Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2017-028
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Kristol De StefaniDietmar Rieger, Esclarzir paraul’escura. Regards sur la diversité des lettres médiévales, Paris (Classiques Garnier), 2016, 431 p. (Recherches littéraires médiévales 22).
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Laurent Bozard
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376 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 376-378 DOI 10.2357/ VOX-2017-028 d ietMar r ieger , Esclarzir paraul’escura. Regards sur la diversité des lettres médiévales, Paris (Classiques Garnier), 2016, 431 p. (Recherches littéraires médiévales 22). Le présent volume regroupe 17 travaux (1997-2014) traduits en français - à l’exception d’un texte en italien («Il ne set que se senefie - Si panse tant que il s’oblie: Sull’interpretazione della realtà in Chrétien de Troyes») - de d. r ieger et fait suite au recueil Chanter et Dire. Études sur la littérature du Moyen Âge (Paris 1997), qu’il complète. Force est de constater de prime abord la rigueur et la complétude du travail de l’auteur, «un des meilleurs représentants de la Romanistique allemande» comme le souligne Bernard Ribémont dans sa préface (11). Le style didactique de Rieger est ainsi farci d’incises éclairantes et de nombreuses questions (cf. p. 323) et interrogations qui, pour la plupart, relancent la réflexion. Les études rassemblées sont aussi étayées par de denses références bibliographiques qui renvoient aux fondamentaux de la romanistique (depuis le xix e siècle jusqu’à nos jours) et mettent aussi l’accent sur de nombreux travaux, en allemand notamment. Dans une introduction inédite («Esclarzir paraul’escura - Littérature médiévale et méthodes littéraires», p. 21-41), D. Rieger compose en quelque sorte un manifeste philologique pour le xxi e siècle, un vivant plaidoyer pour la Literaturwissenschaft. Il critique ainsi assez abondamment, tout au long de l’ouvrage d’ailleurs, «le faux diagnostic de la mort de l’auteur» (cf. Barthes et Foucault, p. 33) et insiste sur un de ses propres leitmotiv: «le philologue ne perdra donc jamais de vue l’archéologie du texte» (34). Il s’insurge ainsi contre le «délire interprétatif» (37), «la voie de l’arbitraire de l’interprétation» (35) et prône un retour à l’histoire (39) ainsi qu’aux manuscrits et à leurs particularités (36). On relèvera aussi qu’il critique le processus de Bologne (30) et la fin du lien étroit entre recherche et enseignement. Parmi les motifs étudiés, on retrouve celui du lion d’Yvain («Il est à moi et je à lui. Le lion d’Yvain - un symbole et son champ sémantique»). Rieger revient sur ses nombreuses interprétations (chevalier courtois, p. 135; Christ, p. 136; idéal de l’épouse aimante et loyale, p. 139; puissance et pouvoir, p. 140; astrologie, p. 141; symbolisme anti-symbolique, p. 142) et en fait le bilan. La plus célèbre des reines médiévales («Guenièvre littéraire. Femme multiforme - entre sexualité, pouvoir et sagesse») change de rôle et de caractère au gré de ses apparitions dans les textes littéraires: «aucune héroïne n’est plus hétérogène, protéiforme et polymorphe que l’épouse d’Arthur» (154). «Femme belle et désirable» (159), elle représente tantôt l’idéal courtois, tantôt «un des soutiens indispensables au maintien de l’ordre arthurien» (163). La sympathie que les poètes éprouvent pour elle variera ainsi tout au long des xii e et xiii e siècles et perdra de son importance au début du xiV e (169). En Allemagne («L’innocence de l’accusée. Guenièvre dans la littérature arthurienne d’outre-Rhin»), les textes arthuriens, pour la plupart des remaniements de romans français, contiennent plus de développements didactiques (171): «il s’agit dans la majorité des cas d’une sorte de romans de formation» (172). Rieger souligne qu’«il faut attendre jusqu’après le milieu du xiii e siècle pour rencontrer … une Guenièvre dotée de la même personnalité morale ambivalente qu’en France» (173) et analyse en ce sens les œuvres de Hartmann von Aue (177), Heinrich von dem Türlin (179), Albrecht von Scharfenberg (181), Ulrich Füetrer (181) et Ulrich von Zatzikhoven (187). À la suite des travaux d’H. Petriconi, Rieger revient sur le topos de la femme dédaignée («Chetis recreanz couars cuers failli. Quelques remarques sur le motif littéraire de la ‹femme dédaignée› dans la poésie de la France médiévale») qui ne manque pas dans la littérature du Moyen Âge (295) et note le contraste de son traitement entre les littératures d’oc et d’oïl (306). D’autres textes du volume sont davantage consacrés aux liens que les œuvres entretiennent avec l’histoire ou des concepts historiques. C’est notamment le cas de «E trait sos meillors omes ab un consel. Émotion, mise en scène et ‹consilium› féodal dans Girart de Roussillon» ou «Stuprum, raptio et raptus dans la littérature française du Moyen Âge. L’exemple d’Aiol». 