eJournals Vox Romanica 65/1

Vox Romanica
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2006
651 Kristol De Stefani

La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVIIe siècle comme construction sociale: une approche discursive de documents d’archives

2006
Georges  Lüdi
La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale: une approche discursive de documents d’archives 1 1. Introduction Entre le 4 et de 6 mars 1657, le cas de Johanne Richard de Lamboing, sur le Plateau de Diesse 2 , accusée de sorcellerie, est examiné par le tribunal. Le notaire chargé de rédiger le procès-verbal retient: Premierement à dit et confessé qu’il ÿ à environ 17 à 18 ans, qu’aÿant estée à Diesse pour des nouvelles qu’elle avoit entendue que sa mere estoit soupçonnée pour fait de crime, allast en la maison de feu Pierre Mureset son oncle pour sçavoir des nouvelles d’autant que sa mere ÿ estoit, s’en retournant depuis Diesse contre Lamboing fort dollante, pleurant et lamentant, se regrettant de ce que sadite mere estoit soupçonnée, dans ce triste estat rencontra à son semblant un homme vestu de [laissé en blanc dans le manuscrit] luy disant qu’elle ne se debvoit deconforter, sÿ elle le vouloit croire et se donner à luÿ qu’il luÿ tendroit main que sadite mere seroit dellivrée des accusations qu’elle estoit soupçonnée, aÿant invoqué le nom de Dieu fut incontinant despartis. Item a dit et confessé qu’elle à heu de grands regrets dans son coeur causant la procedure que les parens de son marÿ avoyent contre elle, pour n’avoir voulu qu’elle s’alliast en mariage avec luÿ, ayants long temps estez dedans icelle procedure jusqu’à estre renvoÿez par devant leurs Exces de Berne; certain jo ur allant avec feu le secretaire Pierre P[erroz] Bosset son assistant contre ledit Berne, estants passé de la au Lac, ledit feu Bosset aÿant desja fait quelque peu de chemin, s’arresta dernier, elle passa tousiours son chemin avec grande tristesse et apprehension, s’apparut en mesme temps un homme à son semblant vestu de [laissé en blanc dans le manuscrit] luÿ disant qu’elle estoit bien triste, que si elle le vouloit croire et se donner à luÿ qu’il luÿ aÿderoit à sa cause et qu’elle la gagneroit, demanda qui es tu? Respondit qu’il estoit Satan. Dont sur la promesse qu’il luÿ faisoit se donna à luy, reniant Dieu son createur prenant ledit Satan pour son M re , la marqua au bas du ventre comme la marque ÿ paroist, s’appellant ledit son maistre Jehan Pierre de la Savoye. 1 Je tiens à remercier ici les responsables des archives de Berne (StaB) et de Porrentruy (AEEB), notamment MM. Barras et Rebetez, de leur aide inestimable. 2 Région du Jura bernois entre la «chaîne du lac» . . . et celle du Chasseral . . . Située entre 800 et 900 m, la Montagne compte cinq villages: Prêles, Lamboing, Diesse, Nods (distr. de La Neuveville) et Lignières (NE). . . . Deux seigneurs exercèrent leur pouvoir dans la région: au comte de Neuchâtel succédèrent le prince-évêque de Bâle et le comte de Neuchâtel-Nidau, ce dernier remplacé par Berne à la fin du XIV e s. . . . Le prince-évêque détenait le pouvoir militaire (contingents sous la bannière de La Neuveville dès 1368), tandis que Berne administrait les affaires ecclésiastiques et matrimoniales. La justice criminelle était exercée par les deux co-souverains. Dîmes et redevances étaient partagées selon des normes établies. Le maire de Bienne et le bailli de Nidau représentaient respectivement le prince-évêque et Berne (Dictionnaire historique de la Suisse, version électronique; article de Frédy Dubois, daté du 23/ 01/ 06. Site http: / / www.dhs.ch/ externe/ protect/ francais.html, visité le 12 avril 2006) Vox Romanica 65 (2006): 108-131 La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale Item a confessé que ledit Satan luy donna du purés dedans du papier, avec commandement d’en faire mourrir gens et bestes, et mesme en semer sur le champois pour faire mourrir le betails, aÿans prins le papier et purés et l’aÿant enterré dans un sien courtil dessous Lamboing sans en avoir fait aucun mal nÿ à gens nÿ à bestes. Plus à confessé sans tourture ÿ avoir quelque espasse de temps, que le grephier Jeremie F[rançois] Bosset dudit Diesse passant son chemin depuis Lamboing à Diesse environ la minuict, l’aÿant poursuivi elle [sc. et] ses complices depuis Lamboing jusqu’à Diesse, portant une corde avec eux, s’ils l’eussent peu attrapper l’eussent estranglé, mais iceluy ayant heu une bonne resolution qu’elles ne le peurent concepvoir. Finalement à confessé avoir esté par plusieurs fois à la danse diabolique avec sondj maistre et ses complices à Chenaux et à Fontenaille. Complices par [sc. elle] accusés: Jacobe Chard, Guillaume Villier, Françoise Racine, Blaise Giauque. (Les procès des sorciers et des sorcières de la Montagne de Diesse au XVII e siècle, CD des carnets originaux produit par Mémoires d’Ici, Centre de recherche et de documentation du Jura bernois; une deuxième version, identique à peu de détails près et signée Jean François Bosset, notaire, se trouve aux AAEB, Porrentruy, B 284/ 22, Criminalia, II) Deux autres femmes sont jugées pendant ces mêmes jours. Le procès-verbal se conclut par les paragraphes suivants: Les confessions desdites criminelles destenues ouÿs et entenduës, et meurement ponderés tous les malefices et actes commis et perpetrez par icelles, et nottament le reniement de Dieu et acceptation de Satan, Mess rs de l’honnorable justice de Diesse, condamnent lesdites pauvres creatures à devoir estre livrée entre les mains de l’executeur de la haute justice et estre menees au lieu accoustumé d’executer les malefices, pour illec estre liés, garotées, et mises sur l’eschafat de bois et estre bruslées toutes visves leurs corps consumez en cendre et estre emportés par les vents, pour exemple à d’autre, sauf la grace de Messeig rs les hauts officiers. Au reste les biens des pauvres delinquants escheu à la Seig rie , sauf le droict d’autruÿ. Messeigneurs les hauts officiers des ambes principautez, aÿants entendus la ci devant narrée cognoissance, considerant la bonne repentance desdites criminelles, de grace specialle, ont ordonnez qu’icelles auront les testes tranchées, et puis apres leurs corps bruslez et consumez en suitte de la precedante sentance. (Les procès des sorciers et des sorcières de la Montagne de Diesse au XVII e siècle, CD des carnets originaux produit par Mémoires d’Ici, Centre de recherche et de documentation du Jura bernois) Le document que nous reproduisons ici témoigne, avec beaucoup d’autres, d’un phénomène qui choque nos esprits éclairés d’hommes du début du XXI e siècle. Comment fut-il possible qu’en plein XVII e siècle, peu d’années après la mort de Descartes, qui se faisait l’avocat de la liberté de l’homme capable, grâce à la science et à la technique, de se rendre maître et possesseur de la nature, une accusée pût confesser de tels actes - et comment un tribunal composé de notables, présidé par les plus hauts représentants des deux seigneurs qui se partageaient la souveraineté de la Montagne de Diesse, à savoir l’État de Berne et le Prince-évêque de Bâle, pût-il considérer ces propos comme vrais et commettre l’atrocité de condamner les accusées à être brûlées vives? 109 Georges Lüdi 110 Nous devons laisser aux historiens le soin d’éclairer le contexte socio-historique des procès de sorcellerie 3 ; nous ne nous engagerons pas non plus dans la voie, très pertinente pour expliquer le phénomène, de l’histoire des mentalités magicoreligieuses. L’approche qui suit est linguistico-discursive. Dans cette perspective, deux questions majeures se posent. La première, de niveau «macro», est celle de savoir quel est le rôle joué par des traditions discursives dans la construction de la représentation sociale de la sorcellerie entre le Moyen Âge et la fin du XVII e siècle, ou, plus généralement de la relation entre la sorcellerie comme phénomène «réel» et comme construction discursive. La deuxième concerne plutôt le niveau «micro»; il s’agit de se demander comment une personne concrète est assignée à la catégorie de sorcier/ sorcière - et peut éventuellement arriver à accepter cette catégorisation. Cette deuxième question qui sera au centre de la présente étude, qui tentera d’analyser différents types de textes d’archives autour de ces procès - lettres d’accusation, procès-verbaux, témoignages, etc. - pour tenter de reconstruire, en se fondant sur l’observation de procédés discursifs récursifs, comment une personne «devient» un sorcier/ une sorcière 4 dans l’opinion publique de l’époque. 2. La sorcellerie comme produit de l’interdiscours d’une communauté discursive Avant d’aborder cette question, il faut toutefois situer la chasse aux sorcières sur le Plateau de Diesse - 66 condamnations documentées entre 1611 et 1657 5 - dans son contexte suisse, voire européen et donc revenir au niveau que nous avons appelé «macro». Chronologiquement, les procès de sorcellerie en Europe, issus de la répression de différentes formes d’hérésies, s’étalent du début du XVI e à la fin du XVII e 3 Voir les ouvrages de référence de Muchembled (1979, 2 1991) et de Mandrou (1968, 1979). Pour la Suisse, voir p. ex. Bader 1945, Monter 1976 et, plus récemment, Pfister/ Utz Tremp (s. d.), avec de nombreuses références bibliographiques. 