eJournals Vox Romanica 61/1

Vox Romanica
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/
2002
611 Kristol De Stefani

Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale

2002
Andres M.  Kristol
Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale 1 1. La germanisation de la Suisse alémanique occidentale La région dont il sera question dans ces lignes a rarement fait l’objet d’études de toponymie romane. Et pourtant, les toponymes d’origine romane des régions aujourd’hui germanisées de la Suisse alémanique occidentale prolongent de toute évidence l’espace linguistique francoprovençal, et à ce titre, ils sont susceptibles d’enrichir considérablement nos connaissances en linguistique historique du galloroman oriental ancien, pour la période antérieure à la germanisation. On sait qu’à la suite de la Guerre des Gaules, toutes les régions de la Suisse actuelle situées entre les Alpes et le Rhin ont été romanisées (cf. Furger 2002: 38) 2 . Cet ancien espace roman n’a pourtant suscité que très peu d’intérêt dans la linguistique historique du galloroman, à la différence de la Romania submersa en Suisse orientale et centrale qui a été explorée depuis longtemps par de nombreux 1 Cet article - version remaniée et développée d’une conférence présentée à Lyon en automne 2001 au Congrès de la Société française d’onomastique - s’appuie sur les travaux du Dictionnaire toponymique des communes suisses (DTS), élaboré à l’Institut de dialectologie de l’Université de Neuchâtel avec le soutien du Fonds national suisse de la recherche scientifique et actuellement en voie d’achèvement. Je tiens à remercier ici les différents centres de recherche toponymique suisses qui nous ont permis d’accéder à leurs bases de données inédites (Berner Namenbuch, Berne, Luzerner Namenbuch, Lucerne, Oberwalliser Namenbuch, Brigue, Solothurner Namenbuch, Soleure, Stiftung für Orts- und Flurnamen-Forschung Baselland, Pratteln, Thurgauer Namenbuch, Kreuzlingen, Repertorio toponomastico ticinese, Bellinzona, Glossaire des patois de la Suisse romande, Neuchâtel), l’équipe des rédacteurs et documentalistes du DTS (Florence Cattin, Barbara Meroni, Philipp Obrist, Nicolas Pépin, Gabrielle Schmid, Chantal Schüle-Marro; Lionel Bartolini, Gisèle Boeri, Tania Capra, Marco Giolitto, Bernadette Gross, Gunhild Hoyer, Aude Joseph, Catherine Kristol, Julia Kuhn, Raphaël Maître, Raoul Richner, François Spangenberg) qui travaille depuis plus de quatre ans à la réalisation de ce dictionnaire et qui a rassemblé la documentation dans laquelle je puise ici. Je remercie également les membres du comité scientifique qui accompagne cette entreprise (Rolf-Max Kully, Wulf Müller, Carli Tomaschett, Stefano Vassere), en particulier Wulf Müller, avec qui la discussion a été intense et suivie. Il s’entend que les hypothèses et propositions étymologiques que je présente ici sont de mon cru et que j’en porte l’entière responsabilité. 2 Le débat des années 1930-40, suscité par Hubschmied 1938a qui croyait que des populations de langue celtique avaient survécu jusqu’à la germanisation de la Suisse alémanique, peut être considéré comme définitivement clos (cf. Boesch 1958: 4). Tous les arguments linguistiques avancés par Hubschmied pour étayer sa thèse ont été réfutés un à un, et de toute manière, si Hubschmied datait l’arrivée des Alamans au V e siècle - ce qui pouvait rendre sa thèse à peu près plausible - la recherche archéologique de la fin du XX e siècle a démontré que la germanisation du plateau suisse n’intervient que deux siècles plus tard, à partir de la fin du VI e / début du VII e siècle (cf. infra). L’idée de contacts directs entre une ancienne population de langue celtique et les colons alémaniques se trouve ainsi dépourvue de toute vraisemblance. 223 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale travaux importants. Les seuls travaux disponibles sont dus à des auteurs s’intéressant à la germanisation de cette région du point de vue de la linguistique historique allemande 3 , sans être en mesure d’évaluer toujours correctement les matériaux d’origine romane qui étaient à leur disposition, et surtout, évidemment, sans tenir compte de l’apport spécifique de ces matériaux à la connaissance du galloroman ancien. Or la réalisation de la banque de données servant de base au futur Dictionnaire toponymique des communes suisses permet désormais de jeter un nouveau regard sur cette région linguistique presque ignorée des romanistes. Je commencerai par un petit rappel chronologique. Dans la recherche historique consacrée à la germanisation de la Suisse alémanique actuelle, il est acquis que c’est dans la première moitié du VI e siècle que les Francs permettent aux Alamans installés en Allemagne du Sud de traverser le Rhin. Mais ce n’est que vers la fin du VI e siècle que l’on trouve les premières traces archéologiques d’une colonisation alémanique - encore très limitée - sur la rive gauche du Rhin, dans les régions de Bâle et de Constance surtout. Comme le soulignent Windler 1997, Haas 2000: 38 et Steiner 2002: 68, le constat archéologique pour le VI e siècle ne permet pas d’établir un rapport entre l’actuelle Suisse alémanique et le Sud de l’Allemagne, alors que les rapports avec la Burgondie et l’Est de la France restent étroits. Dans l’état actuel de nos connaissances, il ne peut être question d’une immigration alémanique importante au cours du VI e siècle. Au VII e siècle, en revanche, les liens entre le Nord de la Suisse et l’Est de la France s’estompent, et les rapports avec le Sud de l’Allemagne s’intensifient. On pense donc à l’heure actuelle que la colonisation alémanique du plateau suisse s’est produite essentiellement à partir du VII e siècle, pratiquement sans heurts avec la population romane installée sur place, aucun témoignage historique ou même légendaire ne faisant état d’accrochages dignes d’être retenus entre les deux populations 4 . Ce qui peut également être considéré comme certain, c’est que pendant deux siècles environ, jusque vers le début du IX e siècle en tout cas, il existait encore des îlots de langue romane dans les régions situées entre le Rhin et l’Aar, alors que l’arrière-pays, le plateau suisse, était déjà largement germanisé. En particulier, une présence romane relativement importante est attestée par la toponymie dans la région située immédiatement au sud de Bâle, et en aval du lac de Bienne. Évidemment, il n’existe aucun document écrit qui permettrait de retracer l’histoire de la progression de l’allemand dans l’espace situé entre le Rhin et les Alpes. Pour la plus grande partie du haut Moyen Âge, la principale source disponible, c’est le témoignage des noms de lieux. 3 Cf. en particulier Bruckner 1936, Sonderegger 1963a, 1963b, 1967, Zinsli 1962/ 63, 1965, 1971, 1977 et Glatthard 1977. Seule exception notable, la recherche de Besse 1997 qui limite son champ d’étude aux noms bilingues se trouvant à proximité de la frontière linguistique actuelle. 4 La conservation - sous forme germanisée - de la plupart des noms de lieux d’origine romane parle également en faveur d’une germanisation «en douceur», c’est-à-dire d’une lente assimilation de la population romane par la nouvelle majorité linguistique. 