eJournals lendemains 33/132

lendemains
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Narr Verlag Tübingen
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2008
33132

Les dernières publications autour de Simone de Beauvoir en France et en Allemagne

2008
Thomas Stauder
ldm331320006
6 Dossier Thomas Stauder (ed.) Le centenaire de Simone de Beauvoir Thomas Stauder Les dernières publications autour de Simone de Beauvoir en France et en Allemagne La meilleure manière de mesurer l’actualité d’un auteur consiste en l’examen des réactions que sa vie et son œuvre suscitent encore aujourd’hui. Vu le nombre de monographies consacrées à Simone de Beauvoir et publiées en France et en Allemagne durant ces deux dernières années - la majorité encore bien avant la célébration du centenaire du 9 janvier 2008, qui a accéléré le rythme de ces publications -, on peut constater que l’intérêt pour l’auteur du Deuxième Sexe est resté intact, ce qui peut être expliqué en partie par la discussion dernièrement très animée autour du rôle des hommes et des femmes dans les deux pays. L’ouvrage Simone de Beauvoir philosophe de Michel Kail, paru début 2006, indique déjà dans son titre que l’auteur tient à montrer l’indépendance beauvoirienne par rapport à la pensée de Sartre. En effet, on croit encore trop souvent qu’elle n’a fait que suivre ses idées et Beauvoir elle-même est toujours restée plutôt modeste en parlant de ses résultats dans ce domaine. Dans La force des choses, elle avoue être une penseuse moins créative et moins systématique que Sartre, mais affirme aussi avoir toujours vérifié les axiomes de son compagnon avant de les adopter. 1 Kail traite les plus importants écrits beauvoiriens - parmi lesquels il compte non seulement Pyrrhus et Cinéas et Pour une morale de l’ambiguïté, mais aussi Le Deuxième Sexe, bien que de caractère interdisciplinaire - non pas séparément et en ordre chronologique, mais sous des angles thématiques, avec un résultat partagé: les lecteurs qui connaissent déjà l’œuvre beauvoirienne apprécieront ce type de regard transversal, tandis que les autres auront des difficultés à y accéder. Même l’essai sur la perversion pathologique Faut-il brûler Sade? est intégré par Kail dans son analyse; il met en évidence ce qui, dans la philosophie de Sade, intéresse Beauvoir - à savoir, 2 le lien entre sexualité et éthique, moulé dans une forme littéraire - et explique pourquoi elle le désavoue finalement, après avoir tenté de comprendre son attitude (surtout à cause de l’autisme érotique sadien, inconciliable avec l’interaction de deux consciences également libres désirée par Beauvoir). 3 Kail réussit à prouver l’originalité de la pensée beauvoirienne - laquelle, selon lui, 4 consiste dans l’interprétation de la situation de la femme à l’aide de l’ontologie existentialiste - et il ne recule pas devant la nécessité de critiquer 7 Dossier Dossier Dossier Dossier certaines affirmations beauvoiriennes si elles ne lui paraissent pas convaincantes 5 (ce qui est le bienvenue afin de favoriser une discussion ouverte). En 2006 fut publié en outre Simone de Beauvoir. Côté femme de Claudine Monteil, divisé en „Les 50 plus belles histoires“ (comme le volume de la même série paru un an auparavant Les mille visages de Sartre de Sophie Richardin). Accompagnée d’une abondance d’illustrations, cette présentation se révèle très attractive et apte à attirer l’attention d’un grand nombre de lecteurs sur la vie beauvoirienne. Claudine Monteil avait rencontré Simone de Beauvoir pour la première fois en 1970 alors qu’elle était encore une très jeune militante du MLF („Mouvement de libération des femmes“). Sur la base de son amitié avec elle et avec sa sœur Hélène, elle a écrit à partir de 1995 plusieurs ouvrages de caractère biographique, dont celui-ci est le dernier. 6 Simone de Beauvoir. Côté femme est très bien documenté et séduit par l’intelligence et l’authenticité dans la manière d’exposer les plus importants épisodes de la vie beauvoirienne. Parmi les appendices de ce livre, celui sur l’évolution des droits des femmes du seizième siècle jusqu’à aujourd’hui me semble particulièrement instructif. Toujours en 2006 parut Simone de Beauvoir de la journaliste Bernadette Costa- Prades, une biographie rédigée comme un roman; ce choix stylistique a l’avantage de rendre accessible les faits racontés à un public plus vaste et plus jeune, qui a besoin d’une certaine vivacité et voudrait s’identifier avec la protagoniste, mais comporte aussi l’inconvénient de la perte de l’esprit analytique et objectif. Costa- Prades ne prétend pas parvenir à des nouvelles conclusions relatives à la vie beauvoirienne, et admet volontiers tirer profit des recherches précédentes effectuées par d’autres; 7 son but était manifestement la vulgarisation, ce qui est sans doute légitime. Cependant on a l’impression que ce livre fut écrit un peu trop rapidement ou qu’il ne fut pas corrigé avec assez d’attention: cela se remarque à travers les nombreuses fautes d’orthographe dans plusieurs noms propres. 