Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2018-027
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Kristol De StefaniGeneviève Hasenohr (ed.), Le Jeu d’Adam. Édition critique et traduction, introduction par Geneviève Hasenohr et Jean-Pierre Bordier, Genève (Droz) 2017 (Texte Courant 1), cxlv + 256 p.
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Olivier Spenler https://orcid.org/0000-0001-9084-7034
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338 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 338-343 DOI 10.8357/ VOX-2018-027 non pendet ad ubera,/ pendet in cruce verbera/ corporis monstrans lividi: «ce passage n’annonce-t-il pas la poésie franciscaine? » (226). A.-Z. Rillon-Marne, grande specialista della figura di Filippo e promotrice della sua riscoperta bibliografica, si è invece soffermata su «Les sources de la lyrique de Philippe le Chancelier: une approche pragmatique des ‹collections› dédiées au corpus», un intervento nel quale parla del corpus poetico-musicale del Cancelliere, della sua partecipazione alla invenzione delle melodie. Una analisi delle fonti manoscritte consente alla studiosa non tanto di definire di nuovo l’ampiezza della produzione del Nostro, quanto invece di comprendere quale immagine ce ne rinviino le singole collezioni, l’uso del corpus per cui esse furono composte: ne emerge una immagine nuova della diffusione geografica ma anche storico-letteraria e della circolazione delle composizioni musicali del Cancelliere. La loro intrinseca qualità ha consentito nel corso dei decenni e dei secoli successivi, a personaggi assai diversi dall’autore, di trovarvi «matière à penser et à s’élever» (259). Lo scontro tra Filippo e Guglielmo d’Alvernia per il seggio episcopale parigino, infine, è indagato da T. B. Payne: «Chancelor versus Bishop: the conflict between Philip the Chancelor and Guillaume d’Auvergne in poetry and music» (265-306). Attraverso l’analisi di alcuni mottetti (Ypocrite pseudopontifices/ Velut stelle/ Et gaudebit), ne pone la scrittura entro precisi confini cronologici e ne individua la fonte ispiratrice (cioè i diversi momenti dello scontro con Guglielmo). Chiudono questo bel volume quattro indici completi: uno relativo ai manoscritti citati; il secondo alle citazioni scritturali; il terzo degli autori antichi e medievali; il quarto degli autori moderni. Gerardo Larghi ★ Geneviève Hasenohr (ed.), Le Jeu d’Adam. Édition critique et traduction, introduction par Geneviève Hasenohr et Jean-Pierre Bordier, Genève (Droz) 2017 (Texte Courant 1), cxlv + 256 p. C’est avec une dix-huitième édition du Jeu d’Adam que Geneviève Hasenohr (GH) inaugure la nouvelle collection «Texte courant» publiée par les éditions Droz. Étant donné le nombre remarquable d’éditions de cette pièce, GH défend l’intérêt de sa nouvelle édition critique dès l’avant-propos (vii-x): ce travail est prêt depuis dix ans, étant destiné à figurer dans un recueil dont la publication a été bloquée par des aléas éditoriaux. Pendant ce temps, trois autres éditions sont parues. GH entend alors justifier son édition en lui conférant un angle essentiellement philologique, laissant l’analyse dramaturgique aux éditions précédentes. La structure de l’ouvrage se présente de la manière suivante: l’introduction de 135 pages est partagée entre GH (données codicologiques du ms. [xi-xxviii]; données paléographiques du ms. - écriture et scripta - [xxviii-lvi]; données liturgiques [lvii-lxxvii]; langue et origine: localisation du texte et du ms. [lxxviixcvii]) et J.-P. Bordier qui accorde un long chapitre à la place du Jeu d’Adam dans l’histoire du théâtre médiéval (xcviii-cxxxii). GH présente ensuite ses principes d’édition (cxxxiv-cxlv), avant l’édition du texte accompagné de sa traduction en 338 343 027 339 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 338-343 DOI 10.2357/ VOX-2018-027 français moderne (1-135). 