Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2019-008
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Kristol De StefaniÉtude comparative et diacronique des marqueurs si/sí (+ verbe) du français et de l’espagnol
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Marta Saiz-Sánchez
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Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 Étude comparative et diachronique des marqueurs si/ sí (+ verbe) du français et de l’espagnol 1 Marta Saiz-Sánchez (Madrid) https: / / orcid.org/ 0000-0002-4996-9985 Resumen: -A-pesar-de-su-origen-común,-los-marcadores-del-discursosi del francés contemporáneo y sí del español contemporáneo tienen valores pragmáticos opuestos: el primero marca únicamenteeldesacuerdoentrelocutores,mientrasqueelsegundomarcaúnicamenteelacuerdo.-El-francés-y-el-español-medieval-presentaban,-sin-embargo,-expresiones-equivalentesde tipo si/ sí + verbo ( si ferai je , sy a , sí faré , si tiene ,-etc.)-que-marcaban-tanto-el-acuerdo-comoel desacuerdo entre locutores. Este estudio describe las diferencias y las similitudes morfosintácticas y semántico-pragmáticas de las estructuras si/ sí + verbo de ambas lenguas en la época medieval.-El-objetivo-es-mostrar-que,-aunque-el-valor-confirmativo-desi/ sí + verbo ha desaparecido,-su-valor-refutativo-existe-todavía,-en-francés,-en-el-marcadorsi en su empleo absoluto y, en español, en los marcadores de tipo sí (+Pro) + verbo. Keywords: Historical pragmatics, Discourse markers, Agreement/ disagreement, Medieval Spanish, Medieval French, Contemporary Spanish, Contemporary French 1. Introduction: les systèmes d’accord et de désaccord oui/ non/ si et sí/ no du français et de l’espagnol contemporains La-plupart-des-langues-romanes-présentent-aujourd’hui-des-systèmes-de-marqueursd’accord-et-de-désaccord-à-deux-morphèmes: -l’espagnol sí/ no , l’italien sì/ no , le portugais sim/ n-o .-Dans-ces-langues,-le-premier-marqueur-( sí , sì , sim )-sert-à-confirmerun-discours-antérieur,-et-le-deuxième-( no , n-o ) à s’y opposer. Voici le fonctionnement simplifié-de-l’espagnol-contemporain 2 : 1- Ce-travail-a-bénéficié-du-soutien-du-projet-de-recherche-FFI2017-84404-P-«Énonciation-et-marquesd’oralité dans la diachronie du français», du Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades , Espagne. 2- Nousnouscontenteronsdeprésenterlefonctionnementdesenchaînementssurdesénoncésinterrogatifs,-positifs-et-négatifs,-assimilable-à-celui-des-enchaînements-sur-des-énoncés-assertifs.- L’enchaînementsurdesénoncésinjonctifssuscited’autresquestionsdetypepragmatiqueque,parsoucid’espace,nouslaisseronsdecôté.- Pourplusdedétailssurlefonctionnementpragmatique-des-injonctions-nous-renvoyons,-par-exemple,-à-d ucrot 1984: 226-28 ou à k erBrat -o recchio ni 1986: 75-85. Marta Saiz-Sánchez 184 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 [1] a --¿Vas-a-ir-al-congreso? b - Sí . = voy a ir c - No . = no voy a ir [2] a --¿No-vas-a-ir-al-congreso? b - Sí ,-sí-(que)-voy-a-ir-porque-he-anulado-mi-clase.- [confirmevoy a ir ] c - No ,-no-voy-a-ir-porque-tengo-clase. [confirmeno voy a ir ] c’ - No ,-sí-(que)-voy-a-ir-porque-he-anulado-mi-clase.- [réfute no voy a ir ] En réponse à une interrogation à polarité positive, sí et no reprennent respectivement-la-valeur-positive-et-négative-de-la-proposition-sur-laquelle-porte-l’interrogation: en [1b] «voy a ir» et en [1c] «no voy a ir». Les réponses à des interronégatives peuvent-être-ambiguës.