8 Il faut quand même souligner comme trait positif que Costa-Prades n’hésite pas à mentionner certains comportements beauvoiriens à la moralité douteuse, comme par exemple son indifférence envers la jeune juive Bianca Bienenfeld, abandonnée par elle et Sartre pendant la Seconde Guerre Mondiale d’une manière brutale: „un cynisme qui laisse sans voix“. 9 Doris Ruhe, professeur de littérature française à l’Université de Greifswald (et aujourd’hui à la retraite) publia en 2006 chez Peter Lang à Francfort sous le titre Contextualiser „Le Deuxième Sexe“ un „index raisonné des noms propres“. La décision de la scientifique allemande de faire imprimer son livre en français paraît juste, étant donné que son ouvrage n’est pas destiné au grand public mais aux spécialistes internationaux. Dans cet index, qui n’existait pas auparavant sous une telle forme, figurent tous les noms des personnes mentionnées dans Le Deuxième Sexe - des personnages historiques, des écrivains, des artistes, des scientifiques ou encore des personnages créés par la fiction littéraire - et, à l’exception de huit, sont tous expliqués. Par la création de cet instrument au service des philologues, Ruhe poursuit le but „de replacer Le Deuxième Sexe dans son contexte historique 8 Dossier Dossier Dossier Dossier et de le situer par rapport à l’horizon intellectuel de l’époque de sa genèse.“ 10 Dans la deuxième partie du livre, l’index est complété par trois essais, dont le premier me semble particulièrement suggestif: Ruhe y expose les parallèles entre les réflexions de Simone de Beauvoir de la seconde moitié des années quarante au sujet de l’oppression des femmes et les raisonnements de Sartre publiés à la même époque sur la situation des juifs et des noirs. Le comportement agressif des antisémites et des racistes se laisse ramener selon Sartre à la dialectique hégélienne esquissée dans L’être et le néant entre deux consciences hostiles, dont chacune veut dominer l’autre; Beauvoir explique les relations entre hommes et femmes d’une manière presque identique. Dans Le Deuxième Sexe, elle insiste sur l’analogie des mécanismes de marginalisation: „Qu’il s’agisse d’une race, d’une caste, d’une classe, d’un sexe réduits à une condition inférieure, les processus de justification sont les mêmes. ‘L’éternel féminin’ c’est l’homologue de ‘l’âme noire’ et du ‘caractère juif’.“ 11 Le premier ouvrage en langue allemande que je souhaite présenter ici est Simone de Beauvoir de Monika Pelz, paru en 2007 dans la collection „Suhrkamp BasisBiographie“: non seulement il n’est pas inférieur aux monographies en français publiées dans cette période, mais surpasse même plusieurs d’entre elles en richesse d’information et précision érudite. L’auteur, une sociologue empirique de formation, s’est penchée pendant plusieurs années sur la recherche féministe, et ce livre profite de cette expérience, surtout dans le chapitre consacré à l’influence de Simone de Beauvoir sur le mouvement féministe international à partir de la fin des années soixante. L’exposition de Monika Pelz est moins centrée sur la biographie que la majorité des autres publications dédiées à Simone de Beauvoir; au lieu de cela, elle concède beaucoup d’attention à l’analyse de l’œuvre beauvoirienne, divisée en „essais philosophiques et politiques“, „reportages“, „romans et nouvelles“ et „mémoires“. Tout en défendant la production littéraire de Beauvoir contre des critiques irréfléchies ou injustifiées, Pelz sait faire preuve d’assez d’objectivité pour ne pas passer sous silence certaines faiblesses dans les derniers écrits beauvoiriens (elle parle de passages de „grande banalité“ 12 dans Tout compte fait). Dans la partie biographique, elle montre sa compétence en mentionnant quelques amants moins souvent évoqués comme Pierre Guille (alias „Pagniez“) ou Michel Vitold. En outre, elle réfléchit sur la tendance beauvoirienne d’utiliser parfois ses mémoires pour donner une version embellie de son passé. 13 Malgré sa sympathie pour Beauvoir, elle lui reproche quelques comportements difficilement justifiables, comme par exemple son manque de sensibilité au moment de la mort de l’ami juif de Nathalie Sorokine. Avec cette monographie, où même les spécialistes peuvent encore trouver des détails nouveaux ou peu connus, Pelz se révèle comme excellente connaisseuse de la vie et de l’œuvre de Simone de Beauvoir. Grâce à une meilleure correction des épreuves, on aurait pu éviter les fautes d’orthographes dans quelques noms propres. 