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La mise à l’écrit et ses conséquences

2017
978-3-7720-5618-5
A. Francke Verlag 
Andres M. Kristol

Le volume comprend 12 contributions consacrées aux problèmes du passage de l'oral à l'écrit. À côté d'un accent très net sur les périodes historiques du francais - depuis les premiers textes rédigés en francais au Moyen Âge - il s'intéresse en particulier à la mise à l'écrit des formes régionales non standardisées de l'espace oilique jusqu'à une époque récente et aux questions de la représentation de l'oral à l'écrit. Malgré la diversité des données analysées, le volume se caractérise par une très grande cohérence thématique grâce aux approches empiriques complémentaires mises en oeuvre.

VOL. 138 ROMANICA HELVETICA A. FRANCKE VERLAG TÜBINGEN La mise à l’écrit et ses conséquences Actes du troisième colloque « Repenser l’histoire du français », Université de Neuchâtel, 5-6 juin 2014 Andres M. Kristol (éd.) ROMANICA HELVETICA EDITA AUSPICIIS COLLEGII ROMANICI HELVETIORUM A CURATORIBUS «VOCIS ROMANICAE» VOL. 138 Andres M. Kristol (éd.) La mise à l’écrit et ses conséquences Actes du troisième colloque « Repenser l’histoire du français », Université de Neuchâtel, 5-6 juin 2014 A. FRANCKE VERLAG TÜBINGEN 2017 ISSN 0080-3871 ISBN 978-3-7720-8618-2 Printed in Germany Internet: www.francke.de E-Mail: info@francke.de Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist ohne Zustimmung des Verlages unzulässig und strafbar. Das gilt insbesondere für Vervielfältigungen, Übersetzungen, Mikroverfilmungen und die Einspeicherung und Verarbeitung in elektronischen Systemen. Gedruckt auf chlorfrei gebleichtem und säurefreiem Werkdruckpapier. © 2017 · Narr Francke Attempto Verlag GmbH + Co. KG Dischingerweg 5 · D-72070 Tübingen Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http: / / dnb.dnb.de abrufbar. Image de couverture: Perrault, Charles, 1628-1703. Contes de ma mère l‘Oye : manuscript : [France], 1695, Barbe bleue. MDCXCV [1695]. The Morgan Library & Museum. MA 1505. Gift of the Fellows, 1953 Photographic credit: The Pierpont Morgan Library, New York. À la mémoire de David Andrew Trotter (1957-2015) ami, collègue et inspirateur de ce colloque Table des matières A NDRES K RISTOL : Présentation 7 H ANS G OEBL / P AVEL S ME Č KA : Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl, basés sur une synthèse des données médiévales réunies par Anthonij Dees en 1980 et 1983, et celles de l’ALF 15 D AVID T ROTTER : Mise par écrit et standardisation. Les cas de l’ancien français et de l’anglo-normand 51 B ARBARA W EHR : La syntaxe du sujet pronominal postposé en ancien français. Traces du parlé dans les parties dialogiques de deux corpus en prose 67 C HRISTIANE M ARCHELLO -N IZIA : Quelle place accorder à l’opposition Récit / «Oral représenté» dans la description de l’évolution du français? 85 G EOFFREY R OGER : Les scriptae régionales du moyen français. Pour l’analyse transversale des sources du DMF 109 S TÉPHANE L AÎNÉ : La mise à l’écrit de témoignages oraux dans quelques enquêtes réalisées en Normandie à la fin du XIII e siècle 153 A UDE W IRTH -J AILLARD : Transcription fidèle ou reconstruction? Les paroles sanctionnées par la justice et leur mise à l’écrit (XIV e -XV e siècles) 165 S ERGE L USIGNAN : L’écrit comme condition de la persistance tardive de l’anglo-français: l’exemple des bills de la chancellerie (1380-1403) 175 C LAIRE B ADIOU -M ONFERRAN : Enregistrement(s) de la parole et lecture(s) de l’écrit. La ponctuation de La Barbe Bleue dans les éditions lettrées et peu lettrées des XVII e , XVIII e et XIX e siècles 189 F ABRICE J EJCIC : Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue. Éléments pour une théorie sociolinguistique de l’écrit 211 J EAN -C HRISTOPHE P ELLAT : Les difficultés de mise à l’écrit des peulettrés: les graphies des Poilus 237 Présentation Andres Kristol, Université de Neuchâtel La société humaine s’est d’abord construite grâce au discours oral; l’acquisition de l’écriture n’apparut que très tardivement dans l’histoire et, à l’origine, seulement dans certains groupes. … L’étude diachronique de l’oralité, de l’écriture et des différentes étapes marquant l’évolution de l’une à l’autre offrent un cadre de référence permettant de mieux comprendre non seulement la culture orale des origines et la culture écrite ultérieure, mais aussi la culture de l’imprimé - qui marque un nouveau sommet pour l’écriture - et la culture électronique - qui repose à la fois sur l’écrit et l’imprimé. À l’intérieur de ce cadre diachronique, le passé et le présent (Homère et la télévision) peuvent s’éclairer l’un l’autre. (Walter J. O NG 2014 : 25 [ 1 1982: 2]) Le troisième colloque «Repenser l’histoire du français» s’est tenu à l’Université de Neuchâtel les 5 et 6 juin 2014. Après le premier colloque d’Innsbruck organisé par Maria Iliescu et le deuxième de Chambéry, préparé par Dominique Lagorgette, dont les thématiques étaient largement ouvertes (cf. L AGORGETTE 2014), nous avons jugé opportun, en accord avec les initiateurs de cette série de colloques, Maria Iliescu et David Trotter, de proposer une thématique plus ciblée pour ce troisième colloque, afin d’assurer une plus grande unité du colloque lui-même et de ses actes. «La mise à l’écrit et ses conséquences» a été choisi comme thème fédérateur pour permettre à des diachroniciens s’intéressant à toutes les périodes de l’histoire de la langue française de se retrouver autour d’un certain nombre de questions communes. Comme on le verra ci-dessous, il me semble que cet objectif a été pleinement atteint, et ceci malgré la diversité des thématiques, des méthodes d’analyse et des documentations traitées. Le présent volume réunit une sélection de onze contributions parmi la vingtaine de communications qui ont été présentées lors du colloque de Neuchâtel 1 . Celles-ci couvrent une bonne partie de la diachronie attestée du français, depuis les premiers témoignages littéraires et utilitaires jusqu’aux écrits des poilus de la Première Guerre mondiale. Un premier groupe d’auteurs (Hans G OEBL , assisté de Pavel S ME Č KA , Stéphane L AÎNÉ , Serge L USIGNAN , David T ROTTER , Geoffroy R OGER ) aborde la ten- 1 Toutes les contributions ne nous sont pas été remises ou ont été écartées pour des raisons qualitatives. 8 Andres Kristol sion entre l’oral dialectal et l’écrit «régional» dans le domaine des scriptae médiévales. Hans G OEBL qui applique les méthodes de la dialectométrie salzbourgeoise aux données médiévales rassemblées dans les années 1970-80 par Anthonij Dees - données sauvées de façon presque «miraculeuse» en 2006 par le transfert des cartons originaux de Dees d’Amsterdam à Salzburg - cherche à étudier les structures géolinguistiques du domaine d’oïl médiéval telles qu’elles se dégagent des pratiques scripturaires littéraires et non littéraires en comparaison avec les données dialectales orales, modernes, vers 1900, selon l’ALF. Stéphane L AÎNÉ analyse la langue employée dans les enquêtes juridiques réalisées dans différentes régions de la Normandie vers la fin du XIII e siècle, après le passage du latin à la langue vernaculaire; il y observe le conservatisme de l’écrit (présence de graphies archaïsantes), les nombreux dialectalismes phonétiques et certaines traces d’une oralité transcrite dans des témoignages au discours direct ou narrativisés, tout en restant très prudent quant à la représentativité des phénomènes observés pour l’oralité «authentique» de l’époque. Serge L USIGNAN documente la vitalité de la tradition scripturaire «anglo-française», autochtone, dans les pétitions adressées au roi et les demandes adressées au chancelier du royaume jusque dans les premières décennies du XV e siècle, tradition écrite qui survivra en Law French jusqu’au XVIII e siècle. Il montre que ces documents laissent penser qu’ils ont été écrits par un grand nombre de rédacteurs différents, dans de nombreuses régions d’Angleterre. Il s’agirait donc d’un français resté vivant dans l’écrit sur un vaste territoire (et en contact étroit avec l’anglais) - un véritable cas de diglossie médiale, avec le français d’Angleterre comme langue de l’écrit. Dans les documents produits par l’administration royale de Londres, en revanche, il observe une tendance à se rapprocher du français continental, amorce du processus qui fera du français une langue étrangère en Angleterre. Comme Serge Lusignan, David T ROTTER et Geoffroy R OGER s’intéressent au maintien d’une différenciation régionale de l’écrit français jusqu’à la fin du Moyen Âge. Les trois auteurs travaillent avec différents corpus, mais s’appuient sur une méthodologie comparable, c’est-à-dire en sélectionnant et en analysant un certain nombre de paramètres - de traits scripturaires - révélateurs. David T ROTTER qui compare des documents d’origine lorraine et anglo-normande, constate que dans les deux cas de figure - en l’occurrence dans des régions situées à l’extérieur du royaume de France -, la standardisation de l’écrit est très tardive (en Lorraine) ou inexistante (en Angleterre), jusque vers 1400 et même au-delà: le français médiéval écrit est resté une langue pluricentrique. Et les copistes, très conscients du phénomène, étaient souvent capables de varier de type d’écriture. Quant à Geoffroy R OGER , qui s’appuie sur le dépouillement de plus de 2’200 formes attestées dans quelque 464 sources datées entre 1324 et 1502 et localisées grâce à la base de données du DMF, il démontre qu’il est incorrect d’envisager le Présentation 9 moyen français, y compris en ce qui concerne le XV e siècle, comme une langue standardisée. Mis à part Stéphane Laîné, mentionné ci-dessus, qui s’intéresse autant à des problèmes de scripta qu’à la question de l’oralité transcrite, trois auteures de ce volume, Christiane M ARCHELLO -N IZIA , Barbara W EHR , et Aude W IRTH - J AILLARD , s’inscrivent pleinement dans l’optique de la recherche sur «l’oral représenté dans l’écrit». Christiane M ARCHELLO -N IZIA dont les travaux ont déjà beaucoup contribué à ce courant de recherche, cherche à traquer l’origine et le déroulement de certaines évolutions de la morphosyntaxe française grâce aux passages d’oral représenté dans les discours directs («DD en Oral R eprésenté» ), en comparant, dans la langue d’un même auteur, les différences significatives qui apparaissent dans le lexique et la grammaire des deux types de réalisations textuelles. À titre d’exemple, elle observe ainsi que on commence à remplacer nous dans les discours à partir du XIV e siècle, même si cet emploi ne devient courant qu’à partir du XIX e . Mais surtout, en s’appuyant sur le large corpus d’attestations réunis pour la Grande Grammaire Historique du Français (GGHF), elle réanalyse de manière très fine la progression de l’expression du sujet dans l’histoire du français. Pour cette évolution bien connue et souvent commentée, sa documentation lui permet désormais de détailler les facteurs qui semblent l’avoir favorisée ou freinée, et parmi lesquels le type d’énonciation (récit ou discours) semble avoir joué un rôle décisif. Avec une thématique très proche, Barbara W EHR analyse deux textes en prose de la première moitié du XIII e siècle. Elle documente des différences significatives entre les passages narratifs et les discours direct pour deux phénomènes caractéristiques de la syntaxe de l’ancien français qui sont en train d’évoluer: l’expression ou non du sujet pronominal postposé et l’ordre des mots. Par la même occasion, elle alimente le vieux débat sur les éventuelles influences du superstrat germanique sur l’ancien français naissant: selon ses résultats, le récit littéraire conserverait encore des règles de syntaxe provenant du très ancien français - voire d’une influence de l’ancien francique occidental - que la langue parlée de la période étudiée aurait cependant déjà abandonnées. Aude W IRTH -J AILLARD reprend le débat - qui intéresse autant les historiens que les linguistes - au sujet de la fidélité de la mise à l’écrit de certains éléments de discours rapportés dans les sources judiciaires du Moyen Âge. En travaillant sur des documents comptables qui retracent les sanctions infligées à des personnes qui avaient proféré des paroles ignomineuses, elle examine un ensemble indices contradictoires pour ou contre une retranscription fidèle des paroles prononcées, évidemment sans pouvoir (ou vouloir) parvenir à des conclusions définitives. Trois auteurs, enfin, Claire B ADIOU -M ONFERRAND , Fabrice J EJCIC et Jean- Christophe P ELLAT , s’intéressent aux tensions entre oral et écrit et aux difficul- 10 Andres Kristol tés de la mise à l’écrit du français - et de ses variétés régionales ou dialectales - à l’époque classique et moderne. Claire B ADIOU -M ONFERRAND s’intéresse aux problèmes de transcodage entre l’oral et l’écrit et vice-versa dans les Contes de Perrault qui, à l’origine, se présentent à comme une fiction littéraire de récits oraux scripturalisés. Elle étudie les manuscrits et les éditions successives, «lettrées» et «populaires» (de colportage), du XVII e au XIX e siècles, et montre que - alors que le texte des récits demeure relativement stable - la ponctuation, «comprise comme une série d’instructions d’une lecture plus ou moins vocalisée, plus ou moins silencieuse des contes» - change considérablement. D’une ponctuation marquée par la lecture à haute voix, dans les manuscrits et les premières éditions des Contes, on passe ainsi à une ponctuation «pour les yeux», pour la lecture silencieuse, dans les éditions «lettrées». Dans les éditions populaires, en particulier dans les éditions adressées aux enfants, elle observe en revanche un possible «retour» du texte rédigé des contes vers une re-production oralisée. La contribution de Fabrice J EJCIC , bien que consacrée à l’écrit non standard en français régional ou en dialecte d’oïl contemporains, pourrait en fait se lire avantageusement comme une «préface» aux problèmes de scripta médiévale évoqués dans ce volume: «Les écritures dialectales … présentent probablement la fluctuation graphique la plus extrême. … Pour être accessibles à la lecture, les écritures dialectales sont de préférence construites sur l’orthographe de la langue à laquelle le dialecte est rattaché. Ces écritures présentent des interactions graphiques qui font appel à la mémoire visuelle et à la mémoire analytique pour décoder la parole rapportée.» Comme F. Jejcic le souligne lui-même, les parallélismes avec la situation médiévale sont évidents: ces réflexions qui décrivent la situation du scripteur dialectal moderne pourraient aussi se référer mot pour mot à celle des premiers scripteurs du français qui développent leurs graphies à partir de celles du latin. Dans son article, F. Jejcic présente aussi des méthodes d’analyse statistique d’une réalité hautement variationnelle qui pourraient probablement - mutatis mutandis - rendre également service dans l’analyse des scriptae médiévales. Dans son étude de la graphie des Poilus, soldats ordinaires «peu lettrés» de la guerre de 1914-18, et de leurs épouses, Jean-Christophe P ELLAT établit également un lien avec certains phénomènes des scriptae médiévales, en particulier en ce qui concerne les scripteurs qui ne savent pas toujours où ils «doivent» séparer ou souder les mots. En même temps il souligne à juste titre que les lettres des Poilus sont conçus sur le mode de la scripturalité. Ce n’est pas de l’oral transcrit: ce sont des «productions écrites, soumises aux contraintes de ce canal», même s’il s’agit d’écrits de proximité dont certaines graphies peuvent être influencées par la prononciation. «Les scripteurs ne pratiquent pas une ‹écriture phonétique› mais, se souvenant globalement que l’orthographe du français est compliquée, ils ont tendance à ne pas choisir la graphie la plus simple correspondant à un phonème donné, mais à préférer une graphie plus rare, plus compliquée». Présentation 11 Sur la base de ces observations, il me semble légèrement contradictoire que dans sa conclusion, J.-C. Pellat se sente obligé de reprendre le cadre terminologique proposé par K OCH / O ESTERREICHER 1985/ 2001 en déclarant que les «lettres de Poilus étudiées constituent un précieux témoignage du ‹parlé graphique› de peu lettrés d’il y a un siècle». Je pense en effet que le cadre terminologique de Koch/ Oesterreicher, aussi utile qu’il soit, aurait besoin d’être précisé à cet égard. Il serait nécessaire, me semble-t-il, de mieux distinguer les productions écrites de proximité qui ne sont pas pensées sur le mode de l’oralité d’une part et les écrits d’oralité «imitée» réellement pensés sur le mode de l’oralité tels qu’on les trouve dans les pièces de théâtre ou dans les discours directs d’oralité représentée «de proximité» qui sont en partie étudiés dans ce volume par S. Laîné, C. Marchello- Nizia, B. Wehr et A. Wirth-Jaillard. Quand Gabriel, le tonton de Zazie, chez Raymond Queneau, déclare «doukipudonktan», on est effectivement dans le domaine de ce que Koch et Oesterreicher, d’après S ÖLL / H AUSMANN 1985, appellent le «parlé graphique», pensé sur le mode de l’oralité, mais réalisé par écrit, et qui s’oppose ainsi à l’«écrit conceptionnel» de K OCH / O ESTERREICHER 2001: 585. Il en va de même des paroles de Jehan Matheu de la Marche, dans le premier document cité dans ce volume par A. Wirth-Juillard: celui-ci est mis à l’amende pour avoir dit «villain de merde». Que ces paroles rapportées soient authentiques ou non, elles appartiennent sans aucun doute à une oralité conceptionnelle de proximité, transcrite. En revanche, des lettres personnelles adressées à des proches - ainsi que des courriers électroniques et autres textos - modes de communication de proximité s’il en est, sont rarement pensés sur le mode d’une «oralité conceptionnelle», contrairement à ce que pensent Koch et Oesterreicher. Lorsqu’une chère amie proche de la famille termine la carte postale qu’elle adresse à mon épouse et à moi-même en écrivant «je vous embrasse bien fort», elle utilise le mode de l’écrit conceptionnel de proximité et non pas un supposé «parlé graphique» de l’«oralité conceptionnelle»: ce qu’elle écrit, elle ne le dirait jamais, mais, le cas échéant, elle le ferait, dans une situation de communication immédiate, au moment de prendre congé… Il en va de même des lettres échangées entre les Poilus et leurs épouses, comme J.-C. Pellat l’a bien compris. Proximité et oralité ne sont pas liées; la proximité peut se réaliser aussi bien dans la scripturalité que dans l’oralité conceptionnelles, tout comme la distance peut s’articuler aussi bien dans l’écrit que dans l’oral - et avec des moyens qui ne sont pas toujours semblables. Regardons à présent quelques lignes de force communes à différentes contributions de ce volume. D’un point de vue méthodologique, une importante partie des travaux présentés ici frappent par l’importance des approches numériques, quantitatives, réalisées grâce à une informatisation très large des données, dans une majorité des travaux réunis ici. Comme l’écrit Fabrice Jejcic, au sujet de son corpus : «Sans l’outil informatique, le type de recherche présenté ici n’aurait pas été possible.» 12 Andres Kristol Il en va ainsi des travaux dialectométriques de Hans Goebl et de son équipe, qui ont fait de la très grande masse des données traitées la pierre angulaire de leur approche - et qui «ressuscitent» ici les données quantitatives rassemblées dans les années 1980 par Anthonij Dees pour ses deux atlas linguistiques de l’ancien français, qu’on avait cru perdues. Mais les approches quantitatives se révèlent également décisives pour les analyses de Christiane Marchello-Nizia, qui documente ici, sur la base d’un corpus déjà relativement large (mais qu’elle souhaiterait encore plus important), les progrès de l’encodage grammatical du sujet pronominal dans la diachronie du français. On retrouve un corpus très large - la base de données du DMF - chez Geoffroy Roger qui s’intéresse à la diversité régionale de l’écrit en moyen français et chez Jean-Christophe Pellat qui s’appuie sur un corpus numérisé de 650 lettres et cartes (157 800 mots) écrites par dix scripteurs. L’intérêt heuristique des grands corpus ne peut plus guère faire de doute. Un problème récurrent qui transparaît en filigrane dans plusieurs contributions, c’est le manque de fiabilité d’un grand nombre d’éditions de textes anciens et même récents, dont les éditeurs ont fabriqué des artéfacts en «standardisant», en dédialectalisant (ou en redialectalisant ! ) le texte des manuscrits édités - problème majeur de l’importante documentation rassemblée par Geoffroy Roger. Dans ces circonstances, il ne reste qu’à espérer - comme le fait Goebl de manière implicite - que la grande quantité des données réunies permet de «neutraliser» en quelque sorte les altérations dont souffrent les éditions individuelles de textes médiévaux. Mais on sait que ce problème se pose aussi pour la plupart des textes de l’époque classique dont le public actuel ne voit que des éditions en graphie modernisée, comme s’il était incapable de manier la variation diachronique de l’orthographe française 2 . Quant à Jean-Christophe Pellat, il regrette à juste titre que «les historiens …, lorsqu’ils ont édité des ‹peu lettrés›, ils l’ont fait, à de très rares exceptions près, en rectifiant leur orthographe, en modifiant leur ponctuation (ou en ajoutant une ponctuation absente), en coupant ce qu’ils considéraient comme des longueurs …», ce qui rend leurs éditions inutilisables et trompe les lecteurs modernes sur la réalité du français écrit par des Français au bénéfice d’une éducation primaire, au début du XX e siècle. L’historien de la langue est donc parfois amené à penser que les seules éditions fiables, ce sont celles qu’il a réalisées lui-même. Et encore… l’auteur de ces lignes ne se souvient que trop bien - et avec regret - du moment où, jeune chercheur, son éditeur l’a obligé à supprimer toutes les italiques qui indiquaient fidèlement les formes abrégées du manuscrit qu’il cherchait à publier «parce que ce n’était pas conforme aux habitudes de la série» (sic): pour de nombreuses questions qui intéresseraient le linguiste, le résultat imprimé est donc inutilisable. Étant donné la thématique générale du colloque, plusieurs travaux se penchent sur les phénomènes spécifiques de l’encodage de la langue par l’écrit. Ain- 2 À ce sujet, on lira avec profit les réflexions de G ABAY 2014. Présentation 13 si, David Trotter réussit à dégager, chez les professionnels de l’écrit médiéval, de nettes différences scriptologiques entre les écrits de proximité, fortement marqués régionalement, et les écrits plus formels, plutôt «décolorés». Serge Lusignan démontre que le passage à l’écrit permet le maintien de certains archaïsmes - et partant d’une «régionalité pour l’œil» - en anglonormand tardif. Fabrice Jejcic thématise les difficultés spécifiques des auteurs qui choisissent de s’exprimer par écrit dans une variété régionale de français peu standardisée, et qui cherchent à «représenter» par leurs écrits les particularités de leur variété régionale ou à transcrire le dialecte primaire de leur région par les moyens souvent inadaptés de l’orthographe française. Quant à Jean-Christophe Pellat, il fait voler en éclats la croyance largement répandue selon laquelle, autrefois, les Français «ordinaires» maîtrisaient mieux l’orthographe que les jeunes de l’époque contemporaine… Nous avons choisi de présenter les travaux retenus ici dans un simple ordre «diachronique», dans l’ordre des périodes dont ils s’occupent car, comme on vient de le voir, les différentes thématiques évoquées s’entrecroisent dans les contributions de ce volume. Toute tentative de regrouper les travaux de manière thématique aurait donc été contestable. Il ne me reste plus qu’à remercier chaleureusement tous les intervenants pour leur participation, pour l’atmosphère chaleureuse ainsi que l’excellent climat des débats qui ont caractérisé le colloque de Neuchâtel. Bibliographie G ABAY , S. 2014 : «Pourquoi moderniser l’orthographe? Principes d’ecdotique et littérature du XVII e siècle», VRom 73: 23-42 K OCH , P./ O ESTERREICHER , W. 2001: «Gesprochene Sprache und geschriebene Sprache. Langage parlé et langage écrit», in: H OLTUS , G. et al. (ed.), Lexikon der romanistischen Linguistik I/ 2, Tübingen: 584-627 K OCH , P./ O ESTERREICHER , W. 1985: «Sprache der Nähe - Sprache der Distanz. Mündlichkeit und Schriftlichkeit im Spannungsfeld von Sprachtheorie und Sprachgeschichte», RJ 36: 15- 43 L AGORGETTE , D. (ed.) 2014: Repenser l’histoire du français, Chambéry O NG , W. J. 2014 [ 1 1982] Oralité et écriture. La technologie de la parole, Paris (traduction de Orality and Literacy. The Technologizing of the Word , London/ New York, 1982) S ÖLL , L./ H AUSMANN . F. J. 1985: Gesprochenes und geschriebenes Französisch, Berlin Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl, basés sur une synthèse des données médiévales réunies par Anthonij Dees en 1980 et 1983, et celles de l’ALF Hans Goebl, Pavel Sme č ka, Université de Salzbourg 1. Remarques préliminaires 1 L’objectif de cette contribution est double: d’abord, d’étudier les structures géolinguistiques de profondeur du domaine d’oïl telles qu’elles ressortent d’une analyse quantitative de la documentation non littéraire et littéraire de l’ancien francais des XII e et XIII e siècles, établie par Anthonij Dees 2 en 1980 et 1983, et des planches de l’ALF publiées entre 1902 et 1908, et, par la suite, de comparer ces trois analyses entre elles. Pour atteindre ce but, tout un jeu de méthodes différentes est mis en œuvre: à côté de la philologie, de la scriptologie et de la dialectologie traditionnelles, entrent aussi en ligne de compte la linguistique des corpus, la linguistique quantitative et la dialectométrie, sans oublier la cartographie quantitative, car l’usage courant de cartes, en l’occurrence de cartes quantitatives, est de rigueur dans ce genre de recherches pluridisciplinaires. 1 Abréviations techniques fréquentes utilisées dans cet article: AT aire taxatoire bis à (= jusqu’à la valeur y) C chorème CAF Coefficient d’asymétrie de Fisher CAH classification ascendante hiérarchique CT carte de travail D dendrème DEM jk Distance euclidienne moyenne DM dialectométrie, dialectométrique, relative à la dialectométrie IPI(1) jk Indice Pondéré d’Identité (avec le poids 1) IRD jk Indice Relatif de Distance IRI jk Indice Relatif d’Identité MA Moyenne arithmétique MAX maximum, valeur maximale MED médiane (all. Median) MEDMW algorithme d’intervallisation (ou de visualisation) MIN minimum, valeur minimale MINMWMAX algorithme d’intervallisation (ou de visualisation) MW Moyenne arithmétique (all. Mittelwert) r(BP) Coefficient de corrélation de Bravais et Pearson SDG substrat dialectal générateur SEM jk Similarité euclidienne moyenne VDM Visual DialectoMetry (logiciel dialectométrique utilisé à Salzbourg) von de (= à partir de la valeur x) 2 Pour une caractérisation du génie et de l’œuvre scientifiques d’A. Dees (1928-2001), éminent romaniste et médiéviste néerlandais, cf. la nécrologie de L. S CHØSLER 2002. 16 Hans Goebl, Pavel Smečka D’entrée de jeu et en accord avec les fondements théoriques de «l’École dialectométrique de Salzbourg» (EDS), nous remplacerons le concept traditionnel de la «structure géolinguistique» mentionné ci-dessus, par celui de «l’aménagement dialectal ou scripturaire de l’espace linguistique d’oïl» de la part de ses habitants médiévaux et modernes. Derrière ce concept dynamique se cache l’idée que ceux qui habitaient dans cet espace au Moyen Âge et du temps de l’ALF, en activaient tous les engrenages et enchevêtrements interactionnels en tant que scribes ou comme locuteurs dialectophones. Ceci signifie que les textes médiévaux tels qu’ils ont été conservés dans les collections réunies par A. Dees, ou les transcriptions répertoriées sur les planches de l’ALF, sont considérés comme reflets (ou dépositoires) d’actes langagiers commis dans les conditions d’une interaction linguistique systémique et réticulaire. En ce qui concerne la relation, amplement débattue en matière de scriptologie, qui s’instaure entre la documentation écrite du Moyen Âge et la documentation orale moderne d’un même territoire, nous adoptons le point de vue suivant: comme il s’agit de comparer des structures de profondeur, enfouies dans de très grandes masses de données empiriques, il nous semble indiqué d’admettre d’une part une certaine indépendance de l’écrit médiéval par rapport à l’oral du temps, et de considérer de l’autre qu’à la naissance d’une scripta médiévale, l’oral a pu contribuer diversement sous la forme d’un «substrat dialectal générateur 3 », dont l’intensité semble d’ailleurs avoir été plus grande au XIII e qu’au XIV e ou au XV e siècle. Nous admettons en outre qu’entre les structures de profondeur telles qu’elles peuvent être repérées, dans une région donnée, pour l’oral du Moyen Âge et des temps modernes, il existe une ressemblance diatopique générale. Du point de vue empirique, nous utiliserons, pour la comparaison trilatérale en question, les trois corpus suivants: 1. le corpus-DM tiré de l’atlas scripturaire d’A. Dees de 1980, basé sur une documentation non littéraire, 2. les calculs de localisation qu’A. Dees avait appliqués, en 1983, à 222 textes littéraires français des XII e et XIII e siecles, et qui ont été oubliés par la suite et «miraculeusement» redécouvertes en 2006 dans les caves de la Faculté des Lettres de l’Université Libre d’Amsterdam, 3. un corpus-DM, tiré de l’ALF dès 1996-97, mais réduit, par la suite, pour les besoins de l’analyse du seul domaine d’oïl, le long des dimensions de l’espace et de la quantité des attributs linguistiques. Du point de vue méthodique, nous nous servons de cinq méthodes classiques de l’EDS qui ont déjà été utilisées plusieurs fois et avec beaucoup de succès. Cependant, l’apport le plus novateur de cette contribution scriptoet 3 Nous utilisons ce concept depuis 1979: 368. dialectométrique réside dans l’insertion des calculs effectués par A. Dees en 1983, dans la «machine-DM» de Salzbourg. 2. Historique de la coopération entre Amsterdam et Salzbourg Les travaux scriptologiques que Dees avait entrepris dès le début des années 1970 se sont déroulés en complète autonomie par rapport aux nôtres et aussi à ceux de notre maître C. Th. Gossen 4 . Ceci n’a pas empêché que certaines des méthodes que Dees avait développées dans son atlas de 1980, aient jouxté de très près quelques-unes que nous avions mises sur pied, au cours des années 70, sous le signe de la dialectométrie 5 . Nous y avons d’ailleurs fait allusion dans notre compte rendu de 1982 de son atlas de 1980, tout en évoquant la possibilité d’une application de méthodes-DM aux données de cet atlas pionnier. Ajoutons que ce dernier avait déjà été élaboré à l’aide de l’informatique du temps - tant numérique que graphique -, si bien qu’il existait, à l’Université d’Amsterdam, une base informatisée de ses données. Ce n’est qu’en 1996 qu’un transfert de cette base de données d’Amsterdam à Salzbourg a été rendu possible, et ceci grâce à la bienveillante médiation de Piet van Reenen avec qui nous avions établi des relations d’amitié précédemment. En même temps, la réalisation pratique de tous les volets (numérique et graphique) de nos calculs-DM a été réorganisée et dotée d’une plus grande efficacité par notre collaborateur Guillaume Schiltz qui, en 1996-97, était titulaire d’une bourse de recherche attribué par le Fonds autrichien pour la recherche scientifique (FWF). C’est G. Schiltz qui, après avoir adapté les données déesiennes aux formats et conventions de la DM de Salzbourg, les a dépouillées le premier d’une façon synthétique, ce qui, curieusement, n’a jamais été envisagé par Dees lui-même 6 . La réussite de la «dialectométrisation» des données de l’atlas déesien de 1980 nous a poussé à demander à P. van Reenen de nous fournir également les données de l’atlas scripturaire de 1987, basé sur des textes littéraires. À notre grand regret, celui-ci a dû nous a informer que ces données n’étaient plus disponibles à Amsterdam et que, très vraisemblablement, elles avaient été égarées par mégarde 7 . 4 Cf. G OEBL 1970 et G OSSEN 1967. Dans sa thèse sur les pronoms et adjectifs démonstratifs de l’ancien français, D EES 1971 s’est déjà servi d’une bonne partie des 3300 chartes qui ont fini par constituer le corpus de base de son atlas de 1980. 5 Ceci concerne surtout la mesure de la similarité, utilisée couramment par Dees à partir de son atlas de 1980: 370-71 pour la localisation de chartes ou de textes littéraires. 6 Notre contribution commune de 2001 en constitue un rapport de recherche complet (G OEBL / S CHILTZ 2001b). Voir aussi, pour le même sujet, G OEBL 1998, 2001, 2006 et 2008. 7 Dans sa nécrologie d’A. Dees, L. S CHØSLER 2002: 617 y fait incidemment allusion. Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 17 18 Hans Goebl, Pavel Smečka À partir de 1999/ 2000, le traitement-DM ultérieur des données de Dees 1980 a été confié au logiciel VDM («Visual DialectoMetry»), créé alors - et continuellement mis à jour depuis cette date - par notre ami Edgar Haimerl. Alors qu’en 1996, P. van Reenen était devenu le porteur de mauvaises nouvelles, il a pu nous fournir une information absolument réjouissante en 2006: à l’occasion d’un colloque de scriptologie, organisé en 2006 par P. Kunstmann et A. Stein (cf. K UNSTMANN / S TEIN 2007) dans la localité idyllique de Lauterbad (Bade-Wurtemberg), il nous a montré deux ou trois liasses de papier, chacune épaisse de 152 pages qui lui avaient été remises par l’administration de la Faculté des Lettres d’Amsterdam désireuse d’évacuer ses caves d’«antiquailles» jugées superflues. En y jetant un coup d’œil, nous avons alors vite fait de découvrir l’immense valeur scientifique de cette documentation: il s’agissait de quelquesuns des plus de 200 calculs de localisation de textes littéraires de l’ancien français dont A. Dees n’avait publié que quelques rares spécimens de son vivant 8 . Il va de soi que nous avons accepté tout de suite l’offre de l’Université d’Amsterdam de nous envoyer, évidemment à nos frais, l’ensemble des sept cartons «délaissés» dans les caves sus-dites. Après leur ouverture, nous y avons découvert non seulement 222 liasses de calculs, mais aussi un grand nombre de copies, dûment annotées de la main de Dees, des 222 textes en question 9 . Chacune de ces liasses, issues exactement le 9 novembre 1983 d’une de ces imprimantes à aiguilles alors en usage, se référait à un texte littéraire bien défini et contenait la totalité de l’input et de l’output d’un calcul de localisation «à la Dees». Au cours de ces calculs, Dees a parcouru deux étapes: d’entrée de jeu, il a déterminé, pour chacun des 222 textes à localiser, la fréquence des occurrences respectives pour les attributs 1-268 de son atlas 10 de 1980 tout en en dérivant un vecteur quantitatif comportant 268 valeurs toujours différentes. Par la suite, il opéré une comparaison quantitative de ce vecteur avec la matrice de données de l’atlas de 1980, dont les dimensions originales (85 centres × 268 attributs scripturaires) avaient été légèrement augmentées à cet effet: c’est que Dees y a ajouté deux nouveaux centres scripturaires, l’un pour l’anglo-normand (P. 87) 11 et l’autre dans l’Aisne (P. 86). 8 Il s’agit là de «cartes numériques de localisation» dont l’utilité cartographique est fort discutable: cf. D EES 1980: 370-71: localisation [«détermination de la provenance»] du Jeu de Saint-Nicolas et comparaison des chartes d’Arras avec le reste du domaine d’oïl), D EES 1984: 117-20: localisation des Sermons de Maurice de Sully et de la version A 1 de la Vie du pape saint Grégoire), D EES 1985: 115: localisation d’une charte liégeoise de 1236), 1986a: 517: localisation du Médicinaire liégeois du XIII e siècl) et D EES 1986b: 19: localisation du Jehan de Saintré). 9 Les 222 liasses se réfèrent à autant de textes littéraires de l’ancien français dont 184 se retrouvent également sur la liste des 200 textes de base de l’atlas scripturaire de D EES 1987. Précisons que la bibliographie du «Nouveau Corpus d’Amsterdam» (NCA), riche de 299 textes litttéraires, embrasse également les 38 textes localisés par Dees en 1983 qui manquent dans son atlas de 1987: 519-33. 10 Les cartes choroplèthes relatives à la distribution spatiale des 268 attributs scripturaires retenus occupent les pages 1-284 de l’atlas de 1980. 11 Voir à ce sujet D E J ONG 1988, passim. Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 19 Cette comparaison fournisait deux listes, chacune avec 87 valeurs de similarité et accompagnée de leur projection («spatialisation») dans l’espace du domaine d’oïl. La première liste se trouvait aux pages 83-84 de la liasse (spatialisation: 85- 87), la seconde aux pages 146-47 (spatialisation: 148-50). Après avoir consulté Onno Huber - qui avait été le principal collaborateur informatique et statistique d’A. Dees - pour mettre au clair certaines particularités des algorithmes utilisés par Dees en 1983, nous avons décidé de saisir les valeurs de la liste présentée aux pages 146-47. Ensuite, il s’agissait de réunir les 222 listes en question sous la forme d’une matrice de données compatible avec notre logiciel VDM, et de la soumettre aux calculs usuels de l’EDS. Le tri du contenu des sept cartons d’Amsterdam et l’enfournement des 222 listes mentionnées dans l’ordinateur étaient à la charge de Pavel Sme č ka qui s’est acquitté de cette tâche dans les années 2007-2008. C’est toujours lui qui, après avoir accompli un certain nombre de préalables numériques et graphiques indispensables, a fini par réaliser, en 2009, la dialectométrisation de la nouvelle matrice de données dans sa forme définitive. La première présentation publique des résultats a été faite à Venise en 2011, à l’occasion d’un séminaire relatif à la scripta («Il problema della scripta», Venezia, 13-14 ottobre 2011): cf. à ce sujet G OEBL 2011b, ainsi que 2011a. 3. Rapide présentation des trois stocks de données empiriques sujets à comparaison 3.1. L’atlas scripturaire d’A. Dees de 1980, relatif aux documents non littéraires La matrice de données informatisée (N × p) que nous avons reçue de P. van Reenen en 1996, ne correspondait pas exactement au contenu du volume publié en 1980. Elle en divergeait dans les dimensions de l’espace (N) et du nombre des attributs scripturaires analysés (p). Du côte de l’espace (N), elle était beaucoup plus grande que ne le laissait penser la granulation relativement grossière des cartes de l’atlas dont chacune ne reposait que sur 28 unités spatiales. Par contre, il y avait, dans la matrice de données d’Amsterdam, 85 unités spatiales (ou: centres scripturaires, points d’atlas) qui couvraient l’espace du domaine d’oïl d’une façon relativement égale: voir le fond des cartes polygonisées présentées en annexe. Quant au nombre des attributs visualisés ([p], «groupe 1», selon Dees 1980: X- XII), des 282 attributs analysés et mis en carte tout au long de l’atlas, la matrice de données qui nous avait été remise par P. van Reenen, ne contenait - pour des raisons restées inconnues jusqu’aujourd’hui - que les attributs 1-268. Du point de vue formel (ou statistique), il s’agit d’une matrice bi-dimensionnelle (N × p) avec des données situées au niveau métrologique de l’échelle 20 Hans Goebl, Pavel Smečka quantitative, qui, elles, ont l’avantage d’avoir été relevées par Dees (et ses collaborateurs) d’une façon vraiment ingénieuse. Pour Dees, le défi central de toute la procédure mensuratrice consistait dans la saisie de la diffusion spatiale extrêmement variable des attributs scripturaires. Pour ce faire, il a fini par définir un indice de fréquence relationnel qui prend en compte, pour chaque centre scripturaire, tant le nombre des documents (i. e. chartes) disponibles que la présence combinée des certaines graphies visualisées (groupe 1) et de leurs correspondances non visualisées (groupe 2). C’est que l’indice de fréquence développé par Dees, correspond au quotient entre - au numérateur - le nombre absolu des chartes d’un centre scripturaire disposant au moins d’une seule des graphies attribuées au groupe 1 et - au dénominateur - la somme des chartes pourvues d’occurrences des graphies visualisées (du groupe 1), augmentée par le nombre des chartes contenant des occurrences des graphies jugées complémentaires, et partant non visualisées (du groupe 2) 12 . Évidemment, il faut appliquer cet indice séparément à toutes les unités spatiales (centres scripturaires) du réseau examiné. Il s’agit donc d’un indice qui marque des pourcentages. Son avantage empirique réside surtout dans sa capacité de créer des visualisations clairement structurées sous la forme de profils choroplèthes hautement suggestifs. Un autre atout - mais qui s’est révélé comme tel seulement après coup - est que cet indice se prête bien à l’analyse dialectométrique ultérieure. Évidemment, celle-ci doit être faite à l’aide d’un indice de similarité capable de saisir des données de nature quantitative. A cet effet, nous avons utilisé, entre autres, les indices SEM jk 13 («Similarité euclidienne moyenne») et r(BP) jk («Coefficient de corrélation de Bravais et Pearson»), implémentés, tous les deux, dans notre logiciel VDM. 3.2. Les calculs de localisation appliqués par A. Dees en 1983 à 222 textes littéraires de l’ancien français (figure 1) La figure 1 ci-contre montre dans sa partie supérieure la démarche observée par A. Dees en 1983. Les scores de corrélation calculés par Dees oscillent, en théorie, entre -100 et +100, alors que, dans la pratique, ils s’échelonnent entre -43,255 et +97. Quant à l’algorithme de localisation utilisé par A. Dees en 1983, l’on en trouve une description sommaire dans l’introduction de son atlas de 1987: XVI-XXIII. Aux dires d’O. Huber, il semble bien que Dees se soit servi, au cours de ses cal- 12 Voir les explications détaillées données chez G OEBL 2008 (29-30) et V IDESOTT 2013 (11-17). Malheureusement, les descriptions fournies par Dees même dans son atlas (D EES 1980: XI - XIII ), sont très sommaires et manquent aussi de précision. 13 Les symboles (statistiques) souscrits j et k se réfèrent au point (d’atlas) de référence (j) et au point d’atlas comparé (k). Pour une description détaillée de la SEM jk cf. G OEBL 2008: 30. Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 21 culs de localisation, non pas d’un seul, mais de tout un jeu d’algorithmes de localisation qui ont été appliqués «selon les besoins». Dans la conception «localisatrice» de Dees, la valeur maximale des 87 scores de similarité calculés pour un texte littéraire donné, équivaut à la région où, selon toute vraisemblance, le texte littéraire en question a pris sa naissance. C’est pourquoi ces valeurs figurent parmi les éléments descriptifs des 200 textes littéraires sur lesquels repose l’atlas de 1987: voir à ce sujet Dees 1987: 519-533. Les mêmes valeurs se trouvent aussi dans la documentation bibliographique du NCA. Il est bien évident que la prise en compte exclusive d’un seul des 87 valeurs de localisation calculées nous enlève la possibilité d’envisager la procédure de localisation comme «étalonnage spatial» tel qu’il ressort, avec une netteté exemplaire, des trois cartes choroplèthes de localisation de la planche 2. La partie inférieure de la figure 1 montre qu’après l’établissement de la matrice de données bi-dimensionnelle (N: 87 centres scripturaires, p: 222 vecteurs de localisation) il est possible de parcourir les étapes habituelles d’une dialectométrisation à la salzbourgeoise: calcul des similarités entre les N centres scripturaires, établissement d’une matrice de similarité carrée (87 × 87) suivi de son dépouillement taxométrique et graphique. Le dépouillement graphique des valeurs contenues dans la matrice de similarité carrée a été opéré selon les normes de l’EDS: polygonisation du réseau de base, étalement d’une gamme de couleurs, ordonnées selon la logique du spectre solaire, ou bien sur la superficie ou bien le long des côtés des polygones du réseau, utilisation d’algorithmes d’intervallisation pour la définition des seuils numériques entre les différentes classes chromatiques 14 . 14 Remarque technique: comme le logiciel salzbourgeois VDM («Visual DialectoMetry») ne tolère que des valeurs entières et positives, nous avons dû appliquer, aux scores calculés par Dees en 1983, une transformation mathématique relativement simple. Ayant constaté que le score minimal repérable dans les calculs de Dees de 1983 est de -43,255 et que le score maximal se situe vers +97, nous avons augmenté tous les scores calculés par Dees du montant de +43,255 tout en arrondissant les nouvelles valeurs à des chiffres entiers. C’est ainsi que la variabilité numérique traitée par le logiciel VDM s’inscrit entre 0 et +141. 22 Hans Goebl, Pavel Smečka Figure 1: Architecture et enchaînement des méthodes quantitatives d’Anthonij Dees et de l’École Dialectométrique de Salzbourg (EDS) 3.3. La préparation des données dialectométrisées de l’ALF L’ALF constitue le dernier de nos trois volets de comparaison. Depuis 1999, il existe une dialectométrisation de plus 40% des 1421 planches originales de la Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 23 série A de l’ALF, basée sur le réseau d’enquête intégral de 638 points d’enquête 15 . La matrice de données qui en avait été tirée, comprend, avec trois points artificiels ajoutés après coup, 641 points et 1681 cartes de travail (CT) appartenant aux catégories linguistiques de la phonétique, du lexique et de la morpho-syntaxe. Évidemment les CT - qui correspondent de très près aux nombreuses «typisations» de planches orginales de l’ALF telles qu’elles ont été appliquées, sous la responsabilité d’une myriade de romanistes, à beaucoup cartes de l’ALF à partir de 1902 - occupent, du point de vue métrologique, le niveau de l’échelle nominale (ou cardinale) et non pas, comme c’est le cas pour les calculs de localisation d’A. Dees, celui de l’échelle métrique. En outre, chaque CT renferme un certain nombre de types (ou: taxats) linguistiques, dont chacun dispose de sa propre aire de diffusion («aire taxatoire»: AT). Le nombre des taxats d’une CT - qui correspond toujours exactement à celui des AT - peut varier, en théorie, entre 2 et N: voir à ce propos les trois cartes de la planche 3. Pour pouvoir comparer directement les données de l’ALF avec celles de D EES 1980 et 1983, il fallait en adapter le réseau en l’amputant d’abord de ses parties occitanes et francoprovençales, et en diluant ensuite la partie septentrionale (oïlique) restante. C’est ainsi que les 350 points-ALF originaux situés dans le domaine d’oïl, ont été réduits à 85. Après cet élagage massif des données-ALF de départ, il était nécessaire de renouveler le décompte des CT et des AT (taxats) respectifs tout en respectant les catégories de la phonétique, du lexique et de la morpho-syntaxe, comme le montre le tableau comparatif suivant: phonétique lexique morpho-syntaxe total CT AT CT AT CT AT CT AT ALF entier 1117 10642 465 6514 99 891 1681 18047 ALF réduit (> 85 P., selon Dees 1980) 837 3842 369 1836 73 289 1279 5967 CT - carte de travail, AT - aire taxatoire (taxat) Comme les 268 attributs scripturaires pris en considération par Dees pour ses calculs de localisation, sont exclusivement de nature phonétique, il était indiqué d’utiliser, pour une comparaison des structures de profondeur des données de Dees avec celles de l’ALF, également un sous-corpus-ALF de nature phonétique. 15 Cette dialectométrisation a fourni d’excellents résultats: cf. nos rapports de recherche publiés en 2002 et 2003. L’on y trouve une description détaillée des méthodes taxométriques et cartographiques appliquées, et des résultats linguistiques obtenus. 24 Hans Goebl, Pavel Smečka 4. La comparaison (diachronique) de trois mensurations dialectométriques (Dees 1980, 1983; ALF) Il va de soi que les trois mises en cartes présentées en synopse ont toutes été réalisées selon les mêmes normes cartographiques: • polygonisation du réseau de base 16 • utilisation de six classes de couleur, arrangées dans l’ordre du spectre solaire • définition algorithmique des seuils entre les classes de couleur: algorithmes d’intervallisation MINMWMAX et MEDMW (n-tuples). Les deux algorithmes mentionnés 17 distribuent les N scores à visualiser de part et d’autre des moyennes arithmétiques (MA) respectives. Pour MINMWMAX 6tuple, les seuils situés au-dessous de la MA se calculent par une tripartition de l’écart entre la MA et le minimum, alors que les seuils situés au-dessus de la MA s’obtiennent moyennant la tripartition de l’écart entre le maximum et la MA; pour l’algorithme d’intervallisation MEDMW par contre, il s’agit de créer, des deux côtés de la MA, des classes sensiblement égales par le nombre des polygones respectifs 18 . C’est ainsi que naissent des profils choroplèthes (ou isarithmiques) plus accidentés. L’arrangement des cartes sur les 12 planches de l’annexe est toujours le même: de gauche à droite: Dees 1980, Dees 1983, ALF. Vu l’ancienneté des données comparées, il s’agit d’une comparaison carrément «diachronique» puisqu’elle embrasse, grosso modo, un laps de temps de 600 ans (situé entre 1300 et 1900). La comparaison portera sur cinq méthodes dialectométriques différentes, toutes développées au sein de l’EDS, dont chacune a son utilité particulière 19 . Ceci n’empêche qu’elles fournissent, prises ensemble, une excellente introspection dans les structures de profondeur des données analysées. 4.1. Présentation des données de base (planches 1-3) Les planches 1-3 montrent des échantillons tirés par hasard de nos trois matrices de données. Partout, nous avons appliqué l’algorithme de visualisation MINMWMAX (6-tuple). 16 Voir à ce sujet G OEBL 1981: 363-64 (en français) et 1984 I: 90-92 (en allemand). 17 Pour une explication détaillée de ces algorithmes cf. nos contributions de 1981: 365-68, 1984 I: 93-98 et 1987: 79-83. 18 Sur les planches en annexe, les nombres des polygones répertoriés dans un intervalle chromatique donné se trouvent toujours entre crochets. 19 L’on trouve une description sommaire des méthodes de base de l’EDS dans G OEBL 1981 (en français) et une présentation très circonstanciée dans les trois volumes de notre thèse d’habilitation de 1984 (en allemand). Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 25 4.1.1. Les données de l’atlas scripturaire de 1980 (planche 1) Dans les trois cas, il s’agit de traits scripturaires relativement fréquents dont la répartition spatiale est très claire. Les polygones blancs (voir la carte de gauche) signalent l’absence totale de graphies en heir, alors que les polygones en gris renvoient à des taux de fréquence très bas, situés entre 0 et 1. La visualisation des occurrences «valables» en heir commence par les polygones en bleu (foncé et moyen). Le bleu foncé signale l’endroit des scores minimaux, alors que les scores maximaux, toujours en rouge, sont marqués par des hachures blanches. La visualisation des valeurs situées entre 1 et 100 se fait à l’aide de l’algorithme de visualisation MINMWMAX 6-tuple. Les trois profils choroplèthes montrent des structures spatiales finement articulées et bien ordonnées. Le même constat vaut pour l’écrasante majorité des 265 traits scripturaires restants de l’atlas de 1980. 4.1.2. La visualisation des calculs de localisations effectués en 1983 (planche 2) L’algorithme de visualisation appliqué est MINMWMAX 6-tuple. Les hachures blanches superposées renvoient aux valeurs minimales et maximales. Les trois cartes montrent la localisation de trois textes géographiquement bien différenciés, entendue comme comparaison de leurs potentiels scripturaires avec ceux de 3300 textes non littéraires, pris comme étalon de référence. La carte de gauche se réfère à un texte né dans le Sud-Ouest, la carte du milieu à un texte provenant de l’Île-de-France, et la carte de droite à un texte provenant de Picardie. La clarté et la régularité géographiques des trois profils choroplèthes sont remarquables. Ajoutons qu’aucune des 222 localisations calculées par Dees en 1983 n’est dépourvue de cette structuration bien ordonnée. Il en ressort que, dans une perspective dialectoou scriptométrique, l’acte de localisation apparaît comme une sorte d’étalonnage spatial d’où ressortent des paysages probabilistes qui signalent, par le coloriage spectral étalé sur la carte, si tel endroit a de bonnes (en rouge) ou de mauvaises (en bleu) chances d’avoir été le berceau rédactionnel du texte littéraire en question. Comme toutes les 222 localisations à disposition recouvrent l’espace du domaine d’oïl avec la même régularité épatante, il en appert qu’aux XII e et XIII e siècles l’activité d’un scribe isolé obéissait, malgré les apparences extérieures, à un dynamisme scripturaire majeur qui englobait tous les scriptoria du domaine d’oïl. 4.1.3. Les données taxées diluées de l’ALF (planche 3) Il s’agit de trois CT d’ordre phonétique, dont deux se réfèrent à des phénomènes vocaliques (cartes de gauche et de droite), alors que la troisième (située au 26 Hans Goebl, Pavel Smečka milieu) concerne un nexus consonantique (évolution de C + A latin posttonique). Avec ses cinq taxats vocaliques, la carte de gauche est penta-nyme, alors que la carte de droite est tri-nyme. La plus grande variation linguistique (polynymie) se trouve sur la carte du milieu: elle est héxa-nyme. Pour les 396 CT de type vocalique, la polynymie va jusqu’à 23 (taxats par CT), alors que pour les 316 CT de type consonantique, la polynymie maximale s’arrête déjà à 10 (taxats par CT). À n’importe quel endroit de la carte, les taxats analysés ont le même statut métrologique. 4.2. Première comparaison diachronique trilatérale: la mesure de la similarité (planches 4-7) La mesure de la similarité constitue la première des cinq comparaisons dialectométriques à proprement parler. Chacune des quatre planches repose sur la comparaison de trois profils (de similarité) de nature globale ou synthétique qui, de ce fait, reflètent des structures de profondeur. Remarque technique: la nature métrologique différente des informations de base répertoriées dans les trois matrices de données en question, rend nécessaire l’utilisation de trois indices de similarité particuliers: • pour la carte de gauche (données quantitatives): Similarité euclidienne moyenne (SEM jk ) 20 • pour la carte du milieu (données quantitatives): Coefficient de corrélation de Bravais et Pearson [r(BP)] 21 • pour la carte de droite (données qualitatives): Indice pondéré d’Identité (avec le poids 1) [IPI(1) jk ] 22 Les indices mentionnés ont été sélectionnés aussi en vue de leurs bonnes capacités visualisatrices. N’oublions pas qu’il s’agit ici d’une comparaison exploratoire de plusieurs structures de profondeur. Soulignons en outre qu’entre la carte du milieu et celle de droite se creuse un laps de temps de six siècles. Il est d’autant plus étonnant de voir que les trois profils choroplèthes se ressemblent beaucoup. Certes, la ressemblance entre les profils de la carte de gauche (scripta non littéraire) et de la carte du milieu (scripta littéraire) est supérieure à celle qui existe entre la carte du milieu (scripta littéraire) et la carte de droite (dialectes du temps de l’ALF): ceci n’empêche que la grande convergence qui existe entre les structures de profondeur diatopiques du domaine d’oïl par delà six siècles (! ! ! ) est absolument remarquable. Elle met en cause beaucoup de nos acceptions antérieures sur la rapidité et l’âge du changement linguistique. À la lumière de nos résultats, celui-ci il semble s’être 20 Pour une description détaillée: cf. G OEBL 2008: 30. 21 Pour une description détaillée: cf. G OEBL 2005: 327-32. 22 Pour une description détaillée: cf. G OEBL 1984 I: 83-86 et 1987: 67-79. Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 27 déroulé moins vite et avec une plus grande stabilité diatopique qu’admis précédemment 23 . 4.3. Deuxième comparaison diachronique trilatérale: la mesure du brassage (ou: compromis) linguistique (planche 8) Comme le démontrent les histogrammes dans la partie inférieure des planches 4- 7, toute carte de similarité repose, en dernière analyse, sur une distribution de fréquence (dite aussi «de similarité»). Or, celle-ci contient un certain nombre de valeurs caractéristiques - appelées, en termes de statistique, «paramètres» -, telle la moyenne arithmétique, l’écart-type, la médiane, les valeurs extrêmes (minimum et maximum) et aussi des valeurs supplémentaires qui en saisissent la plus ou moins grande symétrie (ou asymétrie). Or, au sein de l’EDS il est connu depuis longtemps que la mise en carte synoptique de ces valeurs est très utile du point de vue (géo)linguistique. Bien que chacune de ces synopses ait son importance linguistique particulière 24 , il est néanmoins vrai que, parmi ces valeurs, le «Coefficient d’asymétrie de Fisher» (CAF) revêt une importance toute particulière du point de vue linguistique 25 . C’est qu’il permet de saisir (par voie quantitative) une des propriétés centrales de n’importe quel réseau interactif, à savoir le degré d’interaction et d’échange avec lequel chaque membre (ou élément) du réseau en question participe aux échanges qui, inévitablement, sous-tendent le maillage de n’importe quel réseau dialectal. Dans cette perspective, l’on peut distinguer, parmi les membres d’un réseau interactif, entre les «hyperactifs» d’un côté, et les «abstentionnistes» de l’autre. Du point de vue linguistique, de tels phénomènes correspondent à ce qu’il est convenu d’appeler le «brassage» (ou: «compromis») linguistique (en allemand: «Sprachausgleich»). L’intensité du brassage linguistique sera considérable dans les secteurs du réseau où la majorité des attributs linguistiques régionaux (ou locaux) dispose des aires de diffusion très grandes (ou en voie d’élargissement), alors que l’inverse sera vrai pour les secteurs caractérisés par des attributs moins dynamiques dont les aires de diffusion sont plutôt restreintes (ou en passe de rétrécissement). 23 Voir à ce sujet la teneur générale du livre de L. R EMACLE de 1992 où les datations traditionnelles de beaucoup de changements phonétiques sont mises en cause ou jugées trop récentes. 24 Voir à ce sujet les explications détaillées fournies dans Goebl 1984 I: 140-172. 25 Pour une explication de la formule et de l’importance linguistique du CAF cf. Goebl 1984 I: 150-153. 28 Hans Goebl, Pavel Smečka Le CAF - qui constitue l’une des pièces fortes de la DM salzbourgeoise - permet donc de saisir le degré d’enchevêtrement (ou de «tuilage») 26 d’attributs dialectaux de diffusion spatiale très différente. Il en résulte des profils choroplèthes fort éloquents et linguistiquement très utiles, surtout sous l’angle de la diachronie. Pour mieux faire ressortir le message linguistique des profils choroplèthes des trois cartes de la planche 8, nous les avons visualisées à l’aide de seulement deux paliers chromatiques. C’est ainsi que les dynamismes mis au net par cette analyse ressortent mieux. Les polygones en rouge renvoient à des zones dont le comportement scripturaire et dialectal est proche de celui des «abstentionnistes» évoqués tout à l’heure, alors que les polygones marqués en bleu symbolisent des plages où l’interaction et le brassage linguistiques sont très intenses. Dans notre contexte, ceci signifie que les polygones rouges renvoient à des zones plutôt conservatrices qui ont gardé une bonne part de leur autonomie soit scripturaire (cartes de gauche et du milieu) soit dialectale (carte de droite), alors que les polygones bleus signalent l’existence d’un brassage scripturaire en voie de gestation au cours des XII e et XIII e siècles (cartes de gauche et du milieu) ou celle d’un brassage linguistique accompli à la fin du XIX e siècle (carte de droite). Les figurés blancs superposés précisent cet état des choses: lente formation d’un «marché» (ou d’une «foire») scripturaire pan-oïlique au Moyen Âge, refoulement des derniers «opposants» (ou «autonomistes») dialectaux à la périphérie septentrionale et orientale du domaine à la fin du XIX e siècle. Évidemment, cette «explosion» est due - une fois de plus - à l’irradiation circulaire du type linguistique d’oïl, survenue au cours de six siècles. 4.4. Troisième comparaison diachronique trilatérale: la mesure des distances interponctuelles (calcul et visualisation des isoglosses quantitatives) (planche 9) L’analyse interponctuelle repose sur le calcul et la visualisation non pas de similarités, mais de distances qui, elles, se manifestent toujours entre deux points contigus du réseau examiné: d’où le nom d’analyse inter-ponctuelle. En général, l’indice de distance calculé en l’occurrence (d), est le complément de l’indice de similarité (s) utilisé, selon la formule d + s = 1 (ou 100) 27 . De cette analyse il résulte un autre type de carte: il ne s’agit plus de cartes à plages, mais de cartes à lignes, dites cartes «isarithmiques», où apparaissent, le long des côtés de polygone de la tessélation de base, des faisceaux d’isoglosses plus ou moins épais, mais toujours discontinus. C’est ainsi que les syntaxes 26 Ajoutons que l’enchevêtrement particulier des attributs géolinguistiques tel qu’il ressort de n’importe quel atlas linguistique, joue un rôle capital pour l’établissement et la fonction de réseaux communicatifs géographiques. Son étude constitue un champ de recherche privilégié de l’EDS. 27 Le même rapport de complémentarité existe entre les indices salzbourgeois IRI jk (pour la mesure de la similarité) et IRD jk (pour la saisie de distances interponctuelles): IRI jk + IRD jk = 100. Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 29 iconiques des trois cartes de la planche 9 reposent, respectivement, sur 226, 229 et 225 côtés de polygone. L’algorithme de visualisation appliqué (MEDMW 6tuple) rehausse le poids iconique des intervalles 6 et 5 (en bleu foncé et bleu clair) afin que leur vertu séparatrice ressorte mieux. Le message iconique des deux cartes scripturaires (à gauche et au milieu) est légèrement différent dans les détails, mais très similaire dans les grandes lignes. Alors que la Picardie se présente, sur la carte de gauche (basée sur les chartes), comme une zone bipartite, elle évoque l’impression d’une région scripturaire cohérente sur la carte du milieu (basée sur les textes littéraires). Le Sud-Ouest (Poitou, Saintonge) est entouré de cloisonnements intenses dans les deux cas, alors que la Normandie se dessine mieux sur la carte de gauche. Ce qui est également remarquable sur les deux cartes scripturaires (à gauche et au milieu), c’est le sillonnement interponctuel relativement intense dont est affecté le Centre. En jetant un coup d’œil comparatif sur la carte de droite qui reflète la situation interponctuelle à la fin du XIX e siècle (ALF), l’on s’aperçoit tout de suite que le Centre y revêt un aspect complètement différent. Il se présente comme une zone largement égalisée aux contours bien définis vers le Sud- Ouest, le Cotentin et surtout vers le Nord (Picardie, Artois), l’Est (Lorraine) et le Sud-Est (Franche-Comté). La raison en est facilement repérable: il s’agit des effets «aplatisseurs» de l’action irradiatrice pluriséculaire du type linguistique d’oïl à partir de l’Ile-de-France, survenue entre les XIII e et XIX e siècles. 4.5. Quatrième comparaison diachronique trilatérale: l’analyse dendrographique (planche 10) Dans la panoplie méthodique de l’EDS, l’analyse dendrographique occupe une place de choix. Ceci tient à deux raisons: 1) la pensée dendrographique dispose d’une longue tradition en matière de linguistique, et 2) l’utilité heuristique des arborescences taxométriques et des cartes en dérivées («spatialisations») est très grande, voire suggestive. Pour une bonne compréhension des méthodes dendrographiques, il convient de considérer les quatre faits suivants: a) Il existe une multiplicité d’algorithmes dendrographiques. C’est pourquoi le nombre des arbres à calculer est également très grand. Néanmoins, il incombe toujours au linguiste - et jamais au statisticien (! ) - de choisir, parmi les algorithmes dendrographiques mis à sa disposition, celui qui lui paraît le plus adéquat selon ses propres présuppositions et propos, théoriques et empiriques. 30 Hans Goebl, Pavel Smečka b) En matière de géolinguistique, il faut toujours transposer le message classificatoire ramifié de l’arbre dans l’espace: d’où la nécessité absolue d’accompagner chaque arbre d’une spatialisation adéquate. c) Les arbres et leur construction par voie algorithmique obéissent à plusieurs impératifs formels qu’il ne faut pas ignorer: leur genèse statistique s’opère moyennant des fusions (ou: agglomérations), toujours binaires, entre deux éléments jugés comme étant «très similaires» par l’algorithme en question. Les fusions binaires commencent à partir des feuilles de l’arbre et s’achèvent au niveau du tronc (ou de la racine), alors que l’interprétation linguistique de la structure de l’arbre une fois construit, suit toujours la direction inverse, surtout quand il s’agit de soumettre les branchages de l’arbre à une lecture diachronique. d) Dans une lecture diachronique, les ramifications de l’écrasante majorité des arbres créés par voie taxométrique sont exclusivement binaires. L’algorithme utilisé pour la génération des arbres de la planche 10 a été proposé, en 1963, par le statisticien américain J. A. Ward, Jr. Il appartient au groupe des méthodes de la «classification ascendante hiérarchique 28 » (CAH). Les agglomérations (ou fusions) mentionnées ci-dessus s’opèrent toujours par paires et sont régies par certaines contraintes mathématiques, typiques de l’algorithme respectif. Sur les trois cartes de la planche 10, nous avons colorié, à proximité des racines des arbres en question, cinq groupements majeurs qui, à l’intérieur des arbres, s’appellent «dendrèmes» (D) et, sur les cartes en dérivées («spatialisations»), «chorèmes» (C). Ils reflètent tous des zones dialectales majeures du domaine d’oïl. Leur coloriage identique en facilite l’identification et la comparaison du point de vue géographique. Il ne suffit cependant pas de comparer entre elles les seules spatialisations sans considérer aussi la structuration hiérarchique des arbres respectifs. C’est ainsi qu’il est très intéressant de comparer le rendement spatial de la première ramification des trois arbres: dans les trois cas, il se dessine une scission du domaine d’oïl dans la direction nord-sud, où l’affiliation du Centre (colorié toujours en jaune) est variable: deux fois (à gauche et à droite), il va de pair avec l’Ouest et le Sud-Ouest, une fois (au milieu), il s’aggrège à l’Est. Ceci n’empêche que le message géo-classificatoire central des trois arbres va dans dans la même direction: la division majeure du domaine d’oïl médiéval s’opère entre l’Ouest et l’Est. Ceci est également vrai pour l’ALF (carte de droite), sous la réserve toutefois que la superficie des chorèmes, en bleu et vert a été considérablement réduite par rapport à la situation du Moyen Âge. 28 Pour une description détaillée de cet algorithme cf. B OCK 1974: 407-08 (en allemand), C HAN - DON / P INSON 1981: 122-24 (en français) et S NEATH / S OKAL 1973: 283 (en anglais). Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 31 Ajoutons que le programme-DM salzbourgeois VDM permet d’affiner encore davantage l’analyse chorématique des arbres calculés, sans que les chorèmes ainsi définis ne perdent leur cohérence spatiale. 4.6. Cinquième comparaison diachronique trilatérale: la dialectométre corrélative (planches 11 et 12). Le volet corrélatif de la DM salzbourgeoise permet la comparaison - toujours binaire - entre deux sortes d’aménagement (linguistique ou non) de l’espace 29 . Le résultat de cette comparaison est une carte choroplèthe de type quantitatif dont les modalités de lecture correspondent exactement à ce qui a été présenté dans les chapitres précédents. Une carte à corrélations renseigne sur le degré de la conou di-vergence de l’étalement de deux «énergies» - de nature linguistique ou autre - à l’intérieur de même réseau ou espace. Pour mieux comprendre le concept d’»énergie», il est bon de se rappeler que la gestion linguistique de l’espace pratiquée par l’ HOMO LOQUENS , a comme conséquence la production de tout un réseau d’intercorrélations qui, métaphoriquement parlant, peuvent être considérées comme une sorte d’«énergie». Pour une bonne lecture d’une carte à corrélations, il faut connaître la signification (linguistique) de la taille des scores mis en carte, et surtout celle des couleurs qui servent à leur visualisation. • Variables visualisées: les scores du coefficient de corrélation [linéaire] r(BP): Ce coefficient est appliqué à deux matrices carrées de similarité (etc.) dont les dimensions extérieures doivent être exactement les mêmes: N × N. Si tel est le cas, les N paires de vecteurs, tirées des deux matrices carrées, peuvent être comparées (mieux: corrélées) entre elles quantitativement, en l’occurrence moyennant le coefficient de corrélation r(BP). Il en résulte N scores-r(BP) qui, par la suite, seront mis en carte selon les normes cartographiques habituelles de l’EDS. • Signification de la taille des scores-r(BP) et de leur visualisation: Théoriquement, les scores-r(BP) sont tous situés entre -1 et +1. Les valeurs minimales sont marquées en bleu foncé, alors que les valeurs maximales apparaissent en rouge. En ligne générale, la signification des deux pôles chromatiques est la suivante: Rouge: convergence parfaite des deux «énergies»: les deux variables se trouvent «au pas cadencé», elles ont parcouru la même évolution à travers le temps. 29 Pour tous les détails techniques voir notre contribution séminale de 2005. 32 Hans Goebl, Pavel Smečka Bleu: grande divergence entre les deux «énergies»: les deux variables sont en nette opposition, elles ont pris des évolutions différentes à travers le temps 30 , dues surtout à des influences «externes» (facteurs 31 historiques, politiques, démographiques économiques etc.). 4.6.1. La corrélation entre les données linguistiques (de type scripturaire et dialectal) et les dimensions euclidiennes du domaine d’oïl (planche 11). Les similarités linguistiques telles qu’elles ont été mesurées et présentées correspondent, dans cette nouvelle perspective, à des énergies qui se sont développées, sous le coup de l’activité langagière de l’ HOMO LOQUENS , le long des dimensions du temps et de l’espace. Évidemment, cette activité s’est déroulée sous le coup de certaines régularités (ou même: de lois) d’origine anthropique. Quand, par contre, l’on considère le même réseau du point de vue de la géometrie euclidienne en établissant les distances (ou proximités) entre tous les noeuds (= points) de ce réseau, l’on obtient le bilan de l’étalement d’une énergie carrément an-anthropique dans l’espace. Or, il est très intéressant de se pencher sur la question de savoir dans quelle mesure (et surtout: selon quelles modalités géographiques) ces deux sortes d’énergies conou divergent dans l’espace. Les trois cartes de la planche 11 fournissent une réponse très claire à cette question. La distribution des couleurs rouge et orange - d’ailleurs très similaire entre les cartes de gauche et du milieu - suggère que dans la moitié occidentale du domaine d’oïl le changement linguistique se soit opéré d’un façon relativement «naturelle», alors que dans certains parages de l’Est (Champagne, Lorraine, Wallonie), le même changement s’est fait en désaccord total avec les prémisses géométriques de l’espace. La raison première en est un développement trop rapide ou trop lent - en bref: assez «dynamisé» - du changement linguistique. La carte de droite, relative à la situation dialectale à la distance de six siècles par rapport aux deux cartes scripturaires précédentes, montre une situation quelque peu différente. Le dynamisme évolutif - symbolisé par les polygones en vert, bleu clair et bleu foncé - s’est déplacé vers le milieu du domaine d’oïl, alors que la zone à évolution «naturelle» a été ou bien refoulée vers l’ouest ou bien implantée de toutes pièces à la périphérie septentrionale (Wallonie, Picardie) et orientale (Franche-Comté) du domaine d’oïl. Surtout la dynamisation du Centre, survenue entre 1300 et 1900, correspond parfaitement à nos connaissances antérieures de l’histoire de la langue française. 