Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.2357/PFSCL-2019-0026
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2019
4691
De nouvelles perspectives sur la réception critique des Pensées de Pascal sous la Troisième République
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Ralph Albanese
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PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 De nouvelles perspectives sur la réception critique des Pensées de Pascal sous la Troisième République R ALPH A LBANESE (T HE U NIVERSITY OF M EMPHIS ) Quand on s’interroge sur l’histoire posthume de l’œuvre de Pascal, on songe, d’abord, à l’immense popularité des Lettres provinciales auprès du public laïc du XVII e siècle. Les Pensées, par contre, ont connu leur postérité spirituelle au XIX e siècle, et notamment à partir des années 1880. C’est ainsi que Lanson affirme que « [l]e XIX e siècle a enfin mis ce prodigieux génie à sa juste place, » puisqu’il avait été mal compris aux XVII e et XVIII e siècles 1 . Si l’on admet que Pascal a exercé une influence considérable sur les Français à cette époque particulière, c’est que sa réputation en tant que classique scolaire se trouvait à son apogée entre les années 1880 et 1920 2 . Figure importante dans la spiritualité chrétienne, et en particulier du renouveau catholique qui augmente à mesure qu’on s’approche de la Première Guerre mondiale, l’auteur des Pensées a fini par atteindre une dimension patrimoniale à l’École républicaine au moment même où la critique universitaire s’est fortement préoccupée de lui. La jeunesse française prenait alors goût à lire les Pensées 3 . La fin du XIX e siècle étant marquée par la conjonction de l’extrême droite avec le nationalisme, on comprend sans peine la pertinence des 1 Manuel d’histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1938, 217. 2 S’appliquant à assurer la postérité historique et socioculturelle des Pensées, V. Giraud montre à quel point Pascal apparaît comme l’auteur classique le plus contemporain à cette époque (« Pascal et la critique contemporaine, » 1-56 ; voir notamment les pages 18-19, 22-25, in Livres et questions d’aujourd’hui, Paris, Hachette, 1907. 3 Se reporter ici à « Agathon, » pseud., qui vise à défendre l’idée passéiste du « génie national, ou bien du génie de la ‘race’ » (A. de Tarde et al., L’Esprit de la Nouvelle Sorbonne, Paris, Mercure de France, 1911, 308). Ralph Albanese PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 386 valeurs religieuses dans la société française lors de cette première partie de la Troisième République (1880-1920). De telles valeurs témoignent de l’état particulier des mentalités des Français de cette époque. Leur identité culturelle s’avère, en fait, soutenue par un ensemble de modes de pensée ancré dans le christianisme 4 . Notons aussi que l’École vise à l’édification morale pour renforcer le relèvement des jeunes après la défaite de 1870 5 . Désireuse de prendre sa revanche, la jeunesse de la génération d’avant-guerre s’engage dans les valeurs religieuses et nationales et dépasse le scepticisme de leurs maîtres 6 . La création de la Ligue de l’Action française en 1905 entraîne la participation de Jules Lemaître et Henry Bordeaux en tant que membres puisqu’ils sont revenus au catholicisme 7 . D’ailleurs, les manifestations de Lourdes au début du siècle s’accompagnaient de pèlerinages ; les multiples processions en Bretagne et dans le Pas-de-Calais témoignaient aussi du renouveau spiritualiste à cette époque (93). Après la guerre franco-prussienne, on a affaire à un « rayonnement social du christianisme » qui s’étend jusqu’à 1940. D’où la conversion de Huysmans et de Barrès (95). On assiste, en fait, à une chaîne de conversions pendant cette période : Brunetière, Bourget, Claudel, Green et Jammes (98). D’après M. Launey : […] l’histoire intellectuelle des années 1915-1925 [est] marquée par la conversion d’écrivains, de poètes ou de philosophes : Péguy, Maritain, Psichari, etc. […] Joseph Lotte ami de Péguy et comme lui dreyfusard et anticlérical […] retrouve la foi en 1908, associant mystique chrétienne et mystique nationale. 