14 Egalement en 2007, Hans-Martin Schönherr-Mann, professeur de philosophie politique à Munich, publia dans la série „dtv premium“ Simone de Beauvoir und 9 Dossier Dossier Dossier Dossier das andere Geschlecht. Comme son titre le laisse déjà comprendre, ce livre se concentre sur l’ouvrage principal beauvoirien de 1949 et laisse en grande partie de côté les autres textes ainsi que la biographie. Schönherr-Mann analyse la pensée beauvoirienne selon sept catégories établies par lui-même: „Qu’est-ce que cela signifie d’être une femme? “, „Les femmes peuvent-elles se réaliser par l’amour? “, „Les femmes peuvent-elles se réaliser par le mariage? “, „Les femmes peuventelles se réaliser par la famille? “, „Les femmes peuvent-elles se réaliser à travers les hommes? “, „Les femmes peuvent-elles se réaliser par l’émancipation? “ et „Qu’est-ce que veut dire ‘épanouissement de la personnalité’? “. L’attrait de ce livre consiste d’un côté en un discours d’un haut niveau intellectuel, et de l’autre en la confrontation des réflexions beauvoiriennes de la fin des années quarante avec la discussion actuelle en Allemagne au sujet du rôle social de la femme, en particulier par rapport aux thèses néoconservatrices énoncées par la journaliste Eva Herman (selon laquelle les femmes ne doivent pas faire concurrence aux hommes dans la vie professionnelle, mais trouver leur accomplissement uniquement dans la famille) ou du directeur du FAZ Frank Schirrmacher (pour lequel les travaux ménagers non payés des femmes sont indispensables au bon fonctionnement de la société). Schönherr-Mann est par contre d’avis que la revendication beauvoirienne - basée sur la philosophie existentialiste sartrienne - de donner à toutes les femmes la possibilité de choisir librement leur projet de vie est encore aujourd’hui valable; il défend Beauvoir contre l’accusation de préconiser un individualisme déchaîné, en mettant en évidence son „éthique de l’autodétermination responsable“, 15 par laquelle son féminisme est intégré dans la communauté. Ingrid Galster, professeur à l’Université de Paderborn, est probablement la meilleure experte actuelle de Simone de Beauvoir dans les pays de langue allemande; elle est parvenue à la recherche beauvoirienne grâce à ses études antérieures - et non moins importantes - sur Sartre. 16 Ce recueil de 2007 n’est donc pas son premier livre consacré à Simone de Beauvoir. 17 En 1999, elle avait déjà édité un dossier pour lendemains à l’occasion du cinquantenaire du Deuxième Sexe. Le volume Beauvoir dans tous ses états, publié chez Tallandier à Paris, réunit des articles et des conférences datant des deux dernières décennies, qui n’ont rien perdu de leur intérêt et qui sont aujourd’hui proposés de nouveau et pour la première fois ensemble au lecteur. Très suggestif est par exemple l’essai „Le couple modèle? “, où le mythe de l’amour libre et idéal entre Sartre et Beauvoir est soumis à une révision. Entre autres aspects, Galster y montre la motivation compensatoire de l’érotomanie polygame sartrienne („en aimant de belles femmes, il croit échapper à sa propre laideur“ 18 ) et fait remarquer que presque toutes les jeunes femmes qui avaient consenti à un certain moment à vivre avec eux dans une relation à trois souffraient sous cette constellation: „Les tiers réduits à l’état d’objet ont payé le prix de leur pacte; Sartre et Beauvoir en étaient conscients: la connivence à leur propos compensait en quelque sorte la communion érotique perdue.“ 19 Très stimulant semble aussi le raisonnement de Galster (laquelle s’appuie ici sur Michèle Le Dœuff), selon lequel la fameuse distinction entre „amour nécessaire“ et „amour 10 Dossier Dossier Dossier Dossier contingent“ inventée par Sartre n’est pas si révolutionnaire que ce que l’on était accoutumé à penser: à y regarder de près, elle reproduit en grande partie la traditionnelle morale sexuelle de la bourgeoisie, selon laquelle le mari pouvait avoir, à côté de son épouse légitime, des amantes qui changeaient souvent. Parmi le grand nombre de contributions novatrices dans ce volume, je mentionne comme dernier exemple l’article „Simone de Beauvoir face à l’Occupation allemande“, où Galster compare les écrits autobiographiques beauvoiriens avec les lettres et journaux publiés après sa mort; elle parvient au résultat que d’un côté par son mode de vie non conventionnel et ‘immoral’ Beauvoir était clairement une opposante idéologique du régime de Vichy (ce qui est confirmé par sa révocation de l’enseignement); et que de l’autre, elle s’est comportée en plusieurs occasions comme une suiveuse et une attentiste (il suffit de penser à son indifférence pour la question juive ou à sa collaboration avec „Radio Nationale“). En résumé, il résulte de la lecture de ces textes que Galster souhaite tracer un portrait différencié de Beauvoir, sans l’idéaliser ni la condamner: „Nous approchons de la réalité dans la mesure où nous parvenons à en montrer la texture complexe et contradictoire.