eJournals Vox Romanica 76/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2017-036
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
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761 Kristol De Stefani

Karl Riedel, Die Vitalität des Okzitanischen an der französisch-okzitanischen Sprachgrenze am Beispiel Nyons, Wilhelmsfeld (Gottfried Egert Verlag) 2013, 234 p.

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Jörg  Timmermann
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437 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 437-443 DOI 10.2357/ VOX-2017-036 I singoli sermones valdesi sono affiancati da una traduzione che ne rispetta l’andamento, e che pur risultando fedele non manca di sciogliere i non numerosissimi ma neppure troppo radi nodi ermeneutici, anche ricorrendo, laddove necessario, agli ipotesti biblici o iacopini. Gli apparati sono positivi, le note a pié di pagina non sono mai sovrabbondanti e invece risultano puntuali, spaziando dalla analisi paleografica a quella linguistica, alla ecdotica. Opportunamente Giraudo allega, al termine dei Sermones, il testo delle prediche di Jacopo da Varazze utilizzate dai predicatori valdesi (174-85); il volume si chiude con una essenziale bibliografia, l’indice delle fonti citate e il ricordo di Federico Bo, il giovane studioso torinese che alla fine dello scorso decennio aveva iniziato a lavorare sui sermonari valdesi e che è improvvisamente scomparso nel 2013. In sostanza, con questo agile ed elegante volumetto, edito per i tipi di Claudiana, Andrea Giraudo e l’intera équipe di Luciana Borghi Cedrini pongono fondamenta solide a un edificio dal quale tutti ci aspettiamo piacevoli sorprese e che ci metta a disposizione i materiali atti a far meglio luce su questo affascinante capitolo della storia linguistica, teologica, culturale e sociale della Occitania alpina medievale. Gerardo Larghi  K arl r iedel , Die Vitalität des Okzitanischen an der französisch-okzitanischen Sprachgrenze am Beispiel Nyons, Wilhelmsfeld (Gottfried Egert Verlag) 2013, 234 p. Se référant à la question programmatique de la sociolinguistique Who speaks what language to whom and when? (f ishMan 1965: 67) 1 (3), la monographie de K arl r iedel (K. R.) se propose d’étudier la vitalité de l’occitan à Nyons, ville située dans l’aire historique de l’occitan, mais à proximité de la frontière avec le «français», à en croire le titre: an der französischokzitanischen Sprachgrenze. Dans la perspective de son ouvrage, K. R. aurait cependant bien fait de mieux préciser la situation socioet géolinguistique au-delà de la frontière linguistique mentionnée: historiquement, ce n’est pas le domaine d’oïl, donc l’aire du français qui commence à proximité de Nyons, mais bien celle du francoprovençal. S’il est vrai que celui-ci a fini par disparaître dans les villes, il est encore en usage auprès de 2% de la population rurale 2 . Ceci dit, la vitalité de l’occitan à Nyons et dans ses environs montrera à quel point ladite frontière linguistique se manifeste encore ou bien a déjà fini par s’estomper (au profit du français des deux côtés de celle-ci). Thématiquement, la monographie présentée ici s’articule en deux parties. La première traite les préliminaires du travail (ch. 1-4); la seconde concerne l’enquête proprement dite (ch. 5-7): l’objectif ici est de tirer au clair sous la forme d’un sondage empirique dans quelle mesure et dans quelles conditions l’occitan est encore en usage à Nyons. Le ch. 2 jette les bases théoriques de l’enquête: après avoir succinctement esquissé l’objet de la sociolinguistique (5-6), K. R. en présente les principales notions-clé, non sans mettre en relief que leur définition est loin de faire l’unanimité parmi les spécialistes (6): sont traités le contact linguistique (7), l’alternance codique ou code-switching (8), l’hybridation des langues (9), la conversion linguistique (9), le biet multilinguisme (10), et enfin le bilinguisme opposé à la diglossie (11-15). Vient ensuite la présentation et la discussion de la notion de conflit linguis- 1 J. A. f ishMann , «Who speaks what language to whom and when? The analysis of multilingual settings», La Linguistique 2 (1965): 67-88. (Dans sa référence bibliographique, l’auteur indique - outre le titre de la revue - aussi l’éditeur de la revue, à savoir André Martinet, ce qui n’est pas usuel.) 