112 pages de notes (137-249) suivent, et l’ouvrage est clôturé par un court index lexical (251-52) dressant séparément la liste des mots latins et français, auquel s’ajoute un index des sigles, des titres abrégés, suivi enfin des références bibliographiques (253-56). Rappelons que le Jeu d’Adam est une pièce dont les dialogues sont rédigés en français et les didascalies en latin. Il nous est parvenu grâce à l’unique copie conservée dans le ms. Tours 927, volume de 229 feuillets connu pour être «le plus ancien recueil de textes littéraires qui ait été écrit sur papier en France» (xi), à une époque (début du XIII e siècle) où le recours au papier était encore très rare en France. GH nous propose ici l’édition des fol. 20-40 du codex: le Jeu d’Adam occupe les fol. 20-35. On y distingue deux épisodes (Adam et Eve, fol. 20-31v° et Caïn et Abel, fol. 31v°-35) qui sont suivis de l’Ordo Prophetarum, fol. 35-40. Cette édition n’intègre pas les Quinze signes du jugement dernier (fol. 40v°-46v°). Sur le plan codicologique, GH indique qu’une discordance de scripta laisse à penser qu’un changement de modèle a eu lieu au sein même du Jeu d’Adam et que «le modèle d’Adam + Cain provenait d’une autre plume que celui de Prophètes + Quinze signes» (xvi). Elle annonce également que ce volume peut être considéré comme étant constitué de deux unités distinctes (le changement se produit entre les fol. 46 et 47). Même si les deux scribes en présence étaient originaires de la même région linguistique et avaient probablement travaillé dans le même scriptorium (xxi), ces deux entités n’étaient pas forcément destinées à être assemblées (xx): la variation de la mise en page le prouve (xvi). D’ailleurs, GH déplore que des anomalies de reliure (notamment celle qui s’est produite au XVIII e siècle, [xiv]) empêchent de replacer le Jeu d’Adam dans son emplacement textuel original. En effet, des indices (plus particulièrement l’emplacement inhabituel d’un ex-libris mystérieux: propia; et les différences de calligraphie [xviii]) la conduisent à proposer une nouvelle reconstitution de l’agencement original des cahiers du deuxième ensemble (inversion des cahiers 1 et 2 [xix]). Elle rappelle que R. Marichal situa le premier ensemble (contenant le Jeu d’Adam) au deuxième quart du XIII e siècle (xxi), estimant le terminus ad quem à 1250 (xxix). Elle affine cette datation en la situant au milieu du XIII e siècle et en rappelant «[qu’]aucun recueil de la polyphonie parisienne n’est antérieur à la décennie 1240-1250» (xxii). Quant au second ensemble, elle s’appuie sur la présence d’un filigrane dont la facture serait antérieure à 1225, pour émettre l’hypothèse d’un décalage chronologique probable entre les deux ensembles (xxii). C’est également à partir d’une documentation précise qu’elle retrace les différentes étapes de l’histoire et du parcours des deux ensembles constituant ce volume. Elle rappelle que ceuxci ont été acquis et reliés à l’abbaye de Marmoutier en 1716 et faisaient partie d’un lot provenant de la bibliothèque des ducs de Lesdiguières dont de nombreux ms. étaient porteurs de l’ex-libris propia. L’état actuel de la recherche ne permettant pas de se prononcer précisément sur le parcours antérieur des cahiers du ms., elle retient pour dernière hypothèse l’appartenance au XV e siècle à la bibliothèque du château de Saulx, en Provence (xxiii-xxviii). L’étude paléographique prend dans un premier temps appui sur un résumé des conférences tenues par R. Marichal en 1969-1970 à l’École Pratique des Hautes Études. Il avait décelé la main de deux scribes (A et B), B n’étant responsable que d’une dizaine de lignes du fol. 20v° (xxix). Elle se réfère à ses enseignements auxquels elle rend hommage et qu’elle va prendre en considération pour l’étude des particularités régionales. Elle revient donc sur le «x très anglo- 340 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 338-343 DOI 10.8357/ VOX-2018-027 saxon» (xxx) et sur le recours chez le copiste A au i long <j> uniquement à l’initiale, et à valeur phonétique pour transcrire [d ʒ ] comme il est d’usage dans les scriptae occitanes (B réserve à j un usage graphique systématique en fin de mot, emploi diacritique comme en France septentrionale, mais dont la constance rappelle l’usage du Midi [xxx-xxxii]). GH ajoute ensuite une étude de nouveaux éléments extraite d’un travail en cours d’élaboration qu’elle mène avec G. Giannini (xxxiii-xlii). Celle-ci concerne trois graphies rares n’ayant pas retenu l’attention jusqu’à présent. Il s’agit de l’emploi d’un e muni «d’une cédille à boucle ouverte vers la droite» < ę > qu’elle considère comme une marque d’un diacritique, archaïsme d’origine savante, relevé aussi bien dans des témoins anglais que continentaux, et qui remonterait à la copie primitive (xxxiii-xxxvi). Elle décèle également le recours à un t cédillé < ţ > se substituant aux finales en tz. Bien qu’il ait déjà été relevé dans des textes mixtes occitans/ oïliques, dans lesquels l’emploi du < ţ > est limité aux XII e -XIII e siècles aux régions Centre-Ouest et Sud-Ouest, mais également sporadiquement présent en anglo-normand, notamment dans la conjugaison, GH reconnaît dans ce < ţ > un archaïsme poitevin, ce qui permettrait de supposer qu’il était présent dans la copie primitive (xxxvi-xli). Elle relève enfin la présence de la ligature <œ> (xli-xlii) qui autorise une lecture en <o> (poeste, v. 360), graphie d’un clerc lettré, peut-être à rapprocher du pronom neutre ol «caractéristique du Sud-Ouest» (xli-xlii). Concernant la scripta, GH va progressivement avancer que celle-ci se révèle «conforme à la pratique de l’écrit littéraire occidental …, parsemée de traits plus communs en anglo-normand, voire donnés comme spécifiques de l’écriture insulaire» (xlii-xliii). Prenons par exemple ses observations concernant l’absence de voyelles accentuées (hormis quelques rares i accentués): l’absence d’accents ne plaiderait pas en faveur d’un original insulaire dans la mesure où les copistes insulaires «qui ont transmis, ou donné, cet habillage graphique au texte» (les traits anglo-normands) auraient conservé cet accent appartenant à leur norme (xliv). Elle exclut également une intervention du dernier copiste dont le conservatisme avéré l’aurait conduit à maintenir l’accent. Plus profondément, elle décèle une régularité des formes en ch (pour [k]) plus soutenue dans la partie de l’Ordo Prophetarum, fol. 35-40 (et dans les Quinze signes du jugement dernier qui suit, fol. 40v°-46v°), que dans les épisodes Adam et Caïn (fol. 20-35). Elle en déduit un «raccordement de deux entités distinctes à un moment donné de la tradition» (xliv, à rapprocher avec le changement de modèle évoqué plus haut [xvi]). À ce «fond occidental composite» s’ajoute un petit nombre de graphies qui rappellent la scripta des textes français occitanisés: le digramme cz-, le zintervocalique pour [ts], tz pour [ts] final, [k] maintenu en finale, a en finale féminine, ainsi que le traitement [d] > [z]. Mais elle rappelle toutefois que certains de ces traits sont également attestés dans les textes occidentaux purement oïliques (xlv). Par ailleurs d’autres indices matériels et historiques (l’origine espagnole du papier et le fait que seules les villes de La Réole et de Bordeaux étaient connues pour avoir eu recours au papier en 1230-40) et paléographiques (les nombreuses coïncidences entre les graphies anglonormandes et saintongeaises) ont engagé GH à déplacer la patrie du copiste du Sud-Est (localisation habituellement retenue par la critique, probablement sous l’influence de l’implantation provençale des premiers possesseurs du ms.) vers le Sud-Ouest où certaines graphies occitanes avaient été adoptées (l). D’ailleurs elle en conclut que «la silhouette qui s’esquisse à l’issue de l’examen paléographique est celle d’un copiste d’oïl (A) qui, à la différence de son auxiliaire (B, responsable d’une dizaine de lignes seulement), partageait ou avait sciemment adopté cer- 341 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 338-343 DOI 10.2357/ VOX-2018-027 taines particularités de la tradition graphique occitane (au double sens de graphisme et de scripta), telle qu’elle avait cours dans les provinces du Sud-Ouest» (l). Soulignons qu’un des apports majeurs de cette édition repose sur la distance prise par GH avec la position générale adoptée par la critique au sujet de l’origine du texte. L’hypothèse généralement admise par les études et éditions précédentes avance que le Jeu d’Adam a été écrit en «‹dialecte anglo-normand aux alentours du milieu du XII e siècle›, et copié à plusieurs reprises en Angleterre, avant qu’un exemplaire ne tombe entre les mains du scribe méridional auquel nous devons le manuscrit de Tours» (lxxvii). Or GH nous propose une hypothèse radicalement différente: celle «[d’]un texte composé par un clerc d’origine ‹poitevine›, d’un côté ou de l’autre de la Manche, recopié ensuite par des clercs d’origine insulaire (en Angleterre ou sur le continent …), puis passé entre les mains d’un clerc poitevin ou saintongeais, familier de la scripta occitane, dont l’écrit des provinces limitrophes porte toujours, dans ces années 1230, la marque bien visible» (xcvi-xcvii). Cette hypothèse est la conclusion à laquelle elle parvient après avoir relevé une série de faits qui affaiblissent l’hypothèse d’une origine exclusivement insulaire. Ainsi, «la totalité des vers contenant des formes et constructions typiquement anglonormandes (étrangères aux écrits de l’Ouest) sont faux, mais redeviennent métriquement corrects une fois rétabli l’usage continental commun» (lxxxvii). Quant à certaines rimes, elle fait remarquer que, d’une part, les traits anglo-normands du texte ne sont pas propres à cette seule aire scripturale mais peuvent être partagés avec «le français écrit à la même époque dans un grand quart Ouest de la France d’oïl» et que, d’autre part, ces traits ne figuraient pas forcément dans le texte original (lxxviii). Après avoir écarté les traits qui peuvent être communs au français insulaire et au français continental «de l’Ouest/ Sud-Ouest Plantagenêt (Anjou, Touraine, Poitou)» (lxxx), elle concentre son attention sur deux paires de rimes «emblématiques de l’ambiguïté linguistique» du texte: hahan: pan, «occitanisme typé», et criator: dur, «marque réputée la plus caractéristique du français insulaire» (lxxx et lxxxi). La première rime s’ajoute à d’autres occitanismes, notamment la rime bel: ciel [ts ɛ l] qui peut être considérée à la fois comme la marque d’un phénomène anglo-normand tout comme un «traitement vocalique de type occitan [dont on sait qu’il] a débordé la frontière linguistique pour s’imposer, notamment, dans les parlers de la partie méridionale du Poitou …». Elle ajoute que ce type de rime est retrouvé dans la langue mixte français/ occitan de Girart de Roussillon qui «passe pour avoir pris corps aux alentours de cette même région» (lxxxvi). Quant à la rime criator: dur, elle avance prudemment que celle-ci peut également être à la fois assignée à un phonétisme anglo-normand tout comme elle peut être rapprochée d’une tradition culturelle poitevine influencée par l’emploi de cette langue mixte (xciv). Elle invite donc à «ne pas se laisser abuser par une scripta anglo-normande invasive» (lxxxix). La notation du latin des didascalies semble peu exploitable, GH regrettant qu’elles ne puissent fournir des indications plus précises permettant de localiser le texte. Le copiste semble être négligent, «plus pressé de reproduire à l’identique et à la hâte ce qu’il croit déchiffrer que d’en suivre le sens» (lii). Elle