30 Par «évolution différente», l’on peut entendre un changement linguistique soit plus rapide soit plus lent par rapport à un modèle théorique (ici: la gestion euclidienne de l’espace). 31 Le concept de «facteur» a deux acceptions: positive et négative. Il inclut donc tant l’idée de dérangement (ou perturbation) que celle de promotion, d’essor ou d’encouragement. Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 33 4.6.2. Les corrélation réciproques entre les corpus non littéraires, littéraires et dialectaux (planche 12) Évidemment, il est légitime de se poser la question de savoir de quelle manière conet divergent les trois stocks de données à notre disposition: corpus scripturaire non littéraire (D EES 1980), corpus de localisation de type littéraire (D EES 1983) et le corpus-ALF. Comme l’application des calculs de corrélation présuppose l’existence de trois matrices de similarité carrées aux dimensions parfaitement identiques, il a fallu retrancher deux points (ou: vecteurs) de la matrice de similarité du corpus de localisation: nous en avons donc enlevé les P. 87 (anglo-normand) et 37 (Aisne). C’est pourquoi les polygones respectifs apparaissant, sur la carte du milieu de la planche 12, en gris 32 . La carte de gauche se réfère à la paire documents non littéraires (D EES 1980) - dialectes de l’ALF, la carte au milieu à la paire documents littéraires de localisation (D EES 1983) - dialectes de l’ALF, et la carte de droite à la paire documents non littéraires (D EES 1980) - documents littéraires de localisation (D EES 1983). Ce qui, au premier coup d’oeil, saute aux yeux, est la grande ressemblance entre les structures de base (tachetées) des cartes situées à gauche et au milieu. Comme elles montrent l’éventuel «pas cadencé» qui pourrait (ou: aurait pu) s’instaurer entre deux sortes de gestion scripturaire du domaine d’oïl et la gestion dialectale du même espace à la distance de six siècles, et que ces deux comparaisons sont, toute somme faite, assez précaires, cette ressemblance dans les grandes lignes est d’autant plus étonnante. En l’occurence, la précision de la coincidence spatiale des respectives conet divergences géographiques compte moins que le caractère accidenté général des deux cartes. En recourant au concept, évoqué plus haut, du «substrat dialectal générateur» (SDG), lequel aurait pu influer sur la genèse des scriptae médiévales, surtout des XII e et XIII e siècles, l’on peut associer les polygones rouges à des endroits où l’action du SDG était plutôt forte, alors que le contraire est vrai pour les polygones en bleu. À souligner aussi la convergence relativement grande entre la scripta (médiévale) et le dialecte (moderne) dans l’Ouest et le Centre. L’importance de la carte de droite, pourvue d’une structure très claire, est circonscrite aux XII e et XIII e siècles: elle montre le rapport géographique qui existe entre un très grand nombre de productions scripturaires, non littéraires d’un côté, et littéraires de l’autre. L’implantation spatiale des parages divergents (en bleu) et convergents (en rouge) est très nette. Vu que nous savons depuis longtemps que les scriptae non littéraires collaient de plus près aux coordonnées du temps et de l’espace, que ne le faisaient les scriptae littéraires - plus ouvertes à des solutions graphiques géographiquement plus «enveloppantes» - l’interprétation 32 Autre remarque d’ordre technique: pour rendre la comparaison trilatérale aussi simple que possible, nous avons opté pour une visualisation à deux paliers. Cette simplification permet de mieux faire ressortir l’essentiel du message classificatoire des trois cartes. 34 Hans Goebl, Pavel Smečka de la structure de de la carte de droite doit se limiter au constat que, selon les apports de la DM corrélationnelle, les plus grandes différences entre ces deux sortes de scriptae occupaient l’est et le centre du domaine d’oïl. Durant le haut Moyen Âge, ces deux parages hébergeaient, sans l’ombre d’un doute, les plus grands dynamismes linguistiques. 5. Conclusion Des analyses-DM présentées il résulte avec netteté que l’ensemble des calculs de localisation effectués par A. Dees en novembre 1983, constitue une base de données hautement fiable qui dispose de la plupart des atouts de la version électronique de l’atlas scripturaire de 1980 33 . C’est que sur la base de ces calculs de localisation, nos expériences-DM antérieures - faites à l’aide de l’atlas de 1980 et d’un réseau élagué de l’ALF - ont pu être réitérées et pleinement confirmées dans les grandes lignes. Il en résulte, une fois de plus, que le domaine d’oïl médiéval tel qu’il ressort des deux collections scripturaires réunies par A. Dees en 1980 et 1983, dispose de structures spatiales bien définies que nous considérons comme étant l’émanation directe d’un comportement communicatif spécial des scribes de cette époque, appelé par nous «aménagement (ou: gestion) linguistique de l’espace». En outre, nous considérons que les mécanismes de la gestion scripturaire de l’espace telle qu’elle a été pratiquée par les scribes du Moyen Âge correspondaient dans une grande mesure à ceux que les dialectophones utilisaient du temps de l’ALF (et plus tard). Évidemment, ces constations se réfèrent exclusivement aux structures quantitatives «profondes» des corpus examinés, et ne touchent en aucune manière aux respectives structures «de surface». Métaphoriquement parlant, la différence entre ces deux niveaux de structure est la même qui court entre la surface et les profondeurs des océans de notre planète dont nul n’osera nier la nature foncièrement systémique et en même temps cohérente. Ce qui est observable, de la part des passagers d’un navire «en péril de mer», à la surface de l’océan lors d’une tempête de la force 12, ne correspond en aucune manière à ce qui se passe, au même moment et à l’intérieur du même système, à 1000, 100 ou même 10 mètres de profondeur où, aux dires des océanographes, il règne un calme presque complet. Il s’agit là de deux états différents, mais co-existants du même système. C’est ainsi que la DM 33 Malgré tous ces avantages, les calculs de Dees de 1983 ne peuvent pas combler entièrement la lacune créée par la perte des données électroniques de l’atlas scripturaire de 1987. Celles-ci offraient, tout comme la matrice de données de l’atlas de 1980, la possibilité de considérer séparément certains groupes d’attributs, tels que, p. ex. les attributs vocaliques, consonantiques et morphologiques. N’oublions pas que les 517 attributs utilisés dans l’atlas de 1987 couvrent surtout les domaines de la morphologie et de la syntaxe sans négliger pour autant la phonétique. La perte de la matrice de données respective est d’autant plus regrettable. Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 35 permet d’explorer la profondeur de structures (ou systèmes) dont on n’a connu jusqu’alors que la surface. Remerciements - Traitement informatique et dialectométrique des 222 profils de localisation établis par Anthonij Dees en novembre 1983 à Amsterdam: Pavel Sme č ka (Salzbourg). - Élargissement et correction du réseau polygonal du domaine d’oïl médiéval: Pavel Sme č ka et Bernhard Castellazzi (Salzbourg). - Création et mise à jour périodique du logiciel VDM («Visual DialectoMetry»): Edgar Haimerl (Seattle, EAU). - Confection de tous les graphiques de cet article: Werner Goebl (Vienne). - Toilette stylistique de mon texte français: Stéphanie Lescure (Marbourg, Allemagne). - Appui financier de nos recherches scriptoet dialectométriques: projet 18365 du «Fonds zur Förderung der wissenschaftlichen Forschung» (FWF) [Fondation autrichienne pour la recherche scientifique] (Vienne). Que tous les personnages mentionnés ci-dessus ainsi que l’organisme du FWF reçoivent ici l’expression de ma profonde gratitude. 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D EES 1980: 170 (carte 158) Carte du milieu: présence du graphème eu dans les succédanés de SENIORE ‘seigneur’ (types: seigneur, sengneurs, saigneur, signeur, etc.); cf. D EES 1980: 201 (carte 187) Carte de droite: présence du graphème ch dans les succédanés de ECCU : + ISTU , + ILLA , + ILLOS ‘cet, celle, ceux’ (types: chest, ichele, cheus, etc.); cf. D EES 1980; 65 (carte 59) Hans Goebl, Pavel Smečka 38 Planche 2: Localisations quantitatives de trois textes littéraires, établies par A. Dees en 1983 Hachures blanches: scores minimal et maximal; algorithme de visualisation: MINMWMAX 6-tuple Carte de gauche: Le Pseudo-Turpin poitevin; D EES 1987: 519; NCA: 216 Carte du milieu: La vie de saint Louis de J. de Joinville; D EES 1987: 527; NCA: 129 Carte de droite: Chronique rimée de Philippe Mouskes; D EES 1987: 525; NCA: 168 Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 39 Planche 3: Trois cartes de travail (CT) de nature phonétique tirées de notre corpus-DM relatif à l’ALF (par voie d’élagage du réseau et de réduction du nombre des CT polynymes) Carte de gauche: évolution de Á accentué latin dans MERCÁTU (selon ALF 812 marché) Carte du milieu: évolution de C latin devant A dans FRÁNCA (selon ALF 610 franche) Carte de droite: évolution du groupe latin - B ( O ) LU dans * DIÁB ( O ) LU (selon ALF 403 diable) Hans Goebl, Pavel Smečka 40 Planche 4: Trois cartes de similarité relatives au même point de repère (situé en Saintonge) Hachures blanches: scores minimal et maximal; algorithme de visualisation: MINMWMAX 6-tuple Carte de gauche: corpus: 268 attributs scripturaires (selon D EES 1980); indice de similarité: Similarité Euclidienne Moyenne (SEM jk ) Carte du milieu: corpus: 222 vecteurs de localisation (selon D EES 1983)¸ indice de similarité: r(BP) jk Carte de droite: corpus: 837 CT phonétiques tirées de 244 cartes originales de l’ALF; indice de similarité: Indice Pondéré d’Identité [avec le poids 1] (IPI[1] jk ) Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 41 Planche 5: Trois cartes de similarité relatives au même point de repère (situé en Île-de-France) Hachures blanches: scores minimal et maximal; algorithme de visualisation: MINMWMAX 6-tuple Carte de gauche: corpus: 268 attributs scripturaires (selon D EES 1980); indice de similarité: Similarité Euclidienne Moyenne (SEM jk ) Carte du milieu: corpus: 222 vecteurs de localisation (selon D EES 1983)¸ indice de similarité: r(BP) jk Carte de droite: corpus: 837 CT phonétiques tirées de 244 cartes originales de l’ALF; indice de similarité: Indice Pondéré d’Identité [avec le poids 1] (IPI[1] jk ) Hans Goebl, Pavel Smečka 42 Planche 6: Trois cartes de similarité relatives au même point de repère (situé en Picardie) Hachures blanches: scores minimal et maximal; algorithme de visualisation: MINMWMAX 6-tuple Carte de gauche: corpus: 268 attributs scripturaires (selon D EES 1980); indice de similarité: Similarité Euclidienne Moyenne (SEM jk ) Carte du milieu: corpus: 222 vecteurs de localisation (selon D EES 1983)¸ indice de similarité: r(BP) jk Carte de droite: corpus: 837 CT phonétiques tirées de 244 cartes originales de l’ALF; indice de similarité: Indice Pondéré d’Identité [avec le poids 1] (IPI[1] jk ) Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 43 Planche 7: Trois cartes de similarité relatives au même point de repère (situé en Franche-Comté) Hachures blanches: scores minimal et maximal; algorithme de visualisation: MINMWMAX 6-tuple Carte de gauche: corpus: 268 attributs scripturaires (selon D EES 1980); indice de similarité: Similarité Euclidienne Moyenne (SEM jk ) Carte du milieu: corpus: 222 vecteurs de localisation (selon D EES 1983)¸ indice de similarité: r(BP) jk Carte de droite: corpus: 837 CT phonétiques tirées de 244 cartes originales de l’ALF; indice de similarité: Indice Pondéré d’Identité [avec le poids 1] (IPI[1] jk ) Hans Goebl, Pavel Smečka 44 Planche 8: Trois cartes choroplèthes de la synopse de 85 (ou 87) coefficients d’asymétrie de Fisher (CAF) Hachures blanches: scores minimal et maximal; algorithme de visualisation: MINMWMAX 2-tuple Carte de gauche: corpus: 268 attributs scripturaires (selon D EES 1980); indice de similarité: Similarité Euclidienne Moyenne (SEM jk ) Carte du milieu: corpus: 222 vecteurs de localisation (selon D EES 1983)¸ indice de similarité: r(BP) jk Carte de droite: corpus: 837 CT phonétiques tirées de 244 cartes originales de l’ALF; indice de similarité: Indice Pondéré d’Identité [avec le poids 1] (IPI[1] jk ) Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 45 Planche 9: Trois cartes à cloisons (isoglosses quantitatives) Hachures blanches: scores minimal et maximal; algorithme de visualisation: MEDMW 6-tuple Carte de gauche: corpus: 268 attributs scripturaires (selon D EES 1980); indice de similarité: Similarité Euclidienne Moyenne (SEM jk ) Carte du milieu: corpus: 222 vecteurs de localisation (selon D EES 1983)¸ indice de similarité: r(BP) jk Carte de droite: corpus: 837 CT phonétiques tirées de 244 cartes originales de l’ALF; indice de similarité: Indice Pondéré de Distance [avec le poids 1] (IPD[1] jk ) Hans Goebl, Pavel Smečka 46 Planche 10: Classification dendrographique de 85 (ou 87) points-Dees ou relatifs à l’ALF Algorithme agglomératif: méthode de J. A. Ward, Jr.; mise en vedette de cinq dendrèmes et chorèmes Carte de gauche: corpus: 268 attributs scripturaires (selon D EES 1980); indice de similarité: Similarité Euclidienne Moyenne (SEM jk ) Carte du milieu: corpus: 222 vecteurs de localisation (selon D EES 1983); indice de similarité: r(BP) jk Carte de droite: corpus: 837 CT phonétiques tirées de 244 cartes originales de l’ALF; indice de similarité: Indice Pondéré d’Identité [avec le poids 1] (IPI[1] jk ) Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 47 Planche 11: Trois cartes choroplèthes montrant la corrélation entre les gestions scripturaire (A) et euclidienne (B) de l’espace d’oïl; coefficient de corrélation: r(BP) Carte de gauche: corpus A: 268 attributs scripturaires (selon D EES 1980); indice de similarité: r(BP) jk Carte du milieu: corpus A: 222 vecteurs de localisation (selon D EES 1983)¸ indice de similarité: r(BP) jk Carte de droite: corpus A: 837 CT phonétiques tirées de 244 cartes originales de l’ALF; indice de similarité: Indice Pondéré d’Identité [avec le poids 1] (IPI[1] jk ) Hans Goebl, Pavel Smečka 48 Planche 12: Trois cartes choroplèthes montrant la corrélation entre différentes sortes de gestions de l’espace d’oïl; coefficient de corrélation: r(BP) Carte de gauche: corrélation entre gestion scripturaire (documents non littéraires; selon D EES 1980) et basilectale (selon l’ALF) de l’espace d’oïl Carte du milieu: corpus: corrélation entre gestion scripturaire (documents littéraires; selon D EES 1983) et basilectale (selon l’ALF) de l’espace d’oïl Carte de droite: corpus: corrélation entre deux gestions scripturaires de l’espace d’oïl: documents non littéraires (selon D EES 1980) et documents littéraires (selon D EES 1983) Trois regards dialectométriques sur l’aménagement géolinguistique du domaine d’oïl 49 Mise par écrit et standardisation Les cas de l’ancien français et de l’anglo-normand David Trotter, Université d’Aberystwyth 1. Introduction 1.1. Avec il est vrai des différences d’interprétation considérables, il est largement admis qu’un des moteurs principaux de la standardisation du français a été l’écrit (C ERQUIGLINI 1991; P FISTER 1973, 1993; G LESSGEN 2008; G RÜBL 2013). Malgré les travaux de Tony Lodge (L ODGE 2004, 2010a, 2010b, 2011), il est difficile de croire que la langue parlée - même parisienne - ait pu avoir une influence suffisante pour entraîner une standardisation «par le bas» qui aurait pu atteindre toute la région d’oïl. Il suffit de regarder un peu la variation encore visible par exemple dans l’Atlas Linguistique de la Champagne et de la Brie (B OURCELOT 1966-78) pour se rendre compte du peu de nivellisation qui a eu lieu jusque vers le milieu du XX e siècle. Est-il vraiment plausible que Paris ait pu exercer une influence déterminante sur la langue parlée au Moyen Âge? 1.2. Si le processus de standardisation passe par l’écrit, il faut parler de scriptae (au pluriel) et non pas de koinès ni de dialectes (parlés). Par scriptae j’entends: variétés écrites, ayant une base lointaine dans l’oral, mais éloignées de celle-ci par le fait d’être du domaine de l’écrit. 1.3. Après les travaux surtout de G LESSGEN 2008, il semble clair que la mise par écrit s’est effectuée à partir de regroupements régionaux et ensuite, supra-régionaux, de traits scripturaux. Les scriptae appartiennent à - et en même temps véhiculent et créent - des normes émergentes supra-régionales (c’est donc la représentation écrite des Schreiblandschaften, ou «paysages de l’écrit»). 1.4. Il faut impérativement distinguer entre textes de types différents qui se situent sur le continuum «Nähe-Distanz» proposé par Koch et Oesterreicher. Ceux-ci distinguent entre des discours qui envisagent un public proche (dans le temps), donc l’oralité mais aussi certains types de textes très locaux, et des discours surtout écrits qui ont pour cible un ou des public(s) plus éloignés (les textes littéraires, par exemple, ou encore une charte rédigée pour être lue par un seigneur assez lointain). La scriptologie traite surtout des textes administratifs, qu’ils aient comme destinataires des personnes proches ou lointaines. Ce sont des documents localisés et datés dont l’exemple le plus fréquemment exploitée est la charte. 1.5. L’évolution de scriptae régionales implique que la perspective qui voit dans le français du Moyen Âge une langue pluricentrique (G LESSGEN 2008: 52; David Trotter 52 G RÜBL 2013: 376; L USIGNAN 2011: «une langue plurielle») est la plus convaincante. La même désignation - ou presque, puisqu’utilisant l’adjectif «polycentrique» - vient d’ailleurs d’être appliquée par K RISTOL 2014 au français de nos jours. 1.6. Si le français du Moyen Âge est pluricentrique, et qu’il se soit développé par une lente maturation des variétés (supra-)régionales, il est logique d’envisager une standardisation par étapes (d’abord la sous-région, ensuite la région, la Schreiblandschaft, ensuite l’intégralité du territoire francophone). Un processus cumulatif dans le temps accompagne le processus cumulatif dans l’espace. 1.7. La standardisation, on le sait, se déroule à des vitesses différentes suivant les régions (voir la carte dans G OSSEN 1957: 429 reproduite par M ARCHELLO -N IZIA 1997: 18). Cela ne contredit nullement les hypothèses de la pluricentricité et de la standardisation par étapes à l’intérieur de et ensuite, entre, les différentes scriptae. 1.8. Enfin: la question de la diglossie. ll faut éviter une vision simpliste d’une diglossie entre latin et français au cours des XII e et XIII e siècles (B ANNIARD 1992, 508-511; L USIGNAN 2012, 35-39; cf. pour l’époque antérieure V AN A CKER 2010; M OLINELLI / G UERINI 2013). Le français écrit (même dans une scripta régionale) a le statut de langue haute. Il faut donc envisager le schéma suivant: Latin (H1) Scripta (H2) Langue parlée (dialecte) (B) 1.9. Cette étude prendra comme points de départ deux scriptae bien distinctes et bien éloignées du français parisien, dans l’espace et aussi dans leurs habitudes graphiques. L’on se penchera sur l’anglo-normand, et sur le lorrain. Avec très peu de variation diatopique - c’est un peu le propre d’une langue de moins en moins «vernaculaire» - l’anglo-normand est assurément un des «centres» du français dont il faut tenir compte. Paradoxe du français insulaire: la première variété du français à être mise par écrit, à la différence des français (au pluriel) de France, l’anglo-normand ne se standardise pas par l’écriture - qui est, au contraire, la voie par laquelle il reste différent, et visiblement (du moins, parfois) autonome par rapport à la France. L’anglo-normand reste conservateur au niveau des graphies et garde ses particularités au lieu de s’en débarrasser. Certaines de ces graphies (c’est notamment le cas d’-aun-, graphie stéréotypique de l’anglo-normand) se développent tardivement, soit au cours du XIII e siècle (P OPE 1934, §1152; K RISTOL 1989; T ROTTER 2014). Les habitudes graphiques insulaires assez marquées tout le long de l’existence de l’écrit anglo-normand - et qui se reproduisent en anglais - n’empêchent pas certains auteurs (du début Mise par écrit et standardisation 53 jusqu’à la fin du Moyen Âge) d’écrire un français très «neutre» en Angleterre. C’est une preuve de plus de la capacité des copistes de s’adapter, processus bien entendu sous-jacent à la standardisation elle-même. Si les copistes ne changeaient pas leur écriture, il n’y aurait pas de standardisation; pour le faire, il devaient êtres conscients des traits à éliminer. C’est, comme nous le verrons, ce qui semble arriver dans le cas exemplaire du lorrain qui sera maintenant analysé. 2. Le cas du lorrain 2.1. Sans doute en partie parce que la Lorraine était en terre d’Empire 1 , sa langue est restée longtemps assez indépendante et spécifique. La région a aussi l’avantage d’avoir été l’objet d’études très détaillées dans le cadre général du projet des Plus anciens documents linguistiques de la France (G LESSGEN 2011). Or, un texte bien connu de la Lorraine, le Psautier de Metz de c. 1365, a un prologue souvent cité pour ses propos sur la traduction du latin en français, mais le texte est en même temps assez révélateur quant à la confusion entre langue parlée et langue écrite, les deux étant perçues comme tellement individuelles qu’aucune compréhension semble possible: Vez ci lou psaultier dou latin trait et translateit en romans en laingue lorrenne […] Aucune fois li latin warde ses rigles de gramaire et ses congruiteiz et ordenances. en figures. en qualiteiz. en comparison. en persones. en nombres. en temps. en declinesons. en causes. en muef et en perfection. que on romans ne en françoiz on ne peut proprement wardei[r]. pour les varieteiz et diversiteiz des lainguaiges et lou deffault d’entendement de maint et plusour. qui plus souvent forment lour mos et lour parleir. a lour volenteit et a lour guise. que a veriteit et au commun entendement. et pour ceu que nulz ne tient en son parleir ne rigle certenne. mesure ne raison. est laingue romance si corrumpue que qu’a poinne li uns entent l’autre. et a poinne puet on trouveir a jour d’ieu persone. qui saiche escrire. anteir. ne prononcieir en une meismes semblant menieire. mais escript. ante. et prononce. li uns en une guise. et li aultre en une aultre. (A PFELSTEDT 1881, 2; c. 1365; c’est moi qui souligne) Évidemment, cette affirmation (surtout «pour ceu que nulz ne tient en son parleir ne rigle certenne. mesure ne raison. est laingue romance si corrumpue que qu’a poinne li uns entent l’autre») n’est pas à prendre au pied de la lettre. Le texte montre néanmoins une connaissance métalinguistique de la variation, qui est assez rarement évoquée explicitement dans les textes du Moyen Âge. L’étude suivante du lorrain reprend en partie des travaux antérieurs portant sur cette variété, et se base sur deux petits corpus que j’ai constitués à partir de 2000: 2.2. Le premier corpus provient de Saint-Dié-des-Vosges: 85 documents, surtout des testaments contenant des legs à la cathédrale de Saint-Dié, Archives Dépar- 1 Je dois cette observation à Serge Lusignan. David Trotter 54 tementales des Vosges, série G 403-405; 496; 665; 670; 672; 677; 696; 734-738; 817; la période chronologique va de 1280 à 1453 (T ROTTER 2005b). 2.3. Le deuxième corpus concerne l’abbaye de Salival: il s’agit de 38 documents des Archives Départementales de Meurthe-et-Moselle, série H, concernant l’Abbaye de Salival (Château-Salins, 30 km à l’est de Nancy), pour une période chronologique allant de 1234 à 1327 (publiés dans T ROTTER 2005a, 293-322; les quatre premiers documents [1234=1252] sont également publiés dans Les plus anciens documents linguistiques de la France, ChMM 002; ChMM 95; ChMM 96; ChMM 98). Ces deux séries de documents ont plusieurs avantages: chacune relève d’un seul et même endroit, et présente des textes très homogènes sur une période de 173 ans (Saint-Dié) ou de 93 ans (Salival). Sont donc éliminés ou réduits au maximum les facteurs diatopiques et diastratiques/ diamésiques, ce qui laisse bien entendu le facteur diachronique - et la variation individuelle due aux pratiques d’un copiste. 2.4. La table suivante montre le pourcentage des traits lorrains les plus saillants à travers les deux séries de documents. À noter cependant: ces traits ne se limitent pas à la Lorraine. Table n° 1: pourcentages des graphies régionales dans les deux collections (T ROTTER 2008: 320) auble aige eir lai sai mai lou % régional SAINT-DIÉ 1280-1453 31,7% 77% 18,3% 17,5% 31,9% 32,5% 32,6% 20,7% SALIVAL 1234-1327 37,5% 85,9% 22,1% 10,5% 14,8% 26,1% 90,9% 28,7% L’on constate en premier lieu que le pourcentage global de formes régionales est relativement limitée et (dans les deux collections ensemble) autour de 25%. Certaines formes (-aige, lou à Salival mais pas à Saint-Dié) sont dominantes et leurs équivalents non-régionaux -age et le, minoritaires, ce qui inverse les proportions normales des graphies régionales. L’évolution et la standardisation de la scripta dans le temps sont claires dans la table suivante (table n° 2; Saint-Dié exclusivement). Si la moyenne des formes régionales est de 31%, ce n’est qu’à partir de 1380-99 qu’elle baisse de façon définitive et sans doute, irréversible: 23% pour cette période, ensuite 14% pour 1400-19, 4% en 1420-39, 7% à partir de 1440. Il semble légitime d’en conclure que les graphies régionales ont essentiellement disparu vers la fin (et n’ont disparu que vers la fin) du XIV e siècle (T ROTTER 2008: 313-14). Pendant toute la période 1280-1453, il y a variation entre graphies standardes (ou standardisées) et graphies «régionales» (minoritaires). Dans le cas (isolé) de la graphie -aige, la Mise par écrit et standardisation 55 forme régionale est non seulement dominante (globalement), mais elle est aussi persistante, car jusqu’à la fin de période étudiée, elle domine largement. Pour toutes les autres graphies, la «date charnière» qui marque l’adoption des graphies standardisées semble être la fin du XIV e ou le début du XV e siècle: 100% d’infinitifs en -er et d’adjectifs en -able à partir de 1420; 93% de le après 1400; la, ma, sa à 94% ou 98% après 1380 (T ROTTER 2009: 167). Le processus de standardisation est assez visible, et assez prolongée, ce qui correspond d’ailleurs à la carte établie par G OSSEN 1957: 429, où pour la Lorraine sont inscrites comme dates de début et de fin de la disparition de la scripta, 1425 et 1550-1600 respectivement. Table n° 2: Évolution chronologique de la variation (Saint-Dié seulement; T ROTTER 2009: 168-69) forme 1280- 1299 1300- 1319 1320- 1339 1340- 1359 1360- 1379 1380- 1399 1400- 1419 1420- 1439 1440- 1453 Total % -aubl 0% 9% 86% 51% 18% 76% 65% 0% 13% 33% % -aige 80% 93% 92% 74% 55% 65% 72% 68% 86% 75% % -eir 0% 27% 66% 54% 60% 29% 43% 0% 0% 38% % -lai 30% 38% 39% 18% 71% 6% 2% 0% 0% 18% % mai/ sai 63% 64% 48% 67% 79% 2% 0% 0% 0% 29% % lou 84% 94% 82% 31% 49% 41% 7% 0% 0% 33% % RÉGIO - NAL + 52% 64% 61% 36% 61% 23% 14% 4% 7% 31% moyenne des % * 43% 54% 69% 49% 55% 37% 32% 11% 17% 40% + sur la totalité des occurrences régionales / non-régionales * élimine l’effet déséquilibrant des formes plus nombreuses 3. Le cas de l’anglo-normand 3.1. L’anglo-normand représente à plusieurs égards une situation très différente. Dans tous les genres textuels, cette scripta se situe parmi les premiers témoignages d’une documentation en langue française. 75% des manuscrits du XII e siècle renfermant les textes littéraires sont insulaires. Les premiers textes scientifiques en langue romane sont anglo-normands (Philippe de Thaon, à partir peutêtre de 1113, en tout cas avant 1119, en est l’exemple le plus frappant). La première charte française l’est probablement (T ROTTER 2015: 363). Une partie au moins du système des abréviations graphiques en français a été inventée par les copistes anglais (H ASENOHR 2002). Si l’anglo-normand n’a pas persisté en tant que langue, il a quand même largement alimenté la langue anglaise, dont un David Trotter 56 pourcentage important du lexique remonte à la présence de la langue française sur l’île pendant quatre siècles. Et c’est une présence surtout, et à partir de 1200- 1250 sans doute presque exclusivement, écrite. L’écrit, on le sait, est conservateur, mais il est normalement un moyen de standardisation, ce qui (on le verra) n’est nullement le cas en anglo-normand. 3.2. Archaïsme graphique de l’anglo-normand L’anglo-normand conserve notoirement - et ce sera l’hypothèse - des archaïsmes graphiques flagrants. C’est une tendance que l’on peut contrôler facilement sur la base (a) des citations comprises dans l’AND et (b) d’une recherche parmi certains des textes numérisés et accessibles sur le site de l’AND. Voici une liste de textes relativement tardifs sélectionnés pour cette enquête qui porte sur les consonnes disparues (dans la prononciation) mais retenues (dans les graphies) de l’anglo-normand, à savoir des consonnes dentales finales et intervocaliques d’une part, d’autre part, des graphies archaïso-latinisantes < - ORIA ( M ), - ONIU ( M ): Sigle AND Texte Sigle DEAF Date(s) Anon Chr 2 The Anonimalle Chronicle 1307-1334, eds. Wendy R. Childs & John Taylor, Yorkshire Archaeological Society, Record Series 147 (1991). ChronAnC 1382/ 1399 Gaunt 1 John of Gaunt’s Register (1371-75), ed. S. Armitage-Smith, Camden Soc. 3 rd ser. 20 & 21, 1911. 1371-1375 Lett & Pet Anglo-Norman Letters and Petitions, ed. M. D. Legge, ANTS 3 (1941). LettrOxfL 1390-1412 Lib Alb Munimenta Gildhallae Londoniensis: Liber Albus, Liber Custumarum et Liber Horn, ed. H. T. Riley, Rolls Ser., 4 vols. 1859-62. LAlbR 1419 Lib Cust Munimenta Gildhallae Londoniensis: Liber Albus, Liber Custumarum et Liber Horn, ed. H. T. Riley, Rolls Ser., 4 vols. 1859-62. LCustR s.xiv 1 Man lang ANTS Manières de Langage (1396, 1399, 1415), ed. Andres M. Kristol, ANTS 53 (1995). ManLangK 1396, 1399, 1415 Private Indentures M. Jones & S. Walker (eds.) «Private Indentures for life service in peace and war, 1278-1476», Camden Miscellany 32 (5 th Series, 3), 1994, 1-190. 1292-1432 Sz Med Le Livre de Seintz Medicines, ed. E. J. Arnould, ANTS ii, 1940. HLancA1 1354 Westm B. F. Harvey, Documents Illustrating the Rule of Walter of Wenlok, Abbot of Westminster, 1283- 1307, Camden Society., 4th Series, vol. 2, 1965. WestmH 1285/ 86- 1307 Mise par écrit et standardisation 57 Les résultats sont groupés ci-dessous, par trait graphique retenu. 3.2.1. fud (estre p.h. 3) -et / -at (formes 3 de verbes ou dans le cas de -et, < ATEM ) La perte de la consonne (dentale) finale a eu lieu assez tôt: au plus tard, au IX e siècle, selon S TRAKA 1953, 258; 268-69; S TRAKA 1966; DE LA C HAUSSÉ e 1974, §16.4.1, §17.2.5.2; B OURCIEZ 1967: §151; P OPE 1934: §346-47, §356, §608, §1175- 77, §1210; S HORT 2013: §24.1, §24.2-24.6 Résultats: dans l’AND, la graphie fud (prét.3 estre) est attestée 718 fois, majoritairement dans les textes du XII e / XIII e , rare au XIV e siècle (Croniques de London de c. 1343). Aucune attestation dans le groupe des textes tardifs de la base de textes. Les graphies -at et -et sont fréquentes (par exemple avrat × 61) mais rares audelà du XIII e siècle: prosperitet dans une lettre d’Henry IV, fin XIV e ; adornerat dans H UNT 1995 (fin XIII e / XIV e siècle). Dans le groupe de textes tardifs analysés dans la base, fud est absent et les graphies -et et -at sont rares, sans doute (pour ce qui est de -et) parce que cette graphie est très fréquente pour impér.5 (cf. P OPE 1934, §1295). Cependant: confesset ind.pr.3 dans Gaunt 1 , aportet dans Westm (document fragmentaire); voiet dans Private Indentures; cessat, passat dans Anon Chron 2 ; pechat, serrat dans Man Lang. 3.2.2. -ede < - ATA via -[ð]-, -[θ]- -ethe < - ATA via -[ð]-, -[θ]- Amuïssement de t > [ð] intervocalique: au plus tard, au IX e siècle, cf. S TRAKA 1966; DE LA C HAUSSÉE 1974: §16.4.1; «de plus en plus affaibli, puis complètement effacé vers la fin du XI e siècle», B OURCIEZ 1967: §142h; P OPE 1934: §346- 47, §356, §608, §1175-77, §1215; P OPE 1934: §346 «both ð and θ were effaced in the course of Early Old French, at latest by the middle of the twelfth century»; l’amuïssement aurait été plus tardif en Normandie que dans le nord-est, P OPE 1934, §347: «maintenance of final θ and ð in Normandy in the middle of the eleventh century»; S HORT 2013: §24.2; 19.2* (emploi de la «moribund dental» dans PsOxfM pour éviter un hiatus). Résultats: dans l’AND, exclusivement dans les psautiers du XII e siècle, sauf une attestation de raiede (< RADIUS ) «rayon de lumière» , mot hapax dans le Comput de Philippe de Thaon (: feiede; var. raiee: fiee) et une attestation d’entrethe dans le Brendan. Fréquent dans le mot fethe = fois (P OPE 1934: §1215; S HORT 2013: David Trotter 58 §24.3*) où la graphie est probablement influencée par l’anglais (cf. l’emploi du graphème ð, Short 2013 ː §24.3*). Dans le groupe de textes tardifs analysés dans la base, ces graphies sont absentes. 3.2.3. -orie, -onie < - ORIA , - ONIU ( M ) ~ fr. -oire, -oine (par ex.: historie, glorie, testimonie) Mots savants qui retenaient la forme latine -ie < - IA (etc.), ensuite métathèse après 1066, B OURCIEZ 1967: §182h; P OPE 1934: §645(a), §1105; S HORT 2013: §13.4, §50. R ÉSULTATS : dans l’AND, glorie × 74 jusqu’au XIV e siècle (~ gloire × 82); memorie × 79 jusqu’au XV e siècle, procès devant l’Exchequer Chamber de 1482, dans l’expression peut-être figée devant temps de memorie (~ memoire × 60, y compris dans les textes du XII e [Gaimar]); estorie × 40 jusqu’à la fin du XIV e siècle (Inventaire de Gloucester de 1397) (~ estoire × 52, y compris dans les textes du XII e [Proverbes de Salemon, Gaimar]). Dans le groupe de textes tardifs analysés dans la base, l’on retrouve: glorie dans Sz Med; memorie dans Lib Alb, Gaunt 1 , Lib Cust; purgatoire dans Man Lang, Sz Med; victorie dans Gaunt 1 , Lett & Pet (dans la copie d’une lettre de Charles VI roi de France à Richard II), Man Lang. Testimonie / testemonie × 13 exclusivement dans des textes du XII e siècle (~ testimoine / testemoine × 12, textes des XII e -XIII e siècles). Chanonie est attestée dans Lett & Pet (lettre de 1400). 3.2.4. Conclusions sur les graphies archaïques. En dépit d’une tendance générale archaïsante, la plupart des graphies analysées ne sont pas très fréquentes au-delà du XIII e siècle, date à laquelle, il est vrai, ce sont déjà des archaïsmes assez frappants. Les réalités phonétiques que ces formes sont censées reproduire ou conserver ont disparu beaucoup plus tôt et dans la majorité des cas, bien avant la mise par écrit du français. L’on peut donc conclure que dès le début de l’anglo-normand, cette scripta est archaïque (cf. S TANOVAÏA 2004); il est ainsi surprenant de constater combien de temps durent les graphies qui lui donnent cette apparence. 3.3. Variation diastratique/ diamésique dans l’anglo-normand tardif. Un élément souvent sous-estimé dans le cas de l’anglo-normand est la variation parmi les textes. Pour le français continental, personne ne songerait à grouper Mise par écrit et standardisation 59 ensemble tout ce qui est écrit et sans se rendre compte des différences de type; mais les histoires classiques de l’anglo-normand font rarement référence à ce phénomène. En même temps, et l’on l’a vu pour le lorrain, il y a dans les scriptae continentales une progression quasi-universelle dans le temps à travers tous les types de documents, à des vitesses il est vrai variable, vers une scripta moins régionalisée. Cela ne semble pas être le cas en anglo-normand. La différence entre les textes est une manifestation non seulement d’une variation diastratique/ diamésique, mais aussi d’un refus de la standardisation. Le résultat, en anglo-normand, est que le pourcentage de graphies «typiques», c’est-à-dire: montrant des traits saillants de l’anglo-normand, est très variable, en fonction du texte, ce que la section précédente ne montre pas. Dans la partie suivante, où sont réunis des textes en premier lieu internationaux (mais parmi lesquels il existe une variation importante), ensuite des documents très locaux (et plus «anglo-normands»), l’on peut se faire une idée de cette variation. Les graphies anglo-normandes sont en gras (le mot entier est en gras même si normalement, une partie seulement est spécifiquement anglo-normande). 3.3.1. Documents diplomatiques internationaux Édouard II au comte de Flandres, Robert II, 1308 Edward par la grace de Dieu roi d’Engleterre, seigneur d’Irlaunde et ducs d’Aquitaine, a noble homme nostre trescher amy monseigneur Robert counte de Flaundres, saluz. Nous recomendoms a vous especiaument nostre cher vadlet Giles de la Mote et vous prioms affectuousement que en les busoignes que nostre dit vadlet ad a faire devers vous par resoun du fied qu’il tient de vous li voillez faire la grace et la bounté que vous porrez bonement pur amur de nous, en tieu manere que nostre dit vallet puisse sentir que ceste nostre requeste li vaille. Doné souz nostre privé seal a Certeseye le secund jour de septembre, l’an de nostre regne secund. (C HAPLAIS 1982, I,i,15) En dépit du fait qu’il émane de la chancellerie royale, et s’adresse à un personnage continental et important, ce document montre un niveau d’anglo-normandismes graphiques important: en témoignent les graphies classiques Irlaunde, Flaundres, bounté, amur, Certeseye (anglais mod.: Chertsey) à côté aussi d’éléments archaïsants comme vadlet (mais aussi vallet) et fied. Richard II à Charles VI, 1395 A treshaut et puissant prince C[harles] par la grace de Dieu nostre treschier et tresamé frere et cousin de France, R[ichard] par ycelle mesme grace roy d’Engleterre etc., salut et entiere dileccioun. Treschier et tresamé frere et cousin, nous vous faisons savoir que nous avons tresgrand et continuel desir d’avoir toudis et savoir de vous, vostre tresbon estat et parfaite santee tresbonnes nouvelles, dont Nostre Sire tout puissant nous octroie selonc nostre entier desir si bonnes nouvelles et gracieuses comme tresentierement desirrons et comme vous mesmes, treschier frere et cousin, saurez mieulx deviser ou soheider, vous empriantz si tresentierement de cure comme plus poons que d’autiel vostre estat et par especial de vostre santee nous veullez au plus souvent que vous purrez acerter pour noz aise, reconfort et David Trotter 60 plesance singulieres. Touchant, treschier et tresamé frere et cousin, l’estat de nous, dont, sicomme nous fions vraiement, vous orriez voluntiers tresbonnes nouvelles, vous faisons savoir que a la fesance de cestes nous estiens tout sains et en bon point, loiez en soit Dieux, qi pareillement par sa grace yce vous veulle octroier. D’autre part, treschier et tresamé frere et cousin, vous prions que par le porteur de cestes nous veullez envoier vostre seur et sauf conduit bon et sufficeant pour noz messages, queux nous pensons en brief renvoier devers vous pour la traitee esteant d’entre nous, cestassavoir pour les reverentz pieres en Dieu l’ercevesque de Dyvelyn et l’evesque de Seint David, noz treschiers cousins le conte de Rutlande et de Corke, le conte de Notyngham nostre marechal, le sire de Beaumond et William Lescrope nostre chamberlain et lour esquiers et servantz tanque au nombre de mil persones montees, ove leur chivaux, biens et hernoys queconques. Treschier et tresamé frere et cousin, Nostre Sire vous eit toudis en sa tresseinte garde. Donné souz nostre signet a nostre manoir de Langleye le darrein jour de septembre. (C HAPLAIS 1982, I,i,15) Texte où le pourcentage de graphies anglo-normandes est nettement moins élevé (il est vrai aussi qu’il est plus récent); très peu de traits qui permettent de le distinguer d’un document parisien contemporain. Il s’agit d’un texte de haut niveau (entre deux rois). 3.3.2. Document local: Carlisle (nord-ouest). Contrat pour des travaux au château de Carlisle, 1378 Ceste endenture faite parentre nostre seignour le Roy d’une part et Johan Lewyn maceon d’autre part tesmoigne qe le dit Johan ad empris de faire bien et suffisantment la maceonerie d’une port et d’une Tour paramont en le Chastel de Kardoill devers la ville de Kardoill la quele Tour contendra en longure cynquante et cynk pedz et en laeure trente et deux pedz et en hautesse trente et quatre pedz desouz le pee de l’embataillement et serra la dite porte de unze pedz de lee et serra devant mesme la porte un Barbycan qe contendra dys pedz en longure droit de la dite porte et se tournera a travers par une vousure entre l’entree vers la dite porte tanqes sur une meindre Tour qe serra une Cusyne et le dit barbycan serra doublement embataillez avant la vousure de la dite porte et serront en la meindre Tour a la porte de l’entree vers le suth un celer contenant vynt et oyt pedz en longure et dys et oyt pedz en laeure voutez ovesque un chemyné et un privé et a l’autre part de la dite porte devers le North serra une prisone qe contendra quatorze pedz squarré et outre celle prisone serra une Chambre ovesqe chemyné et privé de quatorze pedz squarré et la dite porte serra voutee et avera deux botraces sur les jowes de la hautesse de trente et quatre pedz desouz l’embataillement et serront les ditz botraces de l’espessure a la terre de de cynk pedz squarré et serront bataillez et la dite Tour qe serra la Cusyne cestassavoir devers la fossee contendra dehors trente et deux pedz en longure et vynt peds en laeure a quele Tour serront deux mesons voutees desouz la basseure ovesqe chemynez et priveez et paramont la dite porte serra une sale de trente pedz en longure et vynt pedz en laeure ovesqe un mur parclos de maerisme et la dite Cusyne avera deux chemynez covenables de pere et en la chambre estante deriere le dees serront une chemyné et un privé ovesque huysses fenestres et entrees covenables pur toutes les dites mesons. [...] Doné a Westmouster le xiij jour d’avrill l’an du regne de nostre seignour le Roy primer. (S ALZMAN 1952, 456-457) Texte très localisé (texte donc de la «Nähe»), sans doute destiné à être utilisé sur place, et par un public limité (peut-être à l’usage des deux parties seulement). À noter: la graphie squarré qui semble être une forme hybride entre l’anglo- Mise par écrit et standardisation 61 normand carré et l’anglais square(d); le mot priveez (pl. de privé, cf. angl. moderne privy, «cabinet d’aisances»). 3.3.3. Document local: Londres. Documents de la cité de Londres, 1419 De conservatione pacis Pur la pees nostre Seignour le Roy garder, mayntenir, en la citee de Londres et en lez suburbes d’icelle, ordeigné est par nostre Seignour le Roy et soun Conseille, del assent des Mair, Aldermans, et Comunialtee de mesme la citee de Londres, en la manere q’ensuyt; qe nulle soit si hardy d’aler wakerant dedeinz la dite citee, n’en les suburbes, aprés heure de coverfeu personee a l’Esglise Nostre Dame atte Bow, s’il ne soit homme conuz de bone fame ou soun servant, par verraye cause, et ceo ovesqes lumere; le quel courfeu serra sonee a la dite esglise entre le jour et le nuyt. Et si ascun soit trové wakerant countre ceste ordinance, soit meyntenant pris et mandé a la prisonee de Newgate, illoeqes a demurer tanqes il eit fait fyn a la citee pur le contempt, et trové bone seurtee de soun bone parte. Qe nule voise armé Item, qe nulle, de quel condicioun q’il soit, ne voise armeez en la dite citee, n’en lez suburbez, ne armes ne port, de jour ne de noet, horspris lez vadletes dez graundez Seignours de la terre, portantz espees lour Seignours en lour presence, et les sergeantz de armez nostre Seignour le Roi, ma Dame la Roigne, le Prynce, et dez autres enfauntz nostre Seignour le Roy, et lez ministres de la citee, et lez gentz qui viendront en lour compaignie en aide de eux, a lour mandement, pur la dite peas sauver et meyntenir, sur la dite peyne, et de perdre lour armes et armures. (Riley 1859-1862, 1,387-388) Document très «anglo-normand», montrant entre autres des graphies archaïques typiquement insulaires (vadletes) ainsi que des -aun-, -oun; des mots servant à produire ensuite des mots anglais (wakerant > vagrant; courfeu «couvre-feu «> curfew et des traits syntaxiques anglo-normand (si + sbj.prés. soit). Comme le texte de Carlisle, mais cette fois-ci pour la capitale, il s’agit d’un texte de portée très locale et qui n’a pas d’utilité en dehors d’un milieu socio-professionnel et administratif assez réduit. 4. Conclusions Non seulement la chronologie, mais aussi le processus de standardisation varie selon les lieux. Pour le lorrain, la standardisation est tardive (avec toutefois un élément de variation individuelle) mais en tout cas, on ne peut pas parler de l’émergence d’une variété standarde dans les textes analysés, avant 1400. L’anglo-normand ne se standardise pas, ou pas à travers les différents textes de niveaux différents. Une importante variation de type diastratique subsiste jusqu’à la fin du XIV e siècle et même au-dela. Il est clair que la distinction Nähe- David Trotter 62 Distanz est un facteur pertinent dans le cas de cette variation. À noter: l’on ne dispose pas d’un corpus de transcriptions rigoureuses permettant de suivre l’évolution des graphies en anglo-normand. Les nombreuses éditions disponibles, dont beaucoup sont faites par des historiens et non pas par des philologues, ne signalent pas ou très rarement les abréviations résolues. À côté du maintien de cette variabilité, l’anglo-normand est aussi conservateur pour certaines graphies, ce qui ne veut rien dire quant à l’évolution de la prononciation. Il reste à voir si ces conclusions sont généralisables. Il semble toutefois que l’hypothèse de la pluricentricité est étayée par ces deux exemples de scriptae différentes; et que ceux-ci renforcent aussi l’idée - elle-même inséparable de la notion de pluricentricité - d’une standardisation par étapes, parfois très tardive. Sur le plan linguistique, la France du Moyen Âge était sans doute beacoup moins centralisée et moins centripétale qu’on ne le croit. Bibliographie A PFELSTEDT , F. 1881: Lothringischer Psalter (Bibl. mazarine n o 798). Altfranzösische Übersetzung des XIV. Jahrhunderts, Heilbronn B ANNIARD , M. 1992: Viva voce. 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Remarques préliminaires La syntaxe du pronom personnel sujet en ancien français est un problème complexe qui a suscité depuis longtemps l’intérêt des spécialistes de la syntaxe historique française. Nous nous proposons d’en étudier par la suite un problème particulier, à savoir la non-expression et l’expression du sujet pronominal en postposition, en nous concentrant sur les différences d’emploi qui peuvent se trouver entre les parties narratives (le récit) d’un texte en prose et ses dialogues (le discours direct). S’il existe des différences entre ces deux types discursifs (G LIK - MAN / M AZZIOTTA 2013: 57), modalités 1 ou registres 2 , on pourra en conclure (avec prudence, bien sûr) à des traces de la langue parlée qui surgissent à l’écrit 3 . En effet, plusieurs travaux récents ont montré qu’une comparaison de la langue utilisée par l’auteur dans le récit et dans les dialogues d’un texte narratif du moyen âge peut mener à des résultats intéressants (cf. par exemple R OGER 2013, G LIKMAN / M AZZIOTTA 2013, G UILLOT et al. 2013, D ONALDSON 2014 et les remarques dans W EHR 2012: XI à propos des dislocations et des clivées en ancien français). L’analyse de la syntaxe des dialogues dans la perspective de l’«oral représenté à l’écrit» 4 (M ARCHELLO -N IZIA 2012) offre donc un champ de recherche prometteur. 2. L’ordre des mots et l’expression du pronom sujet Avant d’entrer dans les détails, rappelons brièvement quelques faits concernant la syntaxe de l’ancien français. C’est un préjugé répandu que de croire que l’ancien français met le pronom sujet «à volonté». Après avoir cité des exemples 1 «Modalità discorsive» chez P ALERMO 1998: 176. 2 D ONALDSON 2014: 319 parle de «distinct registers within a single text» en se référant à R O - MAINE 1982. Le terme de «registre» se retrouve dans le même sens chez M ARCHELLO -N IZIA 2014: 167. 3 M ARCHELLO -N IZIA 2012: 262 mentionne la possibilité d’une «grammaire spécifique du ‹discours direct› à l’écrit» et remarque: «On peut … soutenir que l’‹oral représenté› permet de construire des bribes de cet oral disparu». Cf. aussi M ARCHELLO -N IZIA 2014. 4 Il s’agit bien sûr d’un oral fictif qu’il ne faut pas identifier naïvement à l’oral authentique; cf. aussi G LIKMAN / M AZZIOTTA 2013: 56s. qui soulignent que ce nonobstant l’oral représenté a des traits caractéristiques de l’oralité mediévale. Barbara Wehr 68 qui semblent en effet être atypiques 5 , S NEYDERS DE V OGEL 1919: §60, par exemple, constate: «On le voit, le moyen âge est une époque de transition, il y a pleine liberté de mettre ou de ne pas mettre le pronom». Cette opinion devrait être obsolète aujourd’hui, depuis que F OULET 1968 [ 3 1930] dans sa Petite syntaxe de l’ancien français et F RANZÉN 1939 dans son excellente étude ont montré que l’expression et la non-expression du pronom sujet en ancien français suivent des règles plus ou moins précises (chez P RICE 1979: §11.5, on en trouve une description claire et succincte). Rappelons en par la suite les règles de base: - Le sujet nominal ou pronominal se trouve en général devant le verbe (sans aucune «mise en relief») s’il n’y a pas d’autre élément en position préverbale: [1] Li rois dist: […] [2] Il dist: […] - Si un non-sujet (par la suite «X») 6 se trouve en position initiale, il y a inversion 7 ou postposition du sujet nominal: [3] Lors dist li rois (X-V-S nom ): […] Nous avons affaire ici à la fameuse règle du «V2» en ancien français selon laquelle le prédicat se trouve très souvent en deuxième position 8 , comme en alle- 5 Comme il s’agit de textes en vers, on pourrait soupçonner que les exigences du mètre et de l’assonance aient joué un rôle. En y regardant de plus près, on constate que dans l’un des deux exemples: - Oncles, fait-il, estes sainz et haitiez (Cour. Louis 1157) Sneyders de Vogel a simplement oublié de mettre un point d’interrogation à la fin de la ligne (cf. la réponse à la question posée dans le vers suivant et Le couronnement de Louis, ed. E. L ANGLOIS , Paris 1888: 54). Dans les phrases interrogatives, le pronom sujet peut être «omis» en inversion, cf. F OULET 1968 [ 3 1930]: §458. L’autre exemple cité est un peu plus compliqué: [Il est question d’Alexis: ] Tote la charte escrist, Com s’en alat et come il s’en revint. (Alexis 57, 4-5) L’édition de La vie de saint Alexis que Sneyders de Vogel semble avoir consultée est celle de G. P ARIS / L. P ANNIER (Paris 1872) qui donne le v. 4 (p. 153) comme suit: 4 De sei medisme tote la chartre escrist, (selon P) 5 Com s’en alat e com il s’en revint. (selon L) Dans ce contexte, la non-expression du pronom sujet au v. 4 est tout à fait régulière, comme nous le verrons par la suite. Il est vrai que le pronom sujet manque en effet au v. 5 après Com dans Com s’en alat - une irrégularité probablement due au vers décasyllabique. (L’édition du texte de M. P ERUGI , Genève 2000: 177 et p. 227 donne d’ailleurs la leçon de L aussi pour le v. 4: Escrit la cartra tute de sei med[is].) 6 «X» peut être un objet direct, un objet indirect, un complément circonstanciel, un adverbe (y compris si) etc.; cf. M ARCHELLO -N IZIA 1995: 52 pour plus de détails (l’objet direct y est traité à part). 7 P RICE 1966: 477 N1 n’aime pas ce terme, mais nous n’y trouvons rien à redire. 8 Cf. aussi M ARCHELLO -N IZIA 1995: 58: «[L]’ancien français est très fortement une langue de type V2, mais non exclusivement V2». La syntaxe du sujet pronominal postposé en ancien français 69 mand; cf. les traductions de [1]: Der König sprach (avec S-V) et [3]: Da sprach der König (avec X-V-S) 9 . Il s’agit d’un trait fondamental de la syntaxe médiévale (M ÉNARD 1994: §36). - Mais si le sujet est pronominal, dans la plupart des cas il n’est pas exprimé: [4] Lors dist (X-V-Ø) 10 : […] Voici quelques observations de spécialistes de la syntaxe médiévale qui confirment ce fait surprenant: [L]’inversion du sujet est souvent masquée par une habitude qui constitue un des faits les plus curieux de la syntaxe médiévale …: si le sujet est un pronom personnel, il sera très souvent sous-entendu. C’est là un point fondamental de la syntaxe du vieux français: l’inversion du sujet entraîne facilement dans le cas du pronom personnel l’omission du sujet (F OULET 1968 [ 3 1930]: §457; mise en relief par lui). [Le sujet n’est pas exprimé quand] [l]e verbe est précédé d’un membre de phrase accentué, ce qui entraîne le plus souvent l’omission du pronom sujet (F RANZÉN 1939: 24) Lorsque le sujet est un pronom personnel, il est souvent omis (M ÉNARD 1994: §36, en parlant de l’inversion) 11 Cette règle qui concerne la non-expression du sujet pronominal en postposition, est la plus importante, avec la règle du V2 mentionnée auparavant. Comme nous venons de voir, Foulet la considère «un des faits les plus curieux de la syntaxe médiévale». Elle est valable non seulement dans les propositions principales, mais aussi dans les subordonnées (cf. F RANZÉN 1939: 23s.) 12 . Puisque les principales sont souvent introduites par un élément «X» (cf. [4]), on trouve plus de pronoms sujets exprimés devant le verbe dans les subordonnées que dans les principales, les pronoms relatifs et les conjonctions n’entraînant pas l’inversion (cf. F OULET 1968 [ 3 1930]: §459 et B URIDANT 2000: §346). On dit donc Lors dist [Ø], mais quant il dist … Cette «asymétrie» 13 entre principales et subordonnées est la conséquence d’une règle syntaxique, comme l’avaient déjà observé F RANZÉN 1939: 29s. et 130, ainsi que P RICE 1979: §11.5.2: «The use of the unstressed subject pronoun in OFr depends mainly on the structure of the clause». 9 C’est pourquoi quelques chercheurs (parmi lesquels Meillet, Dauzat et Price) pensent à une origine germanique de cette règle (cf. W EHR 2013: 196). 10 Le symbole «Ø» signifie la non-expression d’un sujet pronominal (il est équivalent à «SprØ»). Il semble difficile d’imaginer la non-expression d’un sujet nominal (cf. pourtant M ARCHELLO -N IZIA 1995: 52 qui parle de «Sn-nul» à côté de «Sp-nul»). 11 Cf. aussi D AUZAT 1930: 437, M OIGNET 1965: 92s. et P OSNER 1996: 248. 12 «[Q]uand le verbe de la subordonnée était précédé d’un membre de phrase à accent propre, le pronom sujet était à l’ordinaire omis» (F RANZÉN 1939: 27: cf. à ce propos aussi D UFTER 2008, 2010). 13 Cf. p. ex. D UFTER 2008: 285 et 2010: 443. Barbara Wehr 70 Nous ne pouvons pas revenir ici sur la discussion abordée par H ILTY 1968: 507s. et 1975: 424s. qui a proposé comme explication de l’«omission» 14 du pronom sujet en inversion une forte influence de la syntaxe germanique en renvoyant à la thèse de doctorat de E GGENBERGER 1961 sur le pronom sujet en ancien haut allemand (cf. la discussion dans W EHR 2013: 190s.) 15 . Il est en tout cas intéressant de voir que dans le plus ancien texte conservé en langue française, les Serments de Strasbourg, cette règle est déjà observée. Dans le cas suivant, le sujet pronominal n’est pas exprimé en postposition. Il y a même ici trois «X» initiaux dont un seul suffirait pour causer la postposition: le complément prépositionnel ab Ludher, l’objet direct nul plaid et le latinisme nunquam 16 : [5] et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai [Ø]… 17 «et je ne conclurai jamais aucun traité avec Lothaire» Dans un autre cas qui entre en compte, le pronom sujet est pourtant mis: [6] si salvarai eo cist meon fradre Karlo 18 «je soutiendrai mon frère Charles» La particule si provocant l’inversion du sujet, le sujet pronominal dans [6] devrait être omis «selon la règle» 19 . Mais comme il ressort des descriptions de syntaxe de l’ancien français citées ci-dessus et des observations de Eggenberger à propos de l’ancien haut allemand, il ne s’agit pas d’une règle stricte, mais plutôt d’une forte tendance à ne pas exprimer le pronom sujet en inversion. Dans les cas sans inversion, les Serments de Strasbourg présentent le pronom sujet devant le verbe sans aucune «mise en relief», comme dans [7] si io returnar non l’int pois 20 «si je ne puis l’en détourner» Ces données confirment l’opinion suivante de P RICE 1979: §11.5.4: «It seems probable that the construction SpV was already well-established in the pre-literary period» 21 . 14 Entre guillemets, puisque du point de vue de la syntaxe de l’ancien français, il ne manque rien. 15 À cet égard, il faut mentionner aussi l’étude de K ATTINGER 1971 qui confirme les observations de Eggenberger et de Hilty dans son chap. III en citant des parallèles étonnants entre la syntaxe de l’ancien français, de l’ancien haut allemand et de l’ancien anglais. 16 Les Serments de Strasbourg sont cités d’après B ERSCHIN / F ELIXBERGER / G OEBL 1978: 184s. qui suivent le texte de L AUER 1964. 17 Dans la version parallèle en ancien haut allemand (francique rhénan) des Serments de Strasbourg, le pronom sujet n’est pas mis non plus (il se trouverait également en inversion): indhi mit Ludheren in nohheiniu thing ne gegango [Ø] (cf. B ERSCHIN / F ELIXBERGER / G OEBL 1978: 185). 18 De même dans la version en ancien haut allemand: so haldih thesan minan bruodher (cf. B ER - SCHIN / F ELIXBERGER / G OEBL 1978: 185). 19 Avec une valeur adversative (allem. ‘jedoch, doch’), si entraîne pourtant l’inversion avec l’expression du sujet pronominal (cf. B UCKESFELD 2007: 51s.). 20 Également en ancien haut allemand : ob ih inan es iruuenden ne mag. La syntaxe du sujet pronominal postposé en ancien français 71 3. Différences entre narration et «oral représenté»: descriptions antérieures Pour en revenir à la syntaxe du pronom sujet postposé, Foulet et Price avaient déjà signalé qu’il existe une différence d’emploi «inter-textuel», selon le genre de texte, et «intra-textuel» 22 , selon qu’il s’agit des parties narratives ou des dialogues d’un même texte; c’est-à-dire que le pronom sujet, contrairement à la «règle» ou à la «forte tendance» mentionnée ci-dessus, peut être exprimé après le verbe, ce qui s’observe surtout dans les registres proches de l’oral. F OULET 1968 [ 3 1930]: §478 constate que sur 100 cas d’inversion extraits d’un choix de textes, le nombre des pronoms sujets «exprimés après inversion» 23 est le plus bas dans les Chansons de Colin Muset et le plus élevé dans le Jeu de la Feuillée d’Adam de la Halle. Il compare ces données avec celles des «sujets supprimés sans inversion» sur un total de 100 vers et observe une répartition semblable, le nombre de sujets «supprimés» étant cette fois-ci le plus bas dans le Jeu de la Feuillée. Selon lui, il semble que les ouvrages dramatiques sont ceux qui emploient le plus de pronoms personnels sujets, et comme il est probable qu’ils se rapprochent plus que les autres de la langue de la conversation, il résulte qu’en parlant on employait plus de pronoms personnels qu’en écrivant [§478; mise en relief par Foulet]. Si nous ne tenons pas compte des cas d’«omission» du pronom sujet en dehors de l’inversion, qui ne sont pas précisés par Foulet 24 , il reste que la tendance à la non-expression du pronom sujet en inversion s’observe moins dans les pièces dramatiques que dans d’autres genres de textes. P RICE 1966: 495s. de son côté considère les cent premiers exemples des constructions X-V-Ø et X-V-Spr dans la Queste del saint Graal et la Mort le roi Artu en faisant une distinction entre récit et discours direct. La construction X-V-Ø apparaît le plus souvent dans les parties narratives, tandis que la construction X- V-Spr est plus fréquente dans le discours direct. On s’étonne de voir qu’il n’attribue aucune importance à cette différence 25 . Une meilleure description des faits sera présentée plus tard par P RICE 1979: §11.5.4 qui observe: 21 Selon K UEN 1970 [1957], le pronom sujet en français doit son existence au contact du protofrançais avec l’ancien francique occidental (cf. aussi la discussion dans W EHR 2013). 22 Termes repris de D ONALDSON 2014 (en anglais: «inter-textual variation», «intra-textual variation»). 23 Il est dommage que Foulet ne dise rien à propos des critères sur lesquels reposent ses calculs. C’est pourquoi une vérification du pourcentage donné p.ex. pour La male Honte II (28,07% de X-V- Spr, donc 71,93% de X-V-Ø) s’est avérée impossible (nous avons utilisé l’édition de A. L ÅNGFORS (ed.) 1912: H UON LE R OI , Le vair palefroi avec deux versions de La male honte, Paris). 24 Cf. N23. On peut aussi mettre en doute la fiabilité des pourcentages donnés par Foulet quand il compare «100 cas» de l’expression du pronom sujet en inversion avec «100 vers» pour la non-expression des pronoms sujets sans inversion. Mis à part les critères peu clairs de ses calculs (qui seront cohérents entre eux), les résultats montrent cependant des tendances significatives. 25 «Il ne faut pas accorder une importance exagérée à l’écart entre les chiffres pour la narration et ceux pour le discours direct» dit-il (P RICE 1966: 496). - Dans un autre article paru en 1973, Price s’intéresse au problème de savoir s’il y a une corrélation entre certains adverbes en tant que complé- Barbara Wehr 72 It is noteworthy that in some of these texts [il parle du XIII e siècle] CVSp 26 is relatively more frequent in conversational passages than in narrative passages, which seems to indicate that literary usage was perhaps less advanced than the spoken language in the extent to which it used CVSp. Price parvient donc au même résultat que Foulet: dans les registres proches de l’oral (dialogues dans les pièces de théâtres et dialogues insérés dans des textes en prose), on trouve un taux élevé de structures X-V-Spr, contrairement à ce qu’on devrait attendre. Pour résumer, il semble donc que nous ayons affaire à deux types de constructions dont l’un se trouve surtout dans les parties narratives d’un texte en prose, comme p. ex. dans [8] Lors vint [Ø] à son oncle (MArtu §6, 6; récit), et l’autre de préférence dans les parties dialogiques, comme dans [9] «Or vos demant ge», fet li rois […] (MArtu §3, 10; discours direct) C’est l’hypothèse de travail que nous chercherons à vérifier dans le paragraphe suivant. 4. Analyse empirique 4.1 Description du corpus En ce qui concerne le choix d’un texte pour notre analyse empirique, il va de soi que pour des questions de syntaxe, il faudrait se baser sur des textes en prose. Cela pose cependant un problème puisque selon ce principe on serait contraint d’exclure la plus grande partie de la littérature de l’ancien français dont la prose littéraire originale (non traduite du latin) n’est attestée que dès la première moitié du XIII e siècle. Toutefois on ne peut pas renoncer aux descriptions antérieures qui se basent sur des textes en vers et qui contiennent parfois des statistiques intéressantes. Cela dit, il ne faut jamais oublier que les exigences du mètre, de l’assonance et de la rime ont pu influencer la forme de l’énonciation (cf. aussi N5). À propos de l’expression et la non-expression du pronom sujet en inversion, le problème qui nous intéresse ici, F RANZÉN 1939: 29 dit explicitement ment initial «X» et la non-expression/ l’expression du sujet pronominal en postposition (cf. aussi les contributions de O FFORD 1971 et I NGHAM 2005 à propos de la même question). Bien que Price différencie ici entre récit et discours direct en ce qui concerne la Queste del saint Graal et la Mort le roi Artu, ses résultats sont trop minutieux pour être utiles. 26 «C» signifie «complément». La syntaxe du sujet pronominal postposé en ancien français 73 que «la langue poétique ne donne sur l’emploi des pronoms sujets que des indications très incomplètes» 27 . Nous avons choisi deux textes en prose du XIII e siècle: les parties en prose de la chantefable Aucassin et Nicolette 28 et les premières cent pages de la Mort le roi Artu (ca. 1230; ms. du XIII e siècle) en faisant une distinction entre récit et discours direct. Nous commencerons par présenter d’abord les critères que nous avons observés pour nos calculs. 4.2 Méthodologie de l’analyse Les descriptions de l’ordre des mots et de l’expression du sujet en ancien français négligent souvent quelques distinctions importantes, de manière que les chiffres éventuellement présents dans les travaux antérieurs ne peuvent pas être mis en relation avec nos propres statistiques. Il faudrait distinguer entre (1) proposition principale et proposition subordonnée, (2) sujet nominal et sujet pronominal, (3) antéposition et postposition du sujet pronominal 29 . Il n’est pas toujours évident non plus de savoir comment les pourcentages ont été calculés (quelles constructions constituent «100%»? ). En dehors de la distinction entre récit et dialogues, de prime importance pour le problème qui nous intéresse ici, il faut tenir compte aussi de la taille relative des parties narratives et des parties dialogiques. Ce n’est que quand la proportion entre ces deux types discursifs est à peu près 1 : 1 qu’on peut directement observer la fréquence relative des deux constructions. Si les passages du récit et des dialogues sont d’une taille différente, il est nécessaire d’effectuer des calculs pour ajuster les deux. Exposons d’abord les critères selon lequels nous avons procédé pour relever les exemples 30 . 27 C’est pourquoi les chiffres présentés chez K ATTINGER 1971: 123 à propos de l’expression/ la non-expression du pronom sujet postposé dans le récit et dans le discours direct de Erec et Enide doivent être considérés avec réserve. Bien qu’il néglige les proportions relatives des parties narratives et dialogiques, il se dégage des tendances claires de son étude: le taux de la structure X-V-Spr est bas dans le récit (10 occurrences), mais plus de six fois plus élevé dans le discours direct (63 occurrences). 28 Composition de la première moitié du XIII e siècle; datation du ms. unique: fin du XIII e siècle (cf. DEAFBiblEl s. AucR 3 ). 29 Les points (1)-(3) ont été observés par F RANZÉN 1939. 30 Il est regrettable que dans les études antérieures nous manquions le plus souvent de renseignements sur la méthode utilisée pour compter les exemples. P RICE 1966: 485s. et B UCKESFELD 2007: 7s. constituent une exception. F RANZÉN 1939: 14s. est assez explicite en ce qui concerne sa méthode, mais il ne dit rien, semble-t-il, à propos de si (cf. aussi N43). Barbara Wehr 74 I. La description de l’expression du sujet pronominal en postposition est très simple: toutes les occurrences ont été relevées. 1. Nous avons compté toutes les occurrences de X-V-Spr dans les propositions principales déclaratives. Les propositions subordonnées ont été exclues ainsi que les impératifs, les exclamatifs, les phrases exprimant un souhait et les interrogatives. 2. Nous n’avons pas considéré les incises du type dist il, fait/ fet il, dans lesquels le pronom sujet est régulièrement exprimé (cf. F RANZÉN 1939: 71 et P RICE 1966: 486). 3. Les expressions impersonnelles n’ont pas été comptées non plus. 4. N’ont pas été considérés comme pronoms sujets l’en/ on, nul, tuit (tuit li autre), chascuns, ambedui, cil (cil de l’ostel). II. Les cas de non-expression du sujet en postposition X-V-Ø sont plus difficiles à relever. Les chiffres ne sont donc qu’approximatifs. 1. Un premier problème est de savoir quels sont les exemples à considérer comme «Ø» et quels sont ceux à ne pas considérer. En général, les phrases principales sont des phrases complexes composées d’unités syntaxiques plus petites qui sont reliées entre elles par des conjonctions de coordination 31 comme et, ne (n e c), ou, mais et car d’une part, qui n’ont pas d’influence sur la structure des propositions qu’elles introduisent (cf. F RANZÉN 1939: 49), et si, ainz, ainçois d’autre part, qui causent l’inversion. La première série est sans intérêt pour notre description puisque il s’agit de la construction et Ø-V etc. où le pronom sujet n’est pas exprimé s’il est identique au sujet et topique mentionné auparavant 32 . Mais après les conjonctions de la seconde série, nous nous trouvons en présence de la construction si V-Ø etc. La particule si dans la plupart des cas indique la continuité du sujet et topique 33 et entraîne dans cette fonction en général la non-expression du pronom sujet en postposition 34 , cf. par exemple [10] Nicolete jut une nuit en son lit, || si vit [Ø] la lune luire cler par une fenestre || et si oï [Ø] le lorseilnol center en garding (Auc. XII, 5s.) 35 Nous avons exclu le nombre quasi infini d’«omissions» après si (aussi après un point-virgule et un point) pour ne pas alourdir inutilement nos statistiques. 31 Les subordonnées seront exclues de notre analyse. 32 On s’étonne de voir que P RICE 1966: 487 note «et V-Ø» dans sa méthodologie. Pour les rares cas d’inversion après et en ancien français, cf. F RANZÉN 1939: 61. La construction devient fréquente en moyen français, cf. B ERGH 1952. 33 Sur les fonctions pragmatiques de si cf. F LEISCHMAN 1990-91 et V AN R EENEN / S CHØSLER 2000. 34 À propos de si avec une valeur adversative, cf. N19. 35 Ici et dans les exemples suivants nous introduisons des barres verticales selon le modèle de G LIKMAN / M AZZIOTTA 2013: 45. Chaque verbe conjugué constitue le centre d’une unité syntaxique. La syntaxe du sujet pronominal postposé en ancien français 75 2. Les conjonctions adversatives ainz et ainçois et les adverbes puis et lors 36 soulèvent des difficultés particulières. Si ces formes se présentent à l’intérieur d’une phrase complexe après une virgule ou sans signe de ponctuation précédent et entraînent l’«omission» du sujet pronominal, c’est en général le même sujet et topique qui est maintenu, comme par exemple dans [11] Et Lancelos, || si tost comme il sot que li rois estoit meüz, et ceus qui a Wincestre devoient aler, || il se leva de son lit, || puis s’apareilla [Ø] || et puis vint [Ø] a la reïne || e li dist: (MArtu §8, 4s.) De tels cas n’ont pas été retenus dans nos relevés. Nous considérons en revanche qu’un point et aussi un point-virgule servent à marquer la séparation des phrases 37 . C’est pourquoi un exemple comme le suivant devrait être pris en compte: [12] et quant li empereres l’oï, || si se fist maintenant armer, || et fist maintenant armer ses homes; || et puis lor dist [Ø] || qu’il pensassent… (Henri de Valenciennes, éd. L ONGNON 1948: §516, cité chez P RICE 1966: 485) 38 3. Les autres adverbes qui entraînent la postposition comme onques, toutevoies, tant etc. ne posent pas de tels problèmes: dans ce cas, la non-expression du sujet pronominal a été retenue, même après une virgule ou en l’absence d’un signe de ponctuation précédent, comme p. ex. dans l’exemple suivant: [13] [Le roi Arthur: ] si leur dit || et les conjure par la foi || que il li doivent que il dient ce dont il les requiert, || et tout premierement le demande [Ø] a Agravain (MArtu §86, 5s.) 4. Un autre problème se présente dans les propositions principales postposées après une proposition subordonnée; ici, les deux ordres de mots S-V et V-S sont possibles selon les descriptions détaillées de F RANZÉN 1939: 146s. et G RAD 1956 39 . Selon F RANZÉN 1939: 146, une subordonnée intercalée après un élément «X» initial qui cause l’inversion du pronom sujet n’influence pas la structure de la principale suivante; il remarque: «La subordonnée … coupe la principale en deux sans en modifier la structure» et donne l’exemple suivant: [14] L’endemain, || quant li jorz fu clers, || se leva Perceval || et oï messe (Queste) 36 Le statut spécial que nous attribuons à puis et lors est dû au fait qu’ils servent à signaler la continuité de l’action et que leur fonction est proche de celle d’une particule discursive à valeur pragmatique. 37 Selon une proposition de B UCKESFELD 2007: 7. Nous suivons donc la ponctuation des éditeurs. 38 P RICE loc.cit. exclut de tels exemples de ses relevés. 