2 Francoprovençal et occitan en Rhône-Alpes, étude pilotée par l’institut Pierre Gardette, université catholique de Lyon, juillet 2009, 34 p. 438 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 437-443 DOI 10.2357/ VOX-2017-036 tique (15-18) dans le cadre de laquelle l’approche catalane joue un rôle prépondérant (15-17). Les pages qui suivent portent sur le concept de langue (par opposition à dialecte, patois, etc.) (18-21): si l’auteur voit, en principe, la nécessité, pour toute étude d’ordre sociolinguistique, de définir au préalable ce qu’elle entend par «langue» (18), le lecteur se voit confronté de nouveau au fait que les linguistes ne sont pas unanimes à favoriser un des nombreux concepts proposés (18): p.ex. le principe d’intercompréhension (19), celui des langues par distance (20) et des langues par élaboration (20) définis, quant à ces deux derniers, par K loss 1976: 301 3 . La notion de variété sert à éviter la distinction entre langue et dialecte, évitant ainsi tout jugement de valeur. Comme on le sait, la variété standard peut se préciser selon les dimensions diatopique (régionale), diastratique (sociale) et diaphasique (fonctionnelle) 4 (22). Un dernier paragraphe porte sur le concept de langue minoritaire. Après un tour d’horizon de plusieurs tentatives de définir le terme de langues minoritaires (cf. B luMenwitz 1992: 27, 29 5 ) (24), K. R. classe l’occitan également parmi les langues minoritaires (26). Un tel exercice d’exégèse terminologique est-il vraiment nécessaire pour que l’auteur puisse arriver à ses fins? Comme le but de son travail n’est pas prioritairement terminologique mais une étude de cas sur Nyons, il aurait suffi, me paraît-il, de dire tout simplement ce qu’il entend par langue minoritaire dans le contexte de sa recherche, en ayant recours à une seule définition, de préférence à celle d’un auteur de référence. Que les linguistes ne soient pas unanimes à définir la notion aurait pu être signalé sous la forme d’une note de pied de page, en mentionnant deux ou trois exemples significatifs. En effet, certains ouvrages se servent de la notion de langue minoritaire pour indiquer à quel point certaines de ces langues sont en voie de disparition (26). Pour aborder cette question, K. R. a consulté deux ouvrages: (1) le Livre rouge des langues en danger, remplacé et continué par (2) l’Atlas UNESCO des langues en danger dans le monde 6 (26). Ce dernier est un moteur de recherche sur Internet qui affiche sur une carte géographique le degré de vitalité de 2454 langues minoritaires dans le monde. D’après le Livre rouge, l’auvergnat, le languedocien et le limousin sont classés «seriously endangered» (depuis 1995) (26); selon l’Atlas UNESCO des langues en danger dans le monde, l’occitan, dans sa totalité, doit être considéré comme «severely endangered» (26). De telles classifications reposent souvent sur l’âge des plus jeunes membres d’une famille, cette dernière étant considérée comme l’endroit où l’occitan est encore le plus vivant (28). Dans le ch. 3, K. R. retrace les principales étapes de l’histoire de l’occitan, à l’instar de ses prédécesseurs B orn 1992: 7 7 et M eisenBurg 1985: 8 8 . Le ch. 4 fait le portrait de Nyons des points de vue historique et géographique: fort intéressé en histoire-géo, j’ai trouvé très captivantes les informations réunies par K. R., d’autant plus qu’elles sont généreusement illustrées par des photos prises par l’auteur lui-même (73 fig. 9; 75 fig. 10 et 11, 77 fig. 12 et d’autres illustrations). En revanche, qui s’intéresse primordialement 3 H. K loss , «Abstandsprachen und Ausbausprachen», in: J. g ösChel / N. n ail / g. V an der e lst (ed.), Zur Theorie des Dialekts. Aufsätze aus 100 Jahren Forschung , Wiesbaden (1976): 301-22. 