224 Andres Kristol 225 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale 226 Andres Kristol La carte n° 1 qui actualise les datations proposées par Gauchat/ Jeanjaquet 1912: 1 et souvent répétées depuis, esquisse les principales étapes de ce processus de germanisation. Au VIII e siècle, la frontière linguistique tend à se stabiliser dans un premier temps sur la rive droite de l’Aar, sur une ligne qui va de Soleure à Thoune. D’après Glatthard 1977, c’est au IX e siècle que la germanisation atteint le lac de Bienne ainsi que l’espace alpin au sud de Thoune. C’est dans cette même lancée que se produit la percée de l’allemand par-dessus la chaîne des Alpes, vers le Haut-Valais. Au IX e siècle, la germanisation du Haut-Valais se limite pourtant encore au cours supérieur du Rhône et au district de Brigue. Une deuxième poussée d’expansion alémanique, géographiquement moins importante, se produit entre le XI e et le XIII e siècle. Cette nouvelle vague reste nettement perceptible dans la toponymie par les noms de lieux bilingues qui se sont conservés dans la région située au sud et à l’ouest de Bienne, et dans le Haut-Valais 5 . De façon ralentie, le recul de l’espace romand se poursuit encore jusque vers la fin du Moyen Âge par la germanisation de la région située entre Viège et Salquenen dans la vallée du Rhône, où la frontière linguistique s’est stabilisée vers la fin du XV e / début du XVI e siècle. L’allemand progresse également dans la région des Trois Lacs où Morat passe à l’allemand au cours du XVI e siècle. Ce qui permet de dater cet important déplacement de la frontière linguistique, c’est essentiellement l’analyse des toponymes, et la chronologie relative des évolutions phonétiques qui se déroulent dans les parlers alémaniques du haut Moyen Âge. L’évolution la plus importante, pour la périodisation du processus de germanisation, c’est la deuxième mutation consonantique allemande qui se produit en trois vagues entre le VI e et le VIII e siècle, selon les travaux les plus récents consacrés à la linguistique historique de l’allemand (Haubrichs 1999, Schwerdt 2000). Le principe de datation est évident et bien connu; pour mémoire, les principales données sont regroupées dans le schéma n° 1. Les mots d’emprunt d’origine latine, ainsi que les toponymes galloromans que l’allemand a adoptés avant l’évolution correspondante de la deuxième mutation consonantique, participent aux transformations de celle-ci; en revanche, les éléments empruntés plus tard échappent à cette évolution et conservent une forme relativement proche de leur phonétisme d’origine. Dans les emprunts les plus anciens, les t-, pet kromans deviennent [ts], [pf] et [ ]. Dans les emprunts plus tardifs, ils deviennent [t], [b] et [g] - à moins que les [k] ne montrent les premières traces de la palatalisation romane. La mutation du -tqui date du VI e siècle est antérieure à la pénétration des Alamans en Suisse; seuls des noms comme Zurich, qui devaient être connus comme exonymes en dehors d’une Helvétie encore romaine, participent à cette évolution. pet ksubis- 5 Ces noms bilingues se trouvent en particulier dans la vallée supérieure de la Sarine (cf. p. ex. Saanen/ Gessenay), sur la rive gauche du lac de Bienne (cf. Twann/ Douanne, Tüscherz/ Daucher, etc.), dans la vallée de la Singine et dans la région des Trois Lacs (cf. des noms comme Plaffeien/ Planfayon, Anet/ Ins et Cerlier/ Erlach), ainsi que dans les districts de Viège/ Visp et de Rarogne/ Raron dans le Haut-Valais. 227 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale sent la mutation consonantique au cours des VII e -VIII e siècles. Or, en «fixant» les emprunts dans une forme qui permet de déterminer quel était leur phonétisme au moment de la germanisation, les toponymes de la Romania submersa nous fournissent des informations hautement pertinentes non seulement pour le processus de germanisation - c’est dans cette optique qu’ils ont été étudiés par la linguistique historique allemande - mais surtout aussi pour la connaissance de l’ancien francoprovençal. Leur intérêt ne se limite d’ailleurs pas à des questions de phonétique historique. Dans plusieurs cas, ils permettent également d’attester le sémantisme spécifique de certains mots d’origine latine en galloroman oriental, à cette époque très ancienne, antérieure à toute documentation écrite. Curieusement, l’intérêt de cette «base de données» naturelle pour l’histoire interne du francoprovençal semble avoir complètement échappé à la linguistique romane. 2. Quelle romanité? L’exploitation de ces matériaux demande évidemment certaines précautions méthodologiques. Ainsi, on se demandera en particulier s’il est légitime de revendiquer pour le francoprovençal une région qui est germanisée au plus tard depuis le IX e siècle. On rappellera à cet égard que Tuaillon 1972: 335 situe la «date de naissance» du francoprovençal vers la deuxième moitié du VIII e siècle, ou, pour citer Tuaillon dans le texte «quelque temps avant l’empire de Charlemagne». Cette «naissance» du francoprovençal serait la conséquence d’un détachement relativement tardif du francoprovençal d’un ancien oïlique commun, par le refus de certaines innovations spécifiques caractérisant désormais le français. Cette vision des choses et la datation proposée a été largement adoptée dans les ouvrages linguistiques consacrés à l’histoire du francoprovençal (cf. p. ex. Knecht 2000: 141). Il se pose donc la question de savoir si la Suisse alémanique occidentale, avant la germanisation, parlait tout simplement une sorte de proto-galloroman septentrional dialectalement insaisissable, impossible à attribuer à un espace dialectal précis - et par ailleurs encore relativement peu distinct des variétés romanes utilisées en Suisse orientale. En réalité, comme le démontre le récent article de Chambon/ Greub 2000, certains phénomènes linguistiques typiquement francoprovençaux peuvent déjà être identifiés dans les légendes monétaires mérovingiennes qui datent du début du VI e siècle. Cela signifie que linguistiquement, l’espace francoprovençal se dessine à une époque aussi ancienne que les autres grandes régions galloromanes. D’un point de vue théorique, l’identification de la variété romane parlée dans les régions du plateau suisse occidental avec une forme de proto-francoprovençal, avant l’arrivée des Alamans, ne pose donc aucun problème. Il y a mieux encore. Comme je tenterai de le démontrer ci-dessous, l’actuel espace alémanique situé grosso modo à l’ouest de la Reuss faisait effectivement partie d’une romanité proto-francoprovençale. Ainsi, la plus ancienne évolution 228 Andres Kristol linguistique exclusive du francoprovençal peut être retracée dans des noms de lieux qui ont été germanisés à partir du VII e siècle. L’appartenance initiale de la Suisse allemande occidentale à l’ancien francoprovençal se trouve ainsi confirmée. Un deuxième aspect dont il faudra tenir compte est le suivant. Pour des raisons qu’il est inutile d’évoquer ici, l’espace francoprovençal, depuis qu’il est saisissable dans les documents historiques, manque d’unité et se présente sous une forme fortement dialectalisée. Il faut sans doute supposer qu’il en a toujours été ainsi. Les observations qui se dégagent de l’analyse des toponymes d’origine galloromane présents dans ces anciennes marches de la romanité francoprovençale ne seront donc pas considérées d’office comme représentatives pour l’ensemble du francoprovençal ancien. Au contraire, il faut s’attendre à des évolutions tout à fait spécifiques, ce qui n’enlève évidemment rien à leur intérêt. 