“ 20 En revanche, la biographie rédigée en 2007 en allemand par Ingeborg Gleichauf, Sein wie keine andere - Simone de Beauvoir: Schriftstellerin und Philosophin, ne se considère pas comme une contribution à la recherche, mais comme une introduction accessible à la vie beauvoirienne destinée à un public plus large. Grâce à un style vif et concret, proche du roman, Gleichauf atteint pleinement cet objectif. Toutefois, étant donné qu’elle se concentre sur le développement de la personnalité beauvoirienne, on apprend très peu de son œuvre. 21 Quant aux faits biographiques rapportés, Gleichauf passe plutôt vite sur certains détails moins flatteurs, comme ses relations avec ses jeunes élèves ou son attitude politique avant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Lorsque Beauvoir est critiquée - ce qui arrive rarement -, c’est surtout à cause de son „manque d’indépendance“ 22 envers Sartre. Ce dernier est présenté comme une personne égoïste, qui a l’habitude d’exploiter Beauvoir non seulement dans leur vie de couple mais aussi dans leur activité littéraire commune. 23 On note que Gleichauf se sent solidaire de la femme oppressée. Dans la section finale de ce livre, on peut lire avec intérêt les remarques de l’auteur sur la réception de Beauvoir en RDA, en comparaison avec celle de RFA. Dans la partie socialiste de l’Allemagne, il n’était pas possible d’obtenir légalement Le Deuxième Sexe jusqu’à la chute du mur en 1989, car la thématique de l’émancipation féminine était considérée comme un problème uniquement bourgeois, issu des sociétés capitalistes. „L’essai biographique“ Simone de Beauvoir - Der Tod ist der Stachel des Lebens de Barbara Brüning, professeur à Hambourg, paru aussi en 2007, offre une version encore plus raccourcie de la vie beauvoirienne, mais mentionne en passant presque toutes ses œuvres. Cet essai fixe son attention particulièrement sur „l’attitude beauvoirienne envers la vieillesse, la maladie et la mort“; 24 bien qu’il s’agisse d’un tableau synoptique réussi, il ne dépasse pas le niveau d’une introduction et peut être négligé par les spécialistes. 11 Dossier Dossier Dossier Dossier Avec Simone de Beauvoir d’Huguette Bouchardeau, publié en 2007 chez Flammarion, nous retrouvons une biographie beaucoup mieux préparée et inopinément profonde, captivante même pour les connaisseurs. L’auteur s’est faite depuis longtemps une bonne réputation comme biographe de femmes de lettres (on se souvient de ses monographies sur George Sand, Simone Weil, Elsa Triolet et Nathalie Sarraute, pour mentionner seulement quelques-unes). Dans l’avant-propos du présent ouvrage, elle raconte que, pour elle, Beauvoir avait toujours été un „monument“, dont elle avait admiré plus la personnalité que l’œuvre: „Simone de Beauvoir a été, sans doute, pour ma génération, la théoricienne du féminisme. Mais plus encore, elle a été celle qui inventait, face à nos peurs et à nos prudences, d’autres manières de vivre.“ 25 La difficulté d’écrire une nouvelle biographie beauvoirienne consistait pour Bouchardeau en l’inévitable compétition avec ses propres mémoires, dans lesquelles Beauvoir avait déjà tant parlé d’elle-même qu’il était épineux de s’en détacher. En outre, elle voulait aussi tenir compte des biographies antérieures (dont celle de Deirdre Bair, qu’elle-même mentionne à plusieurs occasions). Bouchardeau arrive à ne pas se laisser paralyser par un respect exagéré devant la version que Beauvoir a voulu donner de sa vie, en intégrant les informations contenues dans ses lettres et journaux de publication posthume, où apparaissent certains faits encore passés sous silence dans ses mémoires. Pour cette biographie, l’auteur a choisi une structure particulière: la vie beauvoirienne y est divisée en onze „journées-phares“, qui ne se distinguent pas nécessairement par des événements extraordinaires, mais qui sont caractéristiques d’un échelon de son parcours personnel. Ainsi, Bouchardeau prend par exemple le 9 novembre 1951 comme point de départ pour une analyse de la relation amoureuse entre Simone de Beauvoir et Nelson Algren, en considérant aussi les antécédents et les suites de cette date. L’auteur se montre très bien informée et relate même certains événements de la vie beauvoirienne qui furent rarement évoqués par d’autres, décrit ses amitiés et rencontres, ses voyages et activités littéraires, ses engagements politiques, et de temps à autre, trouve l’occasion de parler du développement de la société française, ce qui facilite la compréhension des choix beauvoiriens. Par conséquent, cette biographie mérite des éloges et est à considérer comme une des plus importantes publications consacrées à Simone de Beauvoir pendant ces deux dernières années. Dans le cas de Simone de Beauvoir - Une femme engagée de Marianne Stjepanovic-Pauly, toujours de 2007, il s’agit au contraire à nouveau d’une vulgarisation, dirigée non aux universitaires mais à un plus large public. Le livre est bien écrit - le slogan sur la couverture „à lire comme un roman“ est justifié -, mais constitue seulement un résumé des biographies précédentes (il s’appuie par exemple sur plusieurs publications de Claudine Monteil). On n’attendra donc pas de cette biographie des révélations surprenantes ou des critiques envers Simone de Beauvoir; l’attitude prédominante de Stjepanovic-Pauly reste l’admiration: „Peu importent au fond ses contradictions [...]: dans l’esprit de tous elle reste celle grâce à qui la révolution féministe a commencé.