4 Les termes entre parenthèses étant ceux utilisés par w inKelMann 1989 auxquels se réfère K. R. (cf. O. w inKelMann Untersuchungen zur Sprachvariation des Gaskognischen im Val d’Aran (Zentralpyrenäen), Tübingen 1989). 5 D. B luMenwitz , Minderheiten- und Volksgruppenrecht, Bonn 1992. 6 http: / / www.unesco.org/ languages-atlas/ index.php 7 J. B orn , Untersuchungen zur Mehrsprachigkeit in den ladinischen Dolomitentälern. Ergebnisse einer soziolinguistischen Befragung, Wilhelmsfeld, 1992. 8 T. M eisenBurg , Die soziale Rolle des Okzitanischen in einer kleinen Gemeinde im Languedoc (Lacaune/ Tarn), Tübingen 1985. 439 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 437-443 DOI 10.2357/ VOX-2017-036 aux résultats de l’enquête sautera les chapitres 3 et 4, ceux-ci n’étant pas indispensables à la compréhension de l’ensemble. Le ch. 5 rend compte de la conception du questionnaire et de la réalisation de l’enquête ellemême. Il s’ouvre de nouveau sur des considérations d’ordre théorique relatives à la recherche en sciences sociales (5.1. et 5.2.): K. R. y résume plusieurs approches: méthodes quantitatives/ qualitatives (86), observation (87), expérience (méthode expérimentale) (87) etc. ainsi que plusieurs types d’interview (91), qu’il présente aussi sous forme synoptique (d’après a ttes lander 1995: 159 9 ) (91). À mon sens, il aurait suffi de présenter le type d’interview que K. R. a adopté pour son enquête en comparaison avec des approches alternatives: pourquoi telle méthode est-elle mieux adaptée à ses intentions que telle autre? En 5.3., l’auteur présente la préparation et la réalisation de l’enquête dans son déroulement chronologique. Dans un premier temps, il a réalisé une pré-enquête pour tester son questionnaire en prenant rendez-vous avec des amis et collègues (95) dont il a fait la connaissance au cours de son année d’assistanat passée à Nyons pendant l’année scolaire 2006/ 07 (1, N1). Cette étude-pilote (été et automne 2007) lui a permis de réviser son questionnaire quant à l’ordre des questions, aux questions elles-mêmes (toutes les questions conçues au préalable ne s’avérant pas utiles) et, enfin, il s’agissait pour l’auteur de se familiariser avec son rôle d’enquêteur (95). Quant à la structure du questionnaire, les questions forment quatre parties thématiques (96): (i) Questions préliminaires, portant sur la biographie de la personne interrogée (ii) Questions sur la connaissance des langues (iii) Questions sur l’emploi de l’occitan (provençal) et du français (iv) Questions sur la conscience linguistique et le point de vue personnel Voici en bref le questionnaire, présenté en entier dans l’appendice (222-30). ad (i) (questions 1-12) Les questions de la catégorie (i) portaient sur (1) le sexe, (2) l’année de naissance, (3) le lieu de naissance, (4) le nombre d’enfants, (5) si la personne interrogée habite sa ville natale, (6) la profession, (7) la formation scolaire, (8) le lieu de travail, (9) depuis quand la personne interrogée habite à Nyons, (10) si elle a vécu ailleurs, et, le cas échéant, où elle a vécu (ville/ département), (11) où (ville/ département) est né(e) sa mère/ son père, (12) la profession de sa mère/ de son père. ad (ii) (questions 13-20) Il s’agissait d’indiquer ici (13) la langue maternelle (français/ patois/ autres), (14) d’autres connaissances en langues étrangères, (15) si la personne interrogée comprend le patois (tout/ presque tout/ un peu/ rien), (16) si elle sait parler le patois (couramment/ moyennement/ un peu/ pas du tout), (17) comment/ où elle a appris à parler le patois, (18) si elle sait écrire le patois, (19) comment elle a appris à écrire le patois, (20) si elle a suivi des cours en patois. ad (iii) (questions 21-44) Dans cette partie, K. R. explore toute la gamme des questions qu’on a l’habitude de poser à des personnes se trouvant en situation plurilingue (ou supposée telle): les conditions dans lesquelles la personne interrogée