39 Selon ces auteurs, les «conjonctions simples» (comme p.ex. quant) introduisant la subordonnée antéposée n’ont pas d’influence sur la structure de la principale, mais les «locutions conjonctives» (comme p.ex. puis que) entraînent l’inversion du sujet. Barbara Wehr 76 Pourtant, dans nos matériaux nous avons trouvé les deux ordres de mots dans la principale après une subordonnée intercalée, Spr-V: [15] mes sanz faille, || quant ge me partirai de ci, || ge irai en l’ille d’Avalon (MArtu §50, 76) et V-Spr: [16] [Lancelot: ] et por l’amor de la reïne, || quant il fu nouviaus chevaliers, || fist il toutes les proesces qu’il fesoit (MArtu §52, 37) C’est pourquoi nous n’avons pas retenu des cas comme [17] [Gauvain: ] et au matin, || si tost com il fu ajorné, || se leva || et ausi firent tuit li autre (MArtu §30, 3) parce qu’il est impossible de savoir si le verbe au début de la principale est à interpréter comme (X-)V-Ø ou comme (X-)Ø-V. Ce serait bien sûr aussi le cas si la construction commençait par une subordonnée (exemple construit): [18] *quant il fu nouviaus chevaliers, fist toutes les proesces qu’il fesoit (cf. [16]) Quand au début de la proposition principale après une subordonnée antéposée se trouve un élément «X» qui entraîne l’inversion, l’exemple a été bien sûr compris dans nos relevés (à l’exception de si 40 ), comme p.ex. dans [19] Et puis que j’arai la teste caupee, || ja mais ne parlerai [Ø] a Nicolete me douce amie (Auc. X, 20s.) Pour résumer: nous avons retenu toutes les occurrences de X-V-Spr dans le récit et dans les dialogues. La somme de toutes les occurrences de X-V-Spr constitue 100% 41 . Nous avons aussi compté les occurrences de non-expression du sujet pronominal en inversion X-V-Ø, bien que ces chiffres soient sans doute moins exacts que les chiffres donnés pour X-V-Spr. Toutes les occurrences de X-V-Ø dans le récit et dans les dialogues constituent aussi 100%. Puisque dans nos deux corpus les parties narratives et les parties dialogiques ont par un effet du hasard à peu près la même taille (cf. ci-dessous), les pourcentages des deux constructions présentés sont équivalents à leur fréquence relative. Même si quelques cas douteux ont été exclus et quelques autres cas ont pu nous échapper, les résultats montrent des tendances nettes. 40 Si li dist dans le type de construction Et quant il vint a son seignor, si li dist [Ø]: (MArtu §16, 39) n’entre donc pas dans nos statistiques. 41 Comme la taille du récit et des discours directs est à peu près la même dans nos deux textes, notre démarche est légitime. Il serait aussi possible de considérer la somme de toutes les occurrences de X-V-Spr et de X-V-Ø dans le récit d’une part et la somme de toutes les occurrences de X-V-Spr et de X-V-Ø dans le discours direct d’autre part (nous remercions Susanne Kleinknecht-Schmahl, Mannheim, pour ce renseignement). La syntaxe du sujet pronominal postposé en ancien français 77 4.3 Aucassin et Nicolette Dans les parties en prose de Auc., les parties narratives comprennent 369 lignes et les dialogues 363 lignes. La proportion entre les deux types discursifs est donc très proche de 1: 1. L’expression Or dient dans les indications au dessus des parties en prose, comme p.ex. dans Or dient et content et fablent (Auc. II), n’a pas été retenue puisque dient n’a pas de référent spécifique (la troisième pers. pl. est équivalente à on). Exemple pour X-V-Spr dans le récit: [20] Et se ele fu en paine de l’entrer, encor fu ele en forceur de l’iscir (XVI, 23s.; le seul exemple, sauf erreur de notre part, dans le récit) Exemples pour X-V-Spr dans le discours direct 42 : [21] de ce n’as tu que faire (II, 34s.) [22] Mais en infer voil jou aler (VI, 35) [23] Par foi, fait il, les deniers prenderons nos (XVIII, 37) Exemple pour X-V-Ø dans le récit: [24] [Aucassin: ] Biax estoit [Ø] et gens et grans (II, 10) Exemple pour X-V-Ø dans le discours direct: [25] Une lasse mere avoie [Ø], … (XXIV, 59) Les parties en prose de Aucassin et Nicolette montrent les résultats suivants en fréquence absolue: récit discours direct X-V-Spr 1 ex. 29 ex. X-V-Ø 15 ex. 12 ex. 43 En fréquence relative 44 : X-V-Spr 3% 97% X-V-Ø 56% 44% Même si notre corpus est petit, il montre un résultat sans ambiguïté: malgré la «forte tendance» à ne pas mettre le pronom sujet en postposition, celui-ci s’observe dans 97% des cas dans le discours direct. Si nous regardons de plus près les 42 Nous en donnons trois exemples puisque c’est la construction qui nous intéresse le plus. 43 Si F RANZÉN 1939: 25 et 130 donne le chiffre étonnant de 229 cas pour la construction X-V-Ø dans les parties en prose de Auc. (sans distinction entre récit et discours direct), c’est qu’il doit avoir compté tous les cas d’«omission» après si. Pour la construction X-V-Spr dans les parties en prose de Auc., il donne le chiffre de 35 occurrences (p. 130). 44 Les résultats sont arrondis. Barbara Wehr 78 personnes grammaticales exprimées, nous trouvons un taux élévé de la première pers. sg., le «je» de celui qui parle (dans 17 de 29 exemples). Mais il serait exagéré d’attribuer dans ces cas une valeur «emphatique» au pronom sujet en postposition: il s’agira plutôt d’une pratique répandue à l’oral où la première personne grammaticale est simplement plus fréquente que les autres personnes 45 . Les dialogues fictifs en portent la trace. 4.4 La mort le roi Artu (p. 1-100) Dans les cent premières pages de la Mort Artu, les parties narratives comprennent 1840 lignes et les dialogues 1964 lignes, avec une différence de 124 lignes qui peut être négligée. La proportion entre les deux parties est donc proche de 1: 1. Quand le discours direct ou le récit commence au milieu d’une ligne, ce qui est souvent le cas, la ligne incomplète a été considérée comme une ligne entière 46 . Exemple pour X-V-Spr dans le récit: [26] en cele chambre avoit il portrete l’amor de lui et de la reïne Guenievre (§50, 24s.) Exemples pour X-V-Spr dans le discours direct: [27] Or vos demant ge, fet li rois, quanz chevaliers vos cuidiez avoir ocis (§3, 10s.) [28] et por ce n’i volt il pas venir avec nos (§11, 12) [29] et tout ce poez vos bien encore connoistre (§30, 73) Exemple pour X-V-Ø dans le récit: [30] Au matin s’apareilla [Ø] por aler au tornoiement (§7, 4) Exemple pour X-V-Ø dans le discours direct: [31] et a celui jor serai [Ø] ceanz (§68, 33) 45 Cf. aussi les chiffres que donnent G UILLOT et al. 2013: 30 pour la fréquence de la première pers. sg. dans un large corpus électronique de textes médiévaux de la BFM (Base de Français M diéval): sur une fréquence totale de 6015 occurrences, 5513 apparaissent dans le discours direct. 46 Pour en donner un exemple: 7 [Lancelot: ] … et puis vint a la reïne et 8 li dist: «Dame, se vos le vouliez soufrir, ge iroie 9 a cel tornoiement.»… (MArtu §8, 7s.) La ligne 8 a été comptée deux fois, une fois pour le récit dont elle contient la fin et une deuxième fois pour le dialogue qui y commence. é La syntaxe du sujet pronominal postposé en ancien français 79 Les résultats en fréquence absolue sont les suivants 47 : récit discours direct X-V-Spr 20 ex. 128 ex. X-V-Ø 52 ex. 30 ex. En fréquence relative: X-V-Spr 14% 86% X-V-Ø 63% 37% Dans ce corpus plus important, le résultat est aussi étonnant qu’auparavant: le taux d’expression du pronom sujet en postposition dans les dialogues s’élève à 86%. Ici aussi, la fréquence de la première pers. sg. est tout à fait remarquable avec 72 exemples sur un total de 128. Comme précédemment, nous interprétons ce chiffre comme signe d’une habitude à exprimer le sujet pronominal en postposition dans l’oralité authentique. 5. Quelques remarques à propos de l’évolution de X-V-Ø, X-V-Spr et X-Spr-V Jetons maintenant un regard sur l’évolution des deux constructions discutées ici, à savoir X-V-Ø et X-V-Spr, et aussi sur le changement de X-V-Spr en X-Spr-V qui en prendra la relève. En ce qui concerne X-V-Spr, la postposition du pronom sujet après un élément initial «X», H ILTY 1968: 508 N43 remarque qu’elle était encore très rare dans la deuxième moitié du XII e siècle selon l’analyse de son élève W. Indermühle qui a relevé dans les propositions principales du Roman de Troie (vers 1165) 863 cas de la construction X-V-Ø, mais seulement 17 cas de X- V-Spr. Pour Erec et Enide (vers 1170), K ATTINGER 1971: 123 trouvait pourtant déjà 73 cas de X-V-Spr, dont 63 cas dans le discours direct (cf. N27). Nos propres dépouillements ont confirmé l’observation de F RANZÉN 1939: 132 selon lequel la construction X-V-Spr devient plus fréquente au XIII e siècle, mais nous avons vu aussi qu’elle fait son apparition d’abord dans l’oralité fictive. Elle s’introduit ensuite de plus en plus dans le récit. Dans les relevés statistiques de M OIGNET 1965: 93 qui sont basés sur des extraits de textes littéraires entre le X e siècle et le milieu du XIII e siècle, on constate vers la fin de l’échelle chronologique une fréquence décroissante de la construction X-V-Ø et une fréquence croissante de X- 47 B UCKESFELD 2007 qui a analysé le texte entier de La mort le roi Artu donne à la p. 42 les chiffres suivants: récit discours direct X-V-Spr 69 cas 318 cas X-V-Ø 814 cas 296 cas Comme elle ne tient pas compte des différentes proportions des parties narratives et dialogiques, ces chiffres ne montrent pas la fréquence relative des constructions, mais ils sont quand même intéressants. Barbara Wehr 80 V-Spr 48 dans les propositions principales 49 . Tandis que la construction X-V-Ø se raréfie en moyen français (cf. M ARCHELLO -N IZIA 1995: 104), X-V-Spr se change peu à peu en X-Spr-V, avec l’antéposition du pronom sujet 50 . C’est un changement important qui montre que la règle du «V2» n’est plus en vigueur. Cette nouvelle construction est déjà attestée en ancien français, mais elle y était extrêmement rare (cf. F OULET 1968 [ 3 1930]: §53 et les chiffres que donne F RANZÉN 1939: 32: Alexis: 2 exemples, Roland 6, Cligès 3, Quatre livres des rois [II]: 3). B UCKESFELD 2007: 42 n’en a trouvé que 19 exemples dans le texte entier de la Mort le roi Artu. Ces données sont confirmées par M OIGNET 1965: 93 selon lequel l’ordre X-Spr-V est exceptionnel dans son corpus du X e siècle jusqu’au milieu du XIII e siècle. D’après R UELLE 1966: 316 et M ARCHELLO -N IZIA 1995: 105, la nouvelle construction commence à se répandre au XIV e siècle, c’est-àdire en moyen français, d’abord chez Froissart 51 . Un exemple caractéristique est cité par R UELLE 1966: 311: [32] … et le party en trois partie, l’une part il usa, le second il donna au duc, et le tierch il donna au roy de Navarre (Froissart, Chroniques) On se demande pour quelle raison ce nouvel ordre des mots a pu s’introduire en moyen français. Dans W EHR 2013: 199s., nous avons proposé comme explication un processus de «dégermanisation» qui, en dehors du lexique, a touché plusieurs domaines de la grammaire de l’ancien français, le plus important étant la perte de «V2». 6. Conclusion Comme le pronom sujet en postposition, dans nos deux corpus de la première moitié du XIII e siècle, se présente surtout dans le discours direct, c’est-à-dire dans un «oral fictif», on peut en conclure que cette construction était plus fréquente dans la langue parlée que les descriptions de la syntaxe de l’ancien français ne le laissent supposer. Mais selon nous on ne peut pas parler simplement d’un changement de langue «d’en bas». On devrait plutôt considérer ce changement comme le résultat de la perte d’une règle qui avait son origine dans la syntaxe de l’ancien francique occidental (cf. §2). Cette règle devait encore être en vigueur dans les plus anciens textes transmis de l’ancien français (cf. la syntaxe 48 Symbolisé chez lui par «R-V» (régime-verbe) et «R-V-PrS» (régime-verbe-pronom sujet). 49 Comme Moignet ne fait pas de distinction entre récit et discours direct, on ne peut pas savoir si les extraits des textes de la première moitié du XIII e siècle dans lesquels apparaît plus fréquemment X-V-Spr selon son tableau représentent, du moins en partie, le discours direct. 50 La construction X-V-Ø s’est conservée en français moderne dans la formule figée peu importe. Après certains adverbes en position initiale comme p.ex. ainsi, toujours, peut-être, à peine, X-V-Spr est toujours de règle (ainsi soit-il, toujours est-il etc.). Cf. aussi B URIDANT 2000: §346. 51 Ruelle et Marchello-Nizia se réfèrent non pas à la construction X-Spr-V en géneral, mais au sous-type O-Spr-V. La syntaxe du sujet pronominal postposé en ancien français 81 des Sermons de Strasbourg) 52 et était conservée pendant quelques siècles dans la langue littéraire d’une élite, tandis qu’elle n’était plus suivie dans la langue parlée. La langue littéraire a toujours un caractère conservateur 53 . La variation entre les deux constructions X-V-Ø et X-V-Spr que nous avons observée dans nos deux textes serait donc une variation entre langue écrite et langue parlée qui se reflète dans la répartition des deux constructions entre récit et et dialogues. Dans leur contribution, G UILLOT et al. 2013: 28 proposent l’hypothèse suivante: «Peut-être … l’expression du sujet est-elle moins fréquente dans le non DD [le récit]» 54 . Si les auteurs se réfèrent à des sujets pronominaux, la réponse est positive: jusqu’à la fin de l’époque de l’ancien français, il se trouve en effet beaucoup plus de pronoms sujet en postposition dans le discours direct que dans le récit, comme nous l’avons vu. Mais aussi en ce qui concerne l’ordre des mots Spr-V en l’absence d’un «X» initial, nous avons pu constater qu’il était plus fréquent dans le discours direct que dans le récit (cf. W EHR 2013: 194). Pour finir, nous soulignerons l’importance que peuvent avoir les analyses de dialogues dans les textes médiévaux pour une reconstruction de la langue parlée, même si cela n’est possible que pour des «bribes» du parlé d’autrefois 55 . Bibliographie Textes Auc. = Aucassin et Nicolette. Édition critique par J. D UFOURNET , Paris 1973 MArtu = La mort le roi Artu. Roman du XIII e siècle, ed. J. F RAPPIER , Genève/ Paris 1964 Études B ERGH , L. 1952: «Quelques réflexions sur l’inversion après la conjonction ‹et› en ancien et en moyen français», in: Mélanges de philologie romane offerts à M. Karl Micha ё lsson, Göteborg: 43-55 B ERSCHIN , H./ J. F ELIXBERGER / H. G OEBL 1978: Französische Sprachgeschichte. Lateinische Basis. Interne und externe Geschichte. Sprachliche Gliederung Frankreichs. Mit einer Einführung in die historische Sprachwissenschaft, München 52 Il faut supposer bien sûr qu’à l’origine la construction X-V-Ø faisait partie de la langue parlée en ancien français et en ancien haut allemand, contrairement à E GGENBERGER 1961: 143 qui croit qu’en ancien haut allemand elle était limitée à la langue écrite. D’ailleurs, cette règle existe toujours dans les dialectes actuels du sud de l’Allemagne, au moins à la deuxième pers. sg.: en bavarois, on dit Du spinnst, mais Jetzt spinnst [Ø] aber (un merci à Klaus Grübl, Munich, pour ce renseignement). Cf. aussi W EHR 2013: 195 N68. 53 Dans l’article cité (W EHR 2013), nous avons parlé du caractère «artificiel» de la langue littéraire de l’ancien français. 54 C’est-à-dire moins fréquente que dans le «DD» [discours direct]. 55 Nous remercions Claude Buridant pour ses remarques pertinentes et Frédéric Nicolosi (Mayence) pour la révision linguistique du présent article. Barbara Wehr 82 B UCKESFELD , K. 2007: Zur Setzung des Subjektpronomens im Alt- und Mittelfranzösischen, Mémoire de maîtrise, Mainz B URIDANT , C. 2000: Grammaire nouvelle de l’ancien français, Paris D AUZAT , A. 1930: Histoire de la langue française, Paris DEAFBiblEl = Dictionnaire étymologique de l’ancien français. Complément bibliographique rédigé par Frankwalt M ÖHREN . Version chantier électronique élaborée actuellement avec l’assistance de Kerstin K ERBER , Tübingen (http: / / www.deaf-page.de/ fr/ bibl_neu.php) D ONALDSON , B. 2014: «Socio-stylistic reflexes of syntactic change in Old French», Journal of French Language Studies 24/ 3: 319-345 D UFTER , A. 2008: «Subjektausdruck und Subordination bei Villehardouin», in E. S TARK / R. S CHMIDT -R IESE / E. S TOLL (ed.), Romanische Syntax im Wandel, Tübingen: 285-303 D UFTER , A. 2010: «Subordination et expression du sujet en ancien français», in: M. I LIESCU / H. S ILLER -R UNGGALDIER / P. 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S CHØSLER (ed.), Textual parameters in older languages, Amsterdam/ Philadelphia: 59-105 R OGER , G. 2013: «Direct speech in the Cent Nouvelles Nouvelles: a linguistic analysis», Le Moyen Français 72: 143-167 R OMAINE , S. 1982: Socio-historical linguistics: its status and methodology, Cambridge R UELLE , P. 1966: «L’ordre complément direct - sujet - verbe dans la proposition énonciative indépendante», in: Mélanges de grammaire française offerts à M. Maurice Grevisse pour le trentième anniversaire du Bon Usage, Gembloux: 307-322 S NEYDERS DE V OGEL , K. 1919: Syntaxe historique du français, Groningue/ La Haye W EHR , B. 2012: «Présentation», in: B. W EHR / F. N ICOLOSI (ed.), Pragmatique historique et syntaxe/ Historische Pragmatik und Syntax. Actes de la section du même nom du XXXI e Romanistentag allemand/ Akten der gleichnamigen Sektion des XXXI. Deutschen Romanistentags (Bonn, 27.9.-1.10.2009), Frankfurt am Main etc.: IX-XXVI W EHR , B. 2013: «Germanisierung und Degermanisierung des Altfranzösischen», in: B. H IL - LEN / S. J ANSEN / A. K LUMP (ed.), Variatio verborum: Strukturen, Innovationen und Entwicklungen im Wortschatz romanischer Sprachen. Festschrift für Bruno Staib zum 65. Geburtstag, Stuttgart: 177-216 Quelle place accorder à l’opposition Récit / «Oral représenté» dans la description de l’évolution du français? Christiane Marchello-Nizia, ENS de Lyon, UMR ICAR 1. Écrire une nouvelle histoire du français: la Grande Grammaire Historique du Français (GGHF). Où rechercher la source des changements? 1.1. La GGHF Nous avons, depuis quelques années, entrepris de réaliser une grammaire historique du français de grande ampleur - la Grande grammaire historique du français (GGHF) -, une étude de l’évolution linguistique du français qui fasse référence. Elle comprendra dix grandes parties: à la Morphologie (partie 5) et à la Syntaxe (partie 6) incontournables, nous avons joint une partie dédiée à la Phonétique et phonologie (partie 3) et une à Codes de l’écrit, graphies et ponctuation (partie 4), une partie dédiée à la Sémantique grammaticale (partie 7) et une dédiée à l’Énonciation, à la Textualité et à la Pragmatique (partie 8); la Lexicologie sera traitée en parallèle avec la Sémantique lexicale (partie 9). Encadrant tout cela, nous placerons une première partie qui fera le point sur le Cadre théorique et la démarche adoptés (partie 1), suivie d’une partie dédiée à l’Histoire externe, dans la mesure où elle concerne l’usage et l’évolution du français - des français (partie 2). Une ultime partie proposera une synthèse, récapitulant les grands traits de l’évolution de douze siècles de langue française. La GGHF a dès l’origine quatre responsables: B. Combettes, T. Scheer, S. Prévost, C. Marchello-Nizia, et au fil du temps cinq collaborateurs les ont rejoints - quatre seulement, depuis la disparition brutale de Peter Koch, qui nous a privés d’un collaborateur extrêmement important, innovant, imaginatif. Il s’agit de G. Siouffi, G. Parussa, Y. Cazal et W. De Mulder. Ces huit rédacteurs principaux sont chacun responsables d’une des grandes parties énumérées ci-dessus. Une quarantaine de contributeurs, chargés de la rédaction de chapitres ou souschapitres ponctuels, complètent notre groupe de rédacteurs. La GGHF est fondée sur l’analyse d’un corpus numérisé de plusieurs millions de mots (un Corpus-noyau, et un Corpus-élargi), équilibré diachroniquement et génériquement, qui pourra servir à la constitution d’un corpus de référence pour l’histoire du français. Si l’analyse du Corpus-noyau est recommandée chaque fois que possible, il va de soi que le recours à d’autres sources est incontournable. Christiane Marchello-Nizia 86 1.2. Les facteurs de changement L’historien de la langue doit se poser d’entrée une question capitale: où les changements qui se produisent dans les langues trouvent-ils leur origine? D’où partent-ils? Un consensus s’est fait depuis longtemps, sur la reconnaissance du rôle important de la communication orale dans les processus de changement. Nombreux en effet sont les linguistes qui ont affirmé (et parfois exemplifié) l’importance capitale des situations d’interactions discursives, de Saussure à R. K ELLER 1994. Or il n’existait pas de possibilité d’enregistrer l’oral avant les dernières années du XIX e siècle. Doit-on se résigner à l’existence d’une face cachée de la langue, à jamais perdue, celle des énoncés oraux prononcés avant 1900? Doit-on dès lors renoncer à découvrir une première attestation? Nous ne le pensons pas. On serait alors dans une situation paradoxale et peu attractive, de scientifiques, les diachroniciens, recherchant les plus anciennes attestations de telle ou telle innovation, en sachant que ce ne seront jamais les premiers emplois (oraux donc) de ces nouveaux termes ou constructions qu’ils rencontreront. Nous pensons qu’il existe des moyens, construits, qui nous permettent de surmonter l’absence, ou la quasi absence, d’attestations directes d’énoncés oraux. Face à cette situation s’est en effet développée, depuis qu’existe la linguistique historique, soit depuis près de deux siècles, une réflexion sur l’existence et la valeur d’écrits «reflétant la langue orale», tels que des documents privés (lettres entre particuliers, journaux intimes, littérature ou écrits de non-lettrés ou de «peu-lettrés), ou des textes écrits destinés à être performés oralement (pièces de théâtre, chansons), ou encore des mises en écrit d’énoncés prononcés oralement (Journal d’Héroard par exemple) 1 . Mais ces écrits ne permettent pas de bénéficier d’une comparaison immédiate avec la grammaire de l’écrit contemporain; en outre, ils posent diverses questions. Pour le théâtre, estime-t-on ou non que ces textes reflètent l’oral? Ou encore, si l’usage des personnes de l’interlocution est un critère des écrits recherchés, doit-on retenir par exemple les prologues ou épilogues de textes historiques ou romanesques dans lesquels l’auteur parle (ou écrit) en je et s’adresse à son lecteur, vous? Autre question encore: dans quelle mesure les pièces de théâtre, les chansons, etc., reflètent-elles l’oral, dès lors qu’elles sont des «fictions», qu’il ne s’agit pas d’un oral réellement performé antérieurement? 1.3. Le «discours direct en oral représenté» («DD en OR»), une modalité énonciative propre à l’écrit Dans le cadre de ce questionnement, on a récemment proposé, et tenté, une autre voie. Il s’agit de donner un statut particulier à un type bien précis d’énon- 1 Voir notamment G. E RNST 1985, W. A YRES -B ENNETT 2000, 2004. L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 87 cés en discours direct, ceux qui se trouvent dans un texte écrit, où ils sont insérés dans du récit, récit et DD ayant donc le même auteur; dans ces romans, chroniques, histoires, chansons de geste, hagiographies, c’est l’auteur lui-même en effet qui désigne certains endroits de son texte qu’il présente comme un discours tenu oralement par l’un des personnages singuliers de son texte: l’auteur luimême les délimite, les annonce, les commente parfois. Ce qui fait l’intérêt pour le linguiste, et spécialement le linguiste diachronicien, de ces textes qui sont composites au plan énonciatif, c’est que dans ce cas de figure l’auteur lui-même, dans le même écrit, avec sa/ ses grammaire(s) propre(s), distingue deux instances d’écriture différentes: celle du récit d’une part, dont il est l’énonciateur implicite - et parfois explicité -, et celle où il délègue, ou plutôt où il construit une délégation de la parole à un locuteur (fictionnellement) autre que lui, et dont il écrit qu’il parle. Pour effectuer cette différenciation, l’auteur utilise aussi bien le lexique (verbes de locution tels que dire, respondre, plus tard faire), que des marqueurs grammaticaux dédiés à cette fonction (incise, apostrophe); dès les origines du français existent, comme dans toutes les langues, des morphèmes et des constructions destinés à marquer la frontière entre les deux types d’écrit. Ce sont de tels énoncés en DD écrit que l’on a proposé de dénommer «DD en Oral représenté». Mais pourquoi introduire une nouvelle dénomination, dès lors que «DD» existe déjà? Tout d’abord, il est souhaitable de disposer d’un terme spécifique lorsqu’on introduit une nouvelle notion. Or nous venons, dans le large éventail des réalisations très diverses couvertes par «DD», de découper un sous-ensemble défini par ses caractéristiques linguistiques et textuelles, et par le marquage lexicogrammatical de ses frontières; pour ce nouvel objet, défini linguistiquement, il est donc bon de disposer d’un terme proprement linguistique. La notion de DD, comme ses inséparables compagnons le DI et le DIL, est d’origine littéraire (Flaubert, Proust) et stylistique (Ch. Bally) 2 . Les termes style, discours, introduits depuis près d’un siècle et demi, et progressivement précisés, appartiennent au champ littéraire et stylistique (M ARCHELLO -N IZIA 2012, 2014): la trilogie constituant l’entité «discours rapporté» (discours direct / indirect / indirect libre) est devenue canonique. Cependant les linguistes savent qu’il y a une différence de nature fondamentale entre un DD et un DI (ou un DIL), le second (et le troisième) appartenant au récit, qu’il n’interrompt pas. En outre la notion de DD a un empan très vaste: on désigne par DD du discours se rattachant à de l’oral, fictionnel ou réel, et réalisé aussi bien à l’oral ou à l’écrit. Or dans cette immense masse de données en DD, hétérogènes et donc inutiles pour le linguiste, on a proposé de distinguer une sous-catégorie bien délimitée, qui permet au linguiste de réaliser l’analyse contrastive, à l’écrit, chez un même 2 Sur l’histoire de ces termes voir L. R OSIER 1999. Christiane Marchello-Nizia 88 auteur, dans un même texte, de la grammaire des deux instances énonciatives que sont le récit et le discours donné comme oral, «en oral représenté». Pour signifier ce décrochage énonciatif à l’écrit, l’auteur utilise une panoplie de «balises», comme cela a été maintes fois décrit: des mots et expressions quasi figées, qui jalonnent ces énoncés oraux / écrits: une annonce (Dist Rollant, Il dist, Lors dist li rois, Alors il lui dit, Pierre prend la parole et dit), une incise (en particulier s’il n’y a pas eu d’annonce, il y a une incise juste après l’apostrophe: , dist il, dist li rois, fet ele…), et souvent un rappel, c’est-à-dire une proposition ou une phrase qui marque que la prise de parole est terminée et qu’on revient au récit, et en général il y a là une anaphore résomptive de la partie «présentée comme de l’oral inséré» (À ces mots, Quand il eut dit cela,), et un retour aux personnages du récit. Ce sont là les «balises» du DD à l’écrit, inséré dans un récit. C’est cet ensemble, formé par un DD à l’écrit (ou une succession de «tours de parole» en DD) et ses balises, qu’on peut dénommer «épisode d’oral représenté (OR)». Cet objet est différent des deux autres principales formes de discours rapporté, le DI et le DIL, qui, eux, procèdent à l’inverse d’un processus d’adaptation au récitcadre: on n’a pas recours à ce que Benveniste nommait l’appareil formel de l’énonciation, on transforme un discours en récit. L’épisode d’OR, introduit et formaté spécifiquement, est donc bien une forme de l’écrit qui se distingue du récit où il s’insère. On ne s’intéresse pas à l’exactitude du propos rapporté, ou à sa véridicité, à la manière dont le propos est rapporté, ou encore au fait que le propos ait été «réel» ou soit «fictif». On s’intéresse centralement au fait que le lecteur et l’auteur lui-même identifient ces fragments d’écrit comme de l’oral reproduit, et en quelque sorte mis en scène avec ses acteurs propres et sa grammaire propre, bref avec ses spécificités distinctes 3 . On voit quel est l’intérêt de ce nouveau concept pour le linguiste: il lui permet d’adopter une démarche contrastive. On est certes bien dans la langue d’un même écrivain, mais qui, dès lors qu’il marque soigneusement les frontières du DD, est potentiellement en état de différencier nettement la grammaire de ces passages en OR et la grammaire des passages où il écrit du récit. Et, ce qui est étonnant, le premier exemple que l’on ait en français d’un énoncé en «DD/ OR», ce sont les Serments de Strasbourg (842), qui est le plus ancien document en français qui nous soit parvenu: Cumque Karolus haec eadem verba romana lingua perorasset, Lodhuwicus, quoniam maior natu erat, prior haec deinde se servaturum testatus est: «Pro deo amur et pro christian poblo et nostro commun / salvament, d’ist di in avant, in quant deus / savir et podir me dunat, si salvarai eo, / cist meon fradre Karlo, …» Quod cum Lodhuwicus explesset, Karolus teudisca lingua sic hec eadem verba testatus est: «In godes minna…» (d’après W AGNER / C OLLET 1995; les mises en relief sont de notre fait) 3 Pour les diverses sources du terme «représenté» utilisé ici, voir M ARCHELLO -N IZIA 2012, G UILLOT et al. à paraître. L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 89 La question qu’on se pose est alors: est-ce que l’auteur utilise exactement la même grammaire dans son récit et dans les épisodes qu’il donne comme de l’oral rapporté? Si c’est le cas, aucune différence ne sera perceptible entre les épisodes en DD et le récit qui les enchâsse. Mais si on perçoit des différences entre les deux types d’énoncés, alors c’est la tâche du linguiste de les analyser. Il est désormais facile de mener une telle enquête, grâce à la possibilité d’enrichir les corpus de «balises», de marquages-frontières. On «balise», par exemple par «q» (= «quote») les parties en DD, et donc tout ce qui n’est pas «q» est du récit (ou de l’annonce de DD, ou du rappel de DD). On peut ainsi contraster et comparer automatiquement ces deux types de réalisations d’un même auteur. Ce type d’enquête aboutit à la mise en évidence de différences régulières. Certaines sont attendues, en particulier ce qui relève des marqueurs de l’énonciation. Mais d’autres le sont moins. Dans les textes numérisés que nous avons utilisés pour cette étude, repérage et calculs sont facilités par un balisage préalable (XML). 2. Caractéristiques linguistiques du DD et du «DD en oral représenté» à partir de corpus annotés en ancien français 2.1. Le DD, ses traits propres Concernant le DD en général, un bon nombre de phénomènes spécifiques ont déjà été repérés, en premier lieu un certain nombre d’emplois liés presque exclusivement au DD: les pronoms personnels de l’énonciation et de l’interaction langagière: je, tu, nous, vous, et plus tard le pronom indéfini on au sens de «nous» (H AUSMANN 1979, H UNNIUS 1981, E RNST 1985: 68-69, A YRES -B ENNETT 2004: 39-41); jusqu’en moyen français, les démonstratifs de la deixis ou de la «sphère du locuteur» ist, cist et cil en contraste (M ARCHELLO -N IZIA 2006, G UILLOT 2006); les formules de véridicité telles que Si m’aïst Diex (M ARCHEL - LO -N IZIA 1985), certes,…; les termes d’adresse, apostrophe, injure (C ERQUI - GLINI 1981, M ARNETTE 1998, 2006, L AGORGETTE 1998, 2006); l’impératif, et les propositions injonctives; les réponses résomptives telles que Oie, oïl, oui, naje, nennil, non. On peut y adjoindre les morphèmes et expressions marquant les frontières des épisodes de DD, ce que nous nommons les «balises du DD en OR», bien analysés déjà pour l’annonce et l’incise, de C ERQUIGLINI 1981 à M ARNETTE 2006, mais aussi le rappel, qui n’a pas été systématiquement repéré et étudié. Dès les premiers textes composés en français ces balises existent: l’annonce et le rappel dès les Serments de Strasbourg et la Vie de saint Léger - le latin avait son propre paradigme de marqueurs -, l’incise dès le Sermon sur Jonas. Et ces emplois routinisés aboutissent très vite à leur grammaticalisation. La Vie de saint Léger offre Christiane Marchello-Nizia 90 dans un bref passage un bon exemple d’une annonce précédant un DD et d’un rappel le suivant: - Il cio li dist et adunat (= annonce): «Tos consiliers ja non estrai; … …En u.monstier me laiss’intrer...» Enviz lo fist (= rappel), non voluntiers. Vie de Saint Léger, v. 91-97 4 - «Aucid, aucid crident (=incise) - Jesúm ! » Passion de Clermont, v. 224 5 Dès les premiers textes, un petit nombre de verbes (dire, respondre) sont dédiés aux emplois d’annonce et d’incise, et quelques formules caractérisent le rappel (Quant il oï: cf. R YCHNER 1970: 105s.). Et leur syntaxe est tout aussi caractéristique: dès son apparition, l’incise présente déjà majoritairement la construction «Verbe + Sujet postposé», qui très rapidement devient obligatoire. Quant au rappel, son emploi se systématise au cours du XII e siècle: un discours direct sur deux seulement est suivi d’un rappel dans la Chanson de Roland, presque tous le sont dans la Queste del saint Graal. 2.2. Le DD en contraste avec le récit Mais il est plusieurs autres phénomènes qui ne sont visibles que dans une analyse contrastive, en comparant systématiquement la grammaire des deux types de réalisations textuelles. Or cela ne peut se faire qu’en «oral représenté», puisqu’alors seulement on a deux réalisations du même auteur, et distinguées par les soins de l’auteur lui-même. Il s’agit de phénomènes bien moins attendus, imprédictibles a priori. L’étude contrastive de la «langue du récit» et de la «langue du DD balisé» dans un même texte montre des différences d’emploi qui prennent alors sens: c’est ce que diverses analyses toutes récentes ont déjà commencé à montrer. On imaginerait ainsi que le présent caractérise spécialement le DD, le récit privilégiant les temps du passé: ce n’est pas le cas, c’est le futur qui semble très majoritairement réservé au DD. G LIKMAN / M AZZIOTTA 2014 ont montré qu’il existe dans certains textes en DD des «préférences» pour les formes verbales composées, pour une expression du sujet plus fréquente, et pour un emploi plus régulier du forclusif accompagnant la négation ne. Et G UILLOT et al. 2014, sur un corpus différent, ont révélé un emploi plus élevé de verbes modaux en DD. Dans cette procédure de recherche de spécificités, il apparaît parfois que certaines innovations se situent en DD, et non en récit. Ainsi, pour les intensifieurs, 4 «Il (Léger) lui dit en réponse ceci: «Je ne serai jamais ton conseiller … En un monastère laissemoi entrer…» C’est contre son gré qu’il (le roi) le fit, non pas volontiers. 5 «Tue, tue, crient-ils, Jésus » L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 91 les premières attestations de l’emploi de l’expression «bel colp / biau coup» au sens d’un adverbial intensifieur se trouvent dans des textes où apparaît un locuteur, auteur ou personnage: Nos engins getoient au leur et les leurs aus nostres, mes onques n’oÿ dire que les nostres feissent biau cop. (J EAN DE J OINVILLE , Vie de saint Louis, §193) 6 2.3. Des spécificités du «DD en OR» en diachronie: une piste pour repérer les contextes décisifs du changement L’autre concurrent de moult, qui fait couple avec beaucoup pour remplacer moult, est l’adverbe intensifieur d’adjectif et adverbe très. Il avait, lui, commencé à se développer comme innovation dès 1130 environ, sans que l’opposition «récit/ DD» ne joue aucun rôle. Mais dès 1150 sa position se consolide, grâce à un emploi précis, dans un contexte jusque là inédit, l’apostrophe ouvrant un DD, dans des expressions comme Ma treschiere dame, Biax tres doux père, … , alors que dans cet emploi on ne trouve jamais *Ma moult chiere dame … (M ARCHEL - LO -N IZIA 2011): c’est dans cette «niche d’emploi» spécifique, qui va devenir la manière courante de commencer un discours, que va se déployer l’emploi de très intensifieur d’adjectif: «Ahi! fait il, biax tres dous pere, et vos, bele tres douce mere …» (Floire et Blancheflor, v. 3213) si li dist: «Ma tres chiere dame, vos qui …» (C HRÉTIEN DE T ROYES , Yvain, v. 2551) Le cas de très est exemplaire du rôle que peut jouer le DD à une étape d’un changement, et il peut indiquer une voie dans la recherche des facteurs de changement: un morphème nouveau prospère dans une «niche innovante» qu’il contribue à constituer, et où il se trouve sans concurrence. 2.4. Une nouvelle valeur pour le pronom indéfini ON, qui devient synonyme de NOUS en DD Le pronom indéfini sujet ON se rencontre assez rarement dans les langues du monde. En récit comme en DD, il conserve toujours sa valeur originelle: Li rois dist moult ireusement: «On fache venir la cope teste! Chil de Calais ont fait morir tant de mes hommes que il convint ceuls morir aussi.» (F ROISSART , Chronique, p. 848: épisode des bourgeois de Calais avec le roi d’Angleterre Edouard III) 7 6 «Nos engins tiraient contre le leur et les leurs contre les nôtres, mais je n’ai jamais entendu dire que les nôtres aient réalisé un beau coup» (ou bien: « aient abouti à beaucoup de résultats»). Christiane Marchello-Nizia 92 En français, contrairement à ce qui se passe dans les langues qui possèdent un tel pronom, dans un processus propre aux contextes d’interlocution, ON peut prendre un sens plus personnel et renvoyer aux personnes 1, 2, 4 ou 5. Mais la valeur fréquente en français moderne, où ON remplace en discours NOUS, commence à pointer dès le XIV e siècle: il est cependant nécessaire, à cette période, de gloser cet emploi par «moy et vous»: «Ceste femme par son plaisir / A la ville le gardera, La ou on le visitera, / Moy et vous, chascune sepmaine.» Miracles de N.-D. par personnages, I, 364, début XIV e siècle L’usage courant de cette valeur de ON en DD apparaît seulement au XIX e siècle, où le pronom peut s’employer ainsi sans glose, de façon non ambigüe: l’exemple le plus ancien semble dû à Flaubert, qui le met dans la bouche de Deslauriers (Éducation sentimentale): «Un nouveau 89 se prépare. On est las de constitutions, de chartes, de subtilités, de mensonges! » Nous venons d’énumérer un certain nombre de changements qui, dans les témoins écrits qui nous sont restés des époques anciennes, apparaissent dans des épisodes de discours direct, comme si ces innovations participaient alors de la grammaire de l’oral, mise en scène dans ces passages. Et tous concernent la morphologie. Mais comme on va le voir, certaines innovations en syntaxe, très importantes, semblent également avoir été initiées à l’oral - on trouve les premières attestations de ces constructions nouvelles dans des épisodes de DD en OR. Tel est le cas, semblent montrer nos analyses sur corpus, du développement et de la progression de l’expression du sujet en français, qui avant l’âge classique deviendra obligatoire. 3. Le développement de l’expression du sujet en ancien français 3.1. Le corpus Le corpus sur lequel nous avons effectué nos analyses comporte 6 textes (cf. tableau 1 ci-contre): deux complets (Passion et Saint Alexis), et quatre pour des extraits de 7500 mots, correspondant environ à un peu plus d’un millier de propositions (Roland, Éneas, Dole, Queste). Chacun de ces textes comporte, de façon assez équilibrée, récit et «DD en OR» (épisodes de discours direct en oral représenté). 7 : «Le roi dit, très en colère: «Qu’on fasse venir le coupeur de tête Ceux de Calais ont fait mourir tant de mes hommes qu’il est juste qu’ils meurent aussi.» L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 93 Tableau 1: Le corpus: 6 textes (ou fragments) du X e au XIII e siècle PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Titre Passion de Clermont Vie de saint Alexis Chanson de Roland Eneas Le Roman de la Rose ou de Guillaume de Dole La queste del saint Graal Auteur anon. anon. anon. anon. Jean Renart anon. Éditeur D’A. S. Avalle, 1962 C. Storey, 1968 G. Moignet, 1972 J. Salverda de Grave, 1925 F. Lecoy, 1963 C. Marchello- Nizia/ A. Lavrentiev, 2013 Date de composition env. 1000 env. 1050 env. 1100 env. 1155 env. 1228 entre 1215 et 1230, probabl. 1225 Date du manuscrit env. 1000 ms L, env. 1120 2 e ou 3 e quart du XII e siècle env. 1200 fin XIII e siècle 2 e moitié XIII e siècle Dialecte du manuscrit francoprovençal anglo-normand normand ou a-normand normand ou a-normand ? teinté Est Dialecte de l’auteur Nord de la France anglo-normand normand ou a-normand normand ? teinté Est Lieu Clermont-Ferrand? , copie par un scribe occitan d’un texte dialectalement marqué du Nord-Est. ? ? ? ? ms conservé à Lyon Forme vers vers vers vers vers prose Genre textuel Hagiographie hagiographie épique (‘chanson de geste’) roman (antique) roman avec chansons roman (roman arthurien) Envergure du corpus Texte entier: 2900 mots env. Texte entier: 4871 mots 7500 mots env. (1000 v.): v. 1-1000 7500 mots env. (1000 v. env.): v. 1-339, 5692- 6000, 2820-3225 7500 mots env. (1000 v.): v. 336-1779 7500 mots env.: col. 163a, l. 15 - 167d, l.2. Christiane Marchello-Nizia 94 Si nous avons choisi d’explorer de façon fine des corpus de cette taille, c’est qu’une expérience menée sur Roland a montré que pour le syntaxe propositionnelle, de tels extraits d’un même texte, comparés entre eux, aboutissaient à des résultats sensiblement proches. Mais il va de soi que pour analyser d’autres structures, cette taille de fragment peut ne pas convenir. Traités initialement par le logiciel TXM (ENS de Lyon, UMR ICAR; concepteur: S. Heiden) pour des requêtes initiales retenant des distinctions importantes (références, «q»), puis partiellement parsés «à la main» à partir des tableaux Excel obtenus, ils offrent, au terme de nos requêtes et enrichissements, la possibilité d’être exploités comme tableaux Excel. 3.1.1. La progression de l’expression du sujet (symbolisée par S), puis son obligation, et donc le recul de la non-expression du sujet (symbolisée par SØ), ont été notés depuis très longtemps comme une spécificité du français au sein du groupe des langues romanes. Ce point n’a jamais été remis en cause, et il sert de point de départ à toutes les études. C’est un acquis. Le tableau-2 ci-dessous illustrera encore une fois ce changement attesté dans le temps. La question que l’on examinera ici est celle des facteurs corrélés à cette progression de l’expression du sujet en français, dont on pourra faire l’hypothèse qu’ils ont favorisé la grammaticalisation de l’expression du S en français. À travers les nombreuses études, anciennes et surtout récentes, sur cette question, sept facteurs apparaissent corrélés à ce grand changement qui a bouleversé en profondeur la syntaxe du français. Certains de ces facteurs semblent avoir soit favorisé, soit freiné, ce changement: 1) le temps (à quel rythme se déroule le changement? selon quelles étapes? ), 2) le type de proposition (principale / non-régie, subordonnée / régie), 3) le sous-type de proposition (déclarative, interrogative …, relative), 4) la nature du sujet, 5) la présence du second argument essentiel, l’objet direct (ce facteur agit du très ancien français jusqu’au XIII e siècle), 6) l’opposition vers/ prose, 7) la modalité énonciative (DD / récit). C’est ce dernier facteur qui, au cours de notre analyse, a révélé son importance. On reposera en particulier la question de la nature du sujet qui progresse le plus rapidement, et cela nous conduira à réexaminer et préciser les hypothèses récentes de D ETGES 2003 et de G LIKMAN / P RÉVOST à paraître. Dans l’étude partielle que nous menons ci-dessous, après avoir montré une fois de plus mais sur un corpus un peu renouvelé, la progression régulière de l’expression du sujet, on examinera successivement ici tout spécialement trois de ces facteurs: la nature des propositions (type, sous-type), la nature du sujet (nom, pronom personnel, autres - c’est-à-dire pronoms démonstratif, possessif, indé- L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 95 fini, relatif, interrogatif) et l’opposition Récit/ DD, qui nous permettra d’apporter quelque précision sur le type de sujet particulièrement évolutif. Grâce à cette granularité progressive, nous pourrons mettre en évidence le ou les facteurs qui, dans la période où cette évolution se produit, sont essentiels: c’est, comme on le verra, en DD que l’expression du sujet progresse le plus vite; et il apparaît que ce sont les pronoms des personnes 1 et 4 d’abord, liées à/ aux énonciateur(s), qui accompagnent le plus souvent le verbe, et qu’ensuite c’est le IL impersonnel qui se développe de façon remarquablement rapide, mais un peu plus tard, selon la constante mise en évidence sur d’autres changements 8 . 3.2. La progression de l’expression du sujet dans le temps Tableau 2: Facteur diachronique: proportion d’expression du sujet du X e au XIII e siècle PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Date de composition env. 1000 env. 1050 env. 1100 env. 1155 env. 1228 entre 1215 et 1230, 534 Prop dont 14 SSV ou LAT (3%) = 520 avec V 835 Prop dont 28 SSV (3%) = 807 avec V 1263 Prop dont 38 SSV (3%) = 1225 avec V 1000 Prop avec V 1218 Prop dont 35 SSV (3%) = 1183 avec V 1159 Prop dont 13 SSV (1%) = 1146 avec V Expression du sujet Sur 520 Prop-V • 243 S (47%) • 277 SØ (53%) Sur 807 Prop-V • 385 S (48%) • 422 SØ (52%) Sur 1225 Prop- V • 629 S (51%) • 596 SØ (49%) Sur 1000 Prop- V • 474 S (47%) • 526 SØ (53%) Sur 1183 Prop- V • 807 S (68%) • 376 SØ (32%) Sur 1146 Prop- V • 903 S (79%) • 243 SØ (21%) Les étapes sont les suivantes: - Jusqu’à la fin du XI e siècle, la non-expression du sujet domine. - À partir de Roland (fin XI e siècle-début du XII e siècle) et jusqu’à la fin du XII e siècle, la proportion de sujet exprimé et de sujet non-exprimé change peu, leur rapport oscillant autour de 50% / 50%. - L’inversion de tendance devient nette dans le premier tiers du XIII e siècle, plus nettement en prose qu’en vers cependant. Les explorations suivantes permettront d’affiner ces premiers résultats. Si on compare Dole et Queste, par ailleurs contemporains, on voit que Dole a encore 32% de SØ, alors que la Queste n’en a plus que 21%. Il apparaît donc que 8 En effet, un changement lié à un précédent changement progresse nettement plus vite que le premier: on a pu souligner cette tendance dans le remplacement de moult par très (à évolution lente) dans certains de ses emplois (adjectivaux et adverbiaux), puis par beaucoup (à évolution très rapide) dans ses autres emplois (nominaux et verbaux). Christiane Marchello-Nizia 96 c’est en prose que le changement progresse le plus rapidement. Cela confirme que la prose favorise le changement, le vers étant plus conservateur: l’étude menée par exemple par L. S CHØSLER 1999: 398 sur l’expression du sujet dans Aucassin et Nicolette, «chantefable» de la première moitié du XIII e siècle où alternent prose et vers, aboutit à des résultats du même type. 3.3. L’expression du sujet suivant le Type de proposition: Non-régie ou Régie Tableau 3: Facteur du TYPE de Proposition (Non-Régies / Régies): un TYPE favorise-t-il l’expression du Sujet? PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Prop NON- Régies: 396 o • 167 S (42%) o • 229 SØ (58%) Prop NON- Régies: 580 o • 238 S (41%) o • 342 SØ (59%) Prop NON- Régies: 974 o • 462 S (47%) o • 512 SØ (53%) Prop NON- Régies: 701 o • 269 S (38%) o • 432 SØ (62%) Prop NON- Régies: 725 o • 414 S (57%) o • 310 SØ (43%) Prop NON- Régies: 584 o • 365 S (63%) o • 219 SØ (37%) Prop REGIES: 124 o • 76 S (61%) • 48 SØ (39%) Prop REGIES: 227 o • 147 S (65%) • 80 SØ (35%) Prop REGIES: 251 o • 167 S (67%) • 84 SØ (33%) Prop REGIES: 299 o • 205 S (69%) • 94 SØ (31%) Prop REGIES: 459 o • 393 S (86%) • 66 SØ (14%) Prop REGIES: 562 o • 538 S (96%) • 24 SØ (4%) On constate dans le tableau 3 ci-dessus que Non-Régies (indépendantes ou principales) et Régies (subordonnées) se différencient tout au long de la période sur le point qui nous occupe. Les Régies ont dès les plus anciens textes un taux d’expression du sujet toujours supérieur à celui des Non-Régies, et ce taux est dès l’origine en Régies largement supérieur à 50%, alors qu’en Non-Régies SØ dominera constamment avant le XIII e siècle. Les Régies apparaissent donc comme un contexte syntaxique favorisant l’expression du S, et ce dès les débuts du français. C’est à partir du XIII e siècle que les Non-Régies affichent à leur tour, comme les Régies, plus de S exprimés que de SØ. Ce tableau permet en outre d’apporter une précision supplémentaire sur le taux d’expression du sujet qui sépare Non-Régies et Régies: tout au long de ces trois siècles et demi, les Régies conservent un taux d’expression du Sujet constamment plus élevé de 20% par rapport au taux d’expression du sujet dans les Non-Régies. Et bien que tout au long de la période considérée, le taux général d’expression croisse constamment, comme on l’a vu, cette différence de 20% environ se maintient entre les deux types de propositions. En effet, même si le taux d’expression du sujet croît régulièrement en Non-Régies, la distinction qui perdure entre Non-Régies et Régies montre que le taux de progression du sujet n’est pas plus rapide dans l’un ou l’autre type avant 1150 (de Passion à Éneas), et elle tend même à s’accroître légèrement jusqu’au XIII e siècle. Ce ne sera donc L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 97 qu’après le XIII e siècle que cette différence s’effacera: il faudra en identifier le moment, qui coïncidera sans doute avec le moment où SØ lui-même disparaîtra. Puisque dès les débuts du français les Régies ont un taux d’expression du sujet supérieur à 60% et qui ne fera que croître, peut-on faire l’hypothèse que les Régies auraient pu influencer les Non-régies? Une analyse de la proportion des différents sous-types de propositions entre eux rend peu plausible cette analyse: voir tableau 4. 3.4. L’expression du sujet suivant le Sous-type - ou la Nature - de la proposition Nous menons cette analyse en deux temps. Tableau 4: Proportion entre TYPES et entre SOUS-TYPES de Prop PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Sur 520 Prop-V § 396 NON- Régies (77%) § 124 REGIES (23%) Sur 807 Prop-V § 580 NON- Régies (72%) § 227 REGIES (28%) Sur 1225 Prop- V § 974 NON- Régies (80%) § 251 REGIES (20%) Sur 1000 Prop- V § 701NON- Régies (70%) § 299 REGIES (30%) Sur 1183 Prop- V § 725 NON- Régies (61%) § 459 REGIES (39%) Sur 1146 Prop- V § 584 NON- Régies (51%) § 562 REGIES (49%) Sur 520 Prop-V (100%): NON-REGIES: 356 D (68%) 0 EXCl 0(%) 8 INCises (1,5%) 24 INJ (5%) 8 INT (1,5%) REGIES: 14 SCO (3%) 62 SCI (12%) 48 SR (9%) Sur 807 Prop-V (100%): NON-REGIES: 514 D (64%) 20 EXCl (2%) 14 INCi (2%) 23 INJ (3%) 9 INT (1%) REGIES: 46 SCO (6%) 65 SCI (8%) 116 SR (14%) Sur 1225 Prop- V (100%): NON-REGIES: 859 D (70%) 1 EXCl (0%) 17 INCi (1%) 79 INJ (6,5%) 18 INT (1,5%) REGIES: 81 SCO (7%) 72 SCI (6%) 98 SR (8%) Sur 1000 Prop- V (100%): NON-REGIES: 679 D (68%) 1 EXCl (0%) 7 INCi (0,5%) 9 INJ (1%) 5 INT (0,5%) REGIES: 75 SCO (7,5%) 99 SCI (10%) 125 SR (12,5%) Sur 1183 Prop- V (100%): NON-REGIES: 598 D (51%) 7 EXCl (0,5%) 36 INCi (3%) 66 INJ (6%) 17 INT (1%) REGIES: 102 SCO (8,5%) 185 SCI (15,5%) 172 SR (14,5%) Sur 1146 Prop- V (100%): NON-REGIES: 496 D (43%) 0 EXCl (0%) 51 INCi (4,5%) 25 INJ (2%) 12 INT (1%) REGIES: 122 SCO (11%) 241 SCI (21%) 199 SR (17,5%) Le tableau 4 ci-dessus expose les divers sous-types (ou natures) de propositions que nous avons distingués, en reprenant des distinctions traditionnellement admises - soit 8 sous-types: déclaratives (symbolisées par D), exclamatives (EXCL), incises (INCises), injonctives (à l’impératif ou au subjonctif) (INJ), interrogatives directes (INT) pour le Type Non-Régies; et complétives (argumentales) (SCO), circonstancielles et corrélatives (non argumentales) (SCI), relatives (SR) pour le type Régies. Nous faisons figurer entre parenthèses le pourcentage que chacun des sous-types représente par rapport à l’ensemble du Christiane Marchello-Nizia 98 fragment étudié. Cela permettra de mieux mettre en perspective les influences réciproques qui pourraient se produire. Ce qui apparaît aussitôt, c’est que le sous-type Déclaratives domine de très loin tout au long de la période. Quel que soit le texte, les D représentent à époque très ancienne et jusqu’au milieu du XII e siècle environ 70% de l’ensemble des propositions. Au XIII e siècle son importance persiste, mais décroit légèrement. Plusieurs études ont montré, depuis celle novatrice de D UPUIS 1980, puis celles de V ANCE 1997 et de L ABELLE 2007, et récemment chez G LIKMAN / P RÉ - VOST à paraître, des différences concernant l’expression du sujet entre les différents sous-types de subordonnées: la dernière ligne du tableau 4 confirme ces résultats; et de façon plus fine encore on pourrait montrer des différences entre sous-catégories de circonstancielles ou de complétives. Le tableau 5 ci-dessous confirme, et affine, ces acquis. Tableau 5: Expression du S dans les 8 sous-types principaux PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 356 D / 156 Sexpr (44%) 8 INCi / 6 Sexpr (75%) 24 INJ / 3 Sexpr (13%) 8 INT / 2 Sexpr (25%) 14 SCO / 5 Sexpr (36%) 62 SCI / 35 Sexpr (56%) 48 SR / 36 Sexpr (75%) 514 D / 212 Sexpr (41%) 20 EXCl / 7 Sexpr (35%) 14 INCi / 14 Sexpr (100%) 23 INJ / 2 Sexpr (9%) 9 INT / 3 Sexpr (33%) 46 SCO / 23 Sexpr (50%) 65 SCI / 30 Sexpr (46%) 116 SR / 94 Sexpr (79%) 859 D / 430 Sexpr (50%) 1 EXCl / 0 Sexpr (0%) 17 INCi / 17 Sexpr (100%) 79 INJ / 7 Sexpr (9%) 18 INT / 8 Sexpr (44%) 81 SCO / 44 Sexpr (54%) 72 SCI / 42 Sexpr (58%) 98 SR / 81 Sexpr (83%) 679 D / 258 Sexpr (38%) 1 EXCl / 0 Sexpr (0%) 7 INCi / 7 Sexpr (100%) 9 INJ / 0 Sexpr (0%) 5 INT / 4 Sexpr (80%) 75 SCO / 43 Sexpr (57%) 99 SCI / 51 Sexpr (51%) 125 SR / 111 Sexpr (89%) 598 D / 350 Sexpr (59%) 7 EXCl / 3 Sexpr (43%) 36 INCi / 36 Sexpr (100%) 66 INJ / 10 Sexpr (15%) 17 INT / 15 Sexpr (88%) 102 SCO / 81 Sexpr (79%) 185 SCI/ 158 Sexpr (85%) 172 SR / 154 Sexpr (90%) 496 D / 299 Sexpr (60%) 0 EXCl / 0 Sexpr (0%) 51 INCi / 51 Sexpr (100%) 25 INJ / 3 Sexpr (12%) 12 INT / 12 Sexpr (100%) 122 SCO/ 114 Sexp (93%) 241 SCI / 229 Sexpr (95%) 199 SR/ 195 Sexpr (98%) Le tableau 5 permet de voir qu’au sein des Non-Régies les sous-types de proposition ont un comportement très divers concernant l’expression du S. Certains ont un taux de SØ particulièrement élevé: c’est le cas des INJ, des INT, des EXCL, les deux premiers sous-types étant bien représentés. En revanche, les INCises présentent un taux d’expression du S très élevé dès l’an mil, et dès le milieu du XI e siècle le S y est obligatoirement exprimé, dans une position également figée (postposé au V). L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 99 Les Régies présentent un profil plus unifié, mais il apparaît bien que jusqu’au milieu du XII e siècle les SCO ont un taux d’expression du S nettement plus bas que les SCI et les SR; ces divergences vont presque disparaître au XIII e siècle en prose. Ainsi il apparaît clairement que les sous-types de proposition ont tous un comportement spécifique à l’égard de l’expression du S, au point que certains d’entre eux peuvent en partie se définir par le comportement de leur S: c’est ainsi qu’en INCise, le sujet est toujours exprimé et toujours postposé; en INJonctive, l’absence du sujet est presque la norme. Notons cependant que les INTerrogatives ont connu une évolution très forte et rapide, passant en moins de 3 siècles de 25% d’expression du S à 100%. Quant à imaginer que l’un des sous-types à taux élevé d’expression du S - tel que INC, ou SCI, ou SR, ait pu influencer les autres, et tout particulièrement les Déclaratives, chroniquement moins riches en sujets exprimés, la disproportion entre Sous-types rend cette hypothèse peu plausible. 3.5. La progression de l’expression du sujet selon la Nature du sujet On distingue dans le tableau 6 ci-dessous les 4 types de réalisations possibles pour la fonction Sujet: le sujet n’est pas exprimé (SØ), le sujet exprimé est nominal (Sn: nom commun ou nom propre), ou bien est un pronom personnel (Sp), ou bien est un pronom autre ou une proposition (Autres: indéfini, démonstratif, possessif, relatif, interrogatif, sujet propositionnel). Tableau 6: Facteur de la NATURE du Sujet: le sujet NOM ou PRONOM augmente-t-il plus rapidement? PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Sur 520 Prop-V (100%) o Sn = 149 (29%) o Sp = 59 (11%) o Autres = 35 (7%) o SØ = 277 (53%) Sur 807 Prop-V (100%) o Sn = 176 (22%) o Sp = 108 (13%) o Autres = 101 (12%) o SØ = 422 (53%) Sur 1225 Prop-V (100%) o Sn = 380 (31%) o Sp = 145 (12%) o Autres = 104 (8%) o SØ = 596 (49%) Sur 1000 Prop-V (100%) o Sn = 225 (22,5%) o Sp = 143 (14%) o Autres = 106 (11%) o SØ = 526 (52,5%) Sur 1183 Prop-V (100%) o Sn = 230 (19%) o Sp = 350 (30%) o Autres = 229 (19%) o SØ = 375 (32%) Sur 1146 Prop-V (100%) o Sn = 228 (20%) o Sp = 467 (41%) o Autres = 208 (18%) o SØ = 243 (21%) Jusqu’à la fin du XII e siècle, le type de sujet exprimé le plus fréquent est le nom. Or cela change à partir du début du XIII e siècle: aussi bien en vers qu’en prose, c’est le pronom personnel qui devient le type de sujet le plus fréquent, le sujet nominal et l’ensemble des autres sujets (pronoms indéfinis, démonstratifs, rela- Christiane Marchello-Nizia 100 tifs, propositions) devenant relativement moins fréquents. Il faut affiner ce résultat. Concernant SØ, le tableau 2 a déjà montré sa décroissance linéaire au long des trois siècles, et le tableau 3 a confirmé que la progression de l’expression du sujet se produisait, modulo quelques variantes, dans tous les types de proposition. Concernant les trois réalisations possibles du sujet lorsqu’il est exprimé (Sn, Sp, Autres), c’est le Sp qui progresse le plus, en raison inverse de la régression de SØ: notre tableau le confirme. Alors que le Sn varie, mais de façon non régulière et chronologique, entre 19% et 31% selon les textes, sans jamais progresser davantage; alors que les Autres (pronoms non personnels, et sujet propositionnel) progressent modérément entre 7% et 19%, le Sp, lui, croît régulièrement et de façon remarquable, de 11% au début du XI e siècle, à 41% dans le premier tiers du XIII e siècle, avec, au moins pour notre corpus, un saut notable au XIII e siècle. Ce résultat est cognitivement logique: on ne peut avoir SØ que dans deux cas: lorsque le sujet est «impersonnel», et lorsqu’il est déjà «connu», ayant déjà été évoqué, étant resté accessible, et pouvant dès lors être facilement réactivé par l’interlocuteur (ou le lecteur). En effet, la non-expression du sujet n’est généralement pas facteur de confusion ou d’ambiguïté. Et lorsque le sujet est connu ou réactivable, il y a deux possibilités: ou bien on ne le réexprime pas (SØ), ou bien on l’exprime par un pronom anaphorique, c’est-à-dire dans la très grande majorité des cas par un pronom personnel (Sp); dans cet emploi anaphorique, les cas du démonstratif ou du possessif, ou même du nom propre peuvent être débattus, car eux aussi peuvent faire fonction d’anaphore parfois à travers une re-nomination, mais ils ne représentent qu’un très faible pourcentage des S, et en aucun cas ils ne sont assimilables à de purs anaphoriques. On peut résumer cela ainsi: moins il y a de SØ, plus il y a de pronoms sujets exprimés. Le tableau 7 suivant va ainsi nous permettre d’affiner le résultat, en ne prenant en compte que le cas où se fait l’évolution, c’est-à-dire le cas où le sujet est connu ou réactivable. Dans ce cas on a, on l’a dit, soit SØ, soit Sp. Le rapport entre SØ et Sp, pour un sujet déjà connu, est bien montré ci-dessous: Tableau 7: Sujet connu: proportion de SØ et de Sp PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 SUJET CONNU: 59 + 277 = 336 Ratio SØ / Sp: 82% SØ / 18% Sp 108 + 422 = 530 Ratio SØ / Sp: 80% SØ / 20% Sp 145 + 596 = 741 Ratio SØ / Sp: 80% SØ / 20% Sp 146 + 526 = 672 Ratio SØ / Sp: 78% SØ / 22% Sp 350 + 375 = 725 Ratio SØ / Sp: 52% SØ / 48% Sp 467 + 243 = 710 Ratio SØ / Sp: 34% SØ / 66% Sp L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 101 Au XI e siècle, SØ domine. Dans Roland il est encore à 80% en cas de sujet connu, mais la bascule se fait dans le premier tiers du XIII e siècle; dans Dole, texte en vers, Sp et SØ sont presque égaux, mais la proportion s’inverse dans Queste, contemporain de Dole mais en prose, où le nombre de Sp atteint près du double des cas de SØ. On peut donc dater de ce moment-là - premier tiers du XIII e siècle, et en prose le début de la routinisation de l’expression du sujet pronominal auprès du verbe, quand ce sujet est connu, identifiable, accessible. Et, dès lors que dans ce cas où il y a/ avait choix, Sp est déjà devenu deux fois plus fréquent que SØ, on peut supposer qu’une grammaticalisation est en cours. Mais cette évolution est-elle partout égale, dans tous les contextes syntaxiques en particulier, ou bien certains facteurs, telle la modalité énonciative, la favorisent-ils? 3.6. La modalité énonciative (Récit / DD, Oral ou écrit? ) joue-t-elle un rôle dans la progression de l’expression du sujet? Plusieurs études, on l’a vu précédemment, ont mis au jour des traits syntaxiques propres au «DD en Oral représenté», c’est-à-dire inséré dans un récit avec la grammaire duquel il peut être contrasté. En outre, l’hypothèse d’une progression de l’expression du sujet d’abord en DD et plus spécifiquement pour la Personne- 1 (locuteur) a été formulée par D ETGES 2003. Qu’en est-il sur notre corpus? Pour chacun des textes ou fragments, nous distinguons entre Récit, DD, et (intervention d’) Auteur (écrivant en première personne). Tout d’abord, deux constatations factuelles. La première est que dans tous les textes sauf Roland, il y a davantage de Récit que de DD (DD-Auteur): ce facteur reste donc à peu près constant et ne joue pas dans la différence entre les textes. En second lieu, concernant le taux d’expression du sujet, entre Récit et DD (ou DD+Auteur) il y a jusqu’au début du XIII e siècle une différence nette, et cette différence persiste bien que l’expression du sujet croisse partout très régulièrement. Il apparaît donc que la modalité énonciative Récit/ DD (/ Auteur) joue un rôle dans la progression de l’expression du S. Christiane Marchello-Nizia 102 Tableau 8: La modalité énonciative Récit / DD (en Oral représenté) joue-t-elle dans l’expression du Sujet? PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Rappel: Sur 520 Prop-V § 243 S (47%) § 277 SØ (53%) Sur 807 Prop-V § 385 S (48%) § 422 SØ (52%) Sur 1225 Prop- V § 629 S (51%) § 596 SØ (49%) Sur 1000 Prop- V § 474 S (47%) § 526 SØ(53%) Sur 1183 Prop- V § 807 S (68%) § 375 SØ (32%) Sur 1146 Prop- V § 903 S (79%) § 243 SØ (21%) Taux de Récit / DD / Auteur: Récit: 389 Prop (75%) DD: 87 Prop (17%) Auteur: 44 Prop (8%) Récit: 545 Prop (68%) DD: 242 Prop (30%) Auteur: 20 Prop (2%) Récit: 522 Prop (43%) DD: 703 Prop (57%) Récit: 730 Prop (70%) DD: 270 Prop (30%) Récit: 710 Prop (60%) DD: 455 Prop (38%) Auteur: 18 Prop (2%) Récit: 705 Prop (62%) DD: 441 Prop (38%) Expr. S selon Récit / DD / Auteur: Récit: 389 Prop, o 196 S (50%) o 193 SØ (50%) DD: 87 Prop, o 29 S (33%) o 58 SØ (67%) Auteur: 44 Prop o 18 S (41%) o 26 SØ (59%) Récit: 545 Prop, o 288 S (53%) o 257 SØ (47%) DD: 242 Prop, o 94 S (39%) o 148 SØ (61%) Auteur: 20 Prop, o 3 S (15%) o 17 SØ (85%) Récit: 522 Prop, o 309 S (59%) o 213 SØ (41%) DD: 703 Prop, o 320 S (46%) o 383 SØ (54%) Récit: 730 Prop. o 333 S (45%) o 397 SØ (55%) DD: 270 Prop. o 141 S (52%) o 129 SØ (48%) Récit: 710 Prop, o 519S (73%) o 191 SØ (27%) DD: 455 Prop, o 283 S (62%) o 172 SØ (38%) Auteur: 18 Prop, o 5 S (15%) o 13 SØ (%) Récit: 705 Prop, o 531 S (75%) o 174 SØ (25%) DD: 441 Prop, o 372 S (84%) o 69 SØ (16%) Mais selon les époques cette distinction joue dans un sens différent. Dans une première période qui va jusqu’au début du XII e siècle, en Récit le sujet est plus exprimé qu’en DD ou interventions d’Auteur. Ainsi dans Passion, il y a 15% de S de moins en DD qu’en Récit et en Auteur: serait-ce parce que les personnes 1- 2-4-5 de l’interlocution sont cognitivement facilement accessibles? On trouve le même type de différence dans Roland avec 13% de S de moins en DD qu’en Récit, dans Dole encore avec 10% de S de moins en DD qu’en Récit. Mais déjà dans Éneas il y a un peu plus de sujets exprimés en DD qu’en Récit (7%): il faudra affiner cela, puisque Dole en vers au début du XIII e siècle continue à offrir moins de sujets exprimés en DD qu’en Récit, comme les textes plus anciens. En prose cependant, en ce même début du XIII e siècle, avec Queste, un nouveau changement très important se produit; la proportion d’expression du sujet s’inverse et le mouvement que semblait amorcer Éneas se confirme: désormais il y a plus de S en DD qu’en Récit (9% de plus). Serait-ce le signe de la grammaticalisation commençante de l’expression du S, qui s’exprime désormais couramment même en cas d’accessibilité suffisante? Et serait-ce un effet de la prose? Seul l’accroissement du corpus nous l’indiquera. L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 103 3.7. Nature du S qui progresse le plus selon la modalité énonciative On a vu dans le tableau 7 qu’en cas de sujet connu, l’expression de Sp croissait en raison inverse de la décroissance du SØ. Ce mouvement se produit-il de la même façon, et de façon égale, en DD et en récit, ou bien y a-t-il une différence? Nous comparerons pour cela, en distinguant emplois en DD et en Récit, trois sortes de réalisations pour S: SØ d’une part, Sp d’autre part et Autres-Sujets (en rangeant cette fois-ci dans cette catégorie également les Noms). On distingue dans ce tableau 9, de haut en bas, Récit, DD et quand il y a lieu Auteur pour les interventions de l’auteur dans son texte (présentation, commentaires). Mais cette dernière modalité énonciative apparaît peu significative quantitativement, et nous ne la prendrons pas davantage en considération dans nos calculs. Tableau 9: Taux de S (Sp et Autres sujets) et SØ en Récit et DD PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Nature du Sujet Récit: 389 Prop SØ: 193 (50%) Sp: 39 (10%) Autr: 157 (40%) DD: 87 Prop SØ: 58 (67%) Sp: 14 (16%) Autr: 15 (17%) AUT: 44 Prop SØ: 26 (59%) Sp: 6 (14%) Aut: 12 (27%) Récit: 545 Prop SØ: 257 (47%) Sp: 73 (13,5%) Autr: 215 (39,5%) DD: 242 Prop SØ: 148 (61%) Sp: 33 (14%) Autr: 61 (25%) AUT: 20 Prop SØ: 17 (85%) Sp: 2 (10%) Aut: 1 (5%) Récit: 522 Prop SØ: 213 (41%) Sp: 23 (4%) Autr: 286 (55%) DD: 703 Prop SØ: 383 (55%) Sp: 122 (17%) Autr: 198 (28%) Récit: 730 Prop SØ: 397 (54%) Sp: 92 (13%) Autr: 241 (33%) DD: 270 Prop SØ: 129 (48%) Sp: 51 (19%) Autr: 90 (33%) Récit: 710 Prop SØ: 191 (27%) Sp: 193 (27%) Autr: 326 (46%) DD: 455 Prop SØ: 172 (38%) Sp: 151 (33%) Autr: 132 (29%) AUT: 18 Prop SØ: 13 (72%) Sp: 5 (28%) Autr.: 0 Récit: 705 Prop SØ: 174 (24%) Sp: 231 (33%) Autr: 300 (43%) DD: sur 441 Prop SØ: 69 (15,5%) Sp: 236 (53,5%) Autre: 136 (31%) On constate que tout au long de la période, SØ décroît régulièrement, mais davantage en DD (de 67% à 15,5%) qu’en Récit (de 50% à 24%). On constate que la catégorie «Autres sujets» (c’est-à-dire sujets non-connus donc non-accessibles) reste à peu près constante tout au long de la période dans chacune des modalités (autour de 40-50% en Récit, autour de 20-30% en DD). Et enfin, on constate que même à période ancienne, le Sp est toujours davantage employé en DD (de 16% à 53,5%) qu’en Récit (de 10% à 33%). C’est donc bien l’expression du Sp qui croît nettement, comme l’avaient montré les tableaux 6 et 7, mais cette fois ce tableau plus fin, prenant en compte la modalité énonciative, montre qu’en DD la progression du Sp est bien plus nette: il passe de 10% à 33% des diverses réalisations possibles des sujets en Récit, mais de 16% à 53,5% en DD. Christiane Marchello-Nizia 104 Et si on ne prend en compte que les cas où le sujet est connu ou accessible, comme le montre le tableau 10 ci-dessous, la différence est encore plus sensible: en Récit, le Sp passe de 17% des sujets connus à 57%, SØ étant son complémentaire. Mais en DD, Sp passe de 19% à 77%. Tableau 10: SUJET CONNU: Taux de Sp et de SØ en Récit et DD PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Sujet connu: Récit: 232 Prop SØ: 193 (83%) Sp: 39 (17%) DD: 72 Prop SØ: 58 (81%) Sp: 14 (19%) Récit: 330 Prop SØ: 257 (78%) Sp: 73 (22%) DD: 181 Prop SØ: 148 (82%) Sp: 33 (18%) Récit: 236 Prop SØ: 213 (90%) Sp: 23 (10%) DD: 505 Prop SØ: 383 (76%) Sp: 122 (24%) Récit: 489 Prop SØ: 397 (81%) Sp: 92 (19%) DD: 180 Prop SØ: 129 (72%) Sp: 51 (28%) Récit: 384 Prop SØ: 191 (50%) Sp: 193 (50%) DD: 323 Prop SØ: 172 (53%) Sp: 151 (47%) Récit: 405 Prop SØ: 174 (43%) Sp: 231 (57%) DD: sur 305 Prop SØ: 69 (23%) Sp: 236 (77%) Mais cette croissance spécifique du Sp en DD est-elle également répartie sur tous les pronoms? Ou bien certains pronoms - la première personne, celle du locuteur - connaissent-ils un sort spécial? C’est l’hypothèse soutenue par D ETGES 2003 et plus récemment par G LIKMAN / P RÉVOST à paraître. C’est en comparant, pour chaque personne verbale, son taux d’expression ou non du sujet, qu’on aura la réponse. 