Oeuvres et Critiques
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0338-1900
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Narr Verlag Tübingen
10.2357/OeC-2019-0006
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The Heart of Midlothian: réflexions sur la littérature de cas et réception française
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2019
Fiona McIntosh-Varjabédian
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Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 The Heart of Midlothian : réflexions sur la littérature de cas et réception française Fiona McIntosh-Varjabédian Université Lille / EA1061-ALITHILA Une jeune femme accusée d’infanticide en Écosse au XVIII e siècle, condamnée par sa demi-sœur qui a refusé de faire un faux témoignage en sa faveur, mais aussi sauvée par cette même sœur qui a fait le voyage à pied d’Édimbourg à Londres pour demander sa grâce, telle est la trame de The Heart of Midlothian (1818). L’intrigue, fondée sur une histoire vraie, avait été soufflée à Walter Scott dans une lettre anonyme en 1817 1 . En 1830, dans l’édition du Magnum Opus, le romancier révèle d’ailleurs qu’il a retrouvé le nom de sa correspondante, Helen Goldie. En 1831 enfin, il fait graver une pierre tombale en l’honneur d’Helen Walker, la figure originale de l’héroïque Jeanie Deans 2 , ultime hommage rendu par un auteur qui a voulu donner à son public, au travers du cas d’Helen Walker, une histoire à la fois curieuse et admirable. La logique de l’attestation et du devoir de mémoire semble se concrétiser par un monument matériel, treize ans après le monument de papier qu’est le roman lui-même. En France, le roman a été traduit sous plusieurs titres. La Prison d’Édimbourg, forme imposée par Auguste Defauconpret dans l’édition H. Nicolle de 1819 a été celle qui a eu le plus de succès. Le titre élucide par anticipation le sens de The Heart of Midlothian, le Midlothian région d’Écosse qui comprend Édimbourg et ses environs, dont le cœur serait, selon le premier chapitre, la prison de la capitale écossaise, autrement nommée Tolbooth. La traduction d’Émile de la Bédollière pour Le Panthéon populaire illustré 3 préfère La Prisonnière d’Édimbourg et renvoie exclusivement à Effie, la sœur malheureuse accusée, et non plus à la révolte de Porteous concomitante dans le roman. Albert Montémont fait le choix du compromis en intitulant sa traduction La Prison de Midlothian ou la Jeune Camérionienne 4 en 1835. Cette fois, c’est plu- 1 Claire Lamont, « Introduction-», in Walter Scott, The Heart of Midlothian, éd. Claire Lamont, Oxford, Oxford University Press, 1982 [1818], p. vii-viii. 2 Il y fait allusion notamment dans son Journal, 5 mai, 1831, The Journal of Sir Walter Scott, éd. William Erich Kinloch Anderson, Oxford, Clarendon Press, 1972, p. 652. 3 13 e série ; n° 33 [sans date]. 4 Œuvres de Walter Scott [Traduction nouvelle par Albert Montémont, revue et corrigée d'après la dernière édition d'Édimbourg], Paris, F. Didot frères, 1835-1836. 64 Fiona McIntosh-Varjabédian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 tôt la rigoureuse Jeanie qui est à l’honneur. Enfin, Louis Vivien de Saint-Martin, l’année suivante, s’affirme comme le plus fidèle et choisit le calque Le Cœur de Midlothian comme gage de sa fidélité à l’original 5 . L’œuvre a été commentée de façon élogieuse en France. Jeanie, parfois nommée Jeannie ou Jenny, et sa sœur Effie ont suscité l’intérêt du public au point d’apparaître dans un opéra-comique en 1833 avec un livret d’Eugène Scribe et la musique de Michele Enrico Carafa ainsi que dans la Galerie des femmes de Walter Scott, paru en 1839 6 sous la forme de deux entrées illustrées. Comme il a été rappelé à l’occasion de la réimpression de l’article «-Walter Scott-» par Henri Bremond, l’éditeur Gosselin évaluait à 1-500-000 le nombre de volumes de Scott dans la seule traduction Defauconpret en 1832, c’est-à-dire à la mort de l’auteur. Les notices contemporaines sur Scott montrent que La Prison d’Édimbourg était littérairement un des romans les plus appréciés de toute la collection 7 , même si les romans écossais ont été depuis éclipsés en France par les romans de chevalerie comme Ivanhoe et Quentin Durward. D’emblée le premier éditeur français avait flairé le bon coup littéraire, comme le signale le traducteur de la première édition française du Heart of Midlothian-: «-Les libraires qui ont publié cet ouvrage en ont payé le manuscrit Q uatre mille liVres sterlinG , ou 96,000 fr. On peut juger par là le succès qu’ils en attendent, et tout porte à croire qu’ils n’auront pas à se repentir de leur spéculation 8 .