eJournals Oeuvres et Critiques 43/2

Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
10.2357/OeC-2018-0021
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Fénelon et Malebranche

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François Trémolières
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Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 Fénelon et Malebranche François Trémolières Université de Rennes 2 Le sujet que je me propose de traiter est immense et difficile-: il justifierait à soi seul une thèse� On se contentera ici d’une esquisse, sous forme de bilan historiographique limité aux travaux de langue française 1 � Éléments biographiques et enjeux d’édition Les relations personnelles entre Fénelon et Malebranche (tous deux morts en 1715, mais Fénelon plus jeune de treize ans) se réduisent à peu de chose� Yves de Montcheuil, dans l’ouvrage posthume sur Malebranche et le quiétisme (Aubier, 1946), en a rappelé les principaux éléments, allant parfois contre les idées reçues, sur lesquelles nous reviendrons� Le dossier a été repris et complété par André Robinet en accompagnement de son édition du Traité de l’amour de Dieu, t� XIV des Œuvres complètes de Malebranche (Vrin-CNRS, 1963)� Henri Gouhier s’appuie sur ces données dans son Fénelon philosophe, paru chez Vrin en 1977� Le marquis d’Allemans, dans une lettre à Malebranche datée 30 octobre 1687, offre un témoignage de l’intérêt de Fénelon pour Malebranche� Cet intérêt est très probablement commandé par Bossuet, qui cherche à susciter une réfutation du Traité de la nature et de la grâce de l’oratorien� On n’en trouve pas d’autre témoin avant les Lettres sur la grâce et la prédestination et la correspondance de Fénelon avec le P� Lamy, autour de 1700� Celui-ci avait cru mettre d’accord les deux auteurs sur la question du pur amour� Malebranche s’en défendra vigoureusement dans le Traité de l’amour de Dieu, dont la première édition remonte à 1697� C’est la principale intervention de Malebranche dans la querelle du quiétisme, et l’objet de 1 Qu’il faudrait donc compléter par un bilan des travaux étrangers, notamment italiens-: voir par exemple Perrotti, Gabriele� « Malebranche e Fénelon� Sulla verità metafisica e mistica dell ordine naturale e divino », Filosofia e teologia, IV, 1 (1990), pp� 98-110� 106 François Trémolières Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 l’ouvrage du P� de Montcheuil 2 , mais elle n’engage pas de réponse directe de Fénelon� Enfin, en 1713, lorsque paraît ce que l’on appelle aujourd’hui la « Première partie » de la Démonstration de l’existence de Dieu (à cause de cette antériorité de parution sur la « Seconde partie », posthume), d’abord anonymement, une préface elle aussi anonyme mais que la suite a révélée comme du jésuite René-Joseph de Tournemine, met en cause Malebranche de telle façon que ce dernier obtint de Fénelon un désaveu, et de Tournemine une mise au point dans les Mémoires de Trévoux puis dans les éditions suivantes une modification de la préface 3 � Il s’agit ici d’apologétique et donc de la « théologie naturelle » de Fénelon, non de la question de l’amour pur� D’ailleurs à cette date Fénelon, condamné sur le sujet en 1699, retiré dans son diocèse mais redevenu en faveur à Rome, et même à la cour de France, se consacre bien davantage à la controverse antijanséniste� Si l’on veut maintenant aborder la question des relations intellectuelles entre les deux œuvres, on découvre une situation complexe, liée d’abord à l’édition des écrits philosophiques de Fénelon 4 � En ce domaine comme en beaucoup d’autres dans son cas, il est difficile de faire l’économie d’une étude de réception-: en effet, ces écrits ont paru pour la plupart après la mort de leur auteur, et sur une durée très longue, puisque le traité de la Nature de l’homme a été publié seulement en 1904 (par Eugène Griselle, Fénelon métaphysicien)� La Démonstration de l’existence de Dieu fait exception qui paraît du vivant de Fénelon, mais anonyme - et inachevée, même dans la version « complète » qui ne paraîtra qu’en 1718, dans l’édition par Ramsay des Œuvres philosophiques� Or celui-ci, chose remarquable, n’a pas publié la Réfutation de Malebranche, pour laquelle le marquis de Fénelon avait obtenu un privilège dès avril 1717� Cette Réfutation n’avait pas non plus été publiée par Bossuet, qui comme je l’ai dit en était le commanditaire, à la fin des années 1680� Texte de jeunesse, la Réfutation ne sera connue qu’au XIX e siècle, dans l’édition des Œuvres par