“ 26 12 Dossier Dossier Dossier Dossier Passons maintenant à la plus volumineuse biographie beauvoirienne publiée dernièrement; avec ses plus de 600 pages, Castor de guerre de Danièle Sallenave, présentée début 2008 juste avant la date du centenaire beauvoirien, peut revendiquer ce record. Le titre est à première vue déroutant pour le lecteur; dans l’introduction de ce livre on apprend que Castor de guerre est une citation de Simone de Beauvoir, qui en 1939 (après le déclenchement de la Seconde Guerre Mondiale) donna ce nom à une photographie d’elle-même envoyée à Jacques- Laurent Bost. Mais Sallenave applique cette autocaractérisation ironique à toute la vie beauvoirienne, et non pas seulement à ce moment précis: „Tout ce qu’elle fait, tout ce qu’elle vit, c’est dans un combat permanent. Contre le temps, contre la contingence, contre soi.“ 27 Selon Sallenave, Beauvoir a toujours vécu en état de guerre pour réaliser son projet de vie librement choisi et, à cause de cela, a rarement trouvé la paix intérieure. Les mémoires beauvoiriennes, dont les trois volumes les plus importants parurent entre 1958 et 1963, sont interprétées par Sallenave comme une tentative de s’emparer à posteriori d’une vie qu’elle n’a pas toujours pu contrôler comme elle l’aurait voulu: „En faisant son propre portrait et l’histoire du long combat par où on devient soi, elle montre avec éclat comment, de cette existence contingente où elle avait été ‘jetée’, elle a fait une entreprise et une nécessité.“ 28 Par cette auto-stylisation propre à tous les mémorialistes mais renforcée chez Beauvoir par le besoin existentialiste de donner un sens à sa vie, elle dote sa biographie d’un tracé rectiligne qui ne correspond pas toujours à la réalité: „L’image que dans les Mémoires le Castor de guerre donne de sa vie, de son œuvre, de ses engagements et d’elle-même est une image claire, lisible, sans détours comme sans ombres“. 29 Sallenave exhorte le lecteur à ne pas se laisser aveugler par cette surface lisse; elle s’est donnée pour tâche de découvrir les non-dits et les passages problématiques de la vie beauvoirienne, en confrontant ses mémoires officielles avec ses autres écrits (non seulement les lettres et journaux, 30 mais aussi les romans qui contiennent également des éléments autobiographiques) et avec les témoignages de son entourage (surtout de Sartre): „C’est ainsi que j’ai procédé. J’ai suivi le déroulement des Mémoires sans m’y soumettre […]. Lui faisant toujours crédit mais ne prenant jamais rien pour argent comptant […], portant la lumière où elle laissait de l’ombre, mettant des ombres là où elle voulait que règne une lumière éclatante, […] faisant entendre d’autres versions de certains épisodes de sa vie.“ 31 Portée par un juste équilibre entre sincère admiration 32 et distance critique, Sallenave parvient à une nouvelle interprétation de la fameuse relation à trois entre Sartre, Beauvoir et Olga Kosakiewicz, traitée par Beauvoir non seulement dans La force de l’âge, mais aussi dans le roman L’invitée. Le fait que dans la fiction Xavière (alias Olga) soit tuée par Françoise (alias Simone) signifie pour Sallenave que le conflit dans la vie réelle ne pouvait pas être réglé si facilement que prétendu après coup par Beauvoir dans ses mémoires. Un autre aspect de la vie beauvoirienne toujours minimisé par elle-même sont ses relations sexuelles avec des femmes, normalement beaucoup plus jeunes qu’elle et souvent ses élèves. Sallenave cite une lettre de Beauvoir à Sartre du 14 décembre 1939, dans 13 Dossier Dossier Dossier Dossier laquelle elle admet explicitement avoir eu „des rapports physiques“ 33 avec Olga, auxquels elle se permet à peine une allusion dans La force de l’âge et L’invitée. Convaincantes, tout comme le reste de ce livre, sont aussi les réflexions de Sallenave sur l’éros pédagogique d’après le modèle de l’Antiquité, qui peut renfermer une composante homosexuelle: „Tous ces termes correspondent assez étroitement à la manière dont, dans la Grèce classique, l’homme fait (qui n’a pas forcément plus de trente ans) prend en charge l’éducation et la formation de son jeune amant. L’histoire Castor-Olga relève de cet ‘amour grec’, c’en est la variante féminine: même si le corps y joue indéniablement son rôle, c’est la prise en charge de tout l’être, c’est le projet d’établir en l’adolescent(e) les bases de sa liberté. De même, encore à venir, l’histoire de Bianca ou celle de Sorokine.