4 Nous ne ferons pas, dans ce qui suit, de distinction entre sorcières et sorciers parce que cette distinction ne nous semble que très faiblement pertinente pour l’ensemble des procès analysés ici, même si cette distinction s’est révélée très significative dans d’autres contextes (voir p. ex. Burghartz 1988, Opitz-Belakhal 1995). 5 Dans la Montagne de Diesse, ils se répartissent de la manière suivante: On tiendra compte du fait qu’il s’agit là des procès dont la documentation a survécu; il y en a sans doute eu d’autres avant 1611. La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale siècle. Géographiquement, on observe une concentration particulière dans l’Arc alpin, dans une région qui va de l’Allemagne (Bade, Bavière, Wurtemberg, etc.) au sud-est de la France et qui englobe la Suisse; mais on en retrouve aussi en Angleterre et au sud de l’Europe. Les estimations sur l’ampleur du phénomène varient; dans le Dictionnaire historique de la Suisse, Ulrich Pfister parle d’environ 100’000 procès pour l’Europe dont 10’000 en Suisse. Il s’agissait bien d’un phénomène de masse, qui concernait l’ensemble du continent européen de l’époque. En vue d’une explication du phénomène on rappellera d’abord qu’une grande partie des «meneurs d’opinion» de l’époque participa aux harangues contre la sorcellerie. Cela va, dans le domaine francophone, de Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704), évèque catholique, au réformateur Jean Calvin (1509-64); dans l’aire de langue allemande on nommera un autre réformateur, Martin Luther (1483- 1546), mais aussi des représentants clés du côté catholique comme Ferdinand de Wittelsbach, prince-évêque de Cologne (1644-1709) et Maximilian I er de Wittelsbach, prince-électeur de Bavière (1573-1651), ainsi que le moine augustin et prédicateur Abraham a Sancta Clara (1644-1709). Parallèlement au déroulement de nombreux procès dès le début du XV e siècle, une série de publications fonde, entretient et fortifie la chasse aux sorcières comme institution sociale. On nommera, à titre d’exemples, la bulle papale Summis desiderantis, promulguée par le Pape Innocent VIII, dans laquelle il organise la lutte contre la sorcellerie (1484), le Malleus Maleficarum (Le Marteau des Sorcières) de Heinrich Krämer (Institor) (Cologne 1487), un vrai manuel de la chasse aux sorciers et aux sorcières, le code de procédure criminelle Constitutio Criminalis Carolina, promulguée par Charles Quint en 1532, qui reconnaît la sorcellerie ou du moins les maléfices comme crime, l’ouvrage de Jean Bodin De la démonomanie des sorciers de 1580, qui dresse l’inventaire des crimes dont sont responsables les sorciers, ou le traité The Discovery of Witches de Matthew Hopkins (Londres 1647), qui se propose de prouver rationnellement l’existence du diable et de la sorcellerie. Les propos des meneurs d’opinion et les publications citées manifestent une idéologie. Nous entendons par là, avec Duchêne (2005) et d’autres, un ensemble de représentations et croyances collectives, qui sont d’une part structurées et organisées, mais qui exercent d’autre part une fonction structurante par rapport à la communauté qui les supporte. Les idéologies résultent de pratiques discursives complexes, qui peuvent, certes, être situées dans leur contexte historique et sont à leur tour déterminées par «im Werden begriffenen oder bereits bestehenden Macht-, Herrschafts- und Gewaltstrukturen ökonomischer, politischer oder auch kultureller Art» (Zuckermann 1999: 23). Or, il est plausible de mettre l’accent précisément sur les pratiques discursives, de concevoir cette série de textes comme un interdiscours qui ne reproduit pas seulement, mais participe essentiellement à la construction même des ces croyances. Il serait tentant de faire une analyse du champs notionnel de la sorcellerie (sorcier, maléfices, synagogue/ sabbat, pousset, preuves de sorcellerie, marques du dia- 111 Georges Lüdi 112 ble, etc.) à travers les siècles et les régions 6 . Nous formulons l’hypothèse que ces concepts sont, avant tout, des objets de discours, la genèse (l’ancrage) et l’évolution (l’enrichissement) desquels peuvent être retracées à l’aide d’une analyse textuelle. Les contraintes de temps et d’espace ne nous permettent pas de réaliser ce projet, mais nous suggèrent une étude de cas plus modeste sur les documents en provenance de la Montagne de Diesse pendant une période relativement courte. Nous pensons que la projection du réseau de concepts qui constitue cette idéologie sur des expériences et membres d’une communauté concrète peut à son tour être comprise par une analyse des textes produits par cette communauté même. Il s’agit, rappelons-le, de procès-verbaux, de confessions, de témoignages, d’actes d’accusations, etc. Or, là encore, les acteurs locaux participent à une communauté discursive plus vaste. Dans la préparation de cette étude, nous avons relevé des documents analogues provenant de vagues de procès similaires dans l’ensemble de l’Europe et en particulier dans des régions voisines (je renvoie p. ex. à une série de mémoires de licence neuchâtelois et à de nombreuses recherches menées à l’Université de Lausanne 7 ). Ces parallélismes commencent très tôt, sont sans doute dus à des échanges d’expériences entre magistrats - et n’ont pas échappé aux regards des chercheurs. Ainsi, Isabelle Terrier (2001: 7) relève-t-elle «de nombreuses similitudes entre les premiers procès du diocèse de Lausanne: Pierre de La Prélaz (Dommartin, 1438), Aymonet Maugetaz (Epesses, 1438), les Neuchâtelois Jaquet Du Plan et Henchemand le Mazelier (Neuchâtel, 1439), Berthole Barbam (Lausanne, 1439), et le Formicarius.» Les Errores Gazariorum 8 , œuvre d’un auteur anonyme, qui rend compte du sabbat sous une forme très structurée, présenteraient «de troublantes similitudes avec les procès du Pays de Vaud, notamment celui d’Aymonet Maugetat d’Épesses (1438). On pense qu’il a du reste été consulté par les inquisiteurs dominicains du diocèse de Lausanne.» Au vue de l’ampleur de cet interdiscours 9 , il nous semble moins pertinent de vouloir expliquer les procès de sorcellerie dans la Montagne de Diesse en tant que tels, à partir d’une analyse socio-historique locale. Nous formulerons en effet la thèse qu’il ne s’agit que de la manifestation locale d’un phénomène - essentielle- 6 Du côté des historiens, cette étude a été entreprise; elle confirme «l’espace (arc alpin) et le temps (1428-42) de l’émergence du concept de sorcellerie» (Terrier 2001: 8, avec référence à Ostero et al. 1999: 510-13). 7 P. ex. Choffat (1989), Utz Tremp (1990, 1991a et b, 1995), Ostorero (1995), Maier (1996), Strobino (1996), Pfister (1997), Maier/ Ostorero/ Utz Tremp (1997), Modestin (1999a et b, 2000). 8 Titre complet: Errores Gazariorum, sec illorum qui scopam vel bacum equitare probantur. 9 On osera rapprocher cet interdiscours de ce que Michel Foucalt appelait archive: «J’appellerai archive, non pas la totalité des textes qui ont été conservés par une civilisation, ni l’ensemble des traces qu’on a pu sauver de son désastre, mais le jeu des règles qui déterminent dans une culture l’apparition et la disparition des énoncés, leur rémanence et leur effacement, leur existence paradoxale d’événements et de choses» (1969: 23). La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 113 ment discursif - supra-régional, construit à travers une chaîne transtextuelle à laquelle ont participé des groupes sociaux différents, ancrés dans des pays différents, dans des environnements urbains autant que ruraux, catholiques et protestants, proches des centres de pouvoir ou périphériques. En même temps et comme nous le disions plus haut, nous ne nous proposons nullement, dans ce qui suit, de retracer l’histoire de cette construction discursive, de l’émergence des concepts que nous rencontrons dans les textes, au niveau européen et sur plusieurs siècles, même dans la mesure où il s’agit des types de textes relevés dans les archives locales 10 . Nous n’en aurions d’ailleurs pas les moyens 11 . Notre objectif est beaucoup plus concret et se restreint largement au niveau «micro» des textes sur les procès de sorcellerie dans notre région spécifique, tels qu’ils sont conservés dans les archives. En admettant d’une part que des objets de discours tels que «sorcière», «synagogue», «maléfices», «pousset» etc. soient présents dans la mémoire collective en fonction des traditions discursives suprarégionales mentionnées, et d’autre part qu’il existe des formes traditionnelles de textes (confessions, procès-verbaux, etc.) communes à l’ensemble d’une région et stables pendant des périodes plus ou moins longues (ici: plusieurs siècles), on se posera la question de savoir si, et si oui comment, on peut suivre la façon dont une personne concrète est dénoncée, par la collectivité locale, comme sorcière/ sorcier qui fréquente la synagogue, jette des maléfices, sème du pousset, etc. 12 . Nous le ferons en allant à la recherche de régularités observables dans les productions discursives au sein de genres de textes différents. En partant de l’hypothèse de Bakhtine que les genres du discours organisent notre parole de la même façon que l’organisent les formes grammaticales, nous réfléchirons au rôle qu’ils peuvent jouer dans la construction sociale de la sorcellerie 13 . 