Gosselin, en 1820� L’initiative de la publication de la Démonstration, « Première partie », n’appartient pas à Fénelon mais semble-t-il aux jésuites des Mémoires de 2 Voir aussi Letrouit, Jean� « Une lettre inédite de Malebranche à Madame de Maintenon contre Fénelon », XVII e siècle, LVII, 227 (2005), pp� 333-348� 3 Voir désormais Ribard, Dinah� « Pratique(s) jésuite(s) de l’écrit-: le P� Tournemine, les Mémoires de Trévoux et Fénelon », XVII e siècle, LVII, 228 (2005), pp� 333-348 4 Nos sources sont évidemment les notices des éditions Gosselin des Œuvres complètes et Le Brun des Œuvres� Pour de plus amples développements sur la réception philosophique de Fénelon, je me permets de renvoyer au chapitre trois de mon Fénelon 1908. Jacques Rivière philosophe, publié à la suite de l’édition de Rivière, Jacques� La théodicée de Fénelon et ses éléments quiétistes, Paris, Le Félin, 2015� 107 Fénelon et Malebranche Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 Trévoux� Ce texte correspond à une orientation de « philosophie populaire »-: l’apologétique par les merveilles de la nature, alors que la « Seconde partie » a un accent nettement plus spéculatif� Cependant il contient déjà des arguments en rapport avec la philosophie nouvelle, et le passage de la préface du P� de Tournemine qui fit problème à Malebranche visait à en justifier l’auteur-: certes, écrit Tournemine, il s’est appuyé « quelquefois sur des opinions nouvelles, fort contestées et fort éloignées de la certitude des principes », au lieu de se cantonner aux « preuves universelles et propres à tout le monde »- ; ce recours s’expliquait selon le père jésuite par le souci d’argumenter à partir des « principes reçus par les adversaires contre qui on dispute� Ce sont des démonstrations pour les cartésiens et les malebranchistes� » Selon le P� André, biographe de Malebranche, il ne pouvait s’agir que d’une manœuvre visant à discréditer l’oratorien en faisant passer l’auteur de la Démonstration pour son adversaire-; d’autant plus offensante que Tournemine poursuivait par un rapprochement avec Spinoza, entraînant le soupçon d’athéisme-: les cartésiens et les malebranchistes, « l’auteur n’a pas dû les oublier [d’où la présence de ces arguments qu’il jugeait incongrus dans la Démonstration]� Il a, dit-on, oublié les spinozistes » et l’avertissement se chargeait de l’en excuser - ce traité était « composé depuis longtemps », c’est-à-dire avant que Bayle ait démontré, à l’article « Spinoza » de son Dictionnaire historique et critique (1697), l’athéisme spinoziste, et s’il « repasse un jour sous ses yeux [de l’auteur], les spinozistes ne seront pas épargnés »� Enfin il est aisé de montrer que l’ouvrage contient déjà tous les principes de leur réfutation� D’ailleurs l’édition de 1718 inclura un chapitre « Réfutation du spinozisme » (le titre n’est pas de Fénelon) dans la « Seconde partie »� Le P� André (dont, rappelons-le, la Vie de Malebranche fut empêchée de paraître par ses supérieurs et n’est connue que depuis 1886), qui donc ne connaissait pas la Réfutation, mais avait lu en revanche cette « Seconde partie » de la Démonstration, souligne au contraire la conformité des preuves féneloniennes avec les « principes » de Descartes et Malebranche� On peut se demander si ce n’est pas cette proximité, réelle, qui a empêché Ramsay de publier la Réfutation, lui aussi sensible à l’accord entre les deux auteurs, qui étaient ses grands hommes� Inversement, les éditeurs de la « Première partie », embarrassés par les signes d’allégeance de Fénelon au cartésianisme, les ont systématiquement « corrigés » et « adoucis », d’après Gosselin, qui a voulu rétablir le texte original� 108 François Trémolières Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 Un commun cartésianisme : les lectures du XIX e siècle Dans l’Histoire littéraire… qui accompagne son édition 5 , Gosselin présente nettement Fénelon comme « un des principaux représentants » de la philosophie cartésienne, « un de ceux qui en ont exposé les principes avec [le] plus de précision et de clarté, et d’une manière propre à lever les difficultés qu’elle peut présenter »� L’entreprise d’édition de Fénelon est dans l’esprit des sulpiciens clairement liée à leur conception de la théologie et de l’apologétique, vivement attaquée à l’époque par Lamennais et ses disciples� C’est pourquoi Gosselin discute les conceptions des mennaisiens sur le « fondement de la certitude »-: jusqu’à eux, écrit-il, la conception cartésienne était regardée « dans les écoles catholiques » moins « comme une invention de Descartes, que comme l’expression fidèle du sentiment commun des vrais philosophes de tous les siècles »-; et contre ceux qu’il appelle « les partisans du système d’autorité », il entend démontrer la conformité de la conception cartésienne à Augustin et à Thomas, donc son orthodoxie, s’attachant au passage à convaincre que la mise à l’Index des œuvres de Descartes (en 1663 puis 1772) n’avait pas de motif doctrinal� Ce dernier point est intéressant à signaler parce qu’il révèle de nouvelles préoccupations, qui ne vont cesser de s’accentuer tout au long du XIX e siècle sous la pression de ceux qu’on va appeler les ultramontains (Malebranche, par exemple, s’était montré à peu près indifférent à sa propre mise à l’Index, en 1690, considérée comme une affaire étroitement « romaine » - on sait que les décisions de l’Index n’étaient pas reçues en France sous l’Ancien Régime)� Résumée à très grands traits, la réception de Fénelon philosophe au XIX e -siècle, comme d’ailleurs Bossuet, est prise dans celle du cartésianisme, et solidaire de ce point de vue de Malebranche� Cette tradition classique- : Bossuet, Malebranche, Fénelon, Leibniz aussi dont le supérieur de Saint- Sulpice M� Emery s’est fait l’éditeur, avec le relais important du cardinal Gerdil (Défense du sentiment du P. Malebranche sur la nature et l’origine des idées contre l’Examen de M. Locke, 1748), se réclame d’une filiation augustinienne et platonicienne� Louis Foucher, dans son livre sur La philosophie catholique en France au XIX e siècle (Vrin, 1955), a montré qu’elle aboutit à un échec avec la sanction par le magistère, en 1852 (mise à l’index des Opera omnia de Gioberti) puis 1861, de ce qu’on a appelé l’ontologisme, et la promotion de l’option épistémologiquement contraire, le « réalisme » thomiste, par l’artisan de ces condamnations le cardinal Pecci, devenu le 5 Histoire littéraire de Fénelon, parue séparément en 1843, qui regroupe les notices de l’édition des Œuvres (1820-1824)-; puis jointe à l’édition des Œuvres complètes en dix volumes (t� I, 1848), reprise de la précédente et de la Correspondance (1827- 1829)� 109 Fénelon et Malebranche Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 pape Léon XIII (Aeterni Patris, 1879)� Mais elle est étudiée dans l’Université, notamment l’importante Histoire de la philosophie cartésienne de Francisque Bouillier (2 vol�, 1 re éd� 1854), disciple de Victor Cousin, qui consacre deux chapitres à Fénelon, plus tard Léon Ollé-Laprune, auteur de La philosophie de Malebranche, 2 vol�, 1 re éd� 1870 (une vingtaine de pages sur Fénelon dans le chapitre « les critiques de Malebranche »), et à l’origine par son œuvre propre (De la certitude morale, 1880) d’un courant philosophique catholique qui tentera de renouveler l’apologétique, face à ce qui lui semblait les impasses de l’option thomiste au regard des « exigences de la pensée contemporaine », selon l’expression de Maurice Blondel� C’est dans ce contexte que l’abbé Bremond, avec son Apologie pour Fénelon, en 1910, donnera le signal d’un renouveau des études féneloniennes� On peut se demander si Gosselin ne perpétuait pas quelque chose de l’embarras de Ramsay, devenu celui de la réception de Fénelon par la théologie cartésienne (ou augustino-cartésienne) des sulpiciens, quand il écartait la Réfutation des écrits philosophiques pour la publier parmi les écrits théologiques - ramenant le différent entre les deux auteurs à une question technique, peu accessible au profane, et concluant le commentaire qu’il en donne par une note ambivalente-: Peut-être, en lisant ce traité de Fénelon, sera-t-on surpris qu’il juge si sévèrement le système de Malebranche, et qu’il en presse si vivement des conséquences bien éloignées de la pensée de l’auteur� Mais l’étonnement diminuera, si l’on se rappelle que le sentiment de Fénelon, sur cette matière, était alors celui des plus habiles théologiens, et que Bossuet lui-même croyait devoir qualifier avec la plus grande sévérité les opinions du célèbre oratorien� Ces « conséquences bien éloignées de la pensée » malebranchiste, c’était le soupçon de spinozisme déjà évoqué, que l’on trouve en effet dans la Réfutation� Mais si l’on admet d’un côté que Fénelon a combattu chez Malebranche la confusion entre le Créateur et sa création (« du Verbe divin avec l’ouvrage de Dieu », ch� XXIV), alors on se trouve conduit de l’autre, au vu de la proximité de la Démonstration avec les arguments malebranchistes, à se demander si la critique ne doit pas