3. La «francoprovençalité» de la Suisse alémanique occidentale 3.0 Le phénomène linguistique le plus ancien qui permet d’identifier le francoprovençal comme langue galloromane indépendante et bien caractérisée, c’est la réduction du groupe latin -tianà [tsin], [dzin], attestée grâce aux légendes monétaires mérovingiennes depuis la première moitié du VI e siècle (Chambon/ Greub 2000: 170). Dans la mesure où il est possible d’identifier cette évolution dans des noms de lieux alémaniques germanisés après cette date, l’appartenance de la région concernée à l’espace proto-francoprovençal ne peut guère faire de doute. Or, il existe un petit groupe de noms de localités alémaniques dont l’explication étymologique, jusqu’ici, a fait problème, mais qui trouvent une explication parfaitement satisfaisante et cohérente lorsqu’on les place dans le cadre de l’évolution francoprovençale -ianu -in. C’est le cas en particulier des noms de Bünzen AG, Bözen AG, Herznach AG, et éventuellement de Möhlin AG. Ces quatre localités argoviennes se trouvent toutes dans l’arrière-pays des principaux centres romains de l’actuelle Suisse alémanique, à savoir Augst (Augusta) et Windisch (Vindonissa, cf. carte n° 2); les quatre localités possèdent des vestiges romains et leurs noms pourraient donc fort bien avoir désigné à l’origine des villae romaines par le moyen du suffixe patronymique latin -(i)anum 6 . 6 Comme vient de le rappeler Müller 2001: 177s. pour la Suisse romande, la plupart des noms de lieux formés en -ianum se trouvent à proximité des principales villes de l’Helvétie romaine, en particulier Nyon; ils désignent sans doute des implantations romaines (fonctionnaires, vétérans de l’armée, etc.), à la différence des noms de lieux galloromains formés en -(i)acum. 229 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale 3.1 Bünzen AG 7 Aebischer 1927: 31 propose d’expliquer Bünzen par une formation galloromaine du type *(fundum/ praedium) Pontiniacum ‘domaine de Pontinius’ 8 , sans expliquer de quelle manière *Pontiniacum aurait pu devenir Bünzen(ach). Étant donné que l’évolution -t- -z-, dans le cadre de la deuxième mutation consonantique allemande, précède celle de -p- -pf-, la transformation du -tde *Pontiniacum en -zaurait dû être suivie par celle du -p-; *Pontiniacum aurait dû aboutir à *Pfünzen(ach). Selon Geiger 1965: 245s., Bünzen pourrait remonter à un toponyme ou un hydronyme formé sur la base hydronymique celtique pont, fréquente dans les Îles britanniques. Elle ne précise pourtant pas de quelle manière s’expliquerait le nom actuel; en outre, comme le souligne Zehnder 1991: 118, cet étymon ne semble pas attesté en celtique continental, en tout cas pas dans notre région. Pour Greule 1973: 109s., il est tout d’abord évident qu’aucune explication germanique du nom ne peut être envisagée, et qu’il faut partir d’un étymon latin ou prélatin. Pour contourner les problèmes phonétiques soulevés par l’explication d’Aebischer, il postule donc comme point de départ un nom de rivière *Pont na, dérivé éventuellement de lat. ponte (cf. la localité autrichienne Pfünzen qui s’expliquerait de la même manière), avec un transfert secondaire à la localité. Les Alamans auraient appris le nom de la *Pontina avant la deuxième mutation consonantique et l’auraient transformé en *Pfunzina. En revanche, la vallée supérieure de la Bünz n’aurait été colonisée que tardivement par les Alamans, et le nom de la localité homonyme *Pontina, habitée par une population de langue romane, aurait été adopté dans un deuxième temps par l’allemand sous la forme *Buntina, après la deuxième mutation consonantique, c’est-à-dire après le VIII e siècle. La forme historique Bunzina ( Bünzen) résulterait ainsi d’un compromis, d’une interaction entre le nom de la rivière et celui de la localité. Dernier en date à tenter une explication du nom, Zehnder 1991: 117 propose un nom de lieu latin (roman) *(villa) pont na ‘domaine situé près du pont’ sémantiquement peu convaincante et qui, d’un point de vue phonétique, présente les mêmes défauts que l’explication d’Aebischer: *Pont na aboutirait également à *Pfünzen si l’emprunt était ancien, et à *Bünten, s’il était postérieur à la deuxième mutation consonantique. Si les explications d’Aebischer et de Zehnder doivent être rejetées pour des raisons évidentes de phonétique historique, celle de Greule paraît hautement spéculative et historiquement problématique. Rien ne justifie l’idée d’un double emprunt et d’une double évolution du même nom. En outre, il est certain que l’arrivée des Alamans et la germanisation de la vallée de la Bünz est postérieure à la première phase de la mutation consonantique (-t- -z-). Ainsi, une forme aléma- 7 Attestations historiques: 1259 de Bunzina, 1273 in Bunzena, 1288 de Bunzenach. Les indications documentaires précises pour tous les noms mentionnés dans cet article seront disponibles dans le DTS, dont la parution est imminente. 8 L’âge de la localité semble garanti par la découverte de monnaies romaines à Bünzen. 230 Andres Kristol nique *Pfunzina n’a probablement jamais pu se développer. En revanche, lorsqu’on place ce nom de lieu dans le cadre de l’évolution francoprovençale -ianu -in évoquée plus haut, il devient facile de l’expliquer sans la moindre entorse à la phonétique historique, et sans le recours improbable à une influence croisée de formes alémaniques et romanes. Il suffit de postuler une forme latine *(villa) Ponti na ‘domaine de Pontius’ 9 ; une telle forme deviendrait régulièrement *Pontsina en latin tardif et expliquerait ainsi l’apparition du [ts] à une époque bien plus ancienne que la deuxième mutation consonantique allemande. Ensuite, dans le cadre d’une germanisation postérieure au VII e siècle, l’évolution phonétique *Ponti na *[pon’tsi: na] Bunzina est régulière; c’est au plus tard à ce stade que le nom de lieu aurait également été transféré à la rivière 10 . 3.2 Bözen AG 11 Selon Zehnder 1991: 106, seul à avoir tenté une explication de ce nom, Bözen remonterait à un nom de montagne celtique *vo-c to-n ‘taillis, sous-bois’ avec le sens de ‘région boisée avec de nombreux bosquets’ ( celtique vo ‘sous’ + celtique k to-, c to- ‘bois’). Cet oronyme celtique aurait d’abord été romanisé, puis germanisé et aurait abouti à *Bö-ze en moyen haut allemand. Le nom de lieu Bözen signifierait donc ‘localité située près du mont *Voc tum’. Cette explication n’est guère convaincante. Le vceltique initial ne devient bni en roman ni en germanique. Il reste ven roman et devient wou fen germanique, en fonction du moment de la germanisation (cf. Besse 1997: 781s) 12 . Quant au -tde la forme romanisée *vo-c tum, il se conserverait jusqu’au moment de la germanisation du nord de la Suisse alémanique et devrait laisser des traces dans les attestations historiques et dans la forme actuelle 13 . Enfin, la métaphonie allemande -o- -öne peut se justifier à partir de *vo-c tum. En revanche, comme dans le cas de Bünzen, la forme Bözen s’expliquerait aisément à partir d’un patronyme latin *(fundum, praedium) Potianum ‘domaine de Potius’ 14 . A travers l’évolution francoprovençale -tianum [tsin/ dzin], *Potianum devient *[podzin]. Dans le cadre d’une germanisation postérieure au VII e siècle, le proman initial devient b-; la métaphonie -o- -öest déclenchée par le -ide la syllabe finale. 9 Le gentilice Pontius est évidemment bien attesté et a laissé plusieurs reflets toponymiques en France, cf. Morlet 1985: 161. 10 La double évolution postérieure de Bunzina Bünzen / Bünz n’est pas rare dans l’espace linguistique allemand (Greule 1973: 109). 11 Attestations historiques: 1284 ze Boze, 1303-08 ze Bo e tzen, 1364 [env.] in villa Bo e tzin. 12 Pour les noms de lieux modernes qui remontent au celtique uocaiton, uoceton ‘sous-bois’, cf. Voceto, Italie, Vougeot Voget, Côte-d’Or, France et Watchet, Grande-Bretagne (Delamarre 2001: 273). 13 Cf. ci-dessous (5.2) le nom de lieu Golaten BE (983-93 Gulada lat. *colata). 14 Une villa romaine à Bözen est attestée; pour le gentilice Potius cf. Schulze 1904: 216. 