377 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 376-378 DOI 10.2357/ VOX-2017-028 Ainsi, Girart de Roussillon cherche à transmettre à un public relativement large «une image des processus de décisions politiques importantes et lourdes de conséquences prises au plus haut de la hiérarchie du pouvoir» (80). Rieger se demande alors si la fiction littéraire n’est pas «plus proche de la réalité, plus authentique, plus sincère, en mettant davantage en lumière les véritables imbrications … que certaines sources historiographiques» (98). C’est encore l’intérêt historique, dans sa dimension mythographique cette fois, qui intéresse l’auteur quand il s’attache au Dictié de Jehanne d’Arc («Un mythe in statu nascendi? La Pucelle et le Dictié de Jehanne d’Arc de Christine de Pizan»): l’œuvre christinienne servirait à «révéler le potentiel mythique» (366) de la Pucelle plus qu’à un récit historique chronologiquement fidèle. Enfin, Rieger revient sur la figure d’Amadis de Gaule («De Charlemagne à Amadis. Les héros littéraires modèles des élites ‹chevaleresques›») qui, dans le long cortège des héros chevaleresques - Charlemagne, Arthur et Jules César -, réunit «en lui toutes les vertus des grands héros du Moyen Âge tout en en éliminant les vices» (394). Le troisième grand pôle d’études s’axe autour de la lyrique, du point de vue de la réception et de la production (215-16) («Normes et transgressions. À propos des relations entre les procédés ‹lyriques› et narratifs dans la poésie lyrique de la France médiévale») mais aussi dans les liens qu’entretiennent poésie et chanson vers la fin du Moyen Âge («De la chanson poétique à la poésie chantée et au texte lyrique. Coup d’œil sur un aspect de l’évolution des genres vers la fin du Moyen Âge»), rappelant par exemple que Guillaume de Machaut est un auteur doublé d’un véritable compositeur (373). La dimension programmatique des travaux de Rieger se retrouve également au sujet de la lyrique des troubadours («Formes de l’esprit de compétition troubadouresque. Interprétation de deux chansons»): il s’appuie en effet sur les détails du texte (une tenson et un partimen) «comme point de départ de son interprétation dans le contexte du genre auquel il appartient» afin d’en dégager son processus réceptionnel (269). La question des origines de l’alba («Naissance, fonction et déclin d’un genre poétique exceptionnel. L’aube des troubadours») est traitée dans une étude spécifique qui retrace l’évolution du genre et son tiraillement entre chanson populaire d’une part, chrétienne et savante de l’autre (318). Si la question de la réception et du lectorat hante les travaux de D. Rieger, elle est plus prégnante dans une série de réflexions qui lui sont plus spécifiquement dédiées. Le lieu même de la bibliothèque («Des ‹livres sacrés›. Fiction et idée de la bibliothèque au Moyen Âge») «apparaît comme instance d’autolégitimation, en tant que ‹memoria› de ce qu’il convient de ne pas oublier» (46). Ce lieu acquiert ainsi progressivement «un rôle de seul dépositaire de l’unique et absolue vérité» (50). Et l’auteur de remettre cette dimension mémorielle en contexte avec une civilisation où l’oralité conserve une place prépondérante: «la bibliothèque est présente bien davantage en tant qu’idée qu’elle ne l’est en tant que réalité» (67). Dans sa lecture du Tristan en prose («Métamorphoses de Tristan. À propos du Tristan en prose et de ses ‹auctores›»), Rieger souligne le caractère divertissant (plus que moralisant) de l’œuvre et critique à nouveau les lectures du texte par les tenanciers de la New Philology (201). L’auteur du Tristan, qui insiste sur les problèmes de la narration et son déroulement, se situe «à mi-chemin entre le simple conteur d’histoires et l’artiste autonome» (211). Si l’audition est bien entendu prédominante dans la réception des œuvres médiévales («Senes breu de parguamina. À propos de la ‹lecture de chansons› au Moyen Âge»), la lecture en est devenue assez vite une possibilité