être retournée contre Fénelon lui-même, et c’est ce qu’on lit par exemple dans l’ouvrage de Paul Vernière sur Spinoza et la pensée française avant la Révolution (PUF, 1954)� 110 François Trémolières Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 Lectures contemporaines : Jean-Christophe Bardout, Henri Gouhier Laissant de côté la question du pur amour, je vais me concentrer sur ce seul aspect « métaphysique » de la relation entre Fénelon et Malebranche� J’abandonne ici l’approche historiographique pour me limiter, toujours à très grands traits, à un état présent de la recherche 6 � Je m’appuierai principalement sur l’étude de Jean-Christophe Bardout-: « Le malebranchisme de Fénelon� Occasionnalisme et vision en Dieu », parue dans la Revue philosophique de la France et de l’étranger en 2003 7 � La lecture de Fénelon par Bardout part de sa lecture de Malebranche, dont il est un spécialiste� Dans Malebranche et la métaphysique 8 , il montre le lien de la métaphysique à la théorie de la connaissance-: « nous ne connaissons les choses que par la réalité objective de leurs idées en nous » (leur représentation) et non par un processus d’abstraction à partir de la sensation-; Malebranche radicalise cette conception cartésienne avec la thèse de la vision en Dieu, qui « fait définitivement refluer la présence de la chose au profit de sa manifestation par l’idée »-: la chose devient « l’occasion » de l’idée et non sa cause� Comme l’avait déjà noté Victor Delbos, Arnauld a critiqué cette « noétique » de Malebranche comme infidèle à Descartes� Or Bardout relève que dans la Réfutation de Malebranche Fénelon opère une critique très sélective, qui ne s’en prend pas à cette noétique� Une des conséquences de la conception malebranchiste de la connaissance par l’idée est que l’existence est inconnaissable, sinon par « sentiment » (et parce que Dieu recrée en nous la « phénoménalité » du monde)-: il n’y a de connaissance que des essences� Il n’y a pas d’autre connaissance possible, ce qui veut dire que notre connaissance n’est pas différente de celle qu’a Dieu - c’est la thèse de la vision en Dieu� Cette univocité ne supprime pas l’écart entre Dieu et sa créature, elle en est même la condition- : « Dieu ne connaît qu’en lui-même et nous ne connaissons qu’en lui »� La transcendance, écrit Bardout 9 , est « sauvegardée sous la figure de la seule toute-puissance », c’est-à-dire du passage à l’existence, qui ne peut être compris� L’ordre des essences est l’ordre de l’intelligible, du pensable� C’est l’ordre de l’être au sens où Malebranche écrit que « l’être c’est l’idée de Dieu », Dieu est « tout l’être » en ce sens qu’il est « la forme de toutes les idées »� Il n’y a que Dieu dont l’existence est connue, « par idée pure » lit-on dans le X e Éclaircissement à la Recherche de la vérité, alors qu’elle se réfère 6 Je n’aborderai pas l’aspect esthétique� Voir Touboul, Patricia� « Les enjeux esthétiques de la Réfutation du système du Père Malebranche sur la nature et la grâce de Fénelon », Archives de philosophie, LXVII, 1 (2004), pp� 113-229� 7 CXXVIII, 2 (2003), pp� 151-172� 8 Paris, PUF, 1999� 9 Malebranche et la métaphysique, op. cit., p� 164� 111 Fénelon et Malebranche Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 partout ailleurs à la causalité, c’est-à-dire à l’occasion qui dérobe la puissance divine (chez Malebranche « il demeure un abîme entre la cause et la raison », à la différence de Leibniz)� S’il y avait équivalence entre Dieu et l’étant, ce serait le spinozisme� Cette équivalence, écrit Bardou 10 , « ne fonctionne qu’au niveau de la représentation »� Le Dieu de Malebranche peut « enfermer toutes les réalités » ou pour ainsi dire « être composé », et Malebranche peut n’être pourtant pas Spinoza parce que la réalité ainsi définie ne renvoie qu’à la plénitude d’une essence, nullement à l’effectivité d’une existence actuelle� […] Dieu n’est donc pas celui qui est parce que son essence infinie emporterait avec elle l’existence nécessaire, mais parce que son essence s’égale à la totalité du réel� On est tout près ici du Dieu « esprit » (et non plus substance) hégélien� Certaines formulations de Malebranche ont paru aux contemporains très proches de Spinoza (qu’ils lisaient mal au demeurant)� Tournemine écrit ainsi dans les Mémoires de Trévoux, en novembre 1713, qu’il devrait renoncer à des expressions qui les [les athées] favorisent, ne plus dire que Dieu est tout l’être, est l’être en général-; ce langage, trop conforme à celui de Spinoza, doit être