-» Même si on associe en France Walter Scott au roman historique, est-ce le caractère véridique de la trame suivie par le romancier qui a retenu le public français-? Le mélange de la petite histoire, avec le fait divers de l’infanticide supposé et de ses conséquences, et de la grande histoire, avec les émeutes Porteous de 1737 a-t-il été relevé par les commentateurs-? En fait, le hiatus est grand entre les intentions du romancier telles qu’elles ont été inscrites dans The Heart of Midlothian et la réception française qui a consacré de nombreuses pages très élogieuses à l’universalité des passions représentées. Aussi verrons-nous, dans un premier temps, dans quelle mesure le roman s’associe 5 Œuvres complètes de Walter Scott, traduction nouvelle par Louis Vivien avec toutes les notes, préfaces… et modifications ajoutées… à la dernière édition d'Édimbourg, de nouvelles notes par le traducteur ; et une préface générale par M. Jules Janin, Paris, P.-M. Pourrat, 1838-1839. 6 Galerie des femmes de Walter Scott, quarante deux portraits accompagnés chacun d'un portrait littéraire, Paris, Marchant, A. Dupont ; Rittner et Croupil, 1839. 7 Voir note 1, à l’annexe «-Walter Scott- » par Henri Brémond, ainsi que le classement des œuvres que Brémond propose (p. 872 et 875 respectivement), in Walter Scott, Le Cœur du Midlothian (La Prison d’Édimbourg), éd. Sylvère Monod, Gallimard, Folio classique, 1998. 8 «-Préface du traducteur-», in Walter Scott, La Prison d’Édimbourg, nouveaux contes de mon hôte recueillis et mis au jour par Jedediah Cleishbotham, maître d’école et sacristain de la paroisse de Gandercleugh, Paris, Nicolle, 1819, t. 1, p. vj. 65 The Heart of Midlothian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 au genre des Causes Célèbres et à la littérature de faits divers. Nous examinerons ensuite, comment la réception française a minoré ce rattachement au fait divers et modifie le statut du roman. Enfin, nous étudierons comment le cas de Jeanie s’est prêté à des cas moraux, religieux et a été mis au service d’une conception idéalisée de l’art. Ambiguïtés génériques initiales, un récit entre fait et fiction Éditeur de ses propres romans qu’il avait à l’origine publiés de façon anonyme, Walter Scott rattache de façon complexe et ambiguë The Heart of Midlothian à la singularité du fait divers et de l’histoire vraie. Pour démêler les différents dispositifs et leurs effets parfois contradictoires, il convient de les reprendre dans l’ordre chronologique dans lequel ils ont paru, ceci est d’autant plus important que les éditions françaises ne les ont pas toutes reproduites, comme nous le montrerons. The Heart of Midlothian fait partie de la série des Tales of My Landlord (Contes de mon hôte). À ce titre, Scott réintroduit le pseudo-éditeur de la série, Jedediah Cleishbotham dans une lettre facétieuse à l’adresse du lecteur, lettre que nous ne commenterons pas ici, si ce n’est pour souligner que son caractère volontairement fantaisiste contrecarre en partie le chapitre I et ses allusions aux Causes Célèbres. Le premier chapitre ne fait pas entrer le lecteur directement dans la diégèse, mais commence par une anecdote attribuée au personnage fictif Pat Pattieson, auteur supposé du manuscrit. L’anecdote est censée éclairer le lecteur sur ce qui a inspiré le récit. Les circonstances, les voici-: une diligence se renverse. Les occupants, parmi lesquels se trouvent deux avocats et un homme poursuivi pour dettes se rassemblent à la taverne. Il s’ensuit une réflexion sur la prison d’Édimbourg, symboliquement surnommée le cœur du Midlothian, sur la signification de cette métaphore («-en ce cas on peut dire que le comté métropolitain a le cœur bien triste-» 9 ) et sur les avantages littéraires qu’on pourrait tirer à publier les Causes célèbres (en français dans le texte) de la Calédonie. Je reviendrai sur cette allusion. Le Magnum Opus, soit la réédition de ses propres œuvres en son nom propre suite au désastre financier qui l’engloutit en 1826, ajoute en 1830 un nouveau paratexte. En effet, Scott, éditeur critique, donne la source de ses histoires et fait état de la lettre anonyme qu’il a reçue et qu’il cite, donne l’identité de sa correspondante, Mrs Helen Goldie. Il évoque enfin la pierre tombale qu’il a fait graver pour honorer Helen Walker à la demande de sa 9 Walter Scott, Le Cœur du Midlothian, trad. Sylvère Monod, op. cit. p. 62. Walter Scott, The Heart of Midlothian, éd. Claire Lamont, Oxford University Press, 1982, p. 20-: «-The metropolitan county may, in that case, be said to have a sad heart.