231 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale 3.3 Herznach AG 15 Le nom de Herznach a donné lieu à de nombreuses tentatives d’explication. Förstemann 1913/ 1: 1370 postule une formation avec l’ancien allemand hiruz, hirz ‘cerf’, ce qui ne permet pas d’expliquer les formes historiques de manière satisfaisante (cf. Zehnder 1991: 196). Selon Oettli 1945: 22, Herznach serait formé d’un nom de personne germanique non identifié et du suffixe toponymique celtique -akos/ -acum. Une telle explication peut être définitivement écartée; le suffixe 15 Attestations historiques: 1143 Hércina, 1173-80 Hercena, 1234 Herzinach, 1269 Hercenna, 1269 Hercina, 1286 Herzen. Les formes apparemment plus anciennes 1097 Hercenahc, 1101-50 Herznach proviennent de faux ou de copies plus tardives. Carte n ° 2: Toponymes argoviens formés vraisemblablement en -ianum/ -ianam > -in/ -ina Bözen Augst Windisch Bünzen Möhlin Herznach 232 Andres Kristol -akos/ -acum n’a plus de productivité à une époque postérieure à la germanisation de la Suisse alémanique; de fait, le corpus du DTS ne comprend pas une seule formation hybride germano-celtique. Tschopp 1961: 427 et 430 propose d’expliquer Herznach comme formation avec un nom de personne germanique Heirzo; il s’agirait d’un composé avec l’ancien haut allemand aha ‘eau, rivière’. Cette proposition est rejetée à juste titre par Zehnder 1991: 196. *Heirzo est inconnu dans les documentations disponibles d’anthroponymie germanique, et une formation avec -aha est exclue au vu des formes historiques. Selon Zehnder 1991: 195 lui-même, Herznach remonterait à un galloromain *Artiniacum ‘domaine d’Artinius’. Les formes historiques s’expliqueraient par la prothèse d’un hinitial (cette évolution a effectivement de nombreux parallélismes dans les noms de lieux alémaniques), la métaphonie du ainitial ( e-) devant -i-, un passage du -tà -zderrière -r- (sic) et le passage du -kà -ch- ( *Herzinacha); par la suite, le -a final et le -ch devenu final se seraient amuïs ( Herzina). La critique de Zehnder 1991: 196 à l’égard de toutes les explications antérieures est sans doute justifiée. Celles-ci reposent sur de fausses prémisses et ne peuvent expliquer les attestations historiques de manière satisfaisante. Sa propre proposition n’est pourtant pas entièrement convaincante non plus; en particulier, son argumentation phonétique au sujet de l’évolution du groupe consonantique -rta tout l’air d’une explication de circonstance. Comme Bünzen et Bözen, Herznach se trouve dans une région qui a été germanisée au plus tôt au VII e siècle. Pas plus que celui de Bünzen (cf. 3.1), ce nom ne peut donc avoir participé à la mutation germanique -t- -z-; de toute façon, une évolution romane analogue dans *Artiniacum est inconnue. On pourrait donc être tenté d’expliquer ce nom comme formation avec le nom de personne latin bien attesté Aric nus, Aric nius (Schulze 1904: 527; Kajanto 1965: 181), syncopé en *Arc nus, *Arc nius; *Arcini cum pourrait effectivement aboutir à Herzinach Herznach. La proposition de Zehnder d’expliquer Herznach comme forme en -acum n’est pourtant pas la seule possible. A l’instar des attestations historiques pour Bünzen (Bunzina, Bunzena, Búnzen) et Bözen (Bo e tzen, Bo e tzin), les formes disponibles pour Herznach (1143 Hércina, 1173-80 Hercena, 1286 Herzen, etc.) évoquent plutôt une formation latine du type *(villa) Arci na, du gentilice latin Arcius (cf. Schulze 1904: 126s.; Morlet 1985: 25). Une fois de plus, la phonétique de l’ancien francoprovençal transformerait *Arci na en *[ar’tsi: na]; par la suite, l’évolution en allemand serait évidemment analogue à celle que propose Zehnder (déplacement de l’accent sur la première syllabe, prothèse de het métaphonie du -a- Hércina, Hercena. Dans ce cas, la forme actuelle Herznach serait tardive; elle s’expliquerait par une influence analogique des nombreux noms de lieux en -ach de la région (Mandach, Reinach, Zurzach, Sissach, etc.). Étant donné l’absence d’attestations historiques plus anciennes, il est pourtant difficile de trancher, et je considère qu’une explication par une forme galloromaine *Ar(i)cini cum *Arzinach Herznach reste également plausible. 233 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale 3.4 Möhlin AG 16 Depuis Bach 1952-53,2 2 : 53s. (cf. Boesch 1965: 1, Geiger 1965: 237s., Greule 1973: 139, 205s., Zehnder 1991: 274s.), Möhlin est généralement considéré comme un nom de lieu secondaire, remontant à un ancien hydronyme; par la suite, la rivière correspondante aurait été renommée Möhlinbach. L’hydronyme n’est pourtant pas expliqué de la même manière par les différents auteurs. Bach croit pouvoir l’identifier avec l’adjectif de couleur celtique *melinos ‘jaune’; la Melina serait donc la ‘rivière jaune’ (ou ‘dorée’). Geiger, qui adopte cette proposition, postule un étymon celtique *Melana. Greule rejette cette explication; selon lui, les attestations historiques et la forme actuelle ne peuvent s’expliquer que sur une base hydronymique celtique *mal n ( Melina, avec une métaphonie postérieure à la germanisation); le celtique *mal n ‘marée’ serait en rapport avec le latin tardif malina ( français maline ‘marée d’équinoxe’; cf. FEW 6 1 : 109). Selon Greule, le nom évoquerait les crues de la rivière. Cette explication est adoptée par Zehnder. Si, d’un point de vue phonétique, l’explication de Greule est sans doute meilleure que celle de Bach et de Geiger, elle n’est pourtant pas entièrement convaincante. Elle applique une notion maritime, attestée tout d’abord en Espagne, chez Isidore de Séville, et employée surtout sur les côtes de l’Atlantique, à une rivière helvétique peu importante 17 . Par conséquent, j’envisagerais une fois de plus l’éventualité d’une formation latine, à savoir le nom d’une propriété romaine, *(villa) Mal(l)iana ‘domaine de Malius, Mallius’. Le gentilice Malius/ Mallius est effectivement bien attesté (Schulze 1904: 124, 128); il se trouve à plusieurs reprises dans des noms de lieux du Nord de la Gaule et en particulier à Trèves (Morlet 1985: 126s.). De même, une villa romaine a été découverte à Möhlin. Dans ce cas aussi, l’évolution ultérieure de la forme s’expliquerait par le phonétisme francoprovençal (*Mal(l)iana *Malina); par la suite, comme dans l’explication de Greule, les formes attestées depuis la fin du VIII e siècle (Melina) reflèteraient évidemment la métaphonie allemande. 3.5 Il est vrai que, pris individuellement, tous les noms de lieux évoqués jusqu’ici ont une explication controversée, et je ne prétendrais pas qu’ils remontent effectivement sans exception à un nom de propriété romaine formé en -ianum/ -ianam. Pris ensemble, ils semblent pourtant former un réseau cohérent, illustrant un même principe de formation. Il ne peut donc guère y avoir de doute que l’évolution francoprovençale -ianum -in est bel et bien attestée dans une région alémanique située au sud du Rhin et à l’ouest de la Reuss, germanisée entre le VII e et le IX e siècle. A l’instar des monnaies mérovingiennes étudiées par Chambon/ Greub 2000, elles attestent à leur manière la spécificité linguistique du fran- 16 Attestations historiques: 794 ad villam Melina, 1048 in villis Melin et Gurbulin, 1222 Melin, 1227 Meli. 17 Selon Zehnder 1991: 274, la Melina/ Möhlinbach aurait pourtant souvent provoqué des inondations. 