Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2017-001
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2017
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Kristol De StefaniAutour des «Principes de la linguistique»: la correspondance Albert Sechehaye – Hugo Schuchardt (1909-26)
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2017
Anne-Marguerite Fryba-Reber
Pierre Swiggers
vox7610001
Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 Autour des «Principes de la linguistique»: la correspondance Albert Sechehaye - Hugo Schuchardt (1909-26) 1 Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers (Berne/ Leuven) Abstract: This paper presents the edition, with exegetical notes and a historiographical introduction, of the correspondence between Hugo Schuchardt (1842-1927) and Albert Sechehaye (1870-1946). The correspondence, which comprises nine letters sent to Schuchardt and two letters sent to Sechehaye, covers the years 1909-1926. In the letters various problems of general linguistics are touched upon: the subdivision of the science of language (the central topic of Sechehaye’s Programme et méthodes de la linguistique théorique [1908]); the definition of «language» and the role to be attributed to the individual and the social in the approach of language; the tension between convergence and divergence in the history of (a) language; the ontogenesis of language and the development of a more complex sentence structure (a central topic in Schuchardt’s «glottogenetic» investigations). In addition, the correspondence offers interesting biographical information, not only on the two correspondents, but also, more indirectly, on a possible meeting between Schuchardt and Saussure Keywords: General linguistics, Linguistic convergence and divergence, Ontogenesis of language, Principles of linguistic theory, Saussure, Schuchardt, Sechehaye, Sentence structure Hugo Schuchardt (1842-1927) a entretenu une correspondance 2 suivie avec les principaux linguistes et philologues de son époque: les néo-grammairiens August Leskien (20 lettres), Karl Brugmann (6 lettres), Hermann Osthoff (2 lettres), Eduard Sievers (7 lettres), Berthold Delbrück (3 lettres), Wilhelm Streitberg (18 lettres), leurs adversaires «idéalistes» Karl Vossler (24 lettres) et Leo Spitzer (453 lettres) 3 , les romanistes français et suisses Gaston Paris (98 lettres), Paul Meyer (12 lettres), Jules Gilliéron (9 1 Nous tenons à remercier M. le prof. Bernhard Hurch et ses collaborateurs (Hugo Schuchardt- Archiv, Universität Graz) pour leur aide amicale, et nous exprimons notre gratitude à Bernhard Hurch, ainsi qu’aux anciens responsables de la «Manuskriptabteilung» de la bibliothèque universitaire de Graz (Dr. Hans Zotter et Dr. Walter Slaje) et à Dr. Michaela Wolf, pour l’aimable accueil et pour l’autorisation de publier des documents du Schuchardt-Nachlass. Nous tenons également à remercier un relecteur anonyme pour ses remarques et suggestions. 2 Voir le catalogue de W olf 1993; sur l’exploitation historiographique de cette correspondance cf. S WiggerS 2017: 26-32. 3 Voir par exemple l’édition de la vaste correspondance entre Leo Spitzer et Hugo Schuchardt, par H urcH 2006, ou l’édition, par e iSmann / H urcH 2008, de la correspondance entre Baudouin de Courtenay et Schuchardt. Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 2 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 lettres), Jakob Jud (27 lettres) 4 , Karl Jaberg (18 lettres), des hispanistes et lusitanistes comme Rufino José Cuervo (115 lettres), Ramón Menéndez Pidal (27 lettres), Carolina Michäelis de Vasconcellos (39 lettres) et Francisco Adolfo Coelho (33 lettres), les comparatistes et/ ou linguistes «généralistes» Graziadio Ascoli (138 lettres), Jan Baudouin de Courtenay (34 lettres), Michel Bréal (24 lettres), Franz Nikolaus Finck (7 lettres), Jacobus van Ginneken (13 lettres), Maurice Grammont (6 lettres), Otto Jespersen (27 lettres), Holger Pedersen (28 lettres), Antoine Meillet (51 lettres), Alfredo Trombetti (60 lettres), Cornelius C. Uhlenbeck (80 lettres), des bascologues comme Resurrección María Azkue y Aberasturi (19 lettres), Edward Spencer Dodgson (181 lettres), Georges Lacombe (138 lettres), Julio Gabriel Urquijo e Ibarra/ Ybarra (244 lettres), Jan Willem Van Eys (24 lettres), Julien Vinson (37 lettres) et Wentworth Webster (55 lettres), les celtisants Kuno Meyer (14 lettres), John Rhys (23 lettres) et Ernst Windisch (27 lettres), les slavistes Vatroslav Jagić (40 lettres), Franz von Miklosich (12 lettres) et Max Vasmer (13 lettres), ou encore avec des africanistes comme Leo Reinisch (165 lettres) et des spécialistes de langues sémitiques comme Nikolaus Rhodokanakis (90 lettres) 5 . Dans la vaste correspondance 6 entretenue par Schuchardt (totalisant quelque 13000 lettres), une absence frappe: celle de Ferdinand de Saussure, avec qui Hugo Schuchardt ne semble avoir eu aucun échange épistolaire, alors que le grand lecteur et voyageur qu’était Schuchardt a dû avoir pris connaissance du Mémoire de Saussure 7 ou entendu parler de son enseignement si apprécié à Paris (1881-91) et à Genève (à partir de 1891) 8 . Schuchardt ne tardera pas à rendre compte du Cours de linguistique générale publié en 1916, trois ans après la mort de Saussure: son long compte rendu, paru dans le Literaturblatt für germanische und romanische Philologie, constitue d’ailleurs un bel exemple de réception critique et constructive; il fait preuve aussi d’une attitude bienveillante à l’égard du renouvellement de la linguistique (générale) par les linguistes 4 Les 27 lettres de Jud à Schuchardt ont été publiées par H einimann 1992 qui, vingt ans auparavant, avait édité cinq lettres de Schuchardt à Jud; cf. H einimann 1972. 5 On doit y ajouter encore la correspondance bien fournie avec des spécialistes de langues créoles et avec des auteurs ayant étudié, voire créé eux-mêmes, des langues artificielles internationales (Kunstsprachen). 6 La correspondance de Schuchardt dépasse, de loin, les bornes de la linguistique: le linguiste de Graz a entretenu aussi une correspondance suivie avec des ethnographes et folkloristes, des historiens, des philosophes, des géographes, des botanistes, etc. Signalons ici, à l’intention des chercheurs s’intéressant à Schuchardt et à son vaste réseau scientifique, qu’on trouve sur le site du Hugo Schuchardt-Archiv un inventaire complet de la correspondance de Schuchardt (cf. http: / / schuchardt.uni-graz.at); le site donne un accès direct à la correspondance (et aux éditions critiques de portions de la correspondance). L’équipe du Hugo Schuchardt-Archiv s’est également efforcée de réunir les contre-parties de la correspondance; ainsi, dans de nombreux cas, on trouvera un renvoi, ou un accès direct, aux lettres envoyées par Schuchardt à un de ses correspondants. 7 Qu’il aurait peut-être rencontré à Gotha, cf. la lettre de Sechehaye à Schuchardt du 12 février 1926, éditée ici [= lettre 7]. 8 Voir infra, N13 et 23. Autour des «Principes de la linguistique» 3 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 de Genève. Bien avant 1916, Schuchardt avait déjà pris connaissance des travaux de Charles Bally (1865-1947) 9 et d’Albert Sechehaye (1870-1946) 10 , et il a entretenu une correspondance avec les deux linguistes genevois à partir de 1916 et 1909, respectivement. C’est la correspondance avec Albert Sechehaye que nous publions ici, avec une analyse permettant de contextualiser les informations contenues dans cet échange. La correspondance entre Sechehaye et Schuchardt, telle qu’elle a été conservée à Graz et à Berne, comporte 11 lettres (9 lettres de Sechehaye à Schuchardt, 2 lettres de Schuchardt à Sechehaye). Cet échange épistolaire s’étend sur les années 1909-26 et recouvre donc les vingt dernières années de la vie de Schuchardt, période pendant laquelle l’auteur s’est de plus en plus intéressé à des problèmes de linguistique générale et de «glottogénèse» et à des questions de bascologie 11 . La correspondance semble avoir démarré en 1909 12 , en rapport avec la lecture de Programme et méthodes de la linguistique 13 par Schuchardt, qui, reconnaissant l’intérêt de cet ouvrage innovateur 14 , a dû envoyer un tiré à part d’une de ses publications 15 à Sechehaye, geste auquel celui-ci a répondu par l’envoi de son article «La stylistique et la linguistique théo- 9 Sur Charles Bally, cf. r edard 1982a et b, H ellmann 1988a et b et f orel 2008. 10 Sur Albert Sechehaye, cf. f ryba -r eber 1994. 11 Pour un aperçu de la répartition chronologique de la correspondance, cf. W olf 1993: 547-64. 12 La première lettre conservée de Sechehaye à Schuchardt, datée du 7 novembre 1909, fait mention d’une carte postale envoyée par Schuchardt depuis Brioni. 