-» 66 Fiona McIntosh-Varjabédian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 correspondante. Le postscriptum apporte plus de renseignements sur l’héroïne véritable et sur des événements qui sont censés s’être déroulés avant 1736, avant l’émeute Porteous donc. Enfin des notes critiques, elles aussi rédigées par Scott apportent des éclaircissements factuels notamment sur la prison d’Édimbourg, sur les insurgés ou sur l’infanticide en Écosse. On a un dispositif qui, d’une part, met en avant la filiation entre le récit et les faits divers, le caractère véridique de la trame et qui, de l’autre, interroge cette filiation même. Le phénomène se reproduit à plusieurs niveaux. En effet, un des avocats, porte-parole éphémère de Scott dans le chapitre introductif, examine les avantages qu’il y aurait à renouveler les intrigues romanesques usées par les récits des prisonniers d’Édimbourg, récits vrais de la folie des hommes, de leur culpabilité et de leurs infortunes, mais suffisamment extraordinaires pour «-rassasier jusqu’à l’appétit dévorant de merveilleux et d’horrible qui habite le public 10 .- » C’est alors qu’un comparse évoque le projet de publier les Causes Célèbres de Calédonie, censées provoquer des sentiments d’autant plus puissants et profonds chez le public que ce sont des histoires vraies-: Magna est veritas et praevalebit, comme il est dit dans le texte. Le roman, qui s’ouvre à proprement parler au chapitre II sur une nouvelle évocation de la Prison d’Édimbourg apparaît, dès lors, comme la concrétisation de ce projet auquel Pattieson s’était montré très attentif. Le lieu de discussion de la taverne rappelle cependant que nous sommes en plein lieu romanesque, comme nous le signale l’exergue en tête du roman emprunté au chapitre 32 du livre I de Don Quichotte, qui se déroule précisément dans une taverne. Une tension analogue se vérifie dans le Magnum Opus. Certes, Scott atteste de la véracité de l’anecdote initiale. Il cite des extraits de la lettre qu’il avait reçue. L’auteur de la lettre témoigne d’une rencontre avec Helen Walker mais celle-ci refuse de lui répondre autre chose qu’un nom qui la fait rougir. C’est le mari de la correspondante qui fait état de l’histoire dans les grandes lignes. La correspondante souhaite alors recevoir plus d’informations de la principale intéressée, mais le projet n’aboutit pas et il est définitivement empêché par le décès d’Helen Walker. Ainsi, chaque fois que le travail de l’attestation suggère une enquête pour dépasser la légende, ce travail reste impossible par le seul fait qu’Helen Walker refuse de répondre et que ses voisins eux-mêmes évitent de l’interroger pour ne pas la gêner. On a donc affaire à une histoire vraie, certes, mais qui ne peut échapper aux proliférations de récits de seconde main propres à l’invention poétique elle-même. 10 Trad. Monod, op. cit., p. 63. Éd. Lamont, op. cit., p. 20: “ […] with examples sufficient to gorge even the public’s all-devouring appetite for the wonderful and horrible.” 67 The Heart of Midlothian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 Si in fine la vérité cède le pas à la légende, quel est l’intérêt du fait divers-? Il est intéressant à ce propos de prendre en considération les réflexions inscrites dans les Causes célèbres et intéressantes avec les jugemens qui les ont décidées recueillies par Gayot de Pitaval. Il s’agit vraisemblablement du modèle que Scott a à l’esprit lorsque son personnage fait état de son projet des Causes célèbres calédoniennes. L’ouvrage de Gayot de Pitaval est, en effet, répertorié dans l’édition de 1747 dans le catalogue de la bibliothèque d’Abbotsford 11 . Or, on décèle une convergence de vocabulaire entre l’avertissement que place le juriste français en tête du premier volume et le premier chapitre de The Heart of Midlothian. Le premier caractérise les affaires qui sont traitées par le fait qu’il y entre du «-merveilleux-» 12 , le second fait état de l’étonnement ou du merveilleux (wonderful). De la même façon, il s’agit d’aiguiser la «-curiosité-» et de susciter l’intérêt, comme l’indiquent le titre de Gayot de Pitaval et les allusions à «-une égale profondeur d’intérêt puissant et bouleversant-» et à un «-intérêt passionné-» (deep, powerful, and agitating interest ou thrilling interest 13 ). Dans un cas comme dans l’autre, l’argument de l’avocat du roman, comme du véritable juriste, est de répondre à la vogue romanesque et de séduire un public qui était commun aux deux genres. La force du fait divers est dans la singularité et le caractère