emploie le patois: (21) en faisant des courses (supermarché/ boulangerie etc.) (toujours/ souvent/ parfois/ rarement/ jamais), (22) dans une administration (mairie/ poste/ banque), (23) au travail (en parlant aux collègues/ clients), (24) en faisant du sport, (25a) en famille, (25b) si oui, avec qui, (26) si les parents de la personne interrogée parlent l’occitan entre eux, (27) quelle langue elle parle avec les bêtes, (28) dans quelle langue elle adresse la parole à une personne qu’elle ne connaît pas (français/ patois/ français et patois/ autre), (29) si elle parle le patois plus souvent à la campagne qu’en ville, (30) si elle parle plus souvent le 9 P. a tteslander , Methoden der empirischen Sozialforschung, Berlin/ New York 1995. 440 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 437-443 DOI 10.2357/ VOX-2017-036 patois que le français, (31) si elle connaît des auteurs qui écrivent en patois, (32) si elle lit des textes en patois, (33) si oui, K. R. veut savoir ce qu’elle lit (des livres/ des journaux, revues, magazines/ autres), (34a) si la personne interrogée écrit le patois (souvent/ parfois/ rarement/ Non, parce que…), (34b) si oui, K. R. veut savoir ce qu’elle écrit, (35) si elle connaît des chansons en patois, (36) si elle écoute des chansons en patois, (37) si elle chante en patois, (38) si elle connaît des émissions en patois à la radio/ à la télé, (39) si oui, les écoute/ regarde-t-elle? ; (40a) ici, K. R. veut savoir dans quelle langue elle parlait aux camarades de classe (français/ patois/ autres), (40b) aux professeurs, (41) dans quelle langue elle rêve, (42) dans quelle langue elle pense, (43) dans quelle langue elle fait des calculs mentaux, (44) dans quelle langue elle lance un juron ou un gros mot. ad (iv) (questions 45-60) Ici K. R. veut savoir si la personne interrogée serait (45) intéressée à 10 apprendre le patois dans le cas où elle ne le parlerait pas et (46) si, le cas échéant, elle serait disposée à y consacrer une partie de son temps libre et (47) si elle serait prête à débourser de l’argent pour des cours de patois, (48) ce que l’occitan représente pour elle, (49) si elle considère l’occitan comme (une langue/ un patois/ un dialecte/ autre chose), (50) où (dans quelles villes/ régions) elle pense que l’on parle toujours l’occitan, (51) qui, selon elle, utilise souvent le patois, (52) ce qu’elle entend par «Occitanie», (53) par le mot «patois», (54) si elle connaît l’association «La Respelido», (55) si elle connaît le mouvement occitaniste et, si oui, ce qu’elle en pense, (56a) si elle souhaite qu’on continue à parler le patois (oui/ non), (56b) pourquoi, (57) si on devrait parler à l’école le patois au lieu de parler une deuxième langue étrangère, (58) si l’on devrait proposer des cours de patois à l’école (oui/ non), (59) si elle souhaite que les jeunes parlent le patois entre eux (oui/ non), (60), si le patois a un avenir (oui/ non). La question (49) prête à critique: la réponse (une langue/ un patois/ un dialecte/ autre chose) n’y est-elle pas influencée par les questions précédentes où K. R. fait déjà usage, à plusieurs reprises, du terme de «patois» cf. (16)-(26), (30), passim? Le chapitre 6 évalue les résultats de l’enquête. K. R. met en corrélation les variables sociologiques (questions 1-12) avec les réponses données aux questions des catégories (ii), (iii) et (iv) (cf. supra). Voici par exemple ses résultats pour la question (15) «Comprenez-vous quand on parle en patois? » Il en résulte (111) que si les hommes sont beaucoup plus nombreux que les femmes à indiquer qu’ils comprennent tout (avec 13% vs 4% respectivement); il n’en va pas du tout de même de la deuxième option, «presque tout»: ici les femmes sont plus nombreuses que les hommes (12% vs 10% 11 ). Ceci vaut également pour l’option «un peu», où les femmes sont plus nombreuses que les hommes (17% vs 11%). Les femmes sont également un peu plus nombreuses à répondre qu’elles ne comprennent «rien du tout» (17% vs 16%). K. R. suppose que la meilleure