13 S ecHeHaye 1908a. Rappelons que cet ouvrage comporte une dédicace à Ferdinand de Saussure, qui a dû attirer l’attention de Schuchardt sur l’apport de Saussure comme théoricien: «À mon maître Monsieur Ferdinand de Saussure / Monsieur, C’est vous qui avez éveillé en moi l’intérêt que je porte aux problèmes généraux de la linguistique, et c’est de vous que j’ai reçu plusieurs des principes qui ont éclairé ma route dans ces recherches. Bien que ma pensée se soit, par la suite, engagée dans des voies personnelles, mon ambition a été, en écrivant chacune de ces pages, de mériter votre approbation. L’ouvrage achevé, vous avez bien voulu l’examiner et m’encourager dans mon entreprise par le bienveillant appui que j’ai toujours trouvé auprès de vous. J’ose donc espérer que j’ai, en quelque mesure, atteint mon but, et je suis heureux de pouvoir vous dédier cet essai comme un hommage et comme un témoignage de profonde gratitude» (S ecHeHaye 1908a: v ). Saussure est mentionné encore (S ecHeHaye 1908a: 123) pour sa distinction terminologique entre phonologie (= phonétique statique) et phonétique (= phonétique évolutive ou historique). Saussure avait l’idée de rédiger un compte rendu ou commentaire de ce travail, mais ce projet est resté inachevé; on trouve le texte de l’ébauche de ce compte rendu dans le CLG/ E (e ngler 1968- 74: fragment 3330). 14 Signalons que dans Programme et méthodes de la linguistique il n’y a aucun renvoi aux publications de Schuchardt. 15 Il s’agit vraisemblablement de «Sprachgeschichtliche Werte» (S cHucHardt 1909). De cette publication, Schuchardt a fait imprimer des exemplaires séparés (Graz, «im Selbstverlag des Verfassers», 18 p.). Un exemplaire personnel de Schuchardt est conservé à la bibliothèque universitaire de Graz et peut être consulté sous forme numérisée sur le site du Hugo Schuchardt-Archiv [cf. supra, N6]; le nom de Sechehaye figure dans une liste de destinataires (collègues linguistes et revues) que Schuchardt a inscrite sur la dernière page de l’exemplaire. Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 4 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 rique» 16 . C’est ce que nous apprend le début de la première lettre de Sechehaye. Cette même lettre nous apprend aussi que Schuchardt, dans sa «carte postale … adressée de Brioni» aurait félicité Sechehaye de la façon dont il avait esquissé une théorie du changement phonétique 17 et lui aurait annoncé d’autres commentaires: «c’est avec le plus grand plaisir que je lirai vos observations plus détaillées sur cette partie de mon livre comme sur le reste», écrit Sechehaye. Peut-être Schuchardt avait-il annoncé à Sechehaye son intention de publier un compte rendu de son ouvrage 18 . À cette lettre de Sechehaye fait suite une carte 19 de Schuchardt, envoyée de Graz, après son retour de Brioni. Cette lettre [= 1*] nous apprend que Schuchardt n’avait pas avancé beaucoup dans sa lecture de l’ouvrage de Sechehaye; d’autre part, cette lettre nous informe sur les attaches de Schuchardt avec la Suisse 20 ainsi que sur ses contacts avec des savants suisses 21 . Rappelons à ce propos que la publication du Hugo Schuchardt-Bre- 16 S ecHeHaye 1908b; ce travail est, comme le dit Sechehaye lui-même, une reprise, avec quelques remaniements, d’une partie de son livre Programme et méthodes de la linguistique (S ecHe - Haye 1908a). 17 Cette théorie du changement phonétique est exposée dans le chapitre 13 de Programme et méthodes de la linguistique: «Emboîtement de la phonétique dans la morphologie évolutive» (S e cHeHaye 1908a: 161-214). Sechehaye, après avoir justifié l’emboîtement et après avoir traité des évolutions morphologiques, aborde les évolutions phonétiques dans la seconde partie de ce chapitre. Il y distingue deux (et seulement deux) types de transformations: les transformations brusques (qui ne changent pas le système phonologique) et les transformations lentes (qui font évoluer le système phonologique). Dans l’analyse détaillée de chacun de ces deux types, Sechehaye insiste sur le rapport avec la morphologie et sur les facteurs de variation qui précèdent le changement (celui-ci se définit par la sélection et par l’adoption d’innovations). Pour Sechehaye, la régularité des phénomènes d’évolution réside dans des causes psychologiques («intellectuelles»), en rapport étroit avec les besoins de l’expression et de la communication (cf. S ecHeHaye 1908a: 211). 18 Cf. le passage à la fin de la lettre: «La pensée que vous aviez été un lecteur bienveillant de mon livre et que vous aurez sans doute l’occasion d’exprimer votre opinion à ce sujet m’a poussé à le faire, et votre amabilité à mon endroit m’y a décidé». 19 La carte, conservée à Berne en attendant d’être remise aux archives Schuchardt à Graz, contient en haut une photo (en format réduit) de la «Villa Malwine», maison que Schuchardt avait fait construire en 1905-06 à Graz (Johann-Fux-Gasse 30) et à laquelle il avait donné le prénom de sa mère. 20 Du côté maternel, Schuchardt avait des attaches avec la famille Bridel: il mentionne le nom de son grand-oncle, le «Doyen Bridel», à savoir Philippe-Sirice Bridel (1757-1845), historien et homme de lettres, pasteur successivement à Bâle, Château-d’Oex, Montreux et Lausanne-Vevey (sur les racines «franco-suisses» de Schuchardt, cf. S cHucHardt 1925: 8). Le Doyen Bridel fut un grand folkloriste et dialectologue, qui a récolté des matériaux sur le suisse romand (son ouvrage Glossaire du patois romand fut publié, après sa mort, en 1860, par Louis Favrat). Cf. f ryba r eber 2013: 209-10. 21 Avec le romaniste Eugène Ritter (1836-1928), Hugo Schuchardt a entretenu une correspondance (8 lettres), entre autres en rapport avec le projet de la Diez-Stiftung. Schuchardt s’est exprimé à plusieurs reprises sur les liens qui l’unissaient à la Suisse. Cf. S toroSt 1992: 89, f ryba 2002: 104-7 et 2013: 70 N20 et 264 N290. Autour des «Principes de la linguistique» 5 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 vier (S pitzer 1922/ 1928) a été rendue possible par de généreuses souscriptions de la part de linguistes suisses 22 . Curieusement, si Schuchardt ne parle guère de l’enseignement en linguistique (indo-européenne et générale) de Ferdinand de Saussure 23 , il fait une place spéciale à Adolphe Pictet (1799-1875) 24 . Signalons aussi que la première lettre [= 1] de Sechehaye nous offre un beau témoignage d’auto-appréciation et d’explicitation après-coup: Sechehaye non seulement reconnaît certaines faiblesses de son ouvrage - en effet très «programmatique» 25 à beaucoup d’égards -, mais il précise aussi l’enjeu de l’ouvrage: celui de fournir 22 Fait auquel Schuchardt a été sensible, cf. la feuille volante qu’il publia en 1922 (Dank an die Schweizer Spender des Schuchardt-Breviers). La première édition du Brevier contient une feuille non paginée, à la suite de la page de titre, qui donne la liste des personnes et des institutions ayant contribué à la publication de l’ouvrage (texte introductif: «Folgende schweizerische oder in der Schweiz lebende Forscher, Hoch- und Mittelschullehrer, eingedenk der reichen geistigen und wissenschaftlichen Forderung durch Hugo Schuchardts Arbeiten, haben durch opferfreudige Unterstützung das Erscheinen dieses Huldigungsbandes ermöglicht»); cette feuille ne figure plus dans la deuxième édition du Brevier. Comme le soulignait S pitzer 1922/ 1928: 9, se basant sur des informations fournies par J. Jud, les travaux de Schuchardt avaient été mis à profit dans l’enseignement et la recherche universitaires: «In den Universitätsvorlesungen wie in den Seminarübungen schweizerischer Linguisten, aber ebenso in den sprachgeschichtlichen und allgemein linguistischen Arbeiten schweizerischer Gelehrten haben Schuchardts wissenschaftliche Anschauungen neben denen Jules Gilliérons stets starken Widerhall gefunden. Es sei daran erinnert, dass L. Gauchat im Jahre 1905 schrieb: ‹la brochure de M. Schuchardt Über die Lautgesetze est encore pour moi le livre de chevet du philologue›. E. Tappolet hat in seiner Universitätsvorlesung sich mit Schuchardt auseinandergesetzt, J. Jud seine wissenschaftliche Arbeit mit einem Motto aus Schuchardts Arbeiten begonnen, Gilliéron ist, durch J. M. Hubschmied angeregt, dem Grazer Meister wieder näher getreten, dem er die erste Serie seiner sprachgeographischen Studien zueignete». 23 Pourtant, dans une lettre du 21 octobre 1877 à Hugo Schuchardt, Eugène Ritter parle de Ferdinand de Saussure comme «indianiste». 24 Adolphe Pictet, auteur d’ouvrages de paléontologie linguistique et de linguistique comparative (De l’affinité des langues celtiques avec le sanscrit [Paris, 1837]; Les origines indo-européennes ou les Aryas primitifs [Paris, 1859]) était un ami de la famille Saussure et a suivi les premiers pas de Ferdinand de Saussure comme linguiste (cf. J oSepH 2012: 147-60, 165-70, 174-76, 217-19, 367-77). 