inouï des faits ainsi que dans les passions qu’ils suscitent. Le vrai est souvent invraisemblable et c’est ce qui permet de renouveler les trames des récits. Dès lors une question se pose- : est-ce qu’on raconte les cas parce qu’ils sont vrais ou parce qu’ils satisfont le public autant voire plus que des romans- ? Comme on le voit, Scott se joue de la double inscription du fait divers dans le domaine judiciaire et dans le domaine du romanesque. Le soupçon d’infanticide qui entoure Effie est une thématique qu’on trouvait cette fois dans Les Causes célèbres, curieuses et intéressantes de toutes les cours souveraines du Royaume avec les jugements qui les ont décidées éditées par Nicolas Toussaint le Moyne des Essarts. L’épisode de Mlle Chanas, fille mère qui est condamnée pour n’avoir pas enregistré la naissance de son enfant probablement mort-né, présente de curieuses analogies avec le cas écossais, même si la loi écossaise paraît plus inflexible que la loi française 14 . Si l’on considère 11 Catalogue of the Library of Abbotsford, compilé par John George Cochrane, Édimbourg,-Constable,-1838,-p.-35: -https: / / archive.org/ stream/ cataloguelibrar01abbogoog#page/ n378/ mode/ 2up.-Scott-appréciait-également le travail de la traductrice et poétesse Charlotte Smith qui avait traduit Gayot en anglais sous le titre de The Romance of real life, voir Éd. Paula R. Feldman, British Women Poets of the Romantic Era-: An Anthology, JHU Press, 2000, p. 675. 12 Gayot de Pitaval, Causes célèbres et interesantes avec les jugemens qui les ont decides, La Haye, Jean Neaulme, 1747, t. 1, p. III. 13 Éd. Monod, op. cit., p. 66. Éd. Lamont, op. cit., p. 22 14 Voir Tracy Rizzo, «- Between Dishonor and Death- : infanticides in the Causes célèbres of eighteenth-century France- », Women’s History Review, 68 Fiona McIntosh-Varjabédian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 les nombreuses réflexions sur le droit écossais et sur ses spécificités, on peut considérer que l’affaire représente un cas d’école pour faire du droit comparé-: anglais, écossais, voire français si l’on suit l’intertexte probable. Ceci n’empêche pas, toutefois, Walter Scott de recourir à des embellissements purement romanesques puisque Jeanie est récompensée symboliquement dans le roman par un mariage, comme il se doit, tandis que la véritable héroïne Helen est, elle, restée vieille fille. La concomitance des faits avec l’affaire Porteous est peu exploitée si ce n’est à des fins de dramatisation. Les débordements de la foule d’Édimbourg motivent la mauvaise humeur de la reine Charlotte et ses réticences à accorder une grâce à Effie. La réception française et l’effacement des trames historiques Malgré les efforts relativement importants que Scott a consacrés à mettre en place un double dispositif, fictif et non fictif, le caractère authentique des faits intéresse peu la réception française du XIX e siècle. Les scènes d’émeutes à Édimbourg auraient pu servir de métaphore de la révolution française, comme c’est le cas des émeutes de Liège dans Quentin Durward, mais cette lecture potentielle du roman n’a pas prédominé. La préface du traducteur de l’édition Nicolle apporte à ce propos un éclaircissement intéressant sur le sens qui est donné à la mention «-historique-» en 1819-: Expliquons pourtant cette expression. Nous ne voulons pas dire qu’ils [les ouvrages de Walter Scott] ressemblent à tant de romans historiques publiés en France, où la vérité est tellement mêlée au mensonge, qu’après les avoir lus, on ne sait plus ce qu’il faut croire, et ce qu’il faut rejeter. Ils sont historiques parce qu’ils offrent le tableau fidèle des mœurs de l’Écosse à différentes époques 15 . Il s’agit avant tout d’une vérité d’ensemble, même si le traducteur renvoie à l’affaire Porteous, écrit Portews et consacre une notice biographique et explicative au capitaine exécuté et à l’émeute. La lettre facétieuse de Cleishbotham a été traduite mais le premier chapitre qui expliquait le titre, non. La parenté avec les Causes célèbres a donc été temporairement effacée et le dispositif d’ensemble simplifié, simplification rendue possible dans la mesure où l’édition attribuait clairement le texte à Walter Scott, contrairement aux éditions britanniques 16 . Le chapitre en question réapparaît en revanche Volume- 13, Number- 1,- 2004,- p.- 6,- http: / / www.tandfonline.com/ doi/ pdf/ 10.1080/ 09612020400200380. 