avait déjà regretté plus haut (xxxii) que la notation de la musique n’ait également offert que peu d’informations pour permettre aux musicologues d’apporter des conclusions déterminantes. Par ailleurs, c’est en s’écartant de l’analyse purement linguistique que GH va nous livrer une présentation détaillée du contexte liturgique dans lequel pouvait s’inscrire le Jeu d’Adam pour 342 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 338-343 DOI 10.8357/ VOX-2018-027 apporter des éléments de réponse concernant ses origines et sa fonction. En mobilisant une importante documentation historique, elle s’appuie à la fois sur le cotexte des écrits voisins et sur la pratique liturgique contemporaine pour estimer que le Jeu d’Adam est d’abord une œuvre littéraire et dramatique innovante qui n’est pas structurée par la liturgie d’un office, mais qui va intégrer du «matériel liturgique» pour rythmer un drame qui peut être joué par de jeunes clercs, à tout moment de l’année, lors de rituels festifs, et à destination de clercs et de laïcs (lvii-lxxvii). J.-P. Bordier (JPB) a été associé à cet ouvrage pour apporter un éclairage nouveau sur la place du Jeu d’Adam dans le contexte historique du théâtre médiéval. Le Jeu d’Adam offre des indices permettant de le placer dans la tradition du théâtre scolaire et plus particulièrement dans celle des fêtes de fin d’année des jeunes clercs des écoles cathédrales. Le théâtre assurait un rôle pédagogique à destination des jeunes clercs, il fédérait différentes communautés religieuses et avait vocation à édifier le public laïque. À l’instar de GH, JPB s’appuie sur une solide documentation pour démontrer comment le Jeu d’Adam s’inscrit dans une coutume théâtrale, liturgique d’une part (les jeux de Daniel, de saint Nicolas, de la fête des Innocents et de l’Etoile) et profane d’autre part, inspirée des modèles classiques (Pamphilius, Babio). Mais il dévoile également la principale originalité du Jeu d’Adam dans cette tradition qui présente, si l’on peut dire, une rupture avec son héritage. Pour JPB, la rupture ne se résume pas à une évolution uniquement littéraire consistant à le présenter comme une œuvre de transition, un drame «semi-liturgique». Cette rupture est linguistique: la place accordée à la langue vulgaire constitue l’innovation la plus remarquable. La langue d’oïl est en première place, «la création littéraire se fait en français, le latin l’escorte» (cxxii). Mais JPB nous rend surtout attentif à un autre élément novateur. Il signale que, si le recours au français est porté par une volonté pratique de faciliter la communication du message dans une visée didactique à l’égard d’un public composé de laïcs et de clercs, le Jeu d’Adam est aussi le témoin de la reconnaissance de la richesse esthétique et de l’efficacité expressive du français. Dans le Jeu, le français n’est plus une langue formulaire, mais il atteint un statut digne d’une langue apte à exprimer toute la complexité de l’esprit (cxxiv). Dans la partie qu’elle consacre à ses choix éditoriaux, GH regrette que les dernières éditions se soient limitées à une approche conservatrice en reproduisant les erreurs du ms. Elle déclare ainsi nous livrer un «essai d’édition» (cxxxvii) clairement interventionniste. Une phrase résume sa démarche: «… après tant d’éditions refusant (par principe ou facilité) de s’engager sur le chemin de la critique verbale et d’en prendre en considération les résultats, le temps m’a paru (re)venu pour le philologue de rejeter les énoncés qu’il sait, dit et analyse comme corrompus, et d’inscrire à l’intérieur du texte imprimé les rectifications que ses prédécesseurs et lui-même ont patiemment argumentées au fil du temps et des notes» (cxxxvi). Et précise que le lecteur peut aisément reconstituer le ms. à partir de l’apparat qui présente la leçon originale suite à chaque correction. À ceci s’ajoute effectivement les variae lectiones de ses prédécesseurs depuis l’édition de Sletsjöe 1968 (en ajoutant celle de Pauphilet 1951 que L. Sletsjöe n’avait pas intégrée). Quant à la restitution des répons et des versets liturgiques latins, GH développe leur incipit en s’appuyant sur les travaux de R.