de réception complémentaire et sans doute communautaire (242). Rieger propose également une «étude succincte du champ sémantique du mot nouveau dans les contextes poétologiques en ancien français et en ancien occitan» (249) («Tot est dit. Le concept du ‹nouveau› dans la littérature médiévale en France»). La notion semble avoir plus d’importance dans le Sud que dans le Nord de la France (267) mais partout elle consiste à se situer entre trois tendances: répéter l’ancien, le restituer dans son caractère original et le doter 378 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 378-380 DOI 10.2357/ VOX-2017-029 d’une signification adéquate, sans pour autant toujours revêtir une connotation positive (251). Mais la recherche d’une «originalité relative», surtout dans le Midi, semble répondre «à une attente d’innovation de la part du public» (257). La manière dont l’auteur se présente à son public («Marco Polo et Rustichello da Pisa. Le voyageur et son narrateur») fait l’objet d’un chapitre qui revient sur les liens scripturaux et les positions d’auteurs respectives de Marco Polo et de Rusticien de Pise: l’écrivain pisan est le responsable de la mise par écrit d’une matière fournie par le Vénitien (341). Rieger analyse ainsi les interventions auctoriales (je, nous, nostre livre, il, p. 345) pour distinguer les types de narrateurs dans le Devisement du monde: un narrateur qui dicte la matière oralement (premier degré) et un narrateur qui la traduit «au niveau de la scripturalité et de la littéralité» (second degré, p. 346). Partout dans le recueil, on constate les lignes de force des travaux de D. Rieger et ses volontés de chercheur: l’attention prégnante portée à la réception des œuvres (par exemple, p. 347, 365), une érudition et un systématisme profonds dans les assises de la recherche (voir le nombre de notes de bas de page et l’ampleur des références proposées). Si l’on retrouve assez souvent des critiques envers la new philology (par exemple, p. 268), on comprend au détour d’une phrase combien est importante pour Rieger la nécessité d’une recherche philologique qui n’embrasse pas que le seul texte, mais qui embrasse aussi d’autres aspects comme l’Histoire, «en se gardant bien de confiner la littérature dans le rôle d’un simple document historique» (98). Laurent Bozard g aBriele g iannini / f ranCis g ingras (ed.), Les centres de production des manuscrits vernaculaires au Moyen Âge, Paris (Classiques Garnier), 2015, 252 p. (Rencontres 136) Comme le rappellent à juste titre g aBriele g iannini et f ranCis g ingras dans leur avantpropos, les textes réunis dans ce volume d’études codicologiques participent à un plus large projet de recherches internationales (qui regroupe les universités de Montréal, Genève, Zurich et Göttingen) intitulé «Lire en contexte à l’époque prémoderne. Enquête sur les recueils manuscrits de fabliaux (2010-2014)». Celui-ci a déjà donné lieu à une première publication dans un numéro thématique d’Études françaises en 2012 et à des journées d’études à l’Université de Montréal les 24 et 25 octobre 2013, dont le présent recueil reprend la majeure partie des contributions et en constitue les actes. Un des premiers aspects intéressants à relever est la détermination de deux aires décisives de production de récits brefs et de fabliaux au xii e siècle: le Nord-Est d’oïl et l’espace anglonormand (8). C’est autour de ces deux zones que vont s’articuler les réflexions des différents auteurs. Leurs analyses peuvent d’ailleurs être réparties en trois grandes thématiques: lieux de production, auteurs et études codicologiques. En ce qui concerne les lieux de production, M. C areri («Luoghi della produzione manoscritta in francese del xii secolo») s’attarde sur quelques exemples pour lesquels la datation et la localisation d’un manuscrit peuvent avoir une influence sur son histoire et sa réception. Cela lui permet notamment de proposer une carte des lieux de production des psautiers anglonormands du xii e siècle autour des villes de Winchester, Peterborough, Londres, Canterbury et Saint-Albans (14). Dans son examen des «Manuscrits de fabliaux. Typologies et lieux de production en domaine anglo-normand», B. B arBieri se concentre sur quelques manuscrits (Cambridge, Corpus Christi College, 50; London, BL, Harley 2253 et Oxford, BL, Digby 86). Leur composition et leurs contenus (tantôt basés sur l’histoire des Îles britanniques, tantôt sur des écrits à finalités