-En-[2b],-la-simple-réponsesí semble étrange 3 ,-à-moins-qu’ellene-soit-énoncée,-par-exemple,-avec-une-intonation-particulière.-Prononcé-de-façonneutre, sí -ne-peut-jamais-marquer-le-désaccord,-le-locuteur-2-est-tenu-soit-de-répéterl’énoncé-antérieur-avec-une-marque-d’asser-tion-positive-emphatique-de-typesí (que) p 4 , soit de développer sa réponse (g onzález r odríguez 2007). En [2b], sí -ne-fait-quereprendre-le-point-de-vue-positif-«voy-a-ir»,-sous-jacent-à-l’interronégative.-Ce-quimarqueledésaccordestlarépétitionemphatiquesí (que) voy a ir etl’explicationporque he anulado mi clase . Le-marqueurno -est-aussi-ambigu-dans-l’enchaînement-sur-une-interronégative.-En- [2], selon la suite du discours, no peutmarquersoitl’accordaveclepointdevuenégatif «no voy a ir» [2c], soit le désaccord avec celui-ci [2c’]. Dans le premier cas, la-réponse-équivaut-à-«no-voy-a-ir»-et,-dans-le-deuxième,-à-«no-no-voy-a-ir»,-c’està-dire «voy a ir». Avec no , le locuteur est aussi obligé de répéter l’énoncé précédant en-emphatisant-la-polarité-positive-ou-négative-qu’il-défend--no, no voy a ir ou no, sí (que) voy a ir ,-respectivement--,-ou-bien-de-compléter-sa-réponse-afin-d’expliciter- 3- Voici-un-enchaînement-desí -sur-une-interronégative-où-le-sens-pragmatique-de-la-réponse-resteopaque: ... no le voy a poder devolver el dinero tan pronto como yo creía. --No-importa.-Cuando-puedas.-¿Qué-te-pasa? - ¿No marcha el negocio? - Sí, va muy despacio; pero, me matan los obreros socialistas. [- … Qu’est-ce qu’il vous arrive? Les affaires ne marchent pas? - Oui, les choses avancent doucement; -… ] (P. B aroja 1904, Aurora roja , p. 281) La réponse sí, va muy despacio à l’interronégative ¿no marcha el negocio? est pour le moins étrange. D’une part, sí marque-l’accordavec-le-point-de-vue-négatif-«les-affaires-ne-marchent-pas»-de-laquestion.-Mais,-d’autre-part,-l’explicationva muy despacio semble être orientée vers la conclusion positive-«les-affaires-marchent»,-même-si-elles-avancent-doucement.-L’ambiguïté-repose-sur-le-faitque-les-deux-segments-de-la-réponse-sont-orientés-vers-des-conclusions-opposées.-L’ajout-du-connecteur pero entre sí et va muy despacio -lèverait-l’ambiguïté.-En-outre,-le-marqueursí en emploi absolu-n’exprime-jamais-le-désaccord.- 4 a nscomBre 2018 attribue à ce que une-valeur-médiative-qui-permet-au-locuteur-de-présenter-sonénoncé-comme-ayant-été-déjà-considéré,-plus-ou-moins-explicitement,-dans-le-discours-antérieur.- Autrement dit, en disant sí que p , le locuteur présente p comme déjà asserté précédemment. 185 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) sa-posture.-C’est-la-répétition-emphatique-de-la-réponse-qui-marque-le-désaccord-demanière-univoque 5 . Le-français-contemporain-présente,-en-revanche,-le-système-à-trois-marqueursoui/ non/ si 6 -qui-permet-de-lever-l’ambigüité-de-l’espagnol-dans-la-réponse-positive-à-uneinterronégative. [3] a --Est-ce-que-tu-viendras-au-congrès? b - Oui . =je viendrai b’ - Non . =je ne viendrai pas [4] a --Est-ce-que-tu-ne-viendras-pas-au-congrès? 7 b - Si. [réfute je ne viendrai pas ] c - Non, je n’y vais pas parce que j’ai cours [confirme je ne viendrai pas ] c’ - Non, finalement je viens parce que j’ai annulé mon cours [réfute je ne viendrai pas ] Dans-l’enchaînement-sur-des-énoncés-positifs,-les-marqueursoui et non sont réservés respectivement-à-l’expression-de-l’accord-et-du-désaccord.-En-[3],oui -équivaut-à-«jeviendrai» et non , à «je ne viendrai pas». En français, la réponse si marque-toujoursla contradiction positive (P lantin 1982, k erBrat -o recchioni 2001). En [4b], si équivautà-«je-viendrai».