“ 34 Parmi tant d’observations suggestives, je voudrais mentionner une dernière: Sallenave voit dans Nelson Algren non seulement la tentation passagère pour Beauvoir de choisir un type de relation amoureuse plus conventionnel que le ‘pacte’ avec Sartre, mais aussi l’occasion de changer la nature de son engagement politique: „Avec Algren, elle découvre la réalité des quartiers sordides de Chicago, une vie mêlée avec celle des marginaux. Quelque chose d’autre encore que le rejet du modèle français bourgeois traditionnel, qu’elle partage avec Sartre.“ 35 Le souci d’objectivité de Sallenave fait défaut à la biographie un peu trop hagiographique Simone de Beauvoir - Ecrire la liberté de Sylvie Le Bon de Beauvoir et Jacques Deguy dans la collection illustrée „Découvertes Gallimard“, parue elle aussi à l’occasion du centenaire du 9 janvier 2008. Il est compréhensible d’un point de vue sentimentale, mais pas satisfaisant d’un point de vue académique, que la fille adoptive de Simone de Beauvoir ait cédé à la tentation d’embellir la vie de sa belle-mère spirituelle. Elle interprète toutes les possibles expériences homoérotiques (par exemple, celle avec Nathalie Sorokine) comme simple „amitié“, 36 et cherche des excuses à son manque de vigilance à l’égard du fascisme, 37 attesté par son indifférence envers les régimes allemand et italien pendant les années trente ou encore par son adaptation à l’antisémitisme du régime de Vichy: „Comme beaucoup de fonctionnaires, elle signe en octobre [1940; T.S.] un formulaire qui atteste de ses origines aryennes. Faisant vivre en partie sa famille ainsi que plusieurs amis sans ressources, elle ne peut se permettre de perdre son traitement.“ 38 Je ne voudrais certainement pas affirmer qu’on ne puisse pas expliquer un tel comportement (à cette époque-là, un grand nombre d’écrivains 39 et intellectuels dans des pays fascistes ou occupés se voyait également forcé d’accepter certains compromis contraires à leurs convictions); ce qui me déplaît, c’est que Le Bon de Beauvoir et Deguy essaient de présenter systématiquement tous les détails de ce type sous un jour plus favorable. Ceci vaut aussi pour le domaine privé; contrairement à l’idylle peinte par les deux auteurs („elle a le talent de susciter ces amitiés, et de les faire durer, elle est fidèle“ 40 ), on sait que le comportement beauvoirien envers certaines de ses jeunes amies - par exemple, Bianca Bienenfeld 41 - n’était pas vraiment toujours glorieux. Dans ce récit édulcoré, Simone de Beauvoir semble trop parfaite pour être crédible; elle serait apparue plus humaine - 14 Dossier Dossier Dossier Dossier sans rien perdre de sa stature d’écrivain et de féministe - si on avait admis qu’elle avait aussi des faiblesses. Le dernier livre dont il nous faut encore parler ici, Simone de Beauvoir - Le goût d’une vie de Jean-Luc Moreau, également disponible dès le début de l’année 2008, peut être considéré aux côtés des ouvrages de Bouchardeau et Sallenave comme une des meilleures biographies beauvoiriennes du passé récent. Ce qui distingue la monographie de Moreau est, comme chez ses deux prédécesseurs immédiats, la qualité d’une recherche sérieuse sur une ample base bibliographique et surtout la remise en question du comportement beauvoirien dans un bon nombre de situations. Selon Moreau, elle doit admettre cet examen posthume, parce qu’elle a toujours prétendu conduire une vie exemplaire (dans le sens de la nouvelle morale existentialiste) et parce qu’en outre, elle voulait par ses écrits „communiquer le goût de sa propre vie“. 42 Parmi les divers points forts de ce livre, on doit louer l’analyse innovatrice de la relation entre Beauvoir et les „jeunes filles en pleurs“; par cette désignation ironique, Moreau se réfère à la souffrance de la majorité des jeunes amantes beauvoiriennes (Olga, Nathalie, Bianca), qui espéraient obtenir plus de cette liaison que ce que Beauvoir était prête à donner pour un amour „contingent“. Comme nous l’avons déjà vu plusieurs fois, la vraie attitude beauvoirienne au moment des faits n’est pas décrite dans ses mémoires, mais seulement dans ses lettres de l’époque à Sartre, Bost et Algren, citées en détail par Moreau. Cette correspondance prouve sans ambiguïté la nature sexuelle de quelques-unes de ces relations - niée par Beauvoir de son vivant dans ses déclarations publiques - et trahit une certaine brutalité dans les jugements portés par Beauvoir sur ces jeunes femmes. Mais Moreau souligne que l’apparent cynisme dans la manière beauvoirienne de s’exprimer est dû à son exigence d’authenticité: „Sa manière de décortiquer les traits de caractère d’autrui a aussi de quoi choquer. C’est oublier qu’elle peut être tout autant critique d’elle-même, et que cette objectivité caustique n’a rien de gratuit. Elle a une fonction: l’aider à pénétrer le plus profondément possible dans la complexité des rapports humains, en les dépouillant d’abord de leurs faux-semblants.