Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2017-029
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Kristol De StefaniGabriele Giannini / Francis Gingras (ed.), Les centres de production des manuscrits vernaculaires au Moyen Âge, Paris (Classiques Garnier), 2015, 252 p. (Rencontres 136)
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Laurent Bozard
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378 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 378-380 DOI 10.2357/ VOX-2017-029 d’une signification adéquate, sans pour autant toujours revêtir une connotation positive (251). Mais la recherche d’une «originalité relative», surtout dans le Midi, semble répondre «à une attente d’innovation de la part du public» (257). La manière dont l’auteur se présente à son public («Marco Polo et Rustichello da Pisa. Le voyageur et son narrateur») fait l’objet d’un chapitre qui revient sur les liens scripturaux et les positions d’auteurs respectives de Marco Polo et de Rusticien de Pise: l’écrivain pisan est le responsable de la mise par écrit d’une matière fournie par le Vénitien (341). Rieger analyse ainsi les interventions auctoriales (je, nous, nostre livre, il, p. 345) pour distinguer les types de narrateurs dans le Devisement du monde: un narrateur qui dicte la matière oralement (premier degré) et un narrateur qui la traduit «au niveau de la scripturalité et de la littéralité» (second degré, p. 346). Partout dans le recueil, on constate les lignes de force des travaux de D. Rieger et ses volontés de chercheur: l’attention prégnante portée à la réception des œuvres (par exemple, p. 347, 365), une érudition et un systématisme profonds dans les assises de la recherche (voir le nombre de notes de bas de page et l’ampleur des références proposées). Si l’on retrouve assez souvent des critiques envers la new philology (par exemple, p. 268), on comprend au détour d’une phrase combien est importante pour Rieger la nécessité d’une recherche philologique qui n’embrasse pas que le seul texte, mais qui embrasse aussi d’autres aspects comme l’Histoire, «en se gardant bien de confiner la littérature dans le rôle d’un simple document historique» (98). Laurent Bozard g aBriele g iannini / f ranCis g ingras (ed.), Les centres de production des manuscrits vernaculaires au Moyen Âge, Paris (Classiques Garnier), 2015, 252 p. (Rencontres 136) Comme le rappellent à juste titre g aBriele g iannini et f ranCis g ingras dans leur avantpropos, les textes réunis dans ce volume d’études codicologiques participent à un plus large projet de recherches internationales (qui regroupe les universités de Montréal, Genève, Zurich et Göttingen) intitulé «Lire en contexte à l’époque prémoderne. Enquête sur les recueils manuscrits de fabliaux (2010-2014)». Celui-ci a déjà donné lieu à une première publication dans un numéro thématique d’Études françaises en 2012 et à des journées d’études à l’Université de Montréal les 24 et 25 octobre 2013, dont le présent recueil reprend la majeure partie des contributions et en constitue les actes. Un des premiers aspects intéressants à relever est la détermination de deux aires décisives de production de récits brefs et de fabliaux au xii e siècle: le Nord-Est d’oïl et l’espace anglonormand (8). C’est autour de ces deux zones que vont s’articuler les réflexions des différents auteurs. Leurs analyses peuvent d’ailleurs être réparties en trois grandes thématiques: lieux de production, auteurs et études codicologiques. En ce qui concerne les lieux de production, M. C areri («Luoghi della produzione manoscritta in francese del xii secolo») s’attarde sur quelques exemples pour lesquels la datation et la localisation d’un manuscrit peuvent avoir une influence sur son histoire et sa réception. Cela lui permet notamment de proposer une carte des lieux de production des psautiers anglonormands du xii e siècle autour des villes de Winchester, Peterborough, Londres, Canterbury et Saint-Albans (14). Dans son examen des «Manuscrits de fabliaux. Typologies et lieux de production en domaine anglo-normand», B. B arBieri se concentre sur quelques manuscrits (Cambridge, Corpus Christi College, 50; London, BL, Harley 2253 et Oxford, BL, Digby 86). Leur composition et leurs contenus (tantôt basés sur l’histoire