25 Cf. d’ailleurs S ecHeHaye 1908a: 45-46: «Les pages suivantes n’ont d’ailleurs pas d’autre prétention que d’esquisser un programme. Édifier l’œuvre est un travail de plus longue haleine et qui dépasse nos forces. Il n’est pourtant pas inutile de tracer un bon plan bien conçu et justifié par des calculs exacts. C’est un plan de cette nature que nous voudrions offrir à tous ceux, linguistes et psychologues, qui collaboreront à l’édification de la science théorique du langage. La tâche que nous entreprenons offre une difficulté spéciale du fait que nous aurons à parler à la fois à deux sortes de lecteurs: aux linguistes qui ne sont pas encore familiarisés avec les méthodes de la psychologie, et aux psychologues qui doivent être initiés à des faits et à des principes qui n’ont rien que de banal pour les linguistes. Les uns et les autres nous sauront peut-être gré d’être sur tous les points aussi explicite que possible, et de présenter une matière nécessairement ardue et abstraite d’une façon accessible à tout lecteur de bonne volonté». Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 6 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 une systématisation 26 des (sous-)disciplines linguistiques. En fait, Sechehaye parle de «sciences» à la fois pour le plan englobant (sciences linguistiques) et pour les branches (sciences des sons, sciences des formes). C’est à partir de cette volonté d’expliciter et de justifier son positionnement épistémologique très ambitieux - à savoir, celui d’assigner sa (juste) place à la linguistique dans «la science» 27 - qu’il faut comprendre aussi la réaction de Sechehaye par rapport à l’envoi de Schuchardt (1909): Sechehaye relève, sans ambages, la différence qui le sépare de Schuchardt en ce qui concerne la dimension explicative, ou étiologique 28 , en linguistique historique et il en profite pour énoncer son propre point de vue, plus «collectiviste» et plus (socio-)culturel: «ne convient-il pas de considérer en première ligne les faits d’ordre intellectuel et moral qui eux en dernière analyse sont toujours des sommes ou des résultats d’initiatives individuelles? » 29 . Sans doute Schuchardt a-t-il apprécié ce début d’échange d’idées sur des questions d’étiologie linguistique, mais on observera que les deuxième et troisième lettres de Sechehaye à Schuchardt datent de 1920 et 1921: il n’y a pas de lettres conservées pour la période 1910-19, ce qui peut s’expliquer par la non-conservation de missives et/ ou par une interruption dans l’échange épistolaire. On peut en effet admettre que 26 Dans Programme et méthodes de la linguistique, Sechehaye propose une classification des disciplines linguistiques en utilisant deux principes: le principe de l’emboîtement et le principe de subordination. 27 Cf. l’affirmation dans la lettre: «Le but primordial de mon livre est de montrer comment un principe d’ordonnance doit et peut être appliqué aux disciplines de la linguistique et comment il faut, en prenant les choses d’aussi haut que possible situer d’abord cette science dans ‹la science›». Tout comme Saussure (cf. S WiggerS 2016: 274-86), Sechehaye a toujours été soucieux de définir la place de la linguistique dans un ensemble plus vaste - celui des sciences, ou de «la science» -; cette volonté de définir le statut de la linguistique apparaît nettement dans le premier chapitre («Science des faits et science des lois. - Justification rationnelle d’une linguistique théorique») de S ecHeHaye 1908a; l’auteur y renvoie d’ailleurs à l’ouvrage de n aville 1901 sur la classification des sciences. Le terme ordonnance, que Sechehaye utilise dans sa lettre à Schuchardt, est un terme clef de Programme et méthodes de la linguistique; cf. S ecHeHaye 1908a: 125: «En attendant nous allons examiner les questions d’emboîtement et établir l’ordonnance et le programme de la linguistique théorique du langage organisé, en subordonnant nos subdivisions d’après l’ordre que nous venons de choisir. Si nous arrivons par ce moyen à analyser le problème complexe qui se pose à nous, en une série de problèmes se succédant naturellement, d’une façon claire et facile pour la pensée, nous aurons par là apporté une démonstration pratique en faveur du principe d’ordonnance que nous avons adopté». 28 S ecHeHaye 1908a: 201 lui-même utilise le terme d’étiologie: «L’étiologie des évolutions phonétiques régulières nous apparaît comme excessivement complexe et très difficile à déterminer d’une façon satisfaisante dans chaque cas particulier, et cependant parfaitement claire et rationnelle dans ses principaux facteurs». 29 Cf. lettre [1]. Autour des «Principes de la linguistique» 7 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 dans les années de la Grande Guerre Schuchardt a entretenu peu de contacts avec ses correspondants genevois francophones 30 . Dans ces deux lettres de 1920 et 1921 (= [2] et [3]) il est question de deux articles de Schuchardt que Sechehaye avait reçus: l’article «Sprachursprung III» 31 et l’article «Exkurs zu Sprachursprung III» 32 , deux textes qui abordent un problème de linguistique générale, plus particulièrement en rapport avec l’ontogénèse du langage humain. Sechehaye y répond de manière enthousiaste, marquant son accord fondamental avec Schuchardt: de son côté, il informe son correspondant de Graz de travaux parus ou à paraître 33 . L’envoi de publications de la part de Schuchardt à Sechehaye a continué, comme en témoignent les missives de Sechehaye du 28 novembre 1921 [= 4] (dans laquelle il remercie Schuchardt pour l’envoi d’un article) 34 et du 18 novembre 1922, où il est question de l’article de Schuchardt sur les relations dans la phrase 35 . Dans cette lettre [= 5] de novembre 1922, Sechehaye annonce son «grand travail en préparation» - il 30 Les quelques lettres de Charles Bally à Schuchardt de 1916 et 1917 sont en rapport avec le compte rendu du Cours de linguistique générale (S cHucHardt 1917). Notons aussi qu’il n’y a pas de lettres conservées de Georges Antoine Bridel (de Lausanne) à Schuchardt entre 1912 et 1916 (la correspondance, entamée en 1898, ne compte qu’une lettre pour l’année 1917; elle reprend en 1920). Du romaniste zurichois Ernest Bovet, il y a 6 lettres envoyées à Schuchardt en 1915, mais ensuite la correspondance ne reprend qu’en 1919; la correspondance avec Karl Jaberg et avec Louis Gauchat se fait également rare dans les années 1914-18. Ce n’est qu’avec Jakob Jud que Schuchardt semble avoir maintenu une correspondance suivie dans les années 1914-18 [cf. supra, N4]. 31 Il s’agit de S cHucHardt 1919. 32 Ce complément au texte de 1919 a été publié en 1921: S cHucHardt 1921a. 33 Il s’agit des articles «Les deux types de phrase» (S ecHeHaye 1920) et «Locutions et composés» (S ecHeHaye 1921). Dans un post-scriptum, Sechehaye mentionne un «travail déjà ancien», qu’il communique à Schuchardt; il peut s’agir d’un des deux articles «Les règles de la grammaire et la vie du langage» (S ecHeHaye 1914) et «La méthode constructive en syntaxe» (S ecHeHaye 1916) ou éventuellement de la présentation des thèses saussuriennes dans «Les problèmes de la langue à la lumière d’une théorie nouvelle» (S ecHeHaye 1917). 34 Selon nous, il s’agit de «Possessivisch und passivisch» (S cHucHardt 1921b), texte dans lequel Schuchardt traite de sa conception du (caractère actif et passif du) transitif, en s’opposant à la conception de F. N. Finck; il s’y oppose à la conception primaire de l’action verbale comme l’expression d’un processus «possédé» par son auteur (selon Schuchardt, une telle conception - dont on trouve les germes chez Humboldt - est tout au plus une vue dérivée, secondaire; cf. S cHu cHardt 1921b: 661-62). 35 Il s’agit de «Sprachliche Beziehung» (S cHucHardt 1922); ce texte est identifié par S cHu cHardt (1922: 199 N1) comme le sixième d’une série de travaux «glottogoniques», qui comprend, dans l’ordre chronologique, cinq publications précédentes: «Sprachursprung I» (S cHucHardt 1919a), «Sprachursprung II» (S cHucHardt 1919b), «Sprachursprung III» (S cHucHardt 1920a), «Exkurs zu Sprachursprung III» (S cHucHardt 1921a), «Possessivisch und passivisch» (S cHucHardt 1921b). Dans «Sprachliche Beziehung», Schuchardt traite de l’origine de la phrase à un membre (eingliedrig) et de la phrase à deux membres (zweigliedrig) et de l’expression de Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 8 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 s’agit de l’Essai sur la structure logique de la phrase - et signale qu’il n’est pas toujours d’accord avec le point de vue de Schuchardt sur l’organisation de la phrase, sans toutefois expliciter les points de désaccord 36 : pour cela, un «exposé d’ensemble» serait nécessaire, «où tout se tient», formule à résonance saussurienne (ou «épi-saussurienne») 37 . Plus de trois années séparent cette lettre de novembre 1922 des suivantes. Le 20 janvier 1926 Sechehaye remercie Schuchardt pour l’envoi de son «manifeste»: il ne peut s’agir que de «Der Individualismus in der Sprachforschung» 38 , véritable testament intellectuel du maître de Graz. Sechehaye lui promet l’envoi de son livre de parution imminente - il s’agit toujours de l’Essai sur la structure logique de la phrase - qui est, à sa façon, une manifestation d’individualisme linguistique. Ce n’est qu’en juin 1926, très précisément le 12 juin, que Sechehaye reçoit enfin les exemplaires d’auteur de son livre dont il envoie aussitôt un exemplaire à titre gracieux à Schuchardt, qui figure, à côté de Meillet, Bally et Jespersen, parmi les personnes à qui il a tenu à rendre hommage (cf. lettre [8], datée du 12 juin) 39 . Schuchardt y a répondu par une longue rapports entre les mots d’une phrase; dans ce texte, il entre en discussion avec Wilhelm Wundt et Alfredo Trombetti. 