eJournals Vox Romanica 76/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2017-030
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2017
761 Kristol De Stefani

Joëlle Ducos/Olivier Soutet/Jean-René Valette, Le français médiéval par les textes. Anthologie commentée, Paris (Champion) 2016, 464 p. (Champion Classiques. Références et Dictionnaires 11)

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Maxime  Cario
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380 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 Digby (44). La présence des fabliaux dans ces manuscrits met aussi l’accent sur une certaine intertextualité: «à l’intérieur de cette ‹bibliothèque matérielle› s’inscrit donc une ‹bibliothèque virtuelle› qui demande à être actualisée par le lecteur» (51-52). Enfin, l’entourage des fabliaux à l’intérieur même des manuscrits peut inférer sur leur lecture; c’est ainsi que si le manuscrit Harvey, en limitant la place accordée à la morale à la fin du texte, «exploite davantage la part ludique et divertissante du fabliau» (52), le Digby «cherche plutôt à orienter la lecture» et à en «exploiter le potentiel moralisant» (53). o. C ollet («Le recueil BNF, fr 25566 ou le trompe-l’œil de la vie littéraire arrageoise au xiii e siècle») revient sur l’importance de la ville d’Arras dans la production manuscrite. Il en propose un panorama composé de remarques sur le patronage de la cour (Robert II et sa fille Mahaut d’Artois, p. 62-64), sur les auteurs («l’exubérance de la scène littéraire arrageoise» est en décalage avec sa représentation dans la production manuscrite de la région, p. 72-73) et sur les scribes et enlumineurs (ce qui ressort est davantage la littérature romanesque et didacticoreligieuse que les auteurs arrageois, p. 79). La longue et passionnante étude de g. g iannini («L’Arsenal 3114 et la production de manuscrits en langue vernaculaire dans l’ancien diocèse de Soissons, 1260-1300 environ») prend comme point de départ un manuscrit (seul témoin du fabliau La Dame escoillee) comportant six courts textes et, sur la base du constat de deux anomalies (le nombre réduit de feuillets et le lourd rognage du volume), se lance dans une véritable enquête philologique et codicologique à la recherche de la composition originelle du manuscrit dont il ne nous reste plus qu’une «épave» (89). De bibliothèques en manuscrits, l’auteur parvient ainsi, par sauts de puces et hasards heureux, à reconstituer la «vie» d’un ensemble de textes à l’ancrage soissonnais (116). S’il est impossible de détailler toutes les finesses d’analyses présentes dans ce recueil, on en soulignera la précision et la complétude. L’ouvrage est ainsi constellé d’ambitieuses notes de bas de page - dont on déplorera toutefois la numérotation qui est réinitialisée à chaque page, ce qui n’en facilite pas toujours la lisibilité - qui viennent étayer les propos et constituer un maillage précieux pour les réflexions à venir dans ce champ d’études. À partir, parfois, de cas très particuliers, on peut désormais dégager quelques constantes géographiques ou pratiques mais ce qui est particulièrement intéressant au fil de la lecture c’est qu’on voit se dégager une série de réflexions et de constats autour de la réception de ces manuscrits et de leur contexte de production. Ces études nous permettent ainsi d’approcher davantage une certaine réalité des stratégies de communication, de conception et d’interprétation de ces différentes œuvres. Laurent Bozard  J oëlle d uCos / o liVier s outet / J ean -r ené V alette , Le français médiéval par les textes. Anthologie commentée, Paris (Champion) 2016, 464 p. (Champion Classiques. Références et Dictionnaires 11) Composée de cinquante et un extraits de textes groupés par périodes chronologiques et livrés avec «Présentation», «Situation», «Traduction» (sauf pour les textes en mfr.), «Annotations» et pistes bibliographiques («Pour en savoir plus»), munie d’une double introduction linguistique et littéraire - chacune des deux parties étant assortie de sa propre bibliographie -, et complétée par un «Glossaire» et un «Index grammatical», cette nouvelle anthologie se présente comme le support d’un cours fondamental en français médiéval. L’introduction est avantageusement substantielle (une centaine de pages): sa partie linguistique éclaire la nature culturelle des textes en français médiéval, initie à l’étude de la variation diatopique, et présente les grandes lignes de 381 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 l’évolution de la langue; sa partie littéraire pose les principaux problèmes de la critique, à savoir la notion de «littérature» médiévale, l’histoire et la périodisation, la taxinomie. La répartition des textes - (i) quatre pour l’époque entre 800 et ca 1100 («L’émergence du français face au latin»), (ii) douze pour le xii e siècle et dix-neuf pour le XIII e («Expression et autonomie du français comme langue écrite») et (iii) seize pour les XIV e et XV e siècles («Normalisation du français comme langue écrite») - montre que l’accent a été mis sur l’état du français médiéval parfois dit «ancien français classique». C’est peut-être un reproche que l’on peut formuler à cet ouvrage: alors que les travaux sur les textes en mfr. se multiplient, il aurait été bon d’abandonner cette vieille préférence pédagogique. L’ouvrage est néanmoins équilibré. Dans la suite de ce compte rendu, mes commentaires seront à la mesure de mes capacités et de mes intérêts en tant qu’enseignant de la phonétique historique du français et de la grammaire du français médiéval, c’est-à-dire que je les restreins aux éléments linguistiques de l’ouvrage. Cette limitation aura l’avantage de me permettre de développer quelques pensées générales sur l’enseignement fondamental du français médiéval. Quelques remarques doivent d’abord être faites à propos de l’introduction. - Il est regrettable que la notion de scripta ne soit pas présentée; ce manque conduit à une formulation du type de celles que tout étudiant spécialiste apprend à éviter: «Comme le montrent les remarques dialectologiques [au lieu de scriptologiques] que l’on trouvera dans les commentaires de textes de cet ouvrage, les dialectes [au lieu de scriptæ] anglo-normand, champenois et picard sont assurément ceux à travers lesquels, au moins jusqu’au XIII e siècle, une part importante des grands textes de la littérature médiévale ont trouvé leur expression linguistique…» (17) - Quant à la définition du francoprovençal: «…la dialectologie romane a bien identifié une troisième zone gallo-romane, dite franco-provençale (du Lyonnais à la Suisse romande et au Val d’Aoste) mêlant traits d’oïl et traits d’oc.» (18) il est dommageable qu’elle laisse dans l’ombre l’identité propre de cette langue, laquelle est due, entre autres choses, à des courants de romanisation particuliers. C’est précisément pour ne plus réduire cette langue à une langue de transition qu’il est depuis longtemps traditionnel en romanistique d’écrire francoprovençal sans trait d’union. - Donner comme premier facteur de neutralisation graphique le fait que «La logique économique d’un atelier devait viser à une diffusion maximale des manuscrits, qui s’accommodaient mal, à partir d’un certain moment, d’une trop grande variation» (19) est une idée empruntée aux choix des imprimeurs de la Renaissance. Pour le Moyen Âge, g lessgen 2007: 409 et surtout g reuB 2007 ont montré que ce phénomène de l’acte de copie est d’abord non concerté et «mécanique». - Je ne comprends pas pourquoi «la diffusion du français hors de France et hors des parties francophones de l’Empire germanique (Wallonie, Lorraine, notamment), surtout en Angleterre après la conquête du royaume par Guillaume (1066)» est donnée pour l’un des «facteurs de ‹réduction de variation›» (19); car, d’une part, on sait depuis g ossen 1957 que, sur le continent, les scriptæ wallonne, picarde et lorraine sont précisément celles qui ont résisté le plus longtemps à la standardisation; et, d’autre part, s. l usignan a montré que c’est la scripta anglo-française qui était employée dans les territoires dépendant de la couronne d’Angleterre à la fin du Moyen Âge, et que ce sont les scriptæ lorraine et picarde qui étaient employées dans l’Empire, et même en terres non romanes pour le picard 1 . 1 Pour une synthèse de ces questions, voir l usignan 2011: 5-107. 