eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 47/92

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.2357/PFSCL-2020-0006
61
2020
4792

Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVIIe siècle : des réécritures a la double intertextualité

61
2020
Eleonora Nappa
pfscl47920109
PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle : des réécritures à la double intertextualité E LEONORA N APPA (U NIVERSITÀ DI T ORINO ) Plusieurs réécritures du mythe d’Ulysse marquent la scène du Grand Siècle non seulement pour le renom dont jouit Homère mais aussi et surtout, à notre avis, pour leur intertextualité double, c’est-à-dire autant en raison de leur relation à une édition, une traduction ou bien un texte autre tiré de la seconde épopée homérique qu’à une adaptation théâtrale précédente. L’étude que nous nous proposons de faire ci-dessous au moyen de collations et d’hypothèses est susceptible de remettre en cause le processus génétique de ces Odyssées dramatiques. 1. L’Odyssée d’Homère dans le théâtre du Grand Siècle L’Odyssée d’Homère prend son petit essor en France depuis le XI e siècle, par le biais d’une imitation poétique ou romanesque 1 . Rien qu’un petit essor en raison du peu d’intérêt que suscitent la langue grecque aussi bien que l’aède chez les gens de lettres des XVI e et XVII e siècles 2 , ‘encourageant’ plutôt 1 Cf. infra, au sein du chapitre 2, la légende de Raimond du Bousquet. 2 Sur l’apprentissage de la langue grecque et de l’Odyssée aux XVI e et XVII e siècles, cf. R. Bunker, A bibliographical study of the Greek Works and translations published in France during the Renaissance. The decade 1540-1550, New York, Columbia University Press, 1939, pp. 17-31 ; F. de Dainville, Naissance de l’Humanisme moderne, Paris, Beauchesne et ses fils, 1940, p. 45 et pp. 57-58 ; A. Lefranc, La vie quotidienne du temps de la Renaissance, Paris, Hachette, 1938, pp. 192-193 ; L. Delaruelle, « L’étude du grec à Paris (de 1514 à 1530) », Revue du Seizième siècle, 9, 1922, pp. 56-57 ; H.-E. Lantoine, Histoire de l’enseignement secondaire en France au XVII e siècle, Paris, E. Thorin, 1874 ; P.-D. Bourchenin, Étude sur les académies protestantes en France aux XVI e et XVII e siècles, Paris, Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 110 le décodage du latin et de l’admiration pour Virgile et son Énéide. Du reste, du côté de l’apprentissage de l’Iliade et l’Odyssée en le milieu scolaire, « on peut croire qu’il s’agit plutôt de pages choisies à travers les deux poèmes homériques que de l’œuvre intégrale », d’autant plus que le grec « sans doute, ne fut point aussi étudié dans les collèges oratoriens que le latin et le français 3 ». Or, le retour d’Ulysse dans sa patrie captive quelques traducteurs, poètes et dramaturges de la Renaissance et du Grand Siècle : nous le trouvons sous forme de sonnet chez Du Bellay, d’allégorie chez son professeur, l’helléniste Jean Dorat 4 , et encore sous forme de ballet 5 ainsi que de pièce de théâtre. Ainsi le mythe d’Ulysse va-t-il gagner, au fil des siècles, de plus en plus d’indépendance par rapport à celui de Troie et donc à sa complétude 6 , ce qui lui permet de faire fonction de source pour ceux qui se livreront à son adaptation, rappelant bien que quand il s’agit d’Homère, il faut laisser tomber l’idée d’original ainsi que celle de fidélité car, comme le remarque Benoît de Sainte-Maure, « ne dist pas sis livres veir 7 ». Il va sans dire que cette infidélité augmente sur la scène dont la conditio sine qua non, la mimêsis, a pour effet que le texte source de toute adaptation dramatique est remanié d’après les conventions du théâtre et de l’époque. Cela se remarque notamment à l’âge d’or du théâtre, le Grand Grassart, 1882 ; A. Arnauld, Mémoire sur le règlement des études dans les lettres humaines, par Antoine Arnauld, Paris, A. Colin, 1886 ; C. Rochemonteix, Un collège de Jésuites aux XVII e et XVIII e siècles. Le collège Henri IV de La Flèche par le P. Camille de Rochemonteix de la Compagnie de Jésus, membre titulaire de la Société historique et archéologique du Maine, Le Mans, Leguicheux, 1889 ; G. Dupont-Ferrier, La vie quotidienne d’un collège parisien pendant plus de trois cent cinquante ans. Du collège de Clermont au lycée Louis-le-Grand (1563-1920), Paris, E. Boccard, 1921, vol. I ; L. Cognet, Claude Lancelot : solitaire de Port-Royal, Paris, Sulliver, 1950 ; G. Compayré, Histoire critique des doctrines de l’éducation en France depuis le seizième siècle, Paris, France-Expansion, 1972 (reproduction de l’éd. de Paris, Hachette, 1879) ; P. Lallemand, Histoire de l’éducation dans l’ancien Oratoire de France, Paris, E. Thorin, 1888. 3 A. Lefranc, La vie, op. cit., pp. 192-193 ; P. Lallemand, Histoire, op. cit., p. 260. 4 N. Hepp, Homère en France au XVI e siècle, « Atti della Accademia delle Scienze di Torino », II, vol. 96 (1961-62), pp. 424, 428. 5 Cf. infra la note n° 40. 6 Cf. infra le chapitre 2. 7 En rapportant les mots de Benoît de Sainte-Maure, nous n’oublions pas la racine latine de ses sources : Dictys de Crète et Darès de Phrygie, ce qui entraîne encore un éloignement de cette prétendue volonté de l’auteur grec. B. de Sainte-Maure, Le Roman de Troie par Benoît de Sainte-Maure : publié d’après tous les manuscrits connus par Léopold Constans, professeur à l’Université d’Aix-Marseille, Paris, Firmin Didot, 1904, vol. I. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 111 Siècle, où tout dramaturge a de plus en plus affaire aux règles des trois unités ainsi que de la bienséance et de la vraisemblance, tirées de la Poétique d’Aristote par Scaliger et Castelvetro au XVI e siècle et fixées par l’abbé d’Aubignac dans sa Pratique du Théâtre au XVII e . Homère, en particulier, est ‘victime’ de ces ajustements au goût classique. Il est « d’une condamnable luxuriance, et on a voulu lui faire la leçon au nom de la cohérence, de l’ordre et de la justesse 8 », s’écrient en premier les humanistes. À en croire les Arts Poétiques de Laudun d’Aigaliers et de Vauquelin de la Fresnaye plaçant l’imitateur au-dessus du créateur, c’est plutôt grâce au remaniement de Virgile que le poète grec captive l’auditoire français. En effet, hormis le ‘respect’ que manifestent à l’aède certains traducteurs de la Renaissance et du Grand Siècle, tels Jacques Peletier et Certon, il est possible de s’aviser que l’Odyssée fait déjà l’objet de nombreuses métamorphoses en traduction, par exemple chez Boitet et La Valterie dont les modi operandi s’approchent de ceux des auteurs des « belles infidèles 9 ». Aussi toute imitation théâtrale, par sa nature de traduction intersémiotique, ne permet-elle que de tirer des conjectures sur sa genèse. C’est le travail que nous envisageons de faire ci-dessous suite à des comparaisons entre nos adaptations du mythe d’Ulysse ayant fait ressortir une véritable chaîne intertextuelle : si, d’une part, Jacques de Champ-Repus semble tirer sa tragédie d’Ulysse (1600) de deux fables d’Hygin et d’un ouvrage espagnol, Charles-Claude Genest, d’autre part, nous donne l’impression de puiser sa Pénélope (1684) en particulier dans la pièce de Champ-Repus, sans mettre de côté les seules sources dont il nous fait part, à savoir Homère et Ovide. Si l’on tenait compte de la version de La Valterie, parue en 1681, un autre modèle viendrait s’ajouter aux trois précédents. Quoi qu’il en soit, le repérage d’un texte autre qu’une édition de l’Odyssée et un procédé de remaniement convenant au génie du dramaturge lui-même ainsi qu’à l’esprit classique sont des événements qui nous empêchent de tirer des conclusions sur le procédé employé par Genest au moment où il rédige son adaptation. Pourtant, nous postulons une intertextualité reliant ces deux pièces de théâtre puisque, premièrement, il est moins aisé de se risquer dans un texte déjà adapté par quelqu’un d’autre que dans une traduction et/ ou une imitation non dramatique, et que, secondement, non seulement la fabula mais aussi l’intrigue, c’est-à-dire les motifs, les personnages genestiens et certains mots que prononcent ceux-ci nous font retrouver un écho de l’intrigue, des personnages et de la parole des dramatis personæ chez 8 N. Hepp, Homère en France au XVI e siècle, op. cit., p. 494. 