10 Cf. Schatzmann 2002: «Wie und wo genau erfolgte die Amalgamierung der verschiedenen Elemente des Hexenstereotyps (aus Ketzer- und Zauberei-Traditionen), und wie müssen wir uns die Verbreitung und Entwicklung eines ‹standardisierten› Hexenkonzeptes, wie es dann zu Beginn des 16. Jahrhunderts vorliegen wird, genau vorstellen? » 11 On renverra p. ex. à Blauert (dir. 1990) et aux travaux d’une équipe de recherche de l’Université de Lausanne (voir la série des Cahiers Lausannois d’Histoire Médiévale et en particulier Ostorero et al. 1999) ainsi qu’à l’hypothèse de Pierrette Paravy selon laquelle les années du concile de Bâle (1431-49) ont joué un rôle important en facilitant les échanges - nous serions tenté de parler de circulation de discours! - entre les juges (voir Boureau 2003). 12 Cf. Terrier (2001: 45): «Il convient maintenant de démontrer comment l’inquisition transforme peu à peu un individu comme Perrenet, accusé presque uniquement d’avoir tué des bêtes, en un membre de la secte du diable.» 13 «Deux concepts, tels qu’ils sont formulés par Michel Pêcheux (1975), deviennent centraux: ceux de formation discursive et d’interdiscours. L’étude des formations discursives permet alors de déterminer ce qui peut et doit être dit dans une conjoncture donnée. . . . Le concept d’interdiscours introduit alors une approche plus dialectique, dans la mesure où il permet de dire que toute formation discursive dissimule, dans la transparence du sens propre à la linéarité du texte, une dépendance à l’égard d’un . . . ensemble qui n’est autre que l’interdiscours, cet espace discursif et idéologique où se déploient les formations discursives en fonction de rapports de domination, de subordination et de contradiction.» (Guilhaumou 2002) Georges Lüdi 114 Cette approche nous semble d’autant plus légitime que nous sommes persuadés, avec Pfister 14 , que l’existence même de la sorcellerie repose moins sur des faits observables que sur des traces textuelles sous forme de manuels, harangues, accusations, aveux, procès-verbaux, etc. On partira, à ce propos, de la catégorisation des condamné(e)s comme «criminelles» (voir extrait ci-dessus), comme «übeltäter» ou «unholde» (= sorciers/ sorcières 15 ), p. ex. dans le procès-verbal du Conseil de l’État de Berne du 4 juillet 1648: Die uffem Dessenberg verhafften unhulden Marie Berudet zu milterung des urteils das haubt abschlachen und den leib verbrönnen ze lassen (. . .) Jehan Witzig von Nods, auch ein unholden übeltäter, lebendig ins führ werfen (fol. 296) La criminelle, le übeltäter, la unholde sont essentiellement, pensons-nous, des objets de discours et non pas des personnes du monde. Il est donc légitime de se poser la question de savoir comment il se fait que des personnes du monde soient exécutées en fonction d’une construction discursive, c’est-à-dire comment un personnage est catégorisé ainsi, c’est-à-dire «criminalisé». 3. Accusations Un premier type de document d’archives qui s’offre pour notre analyse concerne ce que nous pourrions appeler des accusations ou dénonciations. On commencera par une longue lettre du «ministre de Dieu» Jean de Crousaz au bailli de Nidau sur le comportement du notaire Jean Witzig, datée du 4 décembre 1644. En voici quelques extraits: J’ay aussi trouvé faissable de vous faire entendre l’information prise des anciens de l’egglisse suivant la charge qu’en aviez baillé à Monsr le recepveur touchant sa vie et [corporation] la quelle à esté assez scandaleuse par son yvrongnerie et chicanes ou procedures jusques a avoir sollicité des personnages en leur presentant d’argent et de ses biens moyennant qu’ilz tesmoignassent a sa faveur ainsj que le pouvre misserable qui fust executé au Landeron l’a confessé. C’ecstuict la qui estoit compagnon qui confessa a feu Monr Fevot au lict de la mort que la procedure qu’il avoit mene avec le dit Witzig à l’encontre des enfants de feu N. A. Roulier estoit inique et qu’ils s’estoient servis de faux tesmoings pour faire leur cause bonne, par sa confession le bien fut rendu aux povres orphelins. Il s’est trouvé un faux escrit que le dit Witzig avoit dressé qui avoit mis des tesmoings qui n’y estoyent n’y veus n’y trouves qui le luy ont soustenu et face comme Adam Simon ou Witzig [juge] et d’aultres. Item a esté veu par diverse foys tout seul en son closel et jardin à la minut apres la minut à l’aube du jour. Il a aussi esté veu allant le long de la barre de la fin dessuds, comme semant quelque 14 «Im westeurop. Kontext ist die hist. Hexe hauptsächlich durch gelehrte Traktate und Prozessakten überliefert. Die Hexe ist damit in den seltensten Fällen eine Person, die bestimmte mag. Handlungen vollzieht, sondern entsteht in einem sozialen Prozess der Etikettierung, so dass die Forschung v. a. Hexenprozesse und Hexenverfolgungen kennt.» (U. Pfister dans un article du DHS daté du 20/ 02/ 06). 15 Voir Jacob und Wilhelm Grimm, Deutsches Wörterbuch, vol. 24, col. 1064s. La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 115 chosse ainsi que le laboureur fait par le champoyage es bestes, son zele au service de Dieu a esté tres petit ne faissant la plus part du temps que de dormir en l’egglisse et la frequenter rarement et employer la plus part des jours du repos a voÿager pour ses chicannes et procez combien que par divises fois il en ayd esté repris et corrigé. Un certain du Landeron nommé Moustarde l’appelle ouvertement sorcier mais ne s’en est point purgé ni ose aller audit Landeron craignant d’y estre apprehende. Item si il alloit par les chemins il quittoit les compagnons pour aller tout seul souventes fois a esté suivi de pres on loÿoit parler et diviser, mais quant on approchoit de luy, il se trovoit tout seul. J’ai entendu de bonne part qu’on a adverti le dit Witzig qu’il n’y doit avoir que deux accusations en son endroit qu’il devoit seullement prendre courage qu’il en eschapperoit a bon marché. (AAEB, Porrentruy, Criminalia II, 2 feuilles dans le carton B284/ 22 [img7241/ 2]) On observe, en premier lieu, que le pasteur relaie des informations prises de seconde main, qu’il s’agit d’un texte polyphonique. Cette notion remonte au «dialogisme» de Bakhtine, qui mettait en cause la priorité du sujet parlant par rapport à l’ancrage d’un discours dans la situation d’interaction et à la pluralité des voix qui se manifestent dans un texte, et à des réflexions de Ducrot et d’autres sur l’éclatement du sujet parlant dans le cadre d’une théorie de l’énonciation (Ducrot 1984). Pour Bakhtine, «le centre nerveux de toute énonciation, de toute expression, n’est pas intérieur, mais extérieur: il est situé dans le milieu social qui entoure l’individu» (op. cit., 134). En d’autres termes, un énoncé résulte moins d’un acte individuel que d’une activité sociale et est profondément marqué par un réseau de relations dialogiques, intertextuelles: «Toute énonciation, quelque signifiante et complète qu’elle soit par elle même, ne constitue qu’une fraction d’un courant de communication verbale interrompu» (op. cit., 136). Même le discours apparemment monologal réagit à des discours précédents, répond à des attentes, provoque des commentaires, etc. 16 Dans notre texte, de Crousat se sert de toute une série de techniques de discours rapporté. Dans un premier temps, il renvoie explicitement à l’«information prise des anciens» ainsi qu’aux confessions d’un condamné à mort. Or, linguistiquement parlant, la forme en est ambiguë. Il y a bien quelques rares passages en discours indirect («J’ai entendu de bonne part que . . .; que la procedure qu’il avoit menée avec ledit Witzig à l’encontre des enfants de feu N. A. Roulier estoit inique et qu’ils s’estoient servis de faux tesmoings pour faire leur cause bonne»); mais la majeure partie prend la forme d’affirmations dont l’origine est certes reconnaissable, mais que l’auteur de la lettre semble reprendre à sa charge: («laquelle [sc. sa vie] a este assez scandaleuse par son ivrognerie et chicanes et procédures. Jusques à avoir sollicité des personnages en leur presentant d’argent et de ses biens moyennant qu’ils témoignassent à sa faveur»). En fait, il s’agit d’une forme de discours indirect libre ou réflecteur où il est facile de replacer un verbe de la parole, mais dont l’origine 16 Cf. Todorov (1981: 98): le discours n’est pas une entité homogène, mais une «entité traversée par la présence de l’autre». «Seul l’Adam mythique, abordant avec le premier discours un monde vierge et encore non dit, le solitaire Adam, pouvait vraiment éviter absolument cette réorientation mutuelle par rapport au discours d’autrui». Georges Lüdi 116 n’est pas entièrement transparente (le condamné? feu Monsieur Fevot? les anciens? de Crousat? ). L’hypothèse est plausible qu’il s’agit d’affirmations relayées par plusieurs étapes. Dans les prochains paragraphes cités, de Crousat se sert de la construction passive ou du pronom impersonnel et de la diathèse réflexive («mais quand on approchoit de lui, il se trouvoit tout seul; il s’est trouvé un faux