évité par cette seule raison� D’ailleurs, il ne peut recevoir aucun bon sens dans le système véritable, Dieu n’est pas tout l’être, Dieu n’est pas l’être en général, puisqu’il y a des êtres différents de lui, il n’est tout l’être, il n’est l’être en général, que dans le système de Spinoza-; on ne justifie point cette expression par l’admirable idée que Dieu donne de soi-même à Moïse, Je suis celui qui suis. Dieu ne dit pas, Je suis tout ce qui est (Je suis l’être en général)-; le R� P� Malebranche, qui aime la Religion n’aura pas de peine à lui sacrifier des expressions dont des esprits pervers ne manqueraient pas d’abuser� Malebranche évite le spinozisme en maintenant très fortement la notion de création, donc de séparation entre Dieu et les êtres créés, mais si Dieu ne se confond pas avec la nature, au sens de la nature créée, il se confond avec la nature intelligible - ce que Bardout appelle « un panthéisme de la représentation »� L’être en tant qu’essence est immanent� La puissance en elle-même demeure inconnaissable, le Dieu de la puissance (versus le Dieu de l’entendement) est le « Dieu caché »� Cependant Malebranche démontre que sa puissance est subordonnée à sa sagesse, que le Dieu créateur est soumis à « l’ordre »� La raison ne peut déterminer « la nature du monde créé », mais elle assure qu’il l’est en fonction de l’ordre, que « ce monde est le seul 10 Ibid., p� 219-; citation suivante p� 225� 112 François Trémolières Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 pratiquement possible », écrit Bardout 11 � C’est ce point précisément que réfute Fénelon� Bardout commence son étude sur Fénelon en déclarant de la Réfutation qu’elle est « l’une des discussions les plus lucides et complètes des principes du “système” malebranchiste, mais peut-être aussi sa mise en question la plus grave 12 », et l’on trouverait des opinions analogues chez d’autres experts de Malebranche, comme Geneviève Rodis-Lewis� Néanmoins l’étude montre une « répétition » de Malebranche par Fénelon� « Tout ce qui est idée est Dieu même », lit-on par exemple dans la Démonstration de l’existence de Dieu (Seconde partie § 50), « tout est pris dans l’être » selon La nature de l’homme 13 , « il n’y a que Dieu dont la puissance et l’opération sont véritables » écrit Fénelon dans la Réfutation (ch� XIV, où il s’accorde explicitement avec l’occasionnalisme 14 etc� Or Bardout semble convaincu que dès lors que l’on accepte la noétique de Malebranche, ce qui implique l’occasionnalisme, on s’interdit de pouvoir critiquer la conception malebranchiste de la relation entre raison et volonté, raison et puissance� Pourtant Henri Gouhier a donné une présentation très convaincante de cette critique (comme le rappelle d’ailleurs notre auteur) dans son Fénelon philosophe, s’appuyant notamment sur la section « Science de Dieu » de la Démonstration (Seconde partie), dans laquelle il voit un texte probablement contemporain de la Réfutation-: Que dit Malebranche ? Dieu est libre pour agir ou n’agir pas au dehors� Mais supposé qu’il agisse, étant un être infiniment parfait, il ne doit rien faire qui ne porte le caractère de son infinie perfection-; ainsi, parmi tous les ouvrages qu’il peut faire, l’ordre le détermine invinciblement à produire le plus parfait� 15 Le plus parfait, c’est-à-dire le plus économe en « volontés particulières »- : thèse de la simplicité des voies� Or Fénelon identifie chez Malebranche « une idée confuse du possible »� La liberté de choix exige des possibles réels, si l’on permet la formule, et non pas d’appeler possible « ce qui ne pourra jamais recevoir l’existence », ce qu’il considère comme un « jeu de mots » supprimant justement toute liberté divine� « Il s’agit donc de définir en Dieu des 11 Ibid., p� 254� 12 Article cité, p� 151� 13 Dans Œuvres, éd� Jacques Le Brun, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t� II, 1997, p� 834 (titre complet-: La nature de l’homme expliquée par les simples notions de l’être en général)� 14 Ibid., p� 338 (titre complet-: Réfutation du système du père Malebranche sur la nature et la grâce)� 15 Gouhier, Henri� Fénelon philosophe, Paris, Vrin, 1977, p� 42-; les citations suivantes sont tirées des pp� 42-46� Sur la liberté divine, voir aussi Devillairs, Laurence� Fénelon. Une philosophie de l’infini, Paris, Cerf, 2007, pp� 61-67� 113 Fénelon et Malebranche Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 possibles qui le soient vraiment et tels que la liberté de choisir entre eux ne soient pas illusoire� » Il y a des