15 La Prison d’Édimbourg, trad. Defauconpret. Paris, H. Nicolle, 1819, p. vij. 16 Voir «- Notice du traducteur- » in Alan Cunningham, «- Notice biographique et littéraire sur Walter Scott-», in Œuvres de Walter Scott, avec les introductions et les 69 The Heart of Midlothian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 dans la traduction nouvelle de Defauconpret chez Gosselin en 1827, avant l’édition du Magnum Opus. Amédée Pichot le souligne en qualifiant certaines de ces introductions de «-charmantes-» 17 . Par la suite, les traductions chez Gosselin suivent la dernière édition dite d’Édimbourg avec cette fois l’introduction de Scott lui-même sur le cas d’Helen Walker et de sa sœur. Les traductions d’Albert Montémont chez Didot (1835-36), comme celle de Louis Vivien, suivent elles aussi l’édition dite d’Édimbourg. En revanche, la traduction La Bedollière [sans date] ainsi que celle de Léon Daffry de la Monnoye chez Firmin Didot en 1884 commencent directement au chapitre II en omettant tous les autres dispositifs 18 . Louis Vivien est peut-être le traducteur qui insiste le plus sur le caractère potentiellement non fictif de la trame en se livrant à une réflexion fine sur le sens de tale en anglais-: Ce n’est pas non plus sans raison si j’ai traduit par RECITS et non pas par Contes de mon hôte le titre anglais Tales of my Landlord. Les Anglais ont, pour désigner les ouvrages fictifs écrits en prose trois termes distincts dont la nuance n’est pas toujours bien saisie dans les traductions-: ce sont ceux de novel, romance et tale. Les œuvres de Walter Scott présentent, au reste, l’emploi de ces trois termes, et en marquent suffisamment la différence. La nouvelle (novel) est un récit dont le sujet, ou au moins le modèle, est importé de l’Espagne, et qui se rapporte à des événements contemporains-; le roman (romance), qui est aussi, pour l’Angleterre, une importation du Midi, est une œuvre toute fictive, souvent chevaleresque, toujours aventureuse- ; enfin tale, terme exclusif aux Anglais, et qui est tiré de leur propre langue, est un récit soit véritable, soit donné comme tel. Le verbe to tell, dont le mot tale dérive, signifie en effet dire, notes nouvelles de la dernière édition d’Édimbourg, trad. Defauconpret, Paris,-Furne,-1835,-p.-V-VI, Scott écrivit une lettre pour récuser l’attribution. https: / / books. google.fr/ books? id=b1J065AtxgUC&pg=PR5&dq=walter+scott+Prison+d%27Edimbourg+Nicolle+1821&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjlqZyrrZfUAhXHmBoK- HR86D3EQ6AEIQjAF#v=onepage&q=walter%20scott%20Prison%20d%27Edimbourg%20Nicolle%201821&f=false. 17 Amédée Pichot, Voyage historique et littéraire en Angleterre et Écosse, Paris, Ladvocat et Charles Gosselin, 1825, vol. 3, p. 216-: «- Je recommande aux lecteurs français les diverses introductions des romans de sir Walter Scott. Quelques uns avaient été supprimés par M. Defauconpret dans les premières éditions- ; elles sont rétablies dans l’in-8°. Il en est quelques unes de charmantes, telles que celles des Puritains et de la Légende de Montrose- ». http: / / gallica.bnf.fr/ ark: / 12148/ bpt6k371501. Les deux romans font partie des Contes de mon hôte. 18 Je n’ai pas encore pu consulter La Prisonnière d'Édimbourg, par Walter Scott, traduction nouvelle sous la direction de M. Alexandre Pey,… et de M. L. Bailleul en 1867. 70 Fiona McIntosh-Varjabédian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 réciter. C’est donc abusivement qu’on le traduit par conte, mot qui emporte avec lui l’idée diamétralement opposée d’histoire fictive, de récit imaginaire 19 .- Vivien utilise pour son édition le Magnum Opus et la note reproduite ci-dessus apparaît sur la première page où Scott rend compte de la lettre anonyme qu’il a reçue et qui lui a soufflé l’intrigue. La place de la note justifie la traduction et l’écart que fait Vivien par rapport à un certain usage qui s’était imposé en France, Contes de mon hôte, mais qui était également justifiable par les références à la taverne de Gandercleugh et à ses précédents fictifs qu’ils soient tirés de Cervantès ou de Chaucer, dont Scott était un lecteur assidu. Le nouveau titre donné à la série devient de ce fait compatible avec le nouveau paratexte, mais en considérant que tale comme un genre narratif indéterminé (soit véritable, soit donné comme tel), il n’annule pas totalement les facéties de la première édition originale de 1818. Cet infléchissement du statut même du texte et la reconnaissance de sa filiation avec une histoire vraie ne sont pas uniques comme en témoigne une note d’éditeur dans le volume 26 des Œuvres complètes de Walter Scott dans l’édition Sautelet, consacré à la Prison d’Édimbourg-: La vérité est grande et elle prévaudra. - On a souvent fait remonter l’influence exercée par Sir Walter Scott sur les nouvelles idées et sur les nouvelles entreprises littéraires-: nous ne saurions nous dispenser de faire observer ici que ce passage amplifié est devenu l’avant-propos d’un ouvrage récemment publié sous le titre de Causes célèbres étrangères et auquel les éditeurs reconnaissent eux-mêmes que Walter Scott a fait penser 20 .