8 4 À en croire A. Prost, on assiste à un ralliement catholique entre 1878 et 1901 : « […] l’effectif des écoles congréganistes passe de 623 000 élèves à 1 257 000 [… et] le gouvernement n’avait nullement entamé cette évolution » (Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, Paris, Colin, 1968, 204). 5 La volonté de préparer la revanche contre l’Allemagne est affirmée sans ambiguïté en 1890 par le ministère de l’Instruction publique : ‘Jamais il ne fut aussi urgent de former des générations saines, vigoureuses, toujours prêtes à l’action et même au sacrifice (Instructions de 1890).’ « La littérature, comme l’Histoire et comme la mise en valeur du patrimoine architectural, doit jouer un rôle dans cette formation morale et patriotique » (V. Houdard-Mérot, Les Patrimoines littéraires à l’école, Paris Champion, 2015, 36). 6 Voir à ce sujet D. Eastwood, The Revival of Pascal (A Study of His Relation to Modern French Thought), Oxford, Clarendon, 1936, 85. 7 J-P. Lapierre, « Laïcisation, union sacrée et apaisement (1895-1926), » in J. Le Goff et al., éds., Histoire de la France religieuse, IV, Paris, Seuil, 1993, 76. 8 L’Eglise et l’Etat en France, XIX e -XX e siècles, Paris, Desclée, 1988, 121. La réception critique des Pensées de Pascal PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 387 À cela s’ajoute la ferveur spirituelle des engagements militaires lors de l’avant-guerre qui se manifeste par la montée des taux de mobilisation des religieux (y compris d’ecclésiastes âgés). On organise aussi des prières particulières pour les combattants qui communiaient plus d’une fois par semaine 9 . C’est dans ce contexte de renouvellement chrétien que V. Giraud, représentant de la lignée catholique traditionnelle, soutient, dans un discours commémoratif, que les Pensées de Pascal occupent une place significative dans l’histoire intellectuelle française 10 . Aussi fait-il ressortir la valeur spirituelle incontestable des Pensées : il s’agit de « l’un des plus beaux manuels de vie intérieure qu’il y ait dans aucune langue » (859). Le critique met en relief, de plus, l’ampleur profonde de « la lignée » de Pascal, qui représente un véritable « saint de la pensée française » (860). Il faut tenir compte alors du tricentenaire de la naissance de Pascal (1623) qui se déroule au lendemain de la Première Guerre mondiale, et qui a eu pour effet d’obliger les Français à repenser leurs valeurs nationales. Il est évident que le cas Pascal s’avère intimement lié aux racines catholiques du nationalisme français. Notons également que Pascal a fait figure de convertisseur pendant sa vie : à savoir, deux de ses amis, le jurisconsulte Domat et le duc de Roannez (878). Dans une publication antérieure, V. Giraud, s’adressant au réveil de la sensibilité religieuse de cette première décennie du XX e siècle, affirme que l’ensemble des problèmes socioculturels relève principalement du rôle de la religion 11 . Œuvre de génie, les Pensées font appel avec vigueur, d’abord, aux problèmes particuliers de l’avant-guerre. De même, elles font preuve, à l’aube du XX e siècle, du « frémissement de la vie [qui] circule de nouveau en elles. » Après avoir constaté le débat intellectuel - c’est-à-dire, la « lutte d’idées » et les « conflits de doctrine » (xiv) - des « pascalisants » dans les années 1880-1890, Giraud signale qu’aucun écrivain n’a suscité autant de commentaires, à tel point que l’on peut parler alors d’un culte national de Pascal : […] en l’espace de moins de deux années, 1896-1897, il a paru jusqu’à cinq éditions nouvelles des Pensées et deux réimpressions ; en moins de six ans, de 1890 à 1905, six volumes, six études d’ensemble consacrées à Pascal ont vu le jour. Pascal serait-il donc en passe de détrôner Voltaire ou Molière dans cette ferveur et cette communauté d’admiration que l’on professe 9 Lapierre, 119. Il faut tenir compte du retour des moines enseignants expulsés après 1905. 10 « Blaise Pascal à l’occasion de son troisième centenaire, » Revue des deux mondes, 5 (1923), 856. 