auto-évaluation des hommes en compréhension orale est imputable en dernière instance à leur plus grande confiance en eux (111). De la même façon, K. R. applique les autres variables sociologiques aux questions des catégories (ii), (iii) et (iv). On apprécie que, le plus souvent, les résultats soient visualisés sous forme de tableaux (93 au total) comme dans le cas du tableau «comprendre l’occitan d’après le sexe» (traduction française de J.T.) (111): 10 K. R. (228, question (45)). construit intéresser avec de tandis que ce verbe se construit avec à. 11 On se demande cependant si une telle différence est statistiquement significative - la vérification a-t-elle été faite? 441 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 437-443 DOI 10.2357/ VOX-2017-036 hommes femmes ∑ Oui, tout 13% 26%/ 76,5% 4% 8%/ 23,5% 17% Presque tout 10% 20%/ 45,5% 12% 24%/ 54,5% 22% Oui, un peu 11% 22%/ 39,3% 17% 34%/ 60,7% 28% Non, rien du tout 16% 32%/ 48,5% 17% 34%/ 51,5% 33% ∑ 50% 50% 100% Mis à part le sexe, l’âge est également un paramètre très important par rapport aux compétences linguistiques, d’après les questions (15), (16), (18) et (32) 12 : plus la personne interrogée est jeune, moins elle dispose des compétences mentionnées (108, 114, 120, 123). En plus, les connaissances de l’occitan chez les jeunes sont en corrélation étroite avec l’origine linguistique de leurs parents: dans la mesure où ces derniers proviennent de la zone occitanophone, la génération suivante maîtrise beaucoup mieux l’occitan que dans le cas contraire: un parent sur deux des personnes qui ont indiqué ne pas du tout parler l’occitan n’est pas originaire de l’aire linguistique occitanophone (118). Une conception analogue du questionnaire (p.ex. des tranches d’âge identiques) par rapport à l’enquête de M eisenBurg 1985 (cf. N8) permet à l’auteur d’établir, au chapitre 7 (96), des comparaisons entre Nyons et Lacaune, tout en tenant compte du fait que plus de trois décennies séparent les deux études (195). Si les tendances signalées ci-dessus valent grosso modo pour Lacaune aussi (196), il n’en va pas de même de la relation entre les compétences linguistiques et le niveau de la formation des personnes interrogées: à Lacaune, les compétences linguistiques baissent à mesure que le niveau de la formation augmente, à Nyons les personnes qui déclarent parler l’occitan couramment (197) sont deux fois plus nombreuses à travailler dans les professions académiques que dans l’agriculture (116, 197). La différence la plus éclatante réside certainement dans l’observation selon laquelle il y avait à Lacaune dans les années soixante-dix encore un plus grand potentiel d’occitanophones qu’à Nyons à l’heure actuelle: si, à l’époque, à Lacaune, une personne sur deux indiquait encore parler l’occitan moyennement ou couramment, à Nyons près de la moitié déclarait ne pas parler l’occitan du tout (196). Revenant ici à l’hypothèse initiale de K. R. selon laquelle la proximité de la zone francophone (ou plutôt, historiquement, la zone du francoprovençal) aurait des répercussions sur la vitalité de l’occitan à Nyons (2), K. R. arrive à la conclusion que le faible nombre d’occitanophones est en fait imputable à cette situation géographique (196): les mariages mixtes (entre occitanoet francophones), le travail qu’ont trouvé les Nyonsais dans l’aire «francophone» voisine auraient largement contribué à minimiser l’emploi de l’occitan chez les Nyonsais. Vers la fin du livre, K. R. en vient à soulever la question de l’avenir de l’occitan: pour l’approcher, il se réfère à deux études 13 qui proposent une classification permettant d’évaluer, 12 Rappelons que ces questions concernent aussi bien la compréhension orale (107s.) que l’expression orale (113s.) et écrite (121s.) ainsi que la capacité de lecture (119s.). 13 Il s’agit de M. K rauss , «Classification and terminology for degrees of language endangerment», in: M. B renzinger (ed.), Language diversity endangered, Berlin (2007): 1-8 et de O. g arCía / R. p eltz / H. s ChiffMan (ed.), Language loyalty, continuity and change. Joshua Fishman’s contributions to international sociolinguistics, Clevedon/ Buffalo/ Toronto 2006. 