eJournals Vox Romanica 77/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2018-031
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2018
771 Kristol De Stefani

Jean Thomas, Jules Ronjat entre linguistique et Félibrige (1864-1925). Contribution à l’histoire de la linguistique occitane d’après des sources inédites, Valence d’Albigeois (Vent Terral) 2017, 393 p.

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2018
Anne-Marguerite  Fryba-Reber
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353 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 353-356 DOI 10.2357/ VOX-2018-031 son érudition en analysant chaque fois les effets de sens liés à la présence d’un élément mythique dans un texte, surtout si celui-ci reste isolé. Jean-Claude Mühlethaler ★ Jean Thomas, Jules Ronjat entre linguistique et Félibrige (1864-1925). Contribution à l’histoire de la linguistique occitane d’après des sources inédites, Valence d’Albigeois (Vent Terral) 2017, 393 p. Consacrée à la vie et à l’œuvre de Jules Ronjat, la présente étude est l’aboutissement d’une décennie de patientes recherches poursuivies par J. Thomas dans la foulée de son travail sur la linguistique et le mouvement de la Renaissance occitane 1 . Grâce à la perspective prosopographique adoptée, le lecteur y découvrira qu’au-delà de son œuvre majeure, la monumentale Grammaire Istorique des Parlers Provençaux Modernes bien connue des romanistes, Ronjat est un personnage fascinant, possédant des aptitudes et des connaissances d’une étonnante variété. C’est avec enthousiasme que Thomas a souhaité rendre hommage à cette diversité tout en insistant sur les deux centres d’intérêt majeurs du Dauphinois: d’une part son apport à la linguistique occitane, de l’autre son action au sein du mouvement félibrige. Plus généralement, la volumineuse correspondance éditée dans ce livre permettra au lecteur de glaner ça et là de nombreuses informations sur cette époque charnière dans laquelle vécut Ronjat et, plus particulièrement, sur les réseaux de circulation du savoir. Le volume comporte deux volets: le premier (13-103) est formé de trois parties informatives agrémentées de portraits de famille, le second est entièrement consacré à l’édition annotée de la correspondance (quatrième partie, 105-347). Ces deux volets sont encadrés par une brève introduction (7-12) et d’une cinquième et dernière partie rendant hommage à l’œuvre poétique de Ronjat par la reproduction de quatorze poèmes en provençal (349-68). Une conclusion (369-72), une bibliographie (373-82) et un index onomastique (385-93) bouclent ce volume. Précédée d’une introduction explicitant la méthode historiographique utilisée (7-12), la première partie intitulée Une vie et une œuvre. Jules Ronjat (1864-1925) (13-47) souligne l’importance du milieu viennois pour ce fils de notable et neveu d’un auteur d’un lexique patois francoprovençal. Né à Vienne, Ronjat grandira et fera des études de droit à Paris qu’il quittera à la fin du siècle pour s’installer dans sa ville natale, où il réside jusqu’à son exil à Genève en 1914. Républicain et fédéraliste, son engagement pour la cause publique ne se manifeste pas seulement par son action au sein du Félibrige, mais aussi par la participation à de nombreuses associations locales. Voyageur infatigable (il a parcouru l’Europe à bicyclette), musicien accompli, alpiniste, poète à ses heures, Ronjat est le type même de l’explorateur, linguiste de terrain à l’ouïe fine et ethnographe, esprit encyclopédique et observateur, autant d’orientations qui se reflètent du reste dans sa bibliographie. La deuxième partie, Jules Ronjat, fondateur de la linguistique occitane offre un bref aperçu (49-75) de ses publications linguistiques. Il y a d’abord son ouvrage posthume, la GIPPM 1 J. Thomas, Linguistica e renaissentisme occitan, Toulouse 2006. 