escrit») pour omettre non pas seulement la ou les personnes qui ont vu Witzig dans son jardin ou le long de la route, mais aussi les voix qui lui ont rapporté ces observations. Dans les deux derniers paragraphes, enfin, le pasteur peut lui-même avoir vu l’accusé dormir à l’église, mais non pas «quitter ses compagnons pour aller seul». «Pour qu’il y ait assertation, il faut qu’un sujet se porte garant que ce qu’il dit est conforme à une réalité censée indépendante de ce qu’on dit d’elle», affirme Ducrot (1984, 187). Et de distinguer entre un sujet parlant ou être empirique dans le monde, qui prononce l’énoncé, un locuteur, être de discours, constitué dans le sens de l’énoncé, et un énonciateur, être censé s’exprimer à travers l’énonciation sans que pour autant on lui attribue des mots précis (op. cit., 192). Il est évident que de nombreuses voix se font entendre à travers le pasteur de Crousat mais qu’il n’est pour ainsi dire pas possible de les démêler avec certitude. Comme le disait Bakthine (à propos des romans de Dickens): «souvent, comme nous l’avons vu, un seul et même mot pénètre à la fois dans le discours d’autrui et dans celui de l’auteur. Les paroles d’autrui, narrées, caricaturées, présentées sous un certain éclairage, tantôt disposées en masses compactes, tantôt disséminées çà et là, bien souvent impersonnelles («opinion publique», langages d’une profession, d’un genre), ne se distinguent pas de façon tranchée des paroles de l’auteur: les frontières sont intentionnellement mouvantes et ambivalentes, passant fréquemment à l’intérieur d’un ensemble syntaxique ou d’une simple proposition, parfois même partageant les principaux membres d’une même proposition.» (Bakhtine 1977: 128s.) En bref, la polyphonie de cette lettre est complexe. On a l’impression que le pasteur se fait explicitement le porte-parole de l’ensemble du village et marque ce rôle de toute une série d’indices linguistiques. Il se glisse en même temps dans le rôle de l’accusateur. Pourtant, il n’assume pas pleinement la responsabilité de toutes ses affirmations, car il se cache derrière les propos de ces informateurs anonymes. Une lettre de dénonciation nous permet ainsi, par sa structure énonciative même, de concevoir la manière dont se construit le discours collectif sur la sorcellerie au sein de la communauté de la Montagne de Diesse. On aura bien sûr remarqué que de Crousat évite soigneusement de parler plus concrètement de sortilèges; nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. 4. Témoignages Un deuxième texte de la même période nous permet de préciser et d’élargir nos observations. Il est intitulé Plaintes d’aulcung habitants de la montagne de Diesse, de divers accidents doubteux et soupçonneux arrivez par lastuce et malignité de La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 117 mauvaises gents à ce que lon en peut juger et recognoistre, et iceles plainctes par ordonnance de Seigneurie redigees en la forme et magniere que les appres nommez sen sont desclarez en la presence de venerable Jehan de Crousaz ministre, et le S r Adam Chiffelle maire dudit lieu le 6 juin 1641. En réalité, il s’agit manifestement d’une audition de témoins, organisée dans la phase qui précède l’interrogatoire d’une accusée. Voici à nouveau quelques extraits (le texte a été publié par Danièle Renard-Gottraux; la présente version a été corrigée sur l’original) qui illustrent bien le climat de suspicion mutuelle qui a dû reigner sur le Plateau de Diesse à cette époque: Premierement Guillaume Devaux de Lamboing se complainct estre arrivé à sa femme (laquelle sen purgera suivant droict si elle en est requise) que s’estant trouvee l’hÿver passé le soir avec autres ses voisines pour veiller un peu par ensemble pour filler. Si trouva aussi Judith vefve feu David Beguerel dudict lieu. Icelle empoingna de la main sadite feme l’estraingnant à l’endroict de la ceinture. Lui disant si elle avoit certain habit couvert, respondit ense faschant que non. Devint sadite femme sur le pied incommodée d’une cuisse à l’endroict du lieu qu’elle avoit este accroché par ladite Judit, en telle mode que dempuis elle en est amortie, et le lieu offensé comme mort et insensible estant de ce bien offensée et mallade. De plus que conduisant son bestail, Marguerite fille de ladite Judit entra en la grange regardant le fourrage, dempuis son bestail n’a peu mangé de son foing, mais si de ses voisine en donnoyent quel moindre et pietre qu’il fut, le prenoyent courrageusement, mais entierement desgoutez du sien qui estoit beaucoup mellieur. A mesmement entendu de feu Jacques Richard dudit lieu, qu’il ÿ avoit desja precedement de plainctes all encontre de ladite Judith et que sur icelles la Seigneurie luj avoit permis de la saisir et l’emprisonner à Diesse. et que sur ce elle avoit longuement pour un temps apsenté le lieu. Jehan Richard dudit Lamboing, dict que sa femme lui a desclaré (et de quoÿ aussi aubesoing elle se purgera) qu’estant mesmement le soir avec ses voisines à veiller aupres de ladite Judith parlant ensemble icelle en devisant l’attaingnit deux ou trois fois sur le genouïl, dont subittement et au mesme instant le mal la print à froid luÿ faisant fort mal fut contrainte s’en aller à la maison (ou elle tient encore sauf respect la couche) depuis environ trois sebmaines avant noel. De plus que Blaisette femme de Daniel Devaux cerchant des brebis par le village, entra devant l’estable, comme les enfants de son mesnage lui ont desclaré, empoingna deux ou trois agneaux dont incontinent l’un se coucha, deux devindrent mallades et deans quinze jours furent perdus. Adam Racine dudit lieu declare que souventes fois ladite Judith alloit parmi le bestail à leur regret et que jour entr’autres elle alloit derechef par chemins, lui et autres voisins tenoyent proppos ou elle pouvoit derechef aller, qu’elle feroit de l’incommodité. Passant son chemin approchant le bestail du lieu lequel le berger gardoit, s’escria contr’elle sorciere ou vas tu, oste toy loing d’ici tu ne viens sinon pour donner le mal au bestail, sans qu’elle en aÿt fait aulcune instance. Et mesmement avoir entendu dudit feu Jacques Richard, qu’il avoit charge de la saisir, mais qu’il ne la peüt attrapper, et que souventesfois elle se trouvoit innopinement parmi le bestail que oncques il n’a veu perdre tant de menu bestail come presentement, n’aÿant bonne oppinion de ladite vefve. Et que feu ledit Richard lui avoit en oultre desclaré qu’il avoit (sauf respect) heu un boeuf lequel urinoit le sang, s’en alloit estre gueri mais que ladite Judit avoit esté ce temps perdant au closel, et que dempuis ledit boeuf [perdit]. Pareillement avoir entendu du berger des primes bestes qu’il ni avoit (sauf respect) sinon un pourceau noir au village, comme de faire, et que neantmoings souvent il si en trouve encore un, qui puis appres s’esvanouït. Jonas Rape berger dudit Lamboing, dict que son vallet qui garde ledit bestail lui a souvent desclaré que ladicte Judit se trouvoit maintes fois jusques à quatre ou cinq rencontres parmi ledit bestail, ne la voyant entrer ne sortir du trouppeau lui demandant quelle cerchoit la, respondoit qu’elle cerchoit des morilles, quil avoit peur d’elle, et qu’a cause de ce, il le voulloit quitter. Et Georges Lüdi 118 mesmement, que certain jour ÿ estant lui mesme, ladite Judit si trouva aussi entre le bestail par deux fois, la repprenant de ce, disant quelle ni avoit rien à faire. Et en oultre avoir aussi entendu de sa femme et de sondit vallet avec d’autres, qu’un jour il si trouva trois pourceaux noirs audit trouppeau, et ni en a sinon un audit village, esbahie de ce, et d’ou ils pouvoÿent venir et à qui ils seroyent, s’esvanouïrent sans sçavoir qu’ils devindrent, et qu’il si trouvait aussi extraordinairement souvent des lievres ou resemblance parmi ledit troupeau. De plus qu’allant la file de ladite Judith avec une siene niece de Noz, contre la Coste, lui mesme se gardant le bestail il entendit que l’une dict voilla un beau chevreau (lequel desclaire estoit beau et vif) l’autre dict ainsi qu’il l’entendit de loing, ouj mais il ne me plaict pas bien sinon pour perdre la vie, ouj vrayement dict derecheff la premiere, il me plaict pour mourrir et ne deviendra oncques belle chevre. Donc sur ce ledit chevreau devint mallade, dessecha et finit fort pauvrement. Encore vit ladite Judit passant le mattin et puis a 10 heures par le millieu du trouppeau un sien moutton devint fort mallade le pensant perdre dont il s’en voulloit deffaire. Et estant une fois en mesme temps sur la fontaine, ladite Judith lui dict que son moutton faisoit, respondit certes il est fort pressé et toujours ainsi, elle continua asseurant (Dieu avec nous) par le diable qu’il n’en voulloit pas meschoir, qu’il lui debvoit seulement faire du bien et quelque temps par appres se porta mieux. Nicollas Mürset dudit lieu, certifie avoir entendu, de Marie feme de Jehan Beguerel, que ladite fille de ladite Judit, avoit esté vers elle disant et demandant advis si sa mere s’en devoit aller avec certaine Bourguignotte laquelle la voulloit emmener et oster du lieu, dont par advis sesdits enfants resollurent qu’ils l’aimoyent encores mieux ici au lieu, que de la sçavoir