382 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 - Il est utile de présenter le problème du prétendu «francien» et de tenter de définir ce qu’a réellement été la langue de Paris; mais la définition donnée n’est pas satisfaisante: «Si l’idée d’une spécificité linguistique de Paris et de sa proche région peut s’appuyer sur le témoignage de Roger Bacon cité plus haut, il y a lieu d’observer que ce témoignage renvoie au milieu du xiii e siècle. Plutôt donc que d’y voir une réalité dialectale de même niveau d’ancienneté que le sont les dialectes que nous avons signalés plus haut, il faut l’analyser comme une koinè, favorisée par des développements institutionnels à visée unificatrice, le développement de l’écrit et le «melting pot» socio-géographique que constitue Paris, qui voit au xiii e siècle sa population s’accroître et se mélanger.» (20) Seule est évoquée ici la thèse de l odge 2004 alors que g rüBl 2013: 343-83 l’a démentie. Faisant suite à ce travail, g lessgen 2017 montre que la variété linguistique parlée à Paris au Moyen Âge semble avoir été de type normand et qu’il n’y a pas de raison de douter de l’ancienneté de cette réalité dialectale, même si l’élaboration scripturale à Paris comporte des éléments de koinè. - Pour le «seuil du XI e siècle» sont posées les voyelles suivantes «de l’avant à l’arrière de la cavité buccale»: [i] [ẹ] [ę] [a] [ü] [ ̥ e] [u] [ọ] [ǫ] (24), ce qui pose plusieurs problèmes. Tout d’abord, puisque la voyelle ŭ du latin classique est passée entre le iV e et le V e siècle à [ọ] en positions tonique et contretonique, et à [o] en position atone, et que la voyelle ū du latin classique est passée à [ü] aux Vii e -Viii e siècles en toute position, la voyelle pleine [u] n’existe pas dans le plus ancien français: [u] réapparaît d’abord comme son diphtongal avec la vocalisation du [ł] implosif au X e ou XI e siècle, puis comme voyelle pleine avec la fermeture de [ọ] en positions tonique et contretonique au xii e siècle 2 . Deuxièmement, selon Z inK 2006: 20-21, les voyelles doivent être données dans l’ordre suivant: [i] [ẹ]/ [ü] [ę] [a] [ ̥ e] 3 . En outre, il est dit à raison que «les distinctions d’aperture (voyelles fermées vs voyelles ouvertes) y jouent un rôle central» (24); mais il aurait alors fallu donner les voyelles aussi dans l’ordre d’aperture, à savoir, selon z inK 2006: 20, [i] < [ü] < [ẹ] < [ ̥ e] < [ę] < [a] > [ǫ] > [ọ] > [u] 4 . Enfin, donner le trapèze vocalique aurait été plus simple. - Pour le «seuil du XI e siècle», la série des diphtongues donnée, à savoir [ie] [ei] [ai] [uo] [ou] [üi], est elle aussi déficiente: il manque assurément la diphtongue de coalescence [oi] (crucem > croiz); et il manque peut-être aussi les diphtongues par coalescence de [u̯ ] issu de la vocalisation de [ł] implosif selon la date à laquelle on place ce phénomène 5 . - La chronologie des fermetures de [ọ] et [ǫ] en [u] est en partie erronée: 2 Pour la date de la vocalisation de [ł] implosif, voir z inK 2006: 130, qui place la fin du procès à la fin du xi e siècle, et J oly 1995: 100-01, qui la place dans le courant du x e siècle. 3 Cet ordre semble correspondre à celui que l’on peut déduire des clichés donnés par s traKa 1950, auxquels je n’ai eu accès que par L a C haussée 1982: 29, où la voyelle centrale [ ̥ e] n’apparaît pas. B ourCiez / B ourCiez 1967: 8 placent clairement [ü] à l’arrière de [ẹ] et au même niveau que [ę], et ne donnent pas [ ̥ e]. L’erreur de l’ouvrage à l’étude peut provenir d’un schéma grossier, tel que celui de J oly 1995: 18, où la série des voyelles palatales labialisées est donnée dans son ensemble pour postérieure à [a]. Le consensus n’est pas fait pour les voyelles vélaires: J oly 1995: 18 donne l’ordre [ǫ] [ọ] [u], qui est assurément faux; les clichés de s traKa 1950 semblent indiquer l’ordre [u] [ǫ] [ọ], que donne aussi z inK 2006: 20; g ossen 1970: 13 donne l’ordre [u] [ọ] [ǫ], donné aussi par l’ouvrage à l’étude; enfin, B ourCiez / B ourCiez 1967: 8 donnent l’ordre [ǫ] [u] [ọ]. 4 Cet ordre semble correspondre à celui que l’on peut déduire des clichés donnés par s traKa 1950 et est aussi celui de g ossen 1970: 13 et de B ourCiez / B ourCiez 1967: 8. 5 Voir N2. 383 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 «Un seul grand phénomène en mfr. semble échapper au mouvement d’affaiblissement: la fermeture de [ọ]/ [ǫ] toniques en syllabe entravée en [u] (pórta > porte [pǫrte̥ ] > pourte [purte̥ ]), de [ọ] tonique et devant consonne, issu du [ǫ] résultant de la monophtongaison de [au] latin (cáusa > chose > chouse [šuze̥ ]) et même le [ọ], issu de la diphtongue [au] française, (cálidum > chaud > choud [šu]).» (29-30) Et, en note: «Elle [la fermeture en mfr.] prolonge une fermeture du [ọ] initial atone, en syllabe libre ou entravée, observée dès le XII e siècle (*volére > vouloir [vulwẹr]; torméntum > tourment [turm-nt]) et du [ọ] tonique et devant voyelle, issu du [ǫ] résultant de la monophtongaison de [au] latin (IPR, P 3, láudat > loue [lue̥ ]).» (29). En réalité, la fermeture du xii e siècle affecte [ọ] issu de ŭ , ō classiques en toutes positions toniques ou contretoniques - initiale entravée ([tọrmɑ̃ ́ nt] > to(u)rment [turmɑ̃ ́ nt]), initiale libre ([vọlẹ́ i̯ r] > vo(u)loir [vulọ́ ẹr]), initiale en hiatus ([rọẹ́ r] > ro(u)er [ruẹ́ r]), tonique entravée ([kọ́ rt] > co(u)rt [kúrt]), tonique libre anciennement entravée ([bọ́ še̥ ] > bo(u)che [búše̥ ]) - ainsi que [ǫ] issu de au latin en position tonique en finale absolue ([ló ̨ θ] > lo(u) [lú]) et devant [ ̥ e] ([ló ̨ δe̥ s] > lo(u)es [lúe̥ s]), et [ọ] issu de au latin en position contretonique en hiatus ([lọδẹ́ r] > lo(u)er [luẹ́ r]). Les autres fermetures - à savoir celles de [ǫ] issu de ŏ classique tonique (porte [pó ̨ rte̥ ] > pourte [púrte̥ ]), de [ǫ] issu de au latin tonique devant consonne (robe [ró ̨ be̥ ] > roube [rúbe̥ ]), de [ọ] issu de au latin tonique devant [s] implosif (clos [clọ́ (s)] > clous [clú]) ou au contact de [z] [v] (chose [šọ́ ze̥ ] > chouse [šúze̥ ]), et de [ọ] issu de [au] français dans chaud ([šọ́ ] > choud [šú]) et haut ([(h)ọ́ ] > hout [(h)ú]) - sont des phénomènes plus tardifs (XV e -XVII e siècles). Ces fermetures ne sont de loin pas communes à toutes les variétés d’oïl et ne se sont pas imposées dans tous les dialectes modernes 6 . - La description des consonnes de l’afr. est correctement structurée selon les oppositions fondamentales: simples vs complexes, sourdes vs sonores, occlusives vs constrictives, orales vs nasales (26). Il est néanmoins regrettable que les consonnes [l] [l̮ ] [ł] [ r ] [m] [n] [n̮ ] ne soient pas données parmi les sonores, que [m] [n] [n̮ ] ne soient pas données parmi les occlusives, enfin que, pour le groupe des constrictives, ne soit pas précisée la répartition en trois groupes: (i) fricatives [s] [z] [f] [v], (ii) latérales [l] [l̮ ] [ł] et (iii) vibrante [ r ]. Enfin, encore une fois, donner un tableau aurait été plus simple. - Dans l’introduction linguistique, il est fait emploi des signes [ r ] et [r] pour désigner les vibrantes respectivement apico-alvéolaire et dorso-uvulaire, ce qui est en conformité avec l’alphabet phonétique de Bourciez 7 employé dans cet ouvrage. Il est donc regrettable que dans l’«Alphabet phonétique» (107), [r] soit donné pour apico-alvéolaire et [ r ] pour vélaire. - À propos de la réduction de la déclinaison nominale à l’avantage des formes de CR, il est fait mention des exceptions: «Signalons quelques exceptions, qui voient survivre le seul ancien CS: sire, peintre, chantre, pâtre, sœur…» (37). Seul est de trop puisqu’ont survécu sire et seigneur, chantre et chanteur, pâtre et pasteur. - Dans le système du pronom relatif, la distinction («au mieux et très incomplètement») animé vs inanimé est posée comme première en français médiéval: la forme quoi d’abord simplement inanimée serait devenue de plus en plus un inanimé neutre et aurait été écartée des antécédents inanimés masculins ou féminins en raison de son caractère générique de plus en plus marqué (39). B uridant 2000: §445, 473 et 583, dans les tableaux qu’il dresse du relatif/ interrogatif, pose lui aussi la distinction +/ animé. Le système de z inK 1994: 101 est 6 Pour ces phénomènes, voir z inK 2006: 72 et 207-09. 7 Voir B ourCiez / B ourCiez 1967: Vii et 13. Sur ce point, Z inK 2006: 21 dit explicitement ne pas suivre E. Bourciez. 384 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 plus complexe: il oppose des formes de «masc.-fém. (animés et inanimés)» et des formes de «n. (et inanimés)». De fait, c’est l’opposition de genres qui est première comme le montre l’emploi à date ancienne de formes prétendument animées avec des antécédents inanimés (Sun dragun portet a qui sa gent s’alïent 8 ). Par ailleurs, le fait que quoi puisse être employé à date tardive avec un antécédent animé et même personnel (les gens de quoy ilz s’estoient faictz fortz 9 ) va à l’encontre de l’idée d’un quoi de plus en plus génériquement marqué. Il est plus simple de poser un système à distinction seulement générique dans lequel la forme quoi peut être employée après préposition avec un antécédent masculin ou féminin, singulier ou pluriel, animé ou inanimé, personnel (divinités, esprits, humains…) ou impersonnel, cet emploi neutralisant la distinction de genres et de nombres. On peut néanmoins penser que cet emploi fut plus fréquent avec un impersonnel qu’un personnel, et avec un inanimé qu’un animé. - À propos du relatif/ interrogatif, il est dit que «Le mfr. se bornera à éliminer la forme cui» (38). C’est inexact: après la confusion phonétique des formes qui [ki] et cui [küi] 10 , la seconde a pu être graphiée qui. Cette forme n’a été éliminée que comme datif direct atone, mais s’est conservée comme accusatif tonique (l’ami à qui je parle, celui de qui je parle, qui aimes tu? ). - Il est dit du relatif lequel: «Se met ainsi en place le paradigme des relatifs français, très typiquement français: marquées [sic] en genre (et en nombre) mais plus en cas» (39). Je ne comprends pas pourquoi ce relatif ne serait pas marqué en cas: l’article est marqué en cas au masculin, et quel se décline tantôt comme grant, marqué en cas au masculin et au féminin, tantôt comme bel, marqué en cas au masculin. On sait en effet que la déclinaison casuelle a pu se maintenir très longtemps dans les scriptæ septentrionales. J’ai analysé huit des cinquante et un commentaires. J’en ai retenu deux pour les première et troisième parties, et quatre pour la deuxième, parce qu’elle est plus grande et elle-même constituée de deux parties. La sélection est arbitraire: j’ai retenu, pour chacune des quatre parties, le premier texte de la première moitié et le premier texte de la deuxième ou le texte médian, à savoir: pour la période IX e -XI e siècle, Les Serments de Strasbourg (I.1 11 ) et l’extrait de la Chanson de Roland (I.3); pour le xii e siècle, l’extrait du Jeu d’Adam (II.1) et l’extrait de la Chanson d’Aspremont (II.7); pour le xiii e siècle, l’extrait du Roman de Renart (II.13) et l’extrait du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (II.22); enfin, pour la période XIV e -XV e siècle, l’extrait de La Vie de saint Louis de Joinville (III.1) et l’extrait du Livre de paix de Georges Chastelain (III.9). Hormis les problèmes propres aux Serments de Strasbourg, je traiterai ces commentaires ensemble. Le commentaire des Serments de Strasbourg montre une confusion problématique des plans graphique et phonique. 8 Roland 1641. Ce qui est vrai pour le masculin/ féminin est aussi vrai pour le neutre: selon Buridant 2000: §478, «l’ancien français possède au départ un véritable pronom relatif neutre prosémique, qui a tendance à s’effacer assez tôt». 9 C oMMynes : 23. 10 Selon z inK 1994: 102, «les formes paronymiques qui-cui se fondent dans la prononciation (et souvent dans l’écriture) à partir du xii e siècle, par suite de la monophtongaison de / ẅi/ en / i/ , d’abord dans les emplois relatifs atones de cui, puis, après extension, dans les emplois interrogatifs (soulignés par l’accent)». 11 Ce code et les suivants sont composés du numéro, en chiffres romains, de la partie dans laquelle se trouve le texte, et du numéro, en chiffres arabes, du texte dans ladite partie. Dans la suite de ce compte rendu, j’identifie les textes par leur code. 385 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 - Il s’agit, dans certains cas, de l’analyse de graphies qui imitent les graphies latines correspondantes. S’agissant de phénomènes graphématiques et non pas d’indices phonétiques, il n’y a pas lieu de supposer: (i) que les formes Deo, eo et meon «témoigne[nt] de la nondiphtongaison du [ę] sous l’accent»; (ii) que, dans les formes christian, fradre, salvar et returnar, la graphie «indique la non-diphtongaison du [a] tonique»; (iii) que, dans les formes poblo, nostro et Karlo, on relève la «non-évolution du [o] final en [ ̥ e] central… avec statut de voyelle d’appui»; (iv) que la forme dunat «dénote … le maintien en finale du [a] non encore affaibli en [ ̥ e]»; (v) que, dans les formes salvament et sagrament, on «not[e] le nonaffaiblissement du [a] prétonique de la syllabe anté-pénultième [sic]». Dans l’analyse de la graphie, une règle générale doit être que plus une forme graphique romane se rapproche de la forme graphique latine correspondante, moins certaine est la valeur phonématique de la première. Ce principe est aussi valable pour notre point iii puisque C arles 2011: 393 a pu dire que «le graphème ‹o› paraît très fréquemment dans notre inventaire comme marque morphologique du cas oblique de la scripta latine rustique». Tout au plus peut-on dire ici que la graphie masque des phénomènes connus de la seule moitié septentrionale du domaine gallo-roman, pour autant que le texte soit de cette origine. Dans d’autres cas, les formulations sont plus heureuses: (i) pour poblo, «comme dans le cas du [ę], [ǫ] [lire o] sous l’accent en syllabe libre, dans le texte, ne témoigne pas de la diphtongaison de la voyelle [ǫ] ouvert sous l’accent»; (iv) la forme sendra est «issue de lat. senior, accentuée sur l’antépénultième, ce qui en fait un proparoxyton et explique la voyelle apparaissant à la finale, usuellement [en fait, toujours en gallo-roman septentrional] [ ̥ e], noté ici a (par analogie avec les mots où un [a] final latin évoluant en [ ̥ e] continue d’être noté a)»; et, dans l’indicatif présent conservat, on relève le «maintien du -a de la finale latine». - Il s’agit, dans d’autres cas, de l’analyse de graphies qui s’éloignent des graphies latines correspondantes. Il n’y pas lieu de supposer: (i) que, dans savir, podir, mi et sit, «le graphème i note le [ẹ] fermé, a priori non diphtongué donc», puis que, dans dift, on relève l’«évolution du [ẹ] fermé tonique en [i]», enfin que, dans des «formes comme savir, podir ou dift, le i du texte note un ancien [ẹ]»; (ii) que, dans dunat, «la forme dénote la fermeture du [o] en [u]». C arles 2011: 469-70 a montré que i pour [ẹ] < ē et u pour [ọ] < ō sont des graphies hypercorrectes qui caractérisent déjà la scripta rustica mérovingienne. La diphtongue [ẹi] provenant d’un ĭ ou d’un ē , la graphie hypercorrecte i pour (e latin) semble aussi possible dans ce cas. En conséquence, dans les formes savir, podir, mi, dift, quid et sit, i note soit le [ẹ] du gallo-roman méridional soit la diphtongue [ẹi] du gallo-roman septentrional; et, dans la forme dunat, u note soit le [ọ], connu du gallo-roman devant consonne nasale (avant la nasalisation pour le gallo-roman septentrional), soit déjà le [u] connu du gallo-roman méridional devant consonne nasale en concurrence avec [ọ]. On relève quelques coquilles. Pour le texte I.3, les N26-35 ne correspondent pas aux appels. Pour le texte II.7, il en va de même pour les N3-5; la N13 fait référence à la forme tant, qui se trouve au v. 14 (non au v. 39), et la N14 à la forme escu, qui se trouve au v. 16 (non au v. 15). On relève une erreur de phonétique historique: - ou reaume (III.1, §2, l. 23). Selon le commentaire: en + le > el > eu > au > ou. En fait, au est la dernière forme apparue. z inK 1994: 71-72 pose pour les formes del et el une évolution (d)el > (d)eu > (d)ou, puis la confusion de ou et au: «Mais au XV e siècle, à la faveur d’une confusion de / u/ et de / ọ/ fermé, au empiète sur les emplois de ou qu’il tend à éliminer, et entraîne aux à concurrencer es». On relève un problème lexical: - ab Ludher (I.1, §2, l. 5). Selon le commentaire, «La PREP latine aB a remplacé, dans une large partie de la galloromania, la PREP CuM . De facto, cette forme ab se réduira à a.» Les informations sont trop partielles. Tout d’abord, selon le FEW 25: 62 s. apud et 24: 30 s. aB hoC , ce sont le lat. apud > aoc. ab, afr. od > o et le lat. aB hoC > afr. avoc, qui ont pour l’essentiel remplacé le lat. CuM dans la Gallo-Romania. Mais le 386 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 principal problème est celui de l’étymologie de la forme ab, qui, selon t aBaChoVitz 1932: 63-69, a sans doute un sens comitatif puisque le contexte s’y prête et qu’elle correspond à mit dans le texte germanique. Sur ce point, le commentaire semble reprendre les conclusions du seul t aBaChoVitz , qui refuse pour la langue d’oïl (langue du texte selon lui) l’évolution apud > ab; mais cette hypothèse est faible parce qu’on ne peut pas préjuger sinon de la nature linguistique du texte, du moins de sa variété dialectale. Le FEW 25: 62 s. apud rassemble les formes ab, ob, od et o, et cite l’occurrence des Serments 12 . On relève quelques problèmes quant à l’identification des catégories grammaticales: - Deus! meie culpe vers les tues vertuz (I.3, v. 58). Les formes meie et tues sont identifiées comme déterminants possessifs toniques des P1 et P2. Il est vrai que les possessifs opposent deux séries de formes, qui sont les unes atones et les autres toniques, et l’identification faite ici de formes toniques est correcte. Le problème est celui du sens du mot déterminant, employé au sens que paraît lui donner B uridant 2000, où le chapitre 4, Les déterminants et leurs emplois, traite, entre autres choses, des démonstratifs et des possessifs comme articles, adjectifs et pronoms 13 . Vu qu’il existe une terminologie concurrente qui nomme déterminant ce que B uridant 2000 nomme article 14 et puisque c’est précisément l’opposition déterminant vs pronom qui est employée dans l’introduction de l’ouvrage à l’étude (33 et 39), il aurait au moins fallu préciser, pour que l’explication fût claire, que, dans