3.8. Quelle personne verbale progresse le plus vite selon les deux modalités énonciatives (DD / Récit)? Dans le tableau 11 suivant, un peu plus complexe encore que les précédents, pour chaque personne verbale (P1, P2, P3, PImpers pour P3 impersonnel, P4, P5, P6, on distingue SØ et Sp (Sp1, Sp2, Sp3, Sp3-I, Sp4, Sp5, Sp6), et l’on donne le taux d’expression de chaque Sp. Un double constat résultant des tableaux 9 et 10, ainsi que du tableau 11 portant sur les personnes verbales, permet de préciser ce qu’a montré le tableau 8: à savoir que l’expression du Sp croît plus rapidement en DD qu’en Récit. Le premier constat est important, car il pourrait tempérer l’hypothèse de l’emphatisation (incontestable cependant, on le verra) des Personne-1 et Personne-4 du locuteur. En effet, si dans Passion les Personnes-3 et 6 sont plus fréquemment exprimées par Sp en Récit qu’en DD, cela s’inverse dès Alexis et restera constant ensuite (sauf ponctuellement dans Dole): les Personnes-3 et 6 sont davantage exprimées par Sp en DD qu’en Récit, l’écart étant parfois très grand. Cela conduit à insister sur la spécificité et la précocité d’évolution du DD, en ce domaine de la syntaxe propositionnelle également. L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 105 Tableau 11: Sujet connu (SØ, Sp): Quel Sp progresse-t-il le plus vite, et où? PASSION ST ALEXIS ROL_1 ENEAS DOLE_1 QUESTE_1 Récit: 232 39 Sp/ 193 SØ P3 = 160 20 Sp3 / 140 SØ Sp3 =13% P6 = 72 19 Sp6 / 58 SØ Sp6 = 26% Récit: 330 73 Sp / 257 SØ P3 = 224 59 Sp3 / 165 SØ Sp3 = 26% P6 = 87 13 Sp6 / 74 SØ Sp6 = 15% PImpers = 19 1 Sp3-Imp / 18 SØ Sp3-I = 5% Récit: 236 23 Sp / 213 SØ P3 = 179 18 Sp3 / 161 SØ Sp3 = 10% P6 = 35 5 Sp6 / 30 SØ Sp6 = 14% PImpers = 21 Dt 0 Sp3-I Sp3-I = 0% Récit: 489 92 Sp / 397 SØ P3 = 311 61 Sp3 / 250 SØ Sp3 = 20% P6 = 136 27 Sp6 / 109 SØ Sp6 = 20% PImpers = 41 4 Sp / 37 SØ S3-I = 10% P1 = 1 dt 0 Sp1 Récit: 369 193 Sp / 191 SØ P3 = 263 141 Sp3 / 122 SØ Sp3 = 54% P6 = 80 35 Sp6 / 45 SØ Sp6 = 44% PImpers = 33 18 Sp3-I / 15 SØ Sp3-I = 55% P1 = 4 dt 0 Sp1 P5 = 4 dt 0 Sp5 Récit: 405 231 Sp / 174 SØ P3 = 256 140 Sp3 / 116 SØ Sp3 = 55% P6 = 120 72 Sp6 / 48 SØ Sp6 = 60% PImpers = 27 18 Sp3-I / 9 SØ Sp3-I = 67% P5 = 2 1 Sp5 / 1 SØ Sp5 = 50% DD: 72 14 Sp / 58 SØ P3 = 14 2 Sp3 / 12 SØ Sp3 = 14% P6 = 9 1 Sp6 / 8 SØ Sp6 = 11% P1 = 12 5 Sp1 / 7 SØ Sp1 = 42% P2 = 20 3 Sp2 / 17 SØ Sp2 = 15% P4 = 8 3 Sp4 / 5 SØ Sp4 = 38% P5 =9, dt 0 Sp4 Sp5 = 0% DD: 181 33 SP / 148 SØ P3 = 19 7 Sp3 / 12 SØ Sp3 = 37% P6 = 6 3 Sp6 / 3 SØ Sp6 = 50% Pimp = 10 1 Sp / 9 SØ Sp3-I = 10% P1 = 84 14 Sp1 / 70 SØ Sp1 = 17% P2 = 43 4 Sp2 / 39 SØ Sp2 = 9% P4 = 15 4 Sp4 / 11 SØ Sp4 = 27% P5 = 4, dt 0 Sp5 Sp5 = 0% DD: 505 122 Sp / 383 SØ P3 = 124 28 Sp3 / 96 SØ Sp3 = 23% P6 = 23 7 Sp6 / 16 SØ Sp6 = 30% Pimp = 20 2 Sp3-I / 18 SØ Sp3-I = 10% P1 = 132 45 Sp1 / 87 SØ Sp1 = 34% P2 = 6 2 Sp2 / 4 SØ Sp2 = 33% P4 = 30 10 Sp4 / 20 SØ Sp4 = 33% P5 = 170 28 Sp-5 / 142 SØ Sp5 = 16% DD: 180 51 Sp / 129 SØ P3 = 38 15 Sp3 / 23 SØ Sp3 = 39% P6 = 24 9 Sp6 / 15 SØ Sp6 = 38% Pimp = 17 4 Sp / 13 SØ Sp3-I = 24% P1 = 53 13 Sp1 / 40 SØ Sp1 = 25% P2 = 15 1 Sp2 / 14 SØ Sp2 = 7% P4 = 20 5 Sp4 / 15 SØ Sp4 = 25% P5 = 13 4 Sp5 / 9 SØ Sp5 = 31% DD: 323 151 Sp / 172 SØ P3 = 98 51 Sp3 / 47 SØ Sp3 = 52% P6 = 4 3 Sp6 / 1 SØ Sp6 = 75% Pimp = 25 11 Sp3-I / 14 SØ Sp3-I = 44% P1 = 84 51 Sp1 / 33 SØ Sp1 = 61% P2 = 26 9 Sp2 / 17 SØ Sp2 = 35% P4 = 18 9 Sp4 / 9 SØ Sp4 = 50% P5 = 68 17 Sp5 / 51 SØ Sp5 = 25% DD: 305 236 Sp / 69 SØ P3 = 54 43 Sp3 / 11 SØ Sp3 = 80% P6 = 14 12 Sp6 / 2 SØ Sp6 = 86% Pimp = 42 34 Sp3-I / 8 SØ Sp3-I = 81% P1 = 89 74 Sp1 / 15 SØ Sp1 = 83% P2 = 19 8 Sp2 / 11 SØ Sp2 = 42% P4 = 13 10 Sp4 / 3 SØ Sp4 = 77% P5 = 74 55 Sp5 / 19 SØ Sp5 = 74% Christiane Marchello-Nizia 106 On a bien constaté dans les tableaux 9 et 10 que le changement considéré ici, à savoir l’expression du sujet, progresse plus vite en DD qu’en Récit: il y a bien une dissymétrie entre les deux modalités. Mais l’analyse fine de toutes les personnes verbales tempère le résultat de D ETGES 2003: ce n’est pas seule la P1 qui mène le changement. Un second constat cependant confirme l’hypothèse de l’emphatisation du locuteur: tout au long des XI e , XII e et début du XIII e siècle, au sein du lent mouvement de croissance de l’expression du pronom personnel qui touche plus le DD (et également l’intervention d’Auteur) que le Récit comme l’ont montré les tableaux 8, 9 et 10, on observe constamment dans le tableau 11, dès Passion jusqu’à Queste, un taux d’expression du Sp nettement plus élevé pour la Personne-1 et la Personne-4, et à un moindre degré pour la Personne-6. Certes la Personne-1 est toujours plus fréquente que la Personne-4, mais il nous semble que les deux, incluant le locuteur, sont porteuses d’emblée d’une charge emphatique. Il s’agit bien d’un marquage emphatique, car si pour la Personne-1 on pourrait arguer du fait que la terminaison morphologique est peu distincte, en revanche ce n’est pas le cas de la Personne-4, bien caractérisée morphologiquement (-ons). Au XIII e siècle, un troisième phénomène de croissance concerne la Personne- 3-Impersonnel: beaucoup plus rapide celui-ci 9 , puisqu’on passe de moins de 10% dans Alexis et 24% dans Eneas, à 80% en DD dans Queste un siècle et demi plus tard. Si pour terminer on met en relation chronologique ces trois phénomènes, on constate que le premier à se manifester est celui qui concerne les Personnes-1 et -4 dès Passion; puis les Personnes-3 et 6 à leur tour dès Alexis, s’expriment davantage en DD, et enfin la Personne-3-Impersonnel croît nettement dès Éneas. Cette chronologie, qui ne porte que sur un nombre limité de textes mais néanmoins finement analysés, doit bien entendu être confirmée par l’analyse de textes plus nombreux. Si elle se confirmait, elle tendrait à renforcer l’hypothèse pragmatique de l’emphatisation du locuteur, aussi bien par la Personne-1 que par la Personne-4, comme moteur d’évolution, les autres changements apparaissant comme analogiques de ce mouvement initial. Bibliographie A YRES -B ENNETT , W. 2000: «Voices from the past. Sources of seventeenth-century spoken French», Romanische Forschungen 112: 323-48 A YRES -B ENNETT , W 2004: Sociolinguistic variation in seventeenth-century France. Methodology and case studies, Cambridge C ERQUIGLINI , B. 1981: La parole médiévale, Paris D ETGES , U. 2003: «Du sujet parlant au sujet grammatical. L’obligatorisation des pronoms sujets en ancien français dans une perspective pragmatique», Verbum 25, 307-33 9 Voir la N2 sur la spécificité des «changements liés». L’opposition récit / «oral représenté» dans la description de l’évolution du français 107 D UPUIS , F. 1988: «Pro-drop dans les subordonnées en ancien français», Revue québécoise de linguistique théorique et appliquée 7/ 3: 41-62 E RNST , G. 1985: Gesprochenes Französisch zu Beginn des 17. Jahrhunderts. Direkte Rede in Jean Héroards «Histoire particulière de Louis XIII» (1605-1610), Tübingen G LIKMAN , J./ M AZZIOTTA , N., 2014: «Représentation de l’oral et structures syntaxiques dans la prose de la Queste del saint Graal (1225-1230)», in: D. L AGORGETTE / P. L ARRIVÉE (ed.), Représentation du sens linguistique V, Chambéry: 69-90 G LIKMAN , J./ P RÉVOST , S. à paraître: «Non-expression du sujet dans les subordonnées en ancien français». Communication au colloque DIA II, Copenhague, 19-21 novembre 2012 G UILLOT , C. 2006: «Démonstratif et deixis discursive: analyse comparée d’un corpus de écrit de français médiéval et d’un corpus oral de français», Langue française 152: 56-69 G UILLOT , C./ L AVRENTIEV , A./ P INCEMIN , B./ H EIDEN , S. 2014: «Oral représenté au Moyen Âge: vers une définition et une méthodologie d’analyse», in: D. L AGORGETTE / P. L AR - RIVÉE (ed.), Représentation du sens linguistique V. Chambéry: 17-41 H AUSMANN , F. J. 1979: «Wie alt ist das gesprochene Französisch? Dargestellt speziell am Übergang von j’allons zu on y va», RF 91: 431-444 H UNNIUS , K. 1981: «Mais des idées, ça, on en a, nous, en France. Bilanz und Perspektiven der Diskussion über das Personalpronomen on im gesprochenen Französisch», ASNS 218: 76-89 K ELLER , R. 2 1994 [ 1 1990]. Sprachwandel. Von der unsichtbaren Hand in der Sprache, Tübingen L ABELLE , M. 2007: «Clausal architecture in Early Old French», Lingua 117: 289-306 L AGORGETTE , D. 1998: Désignatifs et termes d’adresse dans quelques textes en moyen français, Thèse de doctorat, Paris 10 L AGORGETTE , D. 2006: «Étude des fonctions pragmatiques des termes d’adresse en ancien et moyen français», in I. T AAVITSAINEN / J. H ÄRMÄ / J. K ORHONEN (ed.): Dimensions du dialogisme, Helsinki: 315-38 M ARCHELLO -N IZIA , Christiane 1985: Dire le vrai: l’adverbe SI en français médiéval. Essai de linguistique historique, Genève M ARCHELLO -N IZIA , C. 2004: , «Deixis and subjectivity: The semantics of demonstratives in Old French (9 th -12 th century)» Journal of Pragmatics, 37/ 1: 43-68 M ARCHELLO -N IZI a, Christiane 2006: «From personal deixis to spatial deixis: The semantic evolution of demonstratives from Latin to French», in: M. H ICKMAN / S. R OBERT (ed.), Space in languages, Amsterdam/ New-York: 103-20 M ARCHELLO -N IZIA , C. 2011: «De moult fort à très fort: la ‹substitution› comme type de changement linguistique et l’hypothèse des ‹contextes propres›», in: S. D ESSÌ S CHMID / U. D ETGES / P. G ÉVAUDAN / W. M IHATSCH / R. W ALTEREIT (ed.), Rahmen des Sprechens. Beiträge zu Valenztheorie, Varietätenlinguistik, Kreolistik, Kognitiver und Historischer Semantik. Peter Koch zum 60. Geburtstag. Tübingen: 191-212 M ARCHELLO -N IZIA , C. (2012): «L’‹oral représenté› en français médiéval, un accès construit à une face cachée des langues mortes», in: C. G UILLOT et al., Le changement en français. Études de linguistique diachronique, Berne: 247-264 M ARCHELLO -N IZIA , C. (2014): «L’importance spécifique de l’‹oral représenté› en linguistique diachronique», in W. A YRES -B ENNETT / T. R AINSFORD (ed.), L’histoire du français. État des lieux et perspectives, Paris: 161-74 M ARNETTE , S. (1998): Narrateur et points de vue dans la littérature française médiévale. Une approche linguistique, Berne M ARNETTE , S. 2005: Speech and thought representation in French, Amsterdam/ Philadelphia M ARNETTE , S. 2006: «La signalisation du discours rapporté en français médiéval», Langue française 149: 31-47 R OSIER , L. 1999: Le discours rapporté. Histoire, théories, pratiques, Paris/ Bruxelles R YCHNER , J. 1970: L’articulation des phrases narratives dans La Mort Artu, Genève S CHØSLER , L. 1999: Compte rendu de: B. S. V ANCE , Syntactic change in Medieval French, Diachronica 16/ 2: 395-400 V ANCE , B. S. 1997: Syntactic change in Medieval French. Verb-second and null subjects, Dordrecht Christiane Marchello-Nizia 108 W AGNER , R.L. 1995: Textes d’étude (ancien et moyen français). Éd. renouvelée par Olivier C OLLET , Genève Les scriptae régionales du moyen français Pour l’analyse transversale des sources du DMF * Geoffrey Roger, The University of London Institute in Paris 1. Que savons-nous des scriptae régionales du moyen français? Les études dédiées au moyen français sont relativement peu nombreuses, et peu d’entre elles se préoccupent de la question des scriptae régionales, préférant en général décrire diverses évolutions phonologiques, morphologiques et syntaxiques supposées s’être produites simultanément dans l’ensemble de la francophonie médiévale. Différents spécialistes ont pourtant attiré l’attention sur l’ampleur de la variation régionale observable dans les textes des XIV e et XV e siècles - P OPE 1934: 36; D EES 1985: 10; K RISTOL 1989: 365-67; B URIDANT 2000: 28; L USIGNAN 2012b: 27-92 ; etc. Par ailleurs la variation diatopique est encore souvent envisagée à travers le prisme du fameux «Franzisch»/ «francien», concept développé par H. Suchier et repris par G. P ARIS à la fin du XIX e siècle, et qui a depuis fait l’objet d’une intense critique. Dans l’introduction à leur Dictionnaire du moyen français, A. J. G REIMAS et T. M. K EANE notent par exemple : Le concept de langue change complètement de contenu en passant de l’ancien au moyen français: alors que l’ancien français était un ensemble de dialectes et de patois qui se comprenaient - l’oreille de l’usager étant habituée à faire les homologations nécessaires - et s’interpénétraient souvent, - et alors que le francien de l’Île-de-France n’était qu’un dialecte parmi d’autres, jouissant, il est vrai de quelques privilèges -, le français de notre époque est une langue nationale. (G REIMAS / K EANE 1992: xiii) Quelques années plus tard G. Price observe dans son Encyclopaedia of the Languages of Europe: By the end of the 13 th century, the use in writing of dialects other than francien had been largely (though not entirely) discontinued. The issue was settled by the end of the 14 th c., and the coming of printing (the first press was set up in Paris in 1470 and the first book in French published in 1476), which ensured that all published work in French was in francien, merely reflected and consolidated an already existing state of affairs. (P RICE 1998: 169-70) Enfin C. Marchello-Nizia déclare: Que la base de ces scriptas régionales qui ne se distinguent que par un faible pourcentage de traits nettement régionaux ait été, dès les premiers textes en langue vulgaire qui nous soient * Je suis extrêmement reconnaissant à Andres Kristol, Hans Goebl, Klaus Grübl et Yan Greub d’avoir bien voulu me faire part de leurs suggestions et remarques vis-à-vis du contenu de cet article. Je remercie également de tout cœur les organisateurs de ce colloque, Andres Kristol, David Trotter et Maria Iliescu, de m’y avoir invité. Un grand merci enfin à toute l’équipe du Centre de dialectologie et d’étude du français régional pour son chaleureux accueil. Geoffrey Roger 110 parvenus, ce qu’on nomme traditionnellement le francien, c’est-à-dire sans doute une scripta correspondant plus ou moins au dialecte parlé à Paris, cela s’explique par des raisons politiques essentiellement. (M ARCHELLO -N IZIA 2005: 19-20) Cette dernière citation pose particulièrement problème dans la mesure où l’on y induit une correspondance étroite entre langue écrite et langue orale, ce qui en soi n’a rien d’inconcevable, mais tend à être réfuté par les dernières recherches dans ce domaine - recherches qui par ailleurs contredisent également l’origine francilienne ou «francienne» du processus de dérégionalisation de l’écrit. En outre les trois points de vue qui précèdent exagèrent, à mon avis, le degré de dérégionalisation du moyen français écrit - avec parfois des accents triomphalistes peu appropriés au cahier des charges descriptiviste (C ERQUIGLINI 1991: 114; B ERGOUNIOUX 1989). Que sait-on au juste du rapport entre langue écrite et dialecte oral à cette époque? Et de quel dialecte parle-t-on? Pour C. Marchello- Nizia la correspondance semble établie puisqu’elle évoque «une scripta correspondant plus ou moins au dialecte parlé à Paris». De même selon S. Lusignan: Avant le règne de Philippe VI, la seule instance royale à adresser des lettres en français à l’ensemble de la France fut la prévôté de Paris. Celle-ci adopta le français parisien comme langue exclusive d’écriture à partir des années 1260. […] C’est bien tardivement, entre 1330 et 1350, puis à partir des années 1360 que l’ensemble de l’administration royale parisienne devint un agent de premier plan de la diffusion du français parisien en pays d’oïl» (L USIGNAN 2012a: 149-50 - c’est nous qui soulignons). 2. D’où vient la norme écrite du «français commun»? Il a été démontré, il y a déjà quelque temps, que le français parlé à Paris à cette époque était une koïné qui se distinguait des autres parlers d’Ile-de-France, et donc du supposé «dialecte francien». On ne peut donc parler d’adéquation entre francien d’un côté et parisien de l’autre. Par ailleurs, il n’y a pas à l’heure actuelle de consensus s’agissant d’une correspondance entre la koïné parisienne d’une part, et la scripta qui s’est développée à Paris d’autre part. Certains spécialistes sont d’avis que la scripta de la chancellerie royale serait en effet basée sur cette koïné - c’est la position défendue par A. Lodge: «… the initial source of standardisation was a naturally occurring koine which developed in the speech of the city through large-scale in-migration, and which was subsequently represented in the written language of the city» (L ODGE 2010: 41). Cependant, les récentes recherches de P. Videsott sur la scripta royale au XIII e siècle tendent au contraire à démontrer qu’il s’agissait d’une «langue écrite artificielle», une forme intermédiaire entre différentes scriptae régionales, sans correspondance phonologique ou morphologique avec la koïné parisienne (V IDESOTT 2010: 77). K. Grübl est du même avis, à savoir que: Les processus de nivellement linguistique dont est issu le français standard ont été engendrés au 12 e siècle par l’échange interrégional des manuscrits littéraires (cf. Greub Les scriptae régionales du moyen français 111 2007). Ce n’est qu’à partir de la fin du 13 e siècle que cette variété diatopiquement neutre a trouvé un moule institutionnel stabilisant, en tant que nouvelle ‘langue du roi’ […]. Loin de reproduire littéralement un parler usité dans une seule communauté urbaine du vaste domaine linguistique concerné, le français royal s’inspire d’une longue tradition scriptuaire à base pluricentrique qui se manifeste déjà bien avant le milieu du 13 e siècle, hors du royaume de France (cf. Völker 2003 ; Gleßgen 2008). (G RÜBL 2013: 344). A-t-il existé une «scripta d’Île-de-France», une «scripta de la région parisienne», ou même simplement une «scripta parisienne»? La réponse est non en ce qui concerne le XIII e siècle, si l’on en juge à nouveau par les travaux de K. Grübl: La scripta de la Chancellerie royale ne se confondait pas, au 13 e siècle, avec les scriptae des «lieux d’écriture» mineurs de Paris et de l’Ile-de-France. Il apparait au contraire que la scripta royale tendait à opérer un compromis linguistique d’envergure supra-régionale, tandis que la variété du français employé par les institutions locales était encore plus proche du dialecte parlé en Île-de-France et restait, de ce fait, à l’écart du grand processus de nivellement linguistique en cours. (G RÜBL 2013: 369) Les notaires qui ont élaboré la scripta royale étaient-ils au moins des Parisiens de souche? Apparemment non plus, en tout cas pas au XIV e siècle si l’on en croit S. Lusignan qui a fait un intéressant travail de prosopographie à ce sujet: Sur 45 d’entre eux: 39 viennent des pays d’oïl, deux du pays francoprovençal et quatre des régions occitanes. À l’intérieur du pays d’oïl, on constate que presque toutes les grandes aires dialectales sont représentées. Les régions qui fournissent le plus de notaires sont la Normandie, Paris et ses environs, le nord-ouest de la Bourgogne, la Champagne et les pays picards. On peut penser que ces hommes avaient comme langue maternelle les parlers les plus divers. (L USIGNAN 2004: 140) Faudrait-il donc nous résoudre à bannir les étiquettes du type «langue littéraire de l’Île-de-France» et autre «scripta de la région parisienne»? 1 3. Quel est le degré de dérégionalisation du moyen français écrit? Le moyen français écrit est-il aussi dérégionalisé qu’on a pu l’entendre dire? Il demeurera impossible de répondre avec précision tant qu’on n’aura pas effectué d’analyse quantitative sur les variations graphématiques entre les différents lieux d’écriture à la période du moyen français. On dispose néanmoins de données 1 Je me permets de signaler qu’un certain nombre de sources étiquetées «région parisienne» ou «Île-de- France», dans M ARCHELLO -N IZIA 2005 (7-11), sont en fait localisées ailleurs dans diverses études postérieures ou antérieures. Le Dictionnaire du moyen français (DMF) note par exemple à propos de Bérinus: «Il est donc permis de supposer que le dialecte du poème primitif [bourguignon] a laissé quelques traces dans nos manuscrits, mais que le remaniement en prose fut exécuté dans le Nord de la France, dans une région soumise à l’ensemble des phénomènes picards» (http: / / www.atilf.fr/ dmf/ ). Mes propres travaux sur le manuscrit des Cent nouvelles nouvelles (ms. Glasgow Hunter 252) mettent largement en doute qu’il soit rédigé dans la «scripta d’Île-de-France» (R OGER 2011: 65-115). Cf. aussi les observations de Y. Greub sur le vocabulaire régional dans Le chevalier de la Tour Landry, Maistre Pierre Pathelin, Le franc archier de Baignollet, ainsi que chez Christine de Pisan et Antoine de la Sale (G REUB 2003: 32-39, 302, 374-77). Geoffrey Roger 112 assez précises grâce à C. T. G OSSEN 1967, pour qui le moyen français serait bien une période de dérégionalisation, entamée plus ou moins tôt dans certaines zones, tandis que dans d’autres, particulièrement dans les zones romanes du Saint Empire, il faut attendre le XVII e siècle pour voir les scriptae régionales disparaitre entièrement - phénomène encore confirmé par S. Lusignan dans son récent ouvrage sur le picard (2012a). S. L USIGNAN propose ailleurs (2012b, p. 27- 92) un éclairage sur la distribution chronologique des textes localisés par le Dictionnaire étymologique de l’ancien français. Notons que certains des étiquetages proposés par le DÉAF peuvent reposer sur des indices extralinguistiques, auquel cas un texte étiqueté «pic.», par exemple, pourrait ne rien avoir de picard scriptologiquement parlant - voici toutefois les pourcentages auxquels j’aboutis moi-même, à partir des statistiques extraites par S. Lusignan: : XIV e siècle: 42% XV e siècle: 13,5% XVI e siècle: 5% anglo-normand 15% 3% 0,8% picard 12% 6% 3,5% français central 4% 1,5% __ lorrain 3% 1% __ non-déterminé 58% 86,5% 95% Si ces chiffres corroborent le phénomène de dérégionalisation aux XIV e et XV e siècles, on n’en aurait pas moins tort d’envisager le moyen français comme une langue écrite «standard». On voit certes les textes sans coloration dialectale apparente augmenter en nombre à un rythme soutenu, mais il ne faut pas nécessairement y voir un mouvement d’uniformisation à sens unique - les recherches récentes de K. G RÜBL 2014 sur des chartes de Beauvais semblent en effet confirmer l’hypothèse d’une «régionalisation secondaire» (L ANHER 1986), observable depuis la fin du XIII e siècle jusqu’à la fin du XIV e siècle: Les plus anciennes chartes françaises rédigées à la chancellerie épiscopale de Beauvais sont aussi moins dialectales que celles qui datent des années 1280 à 1380. […] Le fait que les plus anciens textes soient généralement moins dialectaux que les textes plus récents montre d’ailleurs que l’idée d’une régionalisation secondaire des scriptae n’est pas inappropriée en soi. (G RÜBL 2013: 372) Ces observations semblent en outre contredire le point de vue selon lequel la coloration régionale était «admise mais pas recherchée» (C HAURAND 1999: 38), tandis même qu’on semble désormais être d’accord sur le fait que les régionalismes étaient le plus souvent délibérés: «Les rédacteurs opéraient des choix parmi les variantes diatopiques disponibles en fonction de la portée communicative qu’ils souhaitaient attribuer aux documents» (G LESSGEN 2008: 523). De même, S. Lusignan est d’avis qu’«aucune scripta ne s’imposait d’emblée; le choix Les scriptae régionales du moyen français 113 de l’une ou de l’autre relevait manifestement de valeurs attachées à la langue par les auteurs des documents, qu’il s’agisse de personnes ou d’institutions» (L U - SIGNAN 2012a: 183); et qu’enfin « on est tenté de voir dans la persistance des gens du Nord à écrire dans leur propre français, même au Parlement de Paris, une volonté nette d’affirmer leur singularité» (L USIGNAN 2007: 1286). 4. Comment localiser des textes du moyen français sur critères linguistiques? L’exercice demeurera aussi fastidieux que périlleux tant que l’on ne pourra s’appuyer sur aucune analyse quantitative d’envergure, comme l’appelait de ses vœux il y a trente ans déjà A. D EES 1985: 10, et par conséquent, comme l’a déploré S. L USIGNAN : Chaque scripta ne pourra pas toujours être étudiée avec le même degré de précision, car l’étude de la situation de chacune aux XIV e et XV e siècles a donné lieu à très peu de travaux. Un préjugé tenace a laissé croire que l’étude des scriptae ne présentait d’intérêt que pour le XIII e siècle. (2012b: 32) Cette lacune pose de sérieux problèmes méthodologiques et pratiques à quiconque s’aventure à localiser un texte du moyen français sur critères graphématiques. Les études scriptologiques de l’ancien français sont un point de comparaison obligé, mais il faut les utiliser avec beaucoup de précaution puisque les pratiques scribales ont constamment évolué au cours de ces périodes. En effet on peut observer que certains graphèmes très localisés au XIII e siècle, sont par la suite devenus quasiment standard aux XIV e et XV e siècles, pour mieux disparaitre purement et simplement à la Renaissance. C’est pourquoi il faut systématiquement tester les observations sur l’ancien français à la lumière du corpus du moyen français, et pour ce faire le DMF s’avère être un outil de plus en plus utile et utile bien qu’encore insuffisant. Comment pourrait-on donc procéder à une étude quantitative des variations graphématiques en moyen français? À court comme à moyen terme il parait impossible de numériser et d’analyser la totalité des documents de cette période, qui pour notre bonheur, ou notre malheur, se comptent «au kilomètre» pour reprendre une expression de notre collègue D. Trotter. H. Goebl nous a dit ici même que le plus efficace, dans l’immédiat, serait de procéder par sondages, comme l’ont fait nos prédécesseurs J. Gilliéron et E. Edmont pour les dialectes (1902-1910), et comme l’ont déjà entrepris nos collègues S. Lusignan et K. Grübl à Douai (2011), et Beauvais (2014) respectivement. Pour ce faire, les corpus les plus adéquats seraient probablement ceux des administrations municipales, à usage principalement local, dont S. Lusignan a montré le conservatisme graphématique jusqu’à des dates avancées: Dans l’ensemble, tous ces écrits municipaux, chirographes, chartes, cartulaires, comptes et délibérations municipales ont emprunté sans exception le français picard jusqu’aux premières décennies du XV e siècle. Par la suite, le caractère régional de la langue semble Geoffrey Roger 114 s’estomper progressivement selon les lieux d’écriture et selon la nature des documents. Les seules données un peu précises dont nous disposons à cet égard concernent principalement la ville de Douai et accessoirement celle de Valenciennes dont les chirographes portent encore des traits picards à la fin du XV e siècle. (L USIGNAN 2012a: 244-45) Une autre question est de savoir si, en attendant d’avoir collecté assez de fonds pour pouvoir envoyer une armée de scriptologues numériser diverses archives municipales, à travers le Pays d’oïl et bien au-delà, on ne pourrait pas déjà mettre à profit ce qui a déjà été numérisé. Les projets les plus importants dans ce domaine sont le Dictionnaire du moyen français (DMF), la Base de français médiéval (BFM) et l’Anglo-Norman Dictionary (AND) qui couvrent également l’ancien français, et deux plateformes spécifiquement consacrées à deux auteurs prolifiques: Froissart et Christine de Pisan. Le corpus le plus adéquat est très probablement celui du DMF, qui rassemble des attestations tirées de quelque 1756 textes, aussi bien littéraires que scientifiques ou administratifs. On objectera sans doute que la base textuelle du DMF puise dans quelques éditions connues pour leur manque de fiabilité. C’est effectivement une carence majeure, mais en tout état de cause, les éditions fautives en question ont bien plus souvent dérégionalisé que régionalisé les graphies de leurs sources manuscrites. Aussi y a-t-il fort à parier que le corpus nous donne une vision réduite des variations graphématiques en usage. Le DMF a récemment entrepris de prendre par les cornes le problème de la localisation de ses sources, travail de titan actuellement effectué par Y. Greub. Par crainte de «raisonnement circulaire» (C AROLUS -B ARRÉ 1964: LXX ), ce chantier se concentre pour l’instant sur les critères extra-linguistiques; pour autant j’espère montrer ici qu’il est intéressant et essentiel de répertorier les graphies régionales au sein de ce corpus. Je propose donc en annexe un recensement de graphies identifiées dans le corpus du DMF, illustrant la résistance de l’occlusive vélaire issue de [ka] 2 au phénomène de palatalisation qui a affecté les langues d’oïl au sud de la ligne Joret (cf. L EPELLEY 2001). Il faut ici, à nouveau, féliciter Gilles Souvay du DMF pour la performance du lemmatiseur qu’il a mis au point. Ce dernier permet en effet - sous l’onglet «aide à l’édition» - de lister toutes les formes du corpus relevant de mêmes entrées bien qu’écrites différemment (cf. acroquier/ accrocher - forme «qu», lemme «ch»), et ainsi de recenser les variantes graphématiques correspondant à telle ou telle prononciation. Il suffit ainsi, dans la rubrique «aide à l’édition» > «recherche de forme», de chercher les «expressions régulières» relevant de telle «forme» et de tel «lemme» - dans notre cas «forme» q, «lemme» ch (ex. acroquier/ accrocher); «forme» c, «lemme» ch (ex. 2 L’analyse de ce corpus m’aura permis d’observer la conservation de l’occlusive vélaire au sein de séquences [ke], [kɛ] et [ki] (cf. affranquir, crocu, deskirer/ desquirer, enriquir, eskaitiver/ esqu(a)itiv(i)er, esquieu, esquine, esquigner, esquipard, esquiter, esquerpe/ escarpe, evesquié, flique, franquise, quercher, riquesche/ ricoise, rafresquir/ rafreskir, composés en -et(te) etc.), de même qu’à l’intérieur de lexèmes d’usage apparemment régional (cf. acapler, aoquier/ deshoquier, atroquier, avaquer, caillouel, cartillier, casseliere, coquain/ quoquain, coquesne, ducainné, embrunquement, eskai, estequier, hecquier, masquière, masquerie, noquière, raquer, surquer, etc.) Les scriptae régionales du moyen français 115 toucer/ toucher); «forme» k, «lemme» ch (ex. coukier/ couchier). Les listes générées contiennent naturellement beaucoup de bruit (1492 formes pour la seule opposition q - ch), mais une fois le tri effectué il ne reste plus qu’à rechercher les formes potentiellement intéressantes dans les entrées dont elles relèvent. En gardant bien à l’esprit toutes les précautions de rigueur dans ce type d’exercice 3 , la détection de tels graphèmes dans une source donnée peut fournir des indices aussi bien sur la provenance/ les attaches géographiques du scribe ou de l’auteur (Picardie, Normandie, Angleterre - voire même Pays d’oc, Bretagne bretonnante, etc., cf. B RUN -T RIGAUD / L E B ERRE / L E D Û 2005: 44, 71, 164, 165, 214, 215, 220-222, 226), que sur le pouvoir de diffusion de ces graphèmes au-delà de leur terroir d’origine. Pour le vocabulaire de type religieux ou technique on ne peut bien-sûr écarter l’hypothèse d’un latinisme ou d’une spécialité régionale importée. On sait par ailleurs que les scribes picards notaient parfois les affriquées au moyen d’un simple -c- (sacent < SAPIANT , aproce < APPROPIAT , reproce < * REPROPIAT , hace < fq. * HAPJA ; cf. G OSSEN 1970: 91-92), ce qui complique immanquablement l’interprétation graphème-phonème. Dans tous les cas de figure il demeure indispensable, pour une bonne compréhension des mécanismes de dérégionalisation du français, d’analyser la concurrence opposée au futur graphème standard, qui plus est quand des prononciations divergentes sont en jeu. Le recensement qui suit concerne plus de 2 200 formes attestées dans quelque 464 sources entre 1324 et 1502. Ces sources étant rarement datées avec certitude ou exactitude, il est impossible de déterminer précisément la distribution chronologique de nos attestations, dont voici toutefois un aperçu: 3 Cf. H ENRY 1972: 229-55. 0 100 200 300 400 500 600 700 1330-1339 1340-1349 1350-1359 1360-1369 1370-1379 1380-1389 1390-1399 1400-1409 1410-1419 1420-1429 1430-1439 1440-1449 1450-1459 1460-1469 1470-1479 1480-1489 1490-1499 Geoffrey Roger 116 Évidemment, ce graphique serait plus parlant s’il y figurait également les chiffres correspondant aux graphies -ch-, que par manque de temps je n’ai pu recenser dans le corpus. Néanmoins les résultats confirment qu’il est incorrect d’envisager le moyen français, y compris en ce qui concerne le XV e siècle, comme une «langue standard». De fait, les attestations du graphème à l’étude s’avèrent sensiblement plus nombreuses au XV e qu’au XIV e siècle - 53% contre 47% environ - quoique ce chiffre soit en grande partie dû au Livre IV des Chroniques de Jean Froissart. Loin d’être à même de localiser de façon catégorique les sources dont elles proviennent, les attestations recensées fournissent néanmoins des indices - qu’il appartient de corroborer au cas par cas auprès des documents originaux - permettant à terme de confirmer la localisation de certaines sources, de localiser des sources de provenance non-renseignée 4 , voire de pondérer des diagnostics préexistants 5 . Pour faciliter la chose il convient maintenant de se livrer au même exercice sur d’autres variantes vocaliques ou consonnantiques (p. ex. l’affriquée normanno-picarde - chelui, chils, chiertain, chinq, chinquante, chité, eloquenche, garchon, ichi, plache, pestilenche, etc.), dont les attestations permettraient de recouper les indices présentés ici, et à terme de publier une base de données dédiée aux variantes phonoet morpho-graphématiques du corpus numérique. J’espère toutefois avoir montré ici que le lemmatiseur du DMF se prête efficacement à l’analyse transversale des variations phonoet morpho-graphématiques au sein de son corpus, et qu’il constitue un outil à fort potentiel pour qui 4 Ami Amile A.; C HART ., E. Dames; Chir. chevaux P.; Comptes écurie Ch. VI, B., t.2; Curial B.-H.; C UVELIER , Chans. Guescl. F.; Garin Lorr. M.; Gaut. Mart. A.; God. Bouillon R.; G ORDON , Prat.; G RUEL , Chron. Richemont L., Pièces justif; H EMRICOURT , Guerres Awans B.; Hern. Beaul. D.B.; Hist. seign. Gavre S.; J EAN LE L ONG , Voy. Odoric A.M; Jen. filz de rien T; L E B EL , Chron. V.D.; L ESEUR , Hist. Gast. IV, C.; Mand. Ch. V, D.; Mandel. T.; M ANDEVILLE , Lap. M.; M ARTIN LE F RANC , Champion dames I-II, P.; M ARTIN LE F RANC , Champion dames D., t.3; M ESCHIN ., Vingtcinq ball. K.; M ÉZIÈRES , Songe vieil pèl. C.; M ÉZIÈRES , Sustance H.; M ÉZIÈRES , Test. G.; M ÉZIÈRES , Vertu sacr. mar. W.; M ICHEL , Myst. Pass. J.; M OLINET , Chron. 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B.B.; H EMRICOURT , Patron Temp. B.; Invent. N. Baye T.; J EAN D ’O UTREM ., Geste Liège B.B.; J EAN D ’O UTREM ., Myr. histors B.B.; J UV . U RS ., Aud. Celi; L A S ALE , Salade; L A S ALE , Sale D.; L A V IGNE , Compl. roy Bazoche M.R.; L A V IGNE , Munyer T.; L A V IGNE , S.M.; L E C LERC , Interp. Roye; M ESCHIN ., Lun. princes M.-G.; Mét. corp. Paris; Mir. chan.; Myst. siège Orléans H.; Myst. st Martin K.; Myst. st Sébast. M.; R ÉGN ., F.A.; R OBERTET , Œuvres Z.; S IMON DE P HARES , Astrol; T AILLEV ., Moral. D.; T AILLEV ., Songe thois. D.; Terre Jauche D.; Test. Parlem. Paris T.; V ILLON , Poèmes variés R.H.; Voy. Jérus. Les scriptae régionales du moyen français 117 s’intéresse à la scriptologie, la dialectologie historique, la normativisation, voire même la sociolinguistique historique du français. 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Paris (vol. 1 [1869]: 1307-40; vol. 2 [1870]: 1340-42; vol. 3 [1872]: 1342-46; vol. 4 [1873] 1346-56; vol. 5 [1874]: 1356-60; vol. 6 [1876]: 1360-66). P ETY 1940 = P ETY , A. (ed.) 1940: La Voie d’Enfer et de Paradis. An Unpublished Poem of the Fourteenth Century by Jehan de le Mote, Washington 1940 Q UEUX / R AYNAUD 1878-1901 = Q UEUX DE S T -H ILAIRE , A.-H.-É. DE / R AYNAUD , G. (ed.) 1878-1901: E USTACHE D ESCHAMPS , Œuvres complètes. 10 vol., Paris R AM 1854-60 = R AM , P. F. X DE (ed.) 1854-60: E DMOND DE D YNTER , Chronique des ducs de Brabant. Publ. avec des notes et l’ancienne trad. française de Jehan Wauquelin, 3 vol., Bruxelles R AYNAUD 1888-99 = R AYNAUD , G. (ed.) 1888-99: J EAN F ROISSART , Chroniques, Deuxième livre, Paris (vol. 9 [1888]: 1377-80; vol. 10 [1897]: 1380-82; vol. 11 [1899]: 1382-85) T ISSIER , A. (ed.) 1986-2000: Recueil de farces (1450-1550), 13 vol., Genève V ILEVAULT / B RÉQUIGNY 1777 =V ILEVAULT , L.-G. DE / B RÉQUIGNY , L.G. (ed.) 1777: Ordonnances des rois de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique, vol. 12, Contenant un supplément depuis l’an 1187, jusqu’à la fin du règne de Charles VI. Paris 1. c.1300-50 [p.1478] Sept péchés C. 1 ascars/ escarche (fr. eschars): p. 206, 237. carnalité (fr. charnalité): p. 223. casté (fr. chasté): p. 218. escarnir (fr. écharnir): p. 216. 2. 1324, Arch. Nord, B 4026 2 cascun(e) (fr. chacun): f° 80, 81. 1 Moralité des sept péchés mortels et des sept vertus, in: C OHEN G. (ed.) 1953: Nativités et moralités liégeoises du moyen-âge. Publiées avec une introduction et des notes d’après le ms. 617 du Musée Condé à Chantilly (Oise), Bruxelles: 205-48. 2 R OQUES , M./ L ECOY , F. (ed.) 1936-68: Archives du Nord. Documents extraits des Archives départementales du Nord par l’Inventaire Général de la Langue Française (I.G.L.F.), Paris. 3. c.1325-50, Chir. chevaux P. 3 cercier (fr. chercher): p. 373. 4. 1326-31, Comptes Mons P., t.1 4 candillon (fr. chandellon): p. 264. cantuaire (fr. chantuaire): p. 244. caudrelach (fr. chaudrelac): p. 249. 5. 1328-42, Renart contref. R.L., t.1 5 caiel (fr. chaël): p. 142. 3 P RÉVOT , B. (ed.): La Cirurgie des chevaux, in: P RÉVOT , B./ R IBÉMONT , B. 1994: Le cheval en France au Moyen Âge, Orléans: 363-404. 4 P IÉRARD . C. (ed.), 1971: Les plus anciens comptes de la ville de Mons, 1279-1356, vol. 1, Bruxelles. 5 R AYNAUD , G./ L EMAÎTRE , H. 1914: Le Roman de Renart le Contrefait, Paris. Geoffrey Roger 120 capple, caplement (fr. chaple, chapelement): p. 113, 190. toucer (fr. toucher): p. 4. 6. 1328-42, Renart contref. R.L., t.2 caux (fr. chauve): p. 128. chercer (fr. chercher): p. 112. cordonnereul (fr. chardonneruel): p. 193. descerger (fr. décharger): p. 140. rassacquier (fr. rassachier): p. 101. toucer: p. 147. 7. 1330, Cartul. Flines H., t.2 6 menkaudée (fr. menchaudée): p. 515. 8. 1330, Comptes Mons P., t.1 cauchaige, caucheteur (fr. chaussage, chausseteur): p. 360, 361. 9. 1330-31, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 7 cloke (fr. cloche): p. 117. 10. c.1330-31, G UILL . D IGULL ., Pèler. vie hum. S. 8 abroquer (fr. abrocher): p. 163. bosqueillon/ bosqueron (fr. bûcheron): p. 300. cauquetrepe (fr. chausse-trappe): p. 223. cloqueter, cloqueterie, cloquetement (fr. clocheter, clochetterie, clochettement): p. 110 desacer (fr. désacher): p. 54. rebouquier (fr. reboucher): p. 238. 11 c. 1330-50, Dit prunier B. 9 alequier (fr. allécher): p. 64. caloir (fr. chaloir): p. 53, 57. 6 H AUTCOEUR , É. (ed.) 1874: Cartulaire de l’abbaye de Flines, vol. 2, Lille. 7 E SPINAS , G./ P IRENNE , H. (ed.) 1920: Recueil de documents relatifs à l’histoire de l’industrie drapière en Flandre. 1 re partie: Des origines à l’époque bourguignonne, vol. 3 (La Gorgue - Ypres), Bruxelles [localisation: documents provenant surtout des Flandres]. 8 S TÜRZINGER J. J. (ed.) 1893: G UILLAUME DE D IGULLEVILLE , Le Pelerinage de vie humaine, London [Localisation: auteur né à Digulleville (Cotentin), entré jeune à l’abbaye cistercienne de Chaalis (Oise). Son lexique semble avoir des rapports avec ces deux lieux (G REUB 2003: 376)]. 9 B ADEL , P.-Y. (ed.) 1985: Le Dit du prunier. Conte moral du Moyen Âge. Genève [localisation: Hainaut, «sous toutes réserves» (G. R OQUES , RLiR 1986: 294)]. canger (fr. changer): p. 75. canter (fr. chanter): p. 48, 66, 69, 81. cascun: p. 53. castagne (fr. châtaigne): p. 80. castier (fr. châtier): p. 85. cauche, cauchier (fr. chausse, chausser): p. 49, 55, 57, 58. cavelure (fr. chevelure): p. 49. enquerqu(i)er (fr. encharger): p. 74, 75, 86. escaper (fr. échapper): p. 87. esquernir (fr. écharner): p. 55. masquier (fr. mâcher): p. 54, 61. queval (fr. cheval): p. 49, 57. quief, coeuvrequiez (fr. chef, couvre-chef): p. 87, 61. tresqueie (fr. trescherie): p. 51. 12. c.1330-1400, Flor. Rome W. 10 acater (fr. acheter): p. 246. afficquier (fr. afficher): p. 154. cacher (fr. chasser): p. 199. calant (fr. chaland): p. 141. ghasquiere (fr. jachère): p. 232. queminée (fr. cheminée): p. 145. 13. 1331 Chirogr. tournais. R 11 cascun: p. 48. 14. 1332 Vie urbaine Douai E., t.4 12 cascune: p. 221. 15. 1332-33, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 cascun: p. 29. 16. 1333, Arch. Nord, cascun(e): B 13598, f° 92 v°, 93. 17. 1333, Hist. dr. munic. E., t.3 13 10 W ALLENSKÖLD A. (ed.) 1909): Florence de Rome. Chanson d’aventure du premier quart du XIII e siècle, vol. 1, Paris: 131-280 [localisation: Île-de-France ou Champagne occidentale (éd. p. 77). Ms.: lorrain]. 11 R UELLE , P. (ed.) 1962: Trente et un chirographes tournaisiens (1282-1366), Bulletin de la Commission royale d’histoire 128: 44-60 [localisation: Tournai (éd. p. 3)]. 12 E SPINAS , G. (ed.) 1913: La vie urbaine de Douai au Moyen Âge, vol. 4, Pièces justificatives: XIV e siècle, tableaux et planches. Paris: 208-768. 13 E SPINAS , G. (ed.) 1943: Recueil de documents relatifs à l’histoire du droit municipal en France des origines à la Révolution. Artois, vol. Les scriptae régionales du moyen français 121 cauchiage (fr. chaussiage): p. 360. 18. 1334, Comptes Mons P., t.1 staufike (fr. étanfiche): p. 427. 19. 1335, Comptes Mons P., t.1 cambriele (fr. chambrelle): p. 445. caucheteur: p. 448. 20. Doc. 1335. Observations sur l’échevinage de la ville d’Arras, 62, n° 4, 1864 cascun: p. 161 21. 1335, Hist. dr. munic. E., t.1 14 catel (fr. chateau): p. 325. 22. 1336, Comptes Mons P., t.1 sakie (fr. sachée): p. 462. 23. 1336, Vie urbaine Douai E., t.4 cascun p. 239. 24. 1336-1337, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 rencauchier (fr. renchausser): p. 30. 25. 1337, Comptes Mons P., t.1 jonkement (fr. jonchmnt): p. 472. 26. c.1337-39, Tomb. Chartr. Dix-huit contes K. 15 aquanter (fr. achanter); p. 63. caraudiere (fr. charaudière): p. 22. caroigne (fr. charogne): p. 103. escaucher (fr. échaucirer): p. 252. 27. a.1338, B RIS ., Restor paon D. 16 ataquier (fr. attacher): p. 133. caieller (fr. chadeler): p. 111. camp (fr. champ): p. 66. cascun(e): p. 80, 87, 103, 120, 132. 3, Labroye-Wavans. Supplément, Paris [localisation: documents de provenance diverse]. 14 E SPINAS , G. (ed.) 1934: Recueil de documents relatifs à l’histoire du droit municipal en France des origines à la Révolution. Artois, vol. 1, Artois-Audruicq, Paris. 15 S ANDQVIST , S. (ed.) 1982: Trois contes français du XIV e siècle tirés du recueil intitulé Le Tombel de Chartrose, Stockholm [localisation: «langue influencée par les parlers de l’Ouest et plus particulièrement par le normand» (G. R O - QUES , RLiR 1982: 502). Ms. de base Avranches 244, caractère normand (éd. p. 70)]. 16 D ONKIN , E. (ed.) 1980: J EAN B RISEBARE , Li Restor du paon, London [localisation: Douai (éd. p. 7)]. decair (fr. déchaïr): p. 95. defoukier: p. 116. rekierkier (recharger): p. 103. 28. 1339, J EAN DE LE M OTE , Regr. Guill. S. 17 akieveur (fr. acheveur): p. 23. cascun: p. 19. couker (fr. coucher): p. 83. desacer (fr. désacher): p. 95. fourcier (fr. fourcher): p. 84. 29. a.1340 B RIS ., Plait Ev. Dr. K. 18 dekeir (fr. déchoir): p. 65. 30. 1340, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 cariage (fr. charriage): p. 775. cascun: p. 298. escantillon (fr. échantillon): p. 296. kierté (fr. cherté): p. 299. 31. 1340, J EAN DE LE M OTE , Voie d’enfer P. 19 cachie, cachieus (fr. chassie, chassieux): p. 72, 137. cascun(e): p. 81, 83, 106. cauffer (fr. chauffer): p. 142. noncalieux (fr. *nonchalieux): p. 73. 32. 1341, Clos galées Rouen M.-C., t.1 20 caienne (fr. chaîne): p. 159. 33. c.1342-83, Hist. chron. Flandres K., t.1 21 arce (fr. arche): p. 205. careton (fr. charreton): p. 391. 17 S CHELER , A. (ed.) 1882: , J EAN DE LE M OTE , Li Regret Guillaume, comte de Hainaut. Poème inéd. du XIV e siècle, Louvain [localisation: probablement Hainaut; cf. P ETY 1940: 4; C AREY 1972: 34; G RENTE 1992: 806). Vêtement linguistique: picard], 18 K JAER , J. (ed.) 1977, J EAN B RISEBARE , Le Plait de l’evesque et de droit. Éd. crit. du ms. ancien fonds royal n° 2061-4° de la Bibliothèque royale de Copenhague, København [localisation: Douai (éd. p. 13-16)]. 19 J EAN DE LE M OTE , La Voie d’enfer et de paradis, éd. P ETY 1940. [localisation cf. N23]. 20 C HAZELAS , A. (ed.) 1977: Documents relatifs au clos des galées de Rouen et aux armées de mer du roi de France de 1293 à 1418, vol. 1, Paris: 122-345 [localisation: documents de provenance diverse, surtout de Haute-Normandie.]. 21 K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1879: Istore et croniques de Flandres, vol. 1, Bruxelles [localisation: Flandres, peut-être plus précisément Saint-Omer (éd. p. III )]. Geoffrey Roger 122 caure (fr. chaure): p. 66. escargaittier (fr. échauguetter): p. 96. porquerie (fr. porcherie): p. 245. 34. c.1342-83, Hist. chron. Flandres K., t.2 22 banclocque (fr. bancloche): p. 93. canesie (fr. chanoisie): p. 432. carton (fr. charreton): p. 363. cascun: p. 363. 35. 1343, Comptes Mons P., t.1 carbeniere (fr. charbonnière): p. 777. 36. 1344, Drap. Valenc. E. 23 cascun(e): p. 267, 269, 273, 275, 278, 286, 293, 301, 302, 307, 313. deskierkier (fr. décharger): p. 268. kevalet (fr. chevalet): p. 274. markiet (fr. marché): p. 269. pourkach (fr. pourchas): p. 267. saker (fr. sacher): p. 308. scanche (fr. échange): p. 304. 37. 1344, Hist. Lille T., t.2 24 banclocque (fr. bancloche): p. 404. 38. 1345, Ordonn. rois Fr. L.S., t.2 castelage (fr. chastelage): p. 230. 39. 1345, Vie urbaine Douai E., t.4 cascun: p. 291. 40. Doc. 1346 D OUTREPONT 25 eskamiau (fr. eschamel): p. 130. 41. 1346, Trés. Reth. S.L., t.2 26 capellenie (fr. chapellenie): p. 42. 1346 Vie urbaine Douai E., t.4 cascun: p. 303. 22 Chroniques anonymes, BnF ms. 10143 (extraits), in: K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1879: Istore et croniques de Flandres, vol. 2: 535-46 [localisation: inconnue]. 23 E SPINAS , G. (ed.) 1931: Documents relatifs à la draperie de Valenciennes au moyen âge, Paris/ Lille [localisation: Valenciennes]. 24 T HOMAS , P. (ed.) 1936: Textes historiques sur Lille et le Nord de la France avant 1789 (imprimés et inédits), Paris/ Lille [localisation: les documents proviennent surtout des Flandres]. 25 D OUTREPONT , C. (1900), «Chartes tournaisiennes du XIV e siècle», ZFSL 22: 90-136. 26 S AIGE , G./ L ACAILLE , H. (ed.) 1904: Trésor des chartes du comté de Rethel, vol. 2 (1329- 1415), Monaco. 43. 1347, Hist. dr. munic. E., t.1 cascune: p. 362. cloque: p. 362. 44. c.1347-53, G ILLES LE M UISIT , Poésies K., t.1 27 cascun: p. 16. enarker (fr. enarcher): p. 146. esclenkier (fr. esclenchier): p. 368. fourcer (fr. fourcher): p. 283. marcander (fr. marchander): p. 302. 45. c.1347-53, G ILLES LE M UISIT , Poésies K., t.2 28 escappurielle (fr. échappurelle): p. 275. 46. c.1349-50, Dame Lycorne G. 29 calengier (fr. challenger): p. 195. 47. 1350, Bât. Bouillon C. 30 campion (fr. champion): p. 218. canger: p. 77, 184. carbon (fr. charbon): p. 218. desquerquier: p. 198. quarin (fr. charrin): p. 10. quetivison (fr. chétivaison): p. 198. koiseour (fr. *choiseur): p. 177. 48. c.1350 Abavus IV, R. 31 27 K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1882: Poésies de Gilles li Muisis, publiées pour la première fois d’après le manuscrit de Lord Ashburnham, vol. 1, Louvain [localisation: Tournai]. 28 K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1882: Poésies de Gilles li Muisis, vol. 2, Louvain [localisation: cf. N33]. 29 G ENNRICH , F. (ed.) 1908: Le Romans de la Dame a la lycorne et du biau chevalier au lyon, Dresden [localisation: Beauvais (éd. p. 82)]. 30 C OOK , R. F. (ed.) 1972: Le Bâtard de Bouillon. Chanson de geste, Genève [localisation: probablement dans la région de Valenciennes (éd. p. LX ), Langue apparentée à toutes les chansons de geste «franco-picardes» du XIV e siècle (éd. p. LXIII ). Vêtement linguistique: scripta francopicarde). 31 R OQUES , M. (ed.) 1936: «Abavus, Glossaire de Paris (manuscrit de Paris, B.N., lat. 7692)», in: Recueil général des lexiques français du moyen âge (XII e -XV e siècle), vol. 1, Lexiques alphabétiques, Paris: 241-520 [localisation: peut-être Normandie (éd. p. 28; FEWBeih). Manuscrit: Nord («sans coloration dialectale très marquée, le manuscrit paraît originaire du nord de la France» (éd. p. XX )]. Les scriptae régionales du moyen français 123 acalir (fr. achalir): p. 268. ercal (fr. archal): p. 262. 49. c.1350, A RKEL , Art d’amour P., t.1 caurre (fr. chaure): p. 469. escaufure (fr. échauffure): p. 168. 50. c.1350, Baud. Sebourc B., t.1 32 akiever (fr. achever): p. 203. caingnon (fr. chaignon): p. 20. carmin (fr. charmin): p. 364. carniere (fr. charnière): p. 58. cascun(e): p. 40, 57, 81, 131, 154, 327. castaigne: p. 182. caudel, caudrelee (fr. chaudeau, chaudrelée): p. 126, 165. cazement (fr. chasement): p. 38. cochir (fr. choisir): p. 307. esquille (fr. échelle): p. 44. kaisne (fr. chêne): p. 142. kaisne (fr. chaîne): p. 143. kanne (fr. chane): p. 206. kien (fr. chien): p. 340. kievre (fr. chèvre): p. 277. mesquans (fr. méchant): p. 142. quaiel (fr. chaël): p. 38. quavelu (fr. chevelu): p. 331. 51. c.1350, Baud. Sebourc B., t.2 33 caple (fr. chaple): p. 165. carin (fr. charrin): p. 239, 289. carpentement: p. 164. caurreur (fr. chaureur): p. 59. 52. c.1350, Belle Hélène Const. R. 34 acarier (fr. acharrier): p. 611. caple: p. 150. cascun: p. 379. cunquier (fr. conchier): p. 163. encaus: (fr. enchaus) p. 467. fourque (fr. fourche): p. 316. 32 B OCA , L.N. (ed.) 1841: Li Romans de Bauduin de Sebourc III e roy de Jhérusalem. Poëme du XIV e siècle, vol. 1, Valenciennes [localisation: région autour de Valenciennes (cf. L ABANDE 1940: 66-69)]. 33 B OCA , L.N. (ed.) 1841: Li Romans de Bauduin de Sebourc III e roy de Jhérusalem. Poëme du XIV e siècle, vol. 2, Valenciennes [localisation: cf. N38]. 34 R OUSSEL , C. (ed.) 1995: La Belle Hélène de Constantinople, chanson de geste du XIV e siècle, Genève [localisation: Hainaut (éd. p. 96). Ms: pic.] quienchon (fr. chiençon): p. 400. 53.c.1350, Lion Bourges K.P.F. 35 caisser/ quaisser (fr. chaser): p. 129, 921, 996. callemel (fr. chalumeau): p. 500. candillon: p. 134. carin: p. 114. carné (fr. charné): p. 716. couquier (fr. coucher): p. 510, 522. deleccer (fr. délécher): p. 16. enquier (fr. déchoir): p. 859 escargaiter: p. 823. estanquer (fr. étancher): p. 505. quarmin (fr. chemin): p. 31. quaviaulx (fr. cheveux): p. 170. quetis (fr. chétif): p. 899. queyr (fr. choir): p. 601, 897. tresque/ trisque (fr. tresche): p. 753, 1025. 54. c.1350, Tristan Nant. S. 36 casser, cassement (fr. chaser, chasement): p. 352, 356. quaagnon (fr. chaignon): p. 673. 55. c.1350-70, Bérinus, I 37 calenger, escalenger: p. 159, 369. escachier (fr. échassier): p. 51, 52. mecance (méchance): p. 394. 56. 1350-75, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 cloke: p. 331. 57. 1350-90, M ANDEVILLE , Lap. M. 38 57. encacher, decachyer (fr. enchasser, déchasser): p. 178, 181. 35 K IBLER , W.W/ P ICHERIT , J.-L. G./ F ENSTER , T. (ed.) 1980: Lion de Bourges, poème épique du XIV e siècle, 2 vol., Genève [localisation: peut-être Tournai (éd. p. CXIX ); «un exemple de picard littéraire» (éd. p. CXVIII ). Ms.: lorrain (G. R OQUES 1986, TraLiLi. 24: 239)]. 36 S INCLAIR , K. V. (ed.) 1971: Tristan de Nanteuil, Assen. 37 B OSSUAT , R. (ed.) 1931: Bérinus, roman en prose du XIV e siècle, Paris [localisation: «le dialecte du poème primitif (bourguignon) a laissé quelques traces dans nos manuscrits, mais […] le remaniement en prose fut exécuté dans le Nord de la France, dans une région soumise à l’ensemble des phénomènes picards» (éd. p. L ]). 38 J EAN DE M ANDEVILLE , Lapidaire du ms. Chantilly 699, in: M OURIN , L. (ed.), 1955: Les Lapidaires attribués à Jean de Mandeville et à Jean à la Barbe, Louvain: 172-86. Geoffrey Roger 124 58. 1350-1400, Hern. Beaul. D.B. 39 carriere (fr. charrière): p. 63. 59. c.1350-1400, Renaut Mont. B.N. V. 40 broque, broquer (fr. broche, brocher): p. 836. canceler (fr. chanceler): p. 524. carme/ carne (fr. charme): p. 369, 788. carpentier (fr. charpentier): p. 552. cunquier (fr. conchier): p. 906. deffoukier/ deffauquier (fr. desfouchier): p. 578, 674. destaquer (fr. détacher): p. 602. encanteler (fr. enchanteler): p. 839. escameau (fr. eschamel): p. 870. keier (fr. choir): p. 546. 60 c.1350-1400, Ren. Gennes D.B. 41 calengier: p. 111. 61. c.1350-1400, Vie st Eust. 1 P. 42 caucher: p. 139. hucier (fr. hucher): p. 166. 62. c.1350-1413, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 cascun: p. 326. escanteillon (fr. échantillon): p. 329. 63. 1351, J EAN L E L ONG , Voy. Odoric A.M. 43 resacquer (fr. resacher): p. 54. 64.1351, Vie urbaine Douai E., t.4, cateus (fr. château): p. 333. 65. 1352, Arch. Nord faucquage (fr. fauchage): B 15271, f° 44. 66. 1352-56, LE B EL , Chron. V.D., t.1 44 39 D OUGHERTY , D. M./ B ARNES , E. B. (ed.) 1966: H ERNAUT DE B EAULANDE , La Geste de Monglane, Eugene, 1-86. 40 V ERELST , P. (ed.) 1988: Renaut de Montauban. Édition critique du manuscrit de Paris, BnF fr. 764 (R), Gent. 41 D OUGHERTY , D. M./ B ARNES , E. B. (ed.) 1966: R ENIER DE G ENNES , La Geste de Monglane, Eugene: 87-117. 42 P ETERSEN , H. (ed.) 1925: Deux versions de la vie de saint Eustache en vers français du moyen âge, 1: Helsingfors: 136-68. 43 A NDREOSE , A./ M ÉNARD , P. (ed.) 2010: J EAN L E L ONG , Le Voyage en Asie d’Odoric de Pordenone traduit par Jean le Long. Iteneraire de la Peregrinacion et du voyaige (1351), Genève. cachier: p. 74. 67. 1353, Arch. Nord sakeur (fr. sacheur): B 11660, f° 6. 68. 1353-98, H EMRICOURT , Miroir Hesb. B.B. 45 askarse (fr. echars): p. 412. canonesse (fr. chanoinesse): p. 164. conesquevin (fr. conéchevin): p. 88. dekachier: p. 135. discange/ diskange (fr. deschange): p. 82, 163. encarger: p. 368. skaker (eschasser): p. 400. 69. 1354, H ENRI L ANC ., Seyntz medicines A. 46 cacchepull (fr. chacepol): p. 123. cancre (fr. chancre): p. 184. saker (fr. sacher): p. 50, 67, 105. 70. c.1354-77, H ENRI F ERR ., Modus et Ratio, Songe pest. T. 47 canole (fr. chanole): p. 181. carauderesse (fr. charauderesse): p. 160. cauquier (fr. chaucher/ caucher 48 ): p. 39. queville (fr. cheville): p. 286. 71. c.1354-77, H ENRI F ERR ., Modus et Ratio, Livre deduis T. 49 capé (fr. chapé): p. 175. caraut (fr. charaut): p. 144. carboniere (fr. charbonnière): p. 24. 44 V IARD , J./ D ÉPREZ , E. (ed.) 1904: J EAN LE B EL , Chronique, vol. 1, Paris [localisation: Liège]. 45 B ORMAN , C. DE / B AYOT , A. (ed.) 1910: J ACQUES DE H EMRICOURT , Le Miroir des nobles de Hesbaye, in: I D ., Œuvres, vol. 1, Bruxelles: 1- 486 [localisation: Liège]. 46 A RNOULD , E.J. (ed.) 1940: Le Livre de seyntz Medicines. The unpublished devotional treatise of Henry of Lancaster. Oxford [localisation: Angleterre: anglo-normandismes et emprunts à l’anglais]. 47 T ILANDER , G. (ed.) 1932: H ENRI DE F ERRIÈ - RES , Les Livres du roy Modus et de la royne Ratio, vol. 2, Paris [localisation: Normandie (éd. p. l)]. 48 Cf. F OUCHÉ 1961: 556-57 pour les cas de conservation de la palatale en français central. 49 T ILANDER , G. (ed.) 1932: H ENRI DE F ER - RIÈRES , Les Livres du roy Modus et de la royne Ratio, vol. 1, Paris [localisation cf. N53]. Les scriptae régionales du moyen français 125 cardonnai, cardonnette, cardonnereul (fr. chardonnoi, chardonnette, chardonnereul): p. 283, 285. cloqueter: p. 305. entrecacher (fr. entrechasser): p. 289. jouquier (fr. jucher): p. 51, 134. quenillier (fr. chenilier): p. 99. quesne (fr. chêne): p. 296. quevillier (fr. cheviller): p. 291. 72. a.1355, Bat. Angl. Bret. B. 50 cenel (fr. chêneau): p. 62. 73. 1355, Arch. Nord candillon: B 11665, f° 4. 74. 1355, Clos galées Rouen M.-C., t2 51 caudiere (fr. chaudière): p. 144. 75. 1356, Hist. dr. munic. E., t.1 cascun: p. 351, 353, 355. cauchie (fr. chaussée): p. 347. esquevinaige (fr. échevinage): p. 349. 76. c.1356, Chev. cygne P. 52 akoucier (fr. accoucher): p. 67. cascun: p. 18, 96. cause (fr. chausse): p. 44. cunckiier (fr. conchier): p. 116. desquierkier: p. 67. destacquier: p. 67. kaieler (fr. chaeler): p. 101. kiencon (fr. chiençon): p. 14. 77. c.1356, Flor. Octav. L., t.1 53 50 B RUSH , H.R. (ed.) 1912-13: La Bataille de trente Anglois et de trente Bretons. Modern Philology 10: 82-115 [localisation: prob. Bretagne (Modern Philology 9 (1911-12): 542)]. 51 M ERLIN -C HAZELAS , A. (ed.) 1978: Documents relatifs au clos des galées de Rouen et aux armées de mer du roi de France de 1293 à 1418, vol. 2, Paris: 122-345 [localisation cf. N.26]. 52 P UKATZKI , G. C. (ed.) 1971: Le Chevalier au cygne. The 14th century revision as preserved in Brussels MS. 10391 and Lyon MS. 744, Thèse Univ. of Alabama [localisation: Picardie (G. Roques), ms. R: picard, manuscrit L: francien (éd. p. XXVII et XXXIII )]. 53 L ABORDERIE , N. (ed.) 1991: Florent et Octavien, chanson de geste du XIV e siècle, vol. 1, Paris: 3-382, v. 1-11989 [localisation: picard épique de la seconde moitié du XIV e siècle (G. R O - QUES , ZRPh. 110 (1994), 549). Le ms. de base, «assez clairement originaire du quart S.-O. du domaine d’oïl», tente d’enlever ces traits régiocamois (fr. chaumois): p. 329. caplisson (fr. chaploison): p. 276. quaignon (fr. chaignon): p. 295. quarrin (fr. charrin): p. 310. queoir: p. 343. quienchonnet (fr. chiençonet): p. 37. encarcher: p. 110. 78. c.1356, God. Bouillon R., t.2 54 aficquier (fr. afficher): p. 258. bretesquier (fr. bretécher): p. 454. broucque (fr. broche): p. 496. cambre (fr. chambre): p. 51. campyer (fr. champier): p. 84. caple: p. 108. capleis (fr. chaplis): p. 271. carbon: p. 156. carnelé (fr. charnelé): p. 17. carpenter: p. 374. cascun: p. 37, 79. cauchin (fr. chaucin): p. 270. cauderlier (fr. chaudrelier): p. 212. desquierquer: p. 272. escaffaut (fr. échafaud): p. 14. eskangement (fr. échangement): p. 127. esquallon (fr. échelon): p. 133. esquiecquier (fr. échiquier): p. 15. ficquier (fr. ficher): p. 459. kanole (fr. chanole): p. 366. karin (fr. charrin): p. 155. kauche: p. 435. quassement (fr. chasement): p. 245. quauche (fr. chausse): p. 515. queménée (fr. cheminée): p. 505. 79. c.1356, God. Bouillon R.B., t.3 55 acater: p. 168. aquiever (fr. achever): p. 110. bouce (fr. bouche): p. 30. camborie (fr. chambrerie): p. 304. campyer: p. 194. naux picards, et introduit des traits occidentaux; les deux autres manuscrits sont picards, et introduisent certains picardismes (ibid.)]. 54 R EIFFENBERG , F. A. F. T. DE (ed.) 1848, Godefroy de Bouillon, in: I D . Le chevalier au cygne et Godefroid de Bouillon, vol. 2, Bruxelles: 3-536 [localisation: auteur liégeois, selon G RÖBER , Gr. II/ 1: 814]. 55 R EIFFENBERG , F. A. F. T. DE / B ORGNET , A. (ed.) 1854: Godefroy de Bouillon, in: I D . Le chevalier au cygne et Godefroy de Bouillon, vol. 3, Bruxelles: 3-516 [localisation cf. N60]. Geoffrey Roger 126 caplement: p. 71. carbonnee (fr. charbonnée): p. 144. carnalité: p. 316. cauchin (fr. chaucin): p. 270. encartrer (fr. enchartrer): p. 250. escangerie (fr. échangerie): p. 106. francquement (fr. franchement): p. 31. quevestre (fr. chevêtre): p. 198. 80. 1357, Drap. Valenc. E. candeillier (fr. chandelier): p. 29. carlier (fr. charlier): p. 28. 81. 1358, Ordonn. rois Fr. S., t.3 56 embouquier (fr. emboucher): p. 330. 82. c.1358, Hugues Capet L. 57 camp: p. 48. caplison (fr. chaploison): p. 153. capperon (fr. chaperon): p. 48, 115. carrin: p. 64. carnier (fr. charnier): p. 100. catis, cativison (fr. chétif, chétivaison): p. 95, 145. coisir (fr. choisir): p. 239. embusquier (fr. embûcher): p. 80. enquerquier: p. 140. escanche (fr. échéance): p. 70. esquarnir (fr. écharnir): p. 234. franquement (fr. franchement): p. 157. guesquierre (fr. jachère): p. 151. pourcacher (fr. pourchasser): p. 174. quetis, quetiveil (fr. chétivel): p. 81, 98. 83. 1359, Arch. Nord cachoire (fr. chassoire): B 15272, f° 32. eskalage (fr. échelage): B 11258, f° 6. 84. 1359-60, Comptes argent. rois Fr. D.-A., I 58 56 S ECOUSSE , D.-F. (ed.) 1732: Ordonnances des roys de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique, vol. 3. Contenant les ordonnances du roy Jean, depuis le commencement de l’année 1355 jusqu’à sa mort arrivée le 8. d’avril 1364. Avec un supplément pour toutes les années de son règne. Paris. 57 D E LA G RANGE , A. É. L. L. (ed.) 1864: Hugues Capet. Chanson de geste. Paris [localisation: Picardie (cf. T. M ATSUMURA , RLiR 61 (1997): 597)]. 58 D OUËT - D ’A RCQ , L. (ed.) 1851: Comptes de l’argenterie des rois de France au XIV e siècle publ. d’après des manuscrits originaux, Paris [localisation: inconnue (comptes rédigés par des esquevinage (fr. échevinage): p. 202. 85. 1359-77 LA B UIGNE , Rom. deduis B. 59 gaciere (fr. jachère): p. 379. 86. 1360, Arch. Nord cascun(e): B 15273, f° 15. faukier (fr. faucher): B 10314, f° 57. 87. c.1360-80, D AUDIN , De la erudition H. 60 caleur (fr. chaleur): p. 347. campion: p. 147. canchon (fr. chanson): p. 16. canter: p. 343, 363. carbon: p. 391. carité (fr. charité): p. 92, 99. carnel (fr. charnel): p. 223. caste/ casteté (fr. chaste, chasteté): p. 321, 377, 380, 401. cateillon (fr. chateillon): p. 373. escauffer (fr. échauffer): p. 290. 88. c.1360-99, H EMRICOURT , Patron Temp. B. 61 bancloucke (fr. bancloche): p. 77. cascun: p. 96. coneskevin: p. 96, 97. dekachier (fr. déchasser): p. 54. skale (fr. échelle): p. 97. 89. 1361, Arch. Nord cascun(e): B 14400, f° 22, 24. fonctionnaires d’origines diverses, au lieu de résidence du roi ou à Paris; pour des achats faits à des personnes parfois étrangères à Paris)]. 59 B LOMQVIST , Å. (ed.) 1951: G ACE DE LA B UIGNE , Le Roman des deduis, Karlshamn [localisation: auteur originaire du sud-ouest de l’actuel département du Calvados (cf. G. H ASENOHR 1973: «Gace de la Bigne, maître chapelain de trois rois de France», in: Mélanges Felix Lecoy, Paris: 182), chapelain du roi de France lorsqu’il écrit son ouvrage, à Paris surtout et sur une longue période]. 60 H AMM , F. (ed.) 1993: J EAN D AUDIN , La traduction du «De eruditione filiorum nobilium» de Vincent de Beauvaisi, Paris, vol. 2: 1-236, vol. 3: 237-438 [localisation: Paris; auteur né à Franconville (Val-d’Oise), a vécu à Paris, où il a fréquenté les milieux universitaires (éd. p. CXXXVIII s.)]. 61 B AYOT , A. (ed.), 1931: J ACQUES DE H EMRI - COURT , Le patron de la temporalité, in: I D ., Œuvres de Jacques de Hemricourt vol. 3, Bruxelles: 51-154 [localisation cf. N51]. Les scriptae régionales du moyen français 127 cauderlier, cauderonchiau (fr. chaudronceau): B 14400, f° 8, 27. mencaldee: B 14400, f° 3. 90. 1361, Ordonn. rois Fr. S., t.4 62 escandillier (fr. échantiller): p. 381. 91. c.1361, Mir. chan. 63 cloque: p. 137. canoinne (fr. chanoine): p. 141. 92. 1361, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 cambre: p. 783. 93. c.1361, M ACH ., F. am. 64 escalogne (fr. challenge): p. 207. 94. c.1361-62, F ROISS ., Par. am. 65 brance (fr. branche): p. 56. cacher: p. 62. cambre: p. 40. canter, cant, canchon: p. 60, 61, 67, 74, 75, 80, 82. capelet (fr. chapelet): p. 79, 80, 81. capiau (fr. chapeau): p. 76. carger: p. 63, 74. cartre (fr. chartre): p. 73. cascun(e): p. 43, 63, 74, 80. flece (fr. flèche): p. 52. treskier (fr. trèscher): p. 63. 95. 1362-13, S AINT -G ILLE , Comment. A.Y. L. 66 62 S ECOUSSE , D.-F. (ed.) 1734: Ordonnances des roys de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique, vol. 4, Contenant différents suppléments pour le règne du roy Jean, et les ordonnances de Charles V données pendant les années 1364, 1365 et 1366, Paris. 63 Miracle de un chanoine qui se maria, in: G. P ARIS / U. R OBERT (ed.) 1878: Miracles de Nostre Dame par personnages, vol. 3: 137-86. [localisation: Paris]. 64 La Fonteinne amoureuse, in: H ŒPFNER , E. (ed.) 1921: Œuvres de Guilaume de Machaut, vol. 3, Paris: 143-244. [localisation: auteur né en Champagne, au village de Machault (Ardennes)]. 65 J EAN F ROISSART , Le Paradis d’amour, in: D EMBOWSKI 1986: 40-82 [localisation: Hainaut; l’auteur est né à Valenciennes (Nord)]. 66 L AFEUILLE , G. (ed.) 1964: M ARTIN DE S AINT -G ILLE , Commentaires sur les Amphorismes Ypocras, Genève. Glossaire médical: 221- 357, glossaire didactique: 359-84 [localisation: inconnue. Originaire du Midi, l’auteur a rédigé capse (fr. châsse): p. 239. fourcer: p. 283 96. c.1362-77, F ROISS ., Ball. B. 67 cacher, pourcacher: p. 37. cambre: p. 43. candelle (fr. chandelle): p. 43. canger: p. 40. cascun: p. 8, 14. cerquer: p. 11. escaper: p. 20, 21. 97. c.1362-94, F ROISS ., Past. M. 68 campier (fr. champier): p. 169. cascun: p. 163. entrecang(i)er (fr. entrechanger): p. 154. 98. 1363, Arch. Nord sackie (fr. sachée): B 10291, f° 8. 99. Doc. 1363, in: G. E SPINAS , Les finances de la commune de Douai, Paris 1902 cascun: p. 483. 100. 1363, Hist. dr. munic. E., t.3 eskarwaite (fr. échauguette): p. 403. 101. 1363, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 cascun(e): p. 309, 314. escauder (fr. échauder): p. 310. 102. 1363-93, F ROISS ., Dits Débats F. 69 cuesir (fr. choisir): p. 150. cascune: p. 93, 100. 103. 1364, Arch. Lille 70 son texte en Avignon, après avoir étudié à Paris. Ms. BnF fr. 24246 [1430 n.st.], exécuté à Rouen entre le 1 er janvier et le 1 er février 1429 par Jean Tourtier, chirurgien du duc de Bedford (cf. G. L A - FEUILLE (ed.), 1954: M ARTIN DE S AINT -G ILLE , Les Amphorismes Ypocras: 1362-1365, Cambridge Mass.: 31]. 67 B AUDOUIN , R. S. (ed.) 1978: J EAN F ROIS - SART , Ballades, in: I D ., Ballades et rondeaux, Genève: 1-49 [localisation cf. N70]. 68 J EAN F ROISSART , Pastourielles, in: M C G RE - GOR , R. R. Jr. (ed.) 1975: The Lyric Poems of Jehan Froissart. Chapel Hill: 151-93 [localisation cf. N70]. 69 F OURRIER , A. (ed.) 1979: J EAN F ROISSART , Dits et Débats, Genève [localisation cf. N70]. 70 R OQUES , M./ L ECOY , F. (ed.) 1936-68: Archives de Lille. Documents extraits des Archives Geoffrey Roger 128 cascun(e): AA 209, f° 125, 127. 104. 1364, Clos galées Rouen M.-C., t.2 perque (fr. perche): p. 153. 105. 1364, H EMRICOURT , Pièces div. B.P. 71 calange: p. 75. eskeianche (fr. échéance): p. 49. eskeoir (fr. échoir): p. 47. 106. 1364, Trés. Reth. S.L., t.2 cascun: p. 168. 107. 1365, Arch. Nord mencald, mencaldee (fr. menchaut, menchaudée): B 11566, f° 28. 108. 1365-1369, Rég. jur. Belg. B. 72 calengier, calaigne: p. 358. 109. c.1365-94, F ROISS ., Rond. B. 73 cacher/ pourcacher: p. 68. candelle: p. 92. canger: p. 60. cascun: p. 73. 110. 1366, Arch. Nord eskieker (fr. eschiequer): B 10299, f° 10. 111. 1366, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 cascun: p. 648. 112. 1366, Ordonn. rois Fr. S., t.12 74 cascune: p. 106 113. 1367, Arch. Nord eskiekement (fr. eschiequement): B 10302, f° 10. 114. 1367, Clos galées Rouen M.-C., t.1 carpir (fr. charpir): p. 97. 115. 1367, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 de Lille par l’Inventaire Général de la Langue Française (I.G.L.F.), Paris. 71 Pièces diverses, in: B ORMAN , C. DE / P ON - CELET , E. (ed.) 1925: J ACQUES DE H EMRICOURT , Œuvres, vol. 2, Bruxelles: 1-134 [Localisation: documents de provenance surtout liégeoise]. 72 B IGWOOD , G. (1922), Le régime juridique et économique du commerce de l’argent dans la Belgique du moyen âge, Bruxelles 1922. 73 J EAN F ROISSART , Rondeaux, in: B AUDOUIN , R. S. (ed.) 1978: Ballades et rondeaux, Genève: 51-99 [localisation cf. N70]. 74 V ILEVAULT / B RÉQUIGNY 1777. cloke: p. 788. kaines/ keines p. 32, 833. esquevin (fr. échevin): p. 119. kief (fr. chef): p. 409, 786. ataker (fr. attacher): p. 407. cascun: p. 43. 116. 1368, Arch. Nord, B 1567 soubsmarescal (fr. sous-maréchal): f° 52. 117. 1368, Arch. Nord, B 5979 cascun(e): f° 2 r°. 118. 1368, F ROISS ., Orl. 75 broquette p. 93, 104, 105. carger, carge p. 102 cascun: p. 92, 107. escaufer: p. 86. noncaloir (fr. non-chaloir): p. 100. 119. 1368, Hist. dr. munic. E., t.3 76 calenger: p. 101, 409. cauchie: p. 378. senescauchie (fr. sénéchaussée): p. 715. pourcas: p. 52. cauch (fr. chaux): p. 432. 120. 1368, Vie urbaine Douai E., t.4 mencaudee: p. 561. 121. 1369, Clos galées Rouen M.-C., t.1 castel: p. 208. quenne (fr. chane): p. 205. 122. 1369, Mand. Ch. V, D. 77 broque: p. 292. encassillier (fr. enchassiller): p. 322. 123. 1369, Vie urbaine Douai E., t.4 cascun: p. 429. 124. c.1369, F ROISS ., Espin. amour. F. 78 aficer (fr. afficher): p. 111. cascun: p. 80. cuesir: p. 167. 75 J EAN F ROISSART , L’Orloge amoureus, in: D EMBOWSKI 1986: 83-111 [localisation cf. N70]. 76 E SPINAS , G. (ed.) 1943: Recueil de documents relatifs à l’histoire du droit municipal en France des origines à la Révolution. Artois, vol. 3, Labroye-Wavans. Supplément, Paris [localisation: documents de provenance diverse]. 77 D ELISLE , L. 1874: Mandements et actes divers de Charles V (1364-1380), Paris. 78 F OURRIER , A. (ed.) 1963: J EAN F ROISSART , L’Espinette amoureuse, Paris [localisation cf. N70]. Les scriptae régionales du moyen français 129 enceir (fr. enchoir): p. 171. escars: p. 155. estancer (étancher): p. 170. toucer: p. 130, 158, 159. 125. p.1369, M ACH ., P. Alex. 79 kenne (fr. chaîne): p. 180. 126. 1369-1412, Lettres agn. L. 80 keyne (fr. chêne): p. 153. 127. 1370, Arch. Nord cascun(e): B 15798, f° 1. 128. 1370, Hist. dr. munic. E., t.1 bancloque: p. 377. 129. 1370, Hist. dr. munic. E., t.3 cauffourier (fr. chaufournier): p. 378. porkier (fr. porcher): p. 413. 130. 1370, Vie urbaine Douai E., t.4 cascun: p. 438. 131. c.1370-80, Echecs amour. K. 81 castoy (fr. chasti): p. 227. cascune: p. 196. coisir: p. 126. 132. c.1370-1407, D ESCH ., Œuvres Q., t.2 82 cahuant (fr. chat-huant): p. 191. 133. c.1370-1407, D ESCH ., Œuvres Q., t.5 83 caz (fr. chat): p. 264. cerquier: p. 69. quevaulx: p. 69. 134. c.1370-1407, D ESCH ., Œuvres R., t.8 84 79 M AS L ATRIE , L. DE (ed.) 1877: G UILLAUME DE M ACHAUT , Prise d’Alexandrie ou Chronique du roi Pierre I er de Lusignan, Genève [localisation cf. N71. Ms. de base BN fr. 1584 (av. 1377) (A)]. 80 L EGGE , M. D. (ed.) 1941: Anglo-Norman Letters and Petitions from All Souls Ms. 182, Oxford. Vêtement linguistique: anglo-normand. 81 K RAFT , C. (ed.) 1977: Die Liebesgarten-Allegorie der «Echecs amoureux», Frankfurt M., etc. [localisation: probablement moitié nord du domaine picard (G. R OQUES , ZRPh. 94 (1978), 667)]. 82 Q UEUX / R AYNAUD 1878-1901, vol. 2 [localisation: auteur né à Vertus (Marne), études à Reims, a vécu à la cour. Sa langue peut contenir des mots orientaux (G REUB 2003: 375)]. 83 Q UEUX / R AYNAUD 1878-1901, vol. 5. 84 Q UEUX / R AYNAUD 1878-1901, vol. 8. descarche: p. 322. caignon (fr. chaignon): p. 183. recarche (fr. recharge): p. 334. 135. c.1370-1414, Hist. dr. munic. E., t.3 cascun: p. 692. 136. 1371, Arch. Nord carlier: B 10312, f° 17. 137. 1371, Vie urbaine Douai E., t.4 cauffourrier (fr. chaufournier): p. 444. 138. 1372, Drap. Valenc. E. ca(s)cun: p. 43, 44. eskievinage (fr. échevinage): p. 43. 139. 1372, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 calenger: p. 407. 140. 1372, Ordonn. rois Fr. S., t.5 85 escaudis, escaudisseur (fr. échaudis, échaudisseur): p. 511, 571. 141. 1372-73, F ROISS ., Pris. am. F. 86 cacher, pourcacher: p. 98, 152. caleur: p. 97, 99, 128. cambre: p. 51, 112, 115, 118, 132, 144, 145, 151, 165. canchon, canchonette: p. 48, 50, 78, 79, 92. candelle: p. 67. canger: p. 41, 81, 92, 154. canter: p. 49, 52, 72. capelet: p. 85, 92. carg(i)er, carge: p. 78, 82, 134, 153, 170. carmin: p. 89. cascun(e): p. 51, 78, 90, 91, 97, 116, 121, 122, 126, 127, 130, 133, 137, 139, 146. castel: p. 121. castellain (fr. châtelain): p. 43. cauffer, escauffer: p. 61, 98, 135. escarnir: p. 93 escaper: p. 100, 137. kainse (fr. chainse): p. 88. kar, kariier (fr. char, charrier): p. 96, 97, 98, 99, 100, 172, 173, 174. 85 S ECOUSSE , D.-F. (ed.) 1736: Ordonnances des roys de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique, vol. 5. Contenant les ordonnances de Charles V données depuis le commencement de l’année 1367 jusqu’à la fin de l’année 1373, Paris. 86 F OURRIER , A. (ed.) 1964: J EAN F ROISSART , La Prison amoureuse, Paris [localisation cf. N70]. Geoffrey Roger 130 marescal: p. 122, 129. pourkas: p. 41. 142. c.1372-74, O RESME , Pol. Arist. M. 87 carte (fr. charte): p. 229. esquevin: p. 58 143. 1373, F ROISS ., Joli buiss. F. 88 brance: p. 202. calandise (fr. chalandise): p. 50. caloir: p. 46, 56. canimiau (fr. chalumeau): p. 81. caperon (fr. chaperon): p. 136. cardeneruels (fr. chardonnerel): p. 220. cascun(e): p. 101. castoier, castoi (fr. chasti): p. 100, 125. escarse (fr. eschars): p. 144. marcandise (fr. marchandise): p. 50. pourkas: p. 146, 195. 144. 1373, Hist. dr. munic. E., t.1 qief: p. 384. estacke (fr. estache): p. 414. mencault (fr. menchaut): p. 385. 145. 1373-88, F ROISS ., Méliad. L., t.1 89 castengne: p. 242. cevaucer (fr. chevaucher): p. 43. ceoir: p. 117. cascune: p. 90. entrecangier: p. 231. escamiel (fr. eschamel): p. 81. 146. 1373-88, F ROISS ., Méliad. L., t.2 90 campir (fr. champir): p. 35. canemelle (fr. chalemelle): p. 119. capleis: p. 208. catel: p. 90. entrecangier: p. 37. trescanger (fr. treschanger): p. 85. 87 M ENUT , A. D. (ed.) 1970: N ICOLE O RESME , Le Livre de politiques d’Aristote. Published from the text of the Avranches Ms. 223, Philadelphia: 44-380 [localisation: né dans le diocèse de Bayeux, Oresme réside tantôt à Rouen, tantôt à Paris]. 88 F OURRIER , A. (ed.) 1975: J EAN F ROISSART , Le Joli buisson de jonece, Genève [localisation cf. N70]. 89 L ONGNON , A (ed.) 1895: J EAN F ROISSART , Meliador, vol. 1, Paris, [localisation cf. N70; ms. de base BnF fr. 12557, pic.-wall. début XV e s.]. 90 L ONGNON , A (ed.) 1895: J EAN F ROISSART , Meliador, vol. 2, Paris, [localisation cf. N95]. 147. 1373-88, F ROISS ., Méliad. L., t.3 91 acoucer (fr. accoucher): p. 151. 148. 1374, Hist. dr. munic. E., t.1 cloque: p. 388. 149. 1374, Vie urbaine Douai E., t.4 cauchetere (fr. chausseteur): p. 470. requeviller (fr. recheviller): p. 468. 150. c.1375-1400, Chron. anon. K., t.2 92 broquer: p. 540. 151. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. [Amiens] D., t.1 93 noncallieuseté (fr. *nonchallieuseté): p. 3. 152. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. L., I 94 canceler: p. 125. canonne (fr. chanoine): p. 192. carlir (fr. charlier): p. 47. decacier (fr. déchasser): p. 35, 105. 153. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. L., II 95 afficier (fr. afficher): p. 64. arce (fr. arche): p. 47. bancloke (fr. bancloche): p. 166. decacier: p. 19. 154. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. L., III 96 busker (fr. bûcher): p. 66. caperon: p. 100. kas (fr. chat): p. 126. marciet (fr. marché): p. 140. 155. c.1375-1400 F ROISS ., Chron. L., IV, 97 camp: p. 78. canemelle: p. 294. 91 L ONGNON , A (ed.) 1899: J EAN F ROISSART , Meliador, vol. 3, Roman comprenant les poésies lyriques de Wenceslas de Bohême, duc de Luxembourg et de Brabant, Paris [localisation cf. N95]. 92 Chroniques anonymes conservées à la Bibliothèque nationale de Paris (extraits), in: K ER - VYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1880, Istore et croniques de Flandres, d’après les textes de divers manuscrits, vol. 2, Bruxelles: 535-46 (ms. 10143). 93 D ILLER , G. T. (ed.) 1991: J EAN F ROISSART , Chroniques, livre I, ms. d’Amiens, Bibliothèque municipale n° 486, vol. 1, Genève [localisation cf. N70]. 94 L UCE 1869-67, vol. 1 [localisation cf. N70]. 95 L UCE 1869-67, vol. 2. 96 L UCE 1869-67, vol. 3. 97 L UCE 1869-67, vol. 4. Les scriptae régionales du moyen français 131 canonnerie (fr. chanoinerie): p. 170. cat (fr. chat): p. 194. cauch: p. 168. escarder: p. 373. kevece (fr. chevèce): p. 178. kieviron (fr. chevron): p. 60. noncaloir: p. 45, 134. 156. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. L., V 98 caperon: p. 96. cas: p. 134. escafaut (fr. échafaud): p. 117. escargaitier: p. 18. 157. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. L., VI 99 canceler, cancelerie (fr. chancellerie): p. 3, 53. 158. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. L., VII eskieleur, eskiellement (fr. écheleur, échellement): p. 136, 155. francement (fr. franchement): p. 200. 159. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. M., XII 100 canceler: p. 53. carniere: p. 286. 160. c.1375-1400, F ROISS ., Chron. M., XIV 101 bouce: p. 21. callenge: p. 97, 148, 150, 153, 154, 155, 172, 173, 192, 230. caleur, caleureux (fr. chaleur, chaleureux): p. 93, 96. cambrelan (fr. chabellan): p. 52. candaille (fr. chandelle): p. 207. canter: p. 81. cappel: p. 164. carnelement (fr. charnellement): p. 153, 173. carpentier: p. 172, 216. cariaige (fr. charriage): p. 223 cascun: p. 23. deffouqier (fr. desfouchier): p. 71. ducesse (fr. duchesse): p. 173 embusque: p. 6, 7, 18, 92, 175. enccoir (fr. enchoir): p. 149. esquieller (fr. écheler): p. 226. lasqueté (fr. lâcheté): p. 162. 