234 Andres Kristol coprovençal depuis le VI e siècle 18 . Il me paraît donc légitime de «revendiquer» pour le (proto-)francoprovençal les noms de lieux d’origine latine que j’étudie ici. 4. Le phonétisme du francoprovençal ancien 4.1 Gampelen BE 19 Un premier exemple très simple me permettra d’illustrer l’intérêt de ces noms de lieux pour une meilleure connaissance des évolutions phonétiques qui ont caractérisé la frange orientale du francoprovençal, à une époque antérieure à toute documentation écrite. Le village de Gampelen (Champion en français, [ts ’pjø] en francoprovençal) se trouve à deux kilomètres de la frontière linguistique actuelle, du côté alémanique, entre Morat (Murten) et Cerlier (Erlach). Gampelen est évidemment un toponyme d’origine romane, c’est un dérivé de campus. La forme précise du suffixe est controversée, mais c’est une question sans importance pour mon propos. Ce qui m’intéresse, c’est la consonne initiale. Parmi les langues galloromanes, le francoprovençal est réputé pour la palatalisation des consonnes vélaires latines, une palatalisation qui, en règle générale, va beaucoup plus loin que les évolutions analogues du français. Je rappelle aussi que selon la chronologie généralement admise en phonétique historique du français depuis Straka 1956: 258, la palatalisation du klatin devant -aest datée de la première moitié du V e siècle. Seules deux régions oïliques particulièrement conservatrices à cet égard, à savoir le picard et une partie du normand, ont conservé le timbre de la consonne latine 20 . Dans le cas de Gampelen/ Champion, le ginitial de la forme alémanique est évidemment l’aboutissement régulier du [k] latin tel qu’il apparaît dans tous les emprunts postérieurs à la deuxième mutation consonantique. Si l’emprunt était plus ancien, le [k] latin serait devenu [ ] (cf. ci-dessus, schéma n° 1); il est impossible que le nom de Gampelen ait été emprunté avant le IX e siècle. Ce constat est parfaitement en accord avec l’histoire locale: l’implantation d’une population germanophone au sud-ouest du lac de Bienne avant le X e siècle est improbable. L’importance de cette observation pour la phonétique historique du francoprovençal oriental saute aux yeux: au moment où la population germanophone s’installe dans la région et emprunte ce nom de lieu, la palatalisation du [k] devant [a] n’a pas encore eu lieu. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les colons alémaniques ont perçu un son qui, 18 Les noms de lieux en -ianum -in de l’arrière-pays de Nyon (cf. N6 ci-dessus) présentent le même phénomène phonétique, mais ne fournissent évidemment aucune information quant à l’âge de cette évolution. 19 Attestations historiques: avant 1000 Jampluns, 1179 Champlun, 1225 [env.] Gamplunch, 1228 Champlun, 1229-30 Kamplunc, 1285 Champlon, 1288 Gamplon. 20 Cf. en dernier lieu les réflexions de Lepelley 2001 à ce sujet. 235 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale pour eux, s’identifiait encore à une consonne vélaire 21 . Peu de temps après, pourtant, comme le montre la première attestation du X e siècle (Jampluns), la palatalisation romane se met en route, et dès le XII e siècle, les graphies montrent que notre région a rejoint l’évolution normale de la palatalisation francoprovençale. Je me garderais évidemment de tirer une conclusion trop rapide d’un exemple isolé, mais le corpus du DTS contient une douzaine de cas analogues au moins, répartis sur toute la longueur de la frontière linguistique entre le galloroman et l’allemand au IX e siècle, de Gempen SO ( lat. camp nia, dans l’arrière-pays de Bâle, germanisé au IX e siècle selon Kully 1999: 25) à Gampel VS (dérivé lui aussi du lat. campus; cf. Kristol, sous presse). Il ne peut pas y avoir le moindre doute qu’en francoprovençal oriental, la palatalisation du [k] en position forte devant [a] ( [tS] [ts], etc.) se produit après le IX e siècle, cinq siècles environ après l’évolution analogue en français. Ce conservatisme de nos parlers ne les empêche pourtant pas de rattraper la palatalisation française dans l’espace d’un siècle et demi, et même, souvent, de la dépasser, comme le montrent les parlers modernes. 4.2 Nuglar SO/ Nugerol NE Le conservatisme du francoprovençal oriental du IX e siècle ne se limite pas au traitement du kinitial devant -a-. C’est ce que j’illustrerai sur la base des noms de lieux du type Nuglar SO/ Nugerol NE qui montrent le traitement de -ket de -glatins en position intervocalique. Selon l’enseignement généralement admis depuis Straka 1964: 59s., la «fausse palatalisation» de -k-/ -gintervocaliques devant -aen [j] en français (comme dans pacare payer) est simultanée ou même antérieure à la palatalisation du kaen position initiale ou postconsonantique; elle remonterait à la fin du IV e ou au tout début du V e siècle. Comme le montrent les formes dialectales modernes (p yi, etc.; Tabl. n° 296), le francoprovençal participe à cette évolution. Or, dans notre région, jusqu’au IX e siècle, les toponymes d’origine romane ont été adoptés par les colons alémaniques avec un -gintervocalique conservé. J’en conclus que l’histoire phonétique des palatalisations dans l’espace galloroman devra encore être considérablement affinée d’un point de vue géolinguistique. Un premier exemple de ce type, c’est le nom de la commune de Nuglar SO 22 qui se trouve légèrement au sud de Bâle, dans la même région que Gempen (cf. ci-dessus), une région pour laquelle tous les indices toponymiques permettent de conclure que la germanisation s’est produite après le VIII e siècle. Comme le montrent les attestations les plus anciennes du type Nugerolo, ce nom de lieu remonte à un latin *nucariolum, diminutif de *nucarium ‘noyer’. 21 Il s’agissait sans doute d’une consonne légèrement palatalisée ([k j ], [k˘ ]). 22 Attestations historiques: 1147 Nugerolo, 1156 Nugerol, 1275 Nv e gerol, 1289 Nugeron, 1372 Nugron, 1436 Nuglen, 1458 Nugler. 236 Andres Kristol Le même type lexical se retrouve plusieurs fois dans la toponymie romande (cf. par exemple Neyruz FR 23 et VD 24 ), donc dans des régions restées romanes; toutes les attestations historiques pour ces localités, disponibles à partir du XII e siècle, montrent l’effacement régulier du -gintervocalique. En revanche, on opposera à ces exemples le nom de la localité historique de Nugerol/ Neureux 25 qui se trouvait sur le territoire actuel du Landeron NE et de La Neuveville BE au nord du lac de Bienne, dans une région restée romane jusqu’à nos jours, mais située à une courte distance de la frontière linguistique actuelle 26 . Ce qui est intéressant dans ce dernier cas, c’est que les formes romanes, à partir du XI e siècle, montrent l’effacement régulier du -gintervocalique, alors que dans les formes exonymiques allemandes, qui coïncident avec celles de Nuglar SO, le -gintervocalique reste conservé. De toute évidence, cela signifie que les colons alémaniques qui arrivent dans la région au IX e -X e siècle, ont entendu un son qu’ils ont pu identifier avec un [g] occlusif 27 ; en tout cas, la chute définitive de la consonne ne s’était pas encore produite. Pour cette deuxième évolution aussi, le corpus du DTS contient plusieurs cas analogues, en particulier dans les régions du Haut-Valais qui ont été germanisées à partir du IX e siècle. L’exemple le plus évident, ici, c’est celui de Agarn VS 28 (cf. Kristol, à paraître), avec son exonyme romand Ayer ( celtique *akaros, cf. GPSR 2: 174s.) où la forme alémanique conserve le -gintervocalique, alors que dans la forme romane l’effacement de la consonne s’est produit régulièrement, sans doute entre le IX e et le XI e siècle, comme dans Nugerol/ Neureux: malgré son conservatisme initial, le francoprovençal oriental a rapidement rattrapé l’évolution ordinaire du galloroman septentrional. 