Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2017-017
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2017
761
Kristol De StefaniUrsula Bähler (ed.), Karl Bartsch – Gaston Paris. Correspondance, entièrement revue et complétée à partir de l’édition de Mario Roques, Firenze (Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Franceschini), 2015, xlvi + 136 p. (L’Europe des Philologues. Correspondances 2)
121
2017
Richard Trachsler
vox7610341
341 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 341-344 DOI 10.2357/ VOX-2017-017 häufig ja online publizierten lexikographischen beziehungsweise sprachhistorischen Studien 13 und der ständig steigenden Zahl von Digitalisaten historischer Wörterbücher korreliert werden. Jochen Hafner u rsula B ähler (ed.), Karl Bartsch - Gaston Paris. Correspondance, entièrement revue et complétée à partir de l’édition de M ario r oques , Firenze (Edizioni del Galluzzo per la Fondazione Franceschini), 2015, xlVi + 136 p. (L’Europe des Philologues. Correspondances 2) Après la correspondance entre Gaston Paris et Joseph Bédier, parue en 2009 dans la même collection grâce aux soins d’U. Bähler et d’A. Corbellari, voici les lettres de deux autres poids lourds de l’histoire de notre discipline, Karl Bartsch (1832-1888) et Gaston Paris (1839-1903), publiées par la meilleure spécialiste de l’un des fondateurs de la philologie romane en France. Avec quarante-neuf lettres et cartes postales, échangées entre 1865 et 1885, le corpus des lettres n’est pas très épais; il n’est pas non plus totalement inédit puisque Mario Roques avait publié trois tranches de la correspondance et qu’Ursula Bähler elle-même s’est chargée ailleurs de la dernière partie, préparée par Roques, mais jamais imprimée, sans doute, comme l’explique l’éditrice de façon convaincante, parce qu’elle touchait à «l’affaire Kutschke» 1 . Quoi qu’il en soit, cette correspondance se trouve donc ici pour la première fois réunie en un seul volume avec un apparat de notes que ne comportait pas l’édition Roques. Les lettres sont précédées d’une introduction qui reconstitue leur contexte historique et épistémologique: les lettres et leurs copies ( Vii xV ), la vie et l’œuvre de Bartsch ( xVi xxV ), puis, plus brièvement, celle de Gaston Paris ( xxVi xxix ) et, pour finir, l’affaire Kutschke et les rapports universitaires et politiques entre la France et l’Allemagne ( xxx xxxix ). Suit l’édition de la correspondance (3-120) et une courte annexe avec des spécimens de lettres (123-26). Un index complet des personnes et des œuvres (129-36) boucle ce beau volume à la typographie impeccable. L’édi- 13 Cf. T. a MBrosCh -B aroua , Mehrsprachigkeit im Spiegel des Buchdrucks. Das spanische Italien im 16. und 17. Jahrhundert, Köln, 2015, DOI: https: / / doi.org/ 10.16994/ bad [letzter Zugriff: 01.06.2017]. 1 Comme habent sua fata libelli, il vaut peut-être la peine de rappeler ici l’incident. L’affaire Kutschke, due à l’initiative peu circonspecte de Franz Ehrenthal, homme politique et littérateur amateur d’un naturel farceur, avait embarqué, pratiquement au lendemain de la signature du traité de Francfort actant la défaite de Napoléon, un certain nombre d’universitaires allemands dans une entreprise collective: au profit des invalides de guerre, Ehrenthal publiait une plaquette dans laquelle il «s’était ingénié à imaginer qu’on avait retrouvé dans le monde entier de multiples versions anciennes, à caractère prophétique, d’une chanson populaire antinapoléonienne qu’il attribuait au soldat Kutschke» (p. xxxi ). La version allemande, due à Ehrenthal lui-même, célébrait sur un ton moqueur sans finesse excessive la victoire allemande et, surtout, la défaite française. Plusieurs universitaires allemands s’étaient prêtés à l’autoparodie de l’érudition philologique en fournissant des versions en langue étrangère. Quant à Bartsch, il avait contribué par une version occitane et une version en ancien français, sans se rendre compte que la farce pouvait passer en Allemagne, mais beaucoup moins en France. En particulier Paul Meyer n’a guère apprécié la plaisanterie et paraît bien, au moins à nos yeux de modernes et à ceux de quelques contemporains, avoir monté une affaire Kutschke tout à lui, en s’en prenant à Bartsch de manière assez personnelle et en vengeant la France en redressant publiquement toutes les fautes de langue que contenait la version occitane du Kutschkelied. Cette affaire occupe une bonne partie de la correspondance Bartsch-Paris de l’année 1872 (en particulier les lettres 28-30) et Gaston Paris s’y désolidarise assez ouvertement de Paul Meyer. On apprécie donc la délicatesse de Roques à l’égard de celui qui lui confia la direction de la Romania en 1912 et l’on comprend qu’il ait renoncé à la publication intégrale de ses lettres. 