- Comme je l’ai déjà dit, il ne s’agit pas d’une édition qui reprend le Magnum opus. La note qui glose une des citations latines du chapitre I renvoie au Magna est veritas, et praevalebit que nous avons déjà évoqué qu’un des avocats cite pour défendre son projet. La note fait référence à l’avant propos de l’éditeur cette fois des Causes célèbres étrangères publiées la même année et qui effectivement évoque Scott 21 . Mais de quel fait divers s’agit-il-? 19 Introduction, note 1, Cœur de Midlothian in Œuvres de Walter Scott. t. 10, traduites par M. Louis Vivien, avec toutes les notes, préfaces, introductions et modifications ajoutées par l'auteur à sa dernière édition d'Édimbourg ; et de nouvelles notes historiques et littéraires par le traducteur, Paris, Lefevre, 1840,-p.-1.-http: / / gallica.bnf.fr/ ark: / 12148/ bpt6k5442538v/ f15.image. 20 La Prison d’Édimbourg, Œuvres complètes de Walter Scott, traduction nouvelle Defauconpret, Paris, Charles Gosselin, A. Sautelet, t.-26, p. 29, note. 21 Causes célèbres étrangères publiées en France pour la première fois, et traduites de l'anglais, de l'espagnol, de l'italien, de l'allemand etc. par une société de jurisconsultes et de gens de lettres, Paris, C. L. F. Panckoucke, 1827, vol. 1, p. vij. 71 The Heart of Midlothian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 L’avant-propos donne deux cas-: l’affaire Porteous, écrit cette fois Porteus, ainsi que la fin tragique de The Bride of Lammermoor. Aux côtés de Scott, on voit apparaître le nom de Shakespeare et de ses pièces tirées des chroniques anglaises 22 . On est ainsi plus proche de la grande histoire avec Shakespeare, ou plutôt d’histoires nobiliaires avec The Bride of Lammermoor, tandis que, comme en témoigne l’article du Dictionnaire universel des Littératures de Gustave Vapereau, l’histoire d’Effie et de Jeanie est plutôt identifiée comme une histoire domestique 23 . Le procès en infanticide n’est pas évoqué à proprement parler comme un fait divers, même si les connaissances de Scott en matière de droit et de vocabulaire légal sont relevées par Amédée Pichot dans son Voyage historique 24 . Le sensationnalisme du genre des Causes célèbres est minimisé dès lors que les divers commentateurs mettent l’accent sur le pathétique 25 ou sur l’héroïque grandeur de Jean Deans. La seule véritable historicité qui est accordée au cas, c’est sa représentativité pour dépeindre l’ethos et les mœurs des Puritains. Il résulte de cet infléchissement que la réception française, voire la traduction parfois, font subir au Heart of Midlothian, un intérêt tout particulier qui est porté soit sur «- les traits simples, primitifs de la nature humaine, ces passions qui animent toutes les générations-» propres aux «-plus grandes œuvres littéraires 26 -», soit la question religieuse ou éthique. Un roman avant tout exemplaire Le très long compte rendu que fait la Revue française de la Vie de Walter Scott est des plus emblématiques. En fait, on peut le lire comme la défense d’un art qui resterait fondé sur l’idéalisation et qui s’opposerait à une représentation des réalités basses. Certes, l’auteur anonyme concède que nombre des romans de Scott «-sont remplis des souvenirs transformés de son père, de ses sœurs, des vieux amis de son enfance-» 27 . Cette authenticité s’oppose aux invraisemblances romanesques et garantit la vérité des sentiments avant toute chose-; elle ne résulte pas de l’érudition pure qui est considérée comme 22 Ibid., p. vj. 23 Dictionnaire universel des littératures, éd. Gustave Vapereau, Hachette, 1876, p. 182-: «- le plus émouvant et, après L’Antiquaire, le plus parfait des romans- domestiques-de-Walter-Scott.-»-http: / / gallica.bnf.fr/ ark: / 12148/ bpt6k2207247. 24 Amédée Pichot, Voyage historique et littéraire en Angleterre et Ecosse, op. cit., p. 216. 25 Ibid. 26 «-Memoirs of the Life of Walter Scott by J. G. Lockhart/ Vie de Walter Scott par M. Lockhart- », Revue française 1838/ 02, t. 5, p. 30. http: / / gallica.bnf.fr/ ark: / 12148/ bpt6k5804746k. 27 Ibid., p. 33. 