11 Livres et questions d’aujourd’hui, préface, xiii. Ralph Albanese PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 388 d’ordinaire pour le grand écrivain qui représente le mieux le génie d’une race ? Cette œuvre de Pascal s’insère donc dans l’identité culturelle de la France : « Et commencerions-nous à être aussi fiers de l’auteur des Pensées que les Italiens le sont de leur Dante, et les Anglais de leur Shakespeare ? » (2). Ce goût profond pour les Pensées à ce moment particulier s’exprime en premier lieu par une volonté d’apprendre davantage sur cette œuvre énigmatique qui s’adresse, en fait, aux aspirations profondes de la première moitié de la Troisième République (1880-1920) : Pascal parvient décidément à ébranler alors les esprits (40-41) ; il faut tenir compte aussi de la diversité exceptionnelle du style pascalien dont Giraud fait grand cas. Tout se passe comme si Pascal était en communication directe avec la « sensibilité contemporaine » de ses descendants (42). Giraud soutient également que, grâce à son goût de la pensée dialectique, Pascal annonce les penseurs de la modernité, tels Darwin et Spenser. Il réussit, enfin, à défendre les Français contre le reproche de « légèreté et de prosaïsme » : […] [les] Pensées [constituent] le livre que bien des esprits à l’heure actuelle considèrent comme le plus beau de la langue française, comme le plus représentatif des hautes qualités de notre race. Quand Goethe déclarait Voltaire « le plus grand écrivain que l’on pût imaginer parmi les Français, » il se trompait, et il oubliait au moins Pascal : ni pour la force et pour l’éclat du style, ni pour la profondeur de la noblesse de la pensée, Voltaire n’est comparable à Pascal. A ceux qui seraient tentés de nous accuser, nous autres Français, de légèreté et de prosaïsme, nous pouvons répondre par ce mince recueil des Pensées (56). Conformément à l’optique de V. Giraud, A. Hatzfeld estime que Pascal se fait l’interprète du « malaise moral du XX e siècle 12 . » Selon lui, le nouveau « mal du siècle » se ramène à un « tourment de l’infini » (278), et les pessimistes modernes en arrivent à enrôler Pascal dans leur vision désespérée. Toutefois, Hatzfeld précise que les pessimistes dans la lignée de Schopenhauer ne trouvent aucun remède à leur désespoir (279). Quant à J. Maritain, il soutient que bon nombre de Français catholiques invoquent le patronage de Pascal, c’est-à-dire, la protection de sa sainteté 13 . Mais il reconnaît que la prière pascalienne ne s’avère pas dépourvue de traces jansénistes (197). C’est ainsi qu’il rend compte du sort déplorable de Pascal à l’école depuis la fin du XIX e siècle : « Il est tombé entre les mains des philosophes » (198). Après avoir signalé la postérité philosophique de Pascal, à savoir, l’idéalisme de Kant et le pragmatisme de William James, 12 Pascal, Paris, Alcan, 1901, vii. 13 « Pascal apologiste, » Revue hebdomadaire, 32 (1923), 194. La réception critique des Pensées de Pascal PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 389 Maritain regrette que les philosophes contemporains aient annexé Pascal à leurs systèmes. L’édition « philosophique » de L. Brunschvicg fait le partage des fragments religieux et des fragments non-religieux, et on sait que cette édition a fait autorité sous la Troisième République 14 . Compte tenu du classement rationaliste opéré par Brunschvicg, il va de soi que l’École républicaine s’appuie sur la partie « philosophique » des Pensées, c’est-à-dire, les fragments non-apologétiques. Ces fragments se ramènent, pour l’essentiel, à la philosophie, à la morale et aux belles-lettres. De plus, il faut noter que les argumentations pascaliennes s’avèrent parfois laïques, car elles ne s’accordent pas toujours aux normes religieuses : […] il lui arrive d’emprunter une argumentation purement laïque, entièrement détachée des exigences religieuses : « Je ne dis pas ceci par le zèle pieux d’une dévotion spirituelle. J’entends au contraire qu’on doit avoir ce sentiment par un principe d’intérêt humain et par un intérêt d’amourpropre » (éd. Sellier 681). 15 C’est ainsi que P. Sellier fait ressortir le « contresens stupéfiant » qui consistait à annexer l’auteur qui rejetait catégoriquement la philosophie en tant que discipline 16 . Dans cette même perspective, G. Truc 17 s’en prend à l’enseignement défectueux des maîtres laïques, qui manquent de saisir l’angoisse pascalienne ; ils en viennent à transformer l’auteur des Pensées en psychologue ou en moraliste 18 . Il prend vigoureusement à partie la laïcisation de Pascal car il s’agit pour lui d’une tentative mal placée de fausser l’identité réelle de cet auteur. Truc revendique, plus précisément, la portée apologétique du « Pascal chrétien. » Il finit par mettre en valeur l’idée que le « Pascal intégral » manque à l’ensemble des catégories socio-professionnelles du monde contemporain : Ce Pascal que nous restituons ainsi, intégral et qui se pose devant notre temps et s’y impose en juge, à la fois en témoin et en avocat d’une cause qui a été la sienne et qui a cessé d’être la nôtre, n’est ni celui des professeurs, ni celui des esthètes, des hommes de parti ou de secte, des simples spécialistes […] (340). 