342 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 341-344 DOI 10.2357/ VOX-2017-017 tion se signale par ailleurs par la présence de notes qui expliquent systématiquement toutes les allusions à des personnes tierces, les titres d’œuvres ou les événements contemporains que peuvent contenir les épîtres. Parallèlement aux lettres prend ainsi vie en bas de page tout le microcosme de ce premier milieu universitaire. L’information est astucieusement insérée: lors de la première mention d’un personnage ou d’un nom, U. Bähler rédige une notice, brève, mais qui contient l’essentiel. Les occurrences ultérieures ne comportent plus de notes ni de renvois, mais l’index en fin de volume permet de remonter à la première mention où l’on trouvera toujours le commentaire. Ces commentaires attestent, naturellement, de la profonde maîtrise de l’éditrice, qui lui permet d’éclairer le passage de façon pertinente, mais ils font surtout apparaître que le fil Paris-Bartsch qui relie la capitale française à Heidelberg n’est qu’une infime partie d’un réseau beaucoup plus vaste dont ces lettres permettent d’entrevoir des fragments. La correspondance entre les deux hommes fourmille d’allusions à des nouvelles, parfois de simples bruits, parvenus de France en Allemagne et vice versa à travers d’autres lettres ou des connaissances communes. La lettre 18, de Bartsch à Gaston Paris, par exemple, transite par Michelant, Bartsch ignorant à quelle adresse écrire à son ami. Visiblement, Michelant s’est acquitté de la tâche et nous ne saurons jamais en quoi consistait le reste des échanges entre Bartsch et Michelant. Parfois, la balle passe par plusieurs bandes, ou rebondit aux mêmes endroits: en juillet 1868, Gaston Paris, informé du projet par Paul Meyer, demande à Bartsch des nouvelles de son volume Altfranzösische Romanzen und Pastourellen. Au mois d’août, Bartsch répond qu’il n’attend plus que quelques compléments de Meyer, qui fait la tournée des bibliothèques anglaises. Fin septembre Bartsch écrit de nouveau à Gaston Paris, ignorant sans doute comment joindre Paul Meyer, pour lui demander si son alter ego est de retour dans la capitale. Le 7 mai 1869 [! ], Gaston Paris répond enfin pour dire que non seulement Meyer est rentré, mais que celui-ci lui a communiqué les références des passages des manuscrits parisiens indispensables au livre de Bartsch et que lui-même, Gaston Paris, s’est transporté à la bibliothèque pour les transcrire. On voit donc que chaque correspondant est aussi un relais dans cette communauté scientifique qui se constitue ici à échelle européenne au fil des déplacements des uns et des autres et grâce à des envois épistolaires dont la fréquence n’a rien à envier à ceux de Voltaire. L’index et les notes de l’éditrice rendront à n’en pas douter de grands services à tous ceux qui s’occupent de l’histoire de notre discipline. Que retient-on donc de ces lettres qu’ont échangées sur une vingtaine d’années deux hommes qu’U. Bähler qualifie à plusieurs reprises d’amis? D’un point de vue purement externe, on notera que chacun écrivait dans sa propre langue sans que cela ne pose de problème à l’autre. S’applique ici tout naturellement la même règle implicite que pour les publications scientifiques: tout le monde est censé comprendre 2 . L’équilibre épistolaire est en apparence presque total: la correspondance renferme vingt-trois lettres de Gaston Paris et vingt-six de Karl Bartsch. Toutefois, de manière pas totalement injustifiée, le professeur de Heidelberg ressentait un certain déséquilibre au sein de la relation, ce qu’il articula à un moment donné, 2 Depuis son mythique séjour en Allemagne, Gaston Paris maîtrisait en effet l’allemand, au moins à l’écrit. Comme pour beaucoup de ses confrères, les compétences de Bartsch en français courant étaient moins sûres que son excellente connaissance de l’ancien français. Les rares mots et expressions que Bartsch insère en français dans ces lettres ne sont pas tous très usuels: on relève en particulier un étonnant à revoir pour au revoir (lettre 18, authentifiée par un sic de l’éditrice) et un contresens sur une tournure assez banale employée par Paris, dans la lettre 15, qui pousse Bartsch à exiger des explications concernant un faux-pas imaginaire (lettre 16) et oblige Gaston Paris (qui ne devait plus avoir copie de sa missive originelle) à rassurer son correspondant dans un long paragraphe auto-exégétique (lettre 17). Voir aussi la lettre 24 à propos de la préface à la seconde édition de la Chrestomathie française de Bartsch dont Paris a réécrit des phrases entières «pour les rendre françaises» (75). 