des Îles britanniques, tantôt sur des écrits à finalités 379 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 378-380 DOI 10.2357/ VOX-2017-029 plus pratiques comme des textes de dévotion ou des recettes médicales) permettent d’en supposer une partie des détenteurs premiers (23-24). La variété linguistique de ces manuscrits (français, anglais et latin) démontre en partie «les compétences linguistiques des compilateurs et premiers destinataires des recueils, qui dépendent à la fois de leur origine géographique et de leur niveau culturel et professionnel» (31). Ces manuscrits, souvent qualifiés de commonplace books (25) ou de household books (26), comportent un certain nombre de textes utilitaires qui permettent par ailleurs de souligner le contexte privé dont ils sont issus (35) et, à défaut d’identifier des lieux de production précis, B. B arBieri tente d’en distinguer le milieu socio-culturel originel. a. B ottex -f errange («De la production à la réception: le Reclus de Molliens en morceaux dans les recueils de fabliaux») interroge la présence atypique de ce poète connu pour sa «virtuosité formelle» (139) dans les recueils de fabliaux. Les considérations codicologiques ne permettent pas d’identifier avec précision le lieu de production de ces manuscrits composites (autour de Tournai? ). Toutefois, les éléments de convergence laissent supposer que leur lectorat avait comme centre d’intérêt commun une certaine «tendance à redresser l’ambiguïté morale» (156). Les rapprochements entre l’œuvre du Reclus de Molliens et les fabliaux favorisent l’apparition d’une sorte de «nouvel horizon, que l’on pourrait appeler ‹le didactisme bref›» (160). Les liens entre ces différents volumes se tissent donc tant à travers les formes qui les composent (textes courts) qu’à travers leur contenu (leçons édifiantes). La composition de manuscrits autour de la figure d’un seul auteur est aussi au centre du propos de J. s tout («Sire trouvère et roi trouvé. Aspects géographiques, poétiques et politiques de la production des manuscrits de Watriquet de Couvin»). L’émergence de codices vernaculaires consacrés à un seul auteur est «une innovation dans le domaine de la littérature en langue vulgaire» (176). Julien Stout contraste sa réflexion avec celles de Mary et Richard Rouse tout au long de son texte pour dégager certaines caractéristiques de l’œuvre de Watriquet: proximité entre le contexte de diffusion et de production des manuscrits avec le contexte dans lequel évoluait le poète (jusqu’à suggérer une possible supervision, par l’auteur, du travail «éditorial», p. 188), liens avec le public (198) et avec Philippe VI de Valois, avec qui ils «se seraient servis mutuellement de miroir et de guide» (199). En s’attardant sur la question des miniatures d’ouverture, i. a rseneau («Les mises en prose de l’atelier du Maître de Wavrin: pistes et réflexions») repère, dans ces productions lilloises, «un intérêt tantôt pour le lieu de production des œuvres, tantôt pour leur lieu de réception ‹naturel› (l’atelier ou la bibliothèque)» (203). En quittant la salle du trône (lieu de pouvoir par excellence), ces manuscrits valorisent trois concepts novateurs: le travail (processus de création plus que produit fini), l’atelier (lieu de travail collectif) et le livre (206). Le reste des études du recueil se concentre davantage sur des questions relatives à des manuscrits en particulier. C’est le cas notamment d’a. s tones («Notes sur le contexte artistique de quelques manuscrits de fabliaux») qui fait le lien entre les manuscrits de fabliaux et certains grands centres de production du livre (219). Elle formule également quelques pistes et recommandations pour une étude encore à venir du corpus manuscrit des fabliaux (231). g. M orend -J aquet («La matière dans tous ses états. Du recueil révisé au livre recomposé: le cas des manuscrits Paris, BNF, FR. 1593 et Genève, BGE, 179bis»), quant à elle, revient sur le cas de ces deux manuscrits composites et en dégage un certain intérêt pour l’enseignement aux princes et l’ordre social (167), au détriment, d’une certaine manière, de la question religieuse. À travers la comparaison de deux manuscrits - qui participent également à la réflexion de B. Barbieri - («Des ‹Bibliothèques personnelles›. Copie, compilation