4.3 Büchslen FR 29 L’intérêt des toponymes alémaniques d’origine romane pour la connaissance des évolutions linguistiques internes du francoprovençal oriental se retrouve évidemment pour des phénomènes nettement plus tardifs. Même si, à partir du XI e siècle, 23 Attestations historiques: 1138 Nuruos, 1137 Nuerus, avant 1142 Nuruos, 1155 Nuruz. 24 Attestations historiques: 1147 Noeruls, Nuruls, 1177 Nuiruil, 1182 Nuruol, 1168 Nuirul, 1261 Nyroul. 25 Attestations historiques: 866 Nogerolis, 968 Nugerolis, 1001-31 Nuerolus, 1001-31 Nugirolis, 1173 No v gerols, 1178 Nugheroule, 1185 Nuerol, 1195 Nurul, 1246 Nureux, 1277 Niruuz. 26 La «neuve ville de la tour de Nuruz» (Nugerol) a été détruite en 1309 dans une guerre qui opposait les Neuchâtel à l’évêque de Bâle. 27 Je n’excluerais pas qu’il se soit agi d’un [ γ ] fricatif. 28 Attestations historiques: 1229 Aer, 1252 Aert, 1267 Ayert, 1271 Aert, 1391 Ageren, 1466 Ayert, 1472 Agaren, 1670 Agarn. Les formes alémaniques qui conservent le -gsont plus récentes, mais remontent sans aucun doute à une tradition orale plus ancienne. 29 Büchslen se trouve à quelques kilomètres à l’est de Morat. Ce nom se prononce [’bY sl¿] en dialecte alémanique, et j’insiste sur la prononciation avec [ ] qui a échappé à Besse 1997: 77, ce qui induit cette auteure à proposer une tentative d’explication peu convaincante. 237 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale les témoignages écrits deviennent plus fréquents et que par ce biais, l’évolution interne de nos parlers est plus facile à cerner, les toponymes de la zone germanisée après le IX e siècle sont parfois de précieux témoins qui reflètent une ancienne prononciation vernaculaire romane et nous réservent ainsi leur lot d’informations sur le francoprovençal ancien. C’est ce que je montrerai ici sur la base du nom de Büchslen FR (Buchillon en français) 30 . Le type lexical buchillon ‘éclat de bois, copeau, tavillon (bardeau)’ est bien attesté dans les lieux-dits de Suisse romande. Il s’agit d’un diminutif de buchille ‘planche de bois’ (GPSR 2: 877s.; Bossard/ Chavan 2 1990: 164); buchille, à son tour, est un diminutif de bûche, qui remonte au germanique *b sca ‘bois de chauffage’ (FEW I: 647). Les attestations telles que 1478 Butschillion et 1498 Butzillion reflètent les prononciations affriquées typiquement francoprovençales issues de la palatalisation du cdevant -a-. La forme alémanique Büchslen remonte au même étymon. Le [ ] de cette forme reflète l’évolution francoprovençale du -spréconsonantique de *b sca, qui devient [ ] avant de s’effacer complètement. Cette évolution qui s’est produite dans la plupart des parlers français au cours du XII e / XIII e siècle est bien attestée dans les toponymes et les anthroponymes fribourgeois, entre le XIII e et le début du XVI e siècle 31 . Dans ce cas précis, l’évolution phonétique, dans notre région, se produit ainsi à la même époque que dans d’autres régions plutôt conservatrices du galloroman septentrional: on possède à ce sujet le témoignage explicite des grammairiens du français en Angleterre, entre le début du XIV e et le début du XV e siècle, qui attestent le maintien d’une prononciation fricative après le relâchement du -s- (cf. Kristol 1994: 77). L’intérêt de la forme alémanique Büchslen, dans ce contexte, c’est évidemment le fait qu’elle conserve jusqu’à nos jours le phonétisme francoprovençal de la fin du Moyen Âge 32 . 30 Attestations historiques: 1339 Buchillion, 1339 Buschillion, 1340 Buschillon, 1478 Butschillion, 1496 Butzillion, 1509 Buchslen. Comme dans le cas d’Agarn VS (cf. N28), la forme alémanique Buchslen qui apparaît pour la première fois au début du XVI e siècle remonte sans doute à une tradition orale plus ancienne. 31 Ainsi, un notaire de Morat de la fin du XV e siècle signe Johannes Chastel en français (1480) et Johannes Tschachti en allemand (1509), cf. Roth 1965: 245. Ce [ ] préconsonantique s’est d’ailleurs conservé dans certains parlers valdôtains; cf. Keller 1958: 72s. 32 Si les toponymes alémaniques d’origine romane nous renseignent ainsi sur le phonétisme du francoprovençal ancien, en sens inverse, une maîtrise correcte de la phonétique historique du francoprovençal permet aussi de «démasquer» de fausses étymologies romanes qui ont été proposées par la recherche consacrée aux toponymes alémaniques. Ainsi, pour le village de Biglen BE (Biglun depuis la première attestation connue de 1236; la forme latinisée 894 Pigiluna provient d’une copie très tardive), Hubschmied 1938b: 725 proposait un étymon latin *picula ‘arbre produisant de la poix’ qui aurait abouti à *pigola en roman et ensuite à *pigella ‘sapin’, par changement de suffixe. Ensuite, *pigella aurait été affublé du suffixe collectif celtique -on ; *pigellona signifierait ‘forêt de sapins’ et serait la base du nom actuel. Cette explication plutôt téméraire a été reprise sans la moindre critique par de nombreuses publications consacrées à la toponymie alémanique. En réalité, la proposition de Hubschmied est irrecevable, aussi bien en ce qui concerne son phonétisme que son mode de formation: (1) Si un hypothétique *pigellona avait été adop- 238 Andres Kristol 5. Lexique et sémantisme francoprovençal 5.0 Comme le montrent les quelques exemples que nous venons d’examiner, l’intérêt des toponymes alémaniques d’origine romane pour la connaissance de la phonétique historique du francoprovençal est évident. Mais leur apport est également considérable pour l’histoire du lexique et du sémantisme de l’ancien francoprovençal. Du même coup, leur analyse permet d’élucider plus d’une question ouverte de la toponymie alémanique. 5.1 Niedermuhlern BE 33 Le village de Niedermuhlern se trouve à une dizaine de kilomètres au sud de Berne. Hubschmied 1938b: 728 a expliqué ce nom - il avait certainement tort - par un latin m l ria, auquel il attribuait le sens de ‘carrière’ et en particulier ‘carrière dont on extrait des meules’. Faute de mieux, apparemment, la proposition de Hubschmied a été reprise par Glatthard 1977: 247s. Comme l’a montré Glatthard (cf. carte n° 3), le type toponymique Muhlern est relativement fréquent dans une région qui forme un grand cercle autour de Berne. Cette région serait donc caractérisée par une densité insolite de carrières: le besoin de meules y aurait été massivement supérieur à la normale. En réalité, les pseudo-molaria de Hubschmied constituent de toute évidence un prolongement oriental de la zone des mollards francoprovençaux décrite par Gardette 1959. La vérification de terrain à Niedermuhlern permet de constater immédiatement que cette localité se trouve en effet au pied d’un mollard ‘élévation de terrain, tertre, talus’ caractéristique, dans une région agricole où on ne trouve pas la moindre trace d’une carrière; la géologie de l’endroit ne s’y prêterait d’ailleurs pas. Mais ce n’est pas ce qui m’intéresse le plus dans cet exemple. Étant donné que la région de Niedermuhlern, comme le reste de cette zone bernoise des mollards, a été germanisée vers le IX e siècle, ces toponymes nous offrent une information de sémantique historique qui serait sans doute difficile à obtenir au cœur de l’espace francoprovençal: leur témoignage permet de confirmer que le sémantisme typiquement francoprovençal du latin molaris - qui permettait son emploi en toponymie - était déjà parfaitement courant au VIII e siècle. té par l’allemand à époque ancienne, il aurait dû participer à la mutation consonantique allemande ( pf-), ce qui n’est manifestement pas le cas. (2) Dans une forme romane non syncopée *pigellona, le -gdevant -eou -ine peut pas se conserver comme [g]. (3) Si *pigellona avait été syncopé en *piglóna, le groupe -glaurait dû se palataliser en [ ]. (4) Un nom hybride formé d’une base (hypothétique) *pigella du latin tardif et d’un suffixe celtique est difficilement concevable. Tout compte fait, il semble donc bien plus vraisemblable que Biglen se rattache à une étymologie germanique (nom de personne Bikilo, Förstemann 1900: 301 ou *Bigilo, diminutif de Bicco, Förstemann 1900: 302). 