degrés d’être qui sont des degrés de perfection� Dieu choisit parmi ces degrés ceux qu’il fait exister� Mais ce choix n’est pas dicté par la considération du meilleur-: tous les existants sont « parfaits » en considération du néant, tous sont également touchés d’une « imperfection essentielle » comparés à Dieu� Autrement dit, pour qu’il y ait du créable, il faut que les possibles soient égaux au regard de Dieu (liberté d’indifférence)� Par conséquent, « la considération de l’objet à créer n’intervient pas comme motif dans la décision de le créer », pas plus que la considération de l’ouvrage en son ensemble n’intervient dans la décision de créer ou ne pas créer� On ne voit pas « comment un monde fini pourrait rendre gloire à un Être infini » (on reconnaît là un thème central chez Malebranche)-: comme l’écrit Fénelon au chapitre X de la Réfutation, Dieu « toujours infini au-dessus de son ouvrage » est « entièrement indépendant de la gloire qu’il peut en tirer »� « Le principe fondamental de la théodicée » fénelonienne est « l’impossibilité de donner des bornes précises à une puissance infinie » (ibid., ch� XVI)� Puisque la considération de la chose créée n’entre pas comme motif dans la décision de créer, il est vrai que la raison de la création est toute entière du côté du Créateur� Si c’est cela que l’on veut dire en considérant qu’il agit pour sa gloire, alors il faut entendre pour son plaisir� La question qui se pose, à suivre Bardout, est de savoir si cette réfutation est de nature à suffisamment modifier la « noétique » malebranchiste, ou la dette de Fénelon à son égard, pour le dégager réellement de ses implications métaphysiques� D’où l’importance du texte de la Démonstration sur la « science de Dieu »� Dans la Somme théologique (Ia qu� XIV art� 9), à la question classique sur la connaissance qu’a Dieu des choses « hors de lui », Thomas répond 16 que « Dieu voit dans son entendement, intellectus, les essences des choses qu’il veut créer et celles des choses qu’il ne veut pas créer, lesquelles jouissent d’un esse in potentia »� Fénelon marque un infléchissement-: Dieu voit en lui-même tous les différents degrés auxquels il peut communiquer l’être à ce qui n’est pas, et ces divers degrés de possibilité constituent toutes les essences des natures possibles� […] Dieu les voit dans sa puissance, qui est lui-même� 17 Thomas explique, avec Augustin, que « Dieu ne connaît pas les choses parce qu’elles sont, mais elles sont parce qu’il les connaît », tout en précisant que sa science est cause des choses en tant que s’y ajoute la volonté� Fénelon semble reprendre Thomas quand il distingue « les êtres purement possibles et 16 Je cite d’après Gouhier, op. cit. p� 47� 17 Démonstration…, éd� cit� p� 677� 114 François Trémolières Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 ceux qui doivent exister dans quelque partie du temps »� Mais là où Thomas considérerait les premiers comme des êtres en puissance, pour Fénelon ce sont plutôt « des possibilités de la science divine »� « La science de Dieu est la vue d’objets intelligibles dont la réalité est indépendante de la simple vision� Mais ces objets ne sont intelligibles que par la puissance et par la volonté de Dieu 18 � » Par la puissance car si Dieu considère les seules essences, il y trouvera seulement, écrit Fénelon, « qu’elles ne sont pas impossibles à sa puissance »-; par la volonté car Dieu « ne peut jamais trouver l’existence de sa créature que dans sa pure volonté, hors de laquelle l’objet lui-même n’est plus que néant »� Les essences représentent ce que Dieu a le pouvoir de faire exister par participation à ses perfections-; c’est pourquoi « Dieu les voit dans sa puissance », et non dans son entendement� Elles n’aspirent pas par elles-mêmes à l’existence, comme les essences leibniziennes� L’essence désigne « une possibilité d’être qui n’implique aucun être du possible »� Quand il s’agit de l’être (versus le possible), Dieu voit les existants dans sa volonté- : « Comme tout n’est vrai et intelligible que par lui, pour voir les choses comme elles sont, il faut qu’il les connaisse purement par lui-même, et dans sa seule volonté qui en est l’unique raison� » Malgré un premier niveau d’allure malebranchiste, Fénelon aurait déplacé dès le départ l’entendement dans la puissance, lieu des essences� Soit par une critique de la conception thomiste de la science divine� Soit déjà par une critique de la conception malebranchiste� Quoi qu’il en soit, conclut Gouhier, « la critique de la création selon