98 L UCE 1869-67, vol. 5. 99 L UCE 1869-67, vol. 6. 100 M IROT , L. (ed.) 1931: J EAN F ROISSART , Chroniques. Troisième livre, vol 12, 1356-1388, Paris [localisation cf. N70]. 101 M IROT , L. (ed.) 1966: J EAN F ROISSART , Chroniques. Troisième livre [suite]. vol 14: 1386 (1325)-1388, Paris [localisation cf. N70]. marescal (fr. maréchal): p. 42. mesceant (fr. méchant); p. 19. rescauffer: p. 187. sacquer (fr. sacher): p. 24. secquer (fr. sécher): p. 84. 161. 1375-1400, F ROISS ., Chron. R., VIII 102 canceler: p. 83. Candeler (fr. Chandeleur): p. 21. cauce: p. 157. cauch: p. 208. enkainner (fr. enchaîner): p. 47. desfoucer/ desfoukier (fr. desfouchier): p. 150, 155. gaskiere (fr. jachère): p. 153. noncal(l)oir: p. 66, 136, 251. 162. 1375-1400, F ROISS ., Chron. R., IX 103 camp (fr. champ): p. 131. Candelier (fr. Chandeleur): p. 64. cappron (fr. chaperon): p. 167. carée (fr. charrée): p. 254. carpent, carpentage (fr. charpent, charpenatge): p. 215, 269. cascun(e): p. 273. cauche (fr. chausse): p. 75. cemin: p. 90. deffoucquer (fr. desfouchier): p. 35. encachier (fr. enchasser): p. 76. encantement (fr. enchantement): p. 153. enceoir (fr. enchoir): p. 268. esquiequeter (fr. échiqueter): p. 44. kieuvrons: p. 23. quesne: p. 40. 163. 1375-1400, F ROISS ., Chron. R., X 104 branque (fr. branche): p. 85. caiiere (fr. chaire): p. 11. camberière (fr. chambrière): p. 112. canlandise (fr. chaldise): p. 283. cascun: p. 112, 223. castiier p. 97. cauche p. 254. cerquier: p. 133. cuesir, cues/ coes (choisir, choix): p. 46, 219, 256. desquevillier (fr. décheviller): p. 291. 102 R AYNAUD , G. (ed.) 1888: J EAN F ROISSART , Chroniques, vol. 8: 1370-1377, Paris [localisation cf. N70]. 103 R AYNAUD 1888-99, vol. 9 [localisation cf. N70]. 104 R AYNAUD 1888-99, vol. 10. Geoffrey Roger 132 encantere (fr. enchanteur), encantement: p. 175, 178. escafaut: p. 293. estace (fr. estache): p. 11. francement: p. 112, 125, 194. lasquer (fr. lâcher): p. 120. marcander: p. 271. mescance: p. 220, 251. 164. 1375-1400, F ROISS ., Chron. R., XI 105 atacqer: p. 11. bouce: p. 164, 239. cable: p. 213. caïnne (fr. chaîne): p. 79. car, carée, careton: p. 24, 180, 236. cascun: p. 18, 44, 223. cues: p. 311. estacque (fr. estache): p. 10. francement: p. 301. kieville: p. 18. marcander, marcandise: p. 187, 240, 241, 300. noncal(l)oir (fr. non-chaloir): p. 136, 251. 165. c.1375-1400, T HOMAS M AILLET , Prov. Alain H. 106 cascun(e): p. 68. sacquier (fr. sacher): p. 74. 166. 1376, Arch. Nord vakerie (fr. vacherie): B 10636, f° 22. 167. 1376, Vie urbaine Douai E., t.4 cascun: p. 511. 168. 1377, Doc. Poitou G., t.5 107 caraut (fr. charaut): p. 50. 169. 1377, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 marquiet (fr. marché): p. 790. 170 c.1377, O RESME , C.M. 108 105 R AYNAUD 1888-99, vol. 11. 106 H UNT , T. (ed.) 2007: T HOMAS M AILLET , Les Proverbez d’Alain, Paris. 107 G UÉRIN . P. (ed.) 1891: Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France, vol. 5, 1376-1390, Poitiers [localisation: documents concernant le Poitou, rédigés en général à la chancellerie de France, le plus souvent sur la base de documents poitevins]. 108 M ENUT , A. D./ D ENOMY , A. J. (ed.) 1968: N ICOLE O RESME , Le Livre du ciel et du monde, Madison/ London [localisation cf. N93. Vêtement linguistique: non marqué. Ms. Paris BnF fr. 1082 brecque (fr. brèche): p. 348. calemel (fr. chalumeau): p. 702. cauquetrep(p)e: p. 380, 626. 171. c.1377-97, Chron. Valois L. 109 caraut: p. 244. 172. 1378, Arch. Nord mencaut (fr. menchaut): B 10320, f° 1. 173. 1378, Hist. dr. munic. E., t.3 canne (fr. chane): p. 442. cascune: p. 442. emboucquement (fr. embouchement): p. 443. esquargaite (fr. échauguette): p. 433. esqueance (fr. échéance): p. 441. pesquerie (fr. pêcherie): p. 435. 174. 1379, Arch. Nord carlerie (fr. charlerie): B 10639, f° 21. eskiquement (fr. eschiequement): B 10314, f° 15. 175. 1379, Hist. dr. munic. E., t.1 castoy: p. 401. cevauchier: p. 405. 176. 1379, Invent. mobilier Ch. V, L. 110 ban(c)quier (fr. banchier): p. 362, 371. 177. 1380, Arch. Nord eskiecher (fr. eschiequer): B 4069, f° 20. 178. c.1380-85, C UVELIER , Chans. Guescl. F. 111 acarier: p. 87. desfoulquier (fr. desfouchier): p. 108. escars (fr. eschars): p. 373. quarin (fr. charrin): p. 38. 179. c.1380-87, L E F ÈVRE , Leesce V.H. 112 (ancien 7350) (A), fin XIV e s. «The dialectal idiosyncrasies of the scribe […] tend to indicate Norman provenance» (éd. p. 33)]. 109 L UCE , S. (ed.) 1862: Chronique des quatre premiers Valois (1327-1393), Paris [localisation: Rouen (éd. p. XI - XV )]. 110 L ABARTE , J. (ed.) 1879: Inventaire du mobilier de Charles V, roi de France, Paris [localisation: texte provenant du milieu curial]. 111 F AUCON , J.-C. (ed.) 1990: C UVELIER , La Chanson de Bertrand du Guesclin, vol. 1, Toulouse 112 J EHAN L E F ÈVRE , Le livre de Leesce, in: V AN H AMEL , A.-G, (ed.) 1905: Les lamentations de Matheolus et le Livre de Leesce de Jehan Le Fèvre, vol. 2, Paris: 1-127. [localisation: auteur né Les scriptae régionales du moyen français 133 karaude (fr. charaude): p. 94. 180. 1380-89, Clos galées Rouen M.-C., t.2 quavelee (fr. chevalée): p. 199. 181. c.1380-1400, Cout. bourg. glosé P.M. 113 caraul (fr. charaut): p. 27. 182. Doc. 1381. In: C. D OUTREPONT (1900), ZFSL 22 (cf. N31) cascun: p. 116. 183. 1381, Hist. Lille T., t.2 cascun: p. 250. 184. 1382, Arch. Nord eskieker (fr. eschiequer): B 10324, f° 11. 185. Doc. 1382, in: A. D ELBOUILLE (1905), R 34: 609 requevillier (fr. recheviller): p. 609. 186. Doc. 1382, in: A. D ELBOUILLE (1906), R 35 cascun: p. 408. 187. 1382, Vie urbaine Douai E., t.4 cascun: p. 561, 563 188. Doc. 1383 in: G. E SPINAS , Les finances de la commune de Douai, Paris 1902 cascun: p. 494. 189. 1383, Vie urbaine Douai E., t.4 calaigne: p. 582. 190. 1384, Hist. industr. drapière Flandre E.P., t.3 cauche: p. 25. cauchetere, cauceteresse (fr. chaussteur, chausseteresse): p. 25. 191. 1384, Vie urbaine Douai E., t.4 caudrelier (fr. chaudrelier): p. 600. 192. c1384-85, Troubles Flandre P. 114 à Ressons-sur-Matz (Oise), a été procureur au parlement de Paris, et a vécu dans ces deux endroits (cf. G. H ASENOHR -E SNOS (ed.) 1969: J EAN L E F ÈVRE , Le Respit de la mort, Paris: X ); son vocabulaire contient des picardismes (A. H ENRY , «Lexicologie géographique et ancienne langue d’oïl», RomPhil. 26: 229-55, spéc. 237-40)]. 113 P ETITJEAN , M./ M ARCHAND , M.-L. (ed.), M ETMAN , J. (dir.) 1984: Le Coutumier bourguignon glosé (fin du XIV e siècle). Paris). [localisation: texte composé à Beaune intégrant aussi quelques éléments non bourguignons (éd.)]. caryn (fr. charrin): p. 31. 193. c 1385, H ÉRAUT C HANDOS , Vie Prince Noir T. 115 cariage: p. 78. 194. c.1385-1403, D ESCH ., M.M. 116 escalongne: p. 115. cloque: p. 44. 195. 1386, Echiq. Normandie S. ca(a)ble (fr. chable): p. 49, 50. 196. c.1386-89, M ÉZIÈRES , Songe vieil pèl. C., t.2 117 cacher: p. 408. capiteau (fr. chapiteau): p. 540. 197. 1387, Arch. Nord estaufique (fr. étanfiche): B 12822, f° 18.staufik faukable (fr. fauchable): B 5043, f° 5. 198. 1387, Comptes argent. rois Fr. D.-A., II 118 bancquier (fr. banchier): p. 138. 199. 1387, Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.2 119 manquaut (fr. menchaut): p. 264. 200. 1387-1389, G AST . P HÉBUS , Livre chasse T. 120 114 P IRENNE , H. (ed.) 1902: Chronique rimée des troubles de Flandre en 1379-1380, Gand. 115 T YSON , D. B. (ed.) 1975; C HANDOS H E - RALD , La Vie du Prince Noir, Tübingen [localisation: Angleterre]. 116 E USTACHE D ESCHAMPS , Le Miroir de mariage, in: R AYNAUD , G. (ed.), 1894: E USTACHE D ESCHAMPS , Œuvres complètes, vol. 9, Paris [localisation cf. N88]. 117 C OOPLAND , G. W. (ed.) 1969: P HILIPPE DE M ÉZIÈRES , Le Songe du vieil pelerin, vol. 2, Cambridge 118 D OUËT - D ’A RCQ , L. (ed.) 1874: Nouveau recueil de comptes de l’argenterie des rois de France, Paris [localisation cf. N64]. 119 P ROST , B. et. H. 1908-13, Inventaires mobiliers et extraits des comptes des ducs de Bourgogne de la maison de Valois, vol. 2, Paris [localisation: documents rédigés surtout en Bourgogne, à Paris ou dans les Flandres, d’auteurs inconnus]. 120 T ILANDER , G. (ed.) 1971: G ASTON P HÉBUS , Livre de chasse. Karlshamn [localisation: la langue de l’auteur, comte de Foix et vicomte de Béarn, contient quelques méridionalismes]. Geoffrey Roger 134 escape: p. 96. 201. 1388, Arch. Lille cascun(e): BB1, n° 373, f° 3, 48. fauquier (fr. fauchier): BB1, n° 373, f° 13. 202. 1388, Cartul. Flines H., t.2 cascun: p. 693. 203. 1388, Invent. mobiliers ducs de Bourg. P., t.2 escauppre (fr. eschaupre): p. 369. 204. 1388, Vie urbaine Douai E., t.4 cascun: p. 620. 205. 1389, Arch. Nord escanchier (fr. échéancier): B 10332, f° 14. 206. 1389-92, Reg. crim. Chât., I 121 Candeleur (fr. Chandeleur): p. 388 canger: p. 482 207. 1390, Arch. Nord cascun(e): B 5908 f° 3; B 18822, n° 23241. ensakier (fr. ensacher): B 10335, f° 9. 208. 1392, Hist. Lille T., t.1 cateul (fr. château): p. 84. 209. c.1392-1393, A RRAS 122 calenger: p. 245, 246, 298, 299, 300. escalles (fr. échelles): p. 273. escaucher: p. 19. 210. c.1392-94, Ménagier Paris B.F. 123 remerquer (fr. remercher): p. 159, 160. 211. 1394, Arch. Nord esscequier (fr. eschiequer): B 5728, f° 3. 212. 1394, Vie urbaine Douai E., t.4 cascun: p. 706. 213. 1395, Arch. Nord 121 D UPLÈS -A GIER , H. (ed.) 1861: Registre criminel du Châtelet de Paris du 6 septembre 1389 au 18 mai 1392, vol. 1, Paris [localisation: Paris. Procès signés de la main d’Aleaume Cachemarée, clerc criminel de la prévôté de Paris, d’origine normande]. 122 S TOUFF , L. (ed.) 1932: J EAN D ’A RRAS , Mélusine. Roman du XIV e siècle, Dijon [localisation: Arras]. 123 B RERETON , E. B./ F ERRIER , J. (ed.) 1981: Le Menagier de Paris, Oxford [vêtement linguistique: néant. Le ms. de base BnF fr. 12477 (1 re m. XV e s.] (A), contient des formes du Nord (éd. p. XIII ; F. M ÖHREN , RLiR 46 (1982): 219)]. ensakier: B 10344, f° 16. voukier (fr. vochier): B 10345, f° 23 v°. 214. c.1395, Voy. Jérus. 124 cazale (fr. chasel): p. 40. 215. 1396, Arch. Lille cascun(e): BB1, 374, f° 17. 216. 1396, Arch. Nord encallenger (fr. enchallenger): B 10348, f° 13. 217. 1396, Commerce marit. Rouen F., Pièces justif. 125 cas: p. 224. 218. Doc. 1396, in: C OUTANT 1994 kayere (fr. chaire): p. 540. 219. 1396, Man. lang. G. 126 bankeur (fr. banchier): p. 49. 220. 1396, Mét. corp. Paris L., t.3 127 cannevacier (fr. chanevassier): p. 66. 221. 1396, M ÉZIÈRES , Sustance H. 128 campion (fr. champion): p. 64. 222. 1396-1406, R APONDE , Comptes La Trémoille L.T. 129 banquier: p. 90. 124 B ONNARDOT , F./ L ONGNON , A. (ed.) 1878: Le Saint voyage de Jherusalem du seigneur d’Anglure, Paris, [localisation: «quelques traces de dialecte champenois» (éd. p. XXIII )]. 125 «Pièces justificatives» in: F RÉVILLE . E. DE 1857: Mémoire sur le commerce marit. de Rouen depuis les temps les plus reculés jusqu’à la fin du XVI e s., vol. 2, Rouen/ Paris. 126 G ESSLER , J. (ed.) 1934: La Manière de langage qui enseigne à bien parler et écrire le français. Modèles de conversations composés en Angleterre à la fin du XIV e siècle. Bruxelles/ Paris. 127 L ESPINASSE , R. DE 1897; Les métiers et corporations de la ville de Paris, vol. 3. Tissus, étoffes, vêtement, Paris. 128 P HILIPPE DE M ÉZIÈRES , La Sustance de la chevalerie de la Passion de Jhesu Crist en françois, in: H AMDY , A. H. (ed.) 1964: Philippe de Mézières and the new order of the Passion, part III, Transcription of the Ashmole Ms. 813, Bulletin of the Faculty of Arts, Alexandria University 18: 43-104). 129 L A T RÉMOILLE , L. DE (ed.) 1887: D YNE ET J AQUES R APONDE , Livre de comptes, 1395-1406, [pour] Guy de La Trémoïlle et Marie de Sully, Nantes: 3-142. Les scriptae régionales du moyen français 135 223. 1397, Invent. test. beauv. L. 130 broque: p. 50. carbon: p. 51. carretees (fr. charretées): p. 51. caudiere: p. 50. caudron (fr. chaudron): p. 50. emcassillier: p. 50. 224. 1397, Ordonn. rois Fr. S., t.8 131 cauchée: p. 186. 225. 1397, Trés. Reth. S.L., t.2 cannoniesse (fr. chanoinesse): p. 70. desquercher: p. 445. 226. 1398, Vie urbaine Douai E., t.4 quevillie: p. 729. 227. Doc. 1398, in: C OUTANT 1994 estaquement (fr. estachement): p. 646. 228. c.1398, H EMRICOURT , Guerres Awans B. 132 encarger: p. 15. skaketer (fr. échèqueter): p. 29. 229. 1398-1408, H ECTOR DE C HARTRES , Cout. R. 133 branquage (fr. branchage): p. 66. caable: p. 9, 247. campart (fr. champart): p. 2. Candeleur: p. 107. carbonnage (fr. charbonnage): p. 181-182. carbonnier (fr. charbonnier): p. 98. caretil (fr. charretil): p. 20. 130 L EBLOND , V. 1911: «Quatre inventaires et testaments beauvaisins (1397-1451)», Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques 1911: 42-87 [localisation: Beauvais]. 131 S ECOUSSE , D.-F. (ed.) 1750: Ordonnances des rois de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique, vol. 8. Contenant les ordonnances de Charles VI, données depuis le commencement de l’année 1395, jusqu’à la fin de l’année 1403, Paris. 132 J ACQUES DE H EMRICOURT , Le Traité des guerres d’Awans et de Waroux, in: B AYOT , A. (ed.) 1931: Œuvres de Jacques de Hemricourt, vol. 3, Bruxelles: 1-49. [localisation: Liège]. 133 H ECTOR DE C HARTRES , Le Coutumier, in: R OQUELET , A./ B EAUREPAIRE , F. DE (ed.) 1984: La vie de la forêt normande à la fin du moyen âge, vol. 1: La Haute-Normandie, Rouen: 1-339, 343-346. [localisation: Normandie (G. R OQUES , RLiR 60 (1996): 624-25)]. carme (fr. charme): p. 64. caronner, caronnerie (fr. charronner, charronnerie): p. 100, 197. carpenterie (fr. charpenterie): p. 181. car(r)iage: p. 81, 87. cauffage (fr. chauffage): p. 4. crevons (fr. chevrons): p. 209. descargier: p. 190. fauquier (fr. faucher): p. 156. perque: p. 58, 90. porquier (fr. porcher): p. 77. quartées (fr. charretées): p. 207. quesne, quesnot (fr. chênot): p. 3, 20. quievre: p. 111. senescal: p. 159. 230. 1398-1402, H ECTOR DE C HARTRES , Cout. R.B. 134 caable: p. 127. cacher: p. 149. carey (fr. charroi): p. 136, 137. cauchie: p. 108. escantillon: p. 79. quemin, queminage (fr. cheminage): p. 68, 76. vacquerie (fr. vacherie): p. 134. 231. 1399, Arch. Lille escantillonner (fr. échantillonner): 16123, f° 56. 232. 1399, Arch. Nord senescallerie (fr. sénéchallerie): B 113, f° 75. 233. 1399, Drap. Valenc. E. kief: p. 47. cascun: p. 51. 234. a.1400, J EAN D ’O UTREM ., Myr. histors G. 135 calenger: p. 56. caploier (fr. chaployer): p. 188. canger: p. 56. carnien (fr. charmin): p. 148. carois (fr. charroi): p. 160. cauchier, recachier (fr. chausser, rechausser): p. 40, 128. 134 H ECTOR DE C HARTRES , Le Coutumier, in: R OQUELET , A./ B EAUREPAIRE , F. DE (ed.) 1995: La vie de la forêt normande à la fin du moyen âge, vol. 2: La Basse-Normandie, Rouen [localisation cf. N139]. 135 B ORGNET 1864-73, vol. 1: 1-586 [localisation: Liège]. Geoffrey Roger 136 235. a.1400, J EAN D ’O UTREM ., Myr. histors B.B., t.2 136 cavelue: p. 151. cascun: p. 613. escandir (fr. eschandir): p. 630. 236. a.1400, J EAN D ’O UTREM ., Myr. histors B.B., t.3 137 cloque: p. 79. descangne (fr. deschange): p. 102. escasser (fr. eschasser): p. 425. 237. a.1400, J EAN D ’O UTREM ., Geste Liège B.B., t.1 138 cavelu: p. 625. cascun(e): p. 571, 589, 592, 596, 600, 611, 622, 625, 632. 238. a.1400, J EAN D ’O UTREM ., Geste Liège B.B., t.2 139 cascun: p. 558, 566, 574, 578, 593, 610, 625, 631, 641, 660, 638, 713, 740. cachin (fr. chaucin): p. 749. caploy (fr. chaploi): p. 551. descange (fr. deschange): p. 600 encarpilher (fr. encharpiller): p. 616. escauder: p. 675. mescalhe (fr. meschaille): p. 569, 612. orcal (fr. archal): p. 638. quouser (fr. choser): p. 601. 239. a.1400, J EAN D ’O UTREM ., Geste Liège B.B., t.3 140 cascun: p. 509. mescalhe: p. 489. 240. a.1400, J EAN D ’O UTREM ., Geste Liège B.B., t.4 141 136 B ORGNET 1864-73, vol. 2: 1-536 . 137 B ORGNET 1864-73, vol. 3: 1-410. 138 J EAN D ’O UTREMEUSE , La Geste de Liège. Livre premier, in: B ORGNET 1864-73, vol. 1: 587-638 (v. 1-3657) [localisation cf. N141]. 139 J EAN D ’O UTREMEUSE , La Geste de Liège. Suite du livre premier, in: B ORGNET 1864-73, vol. 2: 537-766 (v. 3658-20999). 140 J EAN D ’O UTREMEUSE , La Geste de Liège. Livre deuxième, in: B ORGNET 1864-73, vol. 3: 411-520 (v. 21000-29589). 141 J EAN D ’O UTREMEUSE , La Geste de Liège. Livre deuxième (suite), in: B ORMANS , S. (ed.) 1877: J EAN D ’O UTREMEUSE , Ly Myreur des histors, chronique de Jean des Preis dit d’Outremeuse, vol. 4, Bruxelles: 601-738 (v. 29590-39069) [localisation cf. N141]. cascun: p. 621, 642. casement (fr. chasement): p. 729. mescalhe: p. 647. 241. 1400 Vie urbaine Douai E., t.4 cauffourrier: p. 745. 242. c. 1400, Flor. Octav. L., t.2 142 carin: p. 552. 243. c.1400, Ponthus Sidoine C. 143 pourcachier: p. 91. 244. p.1400, Cip. Vignevaux W. 144 capplement, caplerie (chaplerie): p. 126, 141. cois (fr. choix): p. 163. deffoucer (fr. desfouchier): p. 154. hucquier (fr. hucher): p. 170. quayel (fr. chaël): p. 99. rencarchier (fr. rencharger): p. 97. 245. p. 1400, F ROISS ., Chron. D., p.1400 145 abouqure (fr. abouchure): p. 696. acater: p. 153, 253, 255, 280, 285, 817. accroquer, descroquer (fr. accrocher, décrocher): p. 408, 885, 886, 887, 889. acoucer: p. 174, 415. bouce: p. 427, 544. breteskier/ bretesqier (fr. bretécher): p. 236, 824. cacher, escacher (fr. eschasser), pourcacher: p. 44, 110, 118, 179, 208, 233, 278, 315, 334, 350, 368, 369, 393, 417, 441, 442, 434, 447, 517, 654, 673, 699, 712, 713, 737, 757, 781, 797, 798, 817, 871. calan (fr. chalan): p. 667. callenge/ caloigne: p. 46, 168, 196, 214, 216, 229, 230, 235, 239, 248, 250, 255, 265, 142 L ABORDERIE , N. (ed.) 1991: Florent et Octavien, chanson de geste du XIV e siècle. 3 e partie, 2 vol., Paris: v. 11990-18509 [localisation cf. N59]. 143 C RÉCY . M.-C. (ed.) 1997: Le Roman de Ponthus et Sidoine, Genève. 144 W OODS , W. S. (ed.) 1949: Ciperis de Vignevaux, Chapel Hill [localisation: «monument à la gloire de Foucarmont (Seine-Maritime) et de la comté de Vignevaux, c’est-à-dire d’Eu» (C. B ADALO -D ULONG , R 70 (1950): 77); le texte y aurait été écrit. Ms.: picard (ibid. p. 66)]. 145 D ILLER , G. T. (ed.) 1972: J EAN F ROISSART , Chroniques. Début du premier livre. Éd. du ms. de Rome Reg. lat. 869, Genève [localisation cf. N70]. Les scriptae régionales du moyen français 137 266, 267, 268, 340, 351, 413, 430, 457, 477, 480, 482, 629, 714, 787. camb(r)elan/ cambelin: p. 407, 488, 676, 684, 692, 717. cambre: p. 56, 60, 78, 111, 185, 204, 213, 214, 241, 247, 249, 266, 284, 290, 293, 311, 472, 475, 479, 480, 481, 485, 486, 490, 508, 596, 637, 638, 694, 695, 717, 756, 757, 784, 785, 791, 805, 831, 852, 865, 867, 872. Campenois (fr. Champenois): p. 86. canger: p. 105, 592, 621, 655, 806, 873. canter, canchon: p. 409, 894. capelet: p. 93, 114, 873, 874, 875. capelle, capelain (fr. chapelle, chapelain): p. 241, 456, 595, 596, 895. caperon: p. 270. capiau: p. 894. carbon: p. 125, 133. carette (fr. charrette): p. 152, 718. carge, cargier, acargier, recargier, descargier, encargier: p. 56, 59, 61, 67, 68, 75, 89, 96, 101, 157, 160, 164, 165, 166, 190, 199, 206, 215, 226, 232, 237, 241, 247, 252, 253, 274, 281, 289, 292, 300, 319, 323, 335, 340, 342, 344, 352, 358, 363, 366, 403, 419, 423, 428, 446, 447, 465, 475, 476, 477, 478, 496, 509, 511, 512, 521, 527, 536, 539, 540, 543, 559, 569, 584, 594, 600, 627, 642, 643, 673, 674, 677, 678, 680, 695, 696, 698, 708, 716, 727, 745, 747, 755, 758, 767, 776, 786, 792, 802, 804, 813, 823, 830, 832, 866, 875, 882, 887. cariage: p. 695. carpente, carpenter, carpentier: p. 394, 407, 493, 522, 528, 529, 604, 625, 626, 659, 663, 669, 699, 744, 745, 824. carroi (fr. charroi): p. 453. cascun(e)/ casqun(e): p. 39, 105, 115, 124, 129, 130, 142, 145, 178, 212, 231, 232, 294, 334, 338, 457, 526, 560, 561, 592, 621, 625, 626, 660, 681, 760, 894, ca(s)tel, castel(et): p. 86, 105, 186, 226, 313,347, 402, 470, 615, 632, 648, 671, 679, 688, 691, 713, 748, 764, 765, 766, 856, 857, 867. castier, castoier (fr. chastoyer): p. 812. cauc(h)ie, encauch (fr. enchaus): p. 120, 422, 438, 514, 690, 691. caud, caudement, escaufer, escaufee (échauffée), caudron: p. 126, 127, 135, 136, 150, 429, 569, 757, 825. cavaucher: p. 365. cemin, ceminer: p. 74, 75, 124, 130, 131, 132, 137, 219, 244, 279, 306, 368, 423, 472, 510, 548, 621, 696, 729, 772, 775, 826, 829. cemisse (fr. chemise): p. 844. ceoir, mescanment (méchamment): p. 113, 255, 615, 639, 693. cercier: p. 739. cevauc(h)er: p. 43, 127, 218, 315, 332, 381, 583, 631, 753, 784, 814, 829, 846, 860. cevestre (fr. chevêtre): p. 848. clocer: p. 91, 842. ducoise (fr. duchesse): p. 51. embouqier, embouqure (fr. emboucher, embouchure): p. 824, 860. embusque: p. 303, 370, 371, 387, 430, 431, 441, 444, 470, 471, 518, 521, 542, 555, 556, 619, 654. encauch (fr. enchaus), encaucer: p. 690, 691. escace (fr. échasse): p. 699. escamiau (fr. eschamel): p. 231. escancier (fr. échéancier): p. 248. escaper: p. 88, 179, 361, 517, 542, 572, 645, 707, 737, 742, 802, 879. esceir (fr. échoir): p. 41, 255, 611, 691, 781. escelle/ esqielle/ esqieler (fr. échelle, écheler): p. 92, 186, 572, 858. ficer (fr. ficher): p. 410. flammesque (fr. flammèche): p. 384. flece: p. 528, 533. francement: p. 797. kainne: p. 701. kar, karier/ carrier: p. 350, 784. lasque, lasqueté (fr. lâche, lâcheté): p. 230, 584. marceandise (fr. marchandise): p. 255, 271, 280, 613, 746, 882, marescal, marescaucier (fr. maréchal, maréchaucer): p. 35, 45, 71, 72, 83, 89, 120, 123, 129, 130, 131, 138, 139, 154, 179, 210, 217, 328, 331, 335, 368, 374, 378, 383, 384, 495, 514, 515, 558, 589, 603, 606, 648, 652, 653, 676, 677, 681, 686, 690, 701, 703, 707, 709, 713, 715, 718, 720, 722, 723, 724, 725, 727, 737, 772, 774, 782, 850, 851. mescief (fr. méchef): p. 86, 87, 587, 620, 712, qainse (fr. chainse): p. 746. qieville: p. 136, 152. senescal, senecaudie: p. 660. Geoffrey Roger 138 246. p.1400 Ysaÿe Triste G. 146 cascun: p. 173. esboquier (fr. ébaucher): p. 209. escachié: p. 273. 247. c.1400-50, Huon Bordeaux B. 147 camp: p. 14. cancheller (fr. chanceler): p. 285. canlant (fr. chaland): p. 344. caploier: p. 282. carcer/ cerger (fr. charger): p. 33, 82. carnalité: p. 314. caud (fr. chaud): p. 455. cevaulx: p. 243. encanterie (fr. enchanterie): p. 37. encasser (fr. enchâsser): p. 130. escapliau (fr. eschapleau): p. 432. escauder: p. 222. faucquer (fr. faucher): p. 185. gasquiere (fr. jachère): p. 15. 248. c.1400-1500, Ami Amile A. 148 escangison (fr. échangison): p. 131. 249. c.1400-1500, Galien D.B. 149 cercier: p. 85. 250. c.1400-1500, Gloss. Lille S. 150 146 G IACCHETTI , A. (ed.) 1989: Ysaÿe le Triste, roman arthurien du Moyen Âge tardif, Rouen [localisation: «Tous les traits relevés ne sont pas strictement picards, mais les picardismes y sont la majorité. D’autres formes sont communes au picard et à […] la Wallonie» (éd. p.14). Ms. de base Darmstadt 2524, achevé en 1449 par le chapelain Amaury de Noyelle demeurant à Douai et originaire des environs]. 147 B ERTRAND , R. (ed.) 1978: Huon de Bordeaux. Version en alexandrins (BnF fr. 1451). Éd. partielle, Thèse 3 e cycle Aix-en-Provence: 1-109 (laisses 1-89, vers 1-3020) En annexe: édition des vers 3021-14796 par R. B ERTRAND .- S.l.n.d., non paginé [= laisses 91-336 + 428-478, vers 3021- 10490 + 13162-14796; les laisses 88-89 du vol. 1 sont reprises dans le vol. 2 et numérotées 89-90]. Manuscrit: picard (éd. p. LXXIX ). 148 A NDRIEUX -R EIX . N. (ed.) [1993]: Ami et Amile. Remaniement en alexandrins, ms. de Paris, BnF fr. 12547, 3 fol. dactylographiés S.l.n.d. 149 D OUGHERTY D. M./ B ARNES E. B. (ed.) 1981: Le Galien de Cheltenham, Amsterdam [vêtement linguistique: «écrit dans le français commun de son temps (XV e s.), avec quelque coloration pic.» (GRLMA III/ 2, fasc. 2: 58)]. escaudich (fr. échaudis): p. 531. 251. c.1400-1500, Méd. nam. H. 151 broke: p. 201. stancer (fr. étancher): p. 199. 252. 1401, Invent. test. beauv. L. broque: p. 59. caudiere, cauffette (fr. chauffette): p. 57. quenne: p. 57. 253. 1402, Hist. dr. munic. E., t.1 camp: p. 205. 254. 1402, Ordonn. rois Fr. S., t.8 caable: p. 526. 255. 1402-03, Comptes Archev. Rouen J. 152 canlate (fr. chanlatte): p. 53. carpentier: p. 51. quevron, quevronner: p. 43, 44. 256. 1403, Drap. Valenc. E. cascun: p. 52, 53, 57. 257. Doc. 1404, in: C OUTANT 1994 canlatte, escanlatte (fr. chanlatte, eschanlatte): p. 529, 631. escache (fr. échasse): p. 633. 258. 1404, Doc. Poitou G., t.7 153 encarater (fr. encharater): p. 38. 259. 1405, Hist. Lille T., t.2 brocque: p. 120. calenge: p. 425. carité: p. 471. cauchie: p. 503. quevron: p. 519. 150 S CHELER , A. (ed.) 1856: Glossaire romanlatin du XV e siècle (Ms. de la Bibliothèque de Lille), Annales de l’Académie d’archéologie de Belgique 21, 2 e sér., 1: 85-133. 151 «Médicinaire namurois du XV e s.», in: H AUST , J. (ed.) 1941: Médicinaire liégeois du XIII e siècle et médicinaire namurois du XV e (ms. 815 et 2769 de Darmstadt), Bruxelles/ Liège: 192- 207. 152 J OUEN , L. (ed.) 1908: Comptes, devis et inventaires du manoir archiépiscopal de Rouen, Paris/ Rouen, 1908 [localisation: Rouen]. 153 G UÉRIN . P. (ed.) 1896: Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France, vol. 7, 1403-1430. Archives historiques du Poitou, t. 26, Poitiers [localisation cf. N113]. Les scriptae régionales du moyen français 139 260. 1405, Test. Parlem. Paris T. 154 banquier: p. 393. 261. 1406, Arch. Nord caiellee (fr. chaelée): B 10648, f° 27. 262. 1406-07, C HR . P IZ ., Corps policie L. 155 calenge: p. 132. escarseté (fr. escharseté): p. 46. 263. 1408, Arch. Nord mencauldee (fr. menchaudée): B 10362, f° 2. 264. Doc. 1408, in: C OUTANT 1994 escanlatte: p. 631. 265. 1408, Ordonn. rois Fr. S., t.8 cauderette (fr. chauderette): p. 314, 315. 266. 1409, Arch. Nord escanne (fr. eschanne): B 10651, f° 28. 267. 1409-1410, Trés. Reth. S.L., t.2 rescaver (fr. récahuffer): p. 630. 268. c.1410-1419, Geste ducs Bourg. K. 156 ackroquier: p. 316. aquievement (fr. achèvement): p. 532. bouce: p. 309. cane (fr. chane): p. 531. caponner (fr. chaponner): p. 345. capron (fr. chaperon): p. 287. carpenter, carpentement: p. 442, 460. carongnes: p. 459. cascun(e): p. 267, 434, 478. caucheteur (fr, chausseteur): p. 538. caude-treppe (fr. chausse-trappe): p. 306. caudement: p. 330. caure: p. 275. cevalier: p. 441. chierquer: p. 265. 154 T UETEY , A. (ed.) 1880: Testaments enregistrés au Parlement de Paris sous le règne de Charles VI, Paris. 155 L UCAS , R.H. (ed.), 1967: C HRISTINE DE P IZAN , Le Livre du corps de policie, Genève [localisation: Paris]. 156 La Geste des ducs Philippe et Jehan de Bourgogne, in: K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1873: Chroniques relatives à l’histoire de la Belgique sous la domination des ducs de Bourgogne, vol. 2: 259-572 [localisation: Bourgogne probablement. L’auteur, comme sa source probable, manifeste «un violent esprit bourguignon» (éd. p. I ). Vêtement linguistique: contient des picardismes]. conquyer (fr. conchier): p. 485. desfeuquier (fr. desfouchier): p. 485. embusquer: p. 282. escachier: p. 383. escaucir: p. 564. escauf(f)ison (fr. échauffaison): p. 287. espluquier (fr. éplucher): p. 437, 534. esquielles (fr. échelles): p. 439. flecque/ flesque (fr. flèche): p. 544, 560. franquement: p. 308, 330. hauquier (fr. hucher): p. 538. 269. Doc. 1411. In: R. V AULTIER , Folkl. pendant la guerre de Cent ans cambry (fr. chambril): p. 167. 270. Doc. 1411, in: C OUTANT 1994 plancquié (fr. planchié): p. 810. 271. 1412-33, DU M AREST , Comptes L. 157 caeste (chue): p. 41. 272. Doc. 1413, in: C OUTANT 1994 canole: p. 530. 273. 1414, Cartul. Hôtel-Dieu Cout. 158 perque: 231. 274. 1415, Ordonn. rois Fr. S., t.10 159 encassiller (fr. enchassiller): p. 254. 275. 1416, Rég. jur. Belg. B. escanchier (fr. échéancier): p. 415. 276. 1416-18, Comptes État bourg. M.F., t.3 160 calenge: p. 13. quarree (fr. charrée): p. 589. 157 L E C ACHEUX , P. (ed.) 1905: Le livre de comptes de Thomas du Marest (1397-1433), suivi de pièces du XV e siècle, Rouen/ Paris: 13-32, 38- 92, 108-10, 157-63 [localisation: Cotentin (région d’origine et de résidence du rédacteur du texte autographe; cf. C.-T. G OSSEN , RLiR 26 (1962): 101-25)]. 158 L E C ACHEUX , P. 1899: Essai historique sur l’Hôtel-Dieu de Coutances, l’hôpital-général et les Augustines hospitalières depuis l’origine jusqu’à la Révolution. Seconde partie: Cartulaire de l’Hôtel-Dieu, Paris: 158-360. [localisation: documents surtout normands, très souvent de Coutances et sa région]. 159 V ILEVAULT / B RÉQUIGNY 1777 160 M OLLAT , M./ F AVREAU , R. (ed.) 1969: Comptes généraux de l’État bourguignon entre 1416 et 1420, vol. 3, Paris [localisation: Flandres et Artois]. Geoffrey Roger 140 replan(c)quier (fr. replancher): p. 253, 611. vacquerie: p. 23. 277. 1416, C HART ., L. Dames 161 pourcacher: p. 248, 287. 278. 1418, Arch. Nord senescale (fr. sénéchale): dossier Lille, aides. 279. 1418-20, Comptes Etat bourg. M.F., t.3 cable: p. 645. capitel/ capiteau/ capital (fr. chapiteau): p. 604, 611. clenque (fr. clenche): p. 591. planque, planquement (fr. planche, planchement): p. 586, 587. 280. 1419, Comptes État bourg. M.F., t.2 cariaige: p. 604. 281. 1419, Invent. N. Baye T. 162 cloque: p. LXX-LXXI. 282. 1420, Comptes Lille L., t.2 bancquier: p. 267. 283. p. 1420, C AUMONT , Voy. N. 163 arque (fr. arche): p. 58. 284. c.1420-1440, L E V ER , Dict. M.E. 164 161 A LAIN C HARTIER , Le Livre des Quatre Dames, in: L AIDLAW 1974: 198-304 [localisation: Bayeux]. 162 «Inventaire des biens meubles de Nicolas de Baye, chanoine de Notre-Dame de Paris», in: T UETEY , A. (ed.) 1880: Journal de Nicolas de Baye, greffier du Parlement de Paris (1400- 1417), vol. 2, Paris: XLIX - CXII [localisation: Paris]. 163 N OBLE , P. S. (ed.) 1975: N OMPAR DE C AU - MONT , Le Voyatge d’Oultremer en Jherusalem de Nompar, seigneur de Caumont, Oxford [localisation: Agenais, lieu d’origine de l’auteur (éd. p. 131-34) + traits anglo-normands (cf. B OSSUAT vol. 2: 901: «La présence de traits anglo-normands […] s’explique à la fois par l’origine géographique de son auteur [l’Agenais a été sous domination anglaise] et par les liens politiques de sa famille avec l’occupant anglais»)]. 164 M ERRILEES , B./ E DWARDS , W. (ed.) 1994: F IRMIN L E V ER , Dictionarius: Dictionnaire latinfrançais de Firmin Le Ver, Turnhout [localisation: Picardie. Le texte contient de nombreux régionalismes picards inconscients et quelques régionalismes d’autres régions, probalement repris de ses sources (G. R OQUES , RLiR 58, (1994): 587). Vêtement linguistique: picardismes (éd. p. XXIX )]. ahuquier, ahuquement (fr. ahucher, ahuchement): p. 5, 10. broque: p. 493. canonniesse (fr. chanoinesse): p. 52. cardonnereul: p. 54. catepeleuse (fr. chatepeleuse): p. 104. encherquement (fr. encherchement): p. 92. enclenquier (fr. enclencher): p. 290. froncer/ fronquer (fr. fronchier): p. 474. quioire (fr. chioire): p. 409. secquable (fr. séchable): p. 460. sequeur (fr. sécheur): p. 30. 285. 1421, Arch. Nord eskancier (fr. échéancier): B 10379, f° 2. senescaulle (fr. sénéchale): B 10379, f° 28. 286. Doc. 1421, in: C OUTANT 1994 capement (fr. chapement): p. 532. 287. 1422, Hist. dr. munic. E., t.2 165 cauchie: p. 149. coucier (fr. coucher): p. 164. brocque: p. 120. 288. c.1422-25, Pastor. B. 166 cas: p. 129. escargaitier: p. 221. lasquour (fdr. lâcheur): p. 159. 289. 1424, Chron. Mt-St-Mich. L., t.1, Pièces div. 167 caynes: p. 164. escarder (fr. écharder): p. 252. 290. 1424-26, C OURCY , Chem. vaill. D. 168 canole: p. 41. cardonnerette (fr. chardonnerette): p. 3. 165 E SPINAS , G. (ed.) 1938: Recueil de documents relatifs à l’histoire du droit municipal en France des origines à la Révolution. Artois. vol. 2, Bailleul-Heuchin, Paris [localisation: documents de provenance diverse]. 166 B LANCHARD , J. (ed.) 1983: Le Pastoralet, Paris [localisation: picard probablement originaire de la région de Saint-Pol (éd. p. 25)] 167 L UCE , S. (ed.) 1879: Chronique du Mont- Saint-Michel, vol. 1, Paris: 1-84 [localisation: Mont-Saint-Michel; texte probablement écrit par des moines de l’abbaye (éd. p. XI - XIX )]. 168 D UBUC , B. D. (ed.) 1981: Étude critique et édition partielle du Chemin de vaillance de Jean de Courcy d’après le manuscrit BM, Royal, 14 E. 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(ed.) 1904: P IERRE DE LA C ÉPÈDE , Der altfranzösische Roman Paris und Vienne, Erlangen [localisation: l’auteur, d’origine marseillaise, a peut-être traduit son roman de l’occitan]. Geoffrey Roger 142 vanque/ venque (fr. venche): p. 129. 305. 1434, Arch. Nord mancault (fr. menchaut): B 17648, dossier Rochebaron. 306. 1434, Rouen temps Jeanne d’Arc L. 181 acanter (fr. achanter) p. 289. quevestre: p. 285. 307. 1435, J UV . U RS ., Aud. celi 182 caste: p. 252 308.1435, T AILLEV ., Moral. D. 183 quier (fr. cher): p. 89. 309. c.1435-1450, Best. hérald. H.E. 184 cacheur (fr. chasseur): p. 471. decachier (fr. déchasser): p. 474. mouque (fr. mouche): p. 472, 482. ruque (fr. ruche): p. 482. 310. 1437, Comptes Archev. Rouen J. encassillier: p. 158. 311. 1437-38, Comptes Archev. Rouen J. canlate: p. 170. 312. c.1437-1464, C HART . J., Chron. Ch. VII, V., t.1 185 casuble (fr. chasuble): p. 195. cloque: p. 226. 180 D ROZ , E. (ed.) 1923: J EAN R ÉGNIER , Les Fortunes et adversitez, Paris [localisation: Auxerre (cf. G RENTE 1992: 836-37]. Vêtement linguistique: non marqué]. 181 L E C ACHEUX , P. 1931: Rouen au temps de Jeanne d’Arc et pendant l’occupation anglaise (1419-1449), Rouen/ Paris. 182 J EAN .J UVÉNAL DES U RSINS , Audite celi, in: L EWIS , P. S./ H AYEZ , A.-M., (ed.) 1978: Écrits politiques de Jean Juvénal des Ursins, vol. 1, Paris: 145-278 [localisation: Paris. L’auteur, né à Paris, a vécu dans le milieu parlementaire à Paris puis à Poitiers, et a écrit le texte en question lorsqu’il était évêque de Beauvais]. 183 M ICHAULT T AILLEVENT , Moralité faicte par Michault Taillevent, in: D ESCHAUX , R. (ed.) 1975: Un poète bourguignon du XV e siècle, Michault Taillevent. Édition et étude, Genève. 184 H OUWEN , L./ E LEY , P. (ed.) 1992: «A Fifteenth-Century French Heraldic Bestiary», ZRPh. 108: 466-512 [localisation: Normandie (éd. p. 461-62)]. 185 V ALET DE V IRIVILLE , A. (ed.) 1858: J EAN C HARTIER , Chronique de Charles VII, roi de France, vol. 1, Paris [localisation: Saint-Denis]. 313. a.1440, M ARCAD é, Myst. Pass. Arras R. 186 affique: p. 211. cacheron (fr. chasseron): p. 166. caignon: p. 64. cambrelage (fr. chambellage): p. 169. camp: p. 63. canceller: p. 266. canne (fr. chane): p. 127. cappette (fr. chapette): p. 169. carbonnee: p. 211. cascun: p. 111. clocqueter: p. 99. decacher (fr. déchasser): p. 56. embroquier: p. 61. encacher: p. 247. esmouquer (fr. émoucher): p. 85. escarnier: p. 82. destacquier (fr. détacher): p. 211. hucquer (fr. hucher): p. 108. kenne: p. 211. kiencon: p. 91. lasqueté: p. 122. quaroy (fr. charroi): p. 240. racat (fr. rachat): p. 5. secquement (fr. sèchement): p. 143. 314. a.1440, W AUQUELIN , Faits conq. Alexandre Hé. 187 cancre: p. 107. cascun: p. 203, 305. encachis (fr. enchaucis): p. 32. 315. 1440-41, Comptes Archev. Rouen J. encasser: p. 229. recauchier (fr. rechausser): p. 230. 316. 1440-42, M ARTIN LE F RANC , Champion dames I, D. capefol (fr. chapefiol): p. 145. 317. 1440-42, M ARTIN LE F RANC , Champion dames II, D. catoire (fr. chastoire): p. 105. 186 R ICHARD , J.-M. (ed.), 1893: E USTACHE M ARCADÉ , Le Mystère de la Passion. Texte du manuscrit 697 de la Bibliothèque d’Arras, Arras [localisation: Artois]. 187 H ÉRICHÉ , S. (ed.) 2000: J EAN W AUQUELIN , Les Faicts et les conquestes d’Alexandre le Grand, Genève [ms. de base Paris Petit Palais Coll. Dutuit 456, (pic. ca 1458) (A)]. Les scriptae régionales du moyen français 143 318. 1440-42, M ARTIN LE F RANC , Champion dames I-II, P. 188 calengier: p. 119. caveil (fr. cheveu): p. 180. 319. 1440-42, M ARTIN LE F RANC , Champion dames III, F. 189 castoy: p. 63. venque: p. 86. 320. 1440-42, M ARTIN LE F RANC , Champion dames IV, D. canjon (fr. changeon): p. 37. capuigne (fr. chapuigne): p. 106. 321. 1440-42, M ARTIN LE F RANC , Champion dames D., t.3 190 pouque (fr. poche): p. 40. 322. c.1440-44, Cleriadus Z. 191 caulanger (fr. challenger): p. 39. 323. 1440-61, E SCOUCHY , Chron. B., t.3 192 replanquier: p. 327 324. c.1442-44, L A S ALE , Salade 193 cable: p. 143 ducesse: p. 176. francement: p. 49. 325. Doc. 1443, in: C OUTANT 1994 kenneve (fr. chanvre): p. 736. 188 P IAGET , A. (ed.) 1968: M ARTIN LE F RANC , Le Champion des dames. Première partie (Prologue, livre I, vers 4313-8144 du livre II), Lausanne. 189 F ISCHER , D. A. 1981: Edition and study of Martin le Franc’s «Le Champion des dames» (Book III). 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Le Coutumier d’Hector de Chartres, vol. 1: La Haute-Normandie, Rouen: 347-49. 195 D ESPY , G. 1981, Les Campagnes du roman pays de Brabant au Moyen Âge: la terre de Jauche aux XIV e et XV e siècles, Louvain-la-Neuve: 110-263. 196 D OUËT - D ’A RCQ , L. (ed.) 1860: La Chronique d’Enguerran de Monstrelet en deux livres avec pièces justificatives: 1400-1444, livre premier, vol. 4, Paris: 1-124. 197 A LAIN C HARTIER , Le Curial, in: B OUR - GAIN -H EMERYCK , P. (ed.) 1977): Les œuvres latines d’Alain Chartier, Paris: 347-75. 198 B ORGNET , A. (ed.) 1861: J EAN DE S TAVE - LOT , Chronique, Bruxelles. 199 J EAN W AUQUELIN , Chronique des ducs de Brabant, in: R AM 1854-60, vol. 1/ 1: 75-138, 327- 518, 577-634. Geoffrey Roger 144 334. c.1447 W AUQUELIN , Chron. ducs Brabant R., t.3 200 non calieux: p. 818. 335. a.1448, W AUQUELIN , Manequine C.T. 201 cascun: p. 192. 336. 1448, Mém. Compiègne C.-B. 202 mencault (fr. menchaut): p. 287. 337. 1448-1478 Pac. Job M. 203 escalle (fr. échelle): p. 315. 338. 1449, Cartul. Hôtel-Dieu Cout. perque: p. 263. 339. 1450, Doc. Poitou G., t.9 204 escardeur (fr. échardeur): p. 109. 340. 1449, Hist. dr. munic. E., t.1 calenge: p. 103. 341. a.1450, Barbes brayes A. 205 carriage: p. 258. 342. 1450, Doc. Poitou G., t.9 escarder: p. 193. 343. c.1450, G RÉBAN , Pass. J. 206 200 J EAN W AUQUELIN , Chronique des ducs de Brabant, in: R AM 1854-60, vol. 3: 529-878. 201 C OLOMBO T IMELLI , M. (ed.) 2010: J EAN W AUQUELIN , La Manequine, Genève [localisation: originaire de Picardie, l’auteur fut «varlet de chambre» de Philippe le Bon à la cour de Bourgogne (1447-52). Ms. de base Turin, BNU, L.IV.5, f° 71bis r°-125 v°, fin XV e s., très marqué par les traits caractéristiques des dialectes du Nord-Est de la France (éd. p. 81)]. 202 C AROLUS -B ARRÉ , L. 1981: «Mémoire présenté au Parlement. 1448», in: Actes du 104 e Congrès national des sociétés savantes (Bordeaux 1979). 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L. 216 coser (fr. choser): p. 70. escanchier (fr. échéancier): p. 83. joncquiere (fr. jonchière): p. 73. 354. c. 1450, Vivendier S. 217 escaudure (fr. échaudure): p. 121. 355. c.1450, W AUQUELIN , Faits conq. Alexandre H. 218 capiau: p. 441. castile: p. 212. encauch: p. 174. cauquier: p. 311. cascun: p. 286. 356. c.1450-1475, Mandel. T. 219 quetich (fr. chétif): p. 183. 357 c.1450-1500, G ORDON , Prat. 220 cancellation (fr. chancellation): II, p. 11; III, p. 6. caste: VII, p. 9. 358. c.1450-1500, Myst. st Sébast. M. 221 215 R OUSSINEAU , G. (ed.) 1987: Perceforest. Quatrième partie, 2 vol., Genève. 216 L ODS , J. (ed.), 1953: Les Pièces lyriques du Roman de Perceforest, Genève/ Lille. 217 S CULLY , T. (ed.) 1997: The Vivendier. A Fifteenth-Century French Cookery Manuscript, Totnes. 218 Hériché, S. (ed.) 1997: J EAN W AUQUELIN , Les Faicts et conquestes d’Alexandre le Grand (XV e siècle), vol. 2 et 3, thèse, Paris-Sorbonne. 219 T HOMAS , A. (ed.) 1909: La Mandelette, R 38: 180-90. 220 B ERNARD DE G ORDON 1495, La Practique de maistre Bernard de Gordon appellee Fleur de lys en medecine, Lyon. 221 M ILLS , L. R. (ed.) 1965: Le Mystère de saint Sébastien, Genève [localisation: région lyonnaise (cf. J.-P. C HAMBON 1997: «Pour la localisation d’un texte de moyen français: le casteté: p. 111. caudiere: p. 299. 359. 1451, L A S ALE , Sale D. 222 car (char): p. 84. 360. 1451, R OBERTET , Œuvres Z. 223 broque (broche): p. 105. calenger: p. 127. 361. 1452, Invent. test. beauv. L. quenne: p. 77. 362. 1453, Comptes Lille L., t.1 224 arcal: p. 395. 363. 1453, Invent. test. beauv. L. caulacte (fr. chanlatte): p. 84. 364. 1453-54, Comptes Lille L., T.1 arcarer (fr. archaler): p. 421. 365. 1453-1457, Aff. Jacques Coeur M. 225 bancquier: p. 633. kaignon (fr. chaînon): p. 323. quenne: p. 269. 366. 1453-60, E SCOUCHY , Chron. B., t.1 226 Mystère de saint Sébastien», in: Les formes du sens. Études de linguistique française, médiévale et générale offertes à Robert Martin, Louvain-la- Neuve: 67-77). 222 A NTOINE DE L A S ALE , La Sale, in: D ESO - NAY , F. (ed.) 1941: A NTOINE DE L A S ALE , Œuvres complètes, vol. 2, Liège/ Paris [localisation cf. N199]. 223 Z SUPPÁN , M. (ed.) 1970: J EAN R OBERTET , Œuvres. Genève [localisation: auteur né à Montbrison; carrière en Bourbonnais, puis à Paris (G RENTE 1992: 842). Vêtement linguistique: peu marqué]. 224 L ABORDE , L. 1849: Les Ducs de Bourgogne. Études sur les lettres, les arts et l’industrie pendant le XVe siècle et plus particulièrement dans les Pays-Bas et le duché de Bourgogne, vol. 1, seconde partie: Preuves, Paris [localisation: partie septentrionale des États bourguignons]. 225 M OLLAT , M. (ed.) 1952-53: Les Affaires de Jacques Cœur. Journal du procureur Dauvet. Procès-verbaux de séquestre et d’adjudication, 2 vol., Paris; vol. 1: 5-379; vol. 2: 391-654. [localisation: auteur originaire d’Anjou, vivant à Paris au moment de la rédaction du Journal]. 226 D U F RESNE DE B EAUCOURT , G. (ed.) 1863: M ATHIEU D ’E SCOUCHY , Chronique, vol. 1, Paris [localisation: est de la Picardie: l’auteur est né au Geoffrey Roger 146 cayerres (chaires): p. 344. 367. c.1453-1467, Comte Artois 227 deceir (fr. déchoir): p. 150 encaulx: p. 36. quesne: p. 127. 368. c.1453-1514, E SCOUCHY , Chron. B., t.1. affice (fr. affiche): p. 237. 369. Doc. 1454, in: C OUTANT 1994 canlatte: p. 529. 370. c.1454-74, Myst. Incarn. Nat. L., t.1 228 accarier (fr. acharrier): p. 239. rebuquer (fr. reboucher): p. 192. 371. a.1455, Jourd. Blaye alex. M. 229 campel (fr. champel): p. 220. cas/ cat/ caz: p. 401, 431, 738, 811. cascun: p. 332, 457. caser (fr. chaser): p. 2. castiel (fr. château): p. 185, 375, 457. cauchin: p. 6, 37, 52. decaperonner (fr. déchaperonner): p. 667. hucquer: p. 530. jonquier (fr. joncher): p. 84. kaagnon (fr. chaignon): p. 120, 252. kaiel (fr. chaël): p. 673. lecquer, delecquer: p. 136, 263. mousque (fr. mouche): p. 247. pesquer (fr. pêcher): p. 131. quaieller (fr. chadeler): p. 157, 207, 276. quanolle (fr. chanole) p. 570. querquier (fr. charger): p. 16, 361, 492. queruiier (fr. charruyer): p. 604. raqueminner (fr. racheminer): p. 392. recalenger (fr. rechallenger): p. 74. Quesnoy (Nord) et résidait à Peronne (Somme) au moment où il écrivait sa chronique]. 227 S EIGNEURET , J.-C. (ed.), 1966: Le Roman du comte d’Artois, Genève [localisation: l’auteur (Jean de Wavrin? ) aurait écrit pour Philippe le Bon, duc de Bourgogne (éd., p. XXVIII - XXIX ); le texte serait à localiser dans la partie septentrionale des États bourguignons. Ms.: picard]. 228 L E V ERDIER , P. (ed.) 1884: Le Mystère de l’Incarnation et Nativité de notre Sauveur et Rédempteur Jésus-Christ, représenté à Rouen en 1474, vol. 1, Rouen. 229 M ATSUMURA , T. (ed.) 1999: Jourdain de Blaye en alexandrins. Genève [localisation: nord de la Picardie; cf. T. M ATSUMURA , «Les régionalismes dans Jourdain de Blaye en alexandrins, RLiR 62 (1998), 129-66]. resacquer: p. 807. trencal (fr. tranchal): p. 560. 372. 1455, Arch. Nord cascun(e): B 3537, B 11475n° 125788. 373. 1455, Cligès C.T. 230 coucier (fr. coucher): p. 109, 129. 374. 1455, DU P RIER , Roy Adv. M. 231 caegnon (fr. chaignon): p. 245. cavestre (fr. chevêtre): p. 199. 375. a.1456, G UILL . V ILLIERS , Hipp. P.-D. 232 camoire (fr. chamoire): p. 128. 376. 1456, Ordonn. rois Fr. B., t.14 233 cancelleure (fr. chancellure): p. 399. 377. c.1456, Hist. seign. Gavre S. 234 escaucer (fr. échaucirer): p. 17. 378. c.1456-60, C HASTELL ., Dit vérité K. cachoire: p. 233. 379. c.1456-1463, V ILLON , Poèmes variés R.H. 235 230 C OLOMBO T IMELLI , M. (ed.) 2004: Le Livre de Alixandre empereur de Constentinoble et de Cligés son filz. Roman en prose du XV e siècle, Genève [localisation: écrit dans le milieu de la cour du duc de Bourgogne Philippe le Bon (partie septentrionale des États bourguignons). Vêtement linguistique: picard (éd. p. 50)]. 231 M EILLER , A. (ed.) 1970: J EHAN DU P RIER , dit L E P RIEUR , Le Mystère du roi Advenir, Genève [localisation: Angers (lieu de représentation de la pièce). Ms. à coloration picarde (K. Baldinger, ZRPh. 86 (1970): 684)]. 232 G UILLAUME DE V ILLIERS , Extraits du traité d’hippiatrie, in: B EAUJOUAN , G./ P OULLE - D RIEUX , Y./ D UREAU -L APEYSONNIE , J.-M., 1966: Médecine humaine et vétérinaire à la fin du Moyen Âge, Genève/ Paris: 123-48 [localisation: Normandie]. 233 B RÉQUIGNY , L.G. (ed.) 1790, Ordonnances des rois de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique, vol. 14. Contenant les ordonnances depuis la vingt-cinquième année du règne de Charles VII, jusqu’à sa mort en 1461, Paris. 234 S TUIP , R. (ed.) 1993, Histoire des seigneurs de Gavre, Paris. 235 F RANÇOIS V ILLON , Les Poèmes variés, in: R YCHNER , J./ H ENRY , A. (ed.) 1977: Le Lais Villon et les poèmes variés, vol. 1, Genève: 40-77 Les scriptae régionales du moyen français 147 capel: p. 74. 380. c.1456-1467, C.N.N. 236 acever (fr. achever): p. 473. calenge: p. 455, 541. cruce (fr. cruche): p. 41. marescaucier: p. 495. sacqer (fr. sacher): p. 553. 381. c.1456-71, C HASTELL ., Chron. K., t.1 237 calengier: p. 281. escars: p. 327. 382. c.1456-71, C HASTELL ., Chron. K., t.4 238 calengier: p. 103, 303. 383. c.1456-71, C HASTELL ., Chron. K., t.5 239 escarceté (fr. escharseté): p. 198. 384. 1457, Comptes roi René A., t.1 240 encastre (fr. enchastre): p. 55. 385. Doc. 1457, in: C OUTANT 1994 escaupre: p. 636. 386. Doc. 1458, in: C OUTANT 1994 escaiche (fr. échasse): p. 633. 387. 1459, Comptes roi René A., t.1 porquier: p. 122. [localisation: Paris. Vêtement linguistique: scripta de l’Île-de-France]. 236 S WEETSER , F. P. (ed.) 1966: Les Cent nouvelles nouvelles, Genève [localisation: rédigé dans l’entourage du duc de Bourgogne Philippe le Bon (G RENTE 1992: 228b), dans la partie septentrionale de ses États]. 237 G EORGES C HASTELLAIN , Chronique, in: K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1863: Œuvres de Georges Chastellain, vol. 1, Bruxelles [localisation: Flandres]. 238 G EORGES C HASTELLAIN , Chronique, in: K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1864: Œuvres de Georges Chastellain, vol. 4, Bruxelles [localisation: Flandres]. 239 239 G EORGES C HASTELLAIN , Chronique, in: K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1864: Œuvres de Georges Chastellain, vol. 5, Bruxelles [localisation: Flandres]. 240 A RNAUD D ’A GNEL , G. (ed.) 1908: Les Comptes du roi René, publ. d’après les originaux inédits conservés aux Archives des Bouches-du- Rhône, vol. 1, Paris [localisation: auteur inconnu; documents concernant surtout la Provence. Vêtement linguistique: quelques documents très marqués d’occitanismes (phonétiques et morphologiques)]. 388. c.1459-66, G RUEL , Chron. Richemont L. 241 abroquer: p. 157. 389. 1460, Doc. Poitou G., t.10 242 desroquer (fr. dérocher): p. 226 escarde/ esquerde (fr. écharde): p. 194, 418. 390. Doc. 1460, in: H. S TEIN , Bibl. Éc. Chartes 98 cambremeister (fr. *chambremeister): p. 310. 391. Doc. 1460, in: C OUTANT 1994 escaupre: p. 636. 392. c.1460, R. L EFÈVRE , Hist. Jason P. 243 carmerie (fr. charmerie): p. 222. 393. 1460-70, C HART . J., Chron. Ch. VII, V., t.3, Fragm. hist. 244 caraut: p. 206. 394. 1460-1500, M OLINET , Serm. st Billouard K. caure: p. 114. 395. Doc. 1461, in: C OUTANT 1994 encasser: p. 621. 396. 1461, M ESCHIN ., Lun. princes M.-G. 245 capelle: p. 75 241 L E V AVASSEUR , A. (ed.) 1890: G UILLAUME G RUEL , Chronique d’Arthur de Richemont, Paris [localisation: Bretagne occidentale]. 242 G UÉRIN . P. (ed.) 1906: Recueil des documents concernant le Poitou contenus dans les registres de la Chancellerie de France, vol. 10, 1456-1464. Archives historiques du Poitou, t. 35, Poitiers [localisation cf. N113]. 243 P INKERNELL , G. (ed.) 1971: R AOUL L E - FÈVRE , L’Histoire de Jason. Ein Roman aus dem fünfzehnten Jahrhundert, Frankfurt am Main [localisation: nord de la Picardie (éd. p. 106, 113-14 et K. B ALDINGER , ZRPh. 88 (1972): 235-38)]. 244 «Fragmens historiques», in: V ALET DE V I - RIVILLE , A. (ed.) 1858: J EAN C HARTIER , Chronique de Charles VII, roi de France, vol. 3, Paris [localisation: Saint-Denis]. 245 M ARTINEAU -G ENIEYS , C. (ed.) 1972: J EAN M ESCHINOT , Les Lunettes des Princes, Genève [localisation: «l’œuvre de ce Breton gallo possède peu de coloration dialectale». Quelques traits de l’Ouest mais l’auteur écrit dans «la langue - assez universelle - de la Grande Rhétorique» (éd. p. CXXVIII ). Ms. de base Nantes, n° 651 (ms. N) réalisé à la fin du XV e s. (éd. p. LXXIV - LXXV )]. Geoffrey Roger 148 397. 1461, Roi René vie L. escarde: p. 293. 398. 1461-62, Comptes roi René A., t.2 capital: p. 232. 399. 1461-66, B UEIL , II 246 cable: p. 45 cancheller: p. 44. 400. c.1461-72, C HASTELL ., Chron. IV, D. 247 bouce: p. 91, 156, 251. esplucer (fr. éplucher): p. 315. receoir (fr. rechoir): p. 152. 401. 1462, Comptes roi René A., t.2 carriole (fr. chariolle): p. 238. 402. 1463, Trés. Reth. S.L., t.3 248 entrecambge, entrecambger (fr. entrechange, entrecambger): p. 419. 403. a.1465, E SCOUCHY , Chron. B., t.2, 249 calengier: p. 110. receoir: p. 133. 404. c.1465, M ESCHIN ., Vingt-cinq ball. K. 250 abroquer: p. 484. 405. Doc. 1465, in: C OUTANT 1994 kaijerre (fr. chaire): p. 540. 406. c.1465-1468, Jehan d’Avennes F. 251 caplement: p. 160. 246 F AVRE , C./ L ECESTRE , L. (ed.) 1889: J EAN DE B UEIL , Le Jouvencel, vol. 2, Paris: 1-261 [localisation: confins de la Touraine, de l’Anjou et du Maine (éd. p. 7-8)]. 247 D ELCLOS , J.C. (ed.) 1991: G EORGES C HAS - TELLAIN , Chronique. Les fragments du livre IV révélés par l’Additional Manuscript 54156 de la British Library, Genève [localisation: Flandres]. 248 L ABANDE , L.-H. (ed.) 1911: Trésor des chartes du comté de Rethel, vol. 3 (1415-1490), Monaco/ Paris. 249 D U F RESNE DE B EAUCOURT , G. (ed.) 1863: M ATHIEU D ’E SCOUCHY , Chronique, vol. 2, Paris [localisation cf. N233]. 250 J EAN M ESCHINOT , Vingt-cinq ballades, in: K ERVYN DE L ETTENHOVE , J. M. B. C. (ed.) 1865: Œuvres de Georges Chastellain, vol. 7, Bruxelles: 463-86. 251 F INOLI , A. M. (ed.) 1979: Jehan d’Avennes. Romanzo del XV secolo, Milano [localisation: picard (G. R OQUES , RLiR 62 (1998): 569-70]. Ms. de base écrit dans le milieu de la cour de Bourgogne]. 407. 1466-74, Ev. Quen., I 252 cauquemaire/ quauquema(i)re (fr. cauchemare): p. 91. cauquier: p. 91. ronquier (fr. ronchier): p. 94. 408. 1466-1474, Ev. Quen., II 253 fourque: p. 118. pourlecquer: p. 126. quauquema(i)re: p. 124, 141, 142, 143. quesne: p. 124, 128. 409. 1466-77, J EAN DE H AYNIN , Mém. B., t.1 254 noncalieuseté: p. 69. 410. a.1467, Comptes Lille L., t.2 campinot (fr. champinot): p. 89. cappelet: p. 50. kainsse (fr. chainse): p. 110. 411. 1467, Arch. Nord, escarpe (fr. écharpe): B1692, f° 37. esquanteler (fr. échanteler): B1693, f° 19. 412. 1467-1506, M OLINET , Faictz Dictz D. 255 attacquer: p. 358. brance: p. 47. cachieux, racacheur (fr. chassieux, rachasseur): p. 256, 676. caignon: p. 551. caïau/ cayault (fr. chaël): p. 562, 631. calenger: p. 528. cane (fr. chane): p. 175. cant: p. 189. cappette: p. 279. carbon: p. 331. 252 Les Évangiles des quenouilles (texte du ms. de Paris), in: J EAY , M. (ed.) 1985: Les Évangiles des quenouilles, Paris/ Montréal: 77-117 [localisation: Flandres et Picardie (éd. p. 35)]. 253 Les Évangiles des quenouilles (texte du ms. de Chantilly), in: J EAY , M. (ed.) 1985: Les Évangiles des quenouilles, Paris/ Montréal: 117-44 [localisation: Flandres et Picardie (éd. p. 35)] 254 B ROUWERS , D. D. (ed.) 1905: J EAN DE H AYNIN , Mémoires, vol. 1, Liège [localisation: auteur né à Hainin près de Mons; manuscrit autographe, langue très marquée dialectalement (M. B RONCKART 1933: Étude philologique sur la langue, le vocabulaire et le style du chroniqueur Jean de Haynin, Bruxelles/ Liège). Vêtement linguistique: picard hennuyer]. 255 D UPIRE , N. (ed.) 1936-39: Les Faictz et dictz de Jean Molinet, 3 vol., Paris. Les scriptae régionales du moyen français 149 cardonné (fr. chardonnet): p. 103. carroy (fr. charroi): p. 67. cas: p. 652. castaine: p. 164. caucheau (fr. chausseau): p. 785. caudesoris (fr. chauve-souris): p. 652 cavelure: p. 630. cauquemaire: p. 915. clocquette: p. 40. descargage (fr. déchargeage): p. 728. encasser: p. 273. mencault: p. 316. quanolle (fr. chanole): p. 256. quesne: p. 132. quetif (fr. chétif): p. 191, 577. quien: p. 728. requier (fr. rechier): p. 556, 557. tresque: p. 763. vacquier (fr. vacher): p. 735. vancque (fr. venche): p. 373. 413. 1468, Ordonn. rois Fr. P., t.17 racatir (fr. *rachatir): p. 191. 414. 1468-69, Comptes Archev. Rouen J. ercal, ercaler (fr. archal, archaler): p. 350. 415. p.1468, Compl. Liège Z.N. 256 cariage (fr. charruage): p. 406. 416. p.1468, L A M ARCHE , Mém., IV, Pièces annexées 257 capronceau (fr. chaperonceau): p. 121. cardon (fr. chardon): p. 126. 417. 1469, Arch. Nord escanteler (fr. échanteler): B1694, f° 5. 418. 1469, Comptes argentier Ch. le Téméraire G.L., t.2 258 256 La Complainte de la cité de Liège, in: Z UMTHOR , P./ N OOMEN , W. 1963: Un Prêtre montheysan et le sac de Liège en 1468. Saint- Maurice: 65-154 [localisation: traits picards et wallons (éd. p. 76 et 97)]. 257 B EAUNE , H./ D ’A RBAUMONT , J. (ed.) 1888: O LIVIER DE L A M ARCHE , Mémoires. Pièces annexées, vol. 4, Paris [localisation: l’auteur a passé toute sa carrière à la cour de Bourgogne]. 258 G REVE , A./ L EBAILLY , É. (éd.), P ARAVICINI , W. (dir.) 2002: Comptes de l’argentier de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, vol. 2, année 1469: registre CC 1924 des Archives générales du royaume, Bruxelles, Paris [localisation: partie septentrionale des États bourguignons]. cavechure (fr. cheveçure): p. 309. 419. Doc. 1469, in: C OUTANT 1994 canlatte: p. 529. 420. 1470, Comptes Doullens W. caree (fr. charrée): p. 28. 421. 1470, L A M ARCHE , Olivier de, Mém. T. 3 259 calenger: p.15. 422. c.1470, Devin. R. 260 brocquer: p. 135. caponner: p. 93. cauquer: p. 109. caurre: p. 151. fourquier (fr. fourchier): p. 90. 423. c.1470, Faits Lalaing K. 261 capel: p. 236. 424. p. 1471, W AVRIN , Chron. H., t.1 262 campal (fr. champel): p. 348. 425. 1473-74, Comptes seigneurie Lucheux D.W. raquacheur: p. 139. 426. 1474-1506, M OLINET , Chron. D.J., t.1 263 archicancelier (fr. archichancelier): p. 536. bouce: p. 590. calenger: p. 117. 259 B EAUNE , H./ D ’A RBAUMONT , J. (ed.) 1885: O LIVIER DE L A M ARCHE , Mémoires, vol. 3, Paris [localisation cf. N263]. 260 R OY , B. (ed.). 1977: Devinettes françaises du Moyen Âge, Montréal/ Paris: 51-161 [localisation: Flandres (lieu de provenance du manuscrit (éd. p. 27), localisation du vocabulaire (K. B AL - DINGER , ZRPh. 100 (1984): 285)]. 261 Le Livre des faits du bon chevalier messire Jacques de Lalaing, in: K ERVYN DE L ETTEN - HOVE , J. M. B. C. (ed.) 1863: Œuvres de Georges Chastellain, vol. 8, Bruxelles: 1-259 [localisation: partie septentrionale des États bourguignons; l’auteur présumé, Jean Lefèvre, seigneur de Saint- Rémy, est né à Abbeville (cf. S PRINGER , E. (ed.) 1982: Les Fais de Messire Jacques de Lalain de Jean Lefèvre de Saint-Rémy, doctorat de troisième cycle, Univ. Paris-III, p. XV ). 262 H ARDY , W./ H ARDY , E. L. C. P. (ed.) 1864: J EAN DE W AURIN , Recueil des croniques et anchiennes istories de la Grant Bretaigne, a present nommé Engleterre, vol. 1, London. 263 D OUTREPONT , G./ J ODOGNE , O. (ed.) 1935: J EAN M OLINET , Chroniques, vol. 1, Bruxelles. Geoffrey Roger 150 cantuaire: p. 169. carlier: p. 412. quienchonnet: p. 437. senescale: p. 261. 427. 1474-1506, M OLINET , Chron. D.J., t.2 264 cas: p. 484. deffoucquer: p. 107, 155. encasser: p. 453. mencault: p. 485. quevechure (fr. cheveçure): p. 430. 428. Doc. 1474, in: C OUTANT 1994 quevallet: p. 836. 429. c.1475-1500, Jen. filz de rien T. 265 broquette: p. 320. 430. 1477, Comptes roi René A., t.3 266 cariaige: p. 199. 431. 1477-78, L ESEUR , Hist. Gast. IV, C., t.1 267 clinque (fr. clenche): p. 157. 432. c.1477-81, Somme abr. 268 affiquier: p. 133. carte: p. 139. 433. 1478, Ordonn. rois Fr. P., t.18 269 264 D OUTREPONT , G./ J ODOGNE , O. (ed.) 1935: J EAN M OLINET , Chroniques, vol. 2, Bruxelles. 265 Farce nouvelle très bonne et fort joyeuse de Jenin filz de rien à quatre personnaiges; c’est assavoir la mere et Jenin, son filz, le prestre et ung devin, in: T ISSIER 1986-2000, vol. 3: 273-328. 266 A RNAUD D ’A GNEL , G. (ed.) 1910: Les Comptes du roi René, publ. d’après les originaux inédits conservés aux Archives des Bouches-du- Rhône, vol. 3, Paris [localisation cf. N246]. 267 C OURTEAULT , H. (ed.) 1893: G UILLAUME L ESEUR , Histoire de Gaston IV, comte de Foix. Chronique française inédite du XV e siècle, vol. 1, Paris. 268 M ICHLER , C. (ed.) 1982: Le Somme abregiet de theologie (1 er livre). Kritische Edition der französischen Übersetzung von Hugo Ripelins von Straßburg Compendium theologicae ver(t)itatis, München: 87-180. [Les deux ms., étroitement apparentés, ont quelques traits picards (éd. p. 16-17; G. R OQUES , ZRPh. 99 (1983): 653); le ms. de base Chantilly Musée Condé (C) 130 a été copié et achevé à Hesdin en 1481]. 269 P ASTORET , E. de (ed.), 1828: Ordonnances des rois de France de la troisième race, recueillies par ordre chronologique, vol. 18. Concapse: p. 455. 434. 1479, Comptes roi René A., t.3 verquiere (fr. verchière): p. 479. 435. Doc. 1479, in: C OUTANT 1994 canole: p. 530. 436. c.1480-1500, Gaut. Mart. A. 270 desjucquer (r. déjucher): p. 179. 437. c.1480-1500 Myst. siège Orléans H. 271 de(s)roquer (fr. dérocher): p. 325, 598 438. 1482, Arch. Lille capronceau: 12118 f° 29. 439. 1482, C OLART M AN s., Dial. créat. R. 272 cahuan: p. 208. calengier: p. 204. catoire: p. 213. cayault (fr. chaël): p. 131. 440. 1482, M OLINET , Myst. st Quentin C. 273 buque (fr. bûche): p. 227. cachoire, cassoire: p. 39, 253. caignon: p. 331. canole (fr. chanole): p. 133. capigner (fr. chapigner): p. 129, 292. capoigner (fr. chapoigner): p. 103, 145. cappé (fr. chapé): p. 65. carbonnade (fr. charbonnade): p. 132. cardonné: p. 214. castien (fr. chastien): p. 192. cathoire (fr. chastoire): p. 3, 88. desjoucquier (fr. déjucher): p. 89. froncquier: p. 132, 297. parsequier (fr. parsécher): p. 219. tenant les ordonnances rendues depuis le mois d’avril 1474 jusqu’au mois de mars 1481. Paris. 270 A EBISCHER , P. (1924), «Dialogue de Gautier et Martin», Revue du seizième siècle 11: 161- 92. 271 H AMBLIN , V. L. (ed.) 1984: The Fifteenth- Century French «Mistere du Siege d’Orleans». Thèse, University of Arizona [localisation: région orléanaise]. 272 R UELLE , P. (ed.) 1985: C OLART M ANSION , Le dialogue des créatures, Bruxelles [localisation: Bruges (éd. p. 53) Quelques régionalismes lexicaux picards (G. R OQUES , RLiR 50 (1986) 647- 48)]. 273 C HATELAIN , H. (ed.) 1909: J EAN M OLINET , Le Mistère de saint Quentin, suivi des Invencions du corps de saint Quentin par Eusèbe et par Eloi, Saint-Quentin. Les scriptae régionales du moyen français 151 plucquer (fr. pelucher): p. 98. quayault (fr. chaël): p. 168. quetinaille, quetivaille (fr. chétivaille): p. 69, 343. ronquier: p. 380. tresque: p. 108, 384. 441. 1484, Chartes Bourbonn. M.F. 274 brocquete: p. 357. 442. a.1486, A LECIS , Blas. faulses am. P.P. capifol (fr. chapefol): p. 225. 443. 1486, M ICHEL , Myst. Pass. J. 275 carriere: p. 389. 444. 1486-87, L ENGHERAND , Voy. G. 276 marescaille (fr. maréchaille): p. 2. 445. 1487, Arch. Nord escanteler (fr. échanteler): B1703, f° 204. 446. c.1490, L E T ALLEUR , Vocab. E.M. 277 seccable, inseccablement (fr. séchable, inséchablement): p. 174. 447. c.1490, S AINT -G ELAIS , Eurial. Lucr. R. 278 carriere: p. 48. rebouquer (fr. reboucher): p. 77. 448. Doc. 1492, in: C OUTANT 1994 cappelet: p. 532 449. 1492, P REVOST , Cir. Guill. Salicet, I rasque (fr. rache): p. 2. 450. 1494, Arch. Lille capronchiel (fr. chaperonceau): 12118 f° 52. 274 M ONICAT , J./ F OURNOUX , B. DE (ed.) 1952: Chartes du Bourbonnais (918-1522), Moulins [localisation: documents de provenance diverse, mais surtout du Bourbonnais et de Lyon]. 275 J ODOGNE , O. (ed.) 1959: J EAN M ICHEL , Le Mystère de la Passion (Angers 1486). Gembloux 276 G ODEFROY M ÉNILGLAISE , D. C. (ed.) 1861: Voyage de Georges Lengherand, mayeur de Mons en Haynaut, à Venise, Rome, Jérusalem, mont Sinaï et Le Kayre, 1485-1486. Mons [localisation: Mons (éd. p. VIII ). 277 E DWARDS , W./ M ERRILEES , B. (ed.) 2002: G UILLAUME L E T ALLEUR , Dictionarius familiaris et compendiosus, Turnhout [localisation: Rouen. Le texte repose sur le Dictionarius de Firmin Le Ver, qui contient des picardismes, et en possède à sa suite (éd. p. XXIV )]. 278 R ICHTER , E. (ed.) 1914: O CTOVIEN DE S AINT -G ELAIS , Eurialus und Lukrezia. Halle S. 451. c.1494-98, S IMON DE P HARES , Astrol. 279 calve (fr. chauve): p. 46. peccant (fr. péchant): f° 52 v°. vacquerie: f° 140 v°. 452. 1495-1498, C OMM ., III 280 cariage: p. 178. 453. p.1495, L A V IGNE , V.N. cariage: p. 160. 454. 1496, L A V IGNE , Munyer T. 281 carriere: p. 241. 455. 1496, L A V IGNE , S.M. 282 brocque: p. 136, 432. caroigne: p. 219, 221, 224. carriere: p. 344, 503. 456. 1497, R IVIÈRE , Nef folz D. 283 capette (fr. chapette): p. 76, 241. 457. a1500, Myst. st Martin K. 284 279 W ICKERSHEIMER , E. (ed.) 1929: S IMON DE P HARES , Recueil des plus celebres astrologues et quelques hommes doctes, publié d’après le manuscrit unique de la Bibliothèque Nationale, Paris; B OUDET , J.-P. (ed.) 1997-99: Le recueil des plus célèbres astroloques de Simon de Phares, 2 vol., Paris. [localisation: Paris. Vêtement linguistique: peu marqué]. 280 C ALMETTE , J./ D URVILLE , G. (ed.) 1925: P HILIPPE DE C OMMYNES , Mémoires, vol. 3, Paris [localisation: auteur né à Renescure (Nord), a rédigé ses Mémoires à Dreux (Eure-et-Loir) puis sans doute à Argenton (Deux-Sèvres); la langue contient certains occidentalismes [G REUB 2003: 374]. 281 A NDRÉ DE LA V IGNE , Farce du munyer de qui le deable emporte l’ame en enffer. (1496), in: T ISSIER 1986-2000, vol. 4. 169-243 [localisation: «Coin nord-est […] de la Saône-et-Loire» (G REUB 2003: 275). Auteur né à La Rochelle, farce jouée à Seurre (Côte-d’Or)]. 282 D UPLAT , A. (ed.) 1946: A NDRIEU DE LA V IGNE , Le Mystère de saint Martin. Genève [localisation: auteur né à La Rochelle. Mystère écrit à la demande du seigneur de Seurr, pièce jouée à Seurre (Côte-d’Or) en 1496. Ms. unique BnF fr. 24332, copié à Seurre]. 283 D U B RUCK , E. (ed.) 1977, P IERRE R IVIÈRE , La Nef des folz du monde, 2 vol., Ann Arbor. 284 K NUTSEN , K. A. (ed.) 1976: Le Mystère de la vie et hystoire de monseigneur sainct Martin, s.l. (thèse University of Massachussets) [localisation: région tourangelle (éd. p. 2 et 130)]. Geoffrey Roger 152 caisse (fr. châsse): p. 363. 458. a.1500, Parn. sat. S. 285 locquer (fr. locher): p. 127. 459. c.1500, Gent. Naudet T. 286 caudet (fr, chaudet): p. 295. 460. c.1500, S AINT -G ELAIS , Enéide VI, B. 287 arce: p. 361. 461. c.1500, Serm. plaisant K. afficque: p. 466. caudeau (fr. chaudeau): p. 470. 462. c.1500 Serm. tous les fous K. 288 carriere: p. 285. 285 S CHWOB , M. (ed.) 1905: Le Parnasse satyrique du quinzième siècle. Anthologie de pièces libres, Paris. 286 Farce nouvelle, très bonne et fort joyeuse à quatre personaiges: le Gentil Homme, Lison, Naudet, la damoyselle, in: T ISSIER 1986-2000, vol. 1: 265-303 [localisation: Haute-Normandie, probablement Seine-Maritime (G REUB 2003: 249)]. 287 B RÜCKNER , T. (ed.) 1987: Die erste französische Aeneis. Untersuchungen zu Octovien de Saint-Gelais’ Übersetzung mit einer kritischen Edition des VI. Buches, Düsseldorf. 288 Sermon joyeux de tous les fous, in: K OOPMANS , J. (ed.) 1988: Recueil de sermons joyeux, Genève: 262-86. 463. 1501, L A V IGNE , Compl. roy Bazoche M.R. 289 castel: p. 407. 464. 1502, L E C LERC , Interp. Roye 290 canceller: p. 360. 289 A NDRÉ DE LA V IGNE , Les Complaintes et épitaphes du roy de la Bazoche, in: M ONTAI - GLON , A. DE / R OTHSCHILD , J. (ed.) 1878: Recueil de poésies françoises des XV e et XVI e siècles, vol. 13, Paris: 387-413 [localisation: Ouest (auteur né à La Rochelle; cf. J.-P. C HAMBON , «À propos de certains particularismes lexicaux de La Chasse d’amours (1509): questions de localisation et d’attribution», TraLiPhi. 31: 307-45). L’auteur vit à Paris lorqu’il écrit cette complainte en l’honneur de Pierre de Baugé.] 290 J EAN LE C LERC , Interpolations et variantes de la Chronique scandaleuse, in: M ANDROT , B. de (ed.) 1896: Journal de Jean de Roye connu sous le nom de Chronique scandaleuse, vol. 2, Paris: 139-400 [localisation: inconnue. L’auteur a passé une partie de sa vie au service de Louis XI et semble avoir vécu à Paris (éd. p. IV - V )]. La mise à l’écrit de témoignages oraux dans quelques enquêtes réalisées en Normandie à la fin du XIII e siècle Stéphane Laîné, Normandie Université, Unicaen, CRISCO (EA4255) Le développement des appareils administratif et juridique, initié par Philippe- Auguste, s’accompagne, dès le début du XIII e siècle, d’un recours à la langue vulgaire dans les actes juridiques. Les enquêtes et les procédures d’appel ne sont plus systématiquement rédigées en latin, ce qui offre l’opportunité, notamment dans la transcription des témoignages oraux des témoins requis, de mieux apprécier ce que pouvait être la langue vernaculaire usitée quotidiennement par des gens de différentes conditions. Dans la présente étude, nous nous proposons d’analyser la langue employée dans diverses enquêtes réalisées en Normandie à la fin du XIII e siècle pour mieux apprécier ce phénomène. Nous exploiterons des documents publiés au XIX e siècle par Léopold Delisle, mais également une enquête inédite réalisée en 1292 contre Jean de Carcassonne, bailli de Domfront. Bien que la nature des documents diffère - d’une part, des textes transcrits et publiés, et d’autre part un manuscrit à ce jour quasiment inconnu -, ces enquêtes sont quasiment contemporaines et issues d’une zone géographique et politique commune: nous tenterons d’en dégager les points communs et les divergences, et de nous interroger sur la pratique linguistique en Normandie à cette époque. 1. Les documents 1.1. «Enquête contre le vicomte de Pont-Audemer», in: D ELISLE , L. (1852), Cartulaire normand de Philippe-Auguste, Louis VIII, Saint-Louis et Philippe-le- Hardi, Caen, Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, vol. 16 (2 e série, 6 e vol.), chartes n o 664 et 665, vers 1260. Le vicomte de Pont-Audemer est à cette période Johan de Novi, ou Jehan de Nuevy, selon la graphie choisie. Il est accusé d’avoir abusé de son pouvoir ou d’en avoir mal usé. La charte 664 est un exposé des faits reprochés au vicomte; elle est formée de deux séries. Le rouleau original est conservé au Supplément du Trésor des Chartes, carton J. 1024, n o 42. La première série comporte quatre cas; elle est annoncée par la formule «Che sunt les cas contre le visconte du Pont Audemer.» À la fin du troisième cas, l’accusation cite ses sources et dévoile la procédure suivie: «Ceu soit prové par ces 154 Stéphane Laîné qui furent à l’enqueste et par la bone gent du paais» (transcription de L. Delisle respectée). La deuxième série comporte vingt et un cas; elle est annoncée par la formule: «Vez ci les cas sus Johan de Novi, visconte du Pont Audemer». Le premier cas est introduit par l’adverbe «Premierement», les deux suivants le sont par «De rechief», ainsi que les cas quinze, seize et vingt et un; tous les autres le sont par «Item», à l’exception d’un seul (cas quatorze), qui débute directement le récit. Dans dix-neuf cas, les témoins sont cités à la fin du récit rapportant les faits, en général au moyen de la formule prudente «Ce seroit prové par…». «Che seroit prové par…», «C’est à prover par…», «[…] et est à prover», «Chen seroit prové…», «C’en seroit prové…» et «cen [seroit] prové» en sont des variantes. Si les formules employées laissent penser qu’il s’agit plutôt de témoignages, le premier cas laisse entrevoir de possibles plaintes: «[…] et c’est à prover par Robert Tison, qui en fu pledeor, par Radulfe Gaydee, par Guillaume Heel le Viel, et par l’enqueste de Conteville, qui pristrent le devant dit larron.» La charte 665 est la défense du vicomte; elle reprend les faits et fournit les arguments opposés par l’accusé. Malheureusement, Delisle n’a pas jugé utile de citer plus qu’un exemple et s’en justifie: «Nous n’avons pas cru devoir reproduire en entier le contenu de ce rouleau. Il roule [sic] sur les mêmes faits que celui que nous venons d’imprimer dans toute son étendue. Seulement il contient la justification du vicomte ‹Jehan de Nuevy› sur plusieurs points. Nous avons donné, comme modèle, un des articles de la défense.» Or, c’est dans ce document que le linguiste a toutes les chances d’approcher au plus près la langue orale, le discours indirect pouvant facilement céder le pas au discours direct: «[…] respont le viconte, que riens il n’en out, ne autre pour luy, ne n’en fu nulli pris, ne l’omme ne fu pas tue…» S’il existe toujours, il serait donc intéressant de se reporter au manuscrit: rouleau original au Supplément du Trésor des Chartes, carton J. 1031, n o 22. 1.2. «Enquête faite contre Guillaume de Bohon», D ELISLE , L. (1852), Cartulaire normand de Philippe-Auguste, Louis VIII, Saint-Louis et Philippe-le-Hardi, Caen, Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, vol. 16 (2 e série, 6 e vol.), chartes n o 1222, 1272. Guillaume de Bohon appartient à une importante et vieille famille du Cotentin, fixée dans la région de Saint-Lô, où le patronyme est perpétué dans des toponymes: Saint-André-de-Bohon, Saint-Georges-de-Bohon. Un ancêtre de Guillaume, Onfroi I er , participa à la conquête de l’Angleterre en 1066, et la famille fut dès lors l’une de celles qui se partagèrent entre la Normandie et l’Angleterre. La mise à l’écrit de témoignages oraux dans quelques enquêtes réalisées en Normandie 155 La charte 1222 est une sorte de procès verbal des témoignages recueillis contre Guillaume de Bohon; elle est formée de deux séries. Le rouleau original est conservé au Supplément du Trésor des Chartes, carton J. 1028, n o 26. Curieusement, la première série contient les réponses fournies par Guillaume aux accusations portées contre lui, elle est annoncée par la formule «Ce sunt les responses que Guillaume de Bohon a faites selonc les demandes que l’an li a faites.» Les questions débutent toutes par: «Requis se…» et les réponses par «[…] il dist que oil…»/ «[…] il dist que non…». La deuxième série comporte trente-quatre témoignages, correspondant à une enquête menée par la justice du roi, semble-t-il (Guillaume de Bohon lui porte préjudice dans l’administration des forêts du Cotentin qui lui ont été confiées): «C’est l’enqueste faite seur Guillaume de Bohon et des bois de sa garde par monseigneur Guillaume des Mineres, chevalier, et Hue de Saint Just, en l’an de Grace MCCLXXII, la semaine enprès la Saint-Denis.» Nous découvrons ainsi l’identité des deux enquêteurs et l’année de l’enquête, 1272. Les témoignages sont tous établis selon le même modèle et comportent les mêmes renseignements liminaires: «Hamon de Booug, serjans du chastel de Chierbourc, de l’aage de XL ans, juré et requis se il set que Guillaume de Bohon ait doné point du bois de sa garde, il dist que oil.»