’authenticité des stigmates de Catherine de Sienne a été récemment réglé par Urbain VIII qui les a reconnus. La décision pontificale n’est cependant pas sans équivoque, puisque les stigmates ont été 26 Jacques Branche, La Vie des saincts et sainctes d’Auvergne et de Velay, Le Puy, Ph. Guynand, 1652, p. 889. 27 Antoinette Gimaret, « Savoir lire le corps de l’autre : la biographie hagiographique et le travail de la preuve (autour des Vies de Marthe d’Oraison et Agnès d’Aquillenqui) », dans Lire et écrire des Vies de saints : regards croisés XVII e -XIX e siècle, éd. Sophie Houdard, Marion de Lencquesaing et Didier Philippot, Les Dossiers du Grihl (2015), en ligne : http: / / journals.openedition.org/ dossiersgrihl/ 6355 (consulté le 08 mai 2020). Antoinette Gimaret, « Corps marqué et stigmates invisibles dans les biographies spirituelles du XVII e siècle », Archivio italiano per la storia della pietà, 26 (2013), p. 239-258 (l’entièreté du volume est consacrée aux stigmates). Sophie Houdard PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 264 dits « lumineux » par le pape, selon son biographe et secrétaire Raymond de Capoue, sainte Catherine de Sienne elle-même n’aurait pas souhaité qu’ils fussent visibles. (2) la souffrance devient ici le réel, elle prend le pas sur la représentation du stigmate visible, et c’est le corps entier d’Agnès de Jésus souffrant qui permet de cacher le sang et le signe, sans les supprimer, mais en les réservant aux religieuses et aux mystiques qui sauront les interpréter, selon une forme d’acceptabilité restreinte dans le discours. Il lui semblait, comme elle a dit elle-même par obéissance, qu’on lui coupait le cœur avec un rasoir. Et la très vive douleur qu’elle endurait en cette partie, se répandit en tous les autres endroits de son corps particulièrement aux pieds et aux mains où l’on voyait une noirceur extraordinaire 28 . Le stigmate laisse voir une « noirceur extraordinaire » aux pieds et aux mains, comme le vestige du signe, la trace du signe et sa présence fantomatique. 5 Conclusion Que peut-on écrire en conclusion de cette sainteté en attente encore aujourd’hui, attente durant laquelle la Vie de Lantages publiée, corrigée, rééditée entra durablement dans le processus d’approbation de la sainteté d’Agnès de Langeac ? D’abord, que les approbations légales de la Vie, la liste imposante des témoins, lecteurs, rédacteurs de mémoires qui autorisent la biographie prouvent l’actualité d’une candidate à la sainteté morte depuis plus de trente ans et la réussite de cette actualité. La preuve de la sainteté après le Concile de Trente est donc avec le cas d’Agnès de Langeac 29 , moins celle de la sainteté dans ses traits moraux ou surnaturels (souvent contestés et ambigus), que dans le regroupement social, le réseau, la mise en place d’une Auvergne dévote et d’un réseau spirituel qui s’active entre Langeac, Le Puy et Paris au moment où des conflits majeurs occupent la scène religieuse et politique de l’Église de France (affaire du formulaire de Port- Royal ; dénonciation du « jansénisme » ; procès du « quiétisme » ; antimystique). Certes Agnès de Jésus échoue à l’épreuve du procès, puisqu’elle doit attendre le XX e siècle pour être mise au rang des Bienheureux, mais le terme d’échec n’est peut-être pas le mot qui convient. Au fond, la réussite tient à la 28 Lantages, Vie de la vénérable Mere Agnes, p. 275. 