14 L. Brunschvicg, et al., éds., Œuvres complètes de Pascal, « Les Grands Ecrivains de la France, » 14 vols., Paris, Hachette, 1908-1925. 15 B. Parmentier, Le Siècle des moralistes, Paris, Seuil, 2000, 98. 16 P. Sellier, éd. Pensées, Paris, Hatier, 1972, 12. 17 Bien que son analyse porte sur les années 1940, elle reste néanmoins valable pour la Troisième République puisque le régime de Vichy prend la relève de l’enseignement clérical d’avant. 18 Pascal, son temps et le nôtre, Paris, A. Michel, 1949, 337. Ralph Albanese PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 390 Conformément à l’Ancien Régime, qui a été marqué par une civilisation chrétienne, Truc soutient que la France du XX e siècle se doit de garder sa « religion nationale » (215). Il est évident alors qu’il se montre soucieux de restituer le sacré au sein de la société française. À son aversion vis-à-vis de la tendance critique à fausser « notre Pascal » (353) s’ajoute sa condamnation du matérialisme moderne. En fin de compte, Truc s’en prend à « ces deux fléaux de l’époque moderne : le scientisme et ce que l’on peut appeler l’historicisme » (354). Pour en revenir à la période de l’avant-guerre, une des grandes figures dans l’histoire de la réception critique des Pensées est Charles Péguy. Bien que socialiste en fin de siècle, il a retrouvé sa foi catholique vers 1908 et a fini par adopter la mystique nationaliste à la veille de 1914. Remarquons qu’il n’a jamais abandonné ses idéaux socialistes jusqu’à sa mort. Mobilisé en 1914, sa mort au combat au début de la guerre n’a pas empêché qu’il ait pu jouir d’une grande réputation au cours de la Troisième République, notamment pendant les années 1930. Désireux de restaurer les valeurs traditionnelles, Péguy s’est avéré le disciple de Bergson et sa mystique de l’héroïsme rend compte de son admiration profonde pour Pascal, qu’il considérait comme son maître à penser. En 1900, Péguy évoque l’aspect problématique de la lecture des Pensées au lycée : […] il y a toujours quelque hésitation quand Blaise Pascal est un auteur du programme. Cette incommunication est aussi un empêchement grave à tout enseignement, primaire, secondaire, ou supérieur. Je me rappelle fort bien que tout au long de mes études je me suis réservé la plupart de mes auteurs pour quand je pourrais les lire d’homme à homme, sincèrement. 19 La question se pose alors : faut-il, dans les écoles congréganistes, dénoncer le dogmatisme janséniste ? C’est ainsi que Péguy s’interroge sur la difficulté réelle de discuter, à tous les niveaux de l’enseignement, les problèmes qui relèvent de l’énigme de la destinée humaine. Il passe en revue alors plusieurs sujets de baccalauréat qui sont tirés des Pensées. A ses yeux, développer un tel sujet se ramène à un rite de passage dans l’univers scolaire : La vigueur, la justesse, la nouveauté, la fraîcheur de la métaphore l’a installé dans la mémoire des hommes et les bons examinateurs l’ont souvent donné à développer au baccalauréat : Développer cette pensée de Pascal : L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Alors il fallait redire en six pages de mauvais français tout 19 « De la grippe, » Cahiers de l’amitié Charles Péguy (1900), 40. La réception critique des Pensées de Pascal PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 391 ce que le grand Blaise avait dit en douze lignes. Cet exercice conférait l’entrée à l’apprentissage des arts libéraux (49). Dans ses Cahiers de 1911, aux noms des grands saints français, Péguy ajoute ceux de Jeanne d’Arc, Pascal et Corneille 20 . Il exalte alors l’« unique beauté » de Polyeucte - dont il admire tout particulièrement le stoïcisme de Sévère - puisque cette tragédie sainte « […] est dans la ligne et dans la race des saints et des martyrs. Et il est dans la ligne et la race de Jésus-Christ » (68). Remarquons