343 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 341-344 DOI 10.2357/ VOX-2017-017 mi résigné, mi amusé, de façon lapidaire: «Sie sind der prächtigste Mensch, aber ein schlechter Correspondent» (lettre 37, p. 137), comme si l’effort au sein du couple épistolaire était inéquitablement réparti. S’agit-il d’un simple artifice rhétorique ou voulait-il quelque chose de plus? Il est difficile de comprendre ce qui liait ce couple asymétrique que formaient le fils du professeur au Collège de France, qui occupait de multiples fonctions institutionnelles et sociales, et le fils d’un fonctionnaire silésien confiné, la plupart du temps, dans son cabinet de travail à Heidelberg, au point de ne pas entrevoir le danger potentiel que comportait sa participation à la plaquette Kutschke 3 . Mais on peut essayer, à partir de ces lettres, de pousser un peu plus l’analyse de cette relation: toujours d’un point de vue quantitatif, on note d’abord qu’ils se sont écrit peu, même si tout ne s’est peut-être pas conservé. On dénombre aujourd’hui à peine une cinquantaine de lettres et il y a des années entières sans échange aucun ni dans un sens ni dans l’autre: 1875-1876, 1879-1880, 1883. De quel droit Bartsch se plaint-il donc? Ursula Bähler nous informe qu’ils se sont en outre rencontrés à cinq reprises, entre 1866 et 1884, chiffre sans doute tout à fait correct pour l’époque où les déplacements étaient plus complexes. Ensuite, on constate que la plupart des missives sont courtes, même les plus longues dépassent rarement une page ou deux. C’est que, souvent, il y avait aussi des annexes: des livres, des tirés-à-part, voire des épreuves, qui pouvaient faire office de nos photocopies. Pour qui parcourt ces lettres d’un regard moderne, il est en effet clair que c’est une correspondance professionnelle: on échange des renseignements de tout type, on s’efforce de combler des lacunes dans sa propre bibliographie et de publier ses études en s’appuyant sur les informations le plus à jour possible. Il s’agit, autrement dit, de travailler le mieux possible. D’où parfois l’agacement perceptible quand ils constatent que l’autre n’a pas tenu compte d’une remarque qui lui a été faite. D’où, aussi, toujours, ce sentiment d’urgence et la nécessité de recourir à des courroies de transmissions parallèles pour faire parvenir vite les paquets volumineux d’un endroit à l’autre. D’où, aussi, l’importance des comptes rendus - les deux dirigeaient des revues scientifiques dont il fallait alimenter les rubriques des comptes rendus - pour être au courant de tout et pour tenir au courant aussi la communauté scientifique. La correspondance est remplie de mille détails concernant le quotidien d’un universitaire sérieux, hier comme aujourd’hui. D’évidence, les deux hommes trouvaient un intérêt commun à échanger et à mutualiser leurs efforts, car leurs ressources, matérielles et intellectuelles, étaient complémentaires: Bartsch, qui était loin des sources premières, profitait des transcriptions des manuscrits parisiens que pouvait lui fournir son correspondant, Gaston Paris, en échange, recevait d’Allemagne les livres pertinents dès leur parution et pouvait en outre demander à son collègue des renseignements sur la littérature germanique du Moyen Âge. Mais u. Bähler ( xxxix ) retrace aussi avec perspicacité les limites de leur compatibilité scientifique, limites qui se lisent clairement dans le jugement que porte Gaston Paris sur l’œuvre de Bartsch au moment de sa mort en 1888, à l’âge de 55 ans seulement. Un bon travailleur, mais pas vraiment un chercheur, dit en somme le professeur du Collège de France à propos d’un des plus grands professeurs de philologie romane d’Allemagne, la preuve incontestable que la France, dès la fin des années 1880, s’est émancipée de la romanistique allemande. Quitte à tomber dans l’anachronisme, je voudrais reposer la question de la nature de ces lettres, qui ont tout d’une correspondance scientifique et professionnelle. N’y a-t-il pas aussi 3 Notons qu’U. Bähler, à la suite de Bartsch lui-même et de la plupart des chercheurs, a tendance à absoudre un Bartsch «apolitique», alors que notre collègue A. Corbellari a du mal à croire qu’un professeur universitaire allemand puisse être dépourvu à ce point de radar politique. Voir son compte-rendu du recueil Bartsch, Foerster et C ie . La première romanistique allemande et son influence en Europe, éd. R. t raChsler , Cahiers de recherches médiévales et humanistes [En ligne], 2013, mis en ligne le 16 février 2015, consulté le 09 septembre 2017. URL: http: / / crm.revues.org/ 13338. 