9 Cf. infra le chapitre 2. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 112 Champ-Repus. Cependant, en annonçant le travail que nous allons faire sur ce premier cas d’étude, nous n’avons qu’amorcé cette transtextualité 10 qui retient notre attention, les réécritures suivantes manifestant un véritable enchevêtrement textuel. Comme on le sait, la tragicomédie à machines d’Ulisse dans l’isle de Circé, ou Euriloche foudroyé (1648) de Claude Boyer « est assez parente des Travaux d’Ulysse de Durval et l’auteur s’est inspiré de son prédécesseur autant que de l’Odyssée pour la composer 11 ». Ce qui néanmoins ressort de nos rapprochements textuels, c’est le rôle de médiation que jouerait la Commedia dell’arte avant la composition de ces ouvrages tragicomiques. La pièce durvalienne, d’ailleurs, semble se rattacher aux chants X, XI et XII de l’Odyssée ainsi qu’à d’autres sources, auxquelles elle emprunterait de petits détails 12 . Nos investigations nous mènent à croire qu’un canevas italien de Basilio Locatelli paru sous le titre de La Nave (1622) pousse Jean-Gilbert Durval à se consacrer au mythe d’Ulysse. Il nous semble bien que des correspondances existent entre ce scenario et les deux pièces en question sur les plans de l’intrigue et de la langue. Et il y a plus. La dernière mais non la moindre, la comédie en trois actes et en prose d’Ulysse et Circé (1691), d’un auteur inconnu signant sous le sigle de L.A.D.S.M. et qui collabore avec l’Ancien Théâtre Italien, affiche elle aussi des ressemblances tantôt avec Durval tantôt avec Boyer. Or, cela n’a pas forcément pour effet que les dates auxquelles remontent la mise en scène et la parution des pièces de théâtre de Durval et de Boyer sont des termini post quem. Inutile de remarquer le succès que connaissent les Italiens dans la France du XVII e siècle et la parution de nombreuses adaptations françaises de lazzi, surtout pendant « l’heure espagnole du théâtre français 13 », s’inspirant de n’importe quels sujets, des comedias du Siglo de Oro aux mythes gréco-latins, en somme, de « commedie distese dagli antichi o moderni, ridotte a stilo di potersi 10 G. Genette, Palimpsestes : la littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982, p. 8. 11 N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle, Paris, Klincksieck, 1968, p. 504. Rappelons-nous que c’est Boyer lui-même qui avoue avoir tiré son ouvrage de celui de Durval ; dans le Programme précédant la mise en scène de sa tragicomédie, il persuade son lecteur à ne pas associer son merveilleux ouvrage à « une vieille Piéce intitulée, Les Travaux d’Ulysse… ». Cf. C. et F. Parfaict, Histoire du théâtre françois depuis son origine jusqu’à présent, avec la vie des plus célèbres poëtes dramatiques, des extraits exacts et un catalogue raisonné de leurs pièces, accompagnées de notes historiques et critiques, Paris, Le Mercier et Saillant, 1745- 49, vol. VII, pp. 209 à 211. 12 N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle, op. cit., p. 279. 13 A. Cioranescu, Le masque et le visage : du baroque espagnol au classicisme français, Genève, Droz, 1983, p. 275. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 113 rappresentare all’improvviso 14 ». C’est pourquoi nous imaginons que cette comédie fin-de-siècle de l’Ancien Théâtre Italien est l’effet d’un phénomène très répandu dans la Commedia dell’arte, à savoir l’héritage de répertoires précédents, de canevas tels que celui de Locatelli. Ce qui relie avant tout ces Odyssées dramatiques, c’est bien sûr le sujet commun sur lequel elles portent, mais il faut bien se demander pourquoi elles l’abordent de la même façon au niveau des motifs, de l’elocutio et de la dispositio. Le procédé d’adaptation impliquant des modifications de la source, surtout à l’époque « des Anciens et des Modernes », nos réécritures françaises devraient être tout à fait différentes les unes des autres, il n’est donc pas question de même édition ou traduction du poème grec comme point de départ pour nos dramaturges, soit d’un archétype commun en matière d’ecdotique, mais plutôt de même modèle théâtral. Autrement dit, les similarités faisant de ces pièces des cas d’étude s’inscrivent dans un cadre littéraire composé : d’un côté, de baroques rebelles aux règles qui s’imposaient petit à petit tout en changeant leurs sources à leur gré, et, d’un autre côté, de classiques soumis aux préceptes des doctes sacrifiant tout élément textuel originaire à un remaniement régulier. Et pourtant, parmi ces changements que demande toute imitation baroque ou classique et qu’on trouve, bien évidemment, chez nos dramaturges, l’on découvre également des traits communs entre la réécriture de l’Odyssée de Genest et celle de Champ-Repus, entre des ouvrages de Durval et de Boyer et le canevas de Locatelli et la comédie de l’Ancien Théâtre Italien. Ainsi donc, nous tâcherons de faire la lumière sur la genèse de ces pièces de théâtre à première vue indépendantes les unes des autres et qui pourtant manifesteraient une intertextualité double, c’est-à-dire, avec à la fois, soit 14 A. Perrucci, Dell’arte rappresentativa premeditata ed all’improvviso, testo, introduzione e bibliografia a cura di Anton Giulio Bragaglia, Firenze, Sansoni antiquariato, 1961, p. 232. On rappelle ici quelques adaptations françaises d’ouvrages gréco-latins susceptibles d’avoir eu recours à des canevas italiens : la tragédie de La Lucresse romaine (1637) d’Urbain Chevreau, proche de Lucrèce, ou l’adultère puni (1616) d’Hardy, entre autres, pouvant procéder à la fois de Tite-Live et du scénario Lucretia romana du recueil Casamarciano. De même, la comédie des Plaideurs (1668) de Racine se rattache aux Guêpes d’Aristophane et, à en croire Gambelli, à l’un des scenari de Dominique, à savoir Le théâtre sans comédie et les comédiens juges et parties, auquel aurait aussi fait appel Rosimond pour sa tragicomédie L’Avocat sans étude (1671) qui est « nearer to the Commedia dell’Arte than to a comedy of manners ». H. C. Lancaster, A history, op. cit., vol. II.1., III.2, pp. 67-71, 784 ; D. Gambelli, Arlecchino a Parigi, Roma, Bulzoni, 1993- 1997, vol. II.2, pp. 433-439 ; L. de Nardis, « Il ‘comico’ dei Plaideurs : tra Aristofane e Scaramuccia », dans Scritti in onore di Giovanni Macchia, Milano, Mondadori, 1983, vol. II, p. 83. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 114 une édition, une traduction ou un remaniement non théâtral de la seconde épopée homérique d’une part, et une réécriture dramatique française du XVII e siècle portant précédemment sur le retour d’Ulysse dans sa patrie de l’autre. Pour ce faire, force est d’aborder le contexte éditorial-traductif entourant le mythe d’Ulysse, dans un premier temps au Moyen-Âge, dans un deuxième temps à la Renaissance et dans un troisième et dernier temps au XVII e siècle. 2. Les éditions, les traductions et les adaptations du mythe d’Ulysse du Moyen-Âge au XVII e siècle La première Odyssée française remonte au X e -XI e siècle. Il s’agit d’un poème ou d’un roman 15 , dans son acception moderne, portant sur vingt-etun miracles de la vierge et martyre sainte Foy d’Agen qu’abrège un prêtre appelé Bernard et sur un autre complet, donné par le même écrivain mais sous la dictée d’un certain Wibert, soit un jongleur aveugle 16 . Le récit de Raimond du Bousquet que ce jongleur apprend à M. Bernard est composé des motifs suivants : du naufrage du héros à son déguisement en étranger lors de son retour à la patrie, en passant par la défaite de son rival, jusqu’au moment où il recouvre son château 17 . Voilà donc un texte affichant de nombreux renvois à l’épopée homérique par une mise en abyme, comme le montre notre aède français M. Wibert. Il existe assurément quelques changements par rapport à la source, à savoir les endroits et la période dans laquelle se déroulent les évènements, c’est-à-dire en France, en Afrique et en Espagne pendant la Reconquista, ainsi que quelques motifs, telle l’infidélité de la femme de Raimond, mais c’est justement l’essence de toute adaptation : le changement, l’écart. Changer, tout en gardant, cela va sans dire, les traits fondamentaux de son propre modèle. Aucune version latine de l’Odyssée n’existant encore, il est peu probable que cet auteur médiéval rédige ce poème ou roman d’Homère à la main ; il se pourrait plutôt que le métatexte 18 en question soit l’effet d’une remémo- 15 Cf. pp. 435-448 dans C. Fauriel, Histoire de la poésie provençale : cours fait à la faculté des lettres de Paris, Paris, Labitte, 1846, vol. I. 16 C. Fauriel, Histoire, op. cit., p. 438. 17 Cf. l’intrigue de la légende de Raimond du Bousquet dans C. Fauriel, Histoire, op. cit., pp. 440-445. 18 Les termes « prototexte » et « métatexte », forgés par Anton Popovič, sont aussi employés par Bruno Osimo pour remplacer les expressions « testo di partenza » (texte de départ) et « testo d’arrivo » (texte d’arrivée) qui considéreraient la Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 115 ration procédant de l’apprentissage des deux épopées de l’aède dans les écoles du Midi de la France subsistant jusqu’aux IV e et V e siècles 19 . Outre cette première réécriture, la littérature médiévale française compte beaucoup d’adaptations des aventures d’Ulysse. Si l’on songe, par exemple, au célèbre Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure, voilà un cas, ou mieux, d’autres cas de remaniement du prototexte qui fait l’objet de notre étude 20 . Son titre, d’ailleurs, fait appel aussi bien à l’Iliade qu’à l’Odyssée. Voici le point de départ pour la naissance de nombreux intertextes 21 qui reposeront, ainsi, sur les traductions latines de Dictys de Crète et de Darès de Phrygie, augmentées par Benoît 22 . Ce sera aussi le début d’un éloignement de la source grecque, sur un plan ecdotique, en premier lieu, pour ce modèle dont se servent M. de Sainte-Maure et ses adaptateurs, en second lieu, pour une francisation et un ajustement du Roman et des remaniements qui en résultent à l’époque, comme l’attestent le lien imaginaire entre les villes de Troie et de Rome, un merveilleux composé de fées, de plantes ou d’animaux aux vertus magiques ou l’attitude d’Hector plus faible que celle d’Achille, ou encore le cadre courtois dans lequel ils rentrent. Ces adaptations du texte de M. de Sainte-Maure et les éditions de l’Odyssée qui vont se propager lors de la naissance de l’imprimerie 23 donnent le jour, bien entendu, à de « nombreux textes postérieurs traitant du mythe 24 », c’est-à-dire à d’autres prétendus hypotextes pour les écrivains du XVI e et du XVII e siècle. traduction comme un parcours géographique ou de santé. Prefazione dans B. Osimo, Manuale del traduttore. Guida pratica con glossario, seconda edizione, Milano, U. Hoepli, 2004, pp. XII-XIII ; Voir aussi le paragraphe que Bruno Osimo a intitulé « Prototesto e metatesto » dans A. Popovič, La scienza della traduzione. Aspetti metodologici. La comunicazione traduttiva, Milano, U. Hoepli, 2006, p. XVII. 19 C. Fauriel, Histoire, op. cit., p. 447. 20 Cf. B. de Sainte-Maure, Le Roman, op. cit., vol. I., pp. 293-322. 21 G. Genette, Palimpsestes, op. cit., pp. 8-9, 11-17. 22 T. Karsenti, Le mythe de Troie dans le théâtre français (1562-1715), Paris, H. Champion, 2012, p. 165. 23 Cf. le sous-chapitre « Éditions et traductions » faisant partie du chapitre « Les sources de la connaissance d’Homère au XVI e siècle » dans N. Hepp, Homère, op. cit., pp. 399-408. 24 T. Karsenti, Le mythe, op. cit., p. 165. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 116 L’avènement de l’imprimerie fait bien évidemment accélérer ce processus 25 . On assiste à la parution de nombre d’éditions de l’Odyssée, mais, quant aux françaises, il faudra attendre 1566 26 pour que l’Homère complet soit diffusé, puisque celles de la première partie du XVI e siècle ne sont que partielles 27 . Et pourtant l’on a affaire à une autre question : la traduction. D’un côté, il existe des versions latines des aventures d’Ulysse 28 , adressées à un public méconnaissant la langue d’Homère. De l’autre, les traducteurs se souvenant des efforts de La Pléiade pour la défense de la langue française se livrent à la traduction des éditions grecques, tels Jacques Peletier, qui ne se consacre qu’aux deux premiers chants de l’épopée dont il s’agit 29 , un certain Mousset, Octavien de Saint Gelays et Lancelot de Carle, dont les versions françaises ont été malheureusement perdues, comme nous l’apprennent des gens de lettres de renom, à savoir Agrippa d’Aubigné et Ronsard 30 . Au XVI e siècle, bien évidemment, il n’est pas question de propagation d’éditions grecques ni de versions françaises et il en va de même pour le Grand Siècle. Parmi les quelques éditions circulant en France, on trouve trois qui sont complètes et publiées avec l’Iliade, à savoir celle de Libert (1620) et deux se rattachant au texte établi par Henri Estienne (Genève, 1566, 1589) 31 , l’une grecque, l’autre gréco-latine (1622-1624) ; en outre, il existe quelques éditions partielles : en 1627, en 1642 et en 1674 paraît le chant I, vers 1630 les chants II à XXIV et en 1644 le chant VIII. 25 Voir le sous-chapitre « Éditions et traductions » faisant partie du chapitre « Les sources de la connaissance d’Homère au XVI e siècle » dans N. Hepp, Homère, op. cit., pp. 399-408. 26 Parmi les éditions complètes, il faut pour autant compter les textes intégraux de Neobar (1541), de la Vve G. Morel (1566) et de Prévosteau (1582). 27 Les éditions partielles dont il est question sont les suivantes : celles de 1530 de Gilles de Gourmont, qui sort le chant I, avec la Batrachomyomachie et les Hymnes, et de 1536 de Wechel, publiant les cinq premiers chants. 