442 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 437-443 DOI 10.2357/ VOX-2017-036 pour une langue donnée, le risque de disparaître. D’après ces études, le point crucial serait le moment à partir duquel une langue cesse de se transmettre de génération en génération (202), les jeunes générations ayant perdu sa maîtrise (203). D’après K. R., ce serait le cas de l’occitan: il n’y plus que ceux qui ont plus de quarante ans et la génération des grands-parents qui sachent parler couramment l’occitan (202): il en ressort que l’occitan relève de la catégorie «severely endangered» = (c) (selon la classification de K rauss ) 14 et serait placé entre stage 7 et stage 8 15 (d’après g arCía / p eltz / s ChiffMan 2006: 26). Ne restent plus à l’occitan que certains domaines d’usage informel (202). K. R. termine en présentant une série de mesures qui, selon lui, seraient de nature sinon à arrêter complètement, tout au moins à ralentir la disparition de l’occitan. L’on devrait: définir clairement sa place aussi bien à l’échelle nationale qu’européenne (ainsi, il serait négatif que le Bureau européen pour les langues moins répandues ait dû fermer); il faudrait combattre l’impression des locuteurs de cultiver une langue devenue superflue. En fait, à Nyons quatre cinquièmes des personnes interrogées ne voient plus aucun avenir pour l’occitan (203); évaluer l’importance de l’occitan dans le commerce local; les labels en occitan apposés sur les produits régionaux pourraient contribuer à leur conférer une couleur locale qui pourrait s’avérer utile pour promouvoir leur commercialisation sur place (204); concerter les actions des associations locales qui s’efforcent de défendre la place de l’occitan (205). La monographie se clôt par une biographie bien à jour (209-18), élargie d’une partie richement documentée d’adresses électroniques (219-21). Pour clore, deux aspects - étroitement liés - du présent livre méritent d’être soulignés: i) à l’heure actuelle où la gestion du temps devient un facteur de plus un plus important dans l’organisation des études universitaires, il est remarquable que K. R. ait profité de son année d’assistanat à Nyons pour entamer déjà sa thèse de doctorat: il a mis à profit le contexte scolaire pour nouer les premiers contacts avec les personnes interviewées dans le cadre de ses recherches. Mener une telle enquête est certainement aussi très avantageux dans un deuxième sens: les nombreuses interviews menées en français (100 dans le cas de K. R.) permettent à l’étudiant d’exercer ses compétences linguistiques et de les élargir considérablement, ce qui est en parfait accord avec les motifs d’un séjour linguistique à l’étranger. Dans ce sens-là, il serait souhaitable que cet exemple fasse école. ii) je ne voudrais pourtant pas passer sous silence que dans une autre perspective, les contacts que K. R. a noués pendant son année à Nyons peuvent s’avérer problématiques quant à la validité de l’étude. Le passage suivant en dit long (r iedel 2013: 95): In der Vorbereitungsphase habe ich von Deutschland aus versucht, möglichst viele Personen meines Freundes- und Kollegenkreises aus der Zeit, in der ich in Nyons an mehreren Schulen als Fremdsprachenassistent arbeitete, über die geplante Befragung zu informieren und entsprechend Wochen/ Monate vorher direkt Interviewtermine mit ihnen zu vereinbaren. Vor allem dank der überaus engagierten Unterstützung meines ehemaligen Deutschkollegen Guy Castelly und des Lehrerehepaars Martine und Daniel Morin, die sich auch privat für das Okzitanische interessieren, gelang es mir zudem nach dem «Schneeballprinzip» weitere (Okzitanisch spezifische) Kontakte zu knüpfen. Meist waren es (ehemalige) Okzitanischlehrer oder Personen, die sich innerhalb einzelner Organisationen für den Erhalt der okzitanischen Sprache und Kultur einsetz(t)en (vgl. Kapitel 4). Die zahlreichen, persönlichen Kontakte aus meiner Assistenzzeit in Nyons erwiesen sich somit als großer Vorteil für 14 La classification de K rauss différencie quatre degrés de risque dont (d) marque le degré de risque le plus élevé (203, fig. 29). 