36 «J’ai même un grand travail en préparation sur ce sujet, si jamais il paraît vous serez un des premiers à le recevoir et si vous voulez bien le lire vous verrez que si je vous suis sur beaucoup de points[,] sur d’autres je vais sur un autre chemin. Je voudrais pouvoir vous offrir dès maintenant cette contradiction que vous semblez souhaiter (p. 206), mais je n’ose me présenter qu’avec ttes mes forces, c’est-à-dire dans un exposé d’ensemble où tt se tient et où les conséquences de chaque chose sont suivies jusqu’au bout» (cf. lettre [5]). Dans son exemplaire de «Sprachliche Beziehung», Sechehaye a souligné, à la page 206 (c’est la première phrase de la conclusion), le passage suivant que nous reproduisons en italique: «Im gegenwärtigen Aufsatz habe ich noch mehr als in den vorangehenden mich auf Andeutungen und Anregungen beschränken müssen und auch wollen; manches wird ja erst durch Einwände anderer für gründliche Ausführung reif» (italiques nôtres). 37 Sur l’historique de cette formule attribuée à Meillet, cf. K oerner 1973: 231, 240, b ro gyanyi 1983, t oman 1987, H eWSon 1990, p eeterS 1990, K oerner 1996-97, 1998. Relevons l’utilisation de la formule dans le compte rendu que le philosophe et psychologue Pierre Bovet a fait du CLG et où il est question de changement linguistique: «Qu’un changement soit apporté quelque part à cet organisme, il aura sur les autres parties du système en équilibre des répercussions que l’on n’aurait pas soupçonnées d’abord; tout se tient, tout est lié» (b ovet 1916-17: 307). Le texte de Bovet est réimprimé dans S ofia / S WiggerS 2018. 38 Ce travail (S cHucHardt 1925) a paru dans les Sitzungsberichte de l’Académie de Vienne (en décembre 1925); Sechehaye fait une allusion directe au titre de ce texte en présentant son livre à paraître comme une manifestation d’individualisme linguiste (sic). 39 Les Imprimeries Monce à Reims ont reporté de plusieurs mois la parution du livre. D’après un brouillon manuscrit daté du 12 juin 1926 et adressé à M. Champion, Sechehaye accuse alors réception des exemplaires de son livre: «L’un d’eux a été remis à la Société qui m’a subventionné, 4 autres ont été envoyés avec dédicaces à des personnes auxquelles je devais cet hommage, M. Meillet, M. Bally, M. le Prof. Schuchardt (Graz) et M. O. Jespersen». Ces quatre auteurs sont ceux que Sechehaye cite le plus souvent (à côté de Wilhelm Wundt) dans son ouvrage de 1926. Cf. Autour des «Principes de la linguistique» 9 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 lettre [8*] - d’une écriture assez pénible 40 - dans laquelle le maître de Graz s’entretient avec son correspondant genevois à propos de problèmes touchant aux «principes de la linguistique» (Prinzipien der Sprachwissenschaft). Schuchardt y affirme sa conception foncièrement «dialogale» et polémisante de l’activité scientifique: «Wir sollen voneinander lernen und gerade im Grundsätzlichen wird dies am Ehesten geschehen: ich wenigstens freue mich wenn ich auf widerstreitende Ansichten stosse, ich werde dadurch gefördert» 41 . À la fin de sa lettre, Schuchardt annonce, non sans humour («eine ganz winzige vielleicht auch windige akademische Abhandlung»), l’envoi imminent d’un mémoire académique que Schuchardt avait envoyé à l’Académie de Berlin (le mémoire fut présenté à la séance du 3 juin 1926); il doit s’agir du texte «Sprachverwandtschaft II», que Sechehaye a reçu comme tirage à part (cf. infra, en annexe: «Publications de Schuchardt reçues par Sechehaye», n° 8). Dans ce travail, Schuchardt pose le problème du rapport entre le social et l’individuel, et de l’importance à accorder aux deux versants. Il s’y prononce énergiquement contre la théorie de Durkheim qui accorde à la contrainte sociale un rôle déterminant dans la vie du langage au détriment de l’imitation et, surtout, de la créativité individuelle. Soulignant l’importance décisive de la force créatrice individuelle («der schöpferische Trieb»), Schuchardt conclut qu’il y a, dans la vie du langage, une symbiose constante entre l’accommodation à la société (= convergence) et la volonté de différenciation (= divergence): «Als der alleinige Faktor im Sprachleben kann die Nachahmung ebensowenig wie der Zwang betrachtet werden; weder dieser noch jener ist überhaupt denkbar ohne die Beteiligung des schöpferischen Triebes, des individuellen; immer wirken Konvergenz und Divergenz zusammen» (S cHucHardt 1926: 149). Comme le remarque Sechehaye dans sa réponse (lettre [9]), Schuchardt a touché là au «nœud du débat» 42 . Il est intéressant de noter que dans une publication du début des années d’ailleurs S ecHeHaye 1926: 3: «Il suffit de rappeler les noms des savants qui ont marqué depuis un quart de siècle dans la linguistique pour voir sous combien de faces ces problèmes ont déjà été abordés. Nous pensons spécialement à Wundt et à Schuchardt en Allemagne (sic), à MM. Meillet, Vendryès et Bally parmi les élèves de Ferdinand de Saussure, à M. Sapir en Amérique, au Scandinave Noreen et à M. Jespersen de Copenhague, qui vient de nous donner un livre entièrement consacré aux questions générales de l’organisation grammaticale». 40 Comme nous l’apprend le contenu de la lettre, Schuchardt, octogénaire, était alors très souffrant. 41 Cf. lettre [8*]; voir aussi la nette affirmation dans S cHucHardt 1921b: 662: «Von Andersdenkenden lernt man noch mehr als von Genossen, hauptsächlich weil man angeregt wird, nachzuforschen, warum sie anders denken. So kommt man dahin, angeborene Unterschiede auch bei den Männern der Wissenschaft zu entdecken: die einen sind mehr Hörmenschen, die andern mehr Sehmenschen, den einen erscheint die Welt mehr als etwas Werdendes, den andern mehr als etwas Seiendes, die einen sind Schüler des Heraklit, die andern sind Eleaten. Dem Forscher dient alles zum Gewinn.» 42 Débat qui fut engagé dès le début des échanges épistolaires entre Schuchardt et Sechehaye; cf. lettre [1]. Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 10 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 trente, Sechehaye a tenté de démêler l’écheveau du rapport «organique» de l’individuel et du social dans la langue 43 . C’est avec cette lettre que se termine l’échange épistolaire entre Sechehaye et Schuchardt. Ce dernier meurt le 21 avril 1927. Il nous reste à parler de la lettre [7], document particulièrement important par l’information biographique qui y est contenue. Dans cette lettre du 12 février 1926, qui fait suite à une demande d’information de la part de Schuchardt (serait-ce en réaction à la mention d’individualisme linguist[iqu]e de la part de Sechehaye? ), le linguiste genevois fournit des informations sur son ascendance familiale, du côté paternel. On y apprend que la branche Sechehaye avait des racines lorraines et avait dû s’exiler, en Suisse et en Allemagne, à la fin du XVI e ou au début du XVII e siècle à la suite de la persécution des huguenots 44 . Sechehaye parle aussi du pensionnat «Sechehaye- Colibert», jadis exploité par des parents lointains; apparemment, la mère 45 de Hugo Schuchardt avait connu cette institution 46 . En passant, Sechehaye parle aussi de son père, Jean François 47 . Ce qui augmente l’intérêt de cette lettre du 12 février 1926, c’est la mention de la famille de Saussure. Schuchardt, qui avait recensé le Cours de linguistique générale, semble avoir eu un vague souvenir d’une rencontre avec le jeune Ferdinand de Saussure à Gotha (d’où Schuchardt était originaire), autour de 1876-78 48 . Étant incapable de fournir une réponse précise à la demande de Schuchardt, Sechehaye s’est adressé à un des fils de Ferdinand de Saussure, le psychanalyste Raymond de Saussure 49 . La correspondance Schuchardt - Sechehaye, tout en étant de volume restreint, nous semble être d’un triple intérêt: (a) d’un côté, elle nous fournit un auto-témoignage sur la position théorique de Sechehaye à propos de la définition et «l’ordonnance» des 43 Le terme organique figure dans le titre de S ecHeHaye 1933. 