28 Il s’agit des textes en prose d’Andrea Divo (Paris, 1538) et de Raffaele Maffei (Lyon, 1541) et du texte en vers de Simon Lemnius (Paris, 1581). La version de Francesco Florido (Paris, 1545) n’est pas à retenir puisqu’elle n’est composée que des huit premiers chants. 29 Ces deux chants ont été insérés, premièrement, en 1547, dans ses Œuvres poétiques, deuxièmement, en 1570 et en 1574, au sein d’une édition composée de treize chants de l’Iliade traduits par Hugues Salel, troisièmement, en 1571 et en 1574, séparément, et dernièrement, en 1577 et en 1580, avec les Iliades de Salel et d’Amadis Jamyn, pour être supprimés, en 1584, par Jamyn lui-même. 30 Il s’agit, à nouveau, de traductions partielles, excepté celle de Lancelot de Carle. Cf. les notes n o 2, p. 406, et 2, p. 407 dans N. Hepp, Homère, op. cit. 31 N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle, pp. 12-13. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 117 En ce qui concerne les versions françaises, les traducteurs du XVII e siècle semblent bien emprunter leurs prototextes aux humanistes. C’est sur les deux premiers chants en décasyllabes que traduit Jacques Peletier en 1547, réédités jusqu’à la fin du XVI e siècle, les chants I à III en alexandrins d’Amadis Jamyn (1584) 32 , republiés en 1605, ainsi que sur le récit de Dictys de Crète, la traduction latine de Raffaelle Maffei et l’édition d’Étienne de 1589 que repose sans doute la première des trois traductions du Grand Siècle, c’est-à-dire celle complète en alexandrins de Salomon Certon, parue d’abord en 1604 et enfin en 1615. Quant aux sources de la deuxième, celle de Claude Boitet, complète elle aussi et en prose, sortie en 1617 et éditée à deux reprises jusqu’en 1638, il faudrait notamment se tourner vers la version de Jean de Sponde (Bâle, 1583), comme l’attestent un commentaire de Boitet lui-même, où il avoue l’avoir eu sous la main, et la latinisation des noms propres 33 . Au regard de la troisième et dernière version, celle en prose de La Valterie, elle se fait attendre longtemps, jusqu’en 1681. Elle résulterait de l’Odyssée de Boitet ainsi que de celle d’Estienne ou de celle de Schrevelius qui paraît à Amsterdam en 1656 34 . Chez ces traducteurs de la Renaissance et du XVII e siècle, il est possible de remarquer les deux tendances que Jean-René Ladmiral nomme « sourcière » et « cibliste » 35 . En tête de sa version, J. Peletier nous fait part de ce respect envers Homère que poursuivent les « sourciers » comme lui, avouant qu’« il convient garder la majesté, et le naïf de l’ancienneté, pareillement exprimer les vertuz des adjectifs dont les mots sont vestuz, et bien garder en son entier l’objet de son Autheur, auquel on est subjet 36 ». C’est ce que tâche de garder Certon aussi, s’approchant de plus en plus de la « volonté » de l’aède, dans son édition de 1615, conformément au goût classique qui s’imposait. Les « ciblistes », bien au contraire, se font les porte-paroles de la restitution du sens. C’est le cas de Boitet, qui « n’est ni un fidèle interprète d’Homère, ni un bon écrivain 37 », et de La Valterie, s’étant inspiré de son prédécesseur, comme l’attestent quelques erreurs conjonctives, d’un point de vue ecdotique, reliant la copie à son original, ainsi que ses 90.000 mots 32 Cf. la note n° 29. 33 Le texte de Sponde exploite la traduction latine d’Andrea Divo (Paris, 1538). Cf. la note n o I, p. 403, N. Hepp, Homère en France au XVI e siècle, op. cit. 34 N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle, op. cit., pp. 439, 442. 35 Les deux termes « sourcier » et « cibliste » ont été forgés par Ladmiral lors du colloque de Londres du 18 juin 1983. J.-R. Ladmiral, Sourcier ou cibiliste : les profondeurs de la traduction, Paris, Les Belles Lettres, 2014. 36 Épistre au très crestien Roy, J. Peletier, Œuvres poétiques de Jacques Peletier du Mans, « Revue de la Renaissance », Paris, 1904, p. 8. 37 N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle, op. cit., p. 232. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 118 environ contre les 137.000 de l’Odyssée. En d’autres termes, « plaire, telle est la devise des traducteurs français du XVII e siècle 38 ». Il faut donc rajouter une définition à celles de « sourcier » et de « cibliste » : celle de réécrivain. C’est justement à la réécriture, à la volonté d’habiller les Anciens à la française, qu’aboutit l’intention de rendre les Grecs et les Latins accessibles à tout le monde. C’est entre les classiques et les doctes de l’Académie française, les précieux des salons de Mme de Rambouillet, de sa fille Julie et de Mlle de Scudéry, qui « arbitrent les goûts et les manières, qui dispensent l’éloge et la critique 39 », que balance la littérature du XVII e siècle. Ces traductions devenant de plus en plus libres, celles des « perrotins » que Gilles Ménage considère comme de « belles infidèles », mais aussi et surtout les adaptations des ouvrages antiques 40 étant de véritables « trahisons » de leurs originaux, comme le demande tout remaniement. Cela concerne, bien évidemment, le théâtre, qui se fonde sur la mimêsis et, celui du XVII e siècle, aussi sur l’extravagance, la liberté de création, le mélange de tragique et comique, d’une part, et les trois unités d’Aristote, la bienséance et la vraisemblance, d’autre part, bref, sur toute une série d’éléments qui mènent à l’éloignement de son original. C’est pourquoi toute conjecture sur la source de telle ou telle réécriture, soit de la Renaissance, soit du Grand Siècle, demeure malheureusement floue (mais non pas impossible) à formuler. Nous allons nous en apercevoir lors de notre étude sur les adaptations dramatiques du mythe d’Ulysse au XVII e siècle, rappelant que l’Odyssée ellemême pose des problèmes philologiques suite au manque d’un original, ou mieux, à la présence d’un « original » mensonger, celui que fit mettre par écrit Pisistrate depuis les Noctes Atticae d’Aulu-Gelle 41 . 38 H. van Hoof, Histoire de la traduction en Occident, Paris, Duculot, 1991, p. 48. 39 H. van Hoof, Histoire, op. cit., p. 47. 40 Pour ce qui est de la scène française de la fin du XVI e siècle, il existe des ballets qui font allusion à l’Odyssée par le biais de l’allégorie médiévale : le Ballet des Chevaliers François et Bearnois (1592), peuplé de « quatre nymphes de Diane, de Mercure et d’Amour » ainsi que de « quatre chevaliers, de deux François, et de deux Bearnois » ; les Balletz representez devant le Roy (1593), où l’on troyve des personnages tels que quelques « nymphes, Disne, Médée et Sybille », « Amour, Raison, deux chevaliers François et deux chevaliers Espagnols » ; et le Ballet comique de la Reyne (1581) dont Circé garde ses racines helléniques et gagne la magnificence française de fin XVI e siècle. La première pièce de théâtre traitant d’Ulysse est celle de J. De Champ-Repus (1600). Cf. N. Hepp, Homère en France au XVI e siècle, op. cit., pp. 470-472 ; C. Mazouer, Le théâtre français de la Renaissance, Paris, H. Champion, 2002, pp. 221-225. 41 D’après le philologue italien Luciano Canfora, cette tradition est la plus mensongère. Cf. L. Canfora, Il copista come autore, Palermo, Sellerio, 2002, p. 69. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 119 Il est temps de passer de la parole aux actes et d’aborder notre étude comparée sur les réécritures théâtrales de l’Odyssée du Grand Siècle. 