aussi que Pascal compare le comportement du « dernier des malades [qui] imite littéralement, efficacement la Passion même de Jésus, » et l’on songe bien évidemment ici à la notion d’imitatio christi (63). Évoquant « le drame mystique et politique de Péguy, » J. Riby signale que l’auteur du Mystère de la charité de Jeanne d’Arc met en cause les abus inhérents au « régime démocratique 21 . » D’après lui, Péguy fait preuve de « la même ferveur » pascalienne : tous deux partagent la même vision du Christ. Riby fait observer d’ailleurs que c’est pendant l’hiver de 1900 que Péguy, alors socialiste, embrasse la foi chrétienne. Souffrant de la grippe et alité, Péguy s’est trouvé obligé de consulter la « Prière pour demander à Dieu le bon usage des maladies » (7). Fidèle à l’idéal de la République, en 1912, il importe de noter que Péguy finit par dénoncer « cet affreux régime démocratique. » Conformément à Maurras, il met en évidence « son dégoût de la démocratie » (11). Le critique signale alors l’influence exercée par Pascal sur Péguy : Influence veut dire ici libération. Dans Pascal, comme dans Bergson, c’est une libération qu’a trouvée Péguy. L’action qu’ils ont eue sur lui, l’un et l’autre, n’a fait qu’éveiller, avec des affinités et des amitiés latentes et, pour ainsi dire, préexistantes, sa personnalité profonde et sa propre liberté. L’angoisse de Péguy s’explique, enfin, par une misère existentielle analogue à celle de Pascal (12). Alors que Péguy et Barrès étaient tous deux des catholiques nationalistes, Péguy insistait davantage sur la religion et Barrès attachait une plus grande importance à la politique. À l’instar de Péguy, Maurice Barrès s’applique à dégager les éléments d’un rapprochement entre Pascal et Corneille. Il soutient que la beauté poétique des vers cornéliens a sans doute influencé le jeune Pascal dans la mesure où tous deux se sont inscrits dans l’idéal catholique et chevaleresque : « On aime à se figurer le jeune Blaise Pascal dans une sorte de veillée d’armes, recevant de Corneille l’entraînement héroïque de l’âme 22 . » Cet entraînement a, de toute évidence, bien 20 « Textes divers, » Cahiers de l’amitié Charles Péguy (1911), 64. 21 « Pascal dans l’œuvre de Péguy, » Cahiers de l’amitié Charles Péguy, I (1947), 25. 22 L’Angoisse de Pascal, Paris, G. Grès, 1918, 16-17. Ralph Albanese PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 392 servi les soldats français victorieux en 1918. C’est en ces termes que Barrès envisage l’imprégnation de l’idéal cornélien chez l’auteur des Pensées : « […] où qu’il [=Pascal] pénètre, il est bientôt, d’une certaine manière, non pas l’égal, mais le plus noble » (20) 23 . Il fait ressortir, du reste, l’aspect sublime de ce « héros catholique » (35) et admire chez lui « cette exaltation perpétuelle de l’honneur, de la fierté, du sacrifice […] cet idéal de renoncement à tout ce qui n’est pas le plus noble » (36-37). Dans L’Angoisse de Pascal, Barrès s’emploie à fournir des conseils à son ami Corpechat, qui va livrer une conférence en mars 1909 à l’Université des Annales « au profit de la Ligue des Patriotes » (préface, vi). Il vise avant tout à rapprocher Pascal de Corneille, notamment vis-à-vis de la grandeur morale de ces deux auteurs canoniques qui prônent l’idéal de perfectionnement : « Il y a certains auteurs, Corneille et Pascal, au premier rang, que nous étudions non pas seulement pour nous y plaire, mais pour devenir meilleurs. Cela tient à la grandeur de leur âme » (1-2). Il s’agit donc de pousser les auditeurs à s’identifier aux valeurs propres à la personnalité de Pascal, en particulier, celle du perfectionnement moral. Dans son analyse du « Mémorial, » Barrès insiste en particulier sur le sentiment pascalien de joie spirituelle (21). Il en arrive à exalter l’intensité de ce sentiment religieux dont les Pensées représentent « [un] Livre sublime où l’esprit des cloîtres réapparaît après un intervalle de plusieurs siècles » (95). A ses yeux, Pascal apparaît, paradoxalement, comme un héros cornélien de la Foi. Fort marqué par la défaite de 1870, Barrès cherchait avant tout à reconquérir les provinces perdues. Selon lui, les Français se rattachent étroitement à une tradition, notamment en se livrant aux forces de la terre. Il se fait alors l’apôtre du nationalisme organique