et matière du livre anglonormand: l’exemple des manuscrits London, BL, Harley 2253 et Oxford, BL, Digby 86), i. d elage -B éland remarque un mouvement d’accumulation de strates dans leur composition (41), jusqu’à «saturer l’espace du parchemin au fil du temps» dans le chef du copiste du recueil 380 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 Digby (44). La présence des fabliaux dans ces manuscrits met aussi l’accent sur une certaine intertextualité: «à l’intérieur de cette ‹bibliothèque matérielle› s’inscrit donc une ‹bibliothèque virtuelle› qui demande à être actualisée par le lecteur» (51-52). Enfin, l’entourage des fabliaux à l’intérieur même des manuscrits peut inférer sur leur lecture; c’est ainsi que si le manuscrit Harvey, en limitant la place accordée à la morale à la fin du texte, «exploite davantage la part ludique et divertissante du fabliau» (52), le Digby «cherche plutôt à orienter la lecture» et à en «exploiter le potentiel moralisant» (53). o. C ollet («Le recueil BNF, fr 25566 ou le trompe-l’œil de la vie littéraire arrageoise au xiii e siècle») revient sur l’importance de la ville d’Arras dans la production manuscrite. Il en propose un panorama composé de remarques sur le patronage de la cour (Robert II et sa fille Mahaut d’Artois, p. 62-64), sur les auteurs («l’exubérance de la scène littéraire arrageoise» est en décalage avec sa représentation dans la production manuscrite de la région, p. 72-73) et sur les scribes et enlumineurs (ce qui ressort est davantage la littérature romanesque et didacticoreligieuse que les auteurs arrageois, p. 79). La longue et passionnante étude de g. g iannini («L’Arsenal 3114 et la production de manuscrits en langue vernaculaire dans l’ancien diocèse de Soissons, 1260-1300 environ») prend comme point de départ un manuscrit (seul témoin du fabliau La Dame escoillee) comportant six courts textes et, sur la base du constat de deux anomalies (le nombre réduit de feuillets et le lourd rognage du volume), se lance dans une véritable enquête philologique et codicologique à la recherche de la composition originelle du manuscrit dont il ne nous reste plus qu’une «épave» (89). De bibliothèques en manuscrits, l’auteur parvient ainsi, par sauts de puces et hasards heureux, à reconstituer la «vie» d’un ensemble de textes à l’ancrage soissonnais (116). S’il est impossible de détailler toutes les finesses d’analyses présentes dans ce recueil, on en soulignera la précision et la complétude. L’ouvrage est ainsi constellé d’ambitieuses notes de bas de page - dont on déplorera toutefois la numérotation qui est réinitialisée à chaque page, ce qui n’en facilite pas toujours la lisibilité - qui viennent étayer les propos et constituer un maillage précieux pour les réflexions à venir dans ce champ d’études. À partir, parfois, de cas très particuliers, on peut désormais dégager quelques constantes géographiques ou pratiques mais ce qui est particulièrement intéressant au fil de la lecture c’est qu’on voit se dégager une série de réflexions et de constats autour de la réception de ces manuscrits et de leur contexte de production. Ces études nous permettent ainsi d’approcher davantage une certaine réalité des stratégies de communication, de conception et d’interprétation de ces différentes œuvres. Laurent Bozard J oëlle d uCos / o liVier s outet / J ean -r ené V alette , Le français médiéval par les textes. Anthologie commentée, Paris (Champion) 2016, 464 p. (Champion Classiques. Références et Dictionnaires 11) Composée de cinquante et un extraits de textes groupés par périodes chronologiques et livrés avec «Présentation», «Situation», «Traduction» (sauf pour les textes en mfr.), «Annotations» et pistes bibliographiques («Pour en savoir plus»), munie d’une double introduction linguistique et littéraire - chacune des deux parties étant assortie de sa propre bibliographie -, et complétée par un «Glossaire» et un «Index grammatical», cette nouvelle anthologie se présente comme le support d’un cours fondamental en français médiéval. L’introduction est avantageusement substantielle (une centaine de pages): sa partie linguistique éclaire la nature culturelle des textes en français médiéval, initie à l’étude de la variation diatopique, et présente les grandes lignes de