72 Fiona McIntosh-Varjabédian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 la partie mortelle des œuvres de Scott et des romans historiques en général. L’argumentaire est repris, parfois mot pour mot dans l’article «-Mémoire sur le roman historique-» datant de 1839 de Pierre-François-Léon Duchesne de La Sicotière dans les actes du Congrès Scientifique de France 28 , où toutefois la Prison d’Édimbourg n’est pas discutée. Les «-vêtemens, le langage, les préjugés et les croyances d’une époque-» donnent l’illusion de la vie, mais il ne s’agit selon l’article de la Revue française que d’une illusion temporaire qui vieillit mal 29 . Le jugement de Saint-Marc Girardin sur la Prison d’Édimbourg qu’il a pris comme exemple de l’amour fraternel au tome 2, publié initialement en 1849, rejoint cette même conception de la littérature qui privilégie les passions universelles. Jeanie Deans serait le personnage moderne la plus proche des grandes figures antiques 30 -: Il [Walter Scott] ne sort pas des bornes de la vraisemblance banale et vulgaire, en prenant la vraisemblance dans les hommes et les choses qui sont dignes du souvenir de l’histoire 31 . L’inscription dans l’histoire a clairement une fonction épidictique en proposant des figures dignes d’éloge. Derrière le jugement de Girardin, il faut saisir son rejet des intrigues romanesques centrées sur les rapports amoureux mais aussi des représentations du peuple qu’il juge grossiers et laids 32 . Les critiques à l’instar de Girardin soulignent l’idéalisme de Scott qui s’exprime au travers de Jeanie. Pour Girardin, il a «-cette intuition du beau et du bon à travers les ténèbres de l’âme humaine-» 33 , de même pour Auguste Barbier, la vérité qu’il voit dans la Prison d’Édimbourg a partie liée avec le Beau et le Bien, «- une des formes de l’essence divine 34 .» L’intransigeance morale de Jeanie combinée à son dévouement absolu en font une figure d’une grandeur transfigurée. Ce mode de lecture explique pourquoi Jeanie est prise comme illustration d’un cas moral, à l’instar des anecdotes qui ont joué un rôle dans les recueils 28 Pierre-François-Léon Duchesne de La Sicotière, Congrès scientifique de France: 7 e session, tenue au Mans, en septembre 1839, Paris, Derache, Le Mans, Richelet, t. 1, p. 467 sqq. Google-Books-ID: WUs9AAAAYAAJ. 29 Revue française, op. cit., p. 31. 30 Saint-Marc Girardin, Cours de littérature dramatique, ou de l’usage des passions dans le drame, Paris, Charpentier, 7 e édition, 1860, p. 36. http: / / gallica. bnf.fr/ ark: / 12148/ bpt6k6132600z. 31 Ibid., p. 137. 32 Ibid., p. 137-138. 33 Ibid., p. 142. 34 Auguste Barbier, Œuvres posthumes, revues et mises en ordre par A. Lacaussade et E. Grenier, Paris, L.-Sauvaitre, 1883-1889, t. 3. Ecrivains étranger, chapitre «-Le Mensonge de Desdemone-», p. 170. http: / / gallica.bnf.fr/ ark: / 12148/ bpt6k1067513. 73 The Heart of Midlothian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 d’histoires exemplaires. Deux exemples plus tardifs témoignent de la fonction de la Prison d’Édimbourg dans une réflexion morale de type casuistique. Que ce soit Francisque Bouillier ou Paul Doumergue, pasteur, fondateur de la revue Foi et vie, c’est la légitimité qu’aurait eue Jeanie à mentir pour sauver sa sœur. Selon Francisque Bouillier dans ses Questions de morale pratique (1889), il faut distinguer plusieurs types de mensonges-: les mensonges par fourberie, qu’il condamne et les mensonges héroïques pour sauver des vies. Dans cette dernière catégorie, il sépare les tribunaux irréguliers où il est légitime de mentir pour sauver des innocents, des tribunaux réguliers où il est du devoir des témoins et des proches de dire toute la vérité. C’est dans ce cas que Jeanie Deans est citée comme «-bel exemple de ce douloureux devoir héroïquement accompli 35 -». Paul Doumergue de son côté fait de cette exigence de vérité une pierre d’achoppement fondamentale entre le Catholicisme («-[l]a conscience catholique distingue entre les mensonges qui sont péchés mortels et ceux qui sont seulement péchés véniels-» 36 ) et le Protestantisme, entre la «-démoralisation, où les Jésuites sont engagés-» (ibid.) et l’exigence protestante. La Prison d’Édimbourg est qualifiée d’-«-épopée de la Droiture-» (ibid) où on respire un- «- souffle de puritanisme- », expérience jugée délicieuse 37 . Enfin, en développant l’idée d’un «- contrat direct avec Dieu dans la personne du Christ- », Doumergue se montre très proche de l’esprit des personnages du roman et en particulier du père David ancien Covenanter. Les critiques n’insistent pas systématiquement sur le protestantisme de Jeanie et de sa famille, sur, en somme, leur inscription dans un lieu, dans un temps et dans des circonstances singulières, mettant plutôt en avant, on