-Le-locuteur-n’est-nullement-obligé-d’expliciter-par-un-quelconquemoyen-son-attitude---quoique,-pour-des-raisons-de-politesse-il-devrait-le-faire--; si suffit-à-marquer-le-désaccord.-Mais,-de-même-qu’en-espagnol , dans-l’enchaînementsur un énoncé à polarité négative, non en emploi absolu peut s’interpréter comme une-marque-d’accord-ou-de-désac-cord.-En-[4],-le-locuteur-doit-préciser-par-un-autremoyen si la réponse non confirme-le-pointde-vue-négatif-«je-ne-viendrai-pas»enmarquant-donc-l’accord-[4c],-ou-si,-au-contraire,-elle-le-réfute-en-marquant-le-désaccord [4c’]. 5- L’exemple-suivant-est-tiré-d’une-interaction-réelle: - Yo nací en Lima. - Ya. ¿Y no ha salido nunca? , ¿o sí? - No. Sí he salido alguna que otra vez. (CREA,-entrevista-LI-12.-Hombre-de-59-años.-Diplomático,-Perú) Les interronégatives créent souvent des problèmes dans la conversation. D’où la nécessité du locuteur-2-d’expliciter-toujours-sa-réponse. 6 Dans s aiz -s ánchez -à-paraître-nous-expliquons-que,-en-réalité,-il-ne-s’agit-pas-d’un-système-ternairemais-d’un-système-double-composé-des-binômes-de-marqueursoui / non et si / non .-Chaque-binômeaunfonctionnementsémantico-pragmatiqueparticulierquel’onpeuttracerdepuislefrançaismédiéval. 7- Bien-que-l’interrogation-par-intonationtu ne viendras pas au congrès? soit plus naturelle, à l’instar de a nscomBre / d ucrot 1983, nous conservons l’interrogation avec est-ce que -qui-permet-de-présenter-une-question-comme-non-orientée. Marta Saiz-Sánchez 186 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 Le-fonctionnement-canonique-deoui/ non/ si et de sí/ no 8 met en évidence des similitudes-et-des-différences-entre-les-systèmes-de-marqueurs-d’accord-et-de-désaccorddufrançaisetdel’espagnolcontemporains.- Ladifférenceprincipaleconcernelavaleur-pragmatique-desi/ sí .-Bien-que-dans-les-deux-langues-le-marqueursi/ sí soit issu de l’adverbe latin sīc ,aujourd’huienfrançaisilmarqueuniquementledésaccordalors-qu’en-espagnol-il-ne-marque-que-l’accord.-En-français-médiéval,si était toujours suivi des verbes faire , estre ou avoir ( si fait , sy suis , si avions ...) et, en espagnol médiéval, il pouvait être suivi ou non 9 du verbe de l’énoncé repris (un verbe écho) ou de fazer ( sí faze , sy digo , si tuvo ...).-Ces-expressions-de-typesi fait et sí faze , à l’origine desmarqueurssi/ sí contemporains,ex-primaientdanslesdeuxlanguesaussibienl’accordqueledésaccord.- L’étudedufonc-tionnementsémantico-pragmatiquedesmarqueurs-du-Moyen-Âge-nous-permettra-d’expliquer-la-dissymétrie-actuelle. Pour-ce-faire,-nous-présenterons-d’abord-le-système-d’expressions-de-typesi/ non + verbe 10 -en-français-et-en-espagnol-médiéval-dont-font-partie-les-marqueurssi fait et sí faze .-Ensuite,-nous-nous-intéresserons-au-fonctionnement-morphosyntaxique-etsémantico-prag-matique-uniquement-des-marqueurs-construits-avecsi . Nous étudierons les emplois communs à si fait et sí faze -ainsi-que-les-différences-dans-leur-distribution-selon-le-type-d’énoncé-sur-lequel-ils-enchaînent.-Finalement,-nous-reviendronssurlalanguecontemporainepourmontrerquelesusagesanciensexistenttoujours,-sous-une-forme-quelque-peu-différente,-ce-qui-justifie-les-divergences-pragmatiques-desi/ sí en français et en espagnol. La période médiévale sera abordée dans son ensemble. Généralement, on considère-que-le-français-médiéval-s’étend-de-842-à-1550-et,-l’espagnol-médiéval,-de-1140à-1492.