44 La branche genevoise des Sechehaye s’installe dans la ville de Calvin en 1689 et obtiendra la bourgeoisie de la ville en 1770 (f ryba -r eber 1994: 189). 45 Malwina von Bridel-Brideri (1815-99). 46 Dans sa thèse portant sur l’éducation et l’instruction à Genève autour de 1830, Mützenberg répertorie les institutions consacrées à l’éducation des jeunes filles, au nombre desquelles figure le pensionnat des demoiselles Sechehaye-Colibert, situé à l’époque dans la vieille ville de Genève (très précisément à la rue des Chanoines devenue entretemps rue Calvin): «Les demoiselles [Esther] Séchehaye et Elizabeth Colibert, de Paris, dirigent l’éducation, à la rue des Chanoines, de 7 jeunes filles en 1828, de 16 en 1834 et de 9 en 1843» (m ützenberg 1974: 233). 47 Jean François Sechehaye (1841-1931) fut le cofondateur, en 1872, de la régie «Pilet-Bouvier & Sechehaye». Il a signé le rapport du Président de la Société des régisseurs genevois en 1893-94. Nous devons ces renseignements à l’amabilité de M. Claude Pilet de la régie Pilet-Renaud qui a généreusement mis à notre disposition des documents concernant la fondation de la régie. 48 Ferdinand de Saussure a passé quatre mois et demi à Berlin (de novembre 1878 à début avril 1879). C’est à la fin de ce séjour (le 28 mars 1879) qu’eut lieu la rencontre avec Whitney chez l’indianiste et celtisant Heinrich Friedrich Zimmer. Cf. J oSepH 1988, 2012: 253-56. 49 Sur Raymond de Saussure (1894-1971), un des deux fils de Ferdinand de Saussure, voir J o - SepH 2012: 636-41. Autour des «Principes de la linguistique» 11 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 disciplines linguistiques; (b) de l’autre côté, elle nous montre les intérêts scientifiques communs de Sechehaye et de Schuchardt: l’ontogénèse du langage, la structure de la phrase, le statut de la linguistique; (c) enfin, ces lettres nous fournissent des informations relatives aux origines familiales de Sechehaye et de Schuchardt, mais aussi à propos d’une éventuelle rencontre entre Schuchardt et Saussure à Gotha. Si une telle rencontre a effectivement eu lieu, vers 1878, il est d’autant plus surprenant que dans la vaste correspondance de Schuchardt aucune lettre de Ferdinand de Saussure n’ait été conservée. Bibliographie AA.VV. 1908: Mélanges de linguistique offerts à M. Ferdinand de Saussure, Paris b ovet , P. 1916-17: «Le Cours de linguistique générale de F. de Saussure», Wissen und Leben, vol. 17 (1.10.1916-15.3.1917): 306-07 b rogyanyi , B. 1983: «A few remarks on the origin of the phrase ‹où tout se tient›», Historiographia Linguistica 10: 143-47 e iSmann , W./ H urcH , B. (ed.) 2008: Jan Baudouin de Courtenay - Hugo Schuchardt. Korrespondenz, Heidelberg e ngler , R. (ed.) 1968-74: f erdinand de S auSSure , Cours de linguistique générale. Édition critique [CLG/ E], Wiesbaden [4 fascicules en 2 vol.] f orel , C.-A. 2008: La linguistique sociologique de Charles Bally. Étude des inédits, Genève f ryba -r eber , A.-M. 1994: Albert Sechehaye et la syntaxe imaginative. Contribution à l’histoire de la linguistique saussurienne, Genève f ryba -r eber , A.-M. 2002: «Gaston Paris et la Suisse», RlaR 106: 81-108 f ryba -r eber , A.-M. 2013: Philologie et linguistique romanes. Institutionnalisation des disciplines dans les universités suisses (1872-1945), Leuven/ Paris H einimann , S. 1972: «Hugo Schuchardt an Jakob Jud», VRom. 31: 1-23 H einimann , S. 1992: «Briefe von Jakob Jud an Hugo Schuchardt», VRom. 51: 1-39 H ellmann , W. 1988a: Charles Bally. Frühwerk. Rezeption. Bibliographie, Bonn H ellmann , W. (ed.) 1988b: Charles Bally. Unveröffentlichte Schriften. Comptes rendus et essais inédits, Bonn H eWSon , J. 1990: «Un système où tout se tient: Origin and evolution of the idea», in: H.-J. n ie dereHe / e. f. K. K oerner (ed.), History and historiography of linguistics. Proceedings of the Fourth International Conference on the History of the Language Sciences (ICHoLS IV), Trier, 24-27 August 1987, vol. 2, Amsterdam/ Philadelphia: 787-94 H urcH , B. (ed.) 2006: Leo Spitzers Briefe an Hugo Schuchardt, Berlin J oSepH , J. E. 1988: «Saussure’s Meeting with Whitney, Berlin 1879», CFS 42: 205-14 J oSepH , J. 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K. 1998: «Noch einmal on the history of the concept of language as a ‹système où tout se tient›», CFS 51: 203-21 m ützenberg , G. 1974: Éducation et instruction à Genève autour de 1830, Lausanne n aville , A. 1901: Nouvelle classification des sciences, Paris Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 12 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 p eeterS , B. 1990: «Encore une fois ‹où tout se tient›», Historiographia Linguistica 17: 427-36 r edard , G. 1982a: «Charles Bally disciple de Ferdinand de Saussure», CFS 36: 3-23 r edard , G. 1982b: «Bibliographie chronologique des publications de Charles Bally», CFS 36: 25-41 S cHucHardt , H. 1885: Über die Lautgesetze. Gegen die Junggrammatiker, Berlin S cHucHardt , H. 1909: «Sprachgeschichtliche Werte», in: ΣΤΡΩΜΑΤΕΙΣ. Grazer Festgabe zur 50. 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Bernard Bouvier à l’occasion du XXX e anniversaire de sa nomination comme professeur ordinaire à la Faculté des Lettres de l’Université de Genève, Genève: 315-22 S ecHeHaye , A. 1921: «Locutions et composés», Journal de psychologie normale et pathologique 18: 654-75 S ecHeHaye , A. 1926: Essai sur la structure logique de la phrase, Paris S ecHeHaye , A. 1933: «La pensée et la langue ou comment concevoir le rapport organique de l’individuel et du social dans le langage? », Journal de psychologie normale et pathologique 30: 57-81 S ofia , E. 2015: La «Collation Sechehaye» du Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure. Édition, introduction et notes, Leuven/ Paris/ Bristol S ofia , e./ c Hepiga , V. (ed.) 2017: La correspondance entre linguistes comme espace de travail, Louvain-la-Neuve S ofia , e./ S WiggerS , P. 2018: Le Cours de linguistique générale de Ferdinand de Saussure à travers le prisme de ses premières réceptions, Leuven/ Paris S pitzer , L. (ed.) 1922: Hugo Schuchardt-Brevier. Ein Vademecum der allgemeinen Sprachwissenschaft, Halle [Deuxième édition, révisée et amplifiée: 1928] Autour des «Principes de la linguistique» 13 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 S toroSt , J. 1992: Hugo Schuchardt und die Gründungsphase der Diezstiftung. Stimmen in Briefen, Bonn S WiggerS , P. 2016: «Not waiting for Goblot: Saussure’s sett(l)ing of linguistics», in: W. b eivi daS / i. c arloS l opeS / S. b adir (ed.), Cem anos com Saussure, vol. 2, S-o Paulo: 249-92 S WiggerS , P. 2017: «Le réseau épistolaire de Hugo Schuchardt (1842-1927): soixante ans d’histoire de la linguistique. Coup d’œil dans les archives d’un linguiste allotrique», in: S ofia / c Hepiga 2017: 9-32 t HomaS , J. 2017: Jules Ronjat. Entre linguistique et Félibrige (1864-1925). Contribution à l’histoire de la linguistique occitane d’après des sources inédites, Valence d’Albigeois t oman , J. 1987: «Not from 1903, not from Meillet: A final (? ) remark on ‹où tout se tient›» , Historiographia Linguistica 14: 403-06 W olf , M. 1993: Hugo Schuchardt Nachlass. Schlüssel zum Nachlass des Linguisten und Romanisten Hugo Schuchardt (1842-1927), Graz Édition des lettres 50 [1] Genève, Ch. des Charmilles 39 7/ XI.09 Monsieur le Professeur J’ai reçu avec plaisir et lu avec beaucoup d’intérêt l’article que vous avez eu la bonté de m’envoyer et vous aurez reçu en retour de ma part l’article des Melanges [sic] de Saussure dans lequel je reprends et complète quelques unes [sic] des idées émises dans mon livre. J’ai maintenant à vous remercier chaleureusement quoique tardivement pour la carte que vous m’avez adressée de Brioni 51 . Si je ne l’ai pas fait plus tôt, c’est que j’attendais d’avoir un peu de temps libre pour vous écrire à loisir. Je suis très heureux de m’être rencontré avec vous en esquissant une théorie sur l’origine des transformations phonétiques régulières, c’est avec le plus grand plaisir que je lirai vos observations plus détaillées sur cette partie de mon livre comme sur le reste. De la lecture de votre travail, j’ai gardé l’impression que vous étiez disposé / 2/ à accorder aux influences et initiatives personnelles un rôle plus exclusif que je ne le ferais peut-être. À mon sens, si elles sont vues tout au début, certaines causes doivent entrer en ligne de compte quand il s’agit de savoir laquelle de plusieurs influences contraires doit l’emporter: à 50 Dans notre transcription des lettres de Sechehaye et de Schuchardt nous respectons la graphie originale des auteurs ainsi que leur emploi d’abréviations (les résolutions des abréviations sont données en note). Signalons encore que l’orthographe de Sechehaye est peu soignée (cf. aussi sa collation des notes d’étudiants du Cours de linguistique générale de Saussure dans S ofia 2015): souvent, les accents, les apostrophes et les signes de ponctuation attendus font défaut. Parfois, les signes diacritiques sont à peine visibles. 