“ 43 Sans recourir jamais à une idéalisation indifférenciée, Moureau parvient ainsi à une réhabilitation morale de Beauvoir, qui réfute une partie des accusations proférées contre elle. Pour finir, je souhaiterais encore signaler deux ouvrages collectifs, qui ne sont pas encore sortis en librairie au moment de la préparation de ce dossier, mais qui le seront quand le dossier sera imprimé: d’un côté, les actes du colloque international organisé à Paris par Julia Kristeva à la date exacte du centenaire, qui paraîtront sous le titre (Re)découvrir l’œuvre de Simone de Beauvoir - Du „Deuxième Sexe“ à „La Cérémonie des adieux“ aux Editions Le Bord de l’Eau; de l’autre, un volume édité par moi-même sous le titre Simone de Beauvoir cent ans après sa naissance. Contributions interdisciplinaires de cinq continents, qui sera publié dans la collection „édition lendemains“ chez Gunter Narr en Allemagne. Les articles de Gianluca Vagnarelli, Claudine Monteil, Chala Chafiq, Debra Bergoffen, Francisco Domínguez González, Martine Guyot-Bender et Susanne 15 Dossier Dossier Dossier Dossier Gramatzki qui suivent ci-dessous ont tous été spécialement rédigés pour ce dossier à l’occasion du centenaire; ils offrent une série de nouveaux regards sur certains aspects de la vie et de l’œuvre de Simone de Beauvoir, et en montrent l’actualité tout comme les monographies présentées dans cette introduction. Je voudrais remercier Aurélie Denoyer (Berlin) pour avoir contrôlé et corrigé une partie de ces contributions et exprimer ma gratitude à Claudine Monteil (Paris) pour avoir permis la reproduction sur la couverture de cette revue du portrait de Simone de Beauvoir réalisé par sa sœur Hélène, dont elle est la propriétaire. 1 Cf. le commentaire de Christiane Zehl Romero dans sa biographie déjà un peu datée mais toujours instructive Simone de Beauvoir, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2005 ( 1 1978), 36. 2 Michel Kail: Simone de Beauvoir philosophe, Paris, PUF, 2006, 97. 3 Op. cit., 98. 4 Op. cit., 143. 5 „Beauvoir peut laisser échapper des arguments fort contestables, comme lorsqu’elle écrit: ‘[…] La dévaluation de la féminité a été une étape nécessaire de l’évolution humaine.’“ (op. cit., 152) 6 Claudine Monteil: Simone de Beauvoir. Côté femme, Boulogne, Timée-Editions, 2006. Ouvrages antérieurs de la même auteur: Simone de Beauvoir, le mouvement des femmes: mémoires d’une jeune fille rebelle, Montréal, Alain Stanké, 1995 (après Paris, Editions du Rocher, 1996); Les Amants de la liberté: L’aventure de Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir dans le siècle, Paris, Editions 1, 1999; Les sœurs Beauvoir, Paris, Editions 1, 2003. 7 A la fin de son livre, elle reconnaît cette dette: „Merci aux auteurs des ouvrages suivants, qui m’ont permis d’écrire cette biographie.“ Bernadette Costa-Prades: Simone de Beauvoir, Paris, Maren Sell Editeurs, 2006, 141. (Dans sa bibliographie, Costa-Prades mentionne trois livres de Claudine Monteil, laquelle - à différence de Costa-Prades - offre des informations biographiques de première main.) 8 A la page 64 on peut lire „Olga Kosackiewicz“ au lieu de la forme correcte „Kosakiewicz“; des erreurs semblables se trouvent aussi à la page 67 avec „Lionel du Roulet“ (au lieu de „de Roulet“) et à la page 84 avec „Dora Marr“ (au lieu de „Maar“). 9 Costa-Prades, op. cit., 81. 10 Doris Ruhe: Contextualiser „Le Deuxième Sexe“. Index raisonné des noms propres, Frankfurt/ M., Peter Lang, 2006, 10. 11 Simone de Beauvoir: Le Deuxième Sexe, Paris, Gallimard, 2004 ( 1 1949), I, 27. 12 Monika Pelz: Simone de Beauvoir, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 2007, 107. 13 Op. cit., 45, 57, 59 et 98. (Ceci concerne aussi les relations homoérotiques toujours démenties par Beauvoir; Pelz est convaincue qu’elles ont eu lieu: op. cit. 58.) 14 C’est particulièrement frappant dans le cas du nom de la jeune fille Xavière du roman L’invitée, ici écrit par erreur plusieurs fois comme „Maxière“ (op. cit., 81sq.); quant au nom de la spécialiste beauvoirienne Karen Vintges, il est défiguré de manières différentes (op. cit., 121, 129, 145). 15 Hans-Martin Schönherr-Mann: Simone de Beauvoir und das andere Geschlecht, München, Deutscher Taschenbuch Verlag, 2007, 219. 16 Dossier Dossier Dossier Dossier 16 Sur Sartre, Ingrid Galster a publié les monographies suivantes: Le Théâtre de Jean-Paul Sartre devant ses premiers critiques, Tübingen/ Paris, Gunter Narr/ Jean-Michel Place, 1986; Sartre, Vichy et les intellectuels, Paris, L’Harmattan, 2001; La Naissance du „phénomène Sartre“, Paris, Seuil, 2001; Sartre devant la presse d’Occupation, Rennes, PUR, 2005; Sartre et les juifs, Paris, La Découverte, 2005. 