… 1.3. «Enquête faite contre Jean de Carcassonne», Archives départementales du Pas-de-Calais, série A 37-30 bis, A 924/ 1 et 2, 1292. Jean de Carcassonne ou Carcassonne fut bailli de Domfront de 1287 à 1292, soit cinq ans. Le bailli était le représentant personnel du comte d’Artois, Domfront constituant pour lui un apanage. Il avait compétence dans les domaines administratif, militaire (en temps de paix seulement), financier et judiciaire. Il rendait des comptes deux fois l’an, à la Toussaint et à l’Ascension. Le compte de la Toussaint 1289 est connu. L’enquête est un document resté manuscrit, conservé aux Archives départementales du Pas-de-Calais sous les cotes A 37-30 bis, A 924/ 1 et A 924/ 2. Les parchemins cousus qui le constituent atteignent une longueur de cinq mètres. L’érudit Gabriel Hubert en a fait une transcription restée manuscrite. Les aspects historiques de l’enquête ont été étudiés par Jean-Philippe Cormier (C ORMIER 1986, 1993). Le document comporte trois parties. La première partie est formée de treize témoignages recueillis par les enquêteurs: «Inquisitio facta contra Johanness de Carcassono. Le merkedi après la feste Notre Dame en septembre l’an IIIIxx et XII fu faite ceste informations à Danfront en Passais par Monsigneur Nicole d’Ytre, chevalier et Piere Jehan de Sainte Crois consilliers et familiers monseigneur d’Artois.» Les témoignages sont tous recueillis sous la même forme: «Juliot le Petit, bourgois de Danfront, jurés 156 Stéphane Laîné et requis sour toutes choses dist par son serement que Jehan Carcassonne ne mercioit le gens du pais a tort et sans raison et en levoit plus grans amendes que les gens ne eussent fourfait […]». Si un témoin rapporte plusieurs faits, ils sont introduits par «Item…». La deuxième partie est un recueil de plaintes: «Demureray de grief et les défautes que on a montre et dites que Jehan de Carcassonne a faites et commises en Danfront apartenanches u tans de son offise.» Quarante-sept personnes déposent une plainte, qui débute en général par la formule: «Complaignant est…»/ «Complaignant(z) sont…». S’il y a plusieurs plaintes pour un plaignant, l’enchaînement se fait au moyen de: «De rechief». La dernière partie est une reprise des témoignages; sept personnes supplémentaires déposent, portant leur nombre total à vingt. 2. Les caractéristiques générales Comme nous l’avons déjà indiqué, les documents que nous confrontons sont de deux natures: une transcription du XIX e siècle ayant donné lieu à une édition pour deux d’entre eux, et une version seulement manuscrite, transcrite au XX e siècle et jamais publiée, pour le troisième. Nous n’avons pas de sérieuses raisons de douter de la transcription effectuée par Léopold Delisle, sans doute le plus grand chartiste de son époque. L’édition des textes est en revanche marquée par l’empreinte du temps. 2.1. «Enquête contre le vicomte de Pont-Audemer». Les graphies sont hésitantes pour les nasalisations, marquant certaines fois celles-ci au moyen d’un redoublement de la consonne nasale (la première consonne nasale étant associée à la voyelle antécédente pour préciser sa nasalisation, la seconde notant l’articulation de la consonne), ne l’indiquant pas d’autres fois: «Premierement, il out I home pris, saisi de deniers qu’il avoit emblez à I homme de Kilebo»; «[…] l’en pernoit la monnoie meisme […] et estoit mise en sas dont l’en faisoit le payement le rey de meisme la monoie.» Il est cependant certain que toutes les voyelles précédant une consonne nasale avaient en cette deuxième moitié du XIII e siècle un timbre nasalisé. Les graphies semblent assez conservatrices pour le résultat de la diphtongaison d’un o fermé accentué libre: perneors, pledeor, peor, vendeor/ vendoor. La monophtongaison en [ø] est en principe à cette époque déjà intervenue (J OLY 1995: 49-51), mais dans l’ouest d’oïl la diphtongue [óu] issue d’un [ó] latin s’est simplifiée en [u] au XII e siècle, transcrite par -ouau cours du XIII e siècle (G AUTHIER 1995: §1.2); aucune mention n’atteste cette évolution dans l’enquête La mise à l’écrit de témoignages oraux dans quelques enquêtes réalisées en Normandie 157 (B RASSEUR 1995: §1.1.1). Dans un mot comme peor, la graphie -eo-maintient en revanche l’hiatus [əǿ], qui ne se réduit qu’au XIV e siècle. Dans les voyelles initiales atones [ɔ] (résultant de la réduction d’une ancienne diphtongue latine [au]) et [o] primaire ou secondaire (c’est-à-dire issu d’un affaiblissement d’un [ɔ]), une tendance à la fermeture se fait jour au XII e siècle, qui aboutit dans tous les cas à [u] au XIII e siècle. Les graphies de l’enquête sont conservatrices et comportent majoritairement un o: borse, borgeis, molin, joste. Il est possible de s’interroger pour turnois, qui paraît être une graphie normande: [u] résultant de la diphtongaison d’un [ó] libre ou d’un [o] initial atone a pu être graphié primitivement -udans l’ouest de la France, avant que le digramme -ousoit rendu disponible par la réduction de la diphtongue [ou]. En revanche, l’occurrence jouste confirme indubitablement la fermeture de la voyelle [o] en [u] au moment de la réalisation de l’enquête. Quelques métathèses se rencontrent dans le texte, avec des dérivés du verbe prendre: pernoit, perneors. 2.2. «Enquête faite contre Guillaume de Bohon». Les graphies sont là aussi hésitantes pour rendre compte des nasalisations: une occurrence comme anee voisine avec des formes comme connins ou enmenaient. conlonbier, qui paraît comporter une voyelle initiale nasalisée, peut-être par assimilation à la voyelle subséquente, pourrait aussi être une cacographie pour *coulonbier, avec un phénomène attendu de fermeture de la voyelle initiale atone. Deux formes concurrentes coexistent dans le texte pour l’évolution du germanique latinisé boscus: bos et bois. Dans les occurrences pour le toponyme Cherbourg, les formes concurrentes montrent une hésitation sur la transcription de l’évolution du timbre ouvert pour [o] primaire ou secondaire: Chierebourc marque bien la fermeture de la voyelle finale atone, tandis que les formes Chiereborc et Chierebort l’ignorent 1 . 2.3. «Enquête faite contre Jean de Carcassonne». Là encore, les graphies sont hésitantes pour indiquer le résultat de la diphtongaison d’un o fermé accentué libre, ainsi que la fermeture possible de la voyelle initiale atone: des formes étymologiques, dans lesquelles la diphtongaison de la voyelle accentuée libre n’est pas transcrite, coexistent avec des occurrences marquant deux étapes de l’évolution de la diphtongaison, respectivement [óu] (première moitié du VI e siècle) et [éu] (seconde moitié du XI e siècle, mais la 1 Pour de plus amples considération sur ce toponyme, voir L EPELLEY 1993. 158 Stéphane Laîné langue écrite conservera cet état jusqu’au français moderne): seignor(s), seignior; signourie; signeur, Monseigneur. Ces occurrences montrent aussi la difficulté rencontrée par le français pour marquer la palatalisation du n intervocalique, d’où des graphies -gn-, -ign-, -gni-… Les graphies sont assez conservatrices pour le résultat de la diphtongaison d’un o fermé accentué libre, avec plusieurs occurrences dans lesquelles la voyelle est redoublée: panioors, recevooes, assessors, menoors, colletors/ collectors, lour/ lor… Dans ce texte comme dans les autres, les formes concurrentes sont nombreuses et hésitantes pour indiquer l’évolution du timbre ouvert pour [o] primaire ou secondaire, avec une prédominance marquée du digramme -ou-: borgoys, borgeyse, borgaage; turnois, u; souffisans, souffrissent, fourfait, pourfit, acoustumé, coustume, doudit, renoumer, doumaine, moulin… Quelques mots semblent comporter un affaiblissement de la voyelle initiale atone et son passage à [ə]: demage(s), meneuvre. Plusieurs occurrences attestent l’amuïssement des consonnes finales: escureus; hamas (pour hanas ou pour ham(p)nas); baillif, mais baillis. Deux formes sont présentes dans le texte pour l’adverbe spécialement: especiamment est une forme attestée sans redoublement de la consonne nasale en ancien français (FEW 12: 152b), sans qu’il nous soit possible de savoir si ce redoublement marque ici une nasalisation ou, éventuellement, une cacographie pour especiaument, forme fréquente en ancien français et qui comporte une vocalisation du l antéconsonantique, produisant une diphtongue de coalescence [au]; especialement correspond davantage à une forme du moyen français, avec un e marquant le genre féminin de l’adjectif qualificatif dont dérive l’adverbe, mais des occurrences paraissent attestées dès le XIII e siècle (ibid.). Enfin, le texte comporte peut-être un témoignage d’un changement précoce et inattendu de genre: «le gent» coexiste avec «la gent». En principe, gent est resté féminin en français, tandis que son pluriel gens est devenu masculin. Il pourrait s’agir aussi d’un picardisme (n’oublions pas que Domfront est un apanage du comte d’Artois), le domaine picard connaissant une forme le pour l’article défini féminin. 3. Les dialectalismes 3.1. «Enquête contre le vicomte de Pont-Audemer». L’un des phénomènes phonétiques majeurs en Normandie, attesté sur les deux tiers du territoire et mis en évidence par Charles Joret 2 , est l’évolution de [k] + 2 J ORET 1881; voir aussi B RASSEUR 1995, L EPELLEY 1974 et L EPELLEY 1999. La mise à l’écrit de témoignages oraux dans quelques enquêtes réalisées en Normandie 159 [e]/ [i] > [ʃ] ou de consonne + ti + voyelle > [ʃ]. Cette palatalisation, commune en réalité à tout le domaine normano-picard, a eu ailleurs une évolution légèrement différente, d’où une sifflante [s]; elle est attestée dans le texte par les formes chimetiere, larrechin, groucher, chen, raenchon, che. Un autre phénomène phonétique majeur en Normandie (et en Picardie) est l’absence de palatalisation de [k] + [a] > [k] 3 . Le texte contient ainsi une occurrence senescal. Au XII e siècle, la diphtongue [éi] n’a pas poursuivi dans l’ouest du domaine d’oïl son évolution vers [ói], mais elle s’est réduite en [e]. Le texte possède des formes dialectales et des formes de français «central»: borgeis; telle; rey et roy; neent et noient… aveine est pour sa part une forme figée en tant que redevance. La forme «poeple» comporte le résultat dialectal de la diphtongaison d’un o ouvert accentué libre: la diphtongue [úe] est passée à [we], graphié -oe-, et n’a donc pas abouti à [ø]. L’occurrence «effanta» est assez problématique… Les parlers locaux du nord de la Manche connaissent une forme [ef$] ou [ɛf$] pour enfant. Le phénomène phonétique n’a jamais été précisément expliqué, mais il est d’usage de penser que deux faits sont en jeu: la tendance à l’ouverture de toute voyelle nasalisée, qui ferait donc passer [ĩ] à ['] (J OLY 1995: 171), puis la dénasalisation partielle des XVI e -XVII e siècles, qui fait évoluer ['] en [ɛ], d’où [ɛf$] 4 . Cette évolution est parfaitement logique, mais la mention du texte que nous étudions date du XIII e siècle, ce qui supposerait une dénasalisation de la voyelle nasalisée beaucoup plus précoce que ce que l’histoire de la langue retient généralement. Dans l’évolution du suffixe latin -ariu, la consonne labiale n’a pas eu en Normandie d’effet labialisant sur la voyelle subséquente, laquelle se réduira à [ɛ] (L EPELLEY 1974: §20), d’où chevaleir (du latin tardif CABALLARIUS ). Un yod exerce en Normandie une action fermante sur un [e] subséquent issu d’un a latin, phénomène qui peut à certains endroits être étendu à un [e] issu d’un ĕ ou d’un ē latins (L EPELLEY 1974: §30 et 49): nous avons ainsi dans le texte chivre. Il y a eu au Moyen Âge dans l’ouest d’oïl une influence fermante de [r] sur la voyelle [a] (G AUTHIER 1995: 2.3), d’où «quer» dans l’enquête. Les deux formes concurrentes Biaumont et Belmont indiquent deux phénomènes distincts. Pour la première, il s’agit d’une fermeture dialectale du premier élément de la triphtongue [au] (L EPELLEY 1974: § 3): Dans le courant du XII e siècle, le [a], voyelle la plus ouverte de la triphtongue, donc la plus forte, attire à elle l’accent et se vélarise: [bɛus]. Le [ɛ] désaccentué s’affaiblit, ce qui se traduit par une fermeture d’un degré: [beus]. Dans plusieurs dialectes, notamment en Normandie, cette fermeture se poursuit: [bius] > [bjus]. Le deuxième phéno- 3 J ORET 1881; voir aussi B RASSEUR 1995, L EPELLEY 1974 et L EPELLEY 1999; pour le détail de ces phénomènes de palatalisation, consulter L EPELLEY 2001, L EPELLEY 2004 ET L EPELLEY 2005. 4 La consonne nasale étant implosive, la voyelle ne devrait pas se dénasaliser, mais le phénomène est attesté par ailleurs pour un [o] nasalisé: L EPELLEY 1974: §14 Rq 2. 160 Stéphane Laîné mène est le maintien d’une forme étymologique du toponyme, issue d’un accusatif latin, soit Belmont, face à une réfection inspirée de la forme de cas sujet de l’adjectif qualificatif beaus/ bel, soit Biaumont. Cette évolution est une conséquence de l’affaiblissement et de l’abandon progressif du système casuel de l’ancien français, dont une des manifestations est la prédominance progressive de beau aux dépens de bel, dans tous les emplois (le second terme se maintient cependant devant un mot à initiale vocalique pour des raisons d’euphonie). Si les ouvrages de référence évoquent généralement le moyen français pour ce changement, nous sommes enclin à le dater pour les toponymes de la fin du XII e siècle ou du début du XIII e siècle (L AÎNÉ 2006: 286-91). La consonne constrictive sourde [s] s’est sonorisée en [z] au IV e siècle en position intervocalique (J OLY 1995: 111-12). Il semblerait que ce phénomène ne se soit pas produit dialectalement, ou bien qu’il y ait eu un mouvement régressif ultérieur d’assourdissement de la consonne constrictive alvéolaire sifflante [z] en position intervocalique: foisson, sessine. 3.2. «Enquête faite contre Guillaume de Bohon». Nous retrouvons dans cette deuxième enquête plusieurs des dialectalismes présentés précédemment: - La palatalisation de [k] + [e]/ [i] > [ʃ] ou consonne + ti + voyelle > [ʃ], en particulier ici pour les démonstratifs: chil, che, cheli, chel, mais aussi cil. - L’absence de palatalisation de [k] + [a] > [k]: cevreil côtoie chevreil; karées mais charretee(s); chaable. - La réduction de la diphtongue [ei] à [e] ou forme figée: avaine. - La fermeture du premier élément de la triphtongue [au]: nouviax. S’ajoutent à cela deux phénomènes: - Un assourdissement de la consonne constrictive postalvéolaire [ʒ] en position intervocalique (ou une absence de sonorisation antérieurement, au IV e siècle): descharcher. - Une fermeture de la voyelle [ɑ] dans quelques toponymes formé avec le latin VASTUM 5 , ainsi que dans un adverbe de lieu: Tholevaut, Sotevaut mais Martival; «il dit qu’il fu lau où Guillaume li otroia les II fous, c’et à savoir à Beeville en la maison au prestre, lau où il mengoit». Nous n’avions pas précédemment rencontré ce phénomène dans les recherches déjà effectuées relativement à ces toponymes. 5 Nous avons étudié plus précisément ces toponymes dans un article (L AÎNÉ 2013: 204-07); le fait que la voyelle accentuée soit entravée dans vastum nous incite à penser que la graphie -aucorrespond davantage à une fermeture de [ɑ] en [o] que du résultat d’une diphtongaison, qui n’aurait de toute façon pas produit un tel résultat. Nous avons également analysé plus systématiquement les toponymes attestés dans les trois enquêtes qui font l’objet de cette présente étude (L AÎNÉ 2016). La mise à l’écrit de témoignages oraux dans quelques enquêtes réalisées en Normandie 161 3.3. «Enquête faite contre Jean de Carcassonne». Ce sont encore les mêmes dialectalismes qui sont observables dans cette troisième enquête: Le résultat dialectal de la diphtongaison d’un o ouvert accentué libre (la diph- tongue [úe] est passée à [we], graphié -oe-, et n’a donc pas abouti à [ø]): aioel, bessioel; doelent; boef. - La palatalisation de [k] + [e]/ [i] > [ʃ] ou consonne + ti + voyelle > [ʃ]: apartenanches côtoie apartenance; recheu, rechevoir. - La fermeture du premier élément de la triphtongue [au]: cheriaus (avec de plus une influence fermante de [r] sur la voyelle [a]), biaus. - La réduction de la diphtongue [ei] à [e]: creit, creiraie; preieres; aveir, aveit; taylles; estait/ esteit; seit; saveir; teneit; dreit; deveit… - L’assourdissement de la consonne constrictive alvéolaire sifflante [z] en position intervocalique (ou une absence de sonorisation antérieurement, au IV e siècle), phénomène très présent dans le document: chosse(s); prisson; resson; repossaient; messon(s); pesson/ peysson; brissée; sessine, mais aussi sezine; acussee; fesson, fesseit; plusso(u)rs; ossa; dessessi; assisses; dissoit… Si les autres phénomènes phonétiques sont caractéristiques de l’ouest d’oïl ou du domaine normano-picard, donc attestés en Normandie, le dernier fait exposé pourrait être plus particulièrement picard, même s’il est aussi faiblement présent dans les enquêtes de Pont-Audemer et du Cotentin: Gossen le présente en tout cas comme tel (G OSSEN 1951: §49). Il est donc possible que le texte de l’enquête contre Jean de Carcassonne ait été rédigé par un scribe originaire du nord de la France, au service du comte d’Artois (L AÎNÉ 2015). 4. Perspectives 4.1. Des pratiques qui diffèrent dans l’espace, mais des usages communs. Les trois enquêtes étudiées sont issues de l’est, du nord-ouest et du sud de la Normandie, formant une sorte de triangulation du territoire. Elles ont été réalisées dans une fourchette chronologique réduite, d’une trentaine d’années seulement. Il y a donc une sorte de cohérence globale des repères spatio-temporels. Le point commun aux trois textes le plus saillant est sans doute une sorte de conservatisme de la langue écrite, traditionnel en soi. Les graphies sont souvent archaïques, que ce soit pour les vocalismes ou les consonantismes. Les diphtongues apparaissent sous une forme écrite qui correspond à un état ancien de la langue orale, les nasalisations, les effacements de consonnes ou les réductions 162 Stéphane Laîné d’hiatus sont timidement indiqués, en concurrence avec des graphies moins modernes. Tous les textes comportent de nombreuses formes dialectales, en revanche, surtout phonétiques. La morphologie ou le lexique sont moins marqués ou pas du tout. La plupart de ces formes sont communes au domaine normano-picard ou à l’ouest d’oïl, ce qui attendu pour des enquêtes réalisées en Normandie. Par quelques traits, le manuscrit de l’enquête contre Jean de Carcassonne pourrait être davantage attribué à un scribe picardisant originaire de l’Artois. 4.2. Difficulté à appréhender convenablement l’influence des chancelleries ou des administrations judiciaires. Les deux premières enquêtes émanent de la justice royale. La langue employée montre cependant que les faits ont certainement été consignés par des scribes locaux, respectueux de formes écrites apprises, mais usant selon toute vraisemblance de formes orales dialectales, dont leurs transcriptions portent le témoignage. Le registre lexical relativement neutre, la morphologie et les tournures syntaxiques communes ne permettent pas de croire que les dialectalismes soient davantage le fait des témoins, dont les paroles seraient fidèlement transcrites, que d’une pratique personnelle inconsciente des rédacteurs. 4.3. L’enquête de Domfront use d’une langue dont la syntaxe paraît moins maîtrisée, plus proche sans doute de la pratique orale. De nombreuses plaintes semblent citer des paroles rapportées directement, dont certaines comportent un intéressant changement de pronoms personnels. Dans le premier exemple que nous citons, Jean de Carcassonne paraît présent lors de l’accusation et les propos lui sont adressées à la deuxième personne: Ce sont les chosses que Jehan Amelote requiert à vous sur Jehan de Carcassonne que vous l’en facez resson se il vous plest. Premierement, vous eustes sis livres douze souz et ouit deniers de gaaig de vostre argent. De rechief vint souz de tornoys de la vente de dous hennes d’agniaus que vous detensistes qui devaient a luy torner. De rechief troys forreures à chaperon dont vous ne deviez avoir que deux. Et de rechief vous eustes diz mines d’avaine que vous eustes dont vous recoeillistes quarante deniers. Et de rechief une pelice de connins et un covertoir que vous achatates cinquante sous les quex vous ne vousistes conter que quarante souz. Et de rechief dou change des poix d’escureus que vous li baillistes pour les soes dont il ot demage de soixante souz de tornoys. De rechief pour le froment que vous li feistes prendre que il [mot illisible] onques [mot illisible] pour luy que vous vendistes à Pasquier vostre clerc dont ledit Jehan [mot illisible] et ouit souz en gardez se vous le deviez feire. [plainte 1] La mise à l’écrit de témoignages oraux dans quelques enquêtes réalisées en Normandie 163 Dans le deuxième et le troisième exemples, le plaignant prend le discours à son compte, à la première personne, et le texte consigne cet emploi: Complaignant est Guillaume le Cousinel de Johan Carcassonne jadis baillif de Danfront quar il l’a fet respondre de chosse d’intestat par devant luy hors d’assisse et de plez nommez dont ge di que ce n’est pas la coustume e feissent le mien prendre pour respondre devant luy de la chosse des instestaz, ledit Guillaume li requereit que il veist l’intestat e il ne li vouleit monstrer; ainceys la fesseit respondre par devant luy le sein tenant dont il li a fet ses messons vendre par la povreté de la response dou plet, ou il l’avait mis quar il tenoit le sein pour quoy il le covenoyt respondre desquels chosses desus dites il li a fet demages juques au proes de CXII s., quar il me meteyt mon plet en leu ou ge ne peaye aveir conseil; par quoy se il le quenoyst ge en requier amendement, se il le née ge le proveroy par enquest ou si comme il donroy. Item complaignant est Guillaume Cousinel de Monseignor Thomas Achart quar vilenie li fist en la voie dou marchié en la pez Deu et la pez mon seignor le conte quar il le batit é achaabla en la voie dou marchiée de Danfront ou nous devons avoir sauf aller et sauf venir, et ces chosses li sont neiées, il l’offre à prouver. [plainte 5] Complaignant est Richart le Roigne de la terre nostre seignior le roy de France de Jehan Carcasonne jadis baillif de Damfront quar ge amenaie pors aus leaus coustumes de la forest en la forest […] e quant le panage fut crié ge fis venir mes pors comme les autres marchaanz et furent passez et coutez par les serjanz que le baillif y aveit assis […] [plainte 18] Il se peut cependant que ces transcriptions qui semblent prises sur le vif soient aussi des effets de style propres à un dialogue en quelque sorte narrativisé, propres au genre ou particuliers au rédacteur. Nous ne saurons être trop prudent également avec certaines formes dialectales présentes - voire omniprésentes - dans le texte et qui pourraient être le reflet de la pratique orale du scribe beaucoup plus que de celle des témoins dont il rapporte les propos. Ainsi, si quelques traits sont bien picards - ce qui n’est toutefois pas assuré de façon définitive - comment croire qu’ils soient le fait des habitants de la région de Domfront? Malgré ces restrictions ou ces préventions, le témoignage de ces trois enquêtes demeure une source de connaissance indéniable de la langue écrite et de la langue orale pratiquées en Normandie dans la deuxième moitié du XIII e siècle. La première se révèle conservatrice et structurée, peut-être en partie à cause de la nature des textes étudiés. La seconde, qu’elle puisse être attribuée aux témoins et aux plaignants s’exprimant au discours direct ou qu’elle soit le fait involontaire des rédacteurs des enquêtes, comporte une part dialectale importante, au moins dans ses caractéristiques phonétiques. C’est une confrontation de ces quelques éléments à d’autres textes judiciaires et à des textes d’autres natures encore, contemporains et issus de la même aire géographique et politique, qui permettrait d’affiner ces résultats. 164 Stéphane Laîné Bibliographie sélective B RASSEUR , P. 1995: «Les parlers d’oïl de l’ouest de la France. Les parlers normands», in P. G AUTHIER / T. L AVOIE (ed.), Français de France et français du Canada. Les parlers de l’Ouest de la France, du Québec et de l’Acadie, Lyon: 105-44 C ORMIER , J.-P. 1986: «L’enquête faite contre Jean de Carcassonne, Bailli de Domfront (1292)», Le Domfrontais médiéval 4: 19-36 C ORMIER , J.-P. 1993: «L’enquête faite contre Jean de Carcassonne, bailli de Domfront», Annales de Normandie, 43 e Année, N°2: 161-66 D ELISLE , L. 1852: Cartulaire normand de Philippe-Auguste, Louis VIII, Saint-Louis et Philippele-Hardi, Caen, Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie, vol. 16 (2 e série, 6 e vol.) G AUTHIER , P. 1995: «Traits phonétiques communs», in P. G AUTHIER / T. L AVOIE (ed.), Français de France et français du Canada. Les parlers de l’Ouest de la France, du Québec et de l’Acadie, Lyon: 27-67 G OEBL , H. 1970: Die normandische Urkundensprache, Wien G OSSEN , C. 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Izdebska (ed.), Names and their environment. Proceedings of the 25 th International congress of onomastic sciences, Glasgow, 25-29 August 2014, vol. 2, Toponomastics II: 1-14 L EPELLEY , R. 1968: «Langue vulgaire et langue littéraire en Normandie du XI e au XVIII e siècle», in: Actes du colloque «Les Dialectes de France au Moyen Âge et aujourd’hui» (Strasbourg, mai 1967), Paris: 429-38 L EPELLEY , R. 1974: «Le parler normand du Val de Saire», Cahier des annales de Normandie, 7 L EPELLEY , R. 1993: «De Cherbourg à C ORIALLUM », Annales de Normandie, 43/ 1: 3-16 L EPELLEY , R. 1999: La Normandie dialectale, Caen L EPELLEY , R. 2001: «Particularités phonétiques et romanisation du domaine gallo-roman ‹nord-occidental›», RLiR 65: 113-43 L EPELLEY , R 2004: «Le couloir romanique et l’évolution du [w] au nord de la Loire», RLiR 69: 517-36 L EPELLEY , R. 2005: «Le réduit romanique ou un domaine linguistique d’oïl-oc en Normandie? », Annales de Normandie 55/ 1-2: 47-68 P OPE , M. K. 1961 ( 1 1934): From Latin to Modern French. With especial consideration of Anglo- Norman, phonology and porphology, Manchester Transcription fidèle ou reconstruction? Les paroles sanctionnées par la justice et leur mise à l’écrit (XIV e -XV e siècles) Aude Wirth-Jaillard, Université catholique de Louvain 1. Introduction Depuis quelques années, la question de l’oral dans les états anciens du français connaît un regain d’intérêt, comme en témoignent les différents colloques qui l’ont inscrite dans leurs programmes: ainsi, en mai 2011, la première session thématique du colloque «Représentations du sens linguistique 5», qui s’est tenu à l’Université de Savoie, a été consacrée aux représentations de l’oralité (actes parus en 2013: L AGORGETTE / L ARRIVÉE 2013), tandis qu’en janvier 2014, à l’Université de Cambridge, le colloque intitulé «L’histoire du français: nouvelles approches, nouveaux terrains, nouveaux traitements» s’est intéressé, pour sa deuxième thématique, à la reconstitution de l’oral (actes en préparation sous la direction de W. Ayres-Bennett). «Représentation de l’oralité» et «reconstitution de l’oral»: à la base de ces thématiques se trouve l’idée implicite que l’oral ancien n’est pas accessible directement, sans intermédiaire, et que seul un travail de reconstruction peut permettre de s’en approcher. Cette idée n’est cependant pas totalement juste. Bien sûr, nous ne disposons pas d’enregistrements audio pour le Moyen Âge, mais il existe tout de même des textes, il est vrai encore peu connus des linguistes, dans lesquels apparaissent des transcriptions de paroles réellement prononcées, ou du moins on peut le supposer: ce sont les textes judiciaires. Les paroles qui peuvent y être relevées devraient alors nous donner accès à l’oral tel qu’il a été produit, l’oral «réel» donc, et non pas une construction littéraire pure issue de l’imagination d’un auteur. Mais peut-on avoir la certitude absolue que ces passages au discours rapporté reflètent exactement les propos tels qu’ils ont été formulés, au mot près? La réponse à cette question est fondamentale, car si l’adéquation est réelle, l’apport de ces données originales et totalement nouvelles à notre connaissance de l’histoire de la langue pourrait être très important, aussi bien pour l’étude du changement linguistique (qui peut trouver sa source dans l’oral) que pour celle de la variation diatopique ou de la variation en fonction du sexe de la personne, etc. Le sujet est évidemment très vaste. Dans le cadre limité de cette présentation, notre objectif ne pourra être d’épuiser la question, en exposant et en discutant la totalité des éléments et des arguments, linguistiques et extralinguistiques, qui peuvent intervenir dans cette question de la conformité de ces transcriptions à ce qui a réellement été dit. Nous nous concentrerons donc sur l’exposé et l’analyse de quelques éléments de réponse tirés d’une recherche en cours sur le sujet 166 Aude Wirth-Jaillard (W IRTH -J AILLARD en préparation), et qui porte principalement sur le discours rapporté figurant dans les documents comptables médiévaux. 2. Le discours rapporté dans les documents comptables médiévaux Ces passages au discours rapporté apparaissent dans certains documents comptables médiévaux, lorsque l’officier en charge de la comptabilité avait également pour fonction la perception d’amendes infligées dans l’entité administrative qu’il gérait. Ces amendes pouvaient sanctionner l’auteur de coups et blessures, la personne qui avait arraché une borne, le boulanger qui avait fait des pains trop petits ou le justiciable qui ne s’était pas présenté à une audience; elles pouvaient également sanctionner des paroles: insultes, moqueries, accusations, etc., qui sont souvent transcrites, au discours direct ou indirect: v sous 1 de jehan matheu de la marche pour ce quil dit a jehan fil jehan diche 2 villain de merde 3 v sous de grisart dyche · pour ce quil dit a laurencot colon quil nestoit pas dignez de pourter 4 office 5 xl sous de gerart jobert pour dire a maheu mayour quil auoit fait faire commandemant par lez forrestiers dez boix quil deffendissent audit gerart quil nala pas aux dis boix / le quel gerart Respondit audit mayour quil nem feroit pas pour ly j · sanglant estron 6 . La très grande majorité sont des énoncés courts; les plus longs, comme ceux qui peuvent être relevés dans le troisième extrait, sont plus rares. Moins fréquentes encore sont les répliques: v sous De garinel pour auoir dit a la femme girart languette en tansant 7 a elle que ne te tais tu car on tait mainteffoix chauchie 8 lecul pour emplir ton saic et va prenre 9 ton freire qui est pendu 1 Nous faisons le choix de proposer des transcriptions les plus proches possibles du texte original. 2 Isches, canton de Lamarche (Vosges): Iche 1180, Iche 1407 (M ARICHAL 1941: 235). 3 Compte du prévôt de Lamarche pour les années 1390-1391, Archives départementales de la Meuse (ci-après ADMe), B 2403, fol. 12v. 4 Porter «assumer la responsabilité de qqch» (DMF s.v. porter 1 , I 3 c). 5 Compte du prévôt de Lamarche, 1391-1393, ADMe, B 2404, fol. 10v. 6 Compte du prévôt de Lamarche, 1402-1404, ADMe, B 2406, fol. 20r. 7 Tancer à qqn «chercher querelle à qqn, l’injurier» (DMF s.v. tancer, A). 8 Chaucher «fouler avec force, presser, meurtrir (un corps vivant)» (DMF s.v. chaucher, I B 2), «étreindre qqn» (domaine sexuel; ibid. I B 4 b). 9 Forme lorraine pour prendre. Les paroles sanctionnées par la justice et leur mise à l’écrit 167 lx sous De la feme girart languette pour auoir dit a garinel mon freire ne fut mie pendus mais mieulx le doit estre et mieux se doit coisier 10 cil qui embla lanoix le grant husson 11 Le dialogue se réduit presque toujours à trois échanges, dont le deuxième se limite le plus souvent à une interrogation du type «pourquoi? » 12 . Un grand nombre des paroles ayant donné lieu à sanctions pécuniaires ont donc été mises par écrit, et ce phénomène semble globalement avoir été de plus en plus fréquent au fil du temps. Comment l’expliquer? Sans doute en le rapprochant de l’attention de plus en plus grande accordée par la justice à la preuve et au témoignage. Aux ordalies, où l’«on prend Dieu à témoin de son innocence en s’exposant au châtiment» et qui sont abolies à partir du XII e siècle (G AUVARD / L IBERA / Z INK 2002: 1020-22, article ordalie), et au duel, succède une justice fondée sur l’enquête avec une importance toute particulière accordée à l’écrit (G AUVARD / L I - BERA / Z INK 2002: 1139-1140, article preuve): c’est la procédure inquisitoire. Dans ce contexte, la citation des paroles sanctionnées dans la mise à l’écrit des amendes a pu constituer un argument, une preuve à l’appui de la sanction. Un autre élément revêtait une importance toute particulière à l’époque, c’était la fama, la commune renommée d’une personne. Durant tout le Moyen Âge, l’honneur a été une valeur essentielle, mais, à la fin de cette période, son poids s’était encore accru, notamment dans le domaine judiciaire: une procédure pouvait ainsi être engagée sur la mauvaise réputation d’une personne 13 . Au vu de la sévérité générale des peines encourues (G ONTHIER 1998: 111-172), on comprend aisément que la remise en cause de la renommée d’un individu ne pouvait être prise à la légère: il était donc essentiel de rétablir cette dernière. La sanction de ces paroles avait ainsi, entre autres, fonction de les démentir; quant à la mention précise des propos tenus, on peut penser qu’elle avait pour objet d’établir avec précision ce qui était reconnu et affirmé comme faux dans le cas d’accusations sans fondement et d’insultes gratuites. En outre, en les enregistrant, la justice se dotait d’un outil lui permettant d’établir si des propos comparables avaient déjà 10 Se coisier «se tenir tranquille, se taire, se calmer» (DMF s.v. coiser). 11 Comptes du prévôt de Gondrecourt-le-Château (Meuse), exploits de justice pour Horville-en- Ornois, 1400-1402 (ADMe B 1429; ces deux amendes se suivent dans le registre: l’une figure en dernière position sur le fol. 34r, l’autre en première position sur le fol. 34v). 12 Pour une présentation générale du discours rapporté dans les documents comptables médiévaux lorrains, cf. W IRTH -J AILLARD 2013; pour une étude plus détaillée du discours rapporté dans les comptes du receveur de Châtel-sur-Moselle (Vosges) de 1429 à 1474, cf. W IRTH -J AILLARD 2016 (étude au prisme du genre) et à paraître (analyse globale). 13 La fama est «cette structure portante de la sphère judiciaire aux derniers siècles du Moyen Âge, que l’on trouve au principe de grands découpages tendant désormais à organiser sinon l’exercice de la justice dans son ensemble, du moins celui de la justice criminelle, ainsi que des pans importants de la justice civile. Rappelons-le: elle détermine le statut juridique des personnes en matière processuelle; elle contribue, comme élément probatoire minimal, à délimiter le domaine du procès; elle le déclenche en régime inquisitoire» (T HÉRY 2003: 147). Sur ce point, voir également G AUVARD 2010: 135-42, 734-43, 887-92. 168 Aude Wirth-Jaillard été tenus par le même individu. Ce point avait un intérêt réel, la récidive étant l’objet de sanctions bien plus lourdes encore que le premier méfait du même type. Mais une question essentielle demeure: ces transpositions à l’écrit sont-elles fidèles en tous points, au mot près, aux paroles qui ont été prononcées? La forme a-t-elle été respectée autant que le fond? La réponse ne fait guère de doute pour les énoncés courts de type insultes: imagine-t-on un scribe, à l’audition d’une victime se plaignant d’avoir été qualifiée devant témoins de «sanglant fils de putain», avec le coupable qui reconnaît les faits, coucher par écrit une insulte différente? Il y a également peu de risques que de tels énoncés n’aient pas été conservés intacts dans la mémoire des protagonistes en raison à la fois de leur dureté et de leur brièveté. Mais qu’en est-il pour les énoncés plus longs? Voyons en premier lieu ce qu’ont pu établir sur ce sujet les spécialistes des documents judiciaires du bas Moyen Âge. 3. Les historiens et la question de la fidélité de la mise à l’écrit Les comportements déviants et, en général, la justice durant le bas Moyen Âge ont suscité un grand intérêt chez les historiens; nombreux sont donc les travaux sur le sujet. Ceux-ci s’appuient sur des documents de diverses natures: documents comptables bien sûr, mais également enquêtes, procès, registres d’arrêts ou de sentences ou encore lettres de rémission. Le problème qui nous occupe ne semble pas avoir été un sujet d’étude et de réflexions approfondies chez les historiens: même quand ils traitent avec précision les différentes étapes de la procédure, la question de la fidélité de la mise à l’écrit des paroles n’est que rarement abordée. Et quand elle l’est, la réponse qui est apportée n’est pas la même suivant les auteurs et les sources sur lesquelles ils travaillent. D. Lett, dans un article s’appuyant sur quatre procès de canonisation instruits au début du XIV e siècle, écrit ainsi: Sans parler des dépositions entendues, mais non consignées, ou de celles qui ont été enlevées ou ajoutées […], la trace écrite finale des procès de canonisation ne se contente jamais de consigner ce qui a été dit mais le transforme par un processus d’abstraction et de sélection. Certains médiévistes conservent encore l’illusion que l’on peut, dans des documents produits par la procédure inquisitoire, entendre la «voix vive» des témoins, exprimée librement. Enfin, on quitterait la sécheresse de la documentation diplomatique pour entendre la voix des acteurs de l’histoire et en particulier des plus humbles […]. Dans le sillage du linguistic turn, de nombreux et importants travaux portant sur la documentation inquisitoriale, en centrant leur attention sur le contexte de production, ont montré depuis plus de quinze ans qu’il fallait radicalement critiquer cette idée […]: «La procédure écrite […] tue la voix vive des témoins et des accusés […].» La langue qui a été parlée et qui resurgit dans le texte émane donc d’une reformulation de la parole des témoins par le notaire, qui est d’abord un «porte-plume» avant d’être un «porte-parole […]». (L ETT 2009: 95-96) Les paroles sanctionnées par la justice et leur mise à l’écrit 169 De la bouche du déposant aux plumes du notaire local et des scribes pontificaux, la parole des témoins a subi divers processus de standardisation, de décontextualisation et de compactage, imposés par la procédure inquisitoire. (L ETT 2009: 105) S’intéressant aux meneurs de révoltes en Flandre durant le XV e siècle, J. Dumolyn et J. Haemers avancent également que: Chroniclers, judges and clerks of the courts filtered and rephrased the words of the rebels through their own socially and legally determined discursive frames. Therefore it is hard to retrieve the precise formulations used by political criminals. Repression had to be legally justified by the courts, however, and even chroniclers who dealt with political protest mainly in stereotypes had to quote rebels more or less exactly in some cases to persuade their intended audience of the rebels’s maliciousness and potential danger. Hence, we argue that historians should not be excessively negative about the sources’ lake of ‘authenticity’ and their stereotypical character, because in combination with other data, they have the potential to reveal a good deal of the discursive reality surrounding medieval revolts. (D UMOLYN / H AEMERS 2012: 52) Pour les procès de canonisation comme pour les chroniques ou les procès pénaux, la chose semble donc entendue si l’on suit ceux qui les ont étudiés sous l’angle de l’histoire sociale. On notera toutefois que ces affirmations ne reposent pas sur des éléments précis tirés des textes en question, mais d’avantage sur un sentiment ou une connaissance globale de ces textes. Pour la procédure devant la chambre criminelle du Parlement de Paris au XIV e siècle, l’historien du droit L. de Carbonnières établit quant à lui que: Sur ce point, le Style des Commissaires donne en deux séries d’articles la façon dont les témoins doivent déposer […] et comment leur déposition doit être retranscrite par écrit par les commissaires […]. Le rédacteur déclare que les commissaires du Parlement se sont inspirés des ouvrages d’Innocent IV, d’Henri de Suze et de Guillaume Durand […]. Pour sa part, Jean Boutillier donne un exposé dont l’essentiel tient en ce que le témoin doit uniquement déposer sur les articles et que sa déposition doit être transcrite mot pour mot […]. (C ARBONNIÈRES 2004: 460) Jean Boutillier (vers 1340-95), jurisconsulte auteur de la Somme rural, recueil des usages et coutumes en usage dans le nord du royaume de France, nous offre donc une information essentielle sur les principes de la procédure: la déposition du témoin devait être transcrite mot pour mot. Mais qu’en était-il vraiment dans les faits? Si l’on se place du point de vue de la seule vraisemblance, on a peine à imaginer un scribe parvenant à transposer intégralement les paroles d’un témoin, surtout si sa déposition est longue. Il est donc permis d’être sceptique face à la possibilité de mettre en pratique une telle injonction pour les procès par exemple. La question qui nous occupe portant sur la langue, il est intéressant, à présent, de voir ce qui en a été dit par les linguistes eux-mêmes. 170 Aude Wirth-Jaillard 4. Les linguistes et la question de la fidélité de la mise à l’écrit À notre connaissance, cette question n’a jusqu’à présent pas fait l’objet d’une étude d’ensemble pour le français médiéval; certains travaux ponctuels apportent cependant des éléments particulièrement intéressants pour notre question. C’est le cas en particulier de l’article de P. K OCH 1999 intitulé «Court Records and Cartoons: Reflections of Spontaneous Dialogue in Early Romance Texts» dans lequel l’auteur propose un raisonnement d’ordre linguistique sur la représentativité de certains textes les plus anciens, parmi lesquels des textes judiciaires concernant Venise, la Toscane et le Forez. Aucun n’est en français, mais la réflexion proposée est aisément applicable aux documents comptables dans cette langue. L’auteur établit ainsi dix paramètres de l’immédiateté communicative (communicative immediacy; K OCH 1999: 400): 1. Physical (spatial, temporal) immediacy: immédiateté physique (spatiale, temporelle) 2. Privacy: intimité 3. Familiarity of the partners: connaissance, familiarité des partenaires entre eux 4. High emotionality: haut degré d’émotion 5. Context embeddedness: intégration dans le contexte 6. Deictic immediacy (ego-hic-nunc, immediate situation): immédiateté «déictique» (ego-hic-nunc, situation immédiate) 7. Dialogue: dialogue 8. Communicative cooperation of the partners: coopération, sur le plan communicatif, des partenaires 9. Free topic development: développement d’un sujet libre 10. Spontaneity: spontanéité. Il établit ensuite (p. 408-10) l’adéquation des caractéristiques de ces textes judiciaires avec les paramètres ainsi définis. Le même exercice peut sans difficulté être appliqué aux amendes dans les documents comptables, de nature voisine de celle des extraits de textes étudiés par P. Koch: 1. Physical (spatial, temporal) immediacy: les personnes impliquées, victimes ou coupables, se trouvent en situation de face-à-face puisqu’elles se parlent 2. Privacy: le contexte des paroles sanctionnées n’est que rarement précisé; la teneur et la fréquence de ces propos permet cependant d’affirmer qu’un grand nombre ont dû être tenus dans des situations privées 3. Familiarity of the partners: les personnes se connaissent suffisamment bien entre elles pour évoquer (souvent de façon peu amène) une situation de mari trompé, une supposée filiation douteuse, un vol, etc. Les paroles sanctionnées par la justice et leur mise à l’écrit 171 4. High emotionality: là encore, la teneur des propos ne laisse aucun doute sur le sujet: les insultes, accusations ou moqueries trouvent le plus souvent leur origine dans des sentiments forts (jalousie, colère, envie, etc.). Les quelques exemples de répliques et leur vivacité témoignent également que les paroles en question n’ont pas été prises à la légère 5. Context embeddedness: toutes des paroles transcrites appartiennent au même contexte: celui de ce qui n’est pas toléré 6. Deictic immediacy: l’emploi des première et deuxième personnes n’en est qu’un exemple 7. Dialogue: dans ces amendes, les dialogues à proprement parler sont rares; mais ce qui a été sanctionné en a très certainement fait partie, la conversation ayant à un moment dégénéré 8. Communicative cooperation of the partners: les propos en question résultent de la confrontation d’au moins deux personnes 9. Free topic development: aucun cadre n’est imposé par une entité extérieure: les coupables sont responsables de l’orientation de leurs propos 10. Spontaneity: trouvant leur source dans des émotions, ces paroles ne peuvent qu’être en majorité spontanées. Les paroles que l’on trouve dans ce type de textes judiciaires présentent donc des caractéristiques qui laissent penser qu’elles ne peuvent qu’être très proches de l’oral spontané. P. Koch nuance toutefois cette conclusion (p. 412): However, even a record of this kind must be expected to contain a certain degree of mediation and filtering. Indeed, part of a quotation is even translated into Latin at the beginning of (4b) […]. More complex still is the relationship between text passages on level III and the primary (! ) «original utterances» S → H (W), because the power of memory and honesty of S’ - H or W come into play here, but above all because the communication form used for quoting is different from the quoted communication form itself. We must not forget that a quotation is not the same as a tape-recording.» Les arguments avancés, ceux de la mémoire et de l’honnêteté, sont tout à fait pertinents. Mais l’analyse de l’auteur, s’appuyant principalement sur les données linguistiques, ne tient pas compte des autres éléments touchant à notre question et qui peuvent se trouver dans les sources examinées elles-mêmes. Nous allons en examiner un exemple. 172 Aude Wirth-Jaillard 5. Un exemple d’indices dans les documents comptables L’exemple en question est tiré d’un compte lorrain du XV e siècle: le preuost dit que ceste amende nest encore jugie et en demande Amende entre ledit aubert charreton et jehan de jugement ledit aubert pour landegley pour tant que ledit aubert dit audit Jehan quoy nen compte Riens jcy de landegley quil estoit filz de putain xxij gros demi le Recepueur jdem comme la precedent amende Amende entre huguenin gaulthier et aubert le pour ce jcy Neant charreton pourtant que ledit huguenin dit audit aubert quilz noseroit aller puis parmy lorrenne / car se il ly estoit trouuez il seroit panduz xxij gros demi 14 Les deux paragraphes à gauche correspondent aux annotations de la chambre des comptes, en charge de la vérification de la comptabilité; ils sont donc postérieurs et commentent les deux paragraphes à droite, qui sont des mentions d’amendes pécuniaires dont la recette était faite par l’officier comptable, le receveur. Dans ces deux exemples, le montant qui a été perçu par le receveur a été barré par le contrôleur de la chambre des comptes; ce dernier s’en justifie dans la marge en précisant que, ces deux cas n’étant pas encore passés en justice selon le témoignage du prévôt, c’est-à-dire l’officier en charge de la justice, ils ne peuvent être intégrés dans le compte. Si la première de ces amendes n’apparaît dans aucun des registres postérieurs qui ont été conservés, la seconde, en revanche, se rencontre de nouveau dans le registre suivant, mais sous une forme un peu différente: Amende de heugeugnin gaultier pourtant que ladit A aubert le charton que il nouseroit aller avaulx 15 lorraine quar se il estoit print il seroit penduis pour ce jcy pour la partie de monsignour xxij gros demi 16 Pour la même cause et la même amende, les paroles transcrites sont donc légèrement différentes: dans la première version, «qu’ilz n’oseroit aller puis parmy Lorrenne / car se il ly estoit trouvez il seroit panduz» et, dans la seconde, «que il n’ouseroit aller avaulx Lorraine quar se il estoit print il seroit penduis»: parmi devient aval et trouvé devient pris. Voilà qui semble aller à l’encontre de l’idée que ce type d’attestations pourrait reproduire fidèlement les propos tenus, ceuxci, évidemment, ne pouvant avoir pris qu’une seule forme. On pourrait alors op- 14 Compte du receveur de Châtel-sur-Moselle (Vosges) pour les années 1462-1463, Archives départementales de Meurthe-et-Moselle (ci-après ADMM), B 4163, fol. 8v. 15 Aller aval quelque part «aller dans la direction de quelque part, se rendre quelque part» (DMF s.v. aval, II A 3). 16 Compte sur receveur de Châtel-sur-Moselle, 1464-1465, ADMM, B 4164, fol. 11r. Les paroles sanctionnées par la justice et leur mise à l’écrit 173 poser que la variation n’est, somme toute, que minime, et que l’essentiel est maintenu. Ce n’est pas faux, mais, pour une analyse linguistique fine, un tel flou peut disqualifier certaines analyses. La question du degré de fidélité de ces extraits reste donc essentielle. Le problème n’en est toutefois peut-être pas réellement un, au contraire. Dans le premier registre, il est mentionné que la victime, Aubert le Charreton, demande qu’il y ait un jugement pour cette affaire; c’est donc que la procédure normale, qui implique le passage devant un juge, n’a pas été respectée dans son intégralité; il n’y a donc probablement pas eu de débat contradictoire ni d’écoute des protagonistes et des éventuels témoins. Le déroulement précis de l’ensemble reste difficile à cerner. Les travaux de l’historien du droit J. Coudert (notamment C OUDERT 1985) permettent cependant d’établir qu’une partie au moins de la procédure reposait sur des écrits: les causes, notamment, étaient écrites, et appelées dans l’ordre où elles apparaissaient sur le document (p. 52); le jugement faisait également l’objet d’une mise à l’écrit. Les détails de l’ensemble restent cependant difficiles à établir avec précision. Mais ce que l’on peut en tirer, c’est qu’il y avait très certainement une première mise à l’écrit, dans l’attente du passage en justice, afin de n’oublier aucune affaire, et qu’il y avait une deuxième (au moins) mise à l’écrit, durant ou juste après le jugement. C’est sans doute sur cette dernière que s’appuyaient le receveur et son scribe, le clerc-juré, pour la rédaction du registre comptable. Dans le cas qui nous occupe, il y a dû y avoir erreur dans le processus, et ce qui apparaissait dans la première mise à l’écrit, provisoire, s’est retrouvé dans le compte, et l’erreur a été découverte au moment de l’audition du compte. Lors du passage en justice, le coupable a dû rectifier les mots qui lui avaient indûment été prêtés par la victime venue se plaindre auprès des officiers, et c’est cette version rectifiée que l’on trouve dans le second compte. Si cette explication est juste, alors cette rectification, loin d’être le signe d’une approximation, témoigne au contraire d’une volonté de précision et d’adéquation à ce qui a été prononcé. Ce fait est d’autant plus marquant que cette rectification, dans sa modestie, ne pouvait rien changer à la sentence, le contenu des paroles demeurant strictement identique. S’il y a eu rectification, ce ne peut être que dans l’optique de rétablir la vérité des paroles. Malheureusement pour nous cependant, les éléments à notre disposition ne permettent pas d’établir avec une totale certitude que les faits se sont bien déroulés de la sorte: une part de doute demeure et demeurera sans doute toujours. 6. Conclusion Cette présentation ne constitue donc pas un aperçu, mais bien plutôt un échantillon des éléments et arguments, de toute nature, qui peuvent être avancés pour tenter de définir si nous pouvons avoir, d’une manière ou d’une autre, grâce à ces sources judiciaires, accès à l’oral médiéval tel qu’il a été formulé, plus parti- 174 Aude Wirth-Jaillard culièrement grâce aux documents comptables. Nombreux sont les autres éléments et arguments que nous n’avons pas même évoqués, ainsi que les études qui, si elles ne portent pas directement sur le sujet qui nous occupe, peuvent enrichir la réflexion sur celui-ci. Mais à défaut de réponse définitive pour le moment (à supposer qu’il puisse y en avoir une et une seule), nous avons présenté une problématique féconde en perspectives pour la linguistique; nous avons également montré, du moins nous l’espérons, la richesse d’une approche interdisciplinaire pour une question portant sur la langue, approche mêlant étroitement histoire, linguistique et histoire du droit. Bibliographie A YRES -B ENNETT , W. (ed.) en préparation: L’histoire du français: nouvelles approches, nouveaux terrains, nouveaux traitements. Actes du 2 e colloque de la Société internationale de diachronie du français (Murray Edwards College, Université de Cambridge, 6-8 janvier 2014), Paris C ARBONNIÈRES , L. DE . 2004: La procédure devant la chambre criminelle du Parlement de Paris au XIV e siècle, Paris C OUDERT , J. 1985: Usages judiciaires et institutions coutumières dans le bailliage de Châtel-sur- Moselle (1450-1723), Nancy DMF = ATILF - CNRS & Université de Lorraine: Dictionnaire du moyen français, version 2012; http: / / www.atilf.fr/ dmf) D UMOLYN , J./ H AEMERS , J. 2012: «A bad chicken was brooding: subversive speech in late Medieval Flanders», Past and Present 214: 45-86 G AUVARD , C. 2010: «De grace especial». Crime, État et société en France à la fin du Moyen Âge, Paris [ 1 1990] G AUVARD , C./ L IBERA , A. DE / Z INK , M. 2002: Dictionnaire du Moyen Âge, Paris G ONTHIER , N. 1998: Le châtiment du crime au Moyen Âge, Rennes K OCH , P. 1999: «Court Records and Cartoons: Reflections of Spontaneous Dialogue in Early Romance Texts», in: A. H. J UCKER / G. F RITZ / F. L EBSANFT (ed.), Historical Dialogue Analysis, Amsterdam/ Philadelphia: 399-430 L AGORGETTE , D./ L ARRIVÉE , P. (ed.) 2013: Représentations du sens linguistique 5, Chambéry L ETT , D. 2009: «La langue du témoin sous la plume du notaire: témoignages oraux et rédaction de procès de canonisation au début du XIV e siècle», in: L’autorité de l’écrit au Moyen Âge (Orient-Occident), Paris: 89-105 M ARICHAL , P. 1941: Dictionnaire topographique du département des Vosges, Paris T HÉRY , J. 2003: «Fama: l’opinion publique comme preuve judiciaire. Aperçus sur la révolution médiévale de l’inquisitoire (XII e -XIV e siècle)», in: B. L EMESLE (ed.), La preuve en justice de l’Antiquité à nos jours, Rennes: 119-47 W IRTH -J AILLARD , A. 2013: «De Estienne Husson pour ce qu’il dit a Jannon Morelot: ‹un filz de bastarde ne me puet valoir! ›. Représentation de l’oral dans les documents comptables médiévaux», in: D. L AGORGETTE / P. L ARRIVÉE (ed.) 2013: 65-80 W IRTH -J AILLARD , A. 2016: «Le discours rapporté dans les documents comptables médiévaux au prisme du genre (genre textuel et genre sexué)», Le discours et la langue 8/ 1: 177-188 W IRTH -J AILLARD , A. à paraître: «Une fenêtre sur l’oral médiéval ‹réel›: les amendes dans les documents comptables médiévaux», in: W. A YRES -B ENNETT (ed.) en préparation W IRTH -J AILLARD , A. en préparation: L’oral médiéval «réel» [titre provisoire] L’écrit comme condition de la persistance tardive de l’anglofrançais: l’exemple des bills de la chancellerie (1380-1403) Serge Lusignan, Université de Montréal À la mémoire de Brian Merrilees Pour l’histoire de la langue française, la persistance de l’usage de l’anglo-français en Angleterre à la fin du Moyen Âge demeure une question de première importance pour ce qui concerne sa diffusion géographique et sociale. Le livre tout récent de P HILIP D URKIN 2014 sur l’histoire des emprunts lexicaux de la langue anglaise aux langues étrangères lui a ajouté une dimension nouvelle (cf. D URKIN 2014: 33). Il montre que l’assimilation de mots français par l’anglais fut particulièrement intense entre les années 1300 et 1499, ce qui laisse supposer que les deux langues furent en situation de contact soutenu jusqu’à l’aube du XVI e siècle 1 . A. B UTTERFIELD 2009 est arrivée d’ailleurs à cette même conclusion à partir de l’histoire littéraire. S’interroger sur les conditions qui ont favorisé la persistance des contacts entre les deux langues conduit inévitablement à vouloir préciser le cadre géographique qui a délimité le phénomène. La géographie de l’implantation de l’anglo-français en Angleterre reste encore bien imprécise. Pendant longtemps, on s’en est rapporté à l’étude de W ILLIAM R OTHWELL 1983 qui estimait que l’anglo-français était particulièrement présent à Londres et dans les home counties avoisinants. Plusieurs travaux récents de David Trotter ont révélé la présence de l’anglo-français un peu partout en Angleterre de même que dans les autres domaines appartenant à la couronne britannique. Mais il reste encore beaucoup à faire sur cette question. L’étude de la diffusion géographique de l’anglo-français se heurte à certains obstacles particuliers. À la différence du français en pays d’oïl, le français d’Angleterre ne comporte aucune variation régionale qui aiderait à déterminer la provenance des documents. Ses seules variations signalées jusqu’à maintenant sont de nature chronologique. Plusieurs articles et un livre récent de Richard Ingham ont mis en évidence que l’anglo-français a évolué en harmonie avec le français continental jusqu’aux années 1370 à partir desquelles on note une certaine déperdition de sa maîtrise par ses utilisateurs 2 . On doit associer aux 1 D URKIN 2014: 255-58. Sur les 53 925 mots recensés dans le Middle English Dictionary, 8 624 (16%) sont des emprunts au français, 6 445 (12%) au latin, et 5 709 (11%) à l’une ou l’autre langue. 2 Voir en particulier I NGHAM 2012. Serge Lusignan 176 études variationnelles les travaux sur le law French de J OHN B AKER 1990. Le law French demeura l’une des langues des juristes anglais jusqu’au XVIII e siècle. Il doit être reconnu comme le rameau le plus tardif du français d’Angleterre. Enfin, on relève ce trait sur lequel Brian Merrilees a attiré l’attention, qui tient à l’amenuisement des traits orthographiques anglo-français chez John Gower, un poète de la seconde moitié du XIV e siècle (cf. M ERRILEES / P AGAN 2009). L’étude de la diffusion géographique de l’anglo-français est également confrontée à un problème de sources. Les documents écrits à l’extérieur de Londres se trouvent souvent dispersés dans un grand nombre de dépôts d’archives et sont rarement de nature sérielle. On conserve cependant aux National Archives, à Kew, quelques grandes séries de documents français adressés au pouvoir central depuis les différents comtés de l’Angleterre, dont les deux principales vont retenir notre attention. La première est celle des pétitions qui compte des milliers de pièces - la plupart en anglo-français - pour la période allant de la fin du XIII e siècle jusque vers 1435 (D ODD 2011). Il s’agit de demandes adressées au roi par ses sujets en vue d’obtenir une grâce ou le redressement d’un tort. Mais les pétitions ne comportent pas d’eschatocole précisant la date et le lieu d’écriture, pas plus que de mentions hors teneur fournissant le nom du rédacteur. Seuls l’exposé de l’affaire et des notes dorsales de l’administration royale permettent de fournir des éléments de datation et de localisations qui ne sont pas toujours aussi précis qu’on le souhaiterait. Au surplus, le grand spécialiste des pétitions, Gwilym Dodd, estime qu’il serait hasardeux de supposer que les pétitions étaient toutes écrites au lieu même d’origine du demandeur. Pour des raisons historiques qu’il serait trop long d’expliquer, il estime que nombre d’entre elles ont pu être rédigées à Londres par des spécialistes de l’écrit juridique ou par des clercs royaux, ou occasionnellement dans une autre ville où se tenait un parlement. Dans les deux cas, le demandeur aurait pu souhaiter se rendre sur place pour présenter sa cause plus efficacement auprès des autorités (D ODD 2007: 302-16). Malheureusement, il n’existe aucune édition de pétitions pour le tournant du XIV e au XV e siècle, période où l’on constate les variations les plus marquées dans l’anglo-normand, qu’il serait éclairant d’étudier d’un point de vue géographique. Une seconde série du même type, moins abondante, mais suffisamment riche, est les bills de la chancellerie. Il s’agit de documents judiciaires par lesquels un demandeur s’adressait au chancelier pour obtenir justice à propos d’un délit commis à son endroit qu’il estimait pour diverses raisons ne pas pouvoir soumettre aux tribunaux royaux de common law. Il s’agit de documents généralement écrits en français au moins jusque dans les années 1420. Ils comportent les mêmes lacunes que les pétitions quant aux dates et lieux d’écriture, mais l’exposé du litige et la désignation du chancelier à qui ils sont adressés permettent de les situer avec une assez bonne précision dans le temps et l’espace. Les bills ont fait l’objet d’études de la part de T. Haskett pour une période un peu plus tardive L’écrit comme condition de la persistance tardive de l’anglo-français 177 alors qu’ils étaient écrits en moyen anglais 3 . Une analyse linguistique de ces bills a permis d’identifier des variations régionales de la langue qui lui font conclure qu’ils avaient été rédigés au lieu d’origine du requérant. Il existe une belle édition des bills de chancellerie pour la période qui m’intéresse (B AILDON 1896) et dont je vais maintenant tirer profit pour reprendre la question des lieux d’écriture en anglo-français. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je tiens à souligner qu’ensemble, pétitions et bills attestent qu’entre la fin du XIII e siècle et les premières décennies du XV e siècle, il s’imposait à tout sujet adressant une requête écrite du roi d’Angleterre ou à son représentant de la faire parvenir par écrit en anglo-français. Provenant de tous les comtés, dans la mesure où ils auraient pu être rédigés par des spécialistes locaux de l’écriture juridique, désignés en anglais comme les scriveners, pétitions et bills auraient fortement contribué à la persistance tardive de l’usage de l’anglo-français partout en Angleterre 4 . Mais avant de sauter trop vite à la conclusion, voyons ce qu’il est possible d’ajouter aux thèses divergentes de G. Dodd et T. Haskett au sujet des lieux d’écriture, à partir d’une étude de l’anglofrançais des bills de la chancellerie. Mon analyse va s’appuyer sur deux hypothèses: 1. On est plus susceptible de trouver des variations significatives dans l’anglofrançais écrit à l’époque où il semble moins bien maîtrisé par les rédacteurs, soit après 1370. 2. L’amplitude de la variation linguistique à l’intérieur d’un corpus peut témoigner de la multiplicité des rédacteurs et par conséquent de l’origine géographique diversifiée des documents. 3 H ASKETT 1993. Tant pour les pétitions que les bills, Mark Ormrod incline à penser qu’un grand nombre a pu être rédigé par des scribes (scriveners) locaux. Voir O RMROD , 2009 en particulier 32 et 35. 4 Les scriveners étaient des spécialistes de la mise par écrit des documents juridiques en latin et en français. On dispose de bonnes sources pour étudier leur activité à Londres, mais on n’en sait que très peu sur leur présence ailleurs en Angleterre. On tend à penser qu’on trouvait des scriveners un peu partout dans les centres urbains anglais, mais les sources sont trop peu bavardes, pour ne pas dire silencieuses, à leur sujet. Pour une mise au point récente, cf. R AMSAY 2011. Serge Lusignan 178 1. Le corpus et la méthode d’analyse des bills de la chancellerie (1380-1403) 1.1 Le corpus J’ai retenu les 70 premiers bills en anglo-français de l’édition de Baildon 5 . Ils datent de 1380 à 1403, la période où l’on note une plus grande variation dans l’anglo-français. Un seul de ces bills n’est pas localisé alors que les autres proviennent, l’un d’Irlande, un autre de l’île de Wight et le reste des comtés suivants: Cambridegeshire (1), Cornwall (3), Cumberland (1), Devon (5), Durham (1), Essex (4), Gloucestershire (2), Hampshire (1), Hertfordshire (2), Leicestershire (1), Lincolnshire (8), Londres (14), Norfolk (3), Nottinghamshire (3), Oxfordshire (1), Somerset (4), Sussex (3), Warwickshire (3), Wiltshire (3), Yorkshire (4). L’Angleterre se trouve bien représentée du nord au sud. Chacun des bills compte entre 120 mots et 625 mots. Un seul se situe au-delà de cette fourchette avec 1181 mots. La médiane est 271 mots. En dehors de deux ou trois lignes au début et à la fin, le texte des bills n’est pas du tout stéréotypé. Pour l’essentiel, il consiste en la narration par le plaignant du délit pour lequel il réclame justice, qui diffère complètement d’un bill à l’autre. Le discours des bills se prête bien à l’évaluation de la maîtrise de l’anglo-français de leur rédacteur. 1.2 Les trois étalons retenus pour mesurer la variation de l’anglo-français J’ai défini trois étalons pour mesurer la variation linguistique entre les bills. Dans chaque cas, je me suis limité à quelques traits linguistiques, mon ambition n’étant pas de procéder à une analyse exhaustive de la langue des bills, mais de me donner un outil de mesure pour évaluer les variations de la langue. Les trois étalons de mesure utilisés sont les suivants. 1. La confusion des genres est évaluée en relevant tous les cas de désaccord entre le genre du déterminant et celui du substantif. J’ai retenu les déterminants les plus fréquents dans le corpus et dont le e terminal ne pouvait être muet: le, la, du, au, son/ soun, sa. J’ai déterminé le genre des substantifs en m’appuyant sur le Dictionnaire de moyen français de l’ATLF. Je n’ai pas pris en compte le mot «comté», susceptible d’être masculin ou féminin à l’époque, pas plus que certains termes administratifs propres à l’Angleterre comme le hundred. 5 Il s’agit des bills 1 à 8, 10 à 29, 31 à 71 et 73. Les originaux se trouvent dans le fonds C 1/ 3 des National Archives à Kew. La confrontation de quelques pièces éditées avec les originaux montre que l’édition de Baildon est fiable et peut servir de base à une étude linguistique. L’écrit comme condition de la persistance tardive de l’anglo-français 179 2. La présence de traits orthographiques anglo-normands est mesurée à partir d’une sélection de traits faite de façon un peu arbitraire mais en tenant compte de leur forte présence dans le corpus. J’ai retenu les traits suivants: aun pour an (chauncellerie) ei-ey pour ai (meison) ei-ey pour oi (serreit) ei-ey pour e (receivour) ou pour eu (executour) 6 ou pour o (noun) er pour r (liverer) er pour re (mesqerdy) 3. Finalement, j’ai retenu la terminaison -ont plutôt que -ent des verbes à la troisième personne du pluriel de l’indicatif présent et parfait. T ANQUEREY 1915: 249-53 a déjà souligné que ce trait est récurrent dans les documents administratifs. 2. La variation de l’anglo-français des bills Je vais d’abord présenter les résultats de l’analyse des 70 bills à l’aide des trois étalons de mesure retenus. 2.1 La confusion des genres J’ai relevé dans chaque bill le nombre d’occurrences de confusions des genres. J’ai ensuite divisé leur nombre par le nombre total de mots du bill, ce qui me donne un pourcentage de cas de confusions pour chaque bill. Ces valeurs sont faibles, allant de 0% pour les bills où il n’y a aucune confusion à des bills où ce pourcentage atteint 2,4%. Le tableau suivant donne le nombre de bills pour chacune des fourchettes de pourcentages de cas de confusion. 6 Je n’ai pas pris en compte le mot «seignour», systématiquement représenté dans les bills par un s long traversé d’un trait ( s ). Le mot «seignourie» ne pose pas problème et il a été comptabilisé. Serge Lusignan 180 Tableau 1: La confusion des genres % d’occurences nb de bills 0% 15 0,1% - 0,5% 24 0,6% - 1,0% 20 1,1% - 1,5% 4 1,6% -2,0% 3 2,1% - 2,4% 4 total 70 2.2 La présence de traits orthographiques anglo-français De la même façon, j’ai relevé le nombre d’occurrences des traits anglo-français présents dans chaque bill, que j’ai divisé par le nombre de mots du bill. Cette fois les pourcentages varient entre 4% et 17%. Tableau 2: Les traits orthographiques anglo-français % d’occurrences nb de bills 4% - 5% 15 6% - 10% 36 11% - 15% 16 16% - 17% 3 Total 70 2.3 La terminaison des verbes en -ont ou en -ent Ce trait concerne uniquement les verbes au présent ou au parfait de l’indicatif à la 3 e personne du pluriel. Tous les bills ne sont pas susceptibles d’utiliser de tels verbes, certains ne contenant que des verbes au singulier. Comme dans chaque bill le nombre de verbes concernés est faible, j’ai simplement compté le nombre de bills présentant les caractéristiques répertoriées dans le tableau qui suit. Tableau 3: La terminaison des verbes en -ont ou en -ent Verbes sans terminaison en -ont ou -ent 13 Verbes uniquement en -ent 17 Verbes avec au moins une terminaison en -ont 40 Total 70 L’écrit comme condition de la persistance tardive de l’anglo-français 181 2.4 Analyse des résultats Les trois tableaux témoignent de variations notables dans l’anglo-français des bills. Chacun des trois traits analysés est présent de façon fort variable dans le corpus. On peut se demander s’il existe une corrélation entre le niveau de présence de chacun des faits linguistiques dans chacun des bills. Par exemple, la présence de verbes en -ont est-elle associée à un fort usage de traits orthographiques anglo-français ou à davantage de confusions des genres? Isolant les 40 bills contenant au moins une terminaison verbale en -ont, j’ai examiné la distribution des confusions de genre et des traits orthographiques anglo-français. Voici le résultat. Tableau 4: La terminaison verbale en -ont et les deux autres variables linguistiques % confusion genres nb de bills % traits anglo-fr nb de bills 0% 6 0,1% - 0,5% 14 4% - 5% 8 0,6% - 1,0% 11 6% - 10% 21 1,1% - 1,5% 3 11% - 15% 9 1,6% - 2,0% 2 16% - 17% 2 2,1%- -2,4% 4 Total 40 Total 40 On constate que le profil de la distribution des cas de confusion des genres et des traits orthographiques anglo-français dans les 40 bills contenant des verbes en -ont s’apparente à celui constaté pour l’ensemble du corpus. Il n’y a donc pas de corrélation entre la présence du suffixe verbal -ont et la présence plus ou moins importante de confusions des genres ou de traits anglo-français. Les trois variables semblent indépendantes. Enfin, on pourrait se demander s’il existe une corrélation entre le lieu présumé d’origine des bills et leur profil linguistique. L’examen des données n’indique rien qui conforterait cette hypothèse. Par exemple, l’analyse des 14 actes se rattachant à la ville de Londres laisse voir des variations notables entre chacun, comme l’illustre le tableau qui suit. Serge Lusignan 182 Tableau 5: Les bills concernant la ville de Londres No de l’acte Année Nb de mots % traits anglo-fr % fautes genre Verbes -ont 1 1385 176 6,0 0,0 NA 2 1380 438 5,0 0,0 NA 7 1388 120 17,0 0,0 NA 13 1395 358 17,0 1,4 Oui 18 1396 516 15,0 0,4 NA 33 1397 216 4,0 0,5 Non 45 1393 498 8,0 0,6 Oui 48 1402 297 6,0 0,7 Oui 50 1401 206 5,0 1,4 Oui 53 1401 255 5,0 0,0 Non 55 1403 197 8,0 1,0 NA 58 1403 292 8,0 0,3 NA 66 1403 127 7,0 0,0 NA 70 1403 267 8,0 0,0 Non Le corpus contient également 8 actes venant du Lincolnshire. Le cas est d’autant plus significatif que 6 d’entre eux (actes 24 à 29) datent de la même année et proviennent de personnes différentes qui toutes demandent que justice leur soit rendue pour des méfaits subis de la part de John Skipwith, shérif du Lincolnshire 7 . À nouveau, on note des variations notables dans l’anglo-français de ces actes, comme le montre le tableau suivant: Tableau 6: Les bills concernant le Lincolnshire No de l’acte Année Nb de mots % traits anglo-fr % fautes genre Verbes -ont 24 1397 298 5.0 0,7 Oui 25 1397 217 14.0 0,5 Non 26 1397 196 5,0 2,0 Non 27 1397 177 11,0 0,0 NA 28 1397 201 11,0 1,5 Oui 29 1397 251 6,0 0,4 Oui 32 1397 514 9,0 0,8 Non 40 1398 418 4,0 0,2 Oui 7 On trouve une notice sur John Skipwith sur le site électronique The History of Parliament à l’adresse http: / / www.historyofparliamentonline.org/ volume/ 1386-1421/ member/ skipwith-john-1415 (consulté le 29 juillet 2014). L’écrit comme condition de la persistance tardive de l’anglo-français 183 Selon toute vraisemblance, la nature du français des actes ne semble pas dépendre de leur lieu présumé d’origine. L’analyse linguistique permet de conclure à une grande variation dans l’anglofrançais des bills qui laisse supposer qu’ils ont été écrits par un grand nombre de rédacteurs différents et vraisemblablement dans différentes régions d’Angleterre. D’ailleurs, l’examen des originaux permet de constater une grande variété dans les mains d’écriture et dans le format des pièces de parchemin sur lesquelles les bills sont écrits. Dans l’ensemble, tout m’incite à conclure avec T. Haskett que les bills ont été écrits pour la plupart au lieu d’origine du demandeur. Les bills de chancellerie ont de ce fait contribué à ce que la maîtrise de l’anglo-normand écrit se perpétue tardivement partout en Angleterre. 