par ces paÿs estrangers, et ainsi demeurra. Et en outre que ladite Judit se trouvoit fort coustumierement parmi le bestail avec grand mescontentement du general. Et plus n’en dirent les avant mentionnees personnes, Aÿant ainsi en absence les ungs des autres faict leur desclaration en sera par rattisfication à la main dudit Sr Maÿre certiffiee la pure verité de ce dont ils pourroient avoir ouÿ et entendu sans fraude fallace, enuie ni deception. Faict et ainsi passé le jour, mois et an presdict. Par ordonnance ainsi signé saulff Presjudice par moÿ J. Carrel, notaire (AAEB, Porrentruy B 284/ 22, Criminalia, II) Cette fois, il est bien question d’accusations pour sortilèges et maléfices. Sans entrer dans le contenu, nous voudrions pourtant de nouveau mettre l’accent sur la forme. Il est évident qu’une importante partie de la construction discursive commune d’une sorcière ou d’un sorcier a eu lieu oralement. Nous rappellerons à cet endroit la conception convaincante des sociologues du savoir Berger et Luckmann (1967) selon laquelle la réalité sociale est produite par la «machine de l’interaction et de la conversation», que c’est dans l’interaction verbale que les acteurs se confirment mutuellement qu’ils vivent dans le même monde et construisent celui-ci uno actu. Ce n’est pas par hasard que la sus-dite Carolina (citée d’après Ströhmer 2003) tente de régler avec précision les auditions de témoins: Wie zeugen sagen sollen Artikel 65 CCC [= 77 CCB; Hörensagen] Item die zeugen sollen sagen, von jrem selbs eygen waren wissen, mit anzeygung jres wissen gründtlicher vrsach. So sie aber vonn frembden hören sagen würden, das soll nit gnugsam geacht werden. Or, une analyse des extraits cités montre au contraire le rôle capital de l’ouï-dire; le document est extrêmement riche en discours rapportés. La formule finale est d’ail- La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 119 leurs significative: la pure verité de ce dont ils pourroient avoir ouy et entendu sans fraude fallace, enuie ni deception. Il ne s’agit en effet que très rarement de témoignages oculaires; le plus souvent, on rapporte des observations de tierces personnes, parfois relayées par des personnes interposées. En voici quelques exemples: 1. Nicolas Murset . . . certifie avoir entendu de Marie femme de Jehan Beguerel que ladite fille de ladite Judith avoit este vers elle disant et demandant advis 2. Jonas Rape berger . . . dit que son vallet . . . lui a souvent desclaré que ladite Judith se trouvoit maintes fois . . . parmi ledit bestail . . . et en oultre avoir aussi entendu de sa femme et de sondit vallet avec d’aultres qu’un jour il s’y trouva trois pourceaux noirs audit trouppeau 3. Adam Racine . . . declare . . . avoir entendu dudit feu Jacques Richard qu’il avoit charge de la saisir, mais qu’il ne la peut attraper et que souventes fois elle se trouvoit inopinément parmi le bestail que oncques n’a veu perdre tant de menu bestail comme presentement, n’ayant bonne opinion de ladite veuve. . . . Pareillement avoir entendu du berger des primes bestes qu’il n’y avoit (sauf respect) sinon un pourceau noir au village comme de faire, et que neantmoings souvent il s’y en trouve encore un qui puis apres s’esvanouist. Une fois de plus donc, la pluralité des voix qui résonnent dans ces textes est impressionnante. En même temps, ces derniers sont très homogènes thématiquement et argumentativement parlant; ils représentent manifestement des pièces d’un même puzzle entre lesquelles un réseau intertextuel s’établit. On peut pour ainsi dire matériellement suivre le chemin des rumeurs concernant l’accusée à travers le village 17 . Les personnes qui témoignent sont choisies avec soin sur la base de leur respectabilité; les témoins oculaires sont des femmes, des valets, des serviteurs; le fait que leur récits soient relayés par des personnages ayant plus de notoriété sert à augmenter la pertinence de leurs propos. L’architecte de cette construction discursive est le notaire. Son procès-verbal donne aux témoignages leur forme définitive. Or, lui aussi joue sur l’ambiguïté de certaines affirmations. Dans un premier temps, on pourrait ainsi interpréter l’énoncé: Passant son chemin approchant le bestail du lieu lequel le berger gardoit, s’escria contre elle: Sorcière ou vas-tu? oste-toi loing d’ici! tu ne viens sinon pour donner le mal au bestail! sans qu’elle en ait fait aucune instance comme un discours indirect libre ou réflecteur rapportant un récit d’Adam Racine («passant mon chemin . . . je m’écriai contre elle . . . »). Or, les règles du style réflecteur exigeraient la transposition en imparfait («passant son chemin . . . il s’écriait»). Énonciativement parlant, la vérité de ces propos est donc pour ainsi dire garantie par le notaire lui-même 18 . On observe de même une espèce de «réification» 17 Voir déjà Baumeler (1984: 22s. et 49) pour l’importance de la «rumeur publique» dans les procès de sorcellerie. 18 En partant de la dialogisation intérieure, Bakhtine qualifie cette forme particulière du discours de construction hybride: «Nous qualifions de construction hybride un énoncé qui, d’après ses indices grammaticaux (syntaxique) et compositionnels, appartient au seul locuteur, mais où Georges Lüdi 120 des observations rapportées, qui se détachent pour ainsi dire de la voix qui les a formulées (les enfants de quel ménage? ) pour devenir des «faits», dans l’énoncé suivant: De plus que Blaisette . . . cerchant des brebis par la village entra devant l’estable, comme les enfants de son mesnage lui ont desclaré, empoigna deux ou trois agneaux dont incontinent l’un se coucha, deux devindrent mallades et deans quinze jours furent perdus. C’est d’ailleurs bien le passé simple que le notaire emploie dans ses conclusions (Et plus n’en dirent les avant mentionnées personnes), qu’il assume comme locuteur du monde avec sa signature. En résumé, on peut dire que le notaire Carrel orchestre la reproduction de rumeurs, en mettant ingénieusement en scène un certain nombre de personnages-locuteurs dans les propos desquelles résonnent en tant qu’énonciateurs les voix de la communauté villageoise entière. La consignation de propos oraux dans un document officiel écrit attribue au notaire non simplement le rôle de scribe, mais bien celui d’agent de l’ensemble de la communauté. En même temps, son rôle est occulté par une «objectivité» factice des faits relatés. 5. Confessions Nous avons cité en exergue les confessions de Johanne Richard. Les confessions ont une importance très particulière dans l’ordre des procès criminels des XVI e / XVII e siècles. En effet, le droit de l’époque exigeait des aveux pour qu’une condamnation à mort puisse avoir lieu. Qui réussissait à nier toute activité de sorcellerie, même sous la torture, pouvait espérer sauver sa vie 19 . Cela ouvre la voie à de nombreux problèmes et abus. Ainsi, nous lisons dans la Carolina: se confondent en réalité deux énoncés, deux manières de parler, deux styles, deux «langues», deux perspectives sémantiques et sociologiques. Il faut le répéter: entre ces deux énoncés, ces deux styles, ces langues et ces perspectives, il n’existe du point de vue de la composition ou de la syntaxe, aucune frontière formelle. Le partage des voix et des langages se fait dans les limites d’un seul ensemble syntaxique, souvent dans une proposition simple» (Bakhtine 1978: 125-26). 19 Mais pas nécessairement regagner sa liberté comme le prouve un document curieux de la fin septembre 1648. Il s’agit du manuscrit de l’annonce de la décision des magistrats à Anna Rognon, accusée par de nombreux témoins de sorcellerie, mais ayant courageusement nié ces faits. Le texte, destiné à être lu, s’adresse directement à la deuxième personne à l’inculpée, lui annonçant qu’on aurait pu la laisser en prison «pour n’estre non seulement chargé de 14 proceps et accusations et auoir fauté le serment de ton bannissement, mais qui plus est tant de veritables indices et charges sur toÿ raportées par gens de bien et d’honeur»; mais que «pour l’esperence qu’ils ont que tauras souuenence de tant d’admonitions et saintes. Instructions qui t’ont estées faites que tu donerois gloire à Dieu par une vraÿe confession et repentence, aÿent esgard au salut de ton ame, par ci apres ils ont ordonéz et jugéz que de pure pure [sic] graces tu seras alliberrées de la prisson / / Mise et mené et ta maison entre les mains de tes enfens, Jllecq estre enchainée et cadenée tout le temps de ta uie sans iamais t’en alliberer par force ou autrement ni en sortir iour et nuict nÿ et nul temps». Le texte se termine par les mots «mest ta main droicte sur la poictrine et dis apres moÿ: Aÿnsi comme m’a esté leu deuant, et que i’aÿ le tout bien entendu, ie le feraÿ et observeraÿ de point et point sans iamais ÿ contreuenir, par art suptilité, nÿ inuention quelconques, ainsi en suiure et aggerer la dicte sentence tout le temps de ma uie, ainçi que ie ueux, que Dieu m’aide, et en la vie, et en la mort». La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 121 Artikel 56 CCC [= 48 CCB] Item der gefangen soll auch zum minsten über den andern, oder mer tag nach der marter, vnnd seiner bekantnuß nach gutbeduncken des richters in