33 Attestations historiques: 1241 Mu e lerrun, 1295 Mulerron, 1317 Mu o leren, 1389 nider Muleron. 239 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale Berne Biel/ Bienne Neuchâtel Fribourg Source: Glatthard 1977: 249. Carte n ° 3: Les Muelere de la région bernoise 240 Andres Kristol 5.2 Golaten BE 34 Dans toutes les publications consacrées à la toponymie alémanique, depuis la fin du XIX e siècle (cf. Zimmerli 1895: 14; Probst 1936: 64; Hubschmied 1938a: 136; Zinsli 1945: 320; Oettli 1945: 109; Roth 1965: 51; Schwab 1971: 49; SchwId. 2: 216; BENB 2: 76), le nom de lieu Golaten est expliqué comme reflétant un alémanique G leten ‘amas de pierres désordonné’, dérivé de G l, Goll ‘caillasse, pierraille’ au moyen du suffixe ancien haut allemand ta, moyen haut allemand te, alémanique -ete qui désigne des endroits où un objet donné se trouve en grande quantité. Cette explication paraît pourtant difficilement acceptable à la lumière de la première attestation (983-93 Gulada) qui ne peut pas remonter à la forme germanique proposée, qui est clairement de facture romane et reflète fidèlement - avec l’adaptation régulière du kinitial roman en g- - le phonétisme d’une forme romane *colada du IX e siècle, empruntée après la deuxième mutation consonantique allemande 35 . Golaten se trouve en effet sur la rive gauche de la Sarine dans une région qui n’a été germanisée qu’à partir du IX e siècle. Il paraît donc plus raisonnable d’expliquer ce nom par l’ancien participe colata (du lat. c l re ‘filtrer’ qui a pris le sens de ‘couler, glisser’ dès l’époque latine); colata 36 est un type toponymique fréquent qui peut désigner des glissements de terrain, mais aussi des passages étroits (FEW 2 2 : 880b) et des vallons (FEW 2 2 : 885a). L’emplacement géographique de la localité correspond parfaitement à cette définition. Golaten illustre et atteste ainsi à son tour l’emploi toponymique, dès avant le IX e siècle, d’un type lexical roman, figé dans sa forme alémanique. 5.3 Treiten BE 37 Un dernier exemple qui me permet de montrer de quelle manière la toponymie francoprovençale, tout en élucidant certains «mystères» de la toponymie alémanique, permet d’affiner nos connaissances du francoprovençal ancien, concerne le village de Treiten BE, situé au sud du lac de Bienne. Ce village porte un nom dont l’origine prégermanique est communément admise, mais qui n’a pas encore été expliqué de façon satisfaisante. Au sujet de ce nom, Zinsli 1974: 70, 90 rapporte - et rejette, sans proposer d’alternative - une explication non publiée de Hubschmied, déposée au fichier du BENB. Celle-ci propose - comme c’est (trop) souvent le cas 34 Attestations historiques: 983-93 villa que dicitur Gulada, 1277 Golatun, 1287 Guolathun, 1340 Golaton, 1389 Golaten. Forme alémanique actuelle: [’gOl¿t¿]. 35 Évidemment, il n’est pas exclu que par la suite, cette forme ait été influencée phonétiquement et remotivée par l’alémanique G l. 36 Cf. fr. coulée et les lieux-dits romands Coulayes ‘coulée, éboulement’ qui représentent le même type lexical dans sa forme francoprovençale; GPSR 4: 384, Bossard/ Chavan 2 1990: 109. 37 Attestations historiques: 851 (copie tardive) villa . . . vocatur Treitun, 1221 Treiton, 1225-29 Treitun, 1284 Treton, 1345 Treyton, 1381 Treiten. 241 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale chez Hubschmied - un étymon celtique, en l’occurrence *traget- ‘pied’, avec un pluriel *tragetaron(o), auquel Hubschmied attribue le sens de ‘passage dans un terrain marécageux qu’il faut traverser à grands pas’. L’explication est belle, très imagée en tout cas; elle illustre la «méthode de travail» de Hubschmied qui forgeait souvent ses étymologies à partir de l’idée qu’il se faisait d’un endroit donné . . . En réalité, comme l’a relevé Zinsli et comme Hubschmied aurait pu le constater s’il avait pris la peine de se rendre sur place, le village de Treiten ne s’est jamais trouvé dans un endroit marécageux. Treiten est situé sur une légère butte au pied d’une falaise caractéristique 38 . Je proposerais donc de ranger définitivement aux oubliettes la proposition de Hubschmied et d’expliquer ce nom de manière beaucoup plus prosaïque par le latin directu- ( *dreit en ancien francoprovençal et français), avec le sens de ‘raide, fortement penché, abrupt, vertical’ qui est bien attesté dans la toponymie romande (GPSR 5 2 : 946). Le nom signifierait donc ‘auprès du rocher vertical’. Si mon hypothèse est exacte, Treiten représenterait tout simplement un des sens de dreit en ancien francoprovençal: dans la mesure où nous réussissons à les identifier et à les comprendre, les toponymes d’origine romane conservés en Suisse alémanique voisine forment ainsi l’ébauche d’un dictionnaire du francoprovençal prélittéraire qui attend d’être complété et affiné. 6. Conclusion Les travaux préparatifs du DTS m’ont donné l’occasion de passer en revue et de réexaminer l’ensemble des noms des communes suisses, environ 3000 noms, une simple «pointe de l’iceberg», quand on tient compte des centaines de milliers de microtoponymes qui constituent le paysage toponymique du pays. Même si ce cadre peut paraître plutôt limité, mon équipe et moi-même sommes en fait les premiers à explorer ce corpus de manière exhaustive, et surtout, nous sommes sans doute les premiers à l’étudier systématiquement dans une approche interdisciplinaire, avec une équipe comprenant des spécialistes des quatre régions linguistiques de la Suisse. Par conséquent, au moment du bilan, nous constatons que nos travaux nous ont amené à proposer une toute première explication, ou une explication renouvelée, pour un tiers environ de notre base de données - avec des différences considérables évidemment, quant à ce pourcentage, d’une région à l’autre, en fonction de la qualité des travaux antérieurs à notre disposition. Dans cette contribution, je me suis limité à une toute petite sélection de noms de lieux alémaniques d’origine galloromane qui ont été étudiés à la lumière de la documentation qui est actuellement à notre disposition. Il en ressort que ce champ d’étude négligé par la linguistique romane est une mine d’informations qui peut contribuer à une meilleure connaissance de l’ancien francoprovençal, langue mal 38 En outre, comme l’a démontré la recherche archéologique récente, à l’époque celtique, la région des Trois Lacs n’était pas marécageuse (BENB 2: 347s.). 242 Andres Kristol documentée à époque ancienne, comme on le sait. Grâce à la réanalyse des noms de lieux alémaniques que permet notre base de données, nous sommes en mesure de préciser considérablement notre connaissance de l’histoire linguistique du francoprovençal - en tout cas en ce qui concerne sa frange orientale aujourd’hui disparue: celle-ci semble bien représenter, à sa manière, la profonde romanité très conservatrice du galloroman de l’Est, telle qu’elle a également été évoquée par Lepelley dans son récent article (2001) consacré à la romanité normande. Cortaillod/ Neuchâtel Andres M. Kristol Bibliographie Aebischer, P. 1927: «Sur les noms de lieu en -acum de la Suisse alémannique», ZONF 3: 27-38 Bach, A. 1953-54: Deutsche Namenkunde. 2, Die deutschen Ortsnamen. 