-Le-corpus-sur-lequel-se-base-cette-étude-comporte-215-occurrences-des-marqueurssi -+-verbe-du-français-médiéval-et-103-des-équivalents-de-l’espagnol-médiéval.- Le corpus a été construit à l’aide de Frantext et la Base de Français Médiéval pour le français, et du Corpus Diacrónico del Español pour l’espagnol. Ont été également ajoutées les occurrences relevées dans nos lectures personnelles. 8- Les-corpus-d’interactions-orales-spontanées-montrent-néanmoins-que-cette-description-ne--s’appliquepas-à-tous-les-enchaînements.-Consulter,-par-exemple,-k erBrat -o recchioni 2001, 2016. 9- Dès-les-plus-anciens-textes-de-l’espagnol,-l’adverbesí -en-emploi-absolu-servait-à-marquer-l’accordenréponseàunequestionnonorientéeouàuneassertion- (s aiz -s ánchez àparaître): E-preguntaron-le: -¿Puede-ome-fazer-sienpre-bien? -E-dixo: - Sí , ca fazer bien es gradescer a dios, ... [ Ils lui demandèrent: Un homme peut-il toujours faire le bien? Et il répondit: Oui, car faire le bien c’est plaire à Dieu] ( Bocados de Oro , av. 1250, p. 95) 10 Dorénavant, la formule si +-verbe-désignera-d’une-façon-générique-les-expressions-de-typesi fait , sy suis , si avions -du-français-médiéval-et-les-expressions-de-typesí faze , sy digo , si tuvo de l’espagnol-médié-val.-La-formule-pour-chacune-des-langues-sera-précisée-par-la-suite-afin-de-refléter-leursspécificités-morphosyntaxiques-et-pragmatiques. 187 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 2. Les expressions de type si/ non + verbe en français et en espagnol médiéval Pendant-la-période-médiévale,-les-expressions-de-typesi ferai je , non est , si avait ou non ferons , du français et celles de type sí faré , non es , sy quiero ou no fazes , de l’espagnol-marquent-l’accord-ou-le-désaccord-avec-un-énoncé-antérieur,-qui-peut-êtreassertif, interrogatif ou injonctif (s aiz -s ánchez -2016a,-à-paraître).-Indépendammentdes-variantes-mor-phologiques-ou-graphiques,-toutes-ces-expressions-font-partie-d’unsystème-de-marqueurs-qui-présentent-un-schémasi/ non + verbe, où aucun élément nes’intercaleentrel’adverbeetleverbe.- Lesexemples- [5]à- [12]illustrentdiversemplois-de-ces-marqueurs-en-français-et-en-espagnol-médiéval. [5] Et-vous,-Merlin,-qui-savés-que-on-doit-faire,je vous pri que vous m’en consilliés . - Ciertes, fait Merlin, si ferai je .-Et-ceste-maniere-je-vous-ensegnerai-ore-si-que-elle-sera-tenue-toutvostre vivant. [ Et vous, Merlin,-…, je vous prie que vous me conseilliez. -Assurément, fait Merlin, je le ferai. 11 ] ( Suite du roman de Merlin , 1230-1235, p. 29) [6] Y-ellas-estando-en-esto,-llegó-un-escudero-a-la-Infanta-&-díxole: ---Señora,dadme albricias . - Sí haré ---dixo-la-Infanta--,-si-buenas-nuevas-me-dixerdes.- [ Et pendant ce temps, un écuyer s’approcha de l’Infante et lui dit: - Madame, accordez-moi un présent. - Je le ferai volontiers, si vous me donnez de bonnes nouvelles. ] ( Libro del cavallero Cifar , 1300-1305, fol. 77v°) [7] Lunete seule le convoie Et [Yvain] li prie tote voie Que-ja-par-line soit seü Quel-chanpion-ele-ot-eü.- «Sire, fet ele, non iert il .» [ Lunete seule l’accompagne et Yvain la prie,- …, qu’on ne sache jamais par sa bouche l’identité de son champion. «Seigneur, dit-elle, il n’en sera pas ainsi» ] (c hrétien de t royes , Chevalier au Lion ou Yvain , ca. 1177-1181, v. 4631-35) [8] Dyxeron: -«...