l’a vu, l’universalité des sentiments en jeux. Cependant Girardin explique rapidement l’intransigeance de Jeanie par «- la règle inflexible et sacrée- »- : «- L’austère puritaine ne connaît pas les capitulations de la conscience- » 38 . Le contexte du propos ne suggère une critique particulière à l’encontre de la foi des Deans. D’autres commentateurs relèvent au contraire davantage cette particularité pour signaler un écart culturel important que le lecteur est invité à imaginer. Amédée Pichot est un des plus sévères à l’encontre des mœurs imposées par la religion à la société écossaise-: «-La tyrannie inquisitoriale exercée en Écosse par le clergé presbytérien voudrait condamner 35 Francisque Bouillier, Questions de morale pratique, Paris, Hachette, 1889, p. 268- 269. http: / / gallica.bnf.fr/ ark: / 12148/ bpt6k65401v. 36 Paul Doumergue, «-Le Dr Horton sur la «-Vérité-», Martensens et Walter Scott. Le devoir absolu de dire la vérité et la nouvelle naissance-», rubrique «-Les Idées du Jour-», Foi et Vie-: revue de quinzaine, religieuse, morale, littéraire, sociale, 1899, 06, 16, p. 187. http: / / gallica.bnf.fr/ ark: / 12148/ bpt6k5729275f. 37 Id. ibid. p. 188. 38 Girardin, op. cit., p. 147. 74 Fiona McIntosh-Varjabédian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 tous les Écossais à l’austérité de David Deans (de la Prison d’Édimbourg) 39 -». Un compte rendu de l’opéra tiré du roman explique peut-être pourquoi Jeanie n’est pas traitée comme une figure entièrement étrangère à la culture française et à l’époque majoritairement catholique-: […] - ne dirait-on pas qu’il [Scott] n’a fait Jeannie que pour donner un pendant plein de candeur et de charme à cet autre puritain vagabond, menteur et sanguinaire, Mac-Briar-? Et en effet, Jeannie est la contre-partie bourgeoise, silencieuse, calme, décente, réservée, honnête, du puritanisme de grand chemin, brouillon, emporté, débraillé, osant tout, même le crime- ! Tomber des Puritains d’Écosse à la Prison d’Édimbourg, c’est plaider pour la Bible après avoir plaidé contre elle- ; c’était montrer le fanatisme sous son jour le plus pur- ; c’était laisser la lecture dans une incertitude salutaire, ou plutôt c’était lui apprendre que c’est une si bonne chose la croyance, que même le fanatisme, lorsqu’il est réglé, peut conduire à la plus sublime vertu, comme il conduit le plus souvent aux crimes les plus atroces. À mon sens, rien n’est aimable comme Jeannie Deans 40 . En effet, l’auteur de l’article met l’accent sur sa normalité, sa mesure, sa vertu, elle transcende sa culture initiale. C’est pourquoi, dans ce contexte critique, il est étonnant que Balzac mette l’accent sur l’irréductible spécificité de la femme protestante au regard de la femme au point de s’appuyer sur elle pour, en somme, affirmer la supériorité de la Comédie humaine sur les Waverley Novels-: Obligé de se conformer aux idées d’un pays essentiellement hypocrite, Walter Scott a été faux, parce que ces modèles étaient schismatiques. La femme protestante n’a pas d’idéal. Elle peut être chaste, pure, vertueuse- : mais son amour sans expression sera toujours calme et rangé comme un devoir accompli. […] Dans le protestantisme, il n’y a rien de possible pour la femme après la faute […]. Le modèle qui l’inspire dans cette réflexion c’est, de façon explicite, Effie, qui, pour la petite histoire, se retire dans un couvent à la fin de sa vie romanesque. Si le roman de la Prison d’Édimbourg a été éclipsé en France par les romans de chevalerie, il a connu un beau succès au XIX e et ses personnages, princi- 39 Amédée Pichot, op. cit., p. 242. 40 «-Théâtre de l’opéra comique. La Prison d’Édimbourg opéra comique en trois actes, paroles de MM. Scribe et Planard, musique de M. Caraffa-», Journal des débats politiques et littéraires, 22 juillet 1833, article signé J.J., N.P. 75 The Heart of Midlothian Œuvres & Critiques, XLIV, 1 (2019) DOI 10.2357/ OeC-2019-0006 palement Jeanie, mais également Effie et David constituent des références culturelles durables. Jeanie, plus encore que son père et sa sœur, a servi à alimenter des cas moraux, en ce sens elle appartient à la littérature exemplaire au sens des nouvelles du XV e et XVI e siècles qui s’appuyaient parfois aussi sur des faits divers. Les lecteurs de Scott ont perçu une matière qu’ils ont jugée sublime et qui, de ce fait, a dépassé le pur sensationnalisme des Causes célèbres. Le cadre historique du roman a également été peu identifié par la critique française, malgré les analogies potentielles qui existaient entre la Révolution et les émeutes d’Édimbourg.