51 L’archipel de Brioni (aujourd’hui, Brijuni, en Croatie) se trouve au large de la côte d’Istrie et faisait partie de l’Empire austro-hongrois en 1909. Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 14 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 fait général, cause générale me semble un postulat assez vraisemblable. Toutefois la question me donne à réflechir [sic]. Ne fait on [sic] pas dans toutes les sciences qui s’occupent de l’homme une part trop grande aux influences extérieures et matérielles? Ne convient-il pas de considérer en première ligne les faits d’ordre intellectuel et moral qui eux en dernière analyse sont toujours des sommes ou des résultantes d’initiatives individuelles? Voilà ce qu’on peut se demander et voilà pourquoi je vous remercie des suggestions que votre travail m’a apportées. Me permettez-vous encore, Monsieur, puisque vous avez été un lecteur bienveillant de mon ouvrage, d’ajouter quelques mots à son sujet. J’estime actuellement que j’ai été un peu prétentieux en l’intitulant Programme & Methodes [sic] de la Ling. 52 théorique. Ce qui concerne les / 3/ méthodes n’est souvent qu’une esquisse un peu hâtive, assez faible sur certains points, mais nécessaire pour remplir un cadre qui est pour moi de beaucoup la partie la plus importante du livre. Sans ces esquisses ce cadre, ou ce programme, serait resté vide et abstrait. Mais ce qui n’avait de valeur que secondairement et d’une façon indirecte n’aurait pas dû paraître sur le titre. Le but primordial de mon livre est de montrer comment un principe d’ordonnance doit et peut être appliqué aux disciplines de la linguistique et comment il faut, en prenant les choses d’aussi haut que possible situer d’abord cette science dans «la science». Parmi les thèses les plus importantes que j’ai voulu défendre, je compte tout ce qui concerne les divers «emboîtements» - chacun en particulier et l’ensemble systématique qu’ils forment. Celui qui subordonne la syntaxe évolutive à la sémantique me semble, s’il est admis, d’une grande portée pratique immédiate pour toutes les recherches de syntaxe historique et je ne crois pas qu’un seul critique l’ait mentionné pour le critiquer ou l’approuver serieusement [sic]. Celui qui parle des sciences des sons et des sciences des formes, en définissant ces dernières et en les faisant préceder [sic] les sciences des sons, n’a pas non plus été sérieuse- / 4/ <ment> discuté. Je sais que j’ai défendu mon opinion sur ce point d’une façon imparfaite, et que des critiques topiques sur ce point seraient probablement fort utiles. Il n’en est pas moins vrai que la question est centrale, vitale pour l’organisation et le progrès des sciences linguistiques, et pour cela je crois que celui qui reprendrait le débat sur la question que j’ai voulu poser rendrait service à la science. Vous m’excuserez d’avoir pris la liberté de vous exprimer un peu trop longuement sans doute ces quelques idées. La pensée que vous aviez été un lecteur bienveillant de mon livre et que vous aurez sans doute l’occasion d’exprimer votre opinion à ce sujet m’a poussé à le faire, et votre amabilité à mon endroit m’y a décidé. Il ne me reste qu’à vous remercier de l’occasion que vous m’avez donnée et en exprimant l’espoir que je ne vous ai pas importuné, je vous présente, Monsieur le professeur, mes salutations les plus respectueuses et l’assurance de mon dévouement AlbSechehaye [1*] Graz, III, Villa Malwine 21.11.’09 52 Ling. = Linguistique. Autour des «Principes de la linguistique» 15 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 Sehr geehrter Herr Kollege, Ich danke Ihnen vielmals für Ihren liebenswürdigen Brief, den ich gerade bei meiner Rückkehr von Brioni erhielt. Ich konnte ihn nicht früher beantworten, da eine Menge Dinge, die ich vorgefunden hatte, der Erledigung harrten. So bin ich dann auch noch nicht dazu gekommen die Lektüre Ihres Buches zu beenden. Aber das wird / 2/ in nicht allzuspäter Zeit geschehen - wenn nämlich die Strömung in der ich mich jetzt befinde, abgeflaut hat. Wenn Sie irgendwelche weiteren Bedenken gegen meine oder vielmehr unsere Nachahmungstheorie haben, bitte sie mir nicht vorzuenthalten. Meine Frage ist einfach die: welche allgemeinen Ursachen für eine Sprachneuerung gibt es oder kann es geben die ausserhalb des Verkehrs lägen? Ich gehöre zu einem Viertel der französischen Schweiz an: ich bin ein Grossneffe des Doyen Bridel von Montreux. Ich brachte die grössere Hälfte des Jahres 1867 in Genf zu; von allen die ich dort kannte (Amiel, Blanvalet, Hornung usw.) lebt wohl Ritter allein noch. Ich wunderte mich damals dass die Sprachwissenschaft in Genf so wenig Liebhaber hatte. Pictet stand aber in hohen Ehren; wenn ich mich nicht irre habe ich ihn einmal besucht 53 . Mit bestem Danke für Ihre Zusendung (Mél. de Sauss.) 54 und mit hochachtungsvollstem Gruss, Ihr ergebener H Schuchardt [2] Avenue Paul Chaix Chêne-Geneve [sic] 22/ VI.20 Monsieur, Recevez mes plus vifs remercîments pour l’amabilité que vous avez eue de m’envoyer votre tiré à part (Sprachursprung III). - C’est un sujet qui m’occupe justement maintenant. J’ai déjà parcouru et j’étudierai avec soin votre travail et si je le puis je vous communiquerai de mon côté un essai actuellement à l’impression sur une question toute connexe. - Agréez, Monsieur, avec mes remercîments, l’assurance de mes sentiments bien dévoués, AlbSechehaye 53 Henri-Frédéric Amiel (1821-81) et Joseph Marc Hornung (1822-84) ont tous deux professé à l’Académie de Genève, le premier l’esthétique et la philosophie, le second, le droit. Quant à Henri Blanvalet (1811-70), poète genevois du XIX e siècle, il était président de la Section de littérature de l’Institut genevois en 1867. Dans le Journal intime d’Amiel, nous n’avons pas trouvé de trace d’une rencontre avec Hugo Schuchardt. 54 Mél. de Sauss. = Mélanges (Ferdinand) de Saussure. Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 16 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 [3] Genève, rue d. l’Université 5 2/ IV 1921 Cher Monsieur Vous avez eu la grande bonté de m’envoyer votre Exkurs zu Sprachursprung III qui fait suite au travail que vous m’avez également fait parvenir en son temps; recevez tous mes remercîments. Dans un travail que j’ai en préparation j’expose cette idée que toute expression grammaticale est une interprétation plus ou moins libre de la réalité, le sujet parlant le faisant entrer dans telle ou telle catégorie de l’imagination. Il me semble que cela correspond assez bien aux vues que vous exposez. Mon champ d’observation est infiniment plus restreint que le votre [sic] et je suis heureux de contrôler la valeur de mes idées par la comparaison avec les idées de ceux qui sont mieux informés. À mon grand regret je n’ai pas pu vous communiquer un essai sur les «deux types d.l. 55 phrase» que j’ai publié ds 56 les «Mélanges Bouvier» n’en ayant pas eu d. 57 tiré à part. Peut-être serai-je plus heureux avec un article «Locutions et composés» actuellement à l’impression ds 58 le Journal de Psychologie. - En tout cas soyez assuré de ma reconnaissance et recevez, cher Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus dévoués AlbSechehaye [verso: ] P.S. Par le même courrier je me permets de vous envoyer un travail déjà ancien, que je ne vous ai pas encore communiqué, je crois AS. [4] [28 XI 1921] Genève Rue d. l’Université 5 Monsieur, Je reçois encore un aimable envoi de votre part et je ne manquerai pas de faire mon profit de votre nouveau travail, pour autant du moins que me le permettra mon ignorance de tant d. 59 langues avec lequelles [sic] vous opérez. Veuillez agreer [sic] mes plus vifs remercîments et l’expression de mes sentiments les plus devoués [sic] AlbSechehaye 55 d.l. = de la. 56 ds = dans. 57 d. = de. 58 ds = dans. 59 d. = de. Autour des «Principes de la linguistique» 17 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 [5] Genève, rue d. l’Université 5 18 nov 1922 Cher Monsieur, Vous avez eu la bonté de m’adresser votre nouveau travail sur les relations ds l. 60 phrase. Je vous en remercie très vivement. Vous savez combien je m’intéresse à ces questions et que j’essaie de mon côté de les résoudre. J’ai même un grand travail en préparation sur ce sujet, si jamais il paraît vous serez un des premiers à le recevoir et si vous voulez bien le lire vous verrez que si je vous suis sur beaucoup de points sur d’autres je vais sur un autre chemin. Je voudrais pouvoir vous offrir dès maintenant cette contradiction que vous semblez souhaiter (p. 206), mais je n’ose me présenter qu’avec toutes 61 mes forces, c’est a dire [sic] dans un exposé d’ensemble où tout 62 se tient et où les conséquences de chaque chose sont suivies jusqu’au bout. Veuillez agreer [sic], cher Monsieur, avec mes remercîments, l’expression de mes sentiments les plus devoués [sic] AlbSechehaye [6] Genève, rue Toepffer 3 20/ I 26 Monsieur, Recevez tous mes remercîments pour l’envoi que vous m’avez fait de votre manifeste dont je n’ai pas besoin de vous dire que j’ai pris connaissance avec grand intérêt. J’espère pouvoir vous envoyer sous peu un livre, qui existe déjà en bonnes feuilles et dont je fais l’index, sur «la structure logique de la phrase». C’est un volume de 200 pages d. 63 la collection de la S.L. 64 de Paris, dont vous verrez sans peine les insuffisances mais qui, je l’espère, vous paraîtra néanmoins avoir quelque 65 intérêt comme une manifestation d’individualisme linguiste [sic]. Veuillez agréer, Monsieur, avec mes remercîments mes bien respectueux messages AlbSechehaye 60 ds l. = dans la. 61 ttes = toutes. 