-Myre-vuestra-señoría-queno les dyga nada hasta que estemos todos juntos .» « No dyré ,-a-fe-de-quien-soy,-y-mañana-byen-tenprano-yos-los-dos-aquella-ermyta-...» [ Ils dirent: «… Dame, gardez-vous de dire quoi que ce soit jusqu’à ce que nous soyons ensemble.» «Je ne dirai rien, par ma foi, et demain de bonne heure partez tous les deux dans cet ermitage-…» ] ( Cuento muy fermoso de Otas de Roma , ca. 1300-1325, p. 577) 11- Sauf-mention-contraire,-c’est-nous-qui-traduisons. Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) Marta Saiz-Sánchez 188 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 Dans-ces-quatre-exemples,-le-locuteur-2-marque-l’accord-avec-une-injonction-du-locuteur 1. En [5] et en [6], si ferai je et sí haré marquentl’accordpositifavecuneprière, je vous pri que vous m’en consilliés , et un ordre, dadme albricias . En [7] et en [8], non iert il et no dyré -marquent-l’accord-négatif-avec-une-défense.-En-[7],-l’injonction négative est rapportée au style indirect [Yvain] li prie tote voie que ja par li ne soit seü quel chanpion ele ot eü et, en [8], au style direct no les dyga nada hasta que estemos todos juntos . Dans-les-exemples-[9]-à-[12],-le-locuteur-s’oppose-au-discours-de-l’allocutaire: [9] «-Mademoiselle,-...-[j]e-ne-sçay-qui-vous-meut,-carje ne vous ay pas fait desloyauté ,-queje sache. - Si avez ,-dist-elle,-et-la-plus-grande-que-jamais-homme-fist-a-femme.»- [ «Mademoiselle,-… je ne sais ce qui vous pousse, car, que je sache, je n’ai jamais commis de déloyauté à votre égard. - Si, dit-elle, si, et la plus grande que jamais un homme commit à l’égard d’une femme.» (trad. R. d uBuis )] ( Cent Nouvelles nouvelles , XXXI e Nouvelle, 1456-1467, p. 212) [10] E-el-hermano-pregunto-que-quien-era.-E-el-rrespondio-que-Johan-su-hermano.- E-el-dixo: --- Tu non eres Johan , ca Johan fecho es angel. E-el-dixo-quesi era -e-que-pecara.- [ Et le frère demanda qui il était. Et il répondit que Jean, son frère. Et il dit: - Ce n’est pas toi, Jean, car Jean est devenu un ange. Et il lui dit que si, que c’était bien lui ] (s ánchez de V ercial , Libro de los exemplos , ca. 1400-1421, p. 333) [11] Il jure Diu nel recevra, car ains de li, s’il puet, morra. Et-Blanceflor-adont-souspire de-çou-que-ele-li-ot-dire.- Encor-li-dist-qu’ il le prendra , et-cil-li-dist-quenon fera . [ Il jure devant Dieu qu’il ne le reprendra pas, car s’il le peut, il mourra avant elles. Alors, en l’entendant parler ainsi, Blanchefleur soupire. Elle lui répète que c’est lui qui doit le porter, et Flore lui répond qu’il n’en fera rien. (trad. R. d’o rBigny )] ( Floire et Blancheflor , ca. 1150-1160, v. 2821-26) [12] Amadís-acordó-de-su-pensar-a-tal-hora-que-el-sol-se-quería-poner,-y-levantándose-diodel-pie-a-Gandalín-y-dixo: - -¿ Duermes o-qué-fases? - No duermo ---dixo-él--,-mas-estoy-pensando-en-dos-cosas-que-a-vos-atañen.- [ - Vous dormez ou que faites-vous? - Je ne dors pas - dit-il -, mais je pense à deux choses qui vous concernent. ] (g arci r odríguez de m ontalVo , Amadís de Gaula , I, 1482-1492, p. 702) En [9] et en [10], si avez et si era réfutent, respectivement, les assertions négatives je ne vous ay pas fait desloyauté et tu non eres Johan . En [11] et en [12], non fera et 189 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 no duermo réfutent, respectivement, l’assertion positive il le prendra et l’assertion «duermes», préalable à l’interrogation ¿duermes o qué? Les-expressions-de-typesi + verbe et non + verbe constituent, aussi bien en français qu’enespagnolmédiéval,dessystèmeslinguistiquesquimarquentl’accordetledésaccordentrelocuteurs.-Lesexpressionsavecsi et celles avec non présentent le même-fonction-nement-morphosyntaxique.