353 356 031 354 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 353-356 DOI 10.8357/ VOX-2018-031 dédiée à M. Grammont et à Charles Bally et publiée grâce au concours de W. von Wartburg, d’E. Wiblé et de G. Millardet 2 . Cette description des parlers de la langue d’oc 3 reste à ce jour un ouvrage de référence, ce qui légitime le qualificatif de «fondateur de la linguistique occitane» attribué à son auteur par Thomas. Partisan de la réforme de l’orthographe, comme nombre de ses confrères de l’époque, Ronjat applique de façon systématique l’orthographe de Léon Clédat en français. En provençal, il utilise le choix graphique adopté par Mistral et le défend dans un petit traité d’orthographe félibréenne 4 . Enfin sa thèse complémentaire sur l’acquisition précoce du bilinguisme 5 a été récemment remise à l’honneur dans le cadre des recherches sur l’intercompréhension 6 . Toujours dans le cadre de son apport à la linguistique, il faut compter les contributions à la publication d’ouvrages, ainsi que les collaborations ponctuelles au GPSR et au FEW. Et, ce n’est pas là son moindre titre de gloire, le nom de Ronjat figure dans la préface du Cours de linguistique générale de F. de Saussure, dont il a entièrement relu le manuscrit. La troisième partie, Une écriture multiple, une bibliographie éclectique (77-103), tente d’établir une bibliographie complète de ses publications. Tentative délicate et semée de nombreuses embûches liées tant à la dispersion des écrits de Ronjat dans des revues ou des journaux français et étrangers difficiles d’accès qu’à l’utilisation des nombreux pseudonymes. Sont énumérées, mis à part ses propres ouvrages et ses contributions, les nombreuses revues dans lesquelles Ronjat a publié: parmi les revues de linguistique figurent le Bulletin de la Société de linguistique de Paris, la Romania, la Revue celtique, la Revue de philologie française et de littérature, le Bulletin de dialectologie romane et, last but not least, la Revue des langues romanes, dont il a été, avec Maurice Grammont, la cheville ouvrière, en fournissant des centaines de comptes rendus dans l’espace d’une vingtaine d’années (1905-1925) 7 . 2 La GIPPM a été publiée en 4 tomes. 1: Voyelles et diftongues, 2: Consonnes et fénomènes généraux, 3: Morphologie et formation des mots et notes de syntaxe, 4: Appendice: Les dialectes, Index. Montpellier 1930, 1932, 1937, 1941. 3 Dans la liste des abréviations utilisées, Ronjat précise l’utilisation du terme provençal: «Prov. = provençal stricto sensu (parlers de la Provence proprement dite, i compris la marche nîmoise» et «Provençal, en toutes lettres, désigne le provençal lato sensu» (xi). Sujet de prédilection pour les historiographes, le cas de la dénomination des langues d’oc est exemplaire. Le terme occitan, devenu le terme générique en usage pour désigner l’ensemble des parlers d’oc, est lié à la fondation de l’Institut d’Estudis Occitans ou IEO en 1945. On se gardera cependant de confondre la dénomination linguistique avec la délimitation géographique: depuis le redécoupage administratif de 2015, l’occitan est parlé dans quatre des dix-huit régions françaises (1. Occitanie Pyrénées/ Méditerranée, 2. Provence-Côte d’Azur, 3. Nouvelle Aquitaine, 4. Auvergne Rhône-Alpes) ainsi que dans un certain nombre de territoires au-delà des frontières de la France. 4 L’ourtougràfi prouvençalo. Pichot tratat a l’usage di Prouvençau, Avignoun 1908. 5 Le développement du langage observé chez un enfant bilingue, Paris 1913. On consultera avec profit l’excellente réédition du livre, enrichie de commentaires et d’annotations de P. Escudé, Frankfurt am Main 2014. 6 P. Escudé a édité les actes d’un colloque consacré à ce sujet. Autour des travaux de Jules Ronjat (1913-2013). Unité et diversité des langues. Théorie et pratique de l’intercompréhension, Paris 2016. 