Malebranche le conduit à éliminer le critère du meilleur dans le choix des possibles auxquels la volonté de Dieu donne l’existence »� Je vais me permettre de traduire les enjeux à ma façon� Gouhier montre que « Fénelon s’applique à évacuer de la science divine la relation sujet-objet dont la science humaine nous offre le modèle », où l’ob-jectum est « posé ou supposé être indépendamment de l’acte du sujet qui le perçoit ou le conçoit »� Dans les termes de Bardout, on pourrait dire que la conception thomiste de la science divine est encore calquée sur la relation de l’idéat à ce qu’il représente� Est-ce que l’on ne peut pas considérer que Fénelon rompt avec elle grâce à Malebranche ? Car Malebranche surmonte en effet la coupure sujet / objet, par ce qui peut apparaître a posteriori comme un idéalisme� Mais il la surmonte dans l’entendement, lieu de la connaissance, identifié à l’entendement divin, lieu des essences� Au lieu que Fénelon se situe sur un terrain que l’on peut dire existentiel� Ici la science de l’homme se sépare nécessairement de la science divine� L’homme ne peut échapper à sa condition temporelle, pour lui le futur est une réalité - celle de la contingence (c’est pourquoi chez Fénelon, à la différence de Descartes, il n’est de liberté, y 18 Gouhier, ibid. (je résume ici les pp� 46-48)� 115 Fénelon et Malebranche Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 compris humaine, que d’indifférence) - tandis que « Dieu voit avec certitude les futurs contingents, parce qu’il ne les voit pas comme futurs, mais comme déjà présents 19 »� Cette distinction des plans est capitale dans la controverse de Fénelon avec les jansénistes et son usage de thèses en apparence contradictoires d’Augustin, sur la prédestination et la liberté� Gouhier commente ce passage 20 en le rapprochant de l’esthétique transcendantale kantienne-: le temps est une « forme de notre pensée »� Mais il y a bien sûr une différence capitale avec Kant-: c’est que « l’idée positive d’infini […] transcende les êtres et un discours sur l’Être devient concevable- ; la philosophie suppose une critique du langage 21 mais elle ne s’y réduit pas� » Entendement et volonté Il y aurait donc trois lectures possibles du rapport de Fénelon à Malebranche� La première est que Fénelon, malgré sa critique de la notion de possible, échoue à produire une métaphysique alternative à Malebranche, autrement dit à dépasser son propre malebranchisme� C’est me semble-t-il ce qu’insinue Bardout� La conséquence en est que le soupçon de « spinozisme » vaut également pour lui� Cette thèse d’un « spinozisme » de Fénelon a été éloquemment défendue par Léon Brunschvicg dans un article remarquable, publié par la Revue de métaphysique et de morale en 1906 22 � L’idée d’infini « est une notion rationnelle qui a son origine dans la philosophie, sans recours à la révélation »� Spinoza permet de la comprendre en toute rigueur, comme « continuité » entre l’homme et Dieu� Et la « signification propre » de l’œuvre de Fénelon, ce qui en fait « un moment essentiel dans l’histoire de la pensée du XVII e siècle », est d’avoir « tenté d’établir cette continuité, de concevoir cette intériorité toute spirituelle, en demeurant fidèle à la tradition de l’Église, à l’autorité du catholicisme »-; ou encore d’avoir « purifi[é] à la flamme du rationalisme cartésien la spiritualité de la vie intérieure »� Tentative vouée à l’échec, car le christianisme ne peut accepter « l’unité de l’homme et de Dieu » que dans la figure du médiateur (le Christ, le Dieu de 19 Lettres sur la prédestination et sur la grâce, cit� d’après Gouhier, op. cit., p� 56� 20 Fénelon philosophe, p� 57 et (cit� suivante) p� 161� 21 Les célèbres pages de la Démonstration (Seconde partie § 89-96) sur « ce que je nomme le temps » et l’inadéquation du langage à « ce que je dois nommer éternité » pourraient se souvenir de cette critique dans Montaigne, Apologie de Raimond Sebond� 22 Dans le cas de Brunschvicg c’était au nom d’un intellectualisme conséquent, qui assume son immanentisme� D’un autre point de vue (la thèse de Rivière, réf� supra note 4) c’est souligner l’hétérodoxie de Fénelon, comme de Malebranche- : on remarquera que la citation donnée plus haut du P� de Tournemine pourrait aussi s’appliquer à la Démonstration� 116 François Trémolières Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 l’incarnation) ce qui conduit à sacrifier « l’unité dans l’homme lui-même » - Brunschvicg commente ainsi le fameux article XIV de l’Explication des maximes des