3. Le français des clercs du sceau privé G. Dodd estime que certaines pétitions avaient pu être écrites par des clercs au service de l’administration royale à Londres. Il faut rappeler ici que le choix du latin et du français pour les écritures royales dépendait largement du sceau qui allait être apposé au document. C’est ainsi que la plupart des actes écrits à la chancellerie royale et qui étaient scellés du grand sceau étaient en latin. En revanche, à l’époque qui m’intéresse, le français était la langue dominante dans les actes royaux émis sous le sceau privé (D ODD 2012). J’ai eu la curiosité d’examiner la nature du français des actes sous sceau privé du début du XV e siècle. Il s’agit pour l’instant d’un premier coup de sonde qui s’avère fort suggestif. Sous la cote C 81, les National Archives conservent des dizaines de milliers de brefs sous sceau privé dont les premiers datent de 1282. Une bonne majorité d’entre eux sont écrits en français. J’ai examiné le recueil C 81/ 670 qui contient des brefs datant du 1 er septembre 1422 au 31 août 1423. Au nombre de 101, 11 sont en latin et 90 en français. En lisant attentivement ces documents, on est vite frappé par le caractère assez peu marqué de leur anglo-français. Il existe par ailleurs une autre source pour étudier le français des clercs du sceau privé de l’époque. L’un d’entre eux fut le célèbre Thomas Hoccleve. Son œuvre littéraire est en moyen anglais, mais il nous vient également de lui un énorme formulaire contenant un peu plus de 1 100 modèles de lettres sous sceau privé dont un grand nombre sont en français 8 . Tout récemment, H.K. S PENCER K ILLICK 2010 a soutenu une thèse sur Hoccleve. Aiguillonnée par les recherches de R. Ingham, elle s’est intéressée à son français. Elle a étudié l’accord en genre des adjectifs 8 L’édition du formulaire de Thomas Hoccleve a fait l’objet d’une thèse de PhD de Y OUNG B ENTLEY 1965 demeurée inédite. Serge Lusignan 184 possessifs avec leurs substantifs dans les 194 premiers modèles du formulaire. Contrairement à l’attente suscitée par les études de Ingham, elle n’a trouvé aucune confusion des genres. Elle fit le même constat en étudiant 23 actes sous sceau privé conservés au National Archives dont elle attribue la rédaction à Hoccleve (S PENCER K ILLICK 2010: 157-58 et 235-37). J’ai moi-même eu la curiosité d’appliquer mes trois étalons de mesure à un petit corpus d’actes sous sceau privé. J’ai retenu ma propre transcription des actes C 81/ 670 #18 et #29 des National Archives datant de 1420, les actes #78 et #79 du formulaire de Hoccleve, proches par leur thème des deux actes précédents, et les actes E 28/ 23/ 53 et C 81/ 596/ 1351, également des National Archives, datant respectivement de 1412 et de 1420, édités par H.K. Spencer Killick dans sa thèse (Y OUNG B ENTLEY , 1965: 71-73; S PENCER K ILLICK , 2010: 30-31 et 33). Les 6 actes comptent entre 118 et 417 mots. Aucun ne contient de verbe au pluriel. Voici le tableau donnant la distribution des deux autres traits linguistiques mesurés: Tableau 7: Les actes sous sceau privé Source % genres fautifs % traits anglo-fr C 81/ 670 #18 (1422) 0,5% 1% C 81/ 670 #29 (1422) 0,3% 2% Hocc. Formulaire #76 0% 2% Hocc. Formulaire #79 0% 2% Hocc. C 81/ 596/ 1351 (1420) 0,7% 1% Hocc. E 28/ 23/ 53 (1412) 0% 2% L’écart entre l’anglo-français des actes sous le sceau privé et celui des bills est frappant 9 . Les clercs du sceau privé utilisaient un français beaucoup mieux maîtrisé et, fait plus étonnant encore, beaucoup moins imprégné de traits orthographiques anglo-français. Leur faible taux affiché dans le tableau correspond bien à l’impression que laisse la lecture des 90 actes français du recueil des National Archives C 81/ 670. En fait, je découvre dans les actes sous sceau privé un français analogue à celui des vers de John Gower, que B. Merrilees a décrit comme un Anglo-French that seems closer to continental than insular forms (M ERRILEES / P AGAN , 2009: 125). Si l’on ajoute que - comme le montre A. Butterfield - les poètes anglais de la même époque, tel Chaucer dont Gower était un proche, trouvaient leurs modèles dans les poètes français contemporains, on peut se demander si à Londres, dans les milieux littéraires, il n’y eut pas une volonté de rapprocher le français d’Angleterre de celui de Paris. Cette attirance pour le français continen- 9 Pour illustrer concrètement l’état de la langue de ces documents, je fournis en annexe la transcription de l’acte des National Archives C 81/ 670 #29. L’écrit comme condition de la persistance tardive de l’anglo-français 185 tal aurait pu être partagée par les clercs du sceau privé dont le poète Hoccleve fut un digne représentant. Conclusions Quelles conclusions tirer de cette première approche d’une question dont il faut poursuivre l’étude en multipliant les corpus de sources. La distance entre l’anglo-français des bills de chancellerie et celui des actes sous sceau privé tend à confirmer définitivement que ceux-ci ne furent pas écrits par des clercs au service du roi et qu’ils sont l’œuvre de plusieurs rédacteurs différents. Face à cette situation, l’hypothèse la plus simple est qu’ils furent rédigés localement par des scriveners, ces spécialistes de l’écriture juridique que sans doute on retrouvait un peu partout dans les villes anglaises médiévales. Dans cette perspective, l’étude de la variation de la langue des bills contribue à établir que le français fut en contact soutenu avec la langue anglaise partout en Angleterre au tournant du XIV e au XV e siècle. L’analyse des bills ajoute également du poids à l’hypothèse que les pétitions furent écrites en région dans une mesure peut-être plus grande que ne l’estime G. Dodd. Mais, avant d’arriver à une conclusion plus assurée à ce sujet, une étude linguistique des pétitions du début du XV e siècle s’impose. Dans le cadre de la problématique de notre colloque, cette recherche fournit l’exemple d’une langue française qui est restée vivante sur un vaste territoire parce qu’elle s’imposait à tous comme langue d’écriture pour communiquer avec le pouvoir royal. Finalement, mon étude sur l’anglo-français de la fin du Moyen Âge laisse entrevoir l’hypothèse qu’en Angleterre, le français se serait développé à cette période en suivant deux voies. La première, en milieu lettré londonien, aurait infléchi le cours du développement de l’anglo-français pour le rapprocher du français de Paris. Ce relatif abandon du français d’Angleterre au profit de celui de Paris fut peut-être l’amorce du processus qui fit progressivement du français une langue étrangère en Angleterre. La seconde voie suivie par le français serait celle qui l’orientait vers le law French, qui le réduisit à l’état de sociolecte des juristes. Ce n’est pour le moment qu’une hypothèse, mais dont il m’apparaît stimulant de poursuivre l’étude. Serge Lusignan 186 Annexe Édition de l’acte des National Archives C 81/ 670 #29 Henri par la grace de Dieu roy d’Engleterre et de Ffrance et seignur d’Irlande. A l’onurable pere en Dieu l’evesque de Duresme nostre chanceller, saluz. Monstrez nous ad Richard Tylly un des vallettz de nostre tres cher uncle Thomas nadgairs duc de Clarence qe Dieux assoille coment le dit nostre uncle eust grantez par ses lettres patentes a l’avant dit Richard les offices du porter de son chastel de Somerton et la garde de sa garrenne illoeques, ovesqes les fees et gages de deux deniers le iour et toutz autres fees et profitz a ycelles offices regardantz, a prendre les ditz deux deniers iournalx pur terme de sa vie de les issues et revenues de mesme son chastel, par les mains de son receivour illoeques pour le temps esteant, as termes de seint Michel et de Pasque par [n]ovelles porcons, si come es dictes lettres patentes de nostre dit uncle est contenuz plus au plein. Lesquelles offices il ad peisiblement occupie tanqe apres la decesse de nostre dit uncle et coment apres sa dite mort les ditz chastel et garrenne feurent seisiz en les mains de nostre tres honnure seignur et pere le roy qe Dieux assoille uncore sont en noz mains, par quele cause il ne poet mye occupier mesmes les offices saunz nostre especiale grace en celle partie. Si nous, considerantz le bon service qe le dit Richard ad fait a nostre dit uncle et a nous ferra en temps avenir, de nostre grace especiale, avons grantez a l’avant dit Richard le dit office du porter et la garde de l’avant dicte garrenne a avoir et occupier tan come nous plerra, ovesqe les fees et gages de deux deniers le iour et touz les autres fees et profitz a ycelles offices regardantz, en la manere et forme avandictes. Vous mandons qe sur ce facez faire lettres desouz nostre grand seel en due forme. Donné souz nostre prive seal a Westminster le .viii. iour de decembre l’an de nostre regne primer. L’écrit comme condition de la persistance tardive de l’anglo-français 187 Bibliographie B AILDON , W. P.1896: Select Cases in Chancery A.D 1364 to 1471, London B AKER , J.H. 1990: Manual of Law French, Aldershot B UTTERFIELD , A. 2009: The Familiar Enemy. Chaucer, Language and Nation in the Hundred Years War, Oxford D ODD , G. 2007: Justice and Grace. Private Petitioning and the English Parliament in the Late Middle Ages, Oxford D ODD , G. 2011: «The Rise of English, the Decline of French: Supplications to the English Crown, c. 1420-1450», Speculum 86: 117-50 D ODD , G. 2012: «Trilingualism in the Medieval English Bureaucracy. The Use - and Disuse - of Languages in the Fifteenth-Century Privy Seal Office», Journal of British History 51: 253- 83 D URKIN , P. 2014: Borrowed Words. A History of Loan Words in English, Oxford H ASKETT , T. S. 1993: «Country Lawyers? The Composers of English Chancery Bills», in P. B IRKS (ed), The Life of the Law. 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K. 2010: Thomas Hoccleve as a Poet and Clerk, PhD., University of York T ANQUEREY , F. J. 1915: L’évolution du verbe en anglo-français (XII e -XIV e siècles), Paris Y OUNG B ENTLEY , E. A. 1965: The Formulary of Thomas Hoccleve, PhD Emory University Enregistrement(s) de la parole et lecture(s) de l’écrit La ponctuation de La Barbe Bleue dans les éditions lettrées et peu lettrées des XVII e , XVIII e et XIX e siècles Claire Badiou-Monferran, Université de Lorraine 1. Introduction: position du problème Dans le champ des études folkloristes, les Contes de Perrault ont été longtemps arrimés à une tradition orale. Pour autant, les récents travaux de J EAN -P AUL S ERMAIN (entre autres 2002, 2005, 2008) de M ARC E SCOLA (entre autres 2003, 2005), d’U TE H EIDMANN et/ ou de J EAN -M ICHEL A DAM (entre autres 2005, 2008, 2010), de C HRISTINE N OILLE (entre autres 2007a, 2007b, 2010) ou encore de C LAIRE B ADIOU -M ONFERRAN 2010 ont bien montré que les textes de Perrault ne constituaient pas la transposition de contes populaires; qu’ils n’étaient pas l’adaptation écrite d’une version orale et que, tout au contraire, leur statut était proprement «littéraire» (aux sens étymologique et dérivé du terme). Il est désormais acquis que le corpus perraldien hérite non pas d’une culture basse mais d’une culture haute: autrement dit, d’une tradition écrite, savante - celle des Métamorphoses d’Apulée ou de l’Énéide par exemple - avec laquelle il entretient un véritable dialogue intertextuel. La critique actuelle (parmi d’autres, A NNE D EFRANCE / J EAN -F RANÇOIS P ERRIN 2007) dénonce ainsi l’oralité des Contes de Perrault comme un leurre, une posture, une mise en scène, et s’efforce d’en démonter les dispositifs textuels et péri-textuels. Mon propos n’est pas de relancer ce débat mais d’en déplacer les termes, en interrogeant non plus le statut, littéraire ou non, des textes de Perrault, mais le type de lecture, silencieuse ou à voix haute, pour les yeux ou vocalisée, que leurs différentes éditions ont pu générer. Il s’agit donc de questionner les liens de l’oral et de l’écrit non plus du point de vue de la production, mais du point de vue de la réception des contes. Mon hypothèse de travail est que la ponctuation du corpus perraldien, qui varie de manière assez considérable, en diachronie, alors que la lettre du texte, pour sa part, demeure relativement stable - dans les éditions savantes comme dans les éditions de colportage - constitue autant d’instructions en direction d’une lecture plus ou moins vocalisée, ou plus ou moins silencieuse des contes. Autrement dit, à partir des l’examen de la ponctuation blanche - au sens de «mise en page» (A NIS 1983 et J AFFRÉ 1991) 1 - et de la ponctuation noire - comprise comme l’ensemble des signes de segmentation (la virgule, le point virgule, les deux points, le point), des signes de modulation (le point d’exclamation, 1 Sur l’histoire de la lexie «ponctuation blanche» et ses différentes significations, voir, entre autres, F AVRIAUD 2004. 190 Claire Badiou-Monferran d’interrogation, de suspension) et des signes de mise en relief (le caractère, la taille, la police, la graisse) - je me propose d’identifier, pour la seule «Barbe bleue», constituant à plusieurs titres un échantillon intéressant 2 , les supports indexant - ou non - une opération de contage (c.-à-d. de lecture à voix haute). Ont pu être consultés la version du manuscrit d’apparat, copie allographe parue en 1695, et intitulée «Contes de ma mère l’Oye»; les deux tirages de l’édition princeps, parue chez le libraire Claude Barbin en 1697 sous le titre Histoires ou contes du temps passé 3 ; quelques éditions de colportage ultérieures, dont celle de l’imprimeur libraire troyen Pierre Garnier, de 1737, celles - troyennes également et sans date - de la Veuve André (dont l’exercice court de 1810 à 1828) et de l’imprimeur libraire Baudot (qui exerce entre 1830 et 1848), celle enfin de la maison Chalopin, à Caen - sans date mais qui, en raison de sa typographie romantique, devrait remonter aux alentours des années 1830 4 ; vingt-huit éditions savantes enfin, dont trois du XVIII e siècle (1742, 1777, 1785), trois du tout début du XX e siècle (1901, 1904 et 1905) et vingt-deux du XIX e siècle. Le corpus s’achève avec l’édition Laurens pour enfants de 1905, contemporaine de celle de «la Bibliothèque rose», qui présente un système de notation globalement stabilisé. Embrassant plus de deux siècles, il multiplie les points de comparaison entre version manuscrite et versions éditées, entre éditions de colportage et éditions 2 Pour mémoire, les contes en prose de Perrault figurant dans l’édition princeps de 1697 sont au nombre de huit: «La Belle au bois dormant»; «Le Petit Chaperon rouge»; «La Barbe Bleüe»; «Le Maistre Chat ou le Chat botté»; «Les Fées»; «Cendrillon ou la petite pentoufle de verre»; «Riquet à la houppe»; «Le Petit Poucet». Cinq d’entre eux seulement figurent dans le manuscrit d’apparat de 1695, précédant l’édition princeps. Avec «La Belle au bois dormant», «Le Petit Chaperon rouge», «Le Maistre Chat ou le Chat botté» et «Les Fées», le conte de «La Barbe bleue» (moins sa seconde «moralité», qui est une innovation de l’édition princeps) fait partie de ceux-ci. Il se prête donc à une étude comparative des deux versions. Il présente en outre l’avantage d’avoir donné lieu à de nombreuses éditions de colportage, dont certaines sont facilement accessibles, ce qui autorise une étude des variations entre les éditions lettrées et peu lettrées. 3 Pour le propos de cet article, les différences entre les deux tirages ne sont pas significatives (ce qui constitue déjà en soi un résultat). 4 Mes remerciements les plus chaleureux vont à Jean-Marc Chatelain, conservateur à la BNF, Réserve des livres rares, à qui nous devons ces éléments de datation. Les informations concernant les maisons de la Veuve André et de Baudot sont fournies par le tableau chronologique des éditeurs de la bibliothèque bleue de Troyes, qui figure en tête du livre d’Alfred Morin, Catalogue descriptif de la bibliothèque bleue de Troyes, Genève, 1974. Selon Jean-Marc Chatelain, le format des illustrations de l’édition Baudot, certes traditionnelles mais d’ores et déjà contaminées par le style des illustrations de la presse, laisse penser qu’elles datent plutôt de la fin de l’exercice de Baudot que de ses débuts: donc plus près de 1848 que de 1830. La seule réelle difficulté est de situer le texte dont la notice de la bibliothèque de Troyes dit qu’il a probablement été imprimé à Caen par Chalopin: selon J.-M. Chatelain, «la maison Chalopin a imprimé à Caen de 1660 à 1832 (voir les positions de la récente thèse d’École des chartes de Mathilde L E R OC ’ H -M ORGÈRE 2013). Si c’est bien de ses presses qu’est issue cette Barbe-bleue, il faut sans guère de doute l’attribuer au dernier des Chalopin, c’est-àdire Pierre Chalopin, actif de 1822 à 1832. L’impression réutilise des ornements du XVIII e siècle de style rocaille (cul-de-lampe aux deux colombes, bandeau), mais la typographie est clairement du XIX e siècle, et guère antérieure à 1830: l’impression du titre du conte, en caractères très épais qui jouent du contraste ainsi créé avec ce qui suit, semble appartenir déjà à une esthétique typographique romantique, qui se développe dans ces années-là seulement». La ponctuation de 191 savantes et, au sein de ces dernières, entre celles qui, comme l’édition de 1800, intitulée Le Cabinet des fées, nouveau livre des enfants et parue chez Barbat dans la collection du «Panthéon populaire», adressent leur anthologie de contes à un jeune lectorat, qui n’est peut-être pas encore en âge de lire lui-même, et celles qui, comme les célèbres éditions parues chez Hetzel sous le titre Contes de Perrault en 1862 [1861] et 1867 et illustrées par Gustave Doré, constituent des éditions prestigieuses à l’attention d’un public adulte. On sait bien que l’entrée de la ponctuation est une gageure et qu’elle présente un certain nombre de difficultés, notamment pour les siècles antérieurs au XIX e siècle où la paternité de la ponctuation blanche et noire revient aux ateliers d’impression 5 , et où elle n’est encore ni concertée ni codifiée. M ARIE -J OSÉ B ÉGUE - LIN 2002 a au demeurant bien montré les fluctuations d’usage (en diachronie comme en synchronie) des ponctuants - marqueurs tantôt prosodiques, tantôt sémantiques, tantôt syntaxiques - et les possibles fluctuations entre une ponctuation «pour le destinataire» et une ponctuation «centrée sur l’énonciateur». La question est donc complexe, mais elle vaut la peine d’être soulevée pour une période, l’âge classique, qui constitue en ce moment la parente pauvre des études sur la ponctuation 6 , en pleine efflorescence pour les époques médiévale 7 et renaissante 8 comme pour le français moderne et contemporain 9 . Afin d’éviter les écueils mentionnés ci-dessus, je me suis efforcée de travailler de manière sérielle, en m’attachant davantage à l’étude des phénomènes récurrents, à l’intérieur d’une version et au sein d’un ensemble de versions, plutôt qu’aux phénomènes quantitativement marginaux, et en cherchant à partir de là à dégager des évolutions, ou à défaut des effets de contraste. La confrontation du manuscrit d’apparat de 1695 et de l’édition princeps de 1697 a fait apparaître deux modèles de lecture très différents: l’un, celui du manuscrit, orienté vers une lecture à voix haute, sollicitant l’opération de contage; l’autre, celui de l’édition princeps, centré sur l’écrit et orienté vers une lecture silencieuse. Les éditions ultérieures, savantes et peu lettrées, se sont toutes inscrites dans le sillage de la lecture muette ouverte par l’édition princeps. Toutefois, les plus récentes ont développé des formats qui, bien que centrés sur l’écrit, ont recyclé les virtualités orales de la version manuscrite de 1695 en mettant en 5 Voir R IFFAUD 2007. 6 Du moins pour la prose, les derniers travaux de référence remontent pour la plupart aux années quatre-vingt-dix ou quatre-vingts, voire, aux années soixante-dix: à côté des ouvrages transséculaires de C ATACH 1980, 1994 et de C ATACH / T OURNIER 1977-79, on renverra, pour l’âge classique, aux études de D OUAY 1995, L ORANCEAU 1977, 1978, 1984, P ARIENTE 1979, S EGUIN 1993, 1997, 2002 ou encore T ILKIN 1998). Les travaux plus récents de Chaouche, Forestier et Riffaud portent exclusivement sur la ponctuation du théâtre classique, notamment du théâtre versifié. Ceux de Raby, consacrés à la pensée de la ponctuation chez les grammairiens du XVIII e siècle, sont encore à paraître. 7 Voir parmi d’autres F ASSEUR / R OCHEBOIS 2016 8 Voir C OMBETTES 2000 et plus récemment D AUVOIS / D ÜRRENMATT 2011. 9 Concernant les travaux portant (mais sans exclusive) sur des corpus littéraires en prose, voir parmi d’autres D ÜRRENMATT 1998, G ERMONI à paraître, P ÉTILLON 2004 et à paraître, ou encore S ERÇA 2010, 2012. La Barbe leue B 192 Claire Badiou-Monferran scène, mais pour l’œil uniquement, une fiction de contage, de vocalisation du conte. C’est ce cheminement, qui conduit de la vocalisation effective à la fiction de vocalisation en passant par une stabilisation du format écrit et silencieux, que je vais tenter de décrire 10 . 2. L’«appareil formel» de l’oralité dans le manuscrit des Contes de ma Mère l’Oye La version manuscrite des contes en prose de Perrault, (qui ne comprend pas tous les contes de l’édition princeps, mais inclut celui de «La Barbe bleue») a été reproduite par Jacques B ARCHILON 1956 dans Perrault’s Tales of Mother Goose. Son péritexte met en place le leurre donnant le conte écrit comme le prolongement d’un conte oral. Le titre, «Contes de ma Mere L’Oye», est en effet une expression consacrée, désignant les «fables ridicules, telles que sont celles dont les vieilles gens entretiennent & amusent les enfants» (Dictionnaire de l’Académie française 1694: 239, s. CONTE), et le frontispice, mettant en scène des jeunes gens écoutant une fileuse-conteuse, relaye (tout du moins en apparence) l’idée selon laquelle les contes de Ma mère l’Oye se contentent d’enregistrer un discours oral. Mais il s’agit là d’un «montage littéraire» (A DAM in H EIDMANN / A DAM 2010: 200), d’un «dispositif en trompe-l’œil» (H EIDMANN in H EIDMANN / A DAM 2010: 72-73), d’un «artifice de plume» (R. Z UBER 1997: 293), autrement dit, d’un mode d’énonciation concerté, qui ne concerne qu’indirectement l’enquête ici conduite, car il a trait aux conditions de production du conte, et non à ses conditions de réception, pour l’œil ou pour l’oreille. Plus intéressant pour le propos de cet article est le fait qu’il s’agit d’un manuscrit dont la diffusion, réduite, n’a pu s’effectuer que par le biais d’une lecture publique à voix haute. C’est la modélisation - tout du moins les traces graphiques -, dans le texte, de ce type de lecture, que je vais maintenant tenter de saisir à travers la notion d’«appareil formel de l’oralité». La notion d’«appareil formel» est empruntée à Benveniste (PLG II, 1974 [1970]: 79-88). Elle a été souvent sollicitée dans le champ linguistique ces trente dernières années, notamment par Gilles Philippe, qui propose de définir «l’appareil formel» comme: un ensemble de faits langagiers spécifiques formant faisceau et fonctionnant dans certains contextes discursifs particuliers, de telle sorte que l’apparition d’un de ces faits rend 10 Sur la question de la vocalisation effective, c.-à-d. de la lecture à voix haute, voir, entre autres, L LAMAS P OMBO 1996 pour l’époque médiévale et, pour l’époque classique, C HARTIER 1990 et D UMONCEAUX 1990. Sur la fiction de vocalisation, c.-à.-d. la représentation - pour l’œil - de l’oral dans l’écrit, voir, entre autres, L UZZATI 1991, A RABYAN 1994, A UTHIER 1998, B ÉGUELIN 1998, K OCH / O ESTERREI - CHER 2001, B ERRENDONNER 2004, C UNHA D ORIS / A RABYAN 2004 ou encore M AHRER à paraître. La ponctuation de 193 prévisible l’apparition des autres, et cela quel que soit le type de congruence vise ou obtenu: dénotatif ou énonciatif, puisque tels sont les deux niveaux de réalité que la langue est apte à représenter (P HILIPPE 2005: 76). P HILIPPE 2008 précise que: Le propre d’un appareil formel, [c’est donc] d’être réductible à un ensemble de faits langagiers co-orientés, ponctuels, [nécessairement limités] mais aptes à modifier le statut de la totalité du discours dans lequel ils apparaissent (P HILIPPE 2008: 29) En l’occurrence, pour ce qui concerne le propos de cet article, il s’agit d’identifier les microsystèmes linguistiques faisant ressortir les Contes de ma Mere L’Oye à un type de discours ayant vocation à être proféré à voix haute. Mon hypothèse est que ce statut énonciatif passe par un usage spécifique de la ponctuation blanche (c’est-à-dire, de la mise en page, de l’architecture textuelle) et de la ponctuation noire. Du point de vue de la ponctuation blanche, le texte se présente comme un massif compact d’un seul bloc d’un peu plus de 1900 mots. Le seul saut de ligne ou de paragraphe qu’il comporte se situe entre le conte et sa moralité 11 . À l’intérieur du conte, les instants de respiration sont matérialisés par le changement de page; par le passage d’une ligne à l’autre dans la page; par la présence de signes de ponctuation noire à l’intérieur d’une ligne donnée. Le principe de la lecture à voix haute est avéré par la mise en faisceau de cinq choix linguistiques co-occurents et congruents: (i) le privilège accordé aux faits de ponctuation blanche, constituant des signes pour la voix, sur les faits de ponctuation noire, constituant des signes pour l’œil. Dans l’incipit du manuscrit, la division de la première période en deux mouvements est matérialisée: - soit par un changement de page, qui implique une suspension physique de la voix, et non par un signe pour l’œil de ponctuation noire (les deux points, en l’occurrence, dans l’édition princeps). (1) Manuscrit de 1695 [Page 1: ] Il estoit une fois un homme qui avoit de belles maisons à la ville & à la campagne de la vaisselle d’or et d’argent des meubles en broderie & des carosses tout dorez mais qui par malheur avoit la barbe bleue [Page 2: ] cela le rendoit si laid et si terrible que filles et femmes s’enfuyoient des qu’il paroissoit. Édition princeps de 1697 (premier et second tirages) Il estoit une fois un homme qui avoit de belles maisons à la Ville & à la Campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie, & des carosses tout dorez; 11 Rappelons que «La Barbe bleue» de la version du manuscrit d’apparat (1695) n’en comporte qu’une, à la différence de celle de l’édition princeps, qui en présente deux. La Barbe leue B 194 Claire Badiou-Monferran mais par malheur cet homme avoit la Barbe-bleüe: 12 cela le rendoit si laid et si terrible, qu’il n’étoit ni femmes ni fille qui ne s’enfuit de devant luy. - soit par un simple passage à la ligne (noté / / dans le cadre de cette étude), et non, là encore, par un signe pour l’œil de ponctuation noire (en l’occurrence, le point de l’édition princeps): (2) Manuscrit de 1695 Une de ses voisines dame de qualité avoit deux filles parfaitement belles / / il luy en demanda une en mariage […] Édition princeps de 1697 (premier et second tirages) Une de ses voisines dame de qualité avoit deux filles parfaitement belles. Il luy en demanda une en Mariage […] (ii) le nivellement des hiérarchies syntaxiques au profit de regroupements rythmiques (3) Manuscrit de 1695 les voilà aussitost à parcourir les chambres [12 syllabes], les cabinets les garderobes [8 syllabes], toutes plus belles et plus riches les unes que les autres [12 syllabes], elles montèrent ensuite aux gardesmeubles [10 syllabes ], ou elles ne pouvaient assez admirer […] Édition princeps de 1697 (premier et second tirages) Les voilà aussitost à parcourir les chambres, les cabinets, les garderobes, toutes plus belles et plus riches les unes que les autres. Elles montèrent ensuite aux gardesmeubles, ou elles ne pouvaient assez admirer […] Dans le manuscrit de 1695, la hiérarchie de la phrase et de ses constituants immédiats n’est pas prise en compte. Un même signe de ponctuation noire, en l’occurrence, la virgule, est requis pour signaler la séparation des phrases, c’est-àdire un type de segmentation interphrastique («les voilà aussitost […]» vs «elles montèrent ensuite aux gardesmeubles»), et la séparation des constituants phrastiques, c’est-à-dire un type de segmentation intraphrastique. La logique qui prévaut à ce nivellement semble être une logique musicale, privilégiant l’identité numérique, et donc rythmique, des groupes isolés par la virgule, indépendamment de leurs relations fonctionnelles. (iii) le primat du découpage macrosyntaxique sur le découpage microsyntaxique (4) Manuscrit de 1695 La Barbe bleue pour faire connoissance les mena avec leur mere et trois ou quatre de leurs meilleures amies et quelques jeunes hommes du voisinage a une de ses maisons de campagne, ou on demeura trois jours entiers. 12 C’est nous qui soulignons par des encadrés dans cet exemple comme dans les suivants. La ponctuation de 195 Édition princeps de 1697 (premier et second tirages) La Barbe bleuë pour faire connoissance, les mena avec leur Mere, et trois ou quatre de leurs meilleures amies, et quelques jeunes hommes du voisinage, a une de ses maisons de campagne, où on demeura huit jours entiers. Dans le manuscrit de 1695, deux unités de traitement, toutes «macrosegmentales», sont privilégiées: l’unité périodique, dont la borne gauche est matérialisée par la présence d’une majuscule et la borne droite par le recours au point (voir l’exemple 1); l’unité prédicative, séparée de la suivante par une virgule (voir l’exemple 4). À ce découpage macrosegmental, l’édition princeps surimpose un découpage microsegmental, faisant apparaître deux autres paliers de traitement: - un palier communicationnel, où sont séparés par une virgule le thème, en tous les cas l’unité pré-rhématique («la Barbe bleue pour faire connoissance,») et le rhème («les mena […]» etc.) - un palier syntaxique, où sont séparés par une virgule les constituants occupant le même poste fonctionnel (en l’occurrence celui de complément circonstanciel d’accompagnement: «avec leur Mere, et trois ou quatre de leurs meilleures amies, et quelques jeunes hommes du voisinage,»). Autrement dit, le manuscrit de 1695 privilégie une unité de traitement large, de type pneumatique, sur les unités de traitement plus étroites et strictement grammaticales que constituent les paliers communicationnels et syntaxiques. La logique vocale l’emporte sur la rationalité graphique. (iv) la gestion économique du marquage des tours de parole en situation de discours direct et de dialogue L’introduction d’un tour de parole au discours direct est marquée par la seule présence d’un verbe de parole suivi ou non d’une virgule: (5) Manuscrit de 1695 Elle appella sa sœur et lui dit ma sœur Anne, car elle s’appelloit ainsi, monte je te prie […] La pauvre affligée lui crioit de temps en temps, Anne ma sœur Anne […] Et la sœur Anne lui repondoit, je ne voy rien que […] Je ne voy rien que le soleil qui poudroye et l’herbe qui verdoy / / cependant la Barbe Bleue tenant un grand coutelas a sa main crioit de toute sa force à sa femme descens vite […] L’introduction d’un tour de parole au discours semi direct (désormais DSD) est marquée par l’encadrement du DSD par une majuscule d’attaque discursive, indiquant un décrochage énonciatif, et par l’incise: (6) cependant la Barbe Bleue […] crioit de toute sa force à sa femme descens viste ou je monterai la haut. Encore un moment s’il vous plaist lui respondoit sa femme […] La Barbe leue B 196 Claire Badiou-Monferran Toutefois, en cas de reprise à l’identique (ou avec variations) de certains échanges du dialogue - reprises qui alimentent l’économie volontiers répétitive du conte - les signes graphiques et lexicaux démarcateurs disparaissent, en vertu d’un principe d’économie mémorielle qui en appelle au souvenir des démarcations de la première occurrence: (7) Je ne voy rien que le soleil qui poudroye et l’herbe qui verdoye / / cependant la Barbe Bleue […] crioit de sa force à sa femme descens vite […] 13 Je ne voy rien que le soleil qui poudroye et l’herbe qui verdoye descens donc vite crioit la Barbe bleue ou je monterai la haut Je m’en vais repondoit la femme et puis elle crioit Anne ma soeur Anne […] 14 Enfin, la clôture des tours de parole n’est pas stabilisée. Elle peut être signalée par le passage à la ligne: (8) Je ne voy rien que le soleil qui poudroye et l’herbe qui verdoye / / cependant la Barbe Bleue crioit de toute sa force à sa femme descens vite […] par un signe de ponctuation fort: (9) cependant la Barbe Bleue […] crioit de toute sa force à sa femme descens viste ou je monterai la haut . Encore un moment s’il vous plaist lui respondoit sa femme […] mais peut aussi ne pas être matérialisée: (10) je vous donne un demy quart d’heure luy dit la Barbe bleüe mais pas un moment davantage lorsqu’elle fut seule elle appela sa sœur et luy dit […] Cette économie de marqueurs est sans doute liée à la situation énonciative particulière que représente la lecture à voix haute. Dans la mesure où tous les tours de parole sont assurés par un seul locuteur, et où les changements d’énonciateurs sont lissés par l’unicité de la voix du conteur, il n’y a pas lieu de surcharger le dialogue d’instructions en décalage avec la matérialité de la situation d’énonciation. Dans l’appareil formel de l’oralité, la ponctuation tient compte des conditions de production concrètes de la parole. Le point de vue est centré «sur l’énonciateur», et non «sur le destinataire». (v) la mobilisation des signes de modulation (ponctuation prosodique) et leur surdimensionnement On comparera, pour la première occurrence de la question de la femme de la Barbe bleue à sa sœur, le manuscrit de 1695, qui use du point d’interrogation (11) Anne ma sœur Anne ne vois tu rien venir? et l’édition princeps de 1697 (deuxième état), qui use du point et des italiques: 13 Première occurrence avec un verbe introducteur. 14 Occurrence subséquente sans démarcation gauche du changement de tour de parole. La ponctuation de 197 (12) Anne, ma sœur Anne, ne vois tu rien venir. Dans l’édition princeps, les préoccupations vocales cèdent ainsi le pas à une logique syntaxique, où la segmentation du discours en ses constituants immédiats par les virgules et le point prime sur sa modulation prosodique. Enfin, comme l’a montré Ute Heidmann, les italiques pour leur part signalent la filiation du conte perraldien avec l’Anna soror du quatrième livre de l’Énéide de Virgile: […] le lecteur est frappé par une curieuse insistance sur la «sœur Anne» rappelant Anna soror, célèbre syntagme de L’Énéide de Virgile dont le quatrième livre évoque l’histoire d’Énée et de Didon. Anna, la sœur de la reine de Carthage, y joue en effet un rôle décisif. La sœur de l’épouse de Barbe bleue, seul personnage à recevoir un prénom, est appelée «sœur Anne» à dix reprises, accumulation frappante dans un texte aussi court (H EIDMANN 2008: 161) Les italiques placent le conte dans une logique intertextuelle, qui rompt avec le format oral au bénéfice d’un format écrit. L’édition princeps est, de ce point de vue, radicalement différente de la version du manuscrit d’apparat, fortement vocalisée, qui n’hésite pas, le cas échéant, à sur-dimensionner les signes de modulation - notamment les points de suspension, constituant autant de silences éloquents: (13) Manuscrit de 1695 non non dit-il, recommande toy bien a Dieu et levant son bras …… Dans ce mom t / / on heurta si fort a la porte du Chasteau que la Barbe bleue s’arresta tout court Édition princeps de 1697 (premier et second tirages) Non, non, dit-il, recommande toy bien a Dieu et levant son bras …. Dans ce moment on heurta si fort à la porte, que la Barbe bleuë s’arresta tout court Les points de suspension, dont le nombre n’est pas stabilisé à la fin du XVII e siècle, sont au nombre de six dans le manuscrit contre quatre dans l’édition princeps. Les six points matérialisent en l’accompagnant et en le dramatisant le mouvement de bras du conteur réel, qui mime la mise à mort par Barbe bleue de la curieuse. Ils donnent du corps au discours, en inscrivant la temporalité de l’oral au sein de la transposition écrite. Le manuscrit des Contes de ma Mere de l’Oye met ainsi en faisceau cinq traits de détermination langagiers congruents, s’appelant les uns les autres, et définissant un appareil formel de l’oralité (au sens d’«oralisation» ou «vocalisation»): (i) primat de la ponctuation blanche sur la ponctuation noire; (ii) nivellement des hiérarchisations syntaxiques au profit des regroupements rythmiques; (iii) mise en avant d’un palier de traitement macrosegmental, de type pneumatique; La Barbe leue B 198 Claire Badiou-Monferran (iv) lissage des tours de parole du discours direct par l’unicité de la voix conteuse; (v) suprématie et sur-activation des signes de modulation (point d’interrogation et de suspension) sur les signes de segmentation (au demeurant réduits dans le manuscrit d’apparat à la virgule et au point). À l’opposé, l’édition princeps pose les premiers jalons d’un appareil formel de l’écrit, qui sera plus ou moins activé et s’enrichira plus ou moins vite dans les éditions subséquentes, suivant un continuum conduisant des éditions de colportage pour les peu lettrés (éditions de la bibliothèque bleue) aux éditions savantes pour adultes, en passant par les éditions savantes pour enfants. À la fin du XVIII e siècle, ce patron écrit est globalement stabilisé. 3. L’appareil formel de l’écrit À l’inverse du manuscrit d’apparat, les deux tirages de l’édition princeps se caractérisent par: (i) le primat de la ponctuation noire sur la ponctuation blanche 15 Va dans ce sens, entre autres, la mobilisation de signes de segmentation en fin de ligne: (14) […] où on demeura huit jours entiers . / / Ce n’etoit que promenades, que parties de chasse et de pesche, que danses et festions, que collation: / / on ne dormoit point […] Les divisions pour l’œil viennent ainsi se surimposer aux divisions pour le corps et la voix. (ii) la mobilisation conjointe de plusieurs paliers de traitement (a) le palier périodique (comme dans l’appareil oral), dont la borne gauche est marquée par une majuscule et la borne droite par un point: (15) Il estoit une fois un homme qui avoit de belles maisons à la Ville & à la Campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie, & des carosses tout dorez; mais par malheur cet homme avoit la Barbe-bleüe: cela le rendoit si laid et si terrible, qu’il n’étoit ni femmes ni fille qui ne s’enfuit de devant luy . (b) le palier phrastique (à la différence de l’appareil oral), dont la borne gauche et la borne droite sont marquées par des signes divers de segmentation: 15 Pour un vaste panorama afférent à l’histoire de la ponctuation blanche, au sens d’architecture textuelle, de mise en page, voir M ARTIN 2000. La ponctuation de 199 (16) Il estoit une fois un homme qui avoit de belles maisons à la Ville & à la Campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie, & des carosses tout dorez; mais par malheur cet homme avoit la Barbe-bleüe [fin de phr1]: cela le rendoit si laid et si terrible, qu’il n’étoit ni femmes ni fille qui ne s’enfuit de devant luy [fin de phr2] . (c) le palier interpropositionnel (à la différence de l’appareil oral), dont les bornes sont optionnellement marquées par un signe segmentation autre que le point: (17) Il estoit une fois un homme qui avoit de belles maisons à la Ville & à la Campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie, & des carosses tout dorez; mais par malheur cet homme avoit la Barbe-bleüe: (d) le palier communicationnel séparant par un signe de segmentation le thème du rhème: (18) La Barbe bleuë pour faire connoissance, les mena avec leur Mere […] a une de ses maisons de campagne (e) le palier intersyntagmatique, séparant par des virgules les redoublements de postes fonctionnels: (19) La Barbe bleuë […] les mena avec leur Mere, et trois ou quatre de leurs meilleures amies, et quelques jeunes hommes du voisinage, a une de ses maisons de campagne […] Autant dire que les divisions rhétorico-syntaxiques priment désormais sur les divisions pneumatiques et/ ou musicales. (iii) la priorité donnée aux signes de segmentation sur les signes de modulation Dans le dialogue, tendanciellement du moins, les tours de parole sont démarqués par des signes de ponctuation noire longs, généralement le ‘point périodique’: (20) Ne veus tu pas descendre crioit la Barbe bleuë . Encore un moment répondoit sa femme, & puis elle crioit, Anne, ma sœur Anne, ne vois tu rien venir . Je vois, répondit-elle, deux Cavaliers qui viennent de ce côté-cy, mais il sont bien loin encore: Dieu soit loué, s’ecria-t-elle un moment après, ce sont mes freres; je leur fais signe tant que je puis de se haster . La Barbe bleue se mit à crier si fort que toute la maison en trembla. La séparation du récit et du discours direct est matérialisée par un signe de ponctuation court, la virgule ou le point libre: (21) La pauvre affligée lui crioit de temps en temps , Anne, ma sœur, Anne […] (22) & aussi-tost elle crioit tout bas . Anne, ma sœur, Anne […] L’articulation des différents temps au sein d’un même tour de parole est marquée par des signes de ponctuation intermédiaires, les deux points (ou La Barbe leue B 200 Claire Badiou-Monferran comma) pour une pause courte dans le continu, et le point virgule (ou colon) pour une suspension longue: (23) Je vois, répondit-elle, deux Cavaliers qui viennent de ce côté-cy, mais il sont bien loin encore: Dieu soit loué, s’ecria-t-elle un moment après, ce sont mes freres; je leur fais signe tant que je puis de se haster. Aussi, dès l’édition princeps, toute la gamme des signes de segmentation est-elle utilisée. Les éditions savantes ultérieures, du XVIII e siècle et de la première moitié du XIX e siècle, vont enrichir et stabiliser cet appareil formel de l’écrit. Y sont mis en œuvre les principes de: (i) segmentation intra-syntagmatique au moyen de virgules (24) Une de ses voisines, Dame de qualité, avoit deux filles parfaitement belles. (éditions de 1742, 1777, etc.) (ii) séparation des compléments non essentiels et des compléments essentiels par des virgules (25) Mais , par malheur , cet homme avait la barbe bleue; (éditions de 1800, 1817, 1838, 1843, etc.) (iii) priorité accordée à la division phrastique sur la division périodique (26) Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie, et des carrosses tout dorés . Mais par malheur cet homme avoit la barbe bleue (1800 et suivantes) (iv) alinéation marquant les changements de thème (27) Il était une fois un homme qui avait de belles maisons à la ville et à la campagne, de la vaisselle d’or et d’argent, des meubles en broderie, et des carrosses tout dorés. Mais par malheur cet homme avoit la barbe bleue: cela le rendait si laid et si terrible, qu’il n’était ni femme ni fille qui ne s’enfuit de devant lui. Une de ses voisines, dame de qualité, avait deux filles parfaitement belles. (1838, 1845, 1859, 1862, etc.) (v) codification du marquage des tours de parole Sont introduits les tirets cadratins indiquant le changement de tour de parole dans le dialogue (éditions de 1785 et suivantes) et les guillemets ouvrants et fermants encadrant le discours direct 16 (éditions de 1838, 1862, 1877…). L’architecture visuelle des échanges répétés (tels «Anne, ma sœur Anne […]») est pour 16 Sur la question des guillemets comme signes de l’écrit, voir A UTHIER 1998. La ponctuation de 201 sa part harmonisée via la disparition des italiques indexant une reprise intertextuelle de l’Énéide (1800, 1838, etc.). Or, cette stabilisation de l’appareil formel de l’écrit va autoriser la mise en place d’un «patron» oralisant. Désormais, la lecture à voix haute n’est plus effective, plus présente, mais elle est mise en scène, elle est re-présentée comme un élément constitutif du genre «Conte». 4. Vers un patron oral À la suite de Gilles Philippe, je définirai le «patron» comme un ensemble de traits langagiers convenus et désémantisés, se contentant de faire signe en direction d’un modèle linguistique propre à l’imaginaire d’une époque: Dans l’histoire des formes littéraires, certains faisceaux de formes tendent […] à se stabiliser, puis à figer, et donc à se désémantiser, du moins partiellement. Nous proposons d’appeler «patrons» le résultat d’un tel processus. L’apparition de ces patrons est moins exigée par les nécessités expressives de tel ou tel régime discursif que par une forme de conventionnement dans l’imaginaire langagier d’une époque: disons, pour aller vite, que les appareils formels regroupent des faits langagiers sémantiquement congruents, tandis que les patrons regroupent des faits langagiers sémiotiquement congruents. Le «patron oral» sera ainsi constitué de marquages hétéroclites sans cohérence dénotative […] mais qui permettent à la prose écrite de prendre des allures «orales», selon la stéréotypie en vigueur au moment de la production du texte (P HILIPPE 2008: 31). Dans les éditions savantes du XIX e siècle, le «patron d’oralité» se signale prioritairement dans les passages de discours direct, par: (i) la théâtralisation de la mise en page du dialogue Chaque réplique est précédée d’un tiret cadratin et fait l’objet d’un saut de ligne: (28) — Encore un moment, s’il vous plaît ! lui répondait sa femme. Et aussitôt elle crioit tout bas: — Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir? Et la sœur Anne répondait: — Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l’herbe qui verdoie. — Descends donc vite, criait la Barbe Bleue, ou je monterai là-haut. (1800, 1859 Vermot, 1866, 1871, 1894, 1901, etc.) Le tiret cadratin, au demeurant, se routinise. Il est utilisé abusivement, de manière mécanique, pour séparer les différentes phrases (ou phases) d’une même et unique réplique: (29) — Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir? — Je vois, répondit-elle, deux cavaliers qui viennent de ce côté, mais ils sont bien loin encore. — Dieu soit loué ! s’écria-t-elle un moment après, ce sont mes frères. La Barbe leue B 202 Claire Badiou-Monferran — Je leur fais signe tant que je peux de se hâter. (1800, 1817, 1838, 1845 Desessert, 1845-46 [1842] Renault, 1851, 1858, 1859 Delarue, 1959 Vermot, 1862 [1861] Hetzel, 1866, 1867 Hetzel, 1867 Ardant et Thibaut, 1871, 1894) Cette bévue, reconduite d’éditions en éditions tout au long du XIX e siècle et qui n’est rectifiée qu’au début du XX e siècle, montre que l’on n’est plus dans le simple enregistrement de l’oral mais dans la mise en scène d’une oralité fictive. Le cadratin est désémantisé. Il n’est plus un démarcateur de tours de parole, mais un signe vide, indexant, pour l’œil, un artefact d’oralité. L’«appareil formel» de l’oral cède ici le pas au «patron» oralisant. (ii) la surexploitation des signes de modulation (30) — Je m’en vais, répondait la femme; et puis elle criait: — Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir? — Je vois, répondit la sœur Anne, une grande poussière qui vient de ce côté-ci ? — Sont-ce mes frères? — Hélas ! non, ma sœur, ce sont un troupeau de mouton. — Ne veux-tu pas descendre, criait la Barbe Bleue. — Encore un petit moment ! répondait sa femme; et puis elle criait: — Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir? — Je vois, répondit-elle, deux cavaliers qui viennent de ce côté, mais ils sont bien loin encore. — Dieu soit loué ! s’écria-t-elle un moment après, ce sont mes frères. — Je leur fais signe tant que je peux de se hâter. (1800) Le point d’interrogation figure désormais à la fin de toutes les questions mais également à l’issue de certaines assertions, comme pour signaler une légère hésitation. Le point d’exclamation pour sa part (qui n’apparaît qu’une seule fois avant 1800, dans une édition de colportage, après l’interjection «Hélas ! » prononcée par la sœur Anne), se multiplie. (iii) le surinvestissement des potentialités pneumatiques des signes de segmentation À partir de la fin du XVIII e siècle, le nombre de caractères des points de suspension se stabilise à trois. Dans Frantext, pour la période allant de 1780 à 1830, on enregistre 27 914 occurrences de points de suspension à trois signes, 252 occurrences de points de suspension à quatre signes, et 37 occurrences de points de suspension à cinq signes. Autrement dit, les points de suspension amplifiés demeurent, mais ils sont quantitativement marginalisés, et donc marqués. Or, certaines des éditions modernes de «La Barbe Bleue» n’hésitent pas à les mobiliser: (31) «et levant son bras ….. Dans ce moment on heurta si fort à la porte, que la Barbe bleue s’arrêta tout court» (1800, 1843, 1845-46 [1842] Renault) 17 . 17 Les éditions de 1871 et 1882 ne comprennent plus «que» quatre points au lieu de cinq. La ponctuation de 203 Par ailleurs, dans les éditions de la seconde moitié du XIX e siècle, les points de suspension à trois signes (ou plus) se multiplient et apparaissent là où les éditions antérieures en faisaient l’économie. Ils marquent: - une interruption du locuteur par l’allocutaire: (32) — Je vois, répondit la sœur Anne, une grande poussière qui vient de ce côté-ci … — Sont-ce mes frères? (1862 [1861] Hetzel, 1867 Hetzel, 1877, 1882, 1894, 1901) - un temps de pause dans la lecture à voix haute, liés à une incertitude concernant le déroulement de l’action: (33) «ils sont bien loin encore …. Dieu soit loué ! s’écria-t-elle un moment après, ce sont mes frères» (1882) - une action paraverbale, que le locuteur est en mesure de mimer pendant la suspension du discours ou du récit: (34) […] On ouvrit, & aussitôt on vit entrer deux cavaliers, qui mettant l’épée à la main, coururent droit à la Barbe Bleue … Il reconnut que c’était les frères de sa femme […] (1862 [1861] Hetzel, 1867 Hetzel, 1901) Les virgules, quant à elles, matérialisent désormais des pauses pneumatiques en contradiction avec le mouvement de l’histoire de la langue. À cet égard, les variations de transcription de la structure consécutive [si X que Y] sont significatives. En régime écrit, à l’âge classique, cette suite peut - ou non - accueillir une virgule et observer le format [si X, que Y]. En revanche, au XIX e siècle, le tour consécutif est pensé comme une corrélation, et la structure en [Si X, que Y], avec la virgule, se marginalise. Or, paradoxalement, dans le conte de «La Barbe bleue», qui comprend neuf occurrences de système consécutif, l’usage de la virgule, globalement, se généralise. On comparera: (35) cela le rendoit si laid et si terrible qu’il n’estoit ni femme ni fille qui ne s’enfuyt de devant luy 18 (35’) cela le rendoit si laid et si terrible, qu’il n’estoit ni femme ni fille qui ne s’enfuyt de devant luy (1697, 1742, 1777, 1785, 1800, 1812, 1817, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 1845-46 [1842] Renault, 1851, 1858, 1859 Delarue, 1859 Vermot, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Ardant et Thibaut, 1867 Hetzel, 1871, 1877, 1894, 1901, 1904, 1905) (36) tout alla si bien que la cadette commença à trouver que le Maistre du logis n’avoit plus la Barbe si bleüe (1851, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1877, 1882, 1894, 1904) (36’) tout alla si bien, que la cadette commença à trouver que le Maistre du logis n’avoit plus la Barbe si bleüe (1697, 1742, 1785, 1800, 1812, 1817, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 18 Dans cette occurrence comme dans les suivantes, l’orthographe et les casses sont celles de l’édition princeps (1 er état). La Barbe leue B 204 Claire Badiou-Monferran 1845-46 [1842] Renault, 1858, 1859 Delarue, 1859 Vermot, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Hetzel, 1871, 1901, 1905) (37) Je vous deffens d’y entrer, et je vous le deffens de telle sorte que s’il vous arrive de l’ouvrir, il n’y a rien que vous ne deviez attendre de ma colere. (1812, 1845 Desesserts, 1867 Ardant et Thibaut, 1877, 1882, 1894, 1904) (37’) Je vous deffens d’y entrer, et je vous le deffens de telle sorte, que s’il vous arrive de l’ouvrir, il n’y a rien que vous ne deviez attendre de ma colere. (1697, 1642, 1785, 1800, 1817, 1838, 1843, 1845-46 [1842] Renault, 1851, 1858, 1859 Vermot, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Hetzel, 1871, 1877, 1901, 1905) (38) Elle fut si pressée de sa curiosité que […] (38’) Elle fut si pressée de sa curiosité, que […] (1697, 1642, 1785, 1800, 1812, 1817, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 1845-46 [1842] Renault, 1851, 1858, 1859 Bonaventure et Ducessois, 1859 Vermot, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1859 Delarue, 1859 Vermot, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Ardant et Thibaut, 1867 Hetzel, 1871, 1877, 1882, 1894, 1901, 1904, 1905) (39) elle y descendit par un petit escalier dérobé, et avec tant de precipitation qu’ elle pensa se rompre le cou deux ou trois fois. (1894) (39’) elle y descendit par un petit escalier dérobé, et avec tant de precipitation, qu’elle pensa se rompre le cou deux ou trois fois. (1697, 1642, 1785, 1800, 1812, 1817, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 1851, 1858, 1859 Delarue, 1859 Vermot, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Ardant et Thibaut, 1867 Hetzel, 1871, 1877, 1882, 1901, 1904, 1905) (40) mais la tentation estoit si forte qu’ elle ne put la surmonter. (1697, 1742, 1800, 1851) (40’) mais la tentation estoit si forte, qu’elle ne put la surmonter. (1785, 1812, 1817, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 1845-46 [1842] Renault, 1858, 1859 Delarue, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Ardant et Thibaut, 1867 Hetzel, 1871, 1877, 1882, 1894, 1901, 1904, 1905) (41) elle les luy donna, mais d’une main si tremblante qu’il devina sans peine tout ce qui s’estoit passé. (41’) elle les luy donna, mais d’une main si tremblante, qu’il devina sans peine tout ce qui s’estoit passé. (1697, 1742, 1785, 1800, 1812, 1817, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 1845- 46 [1842] Renault, 1851, 1858, 1859 Delarue, 1859 Vermot, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Ardant et Thibaut, 1867 Hetzel, 1871, 1877, 1882, 1894, 1901, 1904, 1905) (42) La Barbe bleüe se mit à crier si fort que toute la maison en trembla (1697, 1742, 1817, 1845-46 [1842] Renault, 1851, 1859 Delarue, 1862 [1861] Hetzel, 1867 Delarue, 1877, 1882, 1894, 1904) (42’) La Barbe bleüe se mit à crier si fort, que toute la maison en trembla (1785, 1800, 1812, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 1858, 1859 Vermot, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Ardant et Thibaut, 1867 Hetzel, 1871, 1901, 1905) La ponctuation de 205 (43) on heurta si fort à la porte que la Barbe bleüe s’arresta tout court: (1871, 1877, 1882, 1894, 1904) (43’) on heurta si fort à la porte, que la Barbe bleüe s’arresta tout court: (1697, 1742, 1785, 1800, 1812, 1817, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 1845-46 [1842] Renault, 1851, 1858, 1859 Delarue, 1859 Vermot, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Ardant et Thibaut, 1867 Hetzel, 1901, 1905) (44) les deux freres le poursuivirent de si pres qu’ils l’attraperent (1877, 1882, 1894, 1904) (44’) les deux freres le poursuivirent de si pres, qu’ils l’attraperent (1697, 1742, 1785, 1800, 1812, 1817, 1838, 1843, 1845 Desesserts, 1845-46 [1842] Renault, 1851, 1858, 1859 Delarue, 1859 Vermot, 1861 Magnin, Blanchard et Cie, 1862 [1861] Hetzel, 1866 Bernardin-Béchet, 1867 Delarue, 1867 Ardant et Thibaut, 1867 Hetzel, 1871, 1901, 1905) La virgule - intempestive du point de vue de l’histoire de la langue mais qui met en relief le groupe de mots qui précède en le dotant d’un accent - surimpose à l’interprétation traditionnelle de la structure, à savoir l’interprétation consécutive, une interprétation intensive. Elle contribue ainsi à l’artefact d’une lecture oralisée, jouant de l’emphase et sollicitant - pour l’œil - les effets de voix du conteur. 5. Conclusion: vers un continuum des versions Au sein des éditions savantes, les éditions adressées aux enfants maximalisent le patron oral. Ainsi, dans l’édition de 1800, tous les facteurs contribuant à la mise en œuvre de ce patron sont réunis (voir les exemples 28 à 31 et 35’ à 39’ ainsi que 41’ à 44’). Les éditions savantes adressées aux adultes ne mobilisent en revanche que certains critères et pas d’autres. Parmi elles, les éditions Hetzel de 1862 [1861] et 1867 optent, par exemple, pour une présentation massée du dialogue, et sont donc déficientes du point de vue de la ponctuation blanche. Mais elles maximalisent les effets de la ponctuation noire (effets musicaux des signes modalisateurs et effets pneumatiques des signes de segmentation (voir les exemples 32, 34, 35’ à 41’, 43’, 44’), contribuant à la construction du patron oralisant. La ponctuation des éditions de colportage à disposition se caractérise, quant à elle, par son retard dans l’élaboration de l’appareil écrit. On n’en donnera qu’une illustration. Alors que dans les éditions savantes, l’encadrement des appositions par des virgules, obéissant à une logique de segmentation pour l’œil et pour l’esprit, de type grammatical, est acquis dès la première moitié du XVIII e siècle (voir l’exemple 24), il ne commence à se mettre en place, dans les versions peu lettrées, qu’avec l’édition Chalopin, datant, selon toute vraisemblance, des années 1830 (voir N4). Mais même dans ce texte, le principe de démarcation du groupe apposition n’est que partiellement acquis. La borne gauche de l’élément La Barbe leue B 206 Claire Badiou-Monferran apposé est délimitée par une virgule, mais la borne droite, sans virgule, demeure ouverte sur l’unité inscrite dans sa subséquence («Une de ses voisines, Dame de qualité avoit deux filles parfaitement belles», Chalopin, Caen, s.d.). En l’absence d’un «appareil écrit» totalement stabilisé, le développement du patron oral est de facto bloqué. Dans le corpus à disposition, aucun des facteurs contribuant à l’élaboration d’une fiction d’oralité n’est activé 19 . L’hypothèse, sociolinguistique, d’un patron d’oralité à géométrie variable, plus ou moins abouti en fonction de la nature - plus ou moins lettrée - du support éditorial, et de l’âge - plus ou moins élevé - du lectorat, demeure bien entendu à affiner. Pour ce faire, il faudrait pouvoir disposer d’un corpus plus étendu de versions relevant de la littérature de colportage. Ces premiers résultats se contentent donc d’ouvrir une piste à valider dans le cadre de travaux futurs. Ce qu’ils permettent d’ores et déjà de poser, c’est la diversité, en diachronie, des usages de la ponctuation, venus servir successivement - mais avec des effets de tuilage - l’élaboration d’un «appareil» oral, d’un «appareil» écrit, et d’un «patron» oralisant. De l’oral scripturalisé à l’écrit oralisé, tel est le parcours que notre corpus de référence permet de dégager pour la première modernité. Bibliographie 1. Bibliographie primaire 1.1 Éditions savantes P ERRAULT , Ch. 1956 [ 1 1695]: «La Barbe bleüe. Conte», Contes de ma Mere L’Oye, fac-similé du manuscrit d’apparat, in: J. B ARCHILON (ed.), Perrault’s Tales of Mother Goose. The Dedication Manuscript of 1695 reproduced in Collotype Facsimile with Introduction and Critical Text, New York, The Pierpont Morgan Library: [s. p.] P ERRAULT , Ch. 1 1697, premier tirage: «La Barbe bleüe», in: Ch. P ERRAULT , Histoires ou Contes du temps passé. Avec des Moralitez, Paris, Claude Barbin: 57-82 P ERRAULT , Ch. 1980 [ 1 1697, second tirage]: «La Barbe bleuë», in: J. B ARCHILON (ed.), Contes de Perrault. Fac-similé du second tirage de l’édition Barbin, Genève, Slatkine reprints: 57-82 P ERRAULT , Ch. 1742: «La Barbe bleue. Conte», in: Ch. P ERRAULT , Histoires ou Contes du tems passé. Avec des Moralités. Nouvelle édition augmentée d’une Nouvelle, à la fin, La Haye, [s. n.]: 11-21 P ERRAULT , Ch. 1777: «La Barbe bleue. Conte», in: Ch. P ERRAULT , Histoires ou Contes du temps passé. Avec des Moralités, La Haye / Liège, Basompière: 10-17 P ERRAULT , Ch. 1785: «La Barbe bleue, Conte», in: Le Cabinet des fées; ou collection choisie des contes des fées, et autres contes merveilleux, T. 1, Amsterdam, [s. n. ]: 9-16 P ERRAULT , Ch. 1800: «La Barbe bleue», in: Le Panthéon populaire. Chefs-d’œuvre illustrés de la littérature. Cabinet des fées. Nouveau livre des enfants, Paris, Gustave Barba: 41-42 19 Localement, on pourra sans doute repérer des phénomènes de ponctuation apparentés, mais à partir du moment où ces derniers sont isolés et n’entrent pas en congruence avec les autres éléments du faisceau, ils perdent de leur significativité. La ponctuation de 207 P ERRAULT , Ch. 1812: «La Barbe bleue, Conte», in: Ch. P ERRAULT , Contes des fées, Avignon, Jean-Albert Joly: 9-16 P ERRAULT , Ch. 1817: «La Barbe bleue, Conte», in: Ch. P ERRAULT , Contes des fées. Nouvelle édition ornée de jolies vignettes, Paris, Guillaume et C ie : 1-12 P ERRAULT , Ch. 1838: «La Barbe-bleue», in: Magasin des fées ou contes de fées. Deuxième édition, Paris, Alphonse Henriot: 10-18 P ERRAULT , Ch. 1843 [1842]: «Barbe bleue», in: Contes des fées, Paris, L. Curmer: [s. p.] P ERRAULT , Ch. 1845: «La Barbe bleue», in: Les contes de fées de Charles Perrault, Paris, Alphonse Desesserts: 35-49 P ERRAULT , Ch. 1846 [1842; 1845]: «La Barbe bleue. Conte», in: Contes des fées par Perrault, Paris, B. Renaud: 110-118 P ERRAULT , Ch. 1851: «La Barbe-bleue», in: Les contes des fées par Ch. Perrault, Paris, Victor Lecou: 9-16 P ERRAULT , Ch. 1858: «La Barbe-bleue», in: Le Perrault des enfants, Paris, Pagnerre: 7-14 P ERRAULT , Ch. 1859a: «La Barbe bleue», in: Contes des Fées par Ch. Perrault, Paris, Delarue: 1-10 P ERRAULT , Ch. 1859b: «La Barbe-bleue», in: Les contes de fées de Ch. Perrault, Paris, J. Vermot: 34-46 P ERRAULT , Ch. 1861: «Barbe bleue», in: Contes de Perrault, Paris, Magnin, Blanchard et C ie : 9- 16 P ERRAULT , Ch. 1862 [1861]: «La Barbe-bleue», in: Les contes de Perrault, Paris, J. Hetzel, librairie Firmin Didot frères: 55-59 P ERRAULT , Ch. 1866: «La Barbe bleue», in: Contes des fées par Ch. Perrault, Paris, Bernardin- Béchet: 1-15 P ERRAULT , Ch. 1867a: «La Barbe bleue», in: Perrault. Contes des fées, Paris, Delarue: 1-10 P ERRAULT , Ch. 1867b: «La Barbe-bleue», in: Contes des fées par Ch. Perrault, Limoges, Eugène Ardant et C. Thibaut: 5-17 P ERRAULT , Ch. 1867c: «La Barbe-bleue», in: Les contes de Perrault, Paris, J. Hetzel: 61-64 P ERRAULT , Ch. 1871: «La Barbe bleue», in: Contes de Fées, Paris, Hachette et C ie: 5-17 P ERRAULT , Ch. 1877: «La Barbe bleue», in: Les contes de Perrault, Paris, Théodore Lefèvre: [s. p.] P ERRAULT , Ch. 1882: «La Barbe bleue», in: Les contes des fées de Ch. Perrault, Paris, Théodore Lefèvre: 37-51 P ERRAULT , Ch. 1894: «La Barbe-bleue», in: «Petite collection Guillaume». Ch. Perrault. Contes, Paris, E. Dentu: 55-73 P ERRAULT , Ch. 1901: «La Barbe-bleue», in: Les contes de Perrault, Paris, Henri Laurens: 29-36 P ERRAULT , Ch. 1904: «La Barbe bleue», in: Les contes de Perrault, Paris, Librairie de Théodore Lefèvre et C ie , Emile Guérin éditeur: 29-40 P ERRAULT , Ch. 1905: «La Barbe-bleue», in: Les contes de Perrault, Paris, Henri Laurens: 29-36 1.2 Éditions de colportage 20 P ERRAULT , Ch. 1737: «La Barbe bleue. Conte», in: Les contes des Fées par Monsieur Perrault. Avec des Moralitez, Troyes, Pierre Garnier: 19-28 P ERRAULT , Ch. (s.d.): «La Barbe-bleue. Conte», in: (s.t.), Troyes, Veuve André: 1-8 P ERRAULT , Ch. (s.d.): La Barbe-bleue. Conte, Caen, Pierre Chalopin: 11 p P ERRAULT , Ch. (s.d.): «La Barbe bleue, Conte», in: Les 8 contes des fées, avec des moralités, par M. Perrault; ornés de huit belles gravures, Troyes, Baudot: 3-12 20 Pour une tentative de classement chronologique de ces éditions non datées, voire la N4 du présent article. La Barbe leue B 208 Claire Badiou-Monferran 2. Bibliographie secondaire A DAM J.-M./ H EIDMANN U. (ed.) 2005: Sciences du texte et analyse de discours. Enjeux d’une interdisciplinarité, Genève, Slatkine Érudition A NIS , J. 1983: «Pour une graphématique autonome», Langue française 59: 31-44 A RABYAN , M. 1994: Le paragraphe narratif, Chapitre IX: «Vingt-cinq éditions du Petit Poucet», Paris: 185-209 A UTHIER , J. 1998: «Le guillemet, un signe de ‹langue écrite› à part entière», in: J.-M. D EFAYS / L. R OSIER / Fr. 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Perspectives historiques et actuelles (actes des journée d’études de Nanterre, 29 mars 2013 et 4 avril 2014), Limoges R IFFAUD , A. 2007: La Ponctuation du théâtre imprimé au XVII e siècle, Genève S EGUIN , J.-P. 1993: L’invention de la phrase au XVIII e siècle. Contribution à l’histoire du sentiment linguistique français, Paris/ Louvain S EGUIN , J.-P. 1997: «Fluctuations de l’emploi du point aux XVII e et XVIII e siècles. Le point libre, le point périodique et le point moderne», Le Discours psychanalytique 18: 213-233 S EGUIN , J.-P. 2002: «Le métalangage de l’oralité dans les théories de la ponctuation au XVIII e siècle» Verbum 24, 1-2: 73-84 S ERÇA I. 2010: Les coutures apparentes de la Recherche. Proust et la ponctuation, Paris S ERÇA I. 2012: Esthétique de la ponctuation, Paris S ERMAIN , J.-P. 2002: Métafictions (1670-1730). 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Pour noute parlé à présent, fo s’ dépéché d’ l’ mette en écrit pasqu’ on est les darniés. Dans trente ans y en aura pu. Y disent qu’on parle mal, qu’on accorche les mots; y s’ sont pas r’gardé, cé l’ vrai français de cheu nous d’ y a trois cents ans, çui que nos cousins du Canada y causent encore; cé pas le français déformé, mélangé d’ mots étrangers qu’ on parle à présent qu’ les intellectuels y ont été obligés d’ cataloguer avec celui des autres provinces dans un dictionnaire pour faire la langue d’une nation» 1 . Les écritures dialectales, plus que toute autre production de textes, présentent probablement la fluctuation graphique la plus extrême. À l’enregistrement de l’oral, qu’il convient de noter avec précision, s’ajoute la tâche de gestion d’un système graphique qui satisfasse à la fois la réception de l’écrit et donne à entendre la parole authentique du terroir ainsi notée. Pour être accessibles à la lecture, les écritures dialectales sont de préférence construites sur l’orthographe de la langue à laquelle le dialecte est rattaché. Ces écritures présentent des interactions graphiques qui font appel à la mémoire visuelle et à la mémoire analytique pour décoder la parole rapportée. En tant qu’ancien membre de l’Équipe HESO, fondée par Nina Catach, je propose une extension sociolinguistique de la terminologie du plurisystème graphique du français issue des travaux de recherche scientifique sur l’orthographe du français et de son histoire qui avaient été menées au CNRS à partir du tout début des années soixante-dix. D’autre part, les recherches de Michel Banniard et l’apport de ses conférences EPHE à la Sorbonne ont été très stimulants, et m’ont conforté dans mes travaux d’analyse les plus récents. La communication présentée ici tente de faire la synthèse de plus de vingt ans de recherche, en posant notamment les jalons d’une réflexion qui voudrait être partagée. Celle-ci vise à poser les premiers éléments pour une théorie sociolinguistique de l’écrit encore à construire. * Le texte suit les Rectifications orthographiques de 1990, recommandées par l’Académie française et le Conseil supérieur de la langue française (Journal officiel, Documents administratifs, n° 100 (6-12- 90). 1 Extraits de Le temps qui s’cayotte, ‘Le temps qui se gâte’, texte d’André Gilbert publié en 1980, dans le supplément hebdomadaire Sept sur sept du quotidien régional La République du Centre. L’ensemble des quelques cent-cinq textes publiés entre 1980 et 1982 dans la République du Centre est réuni dans André G ILBERT , L’Haritage pardu ou l’amour de le terre, Corsaire éditions, Orléans, 3 2013. 212 Fabrice Jejcic 1. Domaine d’étude, auteurs et corpus Notre terrain d’étude coïncide avec celui de l’aire dialectale de l’Atlas linguistique et ethnographique de l’Île-de-France et de l’Orléanais (ALIFO) de Marie- Rose Simoni-Aurembou. Les auteurs choisis, en dépit des localisations différentes de leurs lieux de vie, relèvent de ce même domaine dialectal (voir ci-dessous, fig. 1, la carte du domaine de l’ALIFO et la localisation des auteurs), à l’exception de l’auteur acadien qui vient, en quelque sorte, apporter une note contrastive à cet ensemble. Cette disparité apparente manifeste une unité de la langue, des deux rives de l’Atlantique, que l’on retrouve à la fois dans les parlers situés au sud et à l’ouest de Paris selon un axe allant de l’orléanais au poitevin-saintongeais. Par ailleurs, le travail d’écriture des auteurs, indépendamment des styles et contenus différents de leurs textes, présentent des caractéristiques communes. Ces traits communs ne sont pas non plus sensibles à l’amplitude temporelle qui couvre la période 1865-1997, pas plus qu’aux différences socioculturelles des auteurs. 2. Notices sur les écrivains et leurs oeuvres Arsène Vincent, 1831-1881 (abrégé AV), ancien charron devenu historien local après l’accident qui le laissa paraplégique. Auteur d’un Glossaire dialectal manuscrit de 16 pages avec quelques 432 termes (± 1864), il a surtout composé le volumineux manuscrit de près de 700 pages dont la page de titre porte les indications suivantes: Recherches historiques sur le canton de Thiron-Gardais, par Ar. Vincent, sculpteur (± 1875, Eure-et-Loir). Présenté sous forme de dictionnaire, constitué de rubriques d’histoire locale et de gloses de mots dialectaux, ce volume inachevé compte 788 entrées et s’arrête à la lettre P. Son édition numérique est en cours de préparation. Pascal Poirier, 1852-1933 (abrégé PP), fonctionnaire et juriste, premier Acadien à devenir sénateur canadien en 1885, il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire des Acadiens auxquels s’ajoutent deux ouvrages de linguistique: Le parler-franco acadien et ses origines (1928) et Le glossaire acadien (1927). Pierre Lelong, 1869-19xx (abrégé PL), intellectuel, écrivain social et régionaliste, dont les trois ouvrages régionalistes, en parler de l’Yveline (département actuel des Yvelines), sont: Au pays des grenouilles bleues (1906), Luroué le braco. Roman de mœurs rustiques (1911), Les contes de la gobine (1923). André Gilbert, 1920-2003 (abrégé AG), ancien maréchal-ferrant puis électricien, auteur d’un peu plus d’une centaine de textes dialectaux en parler beauceron (de l’Orléanais), sous forme de billets, publiés dans le supplément hebdomadaire Sept sur sept du quotidien régional La République du Centre aux alentours de 1980. Ces textes, regroupés par l’auteur, constituent le recueil L’haritage pardu ou l’amour de la terre (2013, 3 e éd.; 1 ère éd. 1995). Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 213 Édith Jacqueneaux, 1914-2013 (abrégé ÉJ), ancienne institutrice, auteure de plusieurs ouvrages de contes, de poésies et de légendes, dont deux, en parler de la Sarthe (Haut-Maine), L’histoére du potit gâs Louis et autres diries de la maîtresse d’école (1993) et Fablenmaine, Fables de la Fontaine en patois du Maine (1997). N.B. J’ai eu le plaisir et la chance de connaitre André Gilbert et Édith Jacqueneaux. Certains de nos multiples échanges ont fait l’objet d’enregistrements utiles aux analyses et aux publications qui ont suivi 2 . 2 J EJCIC 2002: 111-35, article qui présente les entretiens et échanges avec ces deux auteurs. 214 Fabrice Jejcic Figure 1: Carte du domaine de l’ALIFO et localisation des auteurs. Grands chiffres = points d’enquête de l’Atlas linguistique de la France. Petits chiffres = points d’enquête de l’Atlas linguistique et ethnographique de l’Île-de-France et de l’Orléanais. Chiffres avec souligné simple = points d’enquête de l’Atlas linguistique et ethnographique de la Champagne et de la Brie. Chiffres avec souligné double = points d’enquête de l’Atlas linguistique et ethnographique du Centre. Chiffres avec souligné pointillé = points d’enquête de l’Atlas linguistique et ethnographique de l’Ouest. Les étoiles indiquent la localisation des parlers des auteurs avec leurs initiales AG, André Gilbert; AV, Arsène Vincent; ÉJ, Édith Jacqueneaux; PL, Pierre Lelong. Le parler de l’auteur acadien Pascal Poirier est situé à 25 kilomètres à l’est de la ville de Moncton en Acadie. Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 215 3. Édition, représentations et variantes graphiques Les représentations graphiques de la langue parlée sont loin d’être neutres. Ces phénomènes avaient été observés par Claire Blanche-Benveniste et Nicole Guenier. Leur analyse aboutissait à la conclusion que les représentations de la langue parlée étaient peu satisfaisantes et avaient une pesanteur idéologique qui nuisait à la présentation scientifique de l’oral ainsi noté (B LANCHE - B ENVENISTE / J EANJEAN 1987 et G UENIER 1978). Dans sa recherche portant sur les aspects phonétiques d’un sociolecte parisien (du faubourg Saint-Germain à la Muette), Odette M ETTAS 1979 avait choisi un système de transcription que l’on pourrait qualifier de relativement neutre pour noter le parler de la haute bourgeoisie parisienne. Le tableau 1, ci-dessous, indique le contraste entre sa notation et les autres notations possibles de l’oral: (il) y a, que(l)que chos(e), j(e ne) sais pas, c’(es)t-à-dir(e), p(eu)t-êt(re), i(ls) viendront notation Odette Mettas, les éléments non prononcés sont entre parenthèses il y a quelque chose, je ne sais pas, c’est-à-dire, peut-être, ils viendront notation en orthographe standard y’a, que’qu’ chos’, j’ sais pas, c’t-à-dir’, p’t-êt’, i viendront notation du langage parlé selon la tradition graphique ja k ɛ k ʃ oz ʃ s ɛ pa s tadir pt ɛ t i vj'dr, notation en alphabet phonétique international Tableau 1: Différentes représentations graphiques du même extrait oral transcrit. De ce tableau deux faits ressortent. D’une part, la notation selon la tradition graphique renvoie une image péjorative de l’oral noté, liée aux représentions culturelles de l’écrit et, d’autre part, la notation en alphabet phonétique international, qui s’avère peu opérationnelle pour ce type d’«enregistrement», n’est généralement pas utilisée pour les variétés de langues à tradition écrite bien établie. C’est ce constat, je pense, qui a amené Claire Blanche Benveniste à parler de «trucages orthographiques» pour la transcription de corpus oraux. Une observation analogue peut être faite sur les variantes graphiques du toponyme et hydronyme Memramcook, extrait du corpus acadien, dont le tableau 2, ci-dessous, montre le florilège des variantes: 216 Fabrice Jejcic Mamramkook Memeramkook Mémérancook Mémérancouque Memramcook Memramoucq Memrancouque Memramkouke M’ramcook — — — — Notations hybrides franco-anglaises Notation française Notation officielle actuelle Transcription imitative flamande Notation populaire Tableau 2: Ensemble des variantes graphiques relevées dans le corpus PP. Les neuf variantes graphiques convoquent, de manière plus ou moins consciente, des modèles culturels d’écritures différents. Si pour certaines formes les modèles paraissent évidents (celles qui sont notées dans la colonne de gauche du tableau) d’autres sont beaucoup plus difficiles à qualifier tant leur composition est un mélange d’unités graphiques dont les sources sont différentes. Ces deux séries de représentations et de notations amènent l’analyste que nous sommes à bien séparer ce qui relève du linguistique de ce qui relève du culturel, et donc aussi de l’idéologique. 4. Informatisation du corpus Sans l’outil informatique, le type de recherche présenté ici n’aurait pas été possible. Le corpus servant à l’analyse est construit à partir de la saisie fidèle du texte et de ses graphies, sans aucune modification et sans aucune annotation. Seuls les mots, au sens de groupe de sons correspondant à un sens, qu’ils soient composés d’un élément graphique ou de plusieurs éléments graphiques, sont identifiés. Cette saisie initiale donne lieu à deux traitements distincts, le premier générant un index de toutes les formes graphiques (mots) avec leur fréquence, le second la concordance générale de toutes les occurrences (mots) dans leur contexte d’apparition. Toutes ces informations sont organisées sous forme de base de données. Les tableaux 3 et 4 qui suivent illustrent ces deux types de ressources. Fréquence Rang Occurrence Sens Commentaire 15 1850 ch’vo cheval forme au singulier du nom 15 2854 farmes fermes alternance vocalique E/ A du nom et du verbe 43 4871 p’tit petit forme graphique la plus fréquente de petit 15 4526 petit petit forme graphique la moins fréquente de petit Tableau 3: Extraits de l’index général, corpus AG. Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 217 Le tableau 3 nous donne successivement pour chaque occurrence: - colonne 1, sa fréquence; - colonne 2, son rang rapporté à l’ensemble des occurrences de la même forme graphique; - colonne 3, la forme graphique de l’occurrence; - colonne 4, le sens correspondant de la forme standard; - colonne 5, les commentaires sur chaque occurrence listée. Les trois premières colonnes sont générées par programme informatique, les deux dernières sont explicatives. La forme ch’vo est caractéristique du mot dialectal au singulier, dont le pluriel est noté par ch’vos, avec un -s final. L’occurrence farmes dénote une alternance vocalique fréquente de E/ A, comme par exemple encore al pour ‘elle’, acrire pour ‘écrire’, etc. Les deux dernières lignes attirent l’attention sur le fait que la forme déviante p’tit est presque trois fois plus fréquente que la forme régulière petit, ces écarts du nombre des occurrences restent à expliquer. Contexte avant Forme Contexte après Y nous tarale avec avec leur tarale, des mots qu’ n’ ia pu guère que nous qui parlont. on sé bin ç’ qu’ ça i vous fiche le mal au foie. Moi j’ cré bin qu’ jé jamé eu d’ foie hein la mé; j’en ai mangé des eu Tableau 4: Extraits de la concordance générale, corpus AG. Ce second tableau nous montre le contexte d’apparition des occurrences ia et jé, formes dites «pivots». Ces deux occurrences correspondent à l’agglutination des séquences standards y a et j’ai. «Y nous tarale avec leur tarale» est un jeu de mots avec les formes dialectales. Tarale, le verbe, signifie ‘passer au tarare’, mais aussi ‘secouer’, ‘harceler’. Tarale, le nom, désigne l’instrument manuel de battage, le tarare. Ces formes dialectales illustrent les cas d’alternances entre consonnes liquides R/ L. Nous remarquons enfin que dans les contextes, avant et après les formes pivots, il existe des alternances assez régulières entre formes standards et formes déviantes. Cette successivité aussi reste à éclaircir. Suite à ces premières investigations nous nous sommes aperçus que l’ordinateur, sans une programmation complexe, traite difficilement les formes graphiques différentes d’un même mot, qu’il s’agisse de variantes graphiques simples ou d’écarts de segmentations des formes. Nous arrêtons là nos observations, revenons aux mots du corpus et regardons de plus près quelques formes lexicales avec leur variantes, dans les tableaux 5 et 6 qui suivent. 218 Fabrice Jejcic ‘toujours’ tojou 1 tojours 1 toujou 15 toujour 2 toujou’ 10 toujou’s 10 39 toujours 23 Tableau 5: Ensemble des variantes graphiques et phoniques, corpus AG. En dehors de l’alternance vocalique libre OU/ O des deux premiers exemples, la caractéristique des autres formes déviantes est la suppression de la consonne liquide finale R, non prononcée dans 36 cas sur 39. Cette consonne amuïe est fréquemment marquée par l’apostrophe ou simplement graphiquement effacée. Sur l’ensemble des occurrences les graphies déviantes sont très largement majoritaires: elles correspondent en fait à une prononciation courante du français ordinaire, et dénotent une intention volontaire de l’auteur de se démarquer de la norme graphique. ‘arbre’ ‘herbe’ arbe 2 arbe 1 arbes 1 harbe 3 3 harb’ 1 4 arbre 1 herbe 1 arbres 4 5 Tableau 6: Distinction graphique de l’homonymie dialectale, corpus AG. L’amuïssement du R final de ‘arbre’ et la prononciation dialectale de ‘herbe’ entrainent une homophonie dialectale que l’auteur a traitée en ajoutant à la graphie dialectale le H initial de la graphie standard, opérant ainsi la distinction sémantique entre arbe et harbe. Contrairement à ‘arbre’ dont les formes standards sont plus nombreuses, nous constatons que la forme dialectale ‘herbe’ est traitée avec plus de soin: sur 6 formes, 4 présentent un H initial. Ce dernier exemple montre que l’auteur remotive les fonctions idéographiques de l’orthographe pour désambigüiser son texte. Ces premiers travaux d’informatisation et d’analyse des données ont été conduits à partir d’une étude approfondie de l’écriture d’André Gilbert. Cette analyse est-elle généralisable, est-elle validée en la confrontant à tous les auteurs? Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 219 5. Variation graphique: marques de terrains et marques d’auteurs Nous examinerons, ci-dessous, les similitudes, différences et spécificités, à la fois des domaines dialectaux et des auteurs quant à leur enregistrement graphique des parlers mis en écrit. 5.1. Similitudes Dans le tableau 7 ci-dessous nous présentons la notation des phénomènes les plus récurrents de l’oralité. Les occurrences spécifiques à certains auteurs sont suivies de leurs initiales entre parenthèses. Phonétisme Oïl central et ouest, Acadie 1 effacement de e atone d’mandé, p’tit, d’ moyens 2 réduction et agglutination y, ya, yavait 3 réductions de ien en [')] et de ui en i ben, bein, bin, depis, d’pis, pis 4 amuïssement de r ou de l en finale toujou, not’, not’e; visiteux (PP) 5 ouisme o > ou grous, chouse 6 ouverture de e > a devant r barceau, barçio 7 ajout de yod à l’initiale vocalique yoù (ÉJ); iou, iousque (PP) 8 singulier en al noté au/ o ch’vo, sing./ ch’vos, plur. (AG); animau, sing./ animaux, plur. (PP) 9 déglutination et segmentation l’ors qu’, l’orsque (AV); l’orsquelle (PP) Tableau 7: Variations communes et récurrentes. Les quatre premiers types du tableau ne sont pas proprement dialectaux. Ces exemples renvoient à des réalisations que l’on qualifie généralement de populaires ou familières, mais qui correspondent souvent à du parler ordinaire. Les deux types suivants sont communs à toutes les aires dialectales, qu’il s’agisse de l’ouisme ou de l’ouverture de E en A devant R. Le type 7 est caractéristique des parlers de l’Ouest, aux confins ouest et sudouest de l’ALIFO, dont une partie de la population avait émigré vers l’Acadie. L’adverbe ‘où’ est astucieusement noté yoù par ÉJ (Haut-Maine), dont le ù (u accent grave), spécifique au locatif, désambigüise le sens par sa valeur idéographique. Ceci explique peut-être le choix de iou, avec i, par PP (Acadie): la graphie yoù d’ÉJ aurait pu entrer en interférence avec celle de you, pronom personnel, dans un lieu ou l’angloaméricain est largement prédominant; ioù aurait-il été préférable? 220 Fabrice Jejcic Le type 8, présent des deux côtés de l’Atlantique, indiquerait un hypercorrectisme au profit de la forme la plus compliquée. Le singulier et le pluriel ont la même prononciation mais sont distingués à l’écrit par -s ou -x. Le type 9 montre des cas de déglutinations et de segmentations particulières. Si celles d’AV sont fréquentes et reflètent son insécurité orthographique, l’unique occurrence de PP est surprenante. Est-ce volontaire ou une coquille? 5.2. Différences Les différences sont le mieux marquées par AG et PP, qui représentent les aires dialectales la plus proche et la plus éloignée du domaine d’oïl central. Graphies Sens Orléanais Acadie Orléanais Acadie 1 farmer ‘fermer’ ‘cultiver une terre’ 2 carabin buckweat ‘blé noir, sarrasin’ ‘sarrasin’ 3 presqu’ quasiment, à peu près ‘presque’ Tableau 8: Homophonie, différences lexicales et homographie. La première graphie, farmer, introduit une homonymie dialectale provoquée par l’alternance vocalique E/ A. Lié au contact de langue, l’acadien a emprunté à l’anglais le verbe to farm ‘cultiver’, dont la forme francisée de l’infinitif farmer entre en interférence sémantique avec le signifiant dialectal farmer ‘fermer’. Le deuxième exemple du tableau 8, celui des dénominations locales du ‘sarrasin’, dénote une forme spécifique carabin attestée dans plusieurs dialectes du Nord-Ouest et du Centre de la France 3 . Ce mot est attesté uniquement dans une note historique du Vocabulaire du moulin traditionnel au Québec des origines à nos jours (L’H EUREUX 1982: 421), qui cite l’article de Ménage: «Ce mot ſ ignifie deux cho ſ es: du blé ſ ara ſ in, & un Cavalier.» (M ÉNAGE 1750: 304). En Acadie, c’est le terme anglais buckweat ‘sarrasin’ qui s’est imposé 4 , alors qu’au Québec ce sont sarrasin, blé-sarrasin et blé-noir, avec des variantes graphiques pour chacun des vocables, qui sont attestés (L’H EUREUX 1982: 418-421). Quant au signifié ‘presque’ le contraste se fait par l’emploi de signifiants différents: l’usage de quasiment est systématique en Acadie et dans le parler poitevinsaintongeais avec la graphie casiment (DFPS). Ce fait illustre les liens linguis- 3 Carabin est attesté dans plusieurs glossaires dialectaux récents: Trésor du parler percheron (D UD ’ HUIT et al. 1996) et Trésor du parler cénoman (B ERTIN et al. 2004), avec une variante supplémentaire caraboin. 4 Sarrasin nm. ‘bllai-négre, bllai-nér’ ( DFPS); les formes dialectales correspondent à ‘blé noir’. Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 221 tiques entre les deux rives de l’Atlantique; le mot n’est pas mentionné dans les glossaires relevant de l’aire de l’ALIFO. 5.3. Spécificités Les spécificités mettent en avant des éléments de filiation et de distinction entre le français acadien et les différentes aires dialectales d’oïl. Graphies Sens Oïl central et ouest Acadie Oïl central et ouest Acadie 1 annui (AG); anhui (EJ); à nuit (PL) aujourd’hui ‘aujourd’hui’ 2 {brochàe} DPSF brocher ‘tricoter’ 3 se mâter - ‘se dresser’ 4 seine, senne {séne} DPSF seiner ‘filet de pêche’ ‘pêcher’ 5 accropi, acropi - ‘pissenlit’ - Tableau 9: Spécificités graphiques et lexicales. Les graphies dialectales du signifié ‘aujourd’hui’ nous montrent les divergences de choix entre les auteurs. Cette dispersion s’explique probablement par les différences de parcours de vie, de milieu socioculturel et aussi de connaissances sur la langue. La graphie annui d’AG est phonétique (phonogrammique) tout en suivant la tradition orthographique française avec sa double consonne. Celle proposée par ÉJ est idéographique (logographique), anhui encode à la fois la prononciation et le sens. Son choix apporte une aide précieuse au lecteur quant au décodage sémantique, tout en créant un lien d’étymologie populaire avec l’élément hui emprunté au lexème aujourd’hui. Le choix de PL avec sa graphie à nuit en deux éléments, bien qu’il soit fidèle à l’étymologie réelle du latin N Ŏ X , présente l’inconvénient de ne pas créer de lien idéovisuel spontané chez le lecteur. En effet, son découpage graphique introduit une confusion et retarde le décodage permettant d’établir une correspondance avec la forme anuit ‘aujourd’hui’, du moyen français et du français classique, maintenue dans de nombreuses aires dialectales de la France (FEW 7: 216). Le texte de PP ne présente que la forme moderne aujourd’hui 5 . Par contre nous retrouvons dans le français acadien des constructions analogues comme à la bord du jour pour ‘l’aurore’. D’ailleurs sa forme composée présente une segmentation particulière de l’expression orthographiquement normée à l’abord du jour. 5 Aujourd’hui adv. ‘aneùt, anét, inét, anit; au jhor d’aneùt’ (DFPS); les attestations dialectales, avec de nombreuses alternances vocaliques, relèvent bien du même type que celui des auteurs mentionnés. 222 Fabrice Jejcic Une seconde construction du même type à la brun est présente dans son texte pour désigner la ‘tombée du jour, le crépuscule’ 6 . Le verbe brocher ‘tricoter’ marque la filiation entre le poitevin-saintongeais et le français acadien. Aux confins ouest de l’ALIFO, Maine et Perche, le substantif broche ‘aiguille à tricoter’ figure dans plusieurs glossaires locaux où le verbe est absent (cf. B ERTIN et al. 2004, D UD ’ HUIT et al. 1996). Le verbe pronominal se mâter ‘se dresser’ est un terme d’origine maritime mâter un vaisseau ‘garnir un navire de ses mâts’ (FEW 16: 540b, Dictionnaire de l’Académie française 1835, t. 1: 176, etc.). «Débarqué en terre acadienne… il trouve différents emplois… un ours se mâte lorsqu’il se dresse pour attaquer… un cheval se mâte lorsqu’il se dresse sur ses pattes de derrière, qu’il se cabre… [mâter une échelle: ‘élever l’échelle contre un mur’]», Le Glossaire acadien de PP mentionne le verbe dans son usage pronominal et transitif sous l’article mâter (1993: 298). Ce verbe n’apparait qu’une seule fois dans le texte: «l’ours ne manquait jamais de se mâter sur ses pattes de derrière», c’est dire sa haute valeur symbolique lorsqu’il est incarné par le plantigrade! Le verbe sener ‘pêcher’ n’est pas attesté dans notre corpus. Par contre, le substantif seine, variante senne, au sens de ‘filets disposés en nappe formant un demicercle’ fait partie de la langue générale. Des dénominations plus spécifiques existent régionalement, ce qui est le cas pour le poitevin-saintongeais avec séne, terme technique, au sens de ‘filet long hâlé par 10 personnes’, mentionné sous l’entrée filet par le DFPS 7 . Le terme dialectal accropi, var acropi, pour ‘pissenlit’ témoigne de l’attachement de l’auteur à la conservation des mots. Dans un de ses premiers textes publiés dans la République du Centre en février 1980 il rappelle: «pour pas que les jeunes il l’oubye le patoué, fo pas seul’ment faire de l’‹ortograf› un peu mal foutue y fo mète les anciens mots» (G ILBERT 2013: 54). Cette remarque est d’autant plus pertinente que le mot acropi est en quelque sorte un apax de l’ALIFO où il est attesté sous la forme èkropi (avec alternance de la voyelle initiale A/ E; cf. J EJCIC 2011: 123-24). Enregistrer le parler traditionnel en train de disparaitre était une des motivations majeures des auteurs contemporains AG et ÉJ. Ce n’était pas la préoccupation des auteurs plus anciens à une époque où les dialectes avaient encore assez de vitalité. 6 Crépuscule nm. ‘brùn, brunesie, baguesun’ (DPFS). La première entrée de l’article est le pendant poitevin-saintongeais de l’expression acadienne. 7 Filet. nm. 1. filét; (à anguilles) bràe, ancrou, rét, (barrant un fossé) martoçhine; (à crevettes) chevrotére, (à deux manches pour crevettes) trélle, troull; (petit à poissons) avenea; (de grande taille) tramall; (long hâlé par 10 pers.) séne; (à oiseaux) érme, (tendu entre deux perches: chasse) foujhét; (conique intérieur d’une nasse) lusét; (se prendre dans un -) se mallàe, se pochàe; (poser le de pêche) mollàe; (ôter le poisson du -) démallàe. À la traduction correspondent 17 termes distincts liés à des techniques ou des usages particuliers. Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 223 5.4. Identités Les traits linguistiques particuliers, qui généralement distinguent un parler de tous les autres, sont des spécificités que les auteurs notent avec grand soin. Graphies Sens Orléanais Acadie Orléanais Acadie d’mandint -aient ‘demandaient’ ‘demanda’ d’mandé d’mandai, -é, -er, -ais… ‘demandais, -ait, -ai, -é, -er’ ‘demandais’ Tableau 10: Identités orléanaise et acadienne. Le parler orléanais est caractérisé par son imparfait à la 6 e personne avec la finale en [']. AG est très rigoureux à ce sujet et note ce trait par -int, contrairement aux finales en [ ɛ ] écrites phonétiquement -é, éliminant ainsi toutes les distinctions apportées par la morphologie: -ait, -ai, -é, -er, etc., une procédure que l’on peut qualifier de ‘dégrammatisation’. Ce trait n’étant pas distinctif pour le français acadien, PP suit la suffixation standard. Graphies acadiennes Graphies standards tchestion(s) 2 tcheuque(s) 11 tcheuqu’un 1 tchultivables 1 tchulture 3 tchurés 1 Tchut de sac 1 cartchuls 1 motchié 1 moustchet 1 octchupations 1 octchupées 1 occupont (ils s’) 1 protchurer 1 Acadjiens 4 Djieu 3 Fête-Dieu 1 33 nb. occ. 2 Tableau 11: Identité acadienne. Le français acadien est, quant à lui, caractérisé par les palatalisations des dentales (-tet -dnotées -tchet -dj-) et de la vélaire (-knotée -tch-) devant voyelle antérieure haute. Le tableau 11, ci-dessus, montre bien que sur 35 occurrences concernées par la palatalisation, seules deux d’entre elles n’enregistrent pas cette prononciation. Il est possible que pour le verbe occuper cela soit un oubli ou une coquille, mais pour Fête-Dieu la graphie standard est probablement jugée «sacrée», désignant une fête religieuse de cette importance. 224 Fabrice Jejcic Les phénomènes de variations que nous venons de montrer sont communs à tous les auteurs: dégrammatisation de l’écrit, segmentation variable des unités, notation systématique et stable des traits identitaires. Face à ces séries de variations il convient encore de s’interroger pourquoi un même mot n’est pas toujours écrit de la même façon et présente des fluctuations. 6. Fluctuation graphique L’analyse assistée par ordinateur, comme nous l’avions déjà signalé plus haut, ne permet pas de traiter convenablement les différentes formes graphiques d’un même mot. Cette difficulté explique la tendance, dans la recherche, à passer par la lemmatisation des variantes, afin de simplifier l’analyse informatisée des corpus, qui correspond en fait à un effacement de la variation. En bref l’ordinateur est performant pour calculer des objets identiques, mais très médiocre pour calculer les variantes d’un même objet, comme en témoignent les exemples qui suivent (tableau 12). AG1 Arrivé au bout du champ y s’ rel’vé, un d’mi tour, un aut’ coup d’affiloué, encor’ un aut’ regard à la longueur à fèr’ et y s’y r’metté AG2 Y peuvent r’garder tout autour d’eux: pu d’ gibier, pu d’ mâche, pu d’ ch’vos ni d’vouètures, pu d’arbres: des murs et des tombes en ciment. PP1 marais en bas d’icite, y’a tcheuque années, d’ ça. Comment ça s’ fait y qu’il se trouvait là, j’ n’en sais rien. PP2 car vraiment y s’rait difficile de comprendre coumment la tradition aurait voulu établi des pétards icite Tableau 12: Illustrations de la fluctuation graphique. En observant les parties grisées des deux premiers exemples (AG1 et AG2) nous remarquons qu’autour de deux tournures linguistiques proches (mises en caractères gras), regard écrit selon la norme et r’garder selon la tradition graphique de notation d’un parler, les contextes divergent du point de vue orthographique. De part et d’autre de regard, les mots présentent plutôt des écarts graphiques et de part et d’autre de r’garder les graphies sont plutôt normées. Une constatation analogue vaut aussi pour les deux exemples suivants (PP1 et PP2). Le contexte de la graphie normée comment présente des écarts graphiques, contrairement au contexte de coumment, forme dialectalisée, qui enregistre l’ouisme et dont le contexte proche présente des formes graphiques normées. Ces observations valent aussi pour les autres auteurs. Ceci nous conduit au schéma théorique suivant, tableau 13: Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 225 1 + dialectal dialectal + dialectal 2 dialectal + dialectal dialectal Tableau 13: Représentation fonctionnelle de la fluctuation graphique. La ligne 1 montre que si la forme pivot est moins dialectalisée (normée), les séquences de part et d’autre sont plus dialectalisées; et inversement, ligne 2, si la forme pivot est plus dialectalisée les contextes avant et arrière sont moins dialectalisés. En projetant ce schéma théorique sur les deux extraits de textes suivants, où les différences typographiques figurent les différences de registres linguistiques, leur matérialité apparait telles deux mosaïques dont les répartitions topographiques renvoient des images aux aspects similaires, figurées côte à côte dans le tableaux 14 ci-dessous. Extrait AG, Orléanais Extrait PP, Acadie Annui on mène au fian Mais assez sur c’te sujet là, Michel Quanqu’ on parle d’ ecologie , continuera d’ nous lire ça dans les papiers y a 50 ans on en fesè sans qu’and y s’ront venus. En attendant, mon s’ en rendent compte , on mettè pas Pierrichon, comme j’t’l’ai dit, j’veux jaser biocou d’ engrais , un peu de guouano, un un p’tit brin ce soir sur tcheuque chouse peu d’ cianamide et on m’nè a la marne d’utile. J’ai plusieurs tchestions à te c’ etè du naturel , on avè dé bétes et pi faire, et tandis que j’vas achever de du fumier , çui d’ cochon y l’ èté trop brocher cette paire de bas, j’aimerais fré y aglatisé la terre , çui d’ mouton de m’éclaircir l’esprit sur certains sujets. Tableau 14: Représentation topographique des lexiques et des registres Légende: Français local, formes dialectales > texte surligné en gris et en caractères en gras. Français familier ou populaire > texte surligné en gris et caractères en italique. Français orthographiquement «dénormé» mais correspondant à la prononciation normée > texte en italique. Français normé > texte en caractères ordinaires. D’autre part, l’analyse quantitative des unités graphiques montre aussi des convergences systémiques entre ces deux auteurs: 226 Fabrice Jejcic Graphies Prononciations Français orléanais Français acadien Français orléanais Français acadien Français local 11 % 15 % 11 % 15 % Français familier ou populaire 20 % 7 % 20 % 7 % Français normé ‘orthographiquement dénormé’ 16 % 1 % 69 % 78 % Français normé 53 % 77 % Tableau 15: Distribution quantitative entre les lexiques et les registres. Les formes de français locaux, avec 11 et 15%, gardent un rapport de proportionnalité en termes de distance d’éloignement à la langue centrale. Une même proportionnalité, 69 et 78%, est aussi conservée quant aux sommes des représentations graphiques et phoniques du français normé. C’est donc l’addition de toutes ces «strates» linguistiques qui donne à voir et à entendre les différents dialectes du français. Si la variation permet des classifications à partir d’une langue modèle, généralement en termes d’écarts, ces classifications demeurent imprécises sur les variations internes propres à la variation elle-même. L’apport du concept de «fluctuation graphique» montre qu’il existe des interactions actives entre la langue et ses dialectes, tant sur le plan phonique et graphique, que sur celui de la bonne réception du parler mis en écrit, dans des sociétés à tradition écrite bien établie. Ces interactions nourrissent le linguistique et le culturel, sans les confondre. Le concept peut être représenté selon la figure 2, ci-dessous. Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 227 Figure 2: Représentation du contexte de la fluctuation graphique. Dans notre analyse, tous les mots clés sont interconnectés entre eux et leurs liaisons sont interactives. Les noms de langues et de variétés sont là à titre d’exemples. Les pôles de l’écriture et de l’oralité participent aux représentations du triangle langues-dialectes-patois, avec ses extensions terminologiques des types -lecte, dont l’espace depuis l’acrolecte jusqu’au basilecte peut être considéré comme l’ensemble des variétés d’une langue et interprété comme une représentation du diasystème, ici en l’occurrence du français. Nous entendons par diasystème un ensemble de variétés linguistiques proches qui présentent suffisamment de structures communes pour qu’on puisse les décrire dans un système commun de correspondances dont l’espace s’étend du plus formel au plus informel, en croisant synchronie et diachronie (cf. Annexe: Essai de définitions terminologiques en rapport avec l’écrit). 7. Écritures dialectales: fonctionnements et illustrations Les écritures dialectales s’inscrivent d’emblée dans le diasystème de la langue dont elles sont issues. Leur analyse nous suggère le schéma de fonctionnement proposé dans la Figure 3 ci-dessous, il est commenté de haut en bas. 228 Fabrice Jejcic Figure 3: Représentation du fonctionnement des écritures dialectales. Les textes de notre corpus sont considérés comme des enregistrements graphiques de l’oral. Ces enregistrements écrits sont fidèles à l’oral transcrit. Le travail d’écriture des auteurs révèle deux types de variations graphiques: - la microvariation intervient sur unités lexicales et infralexicales, par des opérations de distanciation ou de rapprochement envers la norme usuelle graphique. Les unités graphiques sont plutôt de type phonographiques ou morphophonographiques. Cela dénote une procédure qualifiée de dialectalisation graphique, qui donne au mot une «allure dialectale»; - la macrovariation intervient sur des unités lexicales ou des groupes d’unités lexicales par des dynamiques qui font appel à différents procédés graphiques divers, depuis le simple contraste graphique, en passant par des marqueurs de lexiques et de registres, ou par des indicateurs stylistiques de discours, jusqu’à des représentations graphiques à caractère social et historique. Ces dynamiques sont fréquemment construites sur des unités sémiogaphiques ou morphosémiographiques: elles assurent une certaine cohésion de la variation que nous dénommions «dosage du patois». Nous lui préférons aujourd’hui le terme de dosage dialectal 8 . 8 Ce changement terminologique tient à éviter l’écueil idéologique du terme patois qui évoque généralement le parler d’une population peu nombreuse dont les niveaux de culture et de civilisation sont jugés inférieurs. Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 229 La dialectalisation graphique et le dosage dialectal sont des procédures d’écriture complémentaires qui par leur fluctuation graphique garantissent une bonne réception sémantique du texte et une fidélité phonique au parler mis en écrit. Les écritures dialectales présentent une multidimensionalité qui puise dans toutes les ressources du diasystème de la langue en construisant des faisceaux de fluctuations graphiques. Elles donnent aussi une cohérence à la terminologie sociolinguistique consacrée, que nous pouvons illustrer par le schéma de la figure 4, ci-dessous. Figure 4: Représentation du diasystème du français et de ses variétés. L’espace multidimensionnel du diasystème conjugue, en quelque sorte, toutes les variations possibles attestées, rendant ainsi disponible l’ensemble des ressources de la langue, tant historiques qu’actuelles. Les exemples de la rubrique synchronie sont déclinés selon leurs différents facteurs de variation, autrement dit ce que les graphies peuvent représenter d’un point de vue sociolinguistique: - diatopique, aujourd’hui → anhui, annui, à nuit; - diastratique, celui, rendre → çui, rendent; - diaphasique, maison, tombereau → méson, tombero; - diachronique, faux ‘instrument tranchant’, hiver → faulx, hyver. La plupart des exemples présentés ont déjà été expliqués plus haut. Il convient de les compléter pour certains: méson et tombero, graphies phonétiques, ren- 230 Fabrice Jejcic voient au facteur diaphasique, ce qui peut laisser croire à un locuteur peu lettré et/ ou à une parole dans un contexte familier; faulx, hyver sont des archaïsmes graphiques, utilisées par PL pour donner au parler de l’Yveline de son roman de mœurs rustiques une patine caustique. La graphie faulx est déjà signalée «archaïque» dans Le Petit Littré de 1863; le Dictionnaire de l’Académie française de 1878 opposait encore «faux adjectif à faulx nom féminin» (DHOF 1995: 467). La graphie hyver, présente dans les trois premières éditions du Dictionnaire de l’Académie, n’est plus enregistrée dans l’édition de 1762 qui retient uniquement la variante moderne hiver. La classification proposée ici n’est pas absolue. Elle indique les tendances représentées par des graphies particulières conçues comme des indicateurs de registres, des facteurs dia qui tiennent compte de la typologie cosérienne. M ICHEL B ANNIARD 2008: 174 propose un 5 e type, le facteur diaeautique 9 : «On s’est attaché en effet à démonter que l’énoncé d’un locuteur n’est le produit ni de la somme des facteurs évoqués [diatopique, diastratique, diaphasique], ni de l’héritage langagier dont est construite sa parole: il s’y ajoute son propre vecteur individuel». Ce facteur pourrait compléter l’explication sur les choix différents des auteurs concernant la forme dialectale de aujourd’hui dont les trois variantes sont présentées plus haut. 8. Du plurisystème graphique au diasystème graphique du français et de ses variétés Le plurisystème graphique du français, tel qu’il avait été défini par Nina Catach et l’Équipe HESO du CNRS, a pour unité de base le graphème. Le graphème remplit diverses fonctions dans la notation du français, d’où le nom de plurisystème. Le graphème est composé d’une ou de plusieurs lettres. Il est prononcé lorsqu’il note un phonème, mais il est souvent muet lorsqu’il sert de marqueur grammatical ou lexical et note un morphème. À partir de cette définition, se posait la question: comment analyser un écrit non standard ou d’une époque différente? D’une part, l’outil d’analyse paraissait incomplet pour examiner et pour décrire des corpus textuels atypiques. D’autre part, les analyses en termes d’écarts à la norme - d’erreurs ou de fautes - ne peuvent pas satisfaire le linguiste dont l’étude de la variation est au centre de ses travaux de recherche. Les études de textes dialectaux et de leur systèmes graphiques, menées depuis maintenant plus de vingt ans, m’invitent à proposer une terminologie complémentaire des unités graphiques dont leur synthèse pourrait être dénommée, dans la version longue: diasystème graphique du français et de ses variétés (voir le tableau 16 ci-dessous). 9 Du grec εαυτόν ‘lui-même’. Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 231 Diasystème graphique du français et de ses variétés Plurisystème Graphèmes «sociolinguistiques» Exemples Archigraphèmes E [ ɛ , e] Phonogrammes -é-, -è-, -ê-, -ë- Dialectogrammes -oudans chouse ‘chose’ Sociogrammes -t’ dans aut’ ‘autre’ Graphèmes positionnels -edans ‘mer’ Morphogrammes -ait, -aient flexion verbale Morphonogrammes çdans çarcle Hétérogrammes -édans méson ‘maison’ Logogrammes ai, est, et, où Homogrammes hdans harbe ‘herbe’ Rétrogrammes -ydans hyver ‘hiver’ Lettres étymologiques et historiques -gt dans doigt hdans huile Tableau 16: Propositions pour une terminologie sociolinguistique des unités de l’écrit. La liste des unités n’est pas close, d’autres recherches sur d’autres genres de textes permettront peut-être de découvrir de nouvelles fonctions de graphèmes? 10 En guise de conclusion L’écrit est la seule trace de langage qui nous reste de l’histoire jusqu’à l’enregistrement de la voix. Dans le cadre d’une analyse appropriée, il peut témoigner de la variation synchronique et diachronique, de l’évolution et du changement linguistique. Quant aux textes dialectaux, ils apparaissent comme un observatoire privilégié pour l’étude de ces phénomènes. Le concept de fluctuation graphique, dans le cadre d’un diasystème, apparait comme un outil efficace pour ce type d’analyse, avec notamment la prise en compte des niveaux de langue et des modalités de communication. De ce travail est née la proposition de nouvelles unités graphiques conçues comme des éléments opérationnels pour une théorie sociolinguistique de l’écrit. Les écritures dialectales de variétés de français, par leurs interactions linguistiques, culturelles, sociales et idéologiques avec la langue standard, semblent 10 Voir ci-dessous l’Annexe: Essai de définitions terminologiques en rapport avec l’écrit. 232 Fabrice Jejcic présenter un certain nombre d’analogies avec la modélisation proposée par Michel B ANNIARD 2013 quant au passage du latin aux langues romanes. Ce parallèle est une invitation à porter un regard différent sur les données écrites, donc peut-être aussi sur l’histoire millénaire du français. Annexe: Essai de définitions terminologiques en rapport avec l’écrit dans le cadre du diasystème du français et de ses variétés A. Propositions pour une sociolinguistique des systèmes graphiques N.B. Les définitions précédées du symbole > indiquent de nouvelles propositions terminologiques ou de nouveaux sens à une terminologie existante. > Dégrammatisation: ensemble de procédures graphiques dont la systématique des écarts, dans l’écriture de variétés de parlers, est basée sur l’omission des marques de la morphologie graphique du français de référence, ex.: chanté pour chantai, chantais, chantait. > Dialectalisation graphique: ensemble de procédés graphiques consistant, pour une variété dialectale d’une langue à tradition écrite, à créer une certaine systématique dont l’objet est de générer des unités graphiques distinctes de celles de la norme graphique usuelle. > Diasystème graphique: complète les fonctions du plurisystème graphique en intégrant les facteurs historiques, géographiques et sociaux dans des interactions culturelles qui favorisent la réception des variétés écrites d’une langue standard à tradition écrite bien établie (voir plurisystème ci-dessous). Diasystème: ensemble de variétés linguistiques proches qui présentent suffisamment de structures communes pour qu’on puisse les décrire dans un système commun de correspondances dont l’espace s’étend du plus formel au plus informel, en croisant synchronie et diachronie. > Dosage dialectal: ensemble des procédés de contrôle de la variation graphique permettant, à partir de contraintes microcontextuelles, la sélection, parmi les différents choix graphiques possibles, de la forme la plus appropriée afin d’assurer une cohérence globale de l’écrit, propice à une bonne réception du texte à la lecture. Dosage dialectal remplace dorénavant l’expression dosage du patois. Écriture: ensemble des activités, considérées en interaction, participant à la production d’un texte destiné à être communiqué par écrit. > Fluctuation graphique: ensemble des opérations et procédures graphiques construites entre la langue et ses dialectes dans des dynamiques interactives à l’intérieur d’un diasystème. Ces interactions se traduisent par des représen- Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 233 tations graphiques qui assurent la fidélité à l’oral du dialecte mis en écrit et sa bonne réception à la lecture, dans les sociétés à tradition écrite bien établie. > Graphie: 1. manière d’écrire un mot; 2. dans notre domaine d’étude, manière d’écrire un mot en contraste avec la norme usuelle graphique de référence, ex.: maison/ méson. Idéographie: emploi de procédés graphiques destinés à faciliter la reconnaissance d’un mot à la lecture, ex. anhui pour aujourd’hui. Idéovisuel: procédé de lecture dont l’identification directe de notions se fait à partir de l’image graphique d’un mot. Notation: ensemble de procédés graphiques utilisés pour noter une langue selon les diverses systématiques d’écriture plus ou moins en adéquation avec une norme; on parle en ce sens d’orthographes particulières d’auteurs ou de systèmes graphiques d’auteurs. > Orthographe: 1. est généralement définie comme la ou les manière(s) correcte(s) d’écrire les mots d’une langue à une époque donnée; 2. dans le cas de variétés de français et de variétés d’auteurs, l’orthographe correspond aux diverses façons d’écrire en interaction avec la norme. Phonographie: diverses manières de noter l’oral à partir d’un ensemble d’unités graphiques notant une même phonie, ex.: bio, variante biau pour beau. Plurisystème graphique: désigne un système graphique qui, en plus de la notation des sons d’une langue, établit des relations avec les divers sous-systèmes de la langue, la morphologie, la syntaxe, le lexique. L’unité de base d’un tel système est le graphème. Sémiographie: procédés graphiques fonctionnant sur les unités pourvues de sens (morphèmes, mots), ex.: aut’s pour autres. Sémiovisuel: procédé de lecture dont l’identification visuelle est basée sur l’organisation des éléments graphiques d’une image de mot. > Sociographie: ensemble de procédés graphiques utilisés intentionnellement pour marquer le registre social d’un texte par l’écriture. > Système graphique dialectal: ensemble des phénomènes graphiques d’enregistrement de l’oral (plus ou moins formels et/ ou ludiques), où les choix de représentation d’un texte dialectal, tout en créant des liens avec le système général de la langue, manifestent les rapports établis entre les usages standards culturellement valorisés et les usages non standards idéologiquement dévalorisés (dialectaux et sociaux), mais dont les auteurs - locuteurs légitimes - s’autorisent à préserver par l’écrit ce patrimoine linguistique en voie de disparition. Transcription: ensemble de procédés graphiques systématisés par les scientifiques pour représenter graphiquement la langue dans le but de recherches ciblées. Visuographique: traitement de l’information graphique par la perception visuelle d’un assemblage graphique du double point de vue de l’émetteur et du récepteur. 234 Fabrice Jejcic B. Propositions pour une sociolinguistique des unités de l’écrit Archigraphème: graphème fondamental représentant un ensemble de graphèmes notant le même phonème ou archiphonème. Noté en majuscule, l’archigraphème E représente les graphèmes: e, é, è, ë, ai, ei, etc. > Dialectogramme: graphème dialectal notant un trait géolinguistique avec un maintien optimal de la forme normée, ex.: chouse pour chose; fumelle pour femelle. Graphème positionnel: graphème dont la valeur change en fonction de son contexte immédiat, ex.: prononciation différente du C dans caler et celer. Graphème: la plus petite unité fonctionnelle de l’écriture. Elle est composée d’une lettre ou d’un groupe de lettres ayant une référence phonique et/ ou sémique dans la chaine parlée. Les graphèmes sont classés en trois catégories: phonogrammes, morphogrammes et logogrammes. > Hétérogramme: ensemble de procédés graphiques utilisés intentionnellement pour marquer par l’écriture un éloignement graphique de la norme sans changement phonique, ex.: méson/ maison; tombero/ tombereau. > Homogramme: ensemble de procédés graphiques utilisés intentionnellement pour marquer par l’écriture un rapprochement graphique idéovisuel de la norme sans changement phonique, ex.: anhui/ aujourd’hui; harbe/ herbe. Lettres étymologiques et historiques: ce sont les cas du vocable doigt, dont les lettres étymologiques g et t renvoient au latin classique digitus, et du mot huile dont le h introduit au XIII e siècle permettait de le distinguer à la lecture de vile ‘indigne’, u notant aussi v. Logogramme: notation distinctive et idéovisuelle de lexèmes, c’est une ‘figure de mots’ où la graphie ne fait qu’un avec le mot, ex.: tain/ teint/ thym/ tint, etc. Le rapport avec l’oral est maintenu. Morphogramme: notation de morphèmes, situés aux jointures des mots, maintenus graphiquement qu’ils soient prononcés ou non. Les morphogrammes grammaticaux prennent en compte les notations du genre, du nombre et des désinences verbales, ex.: clair/ claire/ claires/ clairs; chantai/ chantais/ chantait/ chantaient. Les morphogrammes lexicaux notent les préfixes, les suffixes, les radicaux et les dérivés, ex.: coudre/ recoudre/ découdre; maison/ maisonnette; garçon/ garçonnière. > Morphonogramme: est un graphème qui note une unité morphologique en relation avec une unité phonique, ex.: le ç cédille dans la forme patoise çarcle en référence au c initial dans cercle. Phonogramme: graphème dont la fonction est de noter les sons. Les phonogrammes: o, au et eau transcrivent le l’archiphonème [O]. > Rétrogramme: emploi intentionnel de formes graphiques archaïsantes, qui ne sont plus en usage, destinée à donner au texte un air ancien de passé lointain, ex.: hyver/ hiver; faulx/ faux ‘instrument tranchant’. Écritures dialectales (1865-1997), en marge de l’histoire de la langue 235 > Sociogramme: graphie dénotant un trait social, soit par simple écart graphique, ex.: gas pour gars, soit par l’enregistrement d’une prononciation courante, ex.: aut’ pour autre. Bibliographie Atlas et glossaires, abréviations des désignations avec noms de renvoi à la bibliographie ALCB, Atlas linguistique et ethnographique de la Champagne et de la Brie, cf. B OURCELOT , H. ALCe, Atlas linguistique et ethnographique du Centre, cf. D UBUISSON , P. ALF, Atlas linguistique de la France, cf. G ILLIÉRON J./ E DMONT , E. ALIFO, Atlas linguistique et ethnographique de l’Île-de-France et de l’Orléanais, Perche, Touraine, cf. S IMONI -A UREMBOU , M.-R. ALO, Atlas linguistique et ethnographique de l’Ouest, Poitou, Aunis, Saintonge, Angoumois, cf. M ASSIGNON , G./ H ORIOT , B. DFPS, Dictionnaire français/ poitevin-saintongeais, cf. P IVETEAU , V. FEW, Französisches Etymologisches Wörterbuch, cf. W ARTBURG , W. VON Le Glossaire acadien, cf. G ÉRIN , P.M. Trésor du parler cénoman, cf. B ERTIN , S. Trésor du parler percheron, cf. D UD ’ HUIT , A. Publications citées ou consultées B ANNIARD , M. 2009: «Sociolinguistique diachronique romane», Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), section des sciences historiques et philologiques 140: 174-75 B ANNIARD , M. 2013, à paraître: Comment le latin parlé classique est devenu le français parlé archaïque. Pour une historicisation et une modélisation innovante (Bréviaire) B ERTIN S./ B EUCHER D./ L EPRINCE J.-P. 2004: Trésor du parler cénoman, Le Mans B LANCHE -B ENVENISTE , C./ J EANJEAN , C. 1987: Le français parlé Transcription et édition, Paris B OURCELOT , H. 1966-78: Atlas linguistique et ethnographique de la Champagne et de la Brie, 3 vol., Paris C ATACH , N. 6 1995 [ 1 1978]: L’orthographe, Paris C ATACH , N. et al. (ed.) 1995: Dictionnaire historique de l’orthographe française, Paris C ATACH , N./ G RUAZ , C./ D UPREZ , D. 3 1995 [ 1 1980]: L’orthographe française. Traité théorique et pratique, Paris Dictionnaire de l’Académie française, 9 e édition en cours, vol. 1 (1992), A-Enzyme, vol. 2 (2000), Éocène-Mappemonde, vol. 3 (2011), Maquereau-Quotité, Paris D UBUISSON , P. 1971-82: Atlas linguistique et ethnographique du Centre, 3 vol., Paris D UD ’ HUIT , A./ M ORIN , A./ S IMONI -A UREMBOU , M.-R. 2 1996 [ 1 1979], Trésor du parler percheron, Meaucé G ADET , F. 1989: Le français ordinaire, Paris G ADET , F. 2007: La variation sociale en français, Paris G ILBERT , A. 3 2013 [ 1 1995]: L’Haritage pardu ou l’amour de le terre, Orléans G ILLIÉRON , J./ E DMONT , E. 1902-12, Atlas linguistique de la France, Paris G UEUNIER , N./ G ENOUVRIER , É./ K HOMSI , A. 1978: Les Français devant la norme. Contribution à une étude de la norme du français parlé, Paris J EJCIC , F. 2002, «Écrire en beauceron et en sarthois d’après le témoignage de deux auteurs contemporains: André Gilbert et Édith Jacqueneaux», in: VAN C AUWENBERGHE , J.-C. 236 Fabrice Jejcic (ed.). Écrire les langues d’oïl. Actes du colloque organisé à Marcinelle les 27 et 28 septembre 1997, Charleroi: 111-35 J EJCIC , F. 2010: «Le système graphique du français acadien, d’après la Causerie memramcookienne de Pascal Poirier (1852-1933)», Études de linguistique appliquée 159: 325-45 J EJCIC , F. 2013: «Du texte dialectal aux cartes d’atlas: mémoire d’un même terrain beauceron, d’après L’Haritage pardu d’André Gilbert (1920-2003)», in: M ANZANO , F. (ed.), Mémoires du terrain, enquêtes, matérieux, traitement des données, Lyon: 111-27. L’H EUREUX , R. 1982: Vocabulaire du moulin traditionnel au Québec des origines à nos jours. Québec L ITTRÉ , É., 1863 (rééd. 1990): Dictionnaire de la langue française, abrégé du Dictionnaire de Littré, Paris M ASSIGNON , G./ H ORIOT , B. 1971-83: Atlas linguistique et ethnographique de l’Ouest, Poitou, Aunis, Saintonge, Angoumois, 3 vol., Paris M ÉNAGE , G. 1750 [1 re éd. 1694, 1 vol.]: Dictionnaire étymologique de la langue française, 2 vol., Paris M ETTAS , O. 1976, La Prononciation parisienne. Aspects phoniques d’un sociolecte parisien, du faubourg Saint-Germain à La Muette, Paris P IVETEAU , V. 2 2006 [ 1 1996]: Dictionnaire français/ poitevin-saintongeais. Poetevin-séntunjhaes/ françaes (DFPS), Mougon; http: / / dicopoitevin.free.fr P OIRIER , P. 1928, Le parler franco-acadien et ses origines, Québec P OIRIER , P. 1990: Causerie memramcookienne. Édition critique par P. M. G ÉRIN , Moncton P OIRIER , P. 1993: Le Glossaire acadien. Édition critique établie par P. M. G ÉRIN , Moncton; http: / / 139.103.17.56/ cea/ livres/ glossaire_index/ glossaire.cfm S IMONI -A UREMBOU , M.-R. 1973-78: Atlas linguistique et ethnographique de l’Île-de-France et de l’Orléanais, Perche, Touraine, 2 vol., Paris W ARTBURG , W. VON et al. 1922-2003: Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine darstellung des galloromanischen sprachschatzes, Bonn, etc.; https: / / apps.atilf.fr/ lecteurFEW/ Les difficultés de mise à l’écrit des peu-lettrés: les graphies des Poilus Jean-Christophe Pellat, Université de Strasbourg - LiLPa Je vien de nouveau vous faire savoir l’état de ma santée qu’elle se trouve faurt bonne et je pense qu’il la n’est dé méme pour vous autres (Laurent Pouchet, 09/ 09/ 1914) La présente étude a été réalisée dans le cadre du projet «Corpus 14», initié par Agnès Steuckardt et porté par le laboratoire Praxiling (Université Montpellier 3 - Paul Valéry), qui regroupe des chercheurs de diverses universités, travaillant sur un corpus de lettres enrichi par la numérisation et la transcription d’archives privées, avec le soutien des Archives départementales de l’Hérault. Le corpus est constitué de 650 lettres et cartes (157 800 mots) écrites par dix scripteurs, les trois quarts originaires de l’Hérault et le dernier quart de l’Ain et de la Marne. Ce projet donne à voir, dans leur authenticité, les lettres et cartes d’un soldat ordinaire de 1914. Jusqu’ici, les historiens ont privilégié les correspondances des lettrés; lorsqu’ils ont édité des «peu lettrés», ils l’ont fait, à de très rares exceptions près, en rectifiant leur orthographe, en modifiant leur ponctuation (ou en ajoutant une ponctuation absente), en coupant ce qu’ils considéraient comme des longueurs (voir Paroles de Poilus, 1998). Le public du XXI e siècle est préparé à aborder sans préjugés les textes qui constituent les véritables «paroles de poilus»: non des textes triés sur le volet pour leurs qualités littéraires, non des textes expurgés de leurs longueurs, de leurs répétitions, de leur trivialité, des solutions orthographiques variées qu’imaginent leurs auteurs pour communiquer, mais l’écriture quotidienne du soldat qui, avec les rudiments appris à l’école de la III e République, trouve dans la lettre le moyen de continuer le dialogue, en différé, avec ses proches, et de leur dire, jusqu’au dernier jour, «je suis en vie». Si l’on se place dans le cadre du modèle de P. K OCH et W. O ESTERRREICHER 2001, qui approfondit la distinction traditionnelle entre l’oral et l’écrit, on peut considérer que les lettres des Poilus représentent une sorte de «parlé graphique»: écrit au niveau «médial» et parlé au niveau «conceptionnel», en raison notamment de la faible distance communicative, qui le rapproche du «parlé phonique» (A. S TEUCKARDT 2014: 354). Pour nous, il s’agit bien de productions écrites, soumises aux contraintes de ce canal. Parmi les différents aspects linguistiques 238 Jean-Christophe Pellat des lettres de Poilus 1 , l’observation de leurs graphies est révélatrice de leurs difficultés dans la pratique de l’écriture et, plus généralement, de la variation des usages graphiques. 1. Des prérequis didactiques Au cours du XIXe siècle, l’orthographe est devenue la grande affaire du Primaire, qui y a consacré de plus en plus de moyens (formation des maitres, exercices quotidiens de grammaire et d’orthographe, dont la dictée, …); la grammaire scolaire a été mise en place au XIXe siècle pour répondre aux nécessités de l’enseignement de l’orthographe grammaticale quand «il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français» (C HERVEL 1977). On a retrouvé le manuel d’Ernest Viste: Larive & Fleury 1897, La première année de grammaire - Cours moyen (9 à 11 ans), qui comporte des leçons et des exercices de grammaire et d’orthographe, ainsi que des exercices de rédaction, conformément au programme de 1882. Les lettres des Poilus et de leurs épouses nous permettent de mesurer ce qui reste de l’enseignement reçu après une brève scolarité quand on est devenu adulte. Car Alfred, Ernest, Laurent et les autres ont quitté tôt l’école, sans passer le certificat d’études, pour aller travailler à la vigne ou dans les champs. Mobilisés en septembre 1914, ils ont dû se remettre à l’écriture pour échanger des nouvelles avec leurs familles et pour essayer d’ «annihiler la distance, l’atténuer à tout le moins et combler l’absence de ses proches» (P ROCHASSON 2008: 210); des millions de lettres ont été envoyées pendant la Grande Guerre. 2. Etude des graphies des lettres des Poilus 2.1. Principes et objectifs Il ne s’agit pas de relever les fautes, mais d’observer et d’expliquer les usages graphiques des Poilus, un peu comme les spécialistes du Moyen Age, époque où l’orthographe du français n’était pas fixée. On renoue ainsi avec le travail pionnier d’Henri Frei, qui avait utilisé «une partie des lettres parvenues à l’Agence des Prisonniers de Guerre» à Genève (F REI 1929: 42). Nous ne recherchons pas dans les graphies les signes d’un «français des tranchées», idée très controversée, souvent appuyée sur le lexique (P ROCHASSON 2008: 331s.); car, on l’a souvent constaté, on est face à une très grande diversité linguistique 1 On lira les études des différentes dimensions linguistiques de ces lettres dans l’ouvrage dirigé par A. S TEUCKARDT 2016: 67-77, où figure une version différente et complémentaire de la présente étude sous le titre «Les graphies de Poilus, loin des canons orthographiques». Les difficultés de mise à l’écrit des peu-lettrés: les graphies des Poilus 239 des lettres de Poilus, selon leurs origines régionales et sociales. Nous n’expliquerons pas les graphies par une simple transcription de l’oral: celui-ci joue certes un rôle (influence de la prononciation, en particulier régionale, sur le choix de certaines graphies, traits du discours oral, etc.: A. S TEUCKARDT 2014: 359), mais les lettres relèvent assurément du français écrit. Car, même si l’on relève divers écarts par rapport à la norme orthographique, le poids de l’écrit normé est bien réel: les scripteurs ne pratiquent pas une «écriture phonétique» mais, se souvenant globalement que l’orthographe du français est compliquée, ils ont tendance à ne pas choisir la graphie la plus simple correspondant à un phonème donné, mais à préférer une graphie plus rare, plus compliquée: un digramme au lieu d’une voyelle biunivoque (nautre pour notre), une consonne double au lieu d’une simple (parrait pour paraît), etc. Nous essaierons de décrire et d’expliquer les graphies des Poilus et de leurs épouses, en distinguant des constantes partagées par tous et des variations individuelles. 2.2. Les tendances générales Quand on lit les lettres des Poilus, on constate une grande variation par rapport à la norme orthographique officielle. Cependant, cette variation ne rend pas les lettres illisibles; celles-ci sont parfaitement déchiffrables et, dans l’ensemble, l’écriture manuscrite est soignée et régulière, avec peu de ratures, souvenir d’un geste graphique travaillé à l’école, et elle est personnelle: «malgres, mon bras immobilisé j’ai toujours pu écrire quelques lignes de ma propre main» (Pierre, 8/ 10/ 1914). Il serait ici erroné de parler d’illettrisme ou d’analphabétisme. On peut résumer la variation graphique suivant quelques axes précis. La ponctuation Nos scripteurs utilisent peu de signes de ponctuation et ne se servent guère des majuscules pour délimiter des phrases (ils emploient surtout les majuscules pour les prénoms et les désignations familiales: Parents, Epouse). Ces insuffisances peuvent être dues en bonne partie aux choix de l’enseignement, qui ne peut pas se battre sur tous les fronts graphiques et qui néglige certains domaines, comme la ponctuation, les majuscules et les «signes orthographiques» (autres que les lettres: accents, apostrophe, trait d’union, cédille). Cependant, l’absence de ponctuation n’empêche pas la structuration du texte, ni même, le plus souvent, son découpage en phrases, dont la perception est facilitée par les rituels épistolaires (formules d’ouverture et de clôture, adresse aux destinataires des lettres, etc.). 240 Jean-Christophe Pellat Démarcations graphiques On observe systématiquement deux tendances contraires: 1) la soudure graphique, principalement des pronoms conjoints, des articles et des prépositions (jai, tecrire, quil, letat, largent, décrire, avous, navoir), mais aussi d’autres termes, souvent d’expressions figées (ébien, tanpis, labas, peutétre); 2) des découpages syllabiques erronés et des segmentations en mots, séparés par des blancs, approximatives (passe port; il la n’est de méme pour vous autres). Les apostrophes sont rares (aujourd’hui, j’attent, je t’envoi), parfois employées dans de fausses coupes (qu’elque, l’orsque, l’etre pour lettre); certains comme Pierre et Emile n’emploient pas d’apostrophe, mais laissent un espace (j avais). Les surdécoupages de l’écrit aboutissent au rébus, pratiqué aux origines des écritures (men voyer, en na prenant; na rive rapas), le scripteur transcrivant ce qu’il croit entendre; cela pose parfois des problèmes de compréhension (je pe ta voier pour je peux t’envoyer; je pense quenme ten du toi avoir recu pour qu’en même temps tu dois avoir reçu; aicla debus pour éclat d’obus; nous vouelles pour nouvelles; nous sana von pour nous en avons). Accents et signes auxiliaires Comme avant le XVII e siècle, les accents sont rares, surtout l’accent grave (Chère Epouse, père, mère) et l’accent circonflexe (même, eût, coûter, bientôt). Les voyelles autres que e sont très rarement accentuées (à). On rencontre de temps en temps l’accent aigu sur e, sans que les règles d’accentuation soient appliquées (bléssure, soignér, chér Epoux, éspoir; répètte); l’aigu est souvent mis sur e à la place des deux autres accents, circonflexe (méme, réve) et surtout grave (chévres, deuxiéme, mére, trés), comme cela a été très longtemps l’usage. Quant à la cédille, elle est assez rare (reçu ou recu, recoi ou reçoi), parfois utilisée sans nécessité (çi (=si), çe, reçevoir). Règles phonographiques Les règles de correspondance phonographique ne sont pas toujours respectées; on n’emploie pas les lettres de l’orthographe normée pour transcrire un son donné (hésitation souvent entre an et en: enbrasse, mengera, contant), ce qui peut altérer la valeur phonique (en particulier de -sentre voyelles: embrase, chausette). Le e caduc interne, non réalisé à l’oral, est souvent omis (calçon, tu fras). On peut parfois trouver une explication régionale, puisque ces personnes parlaient la langue régionale, comme la «dissimilation des chuintantes» dans sanger, pour changer (Ernest) ou bien le doublement du r (dirre, carresse) qui pourrait correspondre à un r roulé. L’emploi de a oral pour noter la voyelle nasale au lieu de an, en (il la n’est = «il en est»; janez = «j’en ai») est le signe Les difficultés de mise à l’écrit des peu-lettrés: les graphies des Poilus 241 d’une nasalisation incomplète. Laurent abuse du digramme au: nautre, vaux (possessifs), faurt, alaur, laursque (à force de le voir dans «Hérault» ou dans son prénom? ). Consonnes doubles Les consonnes doubles qui sont prononcées comme des consonnes simples sont souvent simplifiées (etonee, aprendre, somes, aplaudi, quitera, balot) ou, moins souvent, employées sans nécessité (cella, consoller, parrait, carresse). Le problème du choix d’une consonne simple ou double non prononcée n’a jamais été résolu par l’Académie française, car il est impossible de donner des règles fiables, sans exceptions. Lettres dérivatives Les lettres dérivatives (marques lexicales des familles de mots) ne sont pas toujours présentes: ouver, eta, ecri, coli(e), fon, prand. C’est une tendance ancienne des grammairiens de maintenir les lettres muettes finales pour marquer graphiquement le rapport entre les mots d’une même famille (tard, tarder, tardif). On observe fréquemment que les consonnes finales muettes ne sont pas employées (moin, voi pour voix, la hau, appétie) et, plus rarement, des consonnes sont employées contrairement à la norme (abrit est relié logiquement à abriter). De même, les lettres étymologiques ou historiques manquent, en particulier dans temps (ten): abituer, sinpathie, toujour, photografie ou fotographie. L’orthographe grammaticale • Les finales verbales sont souvent absentes (nous somme, nous avon). Les formes en E sont régulièrement indifférenciées: comme, dans les verbes du type chanter, quatre formes orales sont identiques: l’infinitif en -er, le participe passé en -é, la 2 e personne du pluriel du présent de l’indicatif et de l’impératif en -ez et même l’imparfait en -ai-, on relève vous tomber, je vous direz, vous risqué, sa a etai, tu navez. • Les accords du verbe avec le sujet ne sont pas assurés (je suit, sai, repon, voit; je vous dirait; tu souffre, tu dit, tu veut, tu m’envera, tu aura; nous iron; je dirais est généralement un futur, non un conditionnel), pas plus que ceux de l’attribut (nous sommes arrivé). Autant dire que l’accord du participe passé employé avec avoir est exceptionnel (celles que je tai dega envoyees, Ernest); on rencontre, très rarement, l’accord avec le complément d’objet direct, en particulier chez Pierre Fabre qui accorde le participe quelle que soit la place du COD, avant ou après (Cette séparation je lai éloignée; j’ai reçue hier ton aimable lettre). • Dans un groupe nominal, une seule marque suffit souvent, surtout au pluriel, généralement l’article: Les meilleur caresse et Baiser; au voisins; deux autre 242 Jean-Christophe Pellat carte, toute les commune, ta lettres, la livres, aux lettre, au plus jolie maisons. Dans tous le monde, tous est mis le plus souvent au pluriel avec le nom de sens collectif. • La plupart écrivent santée, se souvenant sans doute de la règle scolaire du -e des féminins, comme dans tranchées. On relève aussi fureure, réalitée. • Les homonymes grammaticaux ne sont guère distingués graphiquement: a (=à), (ou = où), et (= ai ou est), ce (=se), sai (=c’est), ces (= ses), on (=ont), sa (=ça), peut (=peu), de même que les homonymes lexicaux (foi pour fois, père pour paire). Pour finir, même si l’on peut être frappé par le nombre de graphies déviantes par rapport à la norme orthographique, en particulier dans les domaines sensibles et visibles de l’orthographe grammaticale (accords et homonymes grammaticaux) et des signes orthographiques, il serait excessif de parler de débâcle graphique, car on doit souligner que beaucoup de graphies sont par ailleurs conformes à la norme. 2.3. Des variations individuelles Bien que les tendances générales soient semblables, on observe quelques différences entre nos scripteurs. Alfred Foray et Pierre Fabre ont une orthographe plus sûre et emploient un français plus soutenu; ils rencontrent moins de problèmes de segmentation de mots et font globalement moins d’erreurs; ils sont peut-être restés plus longtemps à l’école et ils auraient pu passer le certificat d’études primaires, qui n’était pas ouvert à tous, mais réservé aux meilleurs. À l’inverse, Laurent Pouchet manifeste de grandes difficultés orthographiques, qui se révèlent en particulier dans la segmentation et la soudure des mots, mais il est le seul à employer le point-virgule. Quant aux femmes, elles ont beaucoup plus de difficultés que les hommes, en raison d’une scolarité déficiente au XIX e siècle, avec des enseignant(e)s ignorant(e)s. Joséphine Pouchet a de grandes difficultés d’expression, qui rendent par endroits ses lettres difficiles à comprendre: il anait de maim; ensableux; il a falus les prade conme il et tes; sacoude tro cher prou te lan voier (9/ 01/ 1915). Elle manifeste certains traits de dyslexie (confusion d / t: du toi pour tu dois). Grâce au programme TXM qui permet un traitement quantitatif du vocabulaire, on a pu établir les particularités de chaque scripteur. L’étude textométrique permet d’abord de repérer les spécificités graphiques de chacun et, en même temps, leurs erreurs exclusives: Laurent écrit çi, méme, faurt, en na prenand (ou prenant, plus rare); Ernest écrit santee, somes, quil, jai; Alfred écrit abrit, encor, partire, toujour, cammarade. Cette étude permet surtout de mesurer l’amplitude de la variation graphique chez chaque scripteur. Cette variation n’est pas systématique, ni constante, et il existe de nombreux cas de fautes Les difficultés de mise à l’écrit des peu-lettrés: les graphies des Poilus 243 d’étourderie (lapsus calami). Cependant, on observe des tendances nettes sur certains termes: Laurent écrit massivement santée (328 occurrences; très peu de formes santé, santee, sante, santéé), faurt (89 vs 6 faur), hésite entre dire (132) et dirre (136), préfère toujours (90) à toujour (45), sa (92) à ça (64), inci (111) à inçi (44) pour ainsi, temp (165) à temps (8) et tem (7), çeula (94) à ceula (30), çela (27) et cela (69), Epous (125) à Epoux (3); il écrit exclusivement sufit, (je) vien, (tu) fera, (je) veut, ébien. Ernest préfère (je) viens (15) à vien (3), mais (48) à mai (13), come (14) à comme (5), temps (30) à temp (1), toujours (21) à toujour (18); il hésite entre sa (14) et ça (13); il écrit uniquement veritée, guerri, bonnheur, fesons, rien de nouveaux; il manifeste des usages plus normés que Laurent. Alfred préfère comptant (18) à contant (9) pour content, moin (24) à moins (3), temps (77) à temp (7) trop (20) à trot (4), (nous) somme (49) à sommes (12), prit (20) à pris (4), eut (24) à eux (7); il hésite entre (a) eut (24) et eût (12), assez (11), asser (9) et assés (2), colis (12) et colie (11), avants (15), avans (16) et avant (28), sa (77) et ça (68); il prend un peu plus de liberté qu’Ernest par rapport à la norme (Téhatre), tout en la respectant (j’ai, je sais, futurs en -rai). Il semble inverser les règles, comme dans byciclette (25/ 10/ 14): ainsi, les verbes avoir et être sont le plus souvent suivis d’une forme en -er (j’ai commander; il est bien soigner), alors que les verbes demandant un infinitif en -er sont suivis d’un participe passé en -é (il faut en acheté). Chaque scripteur suit des routines graphiques (mêmes graphies, mêmes segmentations ou soudures, …) qui ne changent guère avec le temps. Laurent écrit régulièrement j’ai (ou j’ai) reçu, je vous dir (r) ez en faisant un accord de proximité, je fait réponse et il répète la structure ma donner (ma soudé + infinitif pour m’a + participe passé): Je fait réponse a ton aimable / lettre que j’ai reçu avec plaisir / sur tout en na prenant que vous / éte tous en bonne santée car il la / n’est de méme pour moi; (20/ 12/ 1914) 3. Quelques explications systémiques et historiques Ces lettres pourraient témoigner de l’échec partiel de la grammaire scolaire pour tout ce qui concerne l’orthographe grammaticale ou de la faible importance accordée dans l’enseignement à certains secteurs graphiques, comme les accents et autres signes auxiliaires (ponctuation comprise). Elles nous révèlent surtout les zones de fragilité orthographique et elles confirment les secteurs de variation établis par V INCENT L UCCI / A GNÈS M ILLET 1994, notamment les diacritiques (les accents surtout), les accords nominaux et verbaux et les homonymes grammaticaux, ainsi que les hésitations sur les formes verbales homophones en / E/ (B RISSAUD et al. 2006). Ces lettres retrouvent aussi des usages ayant existé dans l’histoire de l’orthographe française, soit des confusions anciennes (il a chanter), soit des 244 Jean-Christophe Pellat choix de codification effectués à une certaine époque. Ainsi, avant la généralisation des trois accents au XVIII e siècle, on employait l’accent aigu pour l’accent grave aux XVII e et XVIII e siècles (P ELLAT 2001): aprés, trés, deuxiéme (cela explique la graphie erronée d’événement, corrigée en évènement en 1990 seulement). Les finales verbales de la première personne du présent de l’indicatif se sont longtemps passées de la consonne finale (je sai, voi, écri, …), qui s’est généralisée au XVII e siècle par analogie avec la deuxième personne du singulier. En ce qui concerne les consonnes doubles sans motivation phonétique (impossible, accident), une grande anarchie a longtemps régné dans les usages, la tendance étant de préférer la consonne simple, comme nos scripteurs (aprendre, conessance, quiter, coifeur). Plus généralement, les découpages réguliers en mots se sont imposés avec l’imprimerie; au Moyen Âge, l’écriture des manuscrits était continue (scriptio continua); dans leurs lettres, nos scripteurs ne savent pas toujours ce qu’ils doivent séparer ou souder, adoptant parfois des solutions logiques, comme quand ils soudent les mots composés ou les expressions figées (aprésent, laba, Rienplus, plurien, peutétre, apepré, ébien, desuitte). Bref, les graphies des Poilus mettent en évidence les difficultés causées aux scripteurs par l’orthographe française et confirment la double nécessité d’un apprentissage lourd et d’une pratique constante pour en maitriser durablement les complexités. On ne s’étonnera pas que, dans les enquêtes PISA du XXI e siècle, les petits Finlandais, dont l’orthographe est transparente, réussissent mieux dans ce domaine que les petits Français. Cela étant, les lettres de nos scripteurs, si leur orthographe n’est pas parfaite, leur permettent néanmoins d’être compris et d’échanger avec leurs familles, de partager leurs joies et leurs peines, d’exprimer leurs angoisses et leurs espoirs. Conclusion Les graphies des lettres de Poilus étudiées constituent un précieux témoignage du «parlé graphique» de peu lettrés d’il y a un siècle. Leur écriture incertaine, partiellement influencée par l’oral, subit les contraintes de l’écrit normé. Les variations graphiques observées, qui ne sont pas totalement aléatoires, nous révèlent les zones de fragilité de l’orthographe française, qui sont une constante source de difficultés et d’erreurs pour les usagers. D’ailleurs, en analysant ce corpus, on retrouve certaines explications déjà données par H ENRI F REI 1929, à partir de l’étude de lettres de prisonniers de la même période. Les difficultés de mise à l’écrit des peu-lettrés: les graphies des Poilus 245 Bibliographie B RANCA -R OSOFF , S./ S CHNEIDER N. 1994: L’écriture des citoyens. Une analyse linguistique de l’écriture des peu-lettrés pendant la période révolutionnaire, Paris B RISSAUD , C. et al. 2006: «Les formes verbales homophones en / E/ entre 8 et 15 ans: contraintes et conflits dans la construction des savoirs sur une difficulté orthographique majeure du français», Langue française 151: 74-93 C ARON , P. (éd.) 1992: Grammaire des fautes et français non conventionnels, Paris C HERVEL , A. 1977: Et il fallut apprendre à écrire à tous les petits Français. Histoire de la grammaire scolaire, Paris C HERVEL , A./ M ANESSE , D. 1989: La dictée. Les Français et l’orthographe, 1873-1987, Paris E RNST , G. 2003: «Les peu lettrés devant les normes de la textualité», in: D. O STHUS / C. P OLZIN -H AUMANN / C. S CHMITT (ed.), La norme linguistique, Actes du colloque tenu à Bonn le 6 et le 7 décembre 2002, Bonn: 83-98 F REI , H. 1929: La grammaire des fautes, Genève-Paris F URET , F./ O ZOUF , J. (ed.) 1977: Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry, Paris G UÉNO , J.-P. / L APLUME , Y. 1998: Paroles de Poilus. Lettres et carnets du front 1914-1918, Paris K LIPPI , C. 2013: «Letters from Gaston B. a prisoner’s voice during the great war», in: M. J. VAN DER W AL / G. R UTTEN (ed.), Touching the Past. Studies in the historical sociolinguistics of ego-documents, Amsterdam: 107-28 K OCH P./ O ESTERREICHER W. 2001: «Gesprochene Sprache und geschriebene Sprache. Langage parlé et langage écrit», in: H OLTUS , G. et al. (ed.), Lexikon der romanistischen Linguistik I/ 2, Tübingen: 584-627 L UCCI V./ M ILLET A. 1994: L’orthographe de tous les jours. Enquête sur les pratiques orthographiques des Français, Paris P ELLAT , J.-C. 2001: «Repères pour l’histoire de l’orthographie: le XVII e siècle», in: C. G RUAZ / R. H ONVAULT , Variations sur l’orthographe et les systèmes d’écriture. Mélanges en l’honneur de Nina Catach, Paris: 241-56 P ROCHASSON C. 2008: 1914-1918: retours d’expériences, Paris S TEUCKARDT A. 2014: «De l’écrit vers la parole. Enquête sur les correspondances peu lettrées de la Grande Guerre», in: F. N EVEU / P. B LUMENTHAL / L. H RIBA / A. G ERSTENBERG / J. M EINSCHAEFER / S. P RÉVOST (ed.), 4 e Congrès Mondial de Linguistique française, Berlin, 19-23 juillet 2014: 353-64; http: / / www.shs-conferences.org/ articles/ shsconf/ pdf/ 2014/ 05/ shsconf_cmlf14_01159.pdf S TEUCKARDT , A. (ed.) 2016: Entre village et tranchées. L’écriture des Poilus ordinaires. L’écriture des Poilus, Uzès T REVISAN C. 2003: «Lettres de guerre», Revue d’Histoire littéraire de la France 103: 331-41 ISBN 978-3-7720-8618-2 Le volume comprend 12 contributions consacrées aux problèmes du passage de l’oral à l’écrit. À côté d’un accent très net sur les périodes historiques du français - depuis les premiers textes rédigés en français au Moyen Âge - il s’intéresse en particulier à la mise à l’écrit des formes régionales non standardisées de l’espace oïlique jusqu’à une époque récente et aux questions de la représentation de l’oral à l’écrit. Malgré la diversité des données analysées, le volume se caractérise par une très grande cohérence thématique grâce aux approches empiriques complémentaires mises en œuvre.