7 Pour une analyse du rôle de Ronjat dans la RLaR, cf. l’article de J.-C. Bouvier, «Jules Ronjat et la Revue des Langues Romanes», RLaR 105 (2001): 491-502. 355 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 353-356 DOI 10.2357/ VOX-2018-031 Dans le domaine du Félibrige, Thomas dénombre une dizaine de revues félibréennes qui comportent des notices de Ronjat, signées sous divers pseudonymes (Felibre di Lauseto, Bousoun de Vergno ou encore Guigue Talavernai) dans une période allant de 1894 à 1914. Il assure par exemple la rubrique «Crounico felibrenco» de l’Armana prouvençau (1903-1909) et contribue régulièrement à Vivo Prouvenço! jusqu’à son départ pour la Suisse en 1914. C’est dans cette dernière revue qu’il s’expliquera sur son éloignement du Félibrige en août 1910 8 . Sa passion du voyage quant à elle l’amènera à consigner ses impressions dans le Bulletin de la Société géographique de Lille, dans l’Annuaire du Club alpin français, dans l’Annuaire de la Société des touristes du Dauphiné ou encore dans la Revue alpine. Enfin le Journal de Vienne et le Bulletin des amis de Vienne sont autant de témoignages de son inlassable engagement pour sa ville natale, ancienne capitale des Allobroges, comme il l’écrit à Charles Bally en 1917 9 . Le second volet du volume contient l’édition de la correspondance 10 (105-347) annotée et commentée avec onze félibres (107-279) et avec six linguistes et philologues (280-347). Plus de la moitié de la correspondance avec des félibres est adressée à Mistral: les 95 lettres (1893- 1910) conservées au Musée Mistral à Maillane contiennent une foule de renseignements sur l’organisation et la vie du mouvement félibréen dans lequel Ronjat s’est investi corps et âme pendant vingt ans, d’abord au sein de l’Escolo parisenco dóu Felibrige (1892-1899) dont, une fois président (1896), il évincera Charles Maurras, puis comme baile (de 1902 à 1909) aux côtés de son ami le capoulié Pierre Devoluy. On apprend par exemple que, dès 1896, le Dauphinois est en contact avec August Bertuch (l’oncle de sa future épouse et traducteur de Mirèio en allemand) et que, suite à la publication dans l’Aiòli (17. 5. 1896) de sa traduction en provençal du poème sursilvan Il pur suveran de Gian Antoni Huonder 11 , Ronjat sert de messager de Caspar Decurtins auprès de Mistral. À partir de 1897 (lettre 27 à Mistral), il est question du chansonnier provençal dont Ronjat, soumettant régulièrement les textes et même la partition au Mèstre (cf. lettres 33, 34, 40, 43, 44, 45, 47, 48, 49, 53, 55) s’occupe dès 1893 et qui paraîtra finalement en 1903 12 . On trouvera dans la correspondance avec les linguistes la confirmation que Ronjat était un savant reconnu et apprécié de ses pairs: ses destinataires sont Antoine Meillet et Mario Roques 8 P. Martel, Les félibres et leur temps. Renaissance d’oc et opinion (1950-1914), Pessac 2010: 525 reproduit le réquisitoire que Ronjat adresse aux adhérents du Félibrige, dont l’inaction l’exaspère. Dans Vivo Prouvenço! juillet-octobre 1913 «Souveni d’i a vint an», Ronjat reviendra une dernière fois sur son engagement félibréen. 9 Cf. A.-M. Fryba-Reber/ J.-P. Chambon, «Lettres et fragments inédits de Jules Ronjat adressés à Charles Bally (1912-1918)», CFS 49 (1995-96): 48. 10 Dans les cas suivants, il s’agit de rééditions: cinq lettres à Valère Bernard (1908-1909), sept à Prosper Estieu (1901-1908) et seize à Arsène Vermenouze (de 1894 à 1908) ont été éditées une première fois dans la RLaR 110 (2006): 473-506. Les treize lettres à Léon Teissier (1911-1921) se trouvent dans la RLaR 119 (2015): 463-81. Quant aux cinq lettres à Hugo Schuchardt, elles ont paru dans la RLiR 75 (2011): 191-201. 