-Afin-de-comprendre-les-valeurs-pragmatiques-différentes-desi et de sí dans la langue actuelle, dans la suite de ce travail, nous étudierons-uniquement-les-marqueurs-positifs-de-typesi + verbe. 3. Le fonctionnement morphosyntaxique de si + verbe en français et en espagnol médiéval Deux-aspects-sont-à-souligner-dans-la-morphosyntaxe-des-marqueurssi + verbe: le type-de-verbe-avec-lequel-peut-se-construire-le-marqueur,-et,-ensuite,-l’expression-oul’omission du sujet pronominal postposé. Quoique-le-schéma-de-base-de-ces-expressions-soit-le-même-en-français-et-en-espagnol médiéval ( si +verbe),lechoixduverbeestcontraintd’unemanièredifférente. En français, seuls les verbes substituts (V-subs) faire , estre et avoir ,-et-exceptionnellement-certains-verbes-modaux,-rentrent-dans-cette-construction-(s aiz -s ánchez 2016a). Estre et avoir -se-reprennent-eux-mêmes-lorsqu’ils-apparaissent-dans-l’énoncéprécédant-en-tant-qu’auxi-liaires-ou-dans-leur-emploi-premier.-En-[9],si avez -marquaitl’opposition à je ne vous ay fait desloyauté , où avoir -est-employé-comme-auxiliairedans la forme de passé composé du verbe faire . En revanche, dans la réponse si estes de [13], le verbe estre reprend les mêmes verbes des assertions négatives ne sui si prous, ne sui si haus , employés avec leur sens plein: [13] - Signor, je vail a ce trop poi qu’ele-ait-essaucement-par-moi; ne sui si prous, ne sui si haus que-jou-en-soie-senescaus.- - Par certes, sire ciers, si estes . [- Seigneur, je ne suis pas de taille à le lui rendre. Ni ma valeur, ni mon rang ne me font digne d’en être le sénéchal. - Ne dites pas cela, cher seigneur, si, vous l’êtes. (trad. j.-c. d elclos / m. Q uereuil remaniée )] (g autier d ’a rras , Ille et Galéron , 1176-1184, v. 2449-53) Pour le reste des verbes, c’est faire -quiapparaît-dans-la-réponseavecsa-valeur-deverbe substitut 12 . En [5], le verbe faire dumarqueursi ferai je renvoie au verbe 12 Le fonctionnement substitut du verbe faire -dans-ce-type-d’expressions-correspond-à-celui-desauxiliary verbs décrit par m iller 1997. Ici, faire est intransitif et n’admet donc aucun complément. En Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) Marta Saiz-Sánchez 190 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 conseiller dans je vous pri que vous m’en consilliés .-Les-marques-de-personne,-de-tempset de mode du verbe de l’énoncé repris sont conservées dans la réponse, en prenant en-compte-les-changements-déictiques-qui-concernent-l’alternance-des-locuteurs.- Pour-l’espagnol,-le-choix-du-verbe-dans-la-structuresi + verbe est plus large, mais égale-ment-contraint.-Soit-c’est-le-même-verbe-de-l’énoncé-sur-lequel-se-fait-l’enchaînement, c’est-à-dire un verbe-écho (V-écho), soit c’est le verbe fazer avecunrôlesubstitut analogue à celui de faire en français médiéval. Dans notre corpus de l’espagnol médiéval, 89 des 103 des occurrences de si + verbe (86 %) sont construites avec un V-écho et seulement 14 avec fazer (14-%).-Les-exemples-[10]-et-[6]-illustraientces-deux-cas-de-figure.-En-[10],-dans-la-réponsesi era , le verbe fait écho au verbe ser de l’assertion tu non eres Johan . En [6], le verbe haré -du-marqueursí haré reprend la forme impérative du verbe dar dans l’ordre dadme albricias . Les changements dans le temps, le mode et la personne entre le verbe de l’énoncé repris et celui de la réponse-sont-sujets,-comme-en-français,-aux-normes-de-l’interaction.-Contrairementau français, l’emploi d’un V-écho ou de fazer ne repose pas sur des critères morphosyntaxