Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2018-025
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Kristol De StefaniAnnette Brasseur (ed.), Le Sermon d’Amiens anonyme du XIIIe siècle en langue vernaculaire [Bele douce gent, tant poi de vous comme il a repairié a sainte glise], Genève (Droz) 2018, cxciv + 218 p. (Textes littéraires français 646).
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Gabriele Giannini https://orcid.org/0000-0002-1796-9112
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333 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 333-334 DOI 10.2357/ VOX-2018-025 Annette Brasseur (ed.), Le Sermon d’Amiens anonyme du XIII e siècle en langue vernaculaire [Bele douce gent, tant poi de vous comme il a repairié a sainte glise], Genève (Droz) 2018, cxciv + 218 p. (Textes littéraires français 646). Témoignage exceptionnel, du fait de sa veste vernaculaire, de ce grand siècle de la prédication que fut le XIII e , le Sermon d’Amiens était encore à la recherche, quarante ans après sa mise en valeur par M. Zink, d’un éditeur chevronné qui sache guider le lecteur dans ses méandres et fournir des réponses circonstanciées aux questions de taille qu’il soulève. C’est chose faite avec l’édition solide et généreuse d’A. Brasseur. La très ample introduction (xiii-clxxviii) donne entière satisfaction. L’éditrice y développe les volets traditionnels: description du cahier qui nous transmet le texte (anoure) du sermon (xiii-xvi), principes d’édition, de présentation et d’interprétation du texte (xxviii-xxxvi), relevé des traits linguistiques ou graphiques saillants (xxxvi-lxxv), analyse de la dense prose argumentative du prédicateur (lxxvi-lxxxiv), éléments de datation (clxii-clxxviii: avant 1281 et, peut-être, après 1260 environ). Mais A. Brasseur ne se contente pas de préparer le terrain à l’avènement du texte critique, elle pose les questions capitales que ce témoignage nullement ordinaire soulève, puis elle les creuse. À l’origine de ce document est le prêche prononcé au cours de la seconde moitié du XIII e siècle dans une ou plusieurs églises paroissiales de l’ancien diocèse d’Amiens, afin d’accompagner l’exposition de reliques non identifiées et, surtout, d’inciter les fidèles à contribuer par des dons aux travaux de la cathédrale Sainte-Marie. Il est donc question du rapport entre le sermon effectivement prononcé et celui figé sur le parchemin (lxxxiv-xcviii): si une ou plusieurs exécutions publiques doivent nécessairement se situer en amont de notre sermon écrit (marques d’oralités débordantes, sens inné du dialogue, recherche insistante de la connivence avec l’auditoire, etc.), il est également clair que la mention, faite au début, du petit nombre de fidèles présents exclut que la version attestée ait été rédigée d’avance. Eu égard à la longueur du sermon écrit, dont l’exécution intégrale aurait demandé une heure et demie, au bas mot, il est donc vraisemblable que celui-ci ne représente que «la recréation, dans le texte écrit, … d’une situation de prédication orale que l’on pourrait qualifier d’idéale» (xcv). La spécialiste passe ainsi en revue les trajectoires - on ne peut plus hypothétiques - par lesquelles un ou plusieurs prêches, déclamés dans des circonstances particulières, ont pu aboutir au sermon conservé (xcviii-cvii) et elle s’interroge sur la destination et l’emploi de ce dernier (cvii-cxxxi). Certes, sa version écrite a pu d’abord profiter au prédicateur lui-même, puis circuler auprès des collègues prêchant au peuple, sans toutefois accéder à la mise en forme latine, «son prédicateur anonyme n’étant pas, malgré sa faconde, un personnage suffisamment important pour que son œuvre fût notée en cette langue» (cviii). Mais le cahier qui nous l’a préservé, avec ses sobres marques de découpage, de repérage et de mise en valeur, suggère aussi d’autres fonctions, liées aux besoins et aux intérêts de lecteurs non professionnels - laïcs ou religieux, évoluant dans un cadre individuel ou collectif, donc lisant en silence ou à haute voix. Au final, ce sermon écrit, qui n’était au départ qu’une cristallisation quelque peu idéale d’activités de prédication bien réelles, serait devenu, au fil des années, une Lesepredigt, sans pour autant que le changement de destination ait entraîné une variation de code linguistique. Reste à brosser le portrait du prédicateur (cxxxi-clxii), que l’éditrice croit, à l’instar de M. Zink, appartenir à l’ordre des 333 334 025 334 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 333-334 DOI 10.8357/ VOX-2018-025 Dominicains, être enraciné dans l’Amiénois et faire preuve de remarquable virtuosité argumentative et verbale, au point de s’attirer le titre de «redoutable manipulateur des esprits» (clii). Le texte critique (1-79), établi avec soin, est divisé en paragraphes serrés (habituellement, un par phrase: 312, au total) et accompagné d’une traduction en regard (pages paires) qui éclaire souvent le lecteur, rebuté par la syntaxe tortueuse de cette prose dense et imagée. Surtout, le commentaire (81-155), abondant mais toujours pertinent, guide efficacement le lecteur à la compréhension des intentions et des méthodes du prédicateur, dégage ses références culturelles, permet de saisir la valeur des locutions peu courantes dont il a le goût, etc. Ajoutons que l’ampleur des lectures convoquées et l’attention avec laquelle chaque point problématique est isolé et discuté forcent l’admiration. La table des noms propres (157-63), l’ample glossaire (165-99) et l’index des énoncés sentencieux (201-02) sont rédigés de façon sérieuse et précèdent une suite d’annexes fort utiles (205-16: listes des paroisses, des abbayes et des prieurés du diocèse d’Amiens au XIII e siècle, plus un répertoire des mots et des locutions rares, inattendus ou imagés). Puisque la charpente de l’édition est solidement bâtie et sa finition exemplaire, il n’est pas étonnant que sa lecture suivie ne permette de rassembler qu’une poignée de remarques de détail: comme le témoin unique de ce sermon (ms. B.N.f. Picardie 158, f. 131-38) est un cahier vraisemblablement extrait d’un ensemble plus fourni et fini parmi les matériaux fabriqués ou réunis par dom Grenier (†1789), il aurait été utile de préciser les dimensions d’un feuillet représentatif et ses mesures internes (cadre de réglure, marges, modules d’écriture, etc.), afin de faciliter les tentatives futures de recomposition d’éventuels membra disiecta; une vingtaine de «régionalismes du nord de la France» ont été retenus (lxi), que l’on découvrira au fil des notes être des picardismes, mais le critère d’inclusion semble avoir été parfois très libéral - s’amolier ‘s’adoucir, s’attendrir’ est certes bien attesté en Picardie, mais il ne s’y cantonne pas, sa première attestation étant le fait de Benoît de Sainte-Maure (cf. FEW 6/ 3: 53); ardure ‘chaleur brûlante’ n’est pas limité aux textes picards (cf. DEAFél: ardure), tout comme savoir (+ inf.) ‘être capable de, pouvoir’ (cf. TL 9: 57-9 et ANDi: saver 1 ); se muchier ‘se cacher’, conformément à Gn 3, 8 et 10, n’est pas du tout un régionalisme (cf. TL 6: 395-6 et ANDi: musser), ce que muchier serait s’il avait le sens de ‘revêtir un vêtement’ (cf. FEW 6/ 3: 196), comme dans les occurrences réunies par T. Matsumura, dont l’article est donc cité mal à propos, outre que de façon imprécise («p. 431» (144), au lieu de 481); feste ‘foire’ se lit le plus souvent, il est vrai, dans des textes originaires de Picardie nord-orientale (notamment de Flandre), mais il a dû également prendre racine ailleurs (cf., p. ex., sa percée notable [8 occurrences, au sens de ‘foire’] dans un texte lorrain comme Hervis de Metz) -; l’analyse de certaines locutions (117 N. au §127, 118-9 N. au §136, 132 N. au §220, etc.) aurait gagné à s’appuyer sur le Nouveau dictionnaire historique des locutions par G. Di Stefano (Turnhout 2015). Gabriele Giannini https: / / orcid.org/ 0000-0002-1796-9112 ★