le groupe les tues vertuz, le possessif est employé comme adjectif, tandis que la forme meie, employée sans article, montre que le système de l’afr. est plus complexe que celui du frm., dans lequel les formes toniques ne sont plus employables que comme adjectifs et pronoms, et les formes atones que comme articles: la mention de la tonicité est donc utile quelle que soit la catégorie grammaticale du possessif. - Aïde moi contre cest mescreü ! (II.7, v. 25). La forme cest est identifiée comme déterminant démonstratif, ce qui pose le même problème que précédemment, alors que c’est l’opposition déterminant vs pronom qui est là encore employée dans l’introduction (39): il aurait fallu préciser que le démonstratif est employé ici comme article. - Puis a lou suen de son dos despendu (II.7, v. 17). Selon le commentaire, le groupe lou suen est un pronom possessif - ce qu’il est du point de vue de son fonctionnement - et est constitué de l’article défini et d’un déterminant possessif tonique. En fait, B uridant 2000: §122 nomme pronom le seul deuxième élément du groupe, et dire que suen est un déterminant pose le même problème que précédemment. - i est alét curant (I.3, v. 46). Selon le commentaire, «la forme en -ant, en emploi de gérondif, indique la modalité du mouvement: ‘il y est parti en courant’». Le choix prudent a été 12 Pour les Serments, le complément du FEW renvoie à s tengel 1882, qui rassemble sous s. od les formes ab, ob, od et o, et à h enry 1953, qui dans son glossaire (vol. ii) rassemble sous s. ab les formes ab, am (occ.) et ob. Les deux citent l’occurrence des Serments, mais aucun ne donne d’étymon. h enry 1994 donne les mêmes renseignements que h enry 1953. 13 En fait, s outet 2001: 58 a soulevé ce problème: «Le chapitre 4, Les déterminants et leurs emplois, commence, en préambule, par définir les déterminants comme actualisateurs du nom, chargés d’en régler l’extensité en convenance aussi satisfaisante que possible avec les besoins du discours. De la sorte, l’auteur restreint les déterminants aux seuls quantifiants, ce qui en exclut les caractérisants, ou régulateurs d’extension. Soit. Toutefois, peut-on tenir les déterminants démonstratifs et possessifs, dont le fonctionnement est décrit dans ce chapitre, comme exempts de contenu caractérisant (contenu spatiotemporel pour les uns, contenu personnel pour les autres)? Cela paraît bien difficile. On ajoutera que, même si la démarche de l’auteur se laisse aisément deviner, il peut paraître fâcheux que soient traités sous le chapitre Les déterminants les emplois pronominaux de ceux-ci comme de ceux-là.» 14 r iegel 2009 et g reVisse 2008 emploient le mot de déterminant. 387 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 fait de ne pas identifier la forme en -ant; et il est vrai que, dans ce cas comme souvent, il est difficile de dire s’il s’agit d’une forme remontant à un gérondif latin (currendo) ou à un participe présent latin (currens). Le problème est d’ordre terminologique: l’expression en emploi de gérondif désigne un emploi et sens particulier d’une forme unique alors que le terme gérondif désigne traditionnellement une forme. S’agissant d’une forme française dont la question de l’étymologie convoque les formes latines susdites, cet emploi du terme gérondif est problématique. B uridant 2000: §257 et 393 fait (malheureusement) un emploi semblable de ce terme 15 . 15 En raison de la confusion phonétique des formes du gérondif (du lat. anduM , andi , ando ) et du participe présent (du lat. *antis , anteM , *anti , antes ), B uridant 2000: §194, §255-60, §286 et §393 renonce à distinguer les emplois résultant des unes et des autres formes latines et identifie en français une seule forme qu’il nomme participe présent ou forme en -ant. Dans sa terminologie, le «gérondif proprement dit» désigne un emploi particulier de cette forme unique: «Comme gérondif proprement dit, le participe déclare le procès comme contenant d’un autre procès, et constitue ainsi l’équivalent d’un adverbe qui aurait un caractère verbo-temporel. Dans ce cas, un procès en encadre un autre dans les limites de son propre déroulement, la préposition en, qui ne semble nécessaire que lorsque le syntagme est disjoint, pouvant être considérée comme signifiant l’inclusion.» - Plorant est de la chambre issue. - Blancheflor respont en plorant. En fait, il semble que B uridant donne deux sens au terme gérondif puisqu’un peu plus loin, on lit: «le participe présent peut être employé en fonction d’attribut, incident à un substantif. En l’occurence, la distinction formelle entre participe présent et gérondif n’est pas pertinente en ancien français, la préposition en pouvant accompagner ou non le participe». Ici distinction sémantique, là distinction formelle. Sauf erreur, il ne traite pas de la construction [verbe de mouvement (+ en) + forme en -ant d’un verbe de mouvement] en tant que telle: il ne fait qu’introduire le question de la périphrase durative [aller + participe présent] par le cas de la construction [aller + participe présent d’un verbe de mouvement], dans laquelle «le verbe [aller] garde son sémantisme plein» tandis que «le participe, qui peut se détacher du verbe, précise alors la modalité d’un mouvement réel». Il ne précise pas si cette construction, et plus largement la construction [verbe de mouvement (+ en) + forme en -ant d’un verbe de mouvement], est un cas de gérondif, au sens sémantique qu’il donne à ce terme; mais il mentionne son gérondif sémantique et la périphrase durative à la suite du participe présent «incident à un procès principal dont il marque une modalité secondaire». Voici maintenant les reproches que l’on peut faire à sa description. Tout d’abord, il est problématique de désigner par le nom de gérondif un emploi et effet de sens, et la construction [en + participe présent] (ou la forme en -ant employée avec la seule préposition en? ) alors que ce terme désigne une forme dans la grammaire latine. En outre, et plus fondamentalement, je ne suis pas convaincu par l’abandon de la distinction entre le participe présent et le gérondif, au sens de la grammaire latine, ou, plus justement (en maintenant la question au niveau synchronique et en renonçant à définir l’étymologie des formes), par l’abandon de la distinction entre formes adjectivales et formes nominales (ou substantivales). Définissant le participe présent simplement comme «mode nominal» (ce dernier mot à entendre, semble-t-il, au sens de la grammaire traditionnelle, où il subsume le substantif et l’adjectif), Buridant ne distingue pas, parmi les emplois les plus nettement verbaux, ceux où la forme en -ant fonctionne comme un substantif et ceux où elle fonctionne comme un adjectif. Il y a en effet une claire différence entre les constructions où la forme, de nature adjectivale, se rapporte à un substantif qui en est le support (son pere vivent, voiant mes gens, seur l’aube crevant) et les constructions où le substantif est l’objet de la forme verbale (par pais faisant, sor mon cors deffendant): si, dans les premières, il est possible d’identifier le substantif comme noyau du groupe nominal, ce n’est pas le cas dans les autres. L’hypothèse, que ne fait pas Buridant, du support ellipsé (par [eux] faisant pais, sur [moi] deffendant mon cors) n’est pas satisfaisante au niveau syntaxique parce que le noyau des groupes nominaux ne constituant pas une proposition n’est pas susceptible d’une telle ellipse, l’ellipse véritable ne changeant pas la nature grammaticale des termes conservés (l’homme mort adj. ≠ le mort 388 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 - Vers le vilain s’en vient corant (II.13, v. 7). Selon le commentaire, «la forme participiale, incidente au procès de la phrase, indique la modalité du mouvement. Valeur de gérondif.» Ici, l’identification de la forme est plus précise; mais il est ennuyeux que, pour des cas semblables, les analyses (ou, du moins, les termes des analyses) ne soient pas les mêmes 16 . En outre, il faut faire à propos de l’emploi du terme gérondif la même remarque que précédemment. J’aimerais faire prêter attention aux questions de morphologie et de syntaxe. Dans les ouvrages destinés à des débutants, pour lesquels les notions grammaticales fondamentales sont pour le moins peu claires, il faut que les analyses soient rigoureuses et systématiques, ce qui, en dépit de la lourdeur que cela suppose, est le seul moyen de combler les lacunes de la formation scolaire. Pour ce faire, il faut que soit claire l’identification des catégories, formes, constructions et fonctions, tâche dans laquelle se rencontrent de sérieuses difficultés posées par les termes traditionnellement employés en romanistique. Ainsi, les dénominations traditionnelles de cas sujet, cas régime, cas régime direct et cas régime indirect identifient improprement les cas, c’est-à-dire un critère des formes des noms, adjectifs, déterminants et pronoms 17 en termes de fonctions (sujet, régime) et de constructions (direct, indirect) 18 , alors que l’usage réel des cas est souvent en désaccord avec ces termes. Voici quelques exemples: il est trompeur d’identifier, subs.). Dans les constructions telles que par pais faisant, la forme verbale, de nature substantivale, est le noyau du groupe. De cette façon, si, dans la phrase Et ne demoura guere aprés que ung s’avala par la corde tenant par ces mains, Buridant traduit les derniers mots ainsi: par la corde en (la) tenant par ses mains, en vertu de «la possibilité qu’a l’ancien français de combiner dans une double construction un complément circonstanciel avec le participe présent, pour exprimer la modalité d’un procès principal», on pourrait aussi faire dépendre les groupes la corde et par ces mains de la forme tenant (en tant que cette dernière est une forme verbale et que lesdits groupes sont respectivement son objet et son complément circonstanciel) et faire dépendre la forme tenant du verbe s’avala par le moyen de la préposition par (en tant que la forme tenant est aussi un substantif). On traduirait donc ainsi: en tenant la corde par ses mains. En conséquence, dans la proposition ancienne i est alét curant et dans sa traduction moderne il y est parti en courant, il s’agirait respectivement d’une forme en -ant de nature adjectivale et d’une forme en -ant de nature nominale (ou substantivale), puisqu’employée avec une préposition, les deux formes étant incidentes au procès principal. 16 Je trouve néanmoins pour ma part justifié d’identifier la forme corant comme participe présent puisqu’elle peut être comprise comme une forme adjectivale se rapportant au sujet de la phrase. 17 J’emploie ces termes avec les sens que leur donne r iegel 2009. 18 Selon r iegel 2009: 394, «La construction [du verbe] sera transitive directe si le complément (dit d’objet direct) est directement relié au verbe (Il attend les vacances - Il a gagné Paris), transitive indirecte si le complément (dit d’objet indirect) est introduit par une préposition (Il pense aux vacances - Il va à Paris)». g reVisse 2008: §276b «Compléments directs et compléments indirects» est du même avis et précise que «Cette opposition est établie en fonction des syntagmes nominaux» et que «L’opposition direct/ indirect est surtout utile pour les compléments d’objet». Quoique r iegel 2009 et g reVisse 2008 restreignent l’emploi effectif des adjectifs direct et indirect à la qualification des compléments d’objet, le deuxième laisse entendre que ce terme servait originellement à qualifier la construction d’autres éléments. Et c’est bien l’emploi qu’en fait B uridant 2000: §59 lorsqu’il dit à propos du complément du nom non prépositionnel: «L’ancien français - c’est même un des traits souvent jugés typiques de sa syntaxe nominale - présente la particularité de pouvoir introduire un syntagme nominal déterminatif d’un autre syntagme nominal directement, c’est-à-dire sans préposition, qui serait en l’occurrence de ou a». Quoi qu’il en soit, il y aurait grand avantage dans les analyses à visée pédagogique à toujours caractériser séparément la construction et la fonction, eu égard aux différences de constructions entre le français médiéval et le français moderne. 389 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 comme on le fait habituellement, li dans je li di et celui dans la parole celui (qui…) comme formes de cas régime indirect, les deux formes parce qu’elles sont construites sans préposition (donc directement), et la deuxième parce que sa fonction n’est pas celle communément appelée complément d’objet indirect, mais celle de complément du nom; on sait qu’en afr., un complément nominal dit d’objet indirect référant à une personne peut se trouver en construction directe (énoncé du type devoir foi saint Pierre); et les usages non classiques des cas, tels qu’un cas régime en fonction de sujet, ne sont pas rares. C’est pourquoi il serait plus efficace de recourir à une terminologie qui distingue les formes (caractérisées en genres, en nombres et en cas, à savoir nominatif, accusatif et datif 19 ), les constructions (directe ou non prépositionnelle, indirecte ou prépositionnelle) et les fonctions (sujet [= S], complément d’objet direct, ou mieux objet premier [= O1], complément d’objet indirect, ou mieux objet second [= O2]) 20 . Dans un tel système, les formes li et celui, mentionnées ci-dessus, seraient identifiées comme datif singulier direct respectivement en fonction d’O2 et de complément du nom. Dans la suite de ce compte rendu, je donne les exemples emblématiques relevés dans l’ouvrage à l’étude, de problèmes d’analyses répandus aussi en d’autres lieux. Voici d’abord des exemples d’analyses lacunaires: - A sei meïsme la cumencet a pleindre (I.3, v. 4). La forme la est identifiée comme «Ppers féminin atone, antéposé au verbe conjugué, alors que sémantiquement il est régi par l’infinitif dont il est complément». La remarque syntaxique est fort utile; mais, malgré les évidences - du moins pour une personne familière avec l’afr. -, on aurait pu préciser la catégorie (pronom personnel non réfléchi de la P3), mentionner le cas et le nombre (accusatif, ou CR direct, singulier), la construction (directe ou non prépositionnelle) et préciser la fonction (O1). Il aurait peut-être aussi fallu préciser que cette forme anaphorique renvoie à l’épée de Roland et sous-entend une désignation féminine Durendal, qui apparaît une laisse plus haut, ou espee, qui apparaît deux laisses plus haut, puisqu’en précession immédiate, c’est 19 Pour le système nominal (nom, déterminant et adjectif), qui comporte quatre formes, il faudrait employer les désignations de nominatif et accusatif singuliers et pluriels. Pour le masculin et le féminin du pronom personnel non réfléchi de la P3 et du pronom relatif, il faudrait ajouter à ces désignations celles de datif singulier et pluriel. Pour les démonstratifs, il faut sans doute poser un système avec datif singulier, mais sans datif pluriel, la forme celor (du lat. eCCe illoruM ) ayant rapidement été abandonnée et le lat. eCCe istoruM n’ayant pas laissé de traces. Pour les autres formes pronominales, il y aurait hésitation entre un modèle à déclinaisons tricasuelles (à formes d’accusatif et de datif identiques pour le masculin et le féminin et sans datif pour le neutre) et un modèle à déclinaisons bicasuelles - voire acasuelles pour les pronoms personnels des P4 et P5. Si je propose de reprendre les désignations employées dans la description de toutes les autres langues indo-européennes à cas, cela ne suppose pas une relation étymologique entre les formes latines et françaises; autrement dit, l’identification des cas ne doit pas être diachronique, mais synchronique. Ainsi, une forme française peut être issue de plusieurs formes latines par confusion phonétique, comme l’accusatif singulier du type mur qui est peut-être issu des lat. MuruM x Muri x Muro . Une forme française peut requérir une autre analyse que la forme latine à laquelle elle remonte, comme les formes lor et celor, qui tiennent lieu en français de datifs pluriels, atone pour le pronom personnel, tonique pour le démonstratif, mais qui remontent à des génitifs pluriels toniques latins. Enfin, plusieurs cas français peuvent présenter la même forme où le latin disposait de formes autres, comme moi, forme commune à l’accusatif et au datif toniques, mais qui remonte à la forme Me du seul accusatif latin. En raison de l’hésitation entre les modèles tricasuel et bicasuel, j’identifie par la suite les formes pronominales telles que moi comme accusatif/ datif. 20 Il serait pratique d’employer la terminologie de r iegel 2009. C’est ce que je fais dans la suite de ce compte rendu. Dans l’introduction de l’ouvrage à l’étude, il est fait emploi des désignations objet 1 et objet 2 (41): il est dommage que leur emploi n’ait pas été généralisé dans la suite de l’ouvrage. 