die büttelstuben oder ander gemach für den bann richter, vnnd zwen des gerichts gefürt, vnd jm sein bekentnuß durch den gerichtschreiber fürgelesen, und alsdann anderwerd darauff gefragt, ob sein bekantnuß wahr sei, vnnd was er dazu sagt auch auffgeschriben werden. Von mißbreuchen vnd bösen vnzernünfftigen gewonheyten, so an etlichen orten vnd enden gehalten werden Les confessions représentent un genre de texte voire une «formation discursive» possédant ses règles particulières, qui sont remarquablement stables sur plusieurs siècles. Cela concerne premièrement les éléments de contenu. Dans sa leçon inaugurale de 2003 sur les procès qui se sont déroulés à Neuchâtel au XV e siècle, Jean- Daniel Morerod écrivait: Le schéma se fixe très vite et il est répété par les accusés sans variations notables. . . . Quand il a lu de tels aveux - déroulés selon un ordre assez prévisible et avec peu de variantes d’une affaire à l’autre - que peut dire l’historien? Il lui est assez facile de montrer dans ces schémas une inversion généralisée: la messe à l’envers, l’hommage vassalique à l’envers, l’amour à l’envers, etc. Mais cette inversion n’est évidemment pas propre à une affaire en particulier et ne dévoile rien des pratiques réelles de tel ou tel accusé. (http: / / www2.unine.ch/ documentmanager/ files/ autre/ manifsacademiques/ li03-04_morerod.pdf, p. 1) Or, ces mêmes schémas se retrouvent encore plus d’un siècle plus tard sur le Plateau de Diesse (avec, peut-être, un accent plus fort sur les maléfices et une importance moindre accordée à la «synagogue»). En effet, toutes les 66 confessions mentionnées suivent un même modèle discursif extrêmement stéréotypé. On peut supposer, avec Baumeler (1984, A 18), que «l’accusé est . . . soumis à un interrogatoire dont les questions sont strictement établies d’après le code satanique» 20 . Deuxièmement, la répétitivité concerne la structure linguistique, qui est en général celle du discours rapporté, le plus souvent sous forme de discours indirect: «item a dit/ confessé que . . . ». Il s’agit manifestement d’une tradition discursive reprise d’une région et d’un greffier à l’autre; nous la trouvons dans les confessions de Rollin Borguignon de 1481 à Neuchâtel, analysées par Isabelle Terrier (2001), 20 Voir aussi Pfister (2006): «Für die westeurop. Hexenverfolgung ist in dieser Ära das sog. kumulative Hexenkonzept kennzeichnend: Hexen wurde Schadenzauber (maleficium) an Mensch (Verursachen von Krankheit, Tod, Impotenz, Unfruchtbarkeit), Tier (Verursachen des Tods von Kühen bzw. des abnormalen Verhaltens von Arbeitstieren), Arbeitsgegenständen (v. a. Misserfolg bei der Milchverarbeitung) und Gemeinschaft (Verursachen von Hagelwettern, Lawinen usw.) vorgeworfen. Ausserdem wurde ihnen Häresie unterstellt, konkret die Mitgliedschaft in einer teufl. Sekte. In regionalen Variationen anzutreffende stereotype Elemente dieses Glaubens waren der Hexensabbat, die Aufnahme in die Sekte des Teufels durch Teufelsbuhlschaft, Blutentnahme und Teufelsmal sowie die Ausstattung der Hexe mit Mitteln für den Schadenzauber (Salbe, Pulver).» Tous ces éléments se trouvent dans les confessions attestées dans la Montagne de Diesse. Georges Lüdi 122 aussi bien que dans dans celles de Jeanne Mittet de 1596 à Montmelon, transcrites par Jacqueline Baumeler (1984). La forme de discours rapporté pose plusieurs problèmes concernant la relation entre les confessions originales et leur représentation dans les documents. Il y a longtemps que les théoriciens du discours rapporté insistent sur le fait qu’il ne s’agit jamais de reproduction directe, mais toujours d’une transformation des propos originaux. Pour le dire avec Hilty (1973), il s’agit d’éviter la confusion entre le nominandum (l’énoncé rapporté original) et le nomen (l’énoncé rapportant, secondaire), le discours rapporté étant toujours l’objet d’une reformulation du contenu de l’énoncé original par le locuteur de l’énoncé secondaire, rapportant le premier. Trois remarques à ce propos. (a) On aura constaté que les confessions de Johanne Richard sont reproduites en français, sans aucune trace de dialecte francoprovençal. Or, au vu de la diglossie médiale qui régnait dans la région à l’époque - le français était la langue de l’écrit, de la bible, etc., le francoprovençal la langue vernaculaire parlée dans la vie quotidienne (voir Kristol 2005: 151s.) -, il est extrêmement improbable que les accusé(e)s aient parlé français. Il y a donc automatiquement une traduction ou transposition des propos originaux de dialecte en français. Un cas encore plus saillant est rapporté par Isabelle Terrier (2001: 56s.) à propos du procès de Jehanneret Regnal de Travers. Le document reproduit est une traduction en français, «sans doute . . . faite pour l’administration comtale, qui n’utilise que le français» (p. 66), mais il est tiré d’un original latin: Donné par coppie sur l’original escript en latin, transmuer en francois par ledit inquisiteur, l’an dessusdit le xxvieme jours d’octobre, par moy notaire soubscript, ainsin signer après la signature de messire Jeham Sagon, curé dou Vaultraver, et par le commandement dudit inquisiteur, ainsin signer l’an et jour dessusdit(s) par moy. [Jacques de Berne] (Terrier 2001: 62) Il est évident que la double traduction francoprovençal → latin → français ôte toute spontanéité au texte et maximise l’intervention des scribes dans la formulation des confessions. (b) Le discours indirect tel qu’il apparaît dans les confessions suggère un mode de production monologal: la seule/ le seul à parler est l’accusé(e). Il est rare que le greffier note les confessions sous forme de réponses aux questions posées par les juges et également transcrites 21 . Or, tout porte à croire que, dans la situation d’énonciation originale, il s’agissait d’un dialogue ou, plus vraisemblablement encore, d’une interaction polyadique, qui est résumée/ reproduite en discours indirect dans une seule proposition subordonnée. Mais quelle était la forme de cette interaction? Prenons l’exemple de Françoise Maillard, qui confesse la fabrication de la grêle et sa participation au sabbat de la forme suivante (Renard-Gotteraux 1976: 36): 21 Voir Baumeler 1984, A 44s. pour quelques contre-exemples. La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 123 Item plus a confessé qu’elle et ses complices ont battu l’eau avec bastons que leur donnoit leur maistre a Montezel et en la fontaine de Chenaulx. Finalement elle et ses complices ont danssé et tenu leur sinagaugue audit Chenaulx et Montezel. On peut s’imaginer deux formes extrêmes du dialogue original: (i) - Qu’avez-vous fait? - Ensemble avec d’autres, j’ai battu l’eau à Montezel et à la fontaine de Chenaulx. Avec un bâton que m’avait donné mon maître. - Et encore? - Et nous y avons dansé et tenu notre synagogue. (ii) - Vous confessez que vous et vos complices avez battu l’eau, avec des bâtons que vous donnait votre maistre, à Montezel et à la fontaine de Chenaulx? - Oui - Vous confessez qu’avec vos complices, vous avez dansé et tenu votre sinagogue à ces deux endroits? - Oui Dans la version (i), l’interrogateur pose des questions ouvertes; les réponses sont entièrement formulées par l’accusée. Dans la version (ii), l’accusée répond par un acquièsement verbal ou même non-verbal à des questions fermées. Il est possible que, juridiquement parlant, les deux «aveux» soient équivalents. Discursivement, leur statut est radicalement différent avec des conséquences pour l’explication du parallélisme frappant entre les confessions des divers accusés. Dans la version (i), la ressemblance mentionnée entre les confessions devrait être expliquée par la technique du procès-verbal employée par le greffier, mais aussi et surtout par une espèce de mémoire discursive collective, les accusé(e)s ayant assisté à la lecture publique de nombreux aveux lors de procès précédents. Dans la version (ii), l’intertextualité s’explique majoritairement par les questions de l’accusateur, toujours les mêmes, et par l’usage des notaires d’attribuer systématiquement les propos aux accusés. Le danger de suggérer aux accusés des réponses de détail est en tout cas mentionné dans la Carolinia: Art 54 CCC [= 66 CCB]. Item so obgemelt fragstuck auff bekantnuß die auß oder on marter geschicht gebraucht werden, So soll alsdann der richter an die end schicken, vnnd nach den vmbstenden, so der gefragt, der bekanten missethat halber erzelt hat souil zu gewißheyt der warheyt dienstlich, mit allem fleiß fragen lassen ob die bekantnuß der obberürten vmbstende war sein oder nit, dann so eyner anzeygt die maß vnnd form der missethat als vor zum theyl gemelt ist, vnd sich dieselben vmbstende also erfinden, so ist darauß wol zumercken, daß der gefragt die bekanten missethat gethon hat, sonderlich so er solch vmbstende sagt, die sich inn der geschicht haben begeben, die keyn vnschuldiger wissen kan. Keynem gefangen die vmbstende der missetbat vor zusagen, sonder jn die gantz von jm selbst sagen lassen. Déjà Baumeler (1984, A 47) avançait l’hypothèse que les accusé(e)s puisaient «dans les questions renouvelées des magistrats le souvenir d’histoires sataniques ou des croyances communes». Georges Lüdi 124 Il est