15 Stage 8 marque le degré de risque le plus élevé. 443 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 76 (2017): 437-443 DOI 10.2357/ VOX-2017-036 die bevorstehende Befragung. Gerade die gezielte Befragung in dem collège/ lycée wäre ohne meine berufliche Vergangenheit so nicht möglich gewesen. K. R. arrive-t-il ainsi à des conclusions générales sur la vitalité de l’occitan chez les Nyonsais ou bien ses résultats sont-ils entremêlés d’informations sur la vitalité de l’occitan chez les amateurs de l’occitan? Nous avons vu (cf. supra) que - contrairement à ce qu’on attend - ceux qui travaillent dans les professions académiques à Nyons parlent beaucoup mieux l’occitan que ceux qui travaillent dans l’agriculture, tandis que à Lacaune la situation était inverse, conformément aux attentes (197, 116). S’il est vrai que K. R. met en relief lui-même l’existence de «spécialistes» (95, 125, 126, 153, 157, 164, 201), il n’en est pas moins vrai que le lecteur ne peut pas savoir dans quelle mesure les résultats présentés dans son étude sont valables ou bien imputables au fait que K. R. ait recruté une partie des personnes interrogées dans son contexte professionnel, c’est-à-dire dans le contexte scolaire d’où viennent les «spécialistes». Comment remédier à cette problématique? Afin de pallier ces effets, K. R. aurait pu avoir recours à un type d’enquête tel qu’on le connaît p. ex. en médecine et en psychologie: ici la conception d’un sondage prévoit communément d’implémenter un groupe-témoin (cf. f röhliCh 26 2008: 458 s. Stichprobe) 16 , qui ne diffère du premier groupe que par un seul paramètre pour éviter d’autres influences. En l’occurrence, il devrait s’agir d’un groupe dont toutes les variables seraient contrôlées, donc censées ressembler dans la mesure du possible au premier groupe pour assurer qu’une éventuelle différence est vraiment imputable aux «spécialistes» (et non à un facteur pas encore pris en considération). Sans vouloir pousser ici à l’extrême les impératifs de la statistique, K. R. aurait pu mettre à profit les personnes interrogées choisies selon le principe du hasard dans les rues et les magasins de Nyons (101) pour former deux groupes, c’est-à-dire un qui serait dépourvu de «spécialistes» (qui serait donc issu de ces sondages pris au hasard) et un deuxième qui comprendrait tous les «spécialistes», essentiellement issus du contexte (professionnel) scolaire. La corrélation entre le niveau élevé de maîtrise de la langue occitane et l’exercice d’une profession académique sera-t-elle constante dans les deux groupes? Rappelons que pour arriver à des résultats représentatifs, il faudrait normalement des groupes assez nombreux de 100 personnes environ. Pour des raisons d’ordre pragmatique, je proposerais donc d’en faire abstraction ici. Concluons: considérée dans son ensemble - l’objection formulée sous ii) mise à part - la monographie en question ici ne laisse planer aucun doute: il s’agit ici d’une enquête soigneusement menée dont les résultats sont très valables. La riche documentation en photos, tableaux et graphiques sort de l’ordinaire et rend la lecture très agréable. Fournissant une image complète et nuancée de la vitalité de l’occitan de Nyons, K. R. atteint pleinement son objectif. Le travail trouvera donc certainement sa place dans le cadre des études qui nous renseignent sur la vie et - espérons le - la survie des «petites» langues de l’Europe. Reste à espérer que d’autres étudiants suivent l’exemple de K. R. et qu’ils profitent déjà de leur séjour à l’étranger pour entamer une enquête de ce type, qu’il s’agisse d’une thèse de doctorat ou bien d’un travail équivalent à la maîtrise. Peut-être mes quelques remarques leur seront-elles utiles? Jörg Timmermann  16 w. d. f röhliCh , Wörterbuch Psychologie, München 2008.