390 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 l’expression masculine li acers (v. 2) qu’on trouve pour ce référent, tandis que le nom Durendal (v. 5) ne réapparaît qu’après l’occurrence du pronom. - Pur ses pecchez Deu puroffrid lo guant (I.3, v. 54). La forme lo est identifiée comme «forme archaïque de l’article défini», ce qui est correct, mais insuffisant: il aurait fallu préciser que cette variante correspond à l’accusatif (ou CR) masculin singulier le. - Yaumonz a honte dou cop c’ot receü (II.7, v. 47). On lit seulement ce commentaire: «c’ = qu’, pronom relatif». Encore une fois, c’est correct, mais insuffisant: il aurait fallu préciser que cette forme élidée est sans doute celle de l’accusatif (ou CR direct) masculin singulier atone que. - Aïde moi contre cest mescreü ! (II.7, v. 25). La forme cest est identifiée comme «DET DEM de la série cist». Outre le problème du sens du mot déterminant, on aurait pu dire plus précisément que cist et cest sont respectivement le nominatif (ou CS) et l’accusatif (ou CR direct) masculins singuliers du démonstratif à base c-st. - Il vivent du let de leur bestes et achetent les pasturages, es berries aus riches homes, de quoy leur bestes vivent (III.1, §2, l. 20-22). La forme quoy est identifiée comme pronom relatif, avec cette remarque «Petit à petit, quoy n’acceptera plus comme antécédent que des constituants de genre neutre, ce, rien, quelque chose ou une proposition tout entière.» La remarque est judicieuse; mais il est regrettable que ne soit pas indiqué le cas de la forme (accusatif ou CR) ni qu’il s’agit d’une forme tonique, et que ne soit pas traitée la question du genre et du nombre de cette forme qui est étymologiquement un neutre singulier (voir plus haut) 21 . - Cunquis l’en ai païs e teres tantes (I.3, v. 22). Selon le commentaire, «le Ppers atone de P3, l’, forme élidée de li, est un régime indirect, = ‘pour elle’». L’expression régime indirect est à double sens: elle identifie le cas (datif) et la fonction (O2), qu’on aurait pu distinguer. Par contre, la construction (directe ou non prépositionnelle) n’est pas identifiée. En outre, on aurait pu donner le nombre et surtout le genre de cette forme épicène (masculin) et son référent (Charlemagne), ce qui aurait permis d’éviter la traduction erronée ‘pour elle’, donnée dans le commentaire alors que la traduction attendue ‘pour lui’ se lit à la suite du texte. - Et l’empereres raert lui par vertu (II.7, v. 12). La forme lui est identifiée comme «Ppers 3, au CR tonique direct». L’expression CR tonique direct est à triple sens: elle identifie la forme (accusatif/ datif tonique), la construction (directe ou non prépositionnelle) et la fonction (O1), qu’on aurait pu distinguer. En outre, on aurait pu donner le genre et le nombre. - toi an rent je salu (II.7, v. 41). La forme toi est identifiée comme «Ppers 2, au CR tonique et à valeur prédicative». L’expression CR tonique est à double sens: elle identifie la forme (accusatif/ datif tonique) et partiellement la fonction (O2). La construction (directe ou non prépositionnelle) n’est pas identifiée alors qu’elle est remarquable puisque le français moderne ne peut pas introduire directement les formes toniques des pronoms personnels en fonction d’O2 sinon immédiatement après le verbe (énoncés du type parle-moi). 21 B uridant 2000, dans les tableaux mentionnés plus haut, en plus de poser une distinction +/ -animé, ne distingue pas formes toniques et atones: son système est donc assez éloigné de celui qu’on peut établir pour les autres pronoms et, partant, difficile d’accès pour des étudiants débutants. On peut dès lors se demander si, au moins dans une visée pédagogique, il ne faudrait pas maintenir un modèle où les formes du pronom relatif/ interrogatif sont présentées en un seul tableau et sont caractérisées en cas, genres, nombres et tonicité. On poserait ainsi pour le masculin et le féminin singuliers et pluriels: nominatif qui/ qui, accusatif que/ cui, datif cui/ cui; et, pour le neutre (seulement singulier): nominatif que/ que, accusatif que/ quoi. La forme quoy du passage analysé serait donc identifiée comme accusatif (ou CR) neutre singulier tonique indirect en emploi neutralisant la distinction de genres et de nombres. 391 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 - chauçai moi (II.22, v. 60). La forme moi est identifiée comme «Ppers 1 tonique», ce qui est correct, mais insuffisant. On aurait pu faire une analyse complète, mais c’est surtout l’absence de la mention du cas (accusatif/ datif) qui est problématique: elle laisse penser que cette forme est la seule tonique du pronom personnel de la P1 alors que les formes de nominatif (ou CS) je et gié fonctionnent comme telles. Voici maintenant les cas d’analyses problématiques: - comant je veil que li romanz/ soit apelez que je comanz (II.22, v. 5-6). Selon le commentaire, dans romanz, «le graphème z ne correspond pas à une affriquée, mais est concurrent de s comme marque de CSS.» L’équivalence des finales s et z se met certes en place après la simplification des affriquées, qui a sans doute eu lieu vers 1200; mais il aurait fallu préciser que, dans un témoin de la fin du xiii e siècle d’un texte de la première moitié du même siècle, il est assez probable que la répartition des s et z finaux soit historique, même si s et z peuvent déjà être inversés comme le commentaire le note pour chans (v. 53) et comme il est aussi visible dans anz (v. 16). Par ailleurs, romanz (du lat. roManiCe ) est historiquement un indéclinable: le z note sans doute la consonne finale du radical, la graphie roman ne semblant pas majoritaire même en moyen français 22 . - Charles aert li païen mescreü (II.7, v. 11). Le dernier groupe est identifié comme «SN sujet formellement au CSP mais avec un verbe (aert) au singulier», ce qui est erroné. Comme il est certain que ce groupe désigne un seul païen, à savoir Eaumont, deux explications plus satisfaisantes sont possibles: soit li est au nominatif (ou CS) singulier et paien mescreü à l’accusatif (ou CR) singulier; soit on considère que le groupe est intégralement au nominatif et que les masculins de type mur disposent d’une forme de nominatif singulier alternative à marque zéro 23 . - oncle Mahommet (III.1, §1, l. 3). Mahommet est identifié comme «nom propre, complément déterminatif du nom oncle, au CR absolu, c’est-à-dire non prépositionnel». L’analyse est complète (catégorie, fonction, cas et construction). On note toutefois que l’expression CR absolu, quoique traditionnelle, est impropre, l’adjectif absolu étant employé au sens de ‘non prépositionnel’ seulement pour le français médiéval et surtout pour le complément du nom 24 . Il serait meilleur de parler d’accusatif (ou CR) direct ou non prépositionnel. 22 Voir Gdf.: s. romans et DMF: s. roman. 23 Selon B uridant 2000: §48-49, au cours de la désintégration de la déclinaison bicasuelle, l’abandon de la marque s, dont l’amuïssement de [s] final a été «l’élément catalyseur» et qui s’est déroulé du XII e siècle jusque vers 1300 «en ne laissant subsister que la distinction de nombre», a précédé l’abandon de la déclinaison des déterminants. En conséquence, ce qui apparaît dans un témoin du début du XIV e siècle d’un texte du XII e comme un accusatif pourrait être un nominatif à marque s amuïe et non notée. 24 La désignation traditionnelle de CR absolu pour le complément du nom est mentionnée par B uri dant 2000: §59, qui, dans sa description, emploie l’adverbe directement pour qualifier la construction de ce complément. Il faut dire que la confusion entre les adjectifs absolu et direct se trouve aussi chez B uridant 2000, qui dit, par exemple, à propos de la forme du pronom relatif cui: «En construction absolue, sans préposition, cui s’emploie particulièrement comme régime indirect et surtout comme régime déterminatif des noms de parenté; il n’est pas ainsi sans rapport avec le cas régime absolu; mais la construction avec préposition concurrence très tôt la construction absolue» (§479). r iegel 2009 et g reVisse 2008 ne connaissent pas cet emploi de l’adjectif absolu, qui est aussi absent de la terminologie traditionnelle en grammaire latine: selon e rnout / t hoMas 1964: 12-13, 24 et 103-05, lorsqu’on parle de nominatif, d’accusatif et d’ablatif absolus, il s’agit d’un groupe «employé d’une manière autonome et sans préposition, comme une proposition raccourcie» (p. 103). La définition que donne g reVisse 2008: §253 de la proposition absolue est concordante: «La proposition absolue se caractérise par le fait qu’elle 392 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 - La dent seint Perre, del sanc seint Basilie, des chevels mun seignor seint Denise, del vestement… seinte Marie (I.3, v. 35-37). Même remarque que ci-dessus: les groupes en fonction de complément du nom devraient être nommés accusatifs (ou CR) directs plutôt que CR absolus. - Yaumonz a Charle l’aubert frait et rompu (II.7, v. 3). Selon le commentaire, «Charle l’aubert présente deux faits de syntaxe archaïque: Charle est complément déterminatif sans préposition de l’aubert, d’une part; il précède le nom qu’il détermine, d’autre part. On notera aussi que Charle, en fonction de cas régime absolu, a une forme de CS (le CR serait Charlon).» Tout d’abord, Charle n’est pas un complément du nom, mais un O2; car le complément du nom antéposé serait attendu à l’intérieur du groupe nominal selon l’ordre [préposition + déterminant + nom/ pronom complément du nom + nom] comme dans la Dieu merci, l’autrui joie, la cui proesce 25 . Deuxièmement, la dernière phrase est tout à fait incorrecte puisqu’on y confond cas et fonction, qu’on donne à la même forme les qualificatifs de CS et de CR, et qu’il est fait du terme absolu l’usage impropre relevé plus haut. Et c’est sans compter que l’identification de Charle comme forme de CS est contraire au commentaire de la N21, selon laquelle la déclinaison Charles - Charle est une réfection analogique de la déclinaison traditionnelle