et son culte de la personnalité suppose la défense de son moi contre la force des « barbares ». De plus, l’idéal du traditionalisme chez lui, comme chez Maurras, a eu pour effet de renforcer l’influence grandissante de l’Église à cette époque. Afin d’éclairer l’impératif nationaliste chez Barrès, il faut se rappeler qu’il s’est inspiré de la philosophie de Taine. De là, le rôle du déterminisme ethnique et naturaliste dans le développement de la pensée barrésienne. S’avérer nationaliste, pour lui, c’est souscrire à une vision déterministe de l’Histoire. A en croire Z. Sternhell, le nationalisme barrésien se ramène à un impératif éthique. C’est ainsi qu’il envisage l’épistémologie nationaliste de Barrès : 23 D’après J. Mesnard, l’idéal pascalien comporte une dimension héroïque, à savoir, le dépassement de soi et l’aspiration au souverain bien. Il signale, d’ailleurs, que cet idéal fait partie intégrante de l’atmosphère du règne de Louis XIII (« Les Idées morales dans l’œuvre de Pascal, » L’Année propédeutique [1951], 138-143). La réception critique des Pensées de Pascal PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 393 Dans les Deracinés, Barrès avait déjà soutenu que « la vérité, c’est ce qui satisfait les besoins de notre âme ; » plus tard, il s’élèvera contre « les misérables qui veulent enseigner aux enfants la vérité absolue, » alors qu’ « il faut enseigner la vérité française, c’est-à-dire celle qui est la plus utile à la nation. » 24 À cela s’ajoute un élément antirationnel de sa pensée. Aux antipodes de la mystique jacobine, la pensée de Barrès se situe dans un populisme revanchard et anti-intellectualiste (174-75). La génération de 1890 a été marquée donc par la droite nationaliste française ou, plus précisément, l’extrême droite. À la manière de Barrès, Ferdinand Brunetière cherche à exalter les valeurs collectives sous-jacentes à l’identité nationale en s’inspirant du traditionalisme moral. Par rapport à Péguy et Barrès, il se situe sans doute dans une position intermédiaire. Professeur à l’École Normale Supérieure, directeur de la Revue des deux mondes (1894-1906), catholique modéré et antidreyfusard, il s’insère dans la droite antirépublicaine et joue un rôle important dans l’univers littéraire et académique de la Belle Époque. S’en remettant au dogmatisme de Nisard, il voue un culte au classicisme, qui se montre intimement lié au sentiment national. Après avoir passé en revue un grand nombre d’éditions confessionnelles des Pensées au XIX e siècle - celles de Frantin (1835), de Faugère (1844), d’Astier, pasteur protestant (1857), de Rocher (1873) et, enfin, de Molinier (1877-79) - Brunetière reconnaît que cette œuvre énigmatique, qui a donné lieu à tant de « controverse entre philosophes et chrétiens, » échappe à toute tentative éditoriale d’atteindre au « vrai plan de Pascal, » c’est-à-dire, à la restitution définitive de l’Apologie de Pascal 25 . Pour sa part, l’édition de Port- Royal (1670) lui semble la meilleure puisqu’elle correspond au « vrai sens des intentions de Pascal et la pensée de ses Pensées. Et nous n’avons vraiment que faire du manuscrit autographe » (945). Avant d’arriver à cette conclusion, le critique estime que l’image de l’homme pleinement désespéré découle, chez Pascal, de la misère propre à la condition humaine (944). Aussi s’inscrit-il à la doctrine janséniste d’une nature humaine irrémédiablement corrompue. A l’instar de Pascal, il s’applique ainsi à vaincre la nature, d’où sa tendance janséniste. Dans son Histoire de la littérature française classique, manuel qui a fait concurrence à celui de Lanson, Brunetière privilégie le jansénisme aux dépens du cartésianisme 26 . Du reste, il s’interroge sur la diversité d’images de 24 La Droite révolutionnaire, Paris, Seuil (1978), 170. 25 « Le Problème des Pensées de Pascal, » Revue des deux mondes, 34 (1879), 944. 