-J. Hesbert (cxli). Enfin, l’édition du texte et sa traduction en français moderne se font face. Il est important de noter l’exigence philologique à laquelle GH s’est contrainte pour fournir une traduction la plus 343 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 343-347 DOI 10.2357/ VOX-2018-028 exacte et la plus proche de la grammaire du ms.: «La traduction aurait pu être plus littéraire … Elle se veut avant tout exacte et, autant que faire se peut, respectueuse de la syntaxe médiévale» (cxlv). Naturellement, la richesse et la précision de la documentation réunie par GH aboutit à un système de notes et de renvois complexe, à plusieurs niveaux, avec lequel le lecteur doit se familiariser. L’apparat du texte présente les variae lectiones du texte français et latin, et les notes de bas de page ne concernent que le texte latin. La longueur des commentaires relatifs au texte français (la note du v. 482 s’étale sur près de quatre pages) impose de les placer en fin d’ouvrage. Et parmi ces notes figurent également les commentaires propres au texte latin (dont les notes peuvent atteindre une dizaine de pages, cf. la note 1f) qui sont indiqués par un système de notes alphabétiques attachées à la traduction. L’édition ne propose pas de glossaire, GH préférant proposer, dans la lignée d’A. Henry 1 , un index lexical renvoyant aux notes et à l’introduction. Nous retiendrons de cette publication du Jeu d’Adam une édition érudite d’une impressionnante précision documentaire. Les notes abondent d’hypothèses relatives à la mise en scène et aux décors. Les études lexicales contribuent non seulement à asseoir la localisation du texte (par exemple la note au v. 561, haschée), mais aussi à renseigner le lecteur sur le contexte historique et technologique (p. 240 N855a au sujet de rotulum carte et de l’utilisation du papier où GH profite d’ailleurs pour corriger et actualiser des propos tenus dans une étude précédente 2 ). Enfin cette étude renseigne le lecteur, par l’ampleur des sources consultées, sur le contexte liturgique du XIII e siècle et fournit une réflexion parfois proche de l’exégèse biblique ou du commentaire théologique: la très longue N1f concernant l’interprétation de figura 3 est à ce sujet très emblématique. Enfin, l’exigence d’une traduction précise, le choix de rompre avec la tradition conservatrice de ses derniers prédécesseurs, et la rigueur scientifique avec laquelle GH s’applique pour «tenter de récupérer le texte primitif» tout en maintenant l’accès au texte du ms., font de cet ouvrage une édition précieuse tant pour le philologue que pour le linguiste. Olivier Spenler https: / / orcid.org/ 0000-0001-9084-7034 ★ Dominique Boutet, Poétiques médiévales de l’entre-deux, ou le désir d’ambiguïté, Paris (Honoré Champion) 2017, 486 p. Per comodità, per abitudine, ci siamo sempre accomodati a inserire le opere medievali entro una precisa griglia interpretativa, il cui perimetro era il genere letterario di appartenenza, ed i cui contenuti dovevano comunque, nella grande maggioranza dei casi, rientrare in canoni, estetici o filologici poco importa, che a loro volta confermavano la scelta di origine. 1 Cf. Index lexicologique et grammatical, in A. Henry, Les Œuvres d’Adenet le Roi, Buevon de Conmarchis, vol. 2, Bruges 1953: 211-15. 2 Rapport paru dans le Livret-Annuaire de l’E.P.H.E. Section des sciences historiques et philologiques, vol. 17 (2001-2002), 169-72. 3 GH complète sa réflexion dans une note récemment publiée. Cf. G. Hasenohr, «Figura: note à propos d’un appellatif du Jeu d’Adam», R 135 (2017): 432-33. 343 347 028