62 tt = tout. 63 d. = de. 64 S.L. = Société de Linguistique. 65 qque = quelque. Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 18 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 [7] Genève, rue Toepffer 5 12 février 1926 Très honoré Monsieur, Vous trouverez sans doute que je mets peu d’empressement à satisfaire votre curiosité. Excusez le retard de cette réponse; mais j’ai toujours des devoirs de correspondance en arrière. Oui, j’ai des liens de parenté avec la pension Sechehaye Colibert, et mon père, qui a à peu près votre âge, se souvient d’avoir été chez ces dames qui étaient une grand’tante (Mlle Sechehaye) et une cousine; mais il ne peut pas indiquer exactement la filiation et le degré de parenté. Cela se passait du temps de son enfance, entre 1840 et 1850. Mlle Colibert est morte la première ce qui / 2/ a causé la disparition du pensionnat; nous avons chez nous des gravures qui proviennent de cette lointaine cousine et que peut-être Madame votre mère a eu l’occasion de voir. Votre demande m’a rappelé celle que M. Suchier m’a adressée quand je lui ai envoyé ma thèse de doctorat 66 . Il m’a demandé si j’étais de la même famille que la grand’mère de son arrière grand-père, une dame Sechehaye, née en 1658 à Metz et morte à Cassel à l’âge d. 67 94 ans. Le portrait de cette aïeule ornait son cabinet de travail 68 . La famille Sechehaye provient en effet d. 69 Metz d’où elle a été dispersée en Suisse et en Allemagne par la persécution religieuse. Vous voyez qu’à défaut d’autres titres j’ai par ma famille des / 3/ liens avec des linguistes célèbres. En ce qui concerne la rencontre à Gotha avec un Monsieur de Saussure, je puis vous dire seulement que Ferdinand de Saussure était en Allemagne entre 1876 et 1878, époque à laquelle il a 66 Le romaniste allemand Hermann Heinrich Ludwig Suchier (11.12.1848-3.7.1914), d’origine huguenote (comme Sechehaye), a occupé, successivement, la chaire de philologie romane à Zurich (1875), à Münster (1876) avant de succéder à Schuchardt à l’université de Halle (1876). Suchier passa le reste de sa carrière à Halle. Cette lettre nous apprend que Sechehaye lui avait envoyé sa thèse de doctorat, parue dans les Romanische Forschungen en 1905. Spécialiste d’ancien français et d’ancien occitan, Suchier est surtout connu comme éditeur de textes et historien de la littérature gallo-romane médiévale, mais il s’intéressait également aux langues et littératures romanes modernes, comme en témoignent ses contributions au Grundriss der romanischen Philologie, dirigé par Gustav Gröber, qui fut le prédécesseur de Suchier à Zurich (cf. f ryba 2013: 116-17 et K alKHoff 2010: 111-20). 67 d. = de. 68 L’aïeule en question est Marie Sechehaye (1658-1762). Le tableau auquel il est fait référence se trouve encore dans la collection privée de la famille Suchier à Essen; il a été présenté dans une exposition «De la Moselle à Berlin, les chemins de l’exil» qui a eu lieu en 2007 à Metz. Une reproduction du portrait de Marie Sechehaye se trouve sur le site suivant: www.hugenottenmu seum.de, sous «Bildergalerie» («Hugenottin aus Metz in Abendmahlstracht»). Marie Sechehaye a vécu jusqu’à l’âge de 104 ans; son portrait aurait été peint, en 1751, contre sa volonté (cf. www. artaujourd’hui.info/ archives). 69 d. = de. Autour des «Principes de la linguistique» 19 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 fait 4 semestres à Leipzig. Je me suis adressé à son fils qui fera des recherches à ce sujet; mais comme il a été absent de Genève cette dernière semaine, je n’ai pu lui adresser cette question qu’aujourdhui [sic]. Mr Raymond d. 70 Saussure, le fils de Ferdinand de Saussure 71 est un jeune docteur psychanaliste [sic] qui a deja [sic] donné des cours à Paris et qui a contribué à faire accepter par les français [sic] cette doctrine d’origine germanique. Vous voyez que, quoique dans un autre domaine, il marche / 4/ sur les traces de son père. Je vous donne ces détails en espérant, très honoré Monsieur, qu’ils vous intéresseront et je vous prie de croire à mes sentiments les plus dévoués AlbSechehaye [8] Genève, rue de l’Université 5 12 Juin 1926 Monsieur le Professeur, J’ai le plaisir enfin de vous envoyer par ce courrier un ouvrage dont je vous ai déjà parlé depuis longtemps. Si vous prenez la peine de le lire, vous verrez que je me suis permis de discuter quelques-unes de vos idées et je pense que vous ne m’en voudrez pas. Cet exemplaire, bien entendu, est un hommage que je tenais à vous faire. Ce n’est pas un exemplaire de presse et je ne vous demande aucun compte-rendu. Veuillez agréer, cher / 2/ Monsieur, l’expression de mes sentiments les plus dévoués, AlbSechehaye [8*] Graz, 26 Juni 1926 Hochgeehrter Herr Kollege, Mit dem besten Danke für Ihre ausführliche Beantwortung meiner Anfragen bezüglich Ihrer Familie hatte ich Ihnen zugleich eben für die Übersendung Ihres schönen Buches darzubringen verhofft. Aber ich bin in den letzten Monaten - besonders unter dem Einfluss dieses absonderlichen Wetters [-] fast zu aller ernsten Tätigkeit unfähig gewesen. Ich hatte mich auf das Lesen Ihres Werkes gerade pour la bonne bouche gefreut, da ich, meiner Augen wegen, mich mit Büchern schwierigen, sichtiger beschwerlichen Druckes, vor allem Wörterbüchern nur ganz ausnahmsweise abgeben kann. Dazu kommt dass meine Neigung zu sprachphilosophischen 70 d. = de. 71 Dans la lettre: Ferdinand d S. Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 20 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 Arbeiten neuerdings aus andern Quellen Förderung em-/ 2/ pfangen hat. So habe ich denn bis jetzt nur einzelne Teile und zwar mehr oder weniger auseinanderliegende mir zu Genuss bringen können. Ich bin Ihnen für die mehrfachen freundlichen Erwähnungen 72 meiner Wenigkeit zu besonderem Danke verpflichtet. Sehr ernstlich waren meine vor fast einem halben Jahrhundert geäusserten Ursprungsideen nicht, oder vielmehr es handelte sich um die Übereinstimmung zwischen dem Bau der Vögel und dem der Menschen. Der kürzlich verstorbene Mediziner B. Naunyn (er war noch ein paar Jahre älter als ich) hat eine kleine Schrift über diesen Gegenstand hinterlassen 73 [S. 9 letzte Zeile lies statt 221: 211 74 ]. 27 [Juni] Ich stelle fest dass das gestern geschriebene selbst für mich kaum leserlich ist (nicht meine Hand trägt davon die Schuld, sondern meine seit anderthalb Jahren doppelsichtigen Augen); ich will nun versuchen Ihnen wenigstens einige leserliche Zeilen zu schreiben. Aufs Gerat wohl! Solche Wendungen wie Sie sie S. 122 aufführen 75 , sind, so viel mir gegenwärtig ist, auch im Deutschen nicht / 3/ ungewöhnlich; ein Kind würde wohl eben sagen: meine Puppe! Sie ist zerbrochen. Ich stelle diese Fälle zu denen wie der Regenschirm! das Kind! die Quelle! , worin eine Entdeckerseele vielleicht einen Evocativus erkennen würde. Aber nach meiner Anschauung kann nur ein Vorgangswort etwas Ursprüngliches sein und so haben wir zum Dingwort ein Wort zu ergänzen, das einen Imperativ allgemeinster Richtung darstellt: denk’an! höre! schau! Hier liegt der Ursprung des Demonstrativs. Derlei Angelegenheiten lassen sich nicht in Schnelligkeit erledigen. Wir alle die wir uns mit den Prinzipien der Sprachwissenschaft beschäftigen, weichen in mehr oder weniger, in wichtigeren oder unbedeutenderen Punkte voneinander ab. Das rührt daher dass jeder in seinem Busen eine Dunkelkammer trägt oder mit andern Worten ein Dogma über das er nicht hinaus kann. Wir sollen voneinander lernen und gerade im Grundsätzlichen wird dies am Ehesten geschehen: ich wenigstens freue mich wenn ich auf widerstreitende Ansichten stosse, ich / 4/ werde dadurch gefördert 76 . 72 Schuchardt est cité à plusieurs reprises dans l’Essai sur la structure logique de la phrase; cf. S ecHeHaye 1926: 9, 19, 37, 53, 113. 73 Bernhard Naunyn (1839-1925) a proposé une explication anatomique du développement parallèle du langage animal et du langage humain dans un article intitulé «Zur Entstehung der Lautsprache beim Menschen». Cf. S cHucHardt 1922: 201 N2. 74 Cette correction porte sur un renvoi erroné au Brevier (première édition de 1922), qui figure p. 9 N1 de l’Essai sur la structure logique: cette note de bas de page porte sur l’origine du langage et mentionne, à côté de Jespersen, le nom de Schuchardt («M. Schuchardt, qui, suivant une même idée [à savoir que l’origine du langage humain résiderait dans la production de sons sans signification précise], avait d’abord comparé le parler de nos plus lointains ancêtres au chant des oiseaux, a depuis formellement répudié cette manière de voir (V. Schuchardt, Brevier, Halle 1922, p. 221 [recte: 211])»). 75 Schuchardt renvoie ici à l’exposé de Sechehaye sur l’emploi de «formes inférieures» aux «virtualités logiques» de la pensée, c’est-à-dire sur l’emploi d’une phrase-idée au lieu d’une phrasepensée. Plus particulièrement, il vise les exemples que donne S ecHeHaye 1926: 122: Ma poupée qui est cassée (= Ma poupée est cassée); Madame, vot’ broche qui s’décroche (= Madame, votre broche se décroche). Pour Sechehaye, dans ce type de phrases, «tout est conçu prédicativement». 76 Cf. S cHucHardt 1922: 206-07: «Lassen wir unsere Augen über das wellige Gelände der Sprachwissenschaft schweifen, so werden wir durch den Anblick so vieler Umgrenzungen, Parzel- Autour des «Principes de la linguistique» 21 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 Suchen Sie, verehrter Kollege, im Vorstehenden durchaus nicht irgend eine Kritik Ihres Buches; ich habe dieses ja nur zu einem sehr kleinen Teil gelesen und hoffe das was mir bisher nicht möglich war nachzuholen. Heute habe ich einen meteorologischen Kopfdruck überwinden müssen, der mir zuerst unüberwindlich erschien. Haben Sie also Nachsicht mit meinem Geschreibsel und mit eventuellen Dummheiten die sich darin verstecken könnten. Voluisse sat est 77 . In der nächsten Tagen werde ich Ihnen eine ganz winzige vielleicht auch windige akademische Abhandlung zusenden. Mit ergebenstem Gruss Ihr HSchuchardt Ich habe bisher nur einen Druckfehler gefunden, allerdings einen ständigen: Fink für Finck 78 . [9] Genève, rue de l’Université 5 17 VIII.26 Cher Monsieur, J’ai bien reçu votre interessant [sic] article qui pose à nouveau la question de savoir si, dans le fait linguistique il faut ou non tenir compte d’une masse sociale qui donne à la langue son existence propre et sa continuité. Car c’est là, je vois bien, le nœud du débat. Je vous remercie bien sincèrement de m’avoir communiqué ces pages, et je vous prie de croire à mon dévouement bien respectueux. AlbSechehaye lierungen, Wegweisungen verwirrt. Aber alles ist berechtigt - bis zu einem gewissen Punkt; überall steckt ein gesunder Kern. Es muß darum gekämpft werden; in der Wissenschaft bedeutet Kampf den Fortschritt. Kein Ideal darf für uns der idyllische Zustand sein, wo wir, von den großen Fragen nicht mehr beunruhigt, uns ganz der Rahmenarbeit nach Vorzeichnungen widmen könnten. Man hört jetzt: in der Sprachwissenschaft kriselt es; das ist ein gutes Wort». 77 Schuchardt insiste sur sa bonne volonté dans sa réponse à Sechehaye en invoquant ce proverbe tiré des Élégies de Properce (In magnis et voluisse sat est, «dans toutes grandes choses, il suffit de les avoir voulues»). 78 Il s’agit d’une erreur invétérée chez Sechehaye: déjà dans son Programme et méthodes de la linguistique, il avait écrit Fink (cf. S ecHeHaye 1908a: 24; c’est l’unique mention de Finck dans l’ouvrage); dans l’Essai sur la structure logique de la phrase, le nom de Finck est cité deux fois (comme «Fink»; S ecHeHaye 1926: 55, 146). Anne-Marguerite Fryba-Reber/ Pierre Swiggers 22 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 Index des noms de personne mentionnés dans la correspondance Sechehaye - Schuchardt Amiel, Henri-Frédéric [1*] Blanvalet, Henri [1*] Bouvier, Bernard [3] Bridel, Philippe-Sirice [1*] Colibert, Élisabeth («Mlle») [7] Finck, Franz Nikolaus [8*] Hornung, Joseph-Marc [1*] Naunyn, Bernhard [8*] Pictet, Adolphe [1*] Ritter, Eugène [1*] Saussure, Ferdinand de [1], [[1*], [7] Saussure, Raymond de [7] Schuchardt, («Madame» 79 ) [7] Sechehaye (famille ) [7] Sechehaye, Esther («Mlle» 80 ) [7] Sechehaye, Jean François [7] Sechehaye, Marie («dame» 81 ) [7] Suchier, Hermann [7] Publications de Schuchardt reçues par Sechehaye Comme le révèle notre édition de la correspondance entre Schuchardt et Sechehaye, les deux savants ont échangé un certain nombre de publications. La bibliothèque de Sechehaye ayant été en grande partie dispersée et vendue du vivant de sa veuve, il est difficile de reconstituer avec certitude le nombre de tirés à part que Sechehaye a reçus de Schuchardt. Il reste cependant une trace de ces publications reçues 82 dont nous donnons ci-après la liste en indiquant les numéros correspondants de l’édition en ligne des œuvres de Schuchardt (Hugo Schuchardt-Archiv / Werk) et en reproduisant, le cas échéant, les annotations de Sechehaye. 1. Hugo Schuchardt-Archiv / Werk Nr. 664-666: «Zur methodischen Erforschung der Sprachverwandtschaft II». Revue Basque 8. 1914, 1-8. Cet article est le dernier de trois articles reliés par une couverture en carton souple sur laquelle figure le nom de la revue «Revue Basque 1914» et une dédicace de l’auteur: «Mit bestem Dank und Gruss HSch.». Sur la troisième de couverture figurent les remarques suivantes au crayon de la main de Sechehaye: «On a toujours l’intention de parler une certaine langue, donc Meillet a raison. Seulement la pratique ici brouille comme partout les données de la théorie linguistique. Entre un nègre qui mêle sa langue de mots français et un nègre qui veut parler français, mais qui incapable de saisir la grammaire de cette langue la ramène intuitivement à ses normes, à sa ‘innere form’ usuelle, il n’y a pas grande différence. En matière de faits concrets, il n’y a pas de règles, il y a des cas divers.» 79 Nom de jeune fille: Malwina von Bridel-Brideri. 80 Il s’agit d’une grand-tante du père d’Albert Sechehaye. Cf. supra N46. 81 Il s’agit de la grand-mère de l’arrière-grand-père de Hermann Suchier. Cf. supra N68. 82 Ces tirés à part sont conservés dans un fonds privé à Berne. Autour des «Principes de la linguistique» 23 Vox Romanica 76 (2017): 1-23 DOI 10.2357/ VOX-2017-001 2. Hugo Schuchardt-Archiv / Werk Nr. 711: «Sprachursprung I». Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften 1919. 1919, 716-20. Ce tiré à part de la bibliothèque Jules Ronjat 83 porte le cachet «Bibliothèque Alb. Sechehaye». 3. Hugo Schuchardt-Archiv / Werk Nr. 712: «Sprachursprung II». Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften 1919. 1919, 863-69. Il y a deux exemplaires de ce tiré à part: l’un ayant appartenu à Jules Ronjat, l’autre à Albert Sechehaye. 4. Hugo Schuchardt-Archiv / Werk Nr. 726: «Sprachursprung III (Prädikat, Subjekt, Objekt)». Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften 1920. 1920, 448-62. 5. Hugo Schuchardt-Archiv / Werk Nr. 741: «Exkurs zu Sprachursprung III». Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften 1921. 1921, 194-207. Au verso de la page de couverture, Sechehaye a griffonné la note suivante: «Entre la langue et la réalité il y a la Weltanschauung c.à.d. l’interprétation de la réalité par la langue. La réalité est toujours active et passive en même temps - on peut voir A → B ou A ← B. Discussion sur le Passivismus et l’Activismus des langues». p. 200, 12 lignes à partir du bas, dans la marge: «je le vois pendre = il pend qchose = il pend (comme un pendu) = on le pend. pendit, pendet, penditur». 6. Hugo Schuchardt-Archiv / Werk Nr. 743: «Possessivisch und passivisch». Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften 1921. 1921, 651-62. 7. Hugo Schuchardt-Archiv / Werk Nr. 751a: «Sprachliche Beziehung». Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften 1922. 1922, 199-09. p. 203, l. 10-11 du haut: «sur la perception insuffisante du passif et de l’actif (l’indifférence psychologique)». p. 203, l. 4-5 du bas: «à utiliser peut-être pour le verbe impersonnel». p. 204, l. 4-14 du haut: «à mettre en note». 8. Hugo Schuchardt-Archiv / Werk Nr. 767a: «Sprachverwandschaft II». Sitzungsberichte der Preussischen Akademie der Wissenschaften 1926. Sitzung der philosophisch-historischen Klasse vom 3. Juni. 1926, 148-52. L’exemplaire du tiré à part envoyé à Sechehaye comporte une correction manuscrite qui n’a pas été reportée sur l’exemplaire (basé sur la seconde épreuve de fin juin 1926: «2. Berichtigungsabzug 22.6.26 B») mis en ligne par le Hugo Schuchardt-Archiv: la correction concerne la forme genealosieren (p. 151, ligne 10), corrigée manuellement en genealogisieren. 83 Pour la correspondance Schuchardt - Ronjat, voir t HomaS 2017.