26 Histoire de la littérature française classique, II, Paris, Delagrave, 1912. Ralph Albanese PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 394 Pascal depuis le début du XIX e siècle : sceptique, mystique et romantique. Mieux vaut dire, selon lui, qu’il s’agit tout simplement d’un chrétien converti au jansénisme qui s’adresse à ses contemporains afin de les amener à la foi (299). Brunetière souligne aussi la portée de la seconde conversion de Pascal (1654), qui l’a réellement transformé en « théologien janséniste et ascète chrétien » (308). Il passe alors à l’éloge des Pensées : « […] il n’y a pas dans la littérature française, ni dans aucune littérature peut-être, de plus beau livre, de plus sincère ni de plus émouvant que ces fragments épars et mutilés que nous appelons les Pensées de Pascal » (308). Si Brunetière met en valeur l’absence de tout esprit d’outrecuidance chez Pascal, c’est qu’il s’aperçoit du fait que l’identité française est enracinée dans le catholicisme : l’auteur des Pensées incarne le mieux non seulement le génie national mais aussi la France chrétienne. Brunetière attribue à Pascal, par ailleurs, l’invention « en littérature […] [de] la prose naturelle » (301) et tient compte du rôle des fragments nonapologétiques (309). Par son insistance sur la volonté, Pascal finit par s’inscrire en faux contre la doctrine intellectualiste de Descartes et pressentir la pensée de Schopenhauer (314-315). Quant au dogmatisme janséniste de Pascal, il se situe aux antipodes de la vision philosophique de Rousseau (316). Malgré l’opposition définitive du cartésianisme et du jansénisme, Brunetière affirme que Descartes et Pascal représentent « les instituteurs de la pensée européenne » : ayant pris la relève de Montaigne et Galilée, ils parviennent à faire pressentir le rôle de Bossuet et de Voltaire dans l’histoire intellectuelle de l’Ancien Régime (319). Nous avons mis en évidence la primauté des valeurs nationales et religieuses chez des figures importantes de la génération d’avant-guerre. Représentants de la droite nationaliste, Péguy, Barrès et Brunetière témoignent, à des degrés divers, de l’emprise de ces valeurs, notamment grâce à leur contribution décisive au culte national de Pascal. En guise de conclusion, il serait bon d’examiner brièvement dans quelle mesure la Première Guerre mondiale a eu pour effet de poser une problématique pascalienne par excellence, à savoir, la situation existentielle de l’homme en face de la mort. 27 Véritable hécatombe, la Grande Guerre a profondément démoralisé les Français. Face à cette énorme déception, les Pensées ont donné à de 27 Il convient de faire remarquer ici que l’éveil du nationalisme sous la Troisième République est marqué par l’alliance entre l’Armée et l’Église. Selon P. Gerbod, « […] la référence pédagogique aux modèles héroïques devient une tâche collective développée concurremment par l’État, l’École, l’Armée et l’Église catholique » (« L’Éthique héroïque en France [1870-1914], » Revue historique, 268 [1982], 409). La réception critique des Pensées de Pascal PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 395 nombreux soldats et officiers un soutien moral profond. Ainsi, l’aspirant Jean Bouvier se livre à cette méditation dans une « gazette au front » : Jadis nous regardions la vie, parfois de loin la mort, et de plus loin encore l’éternité. Aujourd’hui nous regardons de loin la vie, de près la mort, et de plus près peut-être cette éternité […] nous nous trouvons sur la même cime que toi, ô sage de Port-Royal. Et tu es notre grand ami, Pascal, parce que tu ne nous as pas déçus, parce que tu nous avais devancés et que tu nous accueilles au point même où nous l’eussions souhaité, et parce que tu donnes à nos pensées la nourriture qu’elles exigent. 28 Dans la mesure où Jean Bouvier s’avère « disciple » de Pascal, c’est-àdire, prêt à accepter la mort, J. Chevalier se demande : la discipline militaire ne vise-t-elle pas à « abêtir » l’homme en lui soumettant à un modèle d’obéissance absolu ? L’insistance pascalienne sur la grâce divine sert alors à renforcer la soumission à l’autorité. S’assujettir et s’incliner ponctuellement à l’autorité du commandant, voilà, après tout, le but principal du soldat (285). On sait que Pascal servait souvent de compagnon d’armes pour de nombreux soldats français 29 . Le soldat chrétien Dupouey se montre, lui, obsédé par les Pensées et il meurt le Jeudi Saint dans les tranchées (le 1 er avril 1915) : « Il écrit à Mireille, ce cœur noble accordé si purement au sien : ‘Cherche ce beau passage, il te réjouira. Quelle pensée ? C’est celle où il dit : le Saint-Esprit repose invisiblement dans les reliques de ceux qui sont morts dans la grâce de Dieu, jusqu’à ce qu’il y apparaisse visiblement dans la Résurrection’ 30 . » J-P. Lapierre, de son côté, évoque la mise en place des monuments commémoratifs « dédiés aux soldats morts pour la patrie » dans les 30,000 communes de France 31 . Dans Le Miracle français (1915), rédigé pendant la guerre, V. Giraud exalte « l’esprit des tranchées » qui va, d’après 28 Cité par J. Chevalier, Pascal, Paris, Plon, 1922, 10. Cette méditation, écrite au camp d’Hadol, apparaît en février 1916 dans la Marmite, publication militaire de l’époque. 