344 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 344-348 DOI 10.2357/ VOX-2017-018 une dimension privée et personnelle? Il est difficile d’en juger, les usages régissant l’expression des émotions ayant beaucoup changé entre le XIX e siècle et aujourd’hui. Quand meurt Paulin Paris (lettre 42, reproduite en fac-similé en annexe), le fils envoie à Bartsch un faire-part de décès et reçoit en réponse la lettre 43, courte, mais sincère, dans laquelle Bartsch évoque le souvenir de Paulin Paris, qu’il avait connu à Paris. Quand Gaston Paris se marie, il écrit exprès à Bartsch un petit mot pour l’en informer (lettre 46, la réponse de Bartsch n’est pas conservée, mais on ne le voit pas ne pas répondre). Ce sont des événements nets, clairs, codifiés: le décès d’un grand homme, le mariage d’un ami. Mais la lettre 30, écrite par Bartsch quelques jours avant Noël 1872, l’année où il s’est transféré de Rostock à Heidelberg, est plus complexe. Elle s’ouvre par l’explication concernant le délai avec lequel il répond: il ne sait pas si son ami français est rentré de son voyage italien, pays si doux où lui-même a passé en 1868-1869 un séjour si agréable et où il compte bien retourner un jour. Il a donc préféré retarder sa réponse. Bartsch enchaîne sur l’affaire Kutschke et remercie Gaston Paris pour son soutien contre l’irascible Meyer. Suit alors un petit compte-rendu de l’ambiance qui règne à Heidelberg, du travail, de l’enseignement, des collègues. Au dernier paragraphe, il passe à sa famille: son épouse a failli mourir durant l’été; pendant que les parents se trouvaient en Suisse pour la cure, deux de leurs enfants, restés en Allemagne, ont été atteints du typhus, qui a emporté le petit Max à l’âge de onze ans. La mère de Bartsch est d’ailleurs elle aussi décédée, de façon inattendue, en trois jours. Annus horribilis. Gaston Paris répond le 17 février 1873 (lettre 31) par un paragraphe de condoléances, avant de passer à l’affaire Kutschke, le contenu du prochain fascicule de la Romania, la liste de toutes les éditions en cours par Meyer, Foerster, Pannier etc., la demande des livres qu’il voudrait recevoir pour compte-rendu à la Revue critique et finalement une demande de renseignement sur Ulrich von Türheim. Business as usual. u. Bähler, dans son introduction, parle excellemment des systèmes de savoir à un moment très précis de l’histoire. Dans les lettres, je vois surtout ce qui nous rapproche d’eux. Je vois deux hommes en train d’essayer de faire leur métier le moins mal possible, luttant contre les mille petites vicissitudes du quotidien, toujours dans l’urgence, toujours au travail, parfois un peu vains, trouvant toujours le temps pour commenter la dernière trouvaille académique, mais ratant toutes les occasions pour dire les choses vraiment importantes. Prächtigste Menschen, dans le meilleur des cas, mais schlechte Correspondenten à coup sûr. Le volume admirable d’U. Bähler nous montre aussi combien nous ressemblons à nos prédécesseurs. Richard Trachsler h elMut f eilKe / M athilde h ennig (ed.), Zur Karriere von «Nähe und Distanz». Rezeption und Diskussion des Koch-Oesterreicher-Modells, Berlin/ Boston (de Gruyter) 2016, Viii + 416 p. (Reihe Germanistische Linguistik 306) Un importante modello teorico, nato a metà anni Ottanta nella romanistica tedesca ad opera di p. K oCh e w. o esterreiCher , si è sviluppato negli anni in maniera tale da rendere molto ben pensata l’idea di proporne ora una (ri)visitazione e un bilancio complessivi. Si tratta della concettualizzazione e applicazione delle nozioni di Nähe e Distanz ai problemi della distinzione fra lingua scritta e lingua parlata, all’analisi delle produzioni linguistiche e a molti aspetti della competenza e dell’uso linguistico. Il modello, diffusamente noto almeno nelle sue grandi linee tra i romanisti, prendeva le mosse dalle considerazioni avanzate negli anni Settanta, a proposito del francese parlato, da L. s öll , che separava opportunamente nello studio del parlato gli aspetti mediali, relativi al mezzo di propagazione del messaggio (Medium), da quelli strutturali, concezionali, relativi alla organizzazione del messaggio (Konzeption). Da tale distinzione si ricavava una duplice opposizione, tra codice fonico e grafico da un lato e tra modo parlato e