2 vol., Heidelberg BENB: Zinsli, P. et al. 1976, 1987: Ortsnamenbuch des Kantons Bern (alter Kantonsteil), Teil 1: A-F; Teil 2: G-K/ CH, Bern Besse, M. 1997: Namenpaare an der Sprachgrenze. Eine lautchronologische Untersuchung zu zweisprachigen Ortsnamen im Norden und Süden der deutsch-französischen Sprachgrenze, Tübingen Boesch, B. 1965: «Grundsätzliche Erwägungen zu den nichtdeutschen Orts- und Flurnamen am Oberrhein und im Schwarzwald», Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins 113: 1-28 Bossard, M./ Chavan, J.-P. 2 1990: Nos lieux-dits. Toponymie romande. Nouvelle édition revue et augmentée, Lausanne Bruckner, W. 1936: «Die Bedeutung der Ortsnamen für die Erkenntnis alter Sprach- und Siedelungsgrenzen in der Westschweiz», VRom. 1: 235-63 Chambon, J.-P./ Greub, Y. 2000: «Données nouvelles pour la linguistique gallo-romane: les légendes monétaires mérovingiennes», BSL 95: 147-82 DTS: Kristol,A. et al., à paraître (2003): Dictionnaire toponymique des communes suisses - Lexikon der Schweizerischen Gemeindenamen - Dizionario toponomastico dei comuni svizzeri, Frauenfeld Förstemann, E. 2 1900: Altdeutsches Namenbuch. I: Personennamen. Zweite, völlig umgearbeitete Auflage, München (Reprint 1966) Förstemann, E. 3 1913: Altdeutsches Namenbuch. II: Orts- und sonstige geographische Namen. Nachdruck der dritten, völlig neu bearbeiteten Auflage, 1: A-K; 2: L-Z + Register, Hildesheim, etc. (Reprint 1983) Furger, A. 2002: «Der unterschiedliche Romanisierungsgrad zwischen Ost und West in römischer Zeit», Forum Helveticum 10: 34-40 Gardette, P. 1959: «Francoprovençal molar ‘tertre, talus, tas de pierres, tas de terre, montagne . . .’», Studi in onore di Angelo Monteverdi, Modena: 254-68 Gauchat, L./ Jeanjaquet J. 1912: «Limites successives des langues dans la Suisse occidentale», in: id. Bibliographie linguistique de la Suisse romande, Neuchâtel: 1 Geiger, T. 1965: «Die ältesten Gewässernamen-Schichten im Gebiet des Hoch- und Oberrheins», BN 16: 113-36 Glatthard, P. 1977: Ortsnamen zwischen Aare und Saane. Namengeographische und siedlungsgeschichtliche Untersuchung im westschweizerdeutschen Sprachgrenzraum, Bern/ Stuttgart Greule, A. 1973: Vor- und frühgermanische Flussnamen am Oberrhein. Ein Beitrag zur Gewässernamengebung des Elsass, der Nordschweiz und Südbadens, Beiträge zur Namenforschung, NF 10, Heidelberg Haas, W. 2000: «Sprachgeschichtliche Grundlagen», in: Bickel, H./ Schläpfer R, Die viersprachige Schweiz, Aarau, etc.: 17-56 243 Traces toponymiques du francoprovençal submergé en Suisse alémanique occidentale Haubrichs, W. 1999: «Romania - Germania. Die Bedeutung von Ortsnamen für die Sprachgeschichte im Grenzgebiet zweier Sprachen. Teil B», in: Debus, F. (ed.), Romania - Germania. Die Bedeutung von Ortsnamen für die Sprachgeschichte im Grenzgebiet zweier Sprachen, Heidelberg: 45-61 Hubschmied, J. U. 1938a: «Sprachliche Zeugen für das späte Aussterben des Gallischen», VRom. 3: 48-155 Hubschmied, J. U. 1938b: «Über Ortsnamen des Amtes Burgdorf und der Gemeinden Bätterkinden und Utzenstorf», Heimatbuch Burgdorf 2: 711-50 Kajanto, I. 1965: The Latin Cognomina, Roma (Reprint 1982) Keller, H.-E. 1958: Études linguistiques sur les parlers valdôtains, Berne Knecht, P. 2000: «Die französischsprachige Schweiz», in: Bickel, H./ Schläpfer R, Die viersprachige Schweiz, Aarau, etc.: 139-76 Kristol, A. 1994: «La prononciation du français en Angleterre au XV e siècle», in: J. Cerquiglini/ O. Collet (ed.), Mélanges de philologie et de littérature médiévales offerts à Michel Burger, Genève: 67-87 Kristol, A. (sous presse): «A la découverte de l’ancien francoprovençal: le témoignage de la toponymie haut-valaisanne», in: Mélanges Alexis Bétemps Kully, R. M. 1999: «Solothurnische Siedlungsgeschichte im Lichte der Namenforschung», Namenkundliche Informationen 75-76: 11-55 Lepelley, René 2001: «Particularités phonétiques et romanisation du domaine gallo-roman ‹Nord-Occidental›», RLiR 65: 113-44 Morlet, M.-T. 1985: Les noms de personne sur le territoire de l’ancienne Gaule. III. Les noms de personne contenus dans les noms de lieux, Paris Müller, W. 2001: «Zu den römischen -(i)anum-Namen der Westschweiz», in: Greule, A. et al. (ed.), Nominum Gratia. Namenforschung in Bayern und Nachbarländern. Festgabe für Wolf- Armin Frhr. v. Reitzenstein zum 60. Geburtstag, München: 177-84 Oettli, P. 1945: Deutschschweizerische Ortsnamen, Erlenbach Probst, H. 1936: Gold, Gol, Goleten. Studien zu schweizerischen Ortsnamen. Fribourg Roth, B. 1965: Die romanisch-deutsche Sprachgrenze im Murtenbiet während des XV. Jahrhunderts. Untersuchungen auf Grund der Orts-, Flur- und Personennamen, Fribourg Schwab, H. 1971: «Waren Murtenbiet und Seeland im frühen Mittelalter Grenzland-Niemandsland-Ödland? », Freiburger Geschichtsblätter 57: 21-73 Schulze, W. 1904: Zur Geschichte lateinischer Eigennamen, Berlin (Abhandlung der königlichen Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, NF 5.5) Schwerdt, J. 2000: Die 2. Lautverschiebung: Wege zu ihrer Erforschung, Heidelberg (Jenaer germanistische Forschungen 8) Sonderegger, S. 1963a: «Die althochdeutsche Schweiz. Zur Sprach- und Siedlungsgeschichte der deutschen Schweiz bis 1100», in: Zinsli, P. et al. (ed.), Sprachleben der Schweiz, Bern: 23-55 Sonderegger, S. 1963b: «Volks- und Sprachgrenzen in der Schweiz im Frühmittelalter. Der sprachgeschichtliche Aspekt», Schweizerische Zeitschrift für Geschichte 13: 493-534 Sonderegger, S. 1967: «Die Ausbildung der deutsch-romanischen Sprachgrenze in der Schweiz im Mittelalter», Rheinische Vierteljahrsblätter 31: 223-90 Steiner, L. 2002, «Burgondes et Francs en Suisse occidentale: une présence germanique précoce, mais discrète . . .», Forum Helveticum 10: 64-69 Straka, G. 1956: «La dislocation linguistique de la Romania et la formation des langues romanes à la lumière de la chronologie relative des changements phonétiques», RLiR 20: 249-67 Tschopp, C. 1961: Der Aargau. Eine Landeskunde, Aarau Tuaillon, G. 1972: «Le francoprovençal: progrès d’une définition», TraLiLi. 10: 293-39 Windler, R. 1997: «Franken und Alamannen in einem romanischen Land. Besiedlung und Bevölkerung der Nordschweiz im 6. und 7. Jahrhundert», in: Fuchs, K. et al. (ed.), Die Alamannen, Stuttgart: 261-68 Zehnder, B. 1991: Die Gemeindenamen des Kantons Aargau: historische Quellen und sprachwissenschaftliche Deutungen, Aarau/ Frankfurt am Main Zimmerli, J. 1895: Die deutsch-französische Sprachgrenze in der Schweiz. 2. Teil: Die Sprachgrenze im Mittellande, in den Freiburger-, Waadtländer- und Berner-Alpen, Basel/ Genève 244 Andres Kristol Zinsli, P. 1945: Grund und Grat. Die Bergwelt im Spiegel der schweizerdeutschen Alpenmundarten, Bern Zinsli, P. 1962/ 63: «Namenkundliches zum Deutschwerden der schweizerischen Alpentäler», Alemannisches Jahrbuch 1962/ 63: 255-82 Zinsli, P. 1965: «Das Berner Oberland als frühe alemannische Siedlungsstaffel im westlichen schweizerdeutschen Sprachgrenzraum», in: Schützeichel, R./ Zender, M. (ed.), Namenforschung. Festschrift für Adolf Bach zum 75. Geburtstag am 31. Januar 1965, Heidelberg: 330-58 Zinsli, P. 1971: Ortsnamen: Strukturen und Schichten in den Siedlungs- und Flurnamen der deutschen Schweiz, Frauenfeld Zinsli, P. 1974: «Über Ortsnamen im Amt Erlach», in: Aus der Geschichte des Amtes Erlach. Festgabe zum Jubiläum, «Das Amt Erlach 500 Jahre bernisch», hrsg. von den Gemeinden des Amtes Erlach: 67-90 Zinsli, P. 1977: «Spuren sprachverschiedener Begegnung in den Ortsnamen der schweizerdeutschen Alpentäler», in: Beiträge zur Schweizer Namenkunde. 12. Internationaler Kongress für Namenforschung in Bern (August 1975), Bern: 70-105