3. Le rapport de Durval et de Boyer avec la Commedia dell’Arte Le lien de parenté entre la tragicomédie de Boyer et celle de Durval ayant déjà été établi 42 , notre investigation porte désormais sur le rôle que les Italiens ont joué avant la création de ces deux réécritures françaises de l’Odyssée. La comédie franco-italienne d’Ulysse et Circé 43 est un véritable mystère sur le plan ecdotique du fait de sa relation aux ouvrages de Durval et de Boyer, mais, avant tout, elle l’est en raison de sa genèse, puisque son auteur ne se manifeste que sous la forme du sigle L.A.D.S.M., dont le nom serait « La Selle », d’après les uns, ou « La Serre », d’après les autres 44 . Il s’agit d’une pièce en trois actes et en prose, jouée à l’Hôtel de Bourgogne en 1691 et faisant partie du recueil d’Evaristo Gherardi. Comme nous allons le remarquer ci-dessous par le biais de quelques extraits, elle présente des similarités tantôt avec la tragicomédie de Durval, tantôt avec celle de Boyer. La première tragicomédie française, jouée au commencement des années 1630 à Fontainebleau, présente des modifi- 42 Cf. supra, le chapitre 1. 43 Sur cette pièce de théâtre, cf. A. Léris, Dictionnaire portatif historique et littéraire des théâtres, contenant l’origine des différens théâtres de Paris ; le nom de toutes les Pièces qui y ont été représentées depuis leur établissement, et celui des Pieces jouées en Province, ou qui ont simplement paru par la voie de l’impression depuis plus de trois siècles ; avec des Anecdotes et des Remarques sur la plûpart : le nom et les particularités intéressantes de la Vie des Auteurs, Musiciens et Acteurs ; avec le Catalogue de leurs Ouvrages, et l’exposé de leurs talens : une chronologie des Auteurs, et des Musiciens ; avec une Chronologie de tous les Opéra, et des Pièces qui ont paru depuis trente-trois ans, Paris, C.A. Jombert, 1763 : cf. la note n o 1, p. 218 dans V. Fournel, Les contemporains de Molière, recueil de comédies, rares ou peu connues jouées de 1650 à 1680 avec l’histoire de chaque théâtre des notes et notices biographiques, bibliographiques et critiques, Paris, Firmin Didot frères, fils, et compagnie, 1863, vol. I ; E. Gherardi, Le théâtre italien de Gherardi ou le recueil général de toutes les Comédies et Scènes françaises jouées par les Comédiens Italiens du Roi, Genève, Slatkine Reprints, 1969 (fac-sim. de l’éd. de Paris, Briasson, 1741) vol. III, pp. 489-560 ; N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle, op. cit., pp. 625-628. 44 Peut-être s’agit-il du dramaturge Jean-Puget de La Serre (1600-1655) ou de Jean- Louis-Ignace de La Serre (1662-1756), moins dramaturge que librettiste, mais ce ne sont que des possibilités. En tout état de cause, c’est un auteur qui collabore avec le Théâtre Italien. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 120 cations baroques convenant au gré de l’auteur et du public, Durval méprisant « les régles du Théatre, contre lesquelles il fut un des plus rébelles 45 ». Néanmoins, son écho est fort dès la scène d’exposition d’Ulysse et Circé lors de la fuite d’Arlequin et Mezzetin quittant la ville de Troie en feu. Chez Durval, ce sont Ulysse et ses compagnons qui fuient plutôt Antiphate et les Lestrigons, mais il ne faut pas oublier que, premièrement, adapter c’est changer et que, secondement, on a affaire ici à une tragicomédie française, d’une part, et à une commedia dell’arte, de l’autre, qui, bien qu’étant une pièce en trois actes, rentre dans un genre à part entière dont le mot-clé est comique : Arlequin : Viens, viens, Mezzetin, retirons-nous de tout ce fracas, laissons achever le combat à ceux qui ont besoin de réputation ; pour nous on nous connoit bien, je pense, retirons-nous avec le butin que nous avons fait. (Ulysse et Circé, I, 1). Ulysse : […] Mais qu’est-ce que j’entends sur ces monts solitaires ? Ha ! c’est un esquadron de barbares Corsaires, Qui vient fondre sur nous. Sauvons-nous sur les eaux, Et coupons les funins qui tiennent nos vaisseaux. (Les Travaux d’Ulysse, I, 3). Il est possible de trouver d’autres éléments reliant ces deux pièces dans la scène portant sur la transformation des camarades d’Ulysse : Ulysse : Las ! comment vous aymer en l’estat misérable Où sont mes compagnons au fonds de cet estable ? (Les Travaux d’Ulysse, II, 2). Ulisse : Sono riempito d’Horrore, vado per supplicar Circé di ritornargli nel loro primo essere. (Ulysse et Circé, III, 4). Ainsi que dans celle concernant l’invitation de Circé à Ulysse de demeurer dans son île et de la visiter : Circé : Or fus ce n’est pas tout, si vous avez envie De vostre temps, demeurez dans mes bois, Et sejournez ceans encore quelques mois. (Les Travaux d’Ulysse, II, 2). Circé : Allons, seigneur, faire un tour dans ces jardins, en attendant qu’on nous serve à manger. (Ulysse et Circé, II, 9). 45 C. et F. Parfaict, Histoire, op. cit., vol. IV, p. 511. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 121 Même si ce n’est qu’une partie des passages reliant ces deux textes, ces quelques éléments intertextuels avec ceux qui approchent la comédie franco-italienne en question de la pièce à machines de Boyer nous permettent de postuler une interposition italienne dans la création de l’une, ainsi que de l’autre, pièce de théâtre française. Si ces ressemblances entre les ouvrages de l’Ancien Théâtre Italien et de Durval ont trait à l’intrigue, celles entre la comédie franco-italienne et l’adaptation de Boyer concernent plutôt le paratexte. Ce sont leurs didascalies qui s’avèrent similaires : dans la dernière scène de la commedia dell’arte « le théâtre se change en un jardin magnifique. Des violons et des hautbois environnent le char d’Ulisse et de Circé, qui est au milieu du théâtre » (Ulysse et Circé, III, 11) presque à l’instar de la huitième scène du premier acte chez Boyer où « Ulysse et Circé dans un vaisseau avec toute sa suite, écoutent le concert des Syrenes » (Ulysse dans l’isle de Circé, I, 8). De même, le char volant de Circé figure aussi bien chez Boyer que chez les Italiens : l’un en fait état par l’intermédiaire de la didascalie « Circé, Leucosie dans un char volant » (Ulysse dans l’isle de Circé, V, 9), les autres laissent Circé adresser à Colombine les mots suivants : Circé : […] Tu as vu avec quelle rapidité sur un char volant, nous avons traversé les airs qui séparent mon île de ces terres […] (Ulysse et Circé, I, 3). Comme nous l’avons souligné plus haut 46 , sa date de mise en scène, 1691, contre les années 1630-1640 des pièces françaises précédentes, n’est pas forcément un terminus ante quem par rapport aux deux tragicomédies à machines, autrement dit, quoique cet ouvrage franco-italien soit composé et représenté sur la scène parisienne après les deux pièces françaises, il se pourrait à la fois qu’il procède de Durval et de Boyer et qu’il fasse fonction de source pour les pièces de ceux-ci. De quelle façon ? À l’aide de son ancêtre présumé qui va donc retenir le plus notre attention : le canevas de La Nave de Basilio Locatelli 47 . Dans ce scenario, il est possible de repérer non seulement les mêmes motifs que ceux indiqués plus haut mais aussi et surtout des mots très ponctuels qui vont revenir chez Durval, chez Boyer et 46 Cf. supra, le chapitre 1. 