saints, sur la « séparation de la partie supérieure de l’âme d’avec l’inférieure »� La mystique du pur amour révèle une aporie dans le christianisme, que sa condamnation ne suffit évidemment pas à résoudre 23 � La deuxième lecture est celle de Gouhier, qui consacre les dernières pages de Fénelon philosophe précisément à réfuter cette lecture de Brunschvicg, en plaçant au centre « l’idée de création », inconcevable chez Spinoza� La création « implique une discontinuité ontologique entre l’Être et les êtres-: l’union mystique des êtres à l’Être ne signifie pas qu’elle soit abolie� » Il faut donc discuter l’équivalence par Brunschvicg entre « intériorité toute spirituelle » et « continuité » de l’homme à Dieu� La notion augustinienne du Dieu interior intimo meo, en effet reprise par Fénelon, implique aussi superior summo meo (qu’on omet souvent)-: Les images associées de la profondeur et de la hauteur, loin de s’opposer, accusent chacune à leur façon la transcendance de Celui dont elles affirment la présence� L’intériorité augustinienne découvre une discontinuité d’ordre métaphysique avec la Raison universelle et éternelle qui transcende le moi� 24 La troisième - celle que je serais tenté de proposer, quitte à assumer le risque d’un certain anachronisme dans la lecture d’un Fénelon prékantien, mais qui trouverait des arguments me semble-t-il avec cette question du rapport à Malebranche - serait de considérer que le véritable lieu de la discontinuité n’est pas la raison mais la volonté-; que l’importance du moment Fénelon, pour reprendre le terme de Brunschvicg, ou de la mystique dans la perspective d’une histoire de la pensée, telle que Fénelon nous permet de l’envisager, est la dimension d’expérience de la discontinuité, c’est-à-dire le déplacement de la métaphysique vers ce qu’en termes kantiens on appellera la philosophie pratique� Ce n’est d’ailleurs, à première vue, pas contradictoire 25 � Gouhier poursuivait son analyse 26 en notant que la 23 Brunschvicg, Léon� « Fénelon », repris comme chapitre douze de Spinoza et ses contemporains, Paris, Alcan, 1923, pp� 358-376� Nombreuses rééditions aux PUF� 24 Op. cit. p� 182� 25 Sinon dans une perspective kantienne, sensible aux « contradictions » de la métaphysique classique� Voir Alquié, Ferdinand� « Science et métaphysique chez Malebranche et chez Kant », appendice du Cartésianisme de Malebranche, Paris, Vrin� Voir aussi Bardout, op. cit., p� 307-: « Pour ses propres apories, la métaphysique malebranchiste demeure instructive en laissant pressentir les limites d’une doctrine métaphysique de la singularité [précisément ce que Fénelon, selon l’étude qu’il lui a consacrée, aurait tenté de dépasser], et plus largement en donnant à penser les contradictions d’un savoir absolu� » 26 Op. cit., p� 182� 117 Fénelon et Malebranche Œuvres & Critiques, XLIII, 2 (2018) DOI 10.2357/ OeC-2018-0021 discontinuité d’ordre métaphysique […] en devenant vie religieuse fait apparaître une autre discontinuité-: il ne s’agit plus de la raison mais de la volonté-; le pur amour selon Fénelon signifie la substitution de la volonté divine à la mienne� Il n’est donc plus question d’amor intellectualis au sens spinoziste, dont la prop� XXXVII du livre V de l’Éthique énonce qu’il « n’est rien donné dans la nature qui [lui] soit contraire »-: « dans la spiritualité fénelonienne, tout dans la nature est contraire au pur amour de Dieu-; il n’y a de naturel en moi que l’amour de moi� » L’amour de Dieu reconnu comme mon bien, qui est la plus haute forme d’amour naturel, est ce que l’amour pur évacue en tant qu’amour surnaturel de Dieu� Pour conclure en revenant à Fénelon lecteur de Malebranche, son originalité serait, pour reprendre les catégories des historiens de la philosophie médiévale, de mâtiner « l’intellectualisme » malebranchiste d’une forte dose de « volontarisme »… En Dieu on ne peut séparer la sagesse de la puissance� La rupture avec Malebranche est que le lien n’est pas de subordination (par l’ordre)- : il est quasi d’identité - mais pour Dieu seul� Comme pensée et preuve par les idées, la théodicée fénelonienne est très proche de Malebranche� Mais Fénelon en est séparé dès la racine, par cet accent mis sur la volonté et la puissance, lieu en Dieu de la « vision » des existants� Malgré l’apparence parfois, et pour citer une dernière fois Gouhier, il serait plus proche de Descartes, « si soucieux de préserver la toute-puissance et la liberté de Dieu dans leur rapport à l’entendement », que de son disciple infidèle - Malebranche