11 On consultera à ce propos le mémoire de licence inédit de B. Berther, L’Idée latine du Félibrige et la Renaissance romanche 1854-1914. La fonction des traductions entre l’occitan et le romanche, Université de Zurich, et son résumé in: id, «Gl’interess dils Romontschs sper la mar per ils Romontschs sin las alps», AnSR 123 (2010): 47-79 (https: / / www.e-periodica.ch/ cntmng? pid=ann-001: 2010: 123: : 409). 12 Lou cansounié provenço adouba pèr l’Escolo parisenco dóu Felibrige, Avignoun 1903. 356 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 356-358 DOI 10.8357/ VOX-2018-032 à Paris, Edouard Naville, Eugène Ritter et Albert Sechehaye à Genève, enfin Hugo Schuchardt à Graz. Pourquoi alors le parcours universitaire de Ronjat s’est-il limité à un «cours libre» à Lyon (1913-1914) 13 et à des charges de cours à Genève de 1915 à 1925 14 ? La question reste pour l’instant en suspens, de même que l’énigme de sa formation linguistique, comme le remarque justement Thomas (50-51). Le long et patient travail de reconstitution à partir d’archives n’aurait pas dû dispenser l’auteur d’une relecture serrée de la rédaction et de la présentation. Tout en reconnaissant l’importance du travail accompli par Thomas, on regrettera la présence d’innombrables coquilles (que nous renonçons à énumérer), de redites (par ex. à propos de l’excursion dans les Grisons, p. 29 et 49), de simples inadvertances (par ex. «Cours général de linguistique» p. 51 ou «Hugo von Schuchardt» p. 82 et suivantes, «Institut des patois de la Suisse romande» p. 198 N466) ainsi qu’un style narratif qui pèche trop souvent par l’absence de précision: impossible, par exemple, de connaître la date de son «entrée en Félibrige» (18) sans avoir sous la main le numéro de Vivo Prouvenço! de 1907 dans lequel Ronjat se souvient du moment décisif de sa lecture de Calendal à Cassis. On ignore si cette découverte a eu lieu la même année que sa rencontre avec Mistral (1893). C’est trop souvent au lecteur de débrouiller les fils de l’écheveau chronologique (ce que nous nous sommes efforcée de faire dans ce compte rendu). Signalons enfin l’omission surprenante dans la bibliographie du nom de P. Escudé, auteur de la réédition du Bilingue de Ronjat. En conclusion, on reconnaîtra à J. Thomas le mérite de nous faciliter l’accès à une importante partie de la correspondance de cette personnalité originale et aux intérêts multiples, qui s’est tout particulièrement passionnée pour les dialectes méridionaux et le fonctionnement de la langue en général. On souhaite aux études ronjatiennes un bel avenir. Anne-Marguerite Fryba-Reber ★ Bernhard Pöll, Französisch ausserhalb Frankreichs. Geschichte, Status und Profil regionaler und nationaler Varietäten, Berlin (de Gruyter) 2017, 170 p. Nach fast 20 Jahren (1998-2017) erscheint das Standardwerk von Bernhard Pöll Französisch ausserhalb Frankreichs in aktualisierter Form in der 2. Auflage, wieder in der Reihe der Romanistischen Arbeitshefte bei de Gruyter. Es richtet sich speziell an deutschsprachige und 13 Le Journal de Vienne n° 98 du 6 décembre 1913 annonce un cours sur les parlers de la région lyonnaise et leur littérature. «Ce cours comprendra une dizaine de leçons. Voici un résumé du programme: Caractères essentiels des parlers de la région lyonnaise; explication historique de leur formation; raisons de leur faible productivité littéraire; Serments de Strasbourg, le plus ancien monument écrit de nos parlers; XIII e siècle, œuvres de Marguerite d’Oin; abandon des patois par les classes de la population considérées comme supérieures; la littérature à l’époque moderne; intérêt de l’étude des parlers populaires pour la linguistique générale. Le cours de M. Ronjat sera public; aucune formalité préalable n’est requise pour y assister. La première leçon aura lieu le mercredi 10 décembre à 4 heures ¼, amphithéâtre Quinet (entrée à la tête du pont de l’Université)». 14 Les cours sont répertoriés dans Fryba-Reber/ Chambon (1995-96): 55-56. 356 358 032