47 La Nave. Comedia pastorale, ms. 1211 de la Biblioteca Casanatense, vol. II, scenario 26 (cc. 215r-220r). Ce manuscrit porte le titre Della scena de soggetti comici et tragici di BLR et la date « In Roma MDCXXII » (c. 1r). F. Neri, Scenari delle maschere in Arcadia, Lapi, Città di Castello, 1913, pp. 69-76 ; pour la traduction française de ce canevas, cf. C. Bourqui, La Commedia dell’arte : introduction au théatre professionnel italien entre le XVI e et le XVII e siècles, Paris, SEDES, 1999, pp. 147-150. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 122 chez l’Ancien Théâtre Italien. Inutile de rappeler que, contrairement à sa prétendue version accomplie, La Nave n’est qu’un canevas, à savoir un texte dans lequel on ne trouve que des indications pour la mise en scène all’improvviso et que les Tables alphabétique et chronologique des pièces représentées sur l’Ancien Théâtre Italien sont demeurées inachevées 48 , ce qui fait que tout postulat sur cette médiation italienne en France reste malheureusement flou. Or, cela ne décourage pas nos hypothèses sur cet enchaînement d’intrigues grecque, italienne et française susceptibles d’être formulées à juste titre. L’un des aspects qui font partie de La Nave et qu’on retrouve dans les trois autres pièces est l’intervention du deus ex machina. Chez Locatelli, le Capitano […] invoca Marte che lo aiuti nelle armi […] (La Nave, I). Et juste après il […] resta invocando Giovi, che li dia il suo aiuto et favore […] (La Nave, I). D’autres personnages demandent l’aide du dieu dans l’acte trois : le Capitano et la Regina in mare dentro alla nave si lamentano gridando, et chiamando aiuto per la fortuna del mare, chiamano Giove in aiuto. (La Nave, III). Le magicien ayant fait s’enfoncer le navire dans l’eau, Pantalone, Gratiano et Zanni, eux aussi, […] dicono della malvagità del mago ; s’inginocchiano pregando Giove che punisca il mago […] (La Nave, III). Et c’est ce qui arrive chez Durval et Boyer : d’une part, Phaëtuse et Lampetie invoquent le Soleil et Iupiter pour venger les troupeaux que les compagnons d’Ulysse massacrent, d’autre part, Phaëtuse s’adresse à son père afin de punir un Euriloche amoureux et ravisseur : 48 Les registres concernant les pièces que jouent les Italiens en France au XVII e siècle s’étant perdus, la plupart des canevas se trouvent dans le Scénario de Domenico Biancolelli, le Théâtre Italien d’Evaristo Gherardi, l’Histoire de l’Ancien Théâtre Italien des frères Parfaict et les Mss. 9328 et 9329 ainsi qu’auprès des bibliothèques italiennes, dont beaucoup de scenari peuvent s’être perdus eux aussi. R. Guardenti, Gli Italiani a Parigi : la Comédie Italienne (1660-1697) : teoria, pratica scenica, iconografia, Roma, Bulzoni, 1990, vol. I, p. 28 ; N. B. du Gerard, Tables alphabétique et chronologique des pièces représentées sur l’Ancien Théâtre Italien depuis son établissement jusqu’en 1697 qu’il a été fermé, Paris, Prault, 1750. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 123 Les Travaux d'Ulysse α Ulysse et Circé Ulysse dans l'isle de Circé Lampetie : […] Mais vous, mon Géniteur, à qui rien n’est caché, Qui sans doute avez veu commettre ce péché, Que ne punissez-vous vous-mesme cet outrage ? […] (Les Travaux d’Ulysse, V, 5). Phaëtuse : Des mains de Iupiter cours arracher la foudre. Soleil, et si ma mère eut chez toy quelque rang Monstre-toy plus sensible aux affronts de ton sang. (Ulysse dans l’isle de Circé, V, 6). Cet évènement se termine par la même situation : le foudroiement du magicien, des galères d’Ulysse et d’Euriloche : Mago dalla torre è fulminato da un raggio […] (La Nave, III). Iupiter : […] Et qu’allant foudroyer les galleres d’Ulysse, Je ne fais en cela qu’un acte de justice […] (Les Travaux d’Ulysse, V, 5). Leucosie : Quels feux ! quels feux de joye en cet embrasement ? […] (Ulysse dans l’isle de Circé, V, 11). Ainsi donc, deux scénarios intertextuels se présentent résumés plus bas sous forme de pseudo-stemmata codicum. Il se peut donc que le canevas de La Nave ou un autre similaire ayant été perdu, qu’on considère ci-dessous comme un archétype, soit le point de départ de la tragicomédie des Travaux d’Ulysse de Durval, et, au travers de celle-ci, de l’adaptation de Boyer, aussi bien que de la comédie franco-italienne d’Ulysse et Circé qui, en même temps, s’inspirerait des tragicomédies françaises précédentes 49 ; ou alors, il est possible que le canevas de Basilio Locatelli, ou un autre dont les traces ont été perdues, n’inspire directement que Durval et que, dans un second temps, Boyer et l’Ancien Théâtre Italien tirent parti de celui-ci. 49 Le pointillé fait justement état de cette contamination supposée. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 124 Les Travaux d'Ulysse α Ulysse et Circé Ulysse dans l'isle de Circé 4. Le lien de parenté entre Charles-Claude Genest et Jacques de Champ-Repus Nous allons maintenant nous occuper de deux autres cas d’étude témoignant de cette intertextualité que nous avons appelée double. La tragédie de Pénélope 50 de Charles-Claude Genest, dont la première a eu lieu le 22 janvier 1684 au Théâtre de Guénégaud, semble bien afficher les mêmes traits structurels et linguistiques que la tragédie d’Ulysse de son prédécesseur Jacques de Champ-Repus, mise en scène à Rouen en 1600 et parue trois ans plus tard 51 . Sans exclure l’appel qu’aurait fait Genest à Ovide et à Homère, si l’on en croit ses mots 52 , nous allons donner appui à une intertextualité dramatique par le biais des vers les plus révélateurs. Certes, force est de retenir que l’usus scribendi de l’imitateur présumé est troublé par les mœurs de l’époque, en d’autres termes : Il n’étoit pas aisé de renfermer dans l’action d’un jour toute la matière d’un long Poëme épique, de conserver le merveilleux de la fable, en réduisant 50 C.-C. Genest, Pénélope, op. cit. ; C. et F. Parfaict, Histoire, op. cit., vol. XII, pp. 405-415 ; H.C. Lancaster, A history of French dramatic literature in the Seventeenth Century, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1929-1942, vol. IV.1, pp. 212-217 ; N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle, op. cit., pp. 507-511 ; cf. s.v. « Pénélope » : C. de Fieux Mouhy, Tablettes dramatiques contenant l’abrégé de l’histoire du théâtre françois, l’établissement des théâtres à Paris, un dictionnaire des piéces, et l’abrégé de l’histoire des auteurs et des acteurs, dédiées à S.A.S. 4M. le Duc d’Orleans, Paris, S. Jorry, 1752 ; A. Léris, Dictionnaire, op. cit. 51 L’édition originale (1603) ayant disparu, la pièce n’est accessible qu’à travers la réédition de Marigues de Champ-Repus : Œuvres poétiques de Jacques de Champ- Repus, gentilhomme bas-normand. Publiées et annotées par Marigues de Champ- Repus, capitaine d’État-Major, chevalier de la Légion d’honneur, membre de plusieurs sociétés savantes, Paris, Bachelin-Deflorenne, 1864. 52 « J’ay tâché de garder la véritable idée des Originaux. Je me suis servi autant que j’ay pû des pensées et des expressions d’Homère, et j’ay pris quelques traits d’Ovide […] ». Préface dans C.-C. Genest, Pénélope, tragédie, Paris, Jean Boudot, 1703. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 125 tout dans l’exacte vray-semblance ; de ne pas altérer les mœurs et le caractère des siècles antiques en les accomodant aux notres 53 . De plus, l’adaptation elle-même demande des modifications de sa source, sinon il ne serait pas question de remaniement mais de traduction. Ainsi s’agit-il de changements dus au souci de l’abbé pour les règles classiques, le même souci qu’on retrouve chez Champ-Repus, entre autres, qui est « de l’école de Ronsard et de Dubartas » et dont l’Ulysse annonçant l’esprit classique se distingue de l’œuvre des Jodelle, des Garnier et des Hardy par sa versification correcte et son respect de la forme et de la morale grecques 54 . C’est une tâche bien difficile que de restituer l’origine de ces réécritures de l’Odyssée : d’une part, bien qu’étant ‘fidèle’ à Homère, il paraît que Champ-Repus s’est fondé sur les Fables 125 et 126 d’Hygin ainsi que sur la littérature espagnole 55 ; d’autre part, Genest a prétendument puisé dans l’œuvre d’Homère et dans celle d’Ovide 56 et sacrifié tout ce qui n’était pas conforme aux unités, à la vraisemblance et à la bienséance. Malgré cela, notre rapprochement de ces deux réécritures soulève des questions. À en croire notre postulat sur la filiation de l’ouvrage de Genest, la scène d’exposition de sa tragédie portant sur la plainte de Pénélope procède de la première scène du troisième acte chez Champ-Repus. Bien que l’imitateur présumé décide de donner aussitôt la parole à son personnage éponyme, le contenu de cette tirade de la femme d’Ulysse, l’ordre des points qu’elle aborde ainsi que la façon dont elle se plaint de ses prétendants et de l’absence de son mari sont les mêmes. Les « tyrans », chez Champ-Repus, et les « persécuteurs », chez Genest, poussent Pénélope à s’écrier : Pénélope : Puis-je pas maintenant à bon droit le mal plaindre Que j’ay de ces tyrans, qui me veulent astraindre D’adorer leur beauté, leurs grâces et leurs yeux, Que j’ay plus en horreur que le fond stygieux ? Plutost je passeray l’infernale rivière Que je veuille obéir à leur vile prière. (Ulysse, III, 1), 53 Cf. la Préface dans C.-C. Genest, Pénélope, op. cit. 54 M. de Champ-Repus, Œuvres, op. cit., pp. XII-XIII. 55 N. Hepp, Homère en France au XVII e siècle, op. cit., p. 272 ; M. de Champ-Repus, Œuvres, op. cit., p. XVI. 56 Il faut bien remarquer que Genest ne donne que deux noms en tant que sources et qu’il tait l’édition, la traduction ou le type de texte qu’il a eu sous la main lors de la composition de sa Pénélope. Il se peut, qui sait, qu’il s’agisse de la traduction de La Valterie, parue trois ans avant la mise en scène de Pénélope. Cf. sa Préface dans C.-C. Genest, Pénélope, op. cit. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 126 Pénélope : Non, mes persécuteurs, non le sort en courroux Ne sçauroient me réduire au choix d’un autre époux, J’expireray plûtost ; cette Mer, moins barbare, Rejoindra par ma mort deux cœurs qu’elle sépare […] (Pénélope, I, 1), Tandis que ces premiers vers de Pénélope vont de pair avec ceux d’Ulysse, ceux qui suivent cette même réplique sont renversés dans l’adaptation. Or, ce qui retient notre intérêt, c’est que dans les vers que l’on vient de citer et dans ceux que l’on va mentionner les deux intrigues coïncident et s’éloignent de la fabula homérique : Marigues de Champ-Repus renvoie, en bas de page, premièrement aux chants XIX, XX et secondement au chant XVIII de l’Odyssée 57 ; c’est la même dispositio que suit Genest pour la tirade de son personnage, qui n’est renversée que sur le plan syntaxique. Après cette évocation de la mort comme seule issue, la Pénélope genestienne s’adresse à Neptune Pénélope : Tu n’as donc point voulu, toy que j’ay tant prié, Me rendre le dépost que je t’ay confié, Neptune ? Eh ! plust au sort que ta fureur avide Eust étouffé sous l’onde un Ravisseur perfide […] (Pénélope, I, 1), à l’instar de celle de Champ-Repus, Pénélope : Pourquoy, vieillard Neptun, quand Paris vint par mer La ravir contre droit, ne fis-tu abismer Son corsaire vaisseau, et que l’eau furieuse Tost ne l’engloutissoit en son onde écumeuse ? (Ulysse, III, 1), ce qui corrobore le lien de parenté entre ces deux pièces, appuyé aussi par la transposition verbe / nom « ravir » / « ravisseur » et qui indique que Champ-Repus se serait servi soit des Métamorphoses d’Ovide, rappelé par Marigues en bas de page ailleurs, soit d’une source autre, telles les Fables 125 et 126 d’Hygin et/ ou d’un ouvrage espagnol, remplaçant le nom grec de Poséidon par le nom latin de Neptune. Ce sur quoi nous insistons, postulant une double intertextualité, ce n’est pas la reprise du même sujet par ces dramaturges français, le sujet du voyage d’Ulysse, mais ce sont, premièrement, le remaniement et la mise en scène des mêmes motifs homériques, à savoir le séjour du roi d’Ithaque dans l’île de la magicienne Circé, chez Durval, Boyer et l’Ancien Théâtre Italien, et son retour à la patrie, chez Champ-Repus et Genest ; et secondement, 57 M. de Champ-Repus, Œuvres, op. cit., pp. 39-40. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 127 l’intrigue elle-même, en d’autres termes, la transformation de la fabula que réalise tel écrivain et qui correspond grosso modo à celle qu’accomplit tel autre, cela non seulement du point de vue de la structure et du contenu mais aussi et surtout de la parole. Certes, l’adaptation de plusieurs textes à la fois est une démarche très lourde, demandant plus de forces de la part de l’écrivain, mais l’exploitation d’une ‘réécriture’ quelconque, soit d’une traduction résolvant le problème linguistique, soit, mieux encore, d’une imitation dramatique, ce qui permet à un nouvel adaptateur d’éviter une traduction intersémiotique, est au fond une économie d’énergies. Ainsi donc, nos investigations ne nous font parvenir à aucune vérité absolue, mais plutôt à une prise de conscience sur ces réécritures françaises de l’Odyssée prétendument indépendantes. Bibliographie Œuvres françaises des XVI e et XVII e siècles Boyer, C., Ulysse dans l’isle de Circé, ou Euriloche foudroyé, tragicomédie représentée sur le théâtre des machines du Marais, dédiée à Monseigneur Le Prince de Conty, Paris, Toussainct Quinet, 1650. Champ-Repus, M., Œuvres poétiques de Jacques de Champ-Repus, gentilhomme bas-normand. Publiées et annotées par Marigues de Champ-Repus, capitaine d’État-Major, chevalier de la Légion d’honneur, membre de plusieurs sociétés savantes, Paris, Bachelin-Deflorenne, 1864. Durval, J.-G., Les travaux d’Ulysse, trage-comédie tirée d’Homère et dédiée à Monseigneur le Duc de Nemours, Paris, Pierre Menard, 1631. Genest, C.-C., Pénélope, tragédie, Paris, Jean Boudot, 1703. Hédelin, F., La Pratique du théâtre. Œuvre très-nécessaire à tous ceux qui veulent s’appliquer à la composition des poëmes dramatiques, qui font profession de les réciter en public, ou qui prennent plaisir d’en voir les représentations, Paris, A. de Sommaville, 1657. Peletier, J., L’art poétique de Jacques Peletier du Mans (1555), publié d’après l’édition unique, avec introduction et commentaire, éd. A. Boulanger, Paris, Publications de la Faculté des lettres de l’Université de Strasbourg, 1930. Sainte-Maure, B. de, Le Roman de Troie par Benoît de Sainte-Maure : publié d’après tous les manuscrits connus par Léopold Constans, professeur à l’Université d’Aix-Marseille, Paris, Firmin Didot, 1904, vol. I. Études critiques sur la littérature française Arnauld, A., Mémoire sur le règlement des études dans les lettres humaines, par Antoine Arnauld, Paris, A. Colin, 1886. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 128 Bourchenin, P.-D., Étude sur les académies protestantes en France aux XVI e et XVII e siècles, Paris, Grassart, 1882. Cioranescu, A., Le masque et le visage : du baroque espagnol au classicisme français, Genève, Droz, 1983. Cognet, L., Claude Lancelot : solitaire de Port-Royal, Paris, Sulliver, 1950. Compayré, G., Histoire critique des doctrines de l'éducation en France depuis le seizième siècle, Paris, France-Expansion, 1972 (reproduction de l’éd. de Paris, Hachette, 1879). Dainville, F., Naissance de l’Humanisme moderne, Paris, Beauchesne et ses fils, 1940. Deierkauf-Holsboer, S. W., Le théâtre du Marais, Paris, Nizet, 1958, vol. II. Delaruelle, L., « L’étude du grec à Paris (de 1514 à 1530) », Revue du Seizième siècle, 9, 1922, pp. 56-57. Dupont-Ferrier, G., La vie quotidienne d’un collège parisien pendant plus de trois cent cinquante ans. Du collège de Clermont au lycée Louis-le-Grand (1563- 1920), Paris, E. Boccard, 1921, vol. I. Fauriel, C., Histoire de la poésie provençale : cours fait à la faculté des lettres de Paris, Paris, Labitte, 1846, vol. I. Fournel, V., Les contemporains de Molière, recueil de comédies, rares ou peu connues jouées de 1650 à 1680 avec l’histoire de chaque théâtre des notes et notices biographiques, bibliographiques et critiques, Paris, Firmin Didot frères, fils, et compagnie, 1863, vol. I. Karsenti, T., Le mythe de Troie dans le théâtre français (1562-1715), Paris, H. Champion, 2012. Lallemand, P., Histoire de l’éducation dans l’ancien Oratoire de France, Paris, E. Thorin, 1888. Lancaster, H.-C., A history of French dramatic literature in the Seventeenth Century, Baltimore, The Johns Hopkins Press, 1929-1942, vol. IV.1, pp. 212- 217. Lantoine, H.-E., Histoire de l’enseignement secondaire en France au XVII e siècle, Paris, E. Thorin, 1874. Lefranc, A., La vie quotidienne du temps de la Renaissance, Paris, Hachette, 1938. Mazouer, C., Le théâtre français de la Renaissance, Paris, H. Champion, 2002. Parfaict, C. et F., Histoire du théâtre françois depuis son origine jusqu’à présent, avec la vie des plus célèbres poëtes dramatiques, des extraits exacts et un catalogue raisonné de leurs pièces, accompagnées de notes historiques et critiques, Paris, Le Mercier et Saillant, 1745-49, vol. VII. Peletier, J., Œuvres poétiques de Jacques Peletier du Mans, Paris, Revue de la Renaissance, 1904. Rochemonteix, C., Un collège de Jésuites aux XVII e et XVIII e siècles. Le collège Henri IV de La Flèche par le P. Camille de Rochemonteix de la Compagnie de Jésus, membre titulaire de la Société historique et archéologique du Maine, Le Mans, Leguicheux, 1889. Le mythe d’Ulysse sur la scène française du XVII e siècle PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 129 Études critiques sur Homère et la littérature gréco-latine Entanaclaz, A., Les métamorphoses d’Ulysse : réécritures de « l’Odyssée », Paris, Flammarion, 2003. Hepp, N., « Homère en France au XVI e siècle », Atti della Accademia delle Scienze di Torino, II, vol. 96 (1961-62). Hepp, N., Homère en France au XVII e siècle, Paris, Klincksieck, 1968. Hepp, N., « Homère et la société française du XVII e siècle », Travaux de linguistique et de littérature, IV. 2. (1966). Études critiques sur la Commedia dell’arte et la dramaturgie étrangère Bourqui, C., La Commedia dell’arte : introduction au théâtre professionnel italien entre le XVI e et le XVII e siècles, Paris, SEDES, 1999. De Nardis, L., « Il ‘comico’ dei ‘Plaideurs’ : tra Aristofane e Scaramuccia », dans Scritti in onore di Giovanni Macchia, Milano, Mondadori, 1983, vol. II. Gambelli, D., Arlecchino a Parigi, Roma, Bulzoni, 1993-1997, vol. II.2. Gerard, N. B. du, Tables alphabétique et chronologique des pièces représentées sur l’Ancien Théâtre Italien depuis son établissement jusqu’en 1697 qu’il a été fermé, Paris, Prault, 1750. Gherardi, E., Le théâtre italien de Gherardi ou le recueil général de toutes les Comédies et Scènes françaises jouées par les Comédiens Italiens du Roi, Genève, Slatkine Reprints, 1969 (fac-sim. de l’éd. de Paris, Briasson, 1741), vol. III. Guardenti, R., Gli Italiani a Parigi : la Comédie Italienne (1660-1697) : teoria, pratica scenica, iconografia, Roma, Bulzoni, 1990, vol. I. Neri, F., Scenari delle maschere in Arcadia, Lapi, Città di Castello, 1913. Pavesio, M., Calderón in Francia. Ispanismo ed italianismo nel teatro francese del XVII secolo, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2000. Pavesio, M., « Le rôle de la commedia dell’arte dans la réception française de la Comedia au XVII e siècle », dans Le théâtre espagnol du Siècle d’Or en France : de la traduction au transfert culturel, sous la direction de Christophe Couderc, Nanterre, Presses universitaires de Paris Ouest, 2012, pp. 53-65. Perrucci, A., Dell’arte rappresentativa premeditata ed all’improvviso, testo, introduzione e bibliografia a cura di Anton Giulio Bragaglia, Firenze, Sansoni antiquariato, 1961. Études linguistiques et traductologiques Bunker, R., A bibliographical study of the Greek Works and translations published in France during the Renaissance. The decade 1540-1550, New York, Columbia University Press, 1939. Canfora, L., Il copista come autore, Palermo, Sellerio, 2002. Dolet, É., De la manière de bien traduire d’une langue en autre, Lyon, É. Dolet, 1540. Eleonora Nappa PFSCL XLVII, 92 (2020) DOI 10.2357/ PFSCL-2020-0006 130 Genette, G., Palimpsestes : la littérature au second degré, Paris, Seuil, 1982. Ladmiral, J.-.R., Sourcier ou cibiliste : les profondeurs de la traduction, Paris, Les Belles Lettres, 2014. Osimo, B., Manuale del traduttore. Guida pratica con glossario, seconda edizione, Milano, U. Hoepli, 2004. Popovič, A., La scienza della traduzione. Aspetti metodologici. La comunicazione traduttiva, Milano, U. Hoepli, 2006. Van Hoof, H., Histoire de la traduction en Occident, Paris, Duculot, 1991. Zuber, R., Les « belles infidèles » et la formation du goût classique, Paris, Albin Michel, 1995. Dictionnaires dramatiques, historiques, biographiques Fieux Mouhy, C. De, Tablettes dramatiques contenant l’abrégé de l’histoire du théâtre françois, l’établissement des théâtres à Paris, un dictionnaire des piéces, et l’abrégé de l’histoire des auteurs et des acteurs, dédiées à S.A.S. M. le Duc d’Orleans, Paris, S. Jorry, 1752. Léris, A., Dictionnaire portatif historique et littéraire des théâtres, contenant l’origine des différens théâtres de Paris ; le nom de toutes les Pièces qui y ont été représentées depuis leur établissement, et celui des Pieces jouées en Province, ou qui ont simplement paru par la voie de l’impression depuis plus de trois siècles ; avec des Anecdotes et des Remarques sur la plûpart : le nom et les particularités intéressantes de la Vie des Auteurs, Musiciens et Acteurs ; avec le Catalogue de leurs Ouvrages, et l’exposé de leurs talens : une chronologie des Auteurs, et des Musiciens ; avec une Chronologie de tous les Opéra, et des Pièces qui ont paru depuis trente-trois ans, Paris, C.A. Jombert, 1763. Mongrédien, G., Dictionnaire biographique des comédiens du XVII e siècle ; suivi d’un Inventaire des troupes (1590-1710) d’après des documents inédits, Paris, C.N.R.S., 1961.