17 Ouvrages antérieurs sur Beauvoir d’Ingrid Galster: Simone de Beauvoir: „Le Deuxième Sexe“. Le livre fondateur du féminisme moderne en situation, Paris, Honoré Champion, 2004; „Le Deuxième Sexe“ de Simone de Beauvoir, Paris, PUP, 2004. 18 Ingrid Galster, Beauvoir dans tous ses états, Paris, Taillandier, 2007, 66. 19 Op. cit., 70. 20 Op. cit., 16. 21 Il faut dire que l’interprétation de l’œuvre beauvoirienne par Gleichauf n’est pas toujours très fiable; dans son commentaire sur L’invitée, elle affirme qu’il s’agit d’„histoire contemporaine vécue“ et que Xavière est „la puissance occupante de l’Allemagne“, ce qui ne me paraît pas du tout évident. Cf. Ingeborg Gleichauf: Sein wie keine andere - Simone de Beauvoir: Schriftstellerin und Philosophin, München, dtv, 2007, 136. 22 Op. cit., 133. 23 Sartre est critiqué dans les pages suivantes: op. cit., 73, 117sq., 127, 143. 24 Barbara Brüning: Simone de Beauvoir - Der Tod ist der Stachel des Lebens, Leipzig, Militzke, 2007 (tome 1 de la collection „Gelebte Philosophie“), 11. 25 Huguette Bouchardeau: Simone de Beauvoir, Paris, Flammarion, 2007, 8. 26 Marianne Stjepanovic-Pauly: Simone de Beauvoir - Une femme engagée, Gilly, Editions du Jasmin, 2007, 175. 27 Danièle Sallenave: Castor de guerre, Paris, Gallimard, 2008, 11. 28 Op. cit., 14. 29 Op. cit., 16sq. 30 Dont font partie les Cahiers de jeunesse, que Danièle Sallenave a pu consulter avant leur publication en 2008 grâce à l’autorisation de Sylvie Le Bon de Beauvoir. 31 Sallenave, op. cit., 19sq. 32 Dans une interview avec Le Magazine littéraire (n° 471, janvier 2008, 30-33, ici 30), Sallenave explique qu’elle a observé les apparitions publiques de Beauvoir à partir de la fin des années soixante: „J’appartiens à la génération pour laquelle Simone de Beauvoir a incarné une figure tutélaire. […] J’avais 20 ans lors des grandes manifestations et ç’a été pour moi le début d’une prise de conscience sur la nécessité d’une intervention des intellectuels. Des années plus tard, j’ai voulu comprendre cette figure majeure.“ 33 Sallenave, Castor de guerre, 140. 34 Op. cit., 156sq. 35 Sallenave dans Le Magazine littéraire, op. cit., 32. 36 Sylvie Le Bon de Beauvoir/ Jacques Deguy: Simone de Beauvoir - Ecrire la liberté, Paris, Gallimard, 2008, 26. 37 Ceci vaut aussi pour ses émissions avec une radio contrôlée par le régime de Vichy et les Allemands; Le Bon de Beauvoir et Deguy exagèrent à mon avis lorsqu’ils tentent de faire apparaître ce gagne-pain (devenu nécessaire après la révocation de l’enseignement) comme un acte de résistance: „elle accepte, [...] en accord avec les consignes des écrivains antinazis du CNE, le Comité national des écrivains, un contrat pour des émissions culturelles à la radio.“ (op. cit., 27) 38 Op. cit., 26. 17 Dossier Dossier Dossier Dossier 39 Je rappelle le cas de l’auteur italien Cesare Pavese, qui au début des années trente travaillait comme professeur de lycée et qui malgré ses amitiés antifascistes était obligé de devenir membre du Partie Fasciste pour ne pas perdre son poste. 40 Op. cit., 64sq. 41 Au sujet de Bianca, Beauvoir écrivait le 13 décembre 1945 à Sartre: „Elle est la seule personne à qui nous ayons fait du mal, mais nous lui en avons fait.“ Cité d’après l’article assez critique (pour ne pas dire hostile) de Jean Montenot „Simone de Beauvoir“, dans Lire, n°362, février 2008, 92-95 (ici 92). 42 Jean-Luc Moreau: Simone de Beauvoir - Le goût d’une vie, Paris, Editions Ecriture, 2008, 12. 43 Op. cit., 153. Resümee: Thomas Stauder, Die zuletzt erschienenen Publikationen über Simone de Beauvoir in Frankreich und Deutschland. Aus der Durchsicht dieser insgesamt 14 Monographien geht eindeutig hervor, dass das Interesse nicht nur des breiten Publikums, sondern auch der Wissenschaftler und Spezialisten an Simone de Beauvoirs Leben nach wie vor größer ist als das an ihrem Werk. Ihre Aktualität im 100. Jahr ihrer Geburt besteht somit vor allem darin, dass ihre Biographie als Verkörperung der existentialistischen Freiheit und Selbstbestimmung nichts an Faszination eingebüßt hat. Damit einher geht freilich auch, dass Simone de Beauvoir sich an ihren eigenen moralischen Maßstäben messen lassen muss und nicht in allen Situationen ihres Lebens so vorbildlich gehandelt hat, wie sie es in ihren Memoiren dargestellt hat; der ehrliche Umgang mit bestimmten menschlichen Unzulänglichkeiten, welcher der Würdigung ihrer Verdienste besonders um die Frauenemanzipation nicht im Wege stehen muss, zeichnet die besseren unter den zuletzt erschienenen Biographien aus. Unter ihren Werken findet Le Deuxième Sexe heute am meisten Aufmerksamkeit, was angesichts seiner Ausstrahlung zweifellos angemessen ist; bedauert wird zu Recht weiterhin das Fehlen einer kritischen Edition.