évidemment vraisemblable qu’il s’agit, dans le cas des confessions de la Montagne de Diesse, d’un mélange des deux techniques. Ainsi, lorsque Françoise Maillard raconte sa première rencontre avec le diable (Renard-Gotteraux 1976: 35): a dit et confessé avoir environ six ans que venant de la Neufve ville de parler a son fils, estant fort desconfortée, se lamentant pource qu’elle estoit contrainte abandonner son bien en decret et egalation [sc. faillite] rencontra un homme vestu de noir aux Planches de Velauds elle se plie bien dans un moule séculaire fourni par les magistrats 22 , mais c’est probablement elle qui contribue certains détails. De même quand Jean Witzig confesse (op. cit., 51): . . . qu’ayant engraissé sa main de diabolique graisse, que ledit Satan lui avoit donné, toucha un boeuf qu’estoit a Pierre Sunier de Nodz, il en meschut. Avec sa dite main engraissée, frappa un boeuf rouge appartenant au sieur Jean Chastellain justicier qu’estoit devant sa maison incontinent apres il en meschut. Nous nous refusons donc d’admettre que la chambre d’accusation aurait entièrement inventé ces détails (ils pourraient, il est vrai, avoir été suggérés par des témoins) et proposons de voir ici le résultat de formulations collaboratives, à laquelle plusieurs personnes - dont les accusés - ont participé, mais qui sont rendues dans les procès-verbaux comme si les accusés seuls les avaient énoncées. Dans ce sens, la forme du discours rapporté rend très mal le déroulement de l’interrogatoire. (c) Cela soulève la question de savoir quelles relations peuvent exister entre les «confessions», les «accusations» et les «faits». Nous avons retenu l’hypothèse que la sorcellerie résulte d’une sorte de construction commune par la communauté. On se demandera par conséquent quelles relations interou transtextuelles peuvent exister entre les documents que nous avons vus plus haut, produits par la communauté villageoise (témoignages et accusations), et les confessions. S’y ajoute la question, lancinante, de savoir ce qui - en dehors de la torture, bien sûr - peut avoir motivé les accusé(e)s à avouer des faits de sorcellerie imaginaires, même s’ils partageaient, avec les juges, des croyances populaires, voire une idéologie commune 23 . Pour répondre à cette question, nous pouvons compter sur un nombre d’indices. En particulier grâce au fait qu’une certaine prise de conscience de la possibilité d’abus existait, nous l’avons mentionné, déjà auprès des contemporains 24 . Nous 22 Voir Morerod (2003): «vous êtes triste, ou déçu ou pauvre/ vous rencontrez quelqu’un qui se révèle être le diable et vous induit à le suivre/ vous lui rendez hommage etc.» 23 J’ai de la peine à partager les explications de spécialistes, qui vont d’une hystérie collective jusqu’à la recherche d’un statut par des personnes marginalisées: «regardez ce que je vous ai fait! » 24 «Die Carolina hält im Gegensatz zu einigen Prozessleitfäden aus der orthodoxen Hexenliteratur (3. Buch Malleus maleficarum 1486; Hermann Goehausen, Tractatus novus de processu iudirico 1629/ 30) an dem Reinigungszweck (purgatio) der Tortur fest. Die geständnislose Folte- La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 125 disposons par exemple d’un texte allemand dénonçant certaines pratiques pour obtenir des confessions (Stappert 1620: 5): So fragte der Pastor ihn: Wie kommt es dann, daß euer Bekenntnis mit eurem Geständnis und der Wirklichkeit übereinstimmt? Darauf antwortete der arme Mann, indem er sein Geständnis wiederholte: Ich habe gesagt, daß die Frau, als sie noch lebte im Ruf der Zauberei stand und mich gelehrt hat. Doch sie hat mich tatsächlich nicht die Zauberei gelehrt. So mußte ich auch sagen, welchen Schaden ich angerichtet habe durch Zauberei. Also habe ich von allen, bei denen ich wußte, daß ihnen Vieh gestorben ist, behauptet, daß ich es umgebracht hätte. Drittens habe ich sagen müssen, ich sei ein Werwolf gewesen und hätte Schafe gefressen. Und von den Schafen, die mir selbst die Wölfe genommen hatten, habe ich auch behauptet, ich hätte sie gefressen. Das aber war alles gelogen und auf dieses Geständnis will ich leben und sterben und am Jüngsten Tage wieder auferstehen. Si j’interprète correctement ce témoignage, la réponse principale à notre question est que les mêmes objets de discours - une querelle matrimoniale, le décès d’un enfant, une fausse couche, la mort d’un mouton - apparaissent dans des contextes descriptifs et argumentatifs différents, circulent d’un genre de texte, voire d’une formation discursive à l’autre. Contraints d’avouer leurs méfaits, les accusés se trouvent, pour ainsi dire, dans un contexte d’étayage de la part des interrogateurs, qui leur fournissent le cadre discursif, y compris l’orientation argumentative, dans lequel il ne leur reste plus qu’à insérer des informations de détail. L’exemple allemand cité est très significatif à ce propos: la perte d’un mouton est réinterprétée et avancée comme preuve de l’existence d’un loup garou. Dans le cas de Jean Witzig, nous avons en plus la chance de pouvoir comparer les accusations du pasteur de Crousat avec les confessions de l’inculpé. Or, les points de recoupements sont rares: rung eines Inquisiten muss nach einer Anzahl zulässiger, jedoch nicht exakt festgelegter Wiederholungen(Artikel 58 CCC) aus Mangel an Beweisen zum Freispruch ab instantia führen. Die latente Gefahr einer missbräuchlichen Anwendung der Peinlichen Frage ist den Verfassern der Carolina durchaus bewusst und soll durch eine Reihe von Schutzregeln für die Untersuchungshäftlinge reduziert werden: Neben der Protokollierungspflicht des Gerichtsschreibers, alle während der Tortur gemachten Aussagen lückenlos festzuhalten (Artikel 46 CCC) und vom Inquisiten einige Tage nach dessen Marterung noch einmal bestätigen oder widerrufen zu lassen (Artikel 56 CCC), ist das Tribunal verpflichtet, erfolterte confessiones durch erneute Zeugenbefragungen auf ihren Wahrheitsgehalt hin zu überprüfen (Artikel 52-54 CCC). Vor dem Hintergrund der zeitgenössischen Vorstellung konspirativer Hexenversammlungen, aus der in der Ermittlungs- und Folterpraxis des 17. Jahrhunderts intensive Besagungen, die den Hexenrichtern immer neue Namen von vermeintlichen Mitgliedern der Teufelssekte präsentierte, verdient das carolinische Verbot von Suggestivfragen (Artikel 56 CCC) zumindest in rechtstheoretischer Hinsicht besondere Beachtung.» (Ströhmer 2003) Georges Lüdi 126 reproches confessions Vie scandaleuse et beuveries Ø Chicaneries juridiques Ø Induction à de faux témoignages Ø Contrefaction de documents Ø Être seul dans son jardin autour de la minuit Ø Rareté des visites à l’église et somnolence Ø pendant le culte S’isoler des autres et mener des soliloques Ø Ø Pacte avec le diable Ø Usage d’onguents maléfiques pour rendre le bétail malade ou provoquer la mort d’animaux appartenant à plusieurs voisins et à ses fils et beau-fils Ø Usage d’onguents maléfiques sur les propres enfants, qui tombent malades et meurent Ø Participation au sabbat Faire des mouvements de semeur le long Semer de la poudre maléfique sur les champs des routes communs C’est donc à des moments différents, dans la chaîne d’opérations discursives qui mène des accusations aux confessions en passant par les divers interrogatoires, qu’émergent peu à peu les objets discursifs qui résultent dans une condamnation. Nous lisons, en d’autres termes, cette confrontation de textes comme indice en faveur de la thèse que les aveux sont co-construits, qu’ils sont à leur tour foncièrement polyphoniques et masquent une pluralité de voix. Cette opération dépasse largement le simple acquiescement des accusés à des questions fermées, mais ne consiste pas non plus à inventer simplement des méfaits comme le témoignage allemand cité pourrait le suggérer 25 . Il est vrai que nous n’avons comme traces de 25 Je ne suis donc pas entièrement certain du bien-fondé de l’argumentation de Morerod (2003) quand il écrit: «Sommes-nous sûrs que l’enregistrement par l’Inquisiteur d’activités suspectes lui permet bien de repérer des pratiques réelles et non pas de recueillir de simples calomnies destinées à perdre des innocents? La question est légitime et il n’est pas possible d’écarter le soupçon que certains faits allégués sont inventés ou gauchis. Toutefois, les suspects dont le nom revient le plus souvent sont des détenteurs de secrets et, pour l’un d’entre eux, Rolin Bouguignon, un procès a été conservé, où se activités de magicien sont évoquées. Le document est La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 127 cette co-construction que la rédaction finale de la confession, qui en cache définitivement la polyphonie, ainsi que des cas, isolés, de procès-verbaux plus interactifs. 6. Vers un bilan Quel est le bilan de nos analyses? Nous nous étions posé la question de savoir comment une «personne du monde» était catégorisée comme «sorcière/ sorcier». Si l’on parcourt le chemin parcouru, à travers nos textes, à partir des rumeurs, au village, sur le comportement étrange d’un voisin jusqu’à la condamnation définitive de ce dernier comme «criminel» par les magistrats de Berne et de Bâle, on doit en conclure à une conjonction de plusieurs opérations discursives. Premièrement, tous les (ou la plupart des) acteurs locaux partagent l’idéologie de la sorcellerie, construite dans le cadre de traditions discursives séculaires, idéologie déposée «dans les tréfonds de la mémoire collective» (Baumeler 1984) et qui n’est pas déterminée, mais sans doute quand-même facilitée par le contexte socioculturel local et les conditions de vie précaires. Deuxièmement, des formations discursives particulières mettent à disposition des acteurs un nombre de genres textuels qui servent de moules à la verbalisation, dans des documents archivables, des différentes étapes des procès de sorcellerie. Les agents de ces pratiques discursives, à savoir les notaires, les greffiers, les pasteurs, etc. mobilisent une compétence interdiscursive nourrie de nombreux échanges avec leurs homologues dans les régions voisines, au sein de réseaux sociaux souvent identifiables 26 , et forment ensemble la communauté discursive de ceux qui produisent et gèrent ces textes (voir Maingueneau 1984). Deux concepts nous ont semblé, troisièmement, particulièrement pertinents pour expliquer la contribution de ces genres de texte à la construction de la sorcellerie: d’abord la notion de polyphonie, qui substitue l’idée d’un «auteur» responsable d’un texte d’archive par les notions, plus opérationnelles, de locuteur et d’énonciateur; cela nous a permis de postuler qu’un scribe, pasteur, notaire ou greffier, peut être perçu non pas comme l’individu responsable de ses textes, mais comme le porte-parole de la communauté villageoise entière. Dans ce contexte, nous avons mis en avant le concept de discours rapporté, dont les propriétés formelles constituent autant de traces du ched’autant plus crédible que Rolin s’est finalement refusé à entrer dans le rôle que l’Inquisiteur attendait de lui et n’a pas admis sa participation au sabbat. Le procès-verbal témoigne d’une tentative manquée de l’Inquisition de passer des pratiques magiques de l’accusé, qu’il reconnaissait, aux aveux classiques qu’il a finalement refusé d’endosser. C’est dire que ces pratiques magiques ont tout l’air d’avoir existé.» Notre concept de formulation collective permet des nuances beaucoup plus fines. 26 Nous ne les avons pas mentionnés ici, mais un regard dans les registres paroissiaux suffit pour identifier des relations de parenté (mariages, témoignages lors de baptêmes, etc.) entre les notaires, les ministres de Dieu et les «officiers» (maires, lieutenants, greffiers, soutiers, etc.) des villages avoisinants et pour identifier ainsi les «réseaux sociaux» des notables. Georges Lüdi 128 minement, à travers le village, d’opérations discursives enrichissant certains objets de discours (x = nom de personnes) par des prédication (x a le comportement a, x a dit b, etc.). La propriété principale de ces catégorisations était, en effet, qu’elles provenaient en toute règle d’observations de deuxième ou de troisième main, permettant ainsi de reconstituer la circulations de rumeurs et condamnations non seulement à travers différents types de textes, mais aussi au sein de la communauté villageoise. En cours de route, on a pu observer le passage d’accusations concrètes aux reproches de pratiques de sorcellerie, ces dernières étant fondées sur des traditions séculaires, mais qui représentent aussi et surtout le fondement d’une idéologie largement partagée. Troisièmement, les deux procédés ont pour effet additionnel évident de masquer les acteurs, qu’ils soient accusateurs, comme le pasteur de Crousaz, interrogateurs, greffiers ou juges. La sorcellerie acquiert ainsi un degré de factualité, d’«objectivité» qu’elle ne mérite pas. Donnons un premier exemple. Si de Crousaz dit «je», c’est tout juste pour dire qu’il a pris des renseignements ou, avant le début du passage cité plus haut, pour dire qu’il a tenté de convaincre le suspect: Magnifique et treshonoré Seigneur [sc. le bailli de Nidau] Je fus hier (incontinent aprees votre despart en suite de vostre prudent advis) auprès de Jean Witzig le notaire lequel ie taschay en presence de Jacob Hierle et d’Abraham Roulier avec le [saustier] de disposser à la confession de ses pechés par sainctes exhortations tirees de la parolle de Dieu et arguments ou raisons bien craignantes ce qu ay encore continué aujourdhuy matin, et ce vespre par la voÿe la plus amiable qui m’a este possible mais s’a este en vain.» Or, même dans ces passages, il minimise sa responsabilité en se référant à ses supérieurs d’abord et ensuite à l’instance religieuse suprême, qui est toujours présente, mais jamais directement invoquée. En fait, il semble être présupposé que le ministre est l’agent légitime d’actions contre les personnes qui «renient Dieu», «dorment dans l’église», etc. et que ses «saintes exhortations tirées de la parole de Dieu et arguments ou raisons bien craignantes» n’ont pas besoin de justification particulière. On se rappellera les réflexions de Berrendonner (1982) sur «les masques du prescripteur» dans le discours normatif, où il invoquait en particulier un «génie de la langue» abstrait, auquel seraient conférés, à l’aide d’un raisonnement «par métaphore», les caractéristiques de la divinité (1982: 38s.). Dans le cas des procès de sorcellerie, c’est bien Dieu en personne auquel on se réfère en dernière instance à l’aide d’un raisonnement du type: (i) les Écritures saintes contiennent la parole de Dieu; (ii) le ministre Jean de Crousat représente Dieu; (iii) donc, ses arguments et raisonnements sont justes et légitimes par principe. Quel meilleur «masque» que Dieu en personne peut-on s’imaginer? Les notaires et greffiers de leur côté se cachent derrière la formule rituelle «écrit par ordonnance et commandement», qui renvoie à une instance politique supérieure implicite. Quant à la voix des interrogateurs - qui dépendent de la même autorité politique -, elle est totalement occultée. On comprend mieux, dans ce contexte, que les interventions des greffiers en tant que rédacteurs des témoigna- La sorcellerie dans la Montagne de Diesse au XVII e siècle comme construction sociale 129 ges et des confessions sont entièrement passées sous silence, donnant à ces dernières une apparence d’objectivité, de factualité. Les faits parlent d’eux-mêmes et ce qui est dit est présenté comme incontestable. Or, cette objectivité est démentie par les analyses que nous avons présentées ici. En d’autres termes, tous les textes que nous avons cités sont non seulement profondément imprégnés d’une idéologie sous-jacente, ils contribuent aussi et surtout à la reproduire et à l’imposer aux habitantes et habitants de la Montagne de Diesse, fussent-ils eux-mêmes accusés de sorcellerie. Nous ne prétendons évidemment nullement que ces considérations remplacent celles des historiens et des anthropologues sur les origines, l’épanouissement et la disparition des procès de sorcellerie en Suisse, dans le Jura et, en particulier, dans la Montagne de Diesse. Nous les considérons plutôt comme complémentaires. Il n’en reste pas moins que la contribution que l’analyse de discours peut fournir à l’explication des phénomènes qui ont servi comme point de départ à nos réflexions est, selon nous, bien plus que marginale. Émile Benveniste (1974) n’affirmait-il pas que le fonction de la langue est «d’organiser toute la vie des hommes»? Le pouvoir des mots, si ceux-ci se moulent dans des pratiques discursives socialement reconnues, voire dans des formes traditionnelles, est très considérable; la ressemblance avec d’autres «chasses aux sorciers», qu’il s’agisse d’«étrangers», de «terroristes» ou d’«ennemis politiques» n’est évidemment pas fortuite 27 . Bâle Georges Lüdi Bibliographie Archives exploitées StaB AEEB Mémoires d’ici Littérature secondaire Andenmatten, B./ Utz Tremp, K. 1992: «De l’hérésie à la sorcellerie: l’inquisiteur Ulric de Torrenté OP (vers 1420-1445) et l’affermissement de l’inquisition en Suisse romande», Zeitschrift für Kirchengeschichte [ZSKG] 86: 69-119 Bader, G. 1945: Die Hexenprozesse in der Schweiz, Affoltern a. A. Baumeler [Boillat-Baumeler], J. 1984: Aspects de la sorcellerie dans les Franches-Montagnes et à Saint-Ursanne au XVI e siècle, Université de Neuchâtel, Institut d’histoire. Benveniste, É. 1974: Problèmes de linguistique générale, Paris Berrendonner, A. 1982: L’éternel grammairien, Berne 27 On rappellera par exemple, ici, les recherches sur les discours xénophobes de Marianne Ebel et de Pierre Fiala (1977 et 1983), mais aussi de Ruth Wodak et de ses collaborateurs sur la construction discursive d’«identités nationales» (Wodak et al. 1998). Je signalerai encore un dossier très intéressant de Juliette Lichtenstein (2003), qui déconstruit savamment la soi-disante factualité, voire le soi-disant objectivisme de la presse politique française. Georges Lüdi 130 Berger, P./ Luckmann, T. 1967: The Social Construction of Reality, New York (tr. fr. La construction sociale de la réalité. Paris, 1986) Blauert, A., ed. 1990: Ketzer, Zauberer, Hexen. Die Anfänge der europäischen Hexenverfolgungen, Frankfurt Boureau, A. 2003: «Satan hérétique: l’institution judiciaire de la démonologie sous Jean XXII», Médiévales 44. 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