Charle - Charlon. est constituée d’un sujet et d’un prédicat, mais sans mot introducteur et sans verbe conjugué, et qu’elle a une fonction dans la phrase»; et il précise qu’«Absolu a ici le sens ‘qui n’a pas de liaison explicite avec le support du complément’, mais cela ne rend pas bien compte de la spécificité de cette construction.» De manière partiellement concordante, B uridant 2000: §255-56 et §261 emploie l’expression construction absolue pour qualifier «une proposition subordonnée dite ‹participe›», et précise qu’il existe de telles propositions construites avec une préposition en français médiéval pour l’expression de la circonstance temporelle (constructions telles que seur/ aprés l’aube crevant, al coc chantant, aprés pou de mois trespasséz, a/ puis l’aube esclairie). Enfin, c’est r iegel 2009: 356-57 qui a la terminologie la plus élaborée, mais ses exemples ne comprennent pas de participiales: pour lui, «les constructions absolues associent deux termes dans une relation prédicative, sans expliciter par une marque formelle leur rapport entre elles, ni avec le reste de l’énoncé»; ces constructions peuvent être en position détachée («où leur valeur descriptive est souvent mise au service du portrait et où elles sont parfois associées à des groupes adjectivaux apposés, ce qui montre la parenté syntaxique entre les deux types de constructions: C’était une agréable vieille, grasse, blanche, propre, l’air grand, les manières belles et nobles (Chateaubriand) - Blême, les cheveux noirs et marquée de petite vérole, elle s’appuyait sur le bras du militaire (Flaubert) [je corrige les mises en relief de toute évidence erronées]») ou en position non détachée (lorsqu’elles «prennent la forme d’un groupe prépositionnel complément du nom: l’homme au béret sur l’oreille/ avec le béret sur l’oreille», ou qu’elles «fonctionn[ent] globalement comme des élargissements attributifs du sujet ou de l’objet: On ne parle pas la bouche pleine - Il est reparti les mains vides - On l’a renvoyé les mains vides.»). Puisque r iegel mentionne l’existence de propositions absolues prépositionnelles, il n’est pas clair ce qu’il faut comprendre dans la fin de sa définition («sans expliciter par une marque formelle leur rapport entre elles, ni avec le reste de l’énoncé»). En bref, il serait bon de s’en tenir à la distinction: direct = ‘non prépositionnel’, absolu = ‘qui constitue une relation prédicative [d’un groupe nominal]’. Ce sens de l’adjectif absolu tiendrait compte de l’existence de propositions absolues dont la liaison avec leur support est exprimée par une préposition, telles que la construction latine [préposition + nom + adjectif verbal], les propositions participiales prépositionnelles du français médiéval et les constructions modernes du type au béret sur l’oreille. On parlera donc d’accusatif direct complément du nom et d’accusatif direct/ indirect absolu en précisant le cas échéant dans ce deuxième cas la fonction du groupe dans la proposition qui la supporte. 25 Voir B uridant 2000: §60-62. 393 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 - Foi que doi saint Panpelion (II.13, v. 26). Les deux groupes nominaux sont correctement identifiés comme CR sans préposition; mais dire du deuxième qu’il s’agit d’un «régime ‹datif›» est impropre. Quoique cet emploi du mot datif soit usuel 26 , on devrait éviter d’identifier une fonction à l’aide d’une désignation de cas, surtout lorsque l’étude porte sur une langue à cas: le groupe saint Panpelion étant un CR nominal, autrement dit un accusatif, la formulation est trompeuse. Il faudrait parler d’accusatif (ou CR) direct en fonction d’O2. - Çolui ne tucherai de mains (II.1, v. 10). Selon le commentaire, çolui est une «forme tonique du PR DEM cil, en fonction régime direct; la forme tonique a ici une valeur emphatique.» Ce commentaire semble reposer sur des présupposés erronés. Selon B uridant 2000: §90-97, (i) si les formes longues préfixées en i ou suffixées en ui/ i sont toujours toniques, les autres formes des démonstratifs, employées comme articles ou comme pronoms, sont respectivement atones et toniques, ce qui signifie qu’à cette place, la forme cel aurait été tonique; (ii) puisque, malgré certaines tendances évolutives, toutes les formes sont susceptibles de connaître les emplois comme articles et comme pronoms, les démonstratifs ne disposent pas de deux séries de formes, les unes toniques, les autres atones, comme c’est le cas des pronoms personnels. La forme celui/ çolui ne s’oppose donc pas à la forme cel en ce que la première serait tonique et l’autre non, mais en ce que la première est un datif (ou CR indirect) et l’autre un accusatif (ou CR direct), et c’est le datif qui connaît un emploi (originellement) emphatique en fonction d’O1 27 . Il aurait fallu parler de datif direct (ou CR indirect en construction directe ou non prépositionnelle) employé (emphatiquement) en fonction d’O1. - En icelui tens deliteus (II.22, v. 54). La forme icelui est identifiée comme «PR DEM préfixé au CRS» avec ce commentaire: «la forme tonique est due à l’emploi en complément prépositionnel; la forme préfixée peut s’interpréter comme emphatique et ouvre une nouvelle séquence dans le texte: ce temps de renouveau est maintenant celui du narrateur.» Premièrement, cette forme étant employée avec un nom, il ne s’agit pas d’un pronom, mais d’un article. Deuxièmement, comme il vient d’être dit, la caractéristique pertinente de la forme (i)celui est d’être un datif. Le cas n’est pas commandé par la préposition: la forme d’accusatif icel aurait été possible 28 , et c’est bien ce cas qu’on trouve dans en icele saison (v. 67, et non en iceli saison). La forme de datif préfixée en emploi d’article est emphatique: selon 26 On trouve de tels emplois du mot datif dans r iegel 2009: 406-08 et B uridant 2000: §56. 27 Selon B uridant 2000: §98-99, les formes à terminaisons ui/ i ont, comme pronoms, pour «emplois premiers» d’exprimer en contruction directe le complément du nom et l’O2, et nous avons vu que leur emploi comme articles sert une «mise en relief». Ces remarques autorisent à se demander s’il ne serait pas possible, au moins dans une visée pédagogique, de poser un système à deux séries de formes, séries opposées quant au nombre de cas et rassemblant, d’une part, les formes des articles, et, d’autre part, les formes des pronoms. On poserait deux articles à deux cas: nominatif singulier: cil cele cel cist ceste cest; accusatif singulier: cel cele cel cest ceste cest; nominatif pluriel: cil celes cist cestes; accusatif pluriel: ceus celes cez cestes. D’autre part, on poserait deux pronoms, à trois cas aux masculin et féminin singuliers, à deux cas aux masculin et féminin pluriels, et à deux cas au neutre singulier: autrement dit, ces pronoms présenteraient les mêmes formes que les articles, auxquelles s’ajouteraient des formes de datif singulier au masculin et au féminin: celui celi cestui cesti. Les emplois des formes de datif comme pronoms directs en fonction d’O1 et comme articles apparaîtraient alors comme marqués (du moins originellement) par rapport à l’emploi comme pronoms directs en fonction de complément du nom et d’O2. Ce système aurait le double avantage de la simplicité interne et du parallélisme externe puisque les démonstratifs en emploi d’articles et de pronoms disposeraient du même nombre de cas, respectivement, que les autres éléments du groupe nominal et que le pronom personnel de P3/ P6. 28 B uridant 2000: §99 relève dans la Chanson de Roland les expressions a icest colp et a icest mot en position initiale, dans lesquelles l’article sert aussi une mise en relief. Pour d’autres exemples de 394 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 B uridant 2000: §99, «Employées comme articles», les formes longues à préfixe i ou à terminaisons ui/ i, et les formes très longues à préfixe i et à terminaisons ui/ i «servent essentiellement de déterminants marqués appuyant une mise en relief thématisante ou focalisante d’un élément anaphorique», ce dont le commentaire fait l’application au passage. - Pur ses pecchez Deu puroffrid lo guant (I.3, v. 54). La forme Deu est correctement identifiée comme CR sans préposition. Le problème est l’identification de la fonction: l’abréviation COS ne se trouve pas dans la liste des «Principales abréviations utilisées» (105-6). Il faut sans doute comprendre complément d’objet second comme le laisse entendre la traduction ‘à Dieu’ donnée dans le commentaire après la mention COS, ce qui serait exact. Voici pour finir quelques problèmes d’analyse de la syntaxe: - Et Charlemagne ra si Yaumont feru,/ En .IIII. leux an est lou sanc issu (II.7, v. 5-6); Mais li paiens raert si forment lu,/ Ja fust a Charle malement avenu… (II.7, 30-31). Selon le commentaire, «l’adverbe si confirme la réorientation thématique» qu’indique le préfixe r(e). Or, dans les deux cas, la proposition contenant cet adverbe en est suivie d’une autre