29 Agnès de Langeac : le souci de la vie et ses commencements, préface de Mgr Henri Brincard, Paris, Cerf, 2006. Le frère Sagne o.p. espère que ce colloque, tenu dix ans après la béatification, favorisera la canonisation. Agnès de Langeac : une sainte en attente… PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 265 longévité du processus de publication et à son efficace. « On » n’a pas oublié Agnès, comme le craint le frère Jean-Claude Sagne, auquel on doit quantités de colloques et ouvrages concernant la mère Agnès de Jésus. Au contraire. La religieuse de Langeac a été le moyen de produire un évêché dominicain mystique et de construire durablement la tradition « vivante » d’une spiritualité. Ainsi, une théologie de l’Esprit activée au XVII e siècle continue d’exister au XX e siècle : Agnès de Jésus maintient (fait passer ? ) la spiritualité de Jean-Jacques Olier qui s’est retiré dans une maison à Vaugirard en 1642, malade et soumis à la violence des esprits. Cet état pour le moins très controversé le restera pour longtemps. Dans un curieux chassé-croisé les écrits spirituels d’Olier fourniront la doctrine spirituelle d’une existence par ailleurs très problématique, tandis que la vie de la petite religieuse extraordinaire et sanglante, produira une sorte de doctrine pure, sans autre témoignage qu’un corps de fille martyrisé par l’Esprit. Moins connue que le fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint Sulpice, moins controversée que lui, et socialement plus insignifiante (c’est une jeune religieuse qui n’est même pas noble), la mère Agnès ira, du moins sa Vie, jusqu’à Rome, au cœur de l’institution, pour un procès certes tardif et encore inabouti, mais qui « fait tenir » dans le temps la spiritualité tourmentée, radicale et violente d’Olier et de la branche réformée des dominicains adeptes du pur amour. Les publications des Vies d’Agnès au XX e siècle, les colloques d’universitaires organisés par des autorités cléricales, encadrés par des membres des mouvements charismatiques, comme celui déjà cité de 2004, relient les actes de la vie d’Agnès de Jésus à la communauté contemporaine du Chemin Neuf ou à celle, beaucoup plus contestée, des Béatitudes à Autrey (condamnée judiciairement avec le frère Ephraim, exorciste) 30 . Agnès est donc dotée d’une autorité charismatique encore présente, voire intacte, que Jean-Paul II autorise en la béatifiant en 1994. En 2004, Jean Claude Sagne espèrait, à l’orée du colloque du Puy, la canonisation prochaine d’Agnès en s’appuyant sur les « usages » et les expériences de ses fidèles. Au fond, l’opération a marché et c’est l’Esprit charismatique qui 30 Si la première tâche du colloque de 2004 est de relancer la cause par l’élaboration des documents (une naissance miraculeuse ayant permis d’aboutir à la béatification), le frère Sagne évoque la seconde tâche du colloque, pastorale cette fois, pour ressaisir l’essentiel du témoignage d’Agnès à partir « d’expériences actuelles de formation comme le Cours Agnès de Langeac à Autrey (Vosges) » : « Agnès qui n’a rien écrit à part quelques lettres, n’a évidemment pas laissé une doctrine spirituelle élaborée. Chez elle, la voie spirituelle est traduite par des actes. C’est sa vie qui livre un enseignement », dans Agnès de Langeac : le souci de la vie et ses commencements, introduction. Sophie Houdard PFSCL XLIX, 96 DOI 10. / PFSCL-2022-0013 266 agit, mais aux marges d’une institution qui n’a toujours pas canonisé Agnès de Langeac à ce jour… 6 Bibliographie 6.1 Sources Lantages, Charles Louis de. Vie de la vénérable Mere Agnes de Jesus Religieuse de l’ordre de S. Dominique au dévot monastère de Sainte Catherine de Langeac, par un prêtre du clergé, Le Puy, A. et P. Delagarde, 1665 (repris à Paris, Cerf, 2011). Branche, Jacques. La Vie des saincts et sainctes d’Auvergne et de Velay, Le Puy, Ph. Guynand, 1652. Olier, Jean-Jacques. Tentations diaboliques et possession divine, éd. critique d’après les manuscrits, suivie d’une étude sur la spiritualité d’Olier, par Mariel Mazzocco, Paris, H. Champion, 2012. Surin, Jean-Joseph. Correspondance, Paris, DDB, 1966. 6.2 Études Agnès de Langeac : le souci de la vie et ses commencements, Actes du colloque de Langeac du 15 au 17 octobre 2004, préface de Mgr Henri Brincard, Paris, Cerf, 2006. Certeau, Michel de. La fable mystique XVI e -XVII e siècle, t. 2, éd. établie par Luce Giard, Paris, Gallimard, 2013. 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