29 Voir à ce sujet H. Peyre, qui évoque Les Confessions sans pénitence de Georges Duhamel (1941), un roman qui traite de ce même phénomène dans les camps des prisonniers lors de la Seconde Guerre mondiale (« Friends and Foes of Pascal in France Today, » Yale French Studies, 12 [1953], 9). 30 Cité par F. Hermans, « Pascal, signe de contradiction, » Revue générale, 137 (1937), 314. Bien qu’Hermans précise que Pascal hérite sa « contradiction » du Christ (314), il n’en demeure pas moins que l’auteur des Pensées incarne pour lui le christianisme authentique (318). Ce critique signale aussi le discrédit progressif de la réception critique de Pascal en France dès les années 1920. 31 Lapierre, 116. Ralph Albanese PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 396 lui, dominer la France d’après-guerre 32 . S’adressant à la jeunesse française qui s’engage sur le plan militaire, il leur rappelle la sainteté de leur effort, car il s’agit d’une guerre sainte, à l’instar des Croisades, contre les pays barbares qui représentent une menace pour la civilisation occidentale (62). En évoquant le besoin de « nourriture spirituelle » qu’éprouvent naturellement les poilus, Giraud laisse entendre que l’œuvre de Pascal ou de Corneille se révèle susceptible de satisfaire ce besoin humain. Prônant l’avènement d’une littérature qui sera mue par « une inspiration hautement religieuse, » il rappelle que la France est tout aussi bien chrétienne, c’est-àdire, « le pays de Pascal, » qu’elle est voltairienne. La guerre servant avant tout à « repétrir les âmes, » Giraud espère donc voir le triomphe d’une littérature spirituelle en France après la guerre (198). La suite de l’histoire met en évidence l’illusion : le renouvellement spirituel ne s’est réellement pas réalisé à cette époque. Après s’être réclamé de cette « interprétation mystique de l’histoire » afin de justifier l’avènement du « miracle français, » il signale l’engagement des prêtres-soldats dans la guerre ; ces patriotes se livrent à « la loi des curés sac au dos » et représentent des professeurs d’héroïsme qui sont morts au nom de leur foi chrétienne (202-203). Cette guerre constitue, en définitive, une mise en opposition entre non seulement « […] deux groupes et deux races, mais deux civilisations ou plutôt la barbarie et la civilisation même […] » (200-201) 33 . Ouvrages cités Barrès, Maurice. L’Angoisse de Pascal. Paris, G. Grès, 1918. Brunschvicg, Léon et al., éds. Œuvres complètes de Pascal, « Les Grands Écrivains de la France », 14 vols. Paris, Hachette, 1908-1925. Brunetière, Ferdinand. « Le Problème des Pensées de Pascal, » Revue des deux mondes, 34 (1879), 935-945. _____. L’Idée de patrie. Paris, Hetzel, 1897. _____. Histoire de la littérature française classique, II. Paris, Delagrave, 1912. Chevalier, Jacques. Pascal. Paris, Plon, 1922. Eastwood, Dorothy. The Revival of Pascal (A Study of His Relation to Modern French Thought). Oxford, Clarendon Press, 1936. Gerbod, Paul. « L’Éthique héroïque en France [1870-1914], » Revue historique, 268 (1982), 409-429. Giraud, Victor. Livres et questions d’aujourd’hui. Paris, Hachette, 1907. _____. « Blaise Pascal à l’occasion de son troisième centenaire, » Revue des deux mondes, 5 (1923), 830-860. 32 Le Miracle français, Paris, Hachette (1915), xxvi. 33 Je tiens à remercier Anne-Marie Chartier, M. Martin Guiney et Denis Grélé de leurs excellents conseils lors de l’élaboration de cet essai. La réception critique des Pensées de Pascal PFSCL XLVI, 91 (2019) DOI 10.2357/ PFSCL-2019-0026 397 _____. Le Miracle français. Paris, Hachette, 1915. Hatzfeld, Adolphe. Pascal. Paris, Alcan, 1901. Hermans, Francis. « Pascal, signe de contradiction, » Revue générale, 137 (1937), 219-318. Houdard-Mérot, Violaine. 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