qui en est la conséquence: l’adverbe pourrait donc aussi être corrélé à cette deuxième proposition bien qu’elle se trouve en parataxe dans les deux cas. C’est d’ailleurs ainsi qu’est compris le texte dans la traduction. - Il nen est dreiz que paiens te baillisent (I.3, v. 38). La forme baillisent est identifiée comme indicatif présent du verbe baillir, alors qu’au point de vue morphologique, il peut aussi s’agir d’un subjonctif présent et que, selon B uridant 2000: §267, «Le subjonctif est normalement employé avec les verbes et locutions marquant… la nécessité, l’obligation ou la convenance, exprimés [sic] particulièrement par les impersonnels: estovoir, covenir, estre droiz, estre mestier, estre besoinz.» l anly 2002: 123 N1 cite ce passage de la Chanson de Roland et identifie la forme baillissent comme subjonctif présent. - Certes, se tu me conneüsses,/ Ja si desconseilliez ne fusses/ Ne de nule rien esmaiez/ Que tost ne fusses conseilliez/ por ce que te vosisse aidier (II.13, v. 20-24). Selon le commentaire, «la locution por ce que a une valeur finale qu’explicite le subjonctif (suivi [sic] de l’indicatif, elle aurait une valeur causale).» En fait, l’aide apportée ne pouvant être que la cause du réconfort, le subjonctif indique qu’il s’agit d’une cause virtuelle ou potentielle. - Or veil cel songe rimeer (II.22, v. 1). La forme cel est identifiée comme «DET DEM au CRS, à valeur déictique». Outre qu’il faudrait préciser qu’il s’agit d’un démonstratif en emploi d’article, le sens du mot déictique n’est pas clair. B uridant 2000: 762b-63a emploie certes deixis avec un sens subsumant deixis primaire et deixis secondaire (ou anaphore); mais, pour lui, déictique renvoie seulement à la notion de deixis primaire. Donc, puisqu’est dit déictique le terme qui sert à désigner un référent extratextuel, et phorique celui qui sert à désigner un référent textuel, c’est-à-dire qui renvoie à une mention précédente (anaphorique) ou suivante (cataphorique), le démonstratif cel, qui renvoie au songe dont il est question dans les vers précédents, est ici anaphorique. - Fors de celui qui pent en halt: / Ço est le fruit de sapience,/ De tut saveir done science (II.1, v. 16-18). Selon le commentaire, le démonstratif ço «annonce l’énoncé du vers 16». La remarque n’est pas claire: soit on considère que le démonstratif est déictique, et, en ce cas, il n’annonce rien et n’est annoncé par rien; soit il est anaphorique et reprend (non pas annonce) celui qui pent en halt. - Kar tu es soz ! (II.1, v. 31). Selon le commentaire, «cet emploi de car dans cet échange introduit un énoncé qui vient en conséquence du précédent: q semble déduit de p, et car exprime l’emploi des formes d’accusatif des démonstratifs comme article d’un groupe nominal prépositionnel, voir B uridant 2000: §100-01. 395 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 380-396 DOI 10.2357/ VOX-2017-030 une causalité d’aboutissement». Bien que la référence soit mentionnée, à savoir s outet 1992: 149-50, la proposition «q semble déduit de p» est difficilement compréhensible hors de son contexte: p et q désignent les propositions qui respectivement précède et suive car. Après l’analyse de l’introduction et les sondages effectués dans les commentaires, il apparaît que cet ouvrage a besoin d’un certain travail de révision. Il faut corriger ou préciser les notions de phonétique historique présentées dans l’introduction linguistique, intégrer à celle-ci un développement sur la notion de scripta et mettre à jour certaines des informations d’ordre dialectologique et scriptologique qu’elle délivre. Le commentaire des Serments de Strasbourg doit être repris en adéquation avec l’état contemporain de la scriptologie. La terminologie doit être clarifiée, certaines analyses grammaticales complétées et d’autres corrigées. Enfin, il faut encore une fois souligner les difficultés que pose la terminologie française traditionnelle en romanistique: «forgée» (c’est trop dire) par des spécialistes familiers de la grammaire qui n’ont jamais été amenés à lui faire passer l’épreuve de l’enseignement secondaire, elle est souvent ambiguë et peu systématique, ce qui est ennuyeux dans des manuels d’introduction. C’est dire qu’il serait souhaitable qu’un consensus satisfaisant puisse voir le jour quant à la modélisation à visée pédagogique du français médiéval: ce système devrait idéalement reprendre les terminologies scolaires contemporaines, celle du français moderne pour les catégories et les fonctions (illustrée par exemple par r iegel 2009) et celle, traditionnelle, des langues classiques et autres langues à cas. Maxime Cario Bibliographie B ourCiez e./ B ourCiez J. 1967: Phonétique française. Étude historique, Paris B uridant , C. 2000: Grammaire nouvelle de l’ancien français, Paris C arles , H. 2011: L’émergence de l’occitan pré-textuel. Analyse linguistique d’un corpus auvergnat ( ix e xi e siècles), Strasbourg C oMMynes = p hilippe de C oMMynes , Mémoires, ed. J. C alMette , vol. 1, Paris 1924 e rnout a./ t hoMas f. 1964: Syntaxe latine, Paris g lessgen , M. 2007: Linguistique romane. Domaines et méthodes en linguistique française et romane, Paris g lessgen , M. 2017 (à paraître): «La genèse d’une norme en français au Moyen Âge: mythe et réalité du ‘francien’», RLiR 81 g ossen , C.t. 1957: «Die Einheit der französischen Schriftsprache im 15. und 16. Jahrhundert», ZRPh. 73: 427-59 g ossen , C. T. 1970: Grammaire de l’ancien picard, Paris g reuB , Y. 2007: «Sur un mécanisme de la préstandardisation de la langue d’oïl», BSL 102, 1: 429-34 g reVisse 2008 = A. g oosse / M. g reVisse , Le bon usage. Grammaire française, Bruxelles g rüBl , K. 2013: «La standardisation du français au Moyen Âge: point de vue scriptologique», RLiR 77: 343-83 h enry , a. 1953: Chrestomathie de la littérature en ancien français, Berne h enry , a. 1994: Chrestomathie de la littérature en ancien français, Tübingen J oly , G. 1995: Précis de phonétique historique du français, Paris l anly , A. 2002: Morphologie historique des verbes français, Paris 396 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 396-402 DOI 10.2357/ VOX-2017-031 l odge , R.A. 2004: A sociolinguistic history of Parisian French, Cambridge l usignan , S. 2011: «Le français médiéval: perspectives historiques sur une langue plurielle», in: p. C ohen / s. l usignan / f. M artineau / y. C. M orin , L’introuvable unité du français. Contacts et variations linguistiques en Europe et en Amérique (xii e -xViii e siècle), Québec r iegel 2009 = p ellat , J.-C./ r iegel , M./ r ioul , r. 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Der Sammelband der Études de linguistique médiévale ist dem kürzlich verstorbenen Linguisten A. J.-M. Queffélec (1948-2013) gewidmet. Er enthält neben eines in der Einleitung integrierten Nachrufes, eine Publikationsliste seines wissenschaftlichen Œuvres sowie im zweiten Teil vier wiederabgedruckte Artikel zu verschiedenen Problemkreisen der altfranzösischen Grammatik. Der erste Teil der von r. B ellon editierten Aufsatzsammlung besteht aus sieben kurzen Beiträgen, die von dem Wirken Queffélecs direkt oder indirekt beeinflusst sind, der sich selbst vor allem dem Altfranzösischen sowie dem Französischen in Afrika widmete. Um die hier vorliegenden Einzeluntersuchungen entsprechend einordnen zu können, sei darauf verwiesen, dass der gesamte Band gemäß der theoretischen Ausrichtung des Geehrten in der Tradition von G. Guillaume (1883-1960) und seiner psychomechanischen Methode steht. Der erste Beitrag von s. B azin -t aCChella fällt insofern aus dem thematischen Rahmen, als er sich nicht dem Altfranzösischen widmet, sondern ein Phänomen des Mittelfranzösischen behandelt, nämlich die Entwicklung von nonobstant und seinen grammatischen Funktionen («Nonobstant en moyen français»). Der TLF (Trésor de la langue française) verzeichnet diesbezüglich sowohl die Etymologie - jur. lat. oBstans (Part. Präs. zu lat. oBstare ‘faire obstacle’) - als auch die verschiedenen Erstbelege sowie die mit diesem sich grammatikalisierenden Ausdruck verbundenen Funktionen: 1) als Präposition (1336), 2) als konjunktionale Wendung (1344), 3) als Adverb (1480). Grundlage der Untersuchung ist die Datenbank des DMF - Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) sowie ergänzend das Korpus von Frantext Moyen Français (Frantext MF). Auffällig ist dabei die graphische Variation, so dass Formen wie nonobstant, non obstant, non ostant und nonostant berücksichtigt werden müssen sowie zusätzlich Varianten mit unterschiedlicher syntagmatischer Einbettung wie ce nonostant, non obstant ce que, nonostant que oder non obstant + NP und die nicht verneinte Form obstant bzw. ostant (29-30). Was die Funktion als tour prépositionnel anbelangt, so zeigt sich bei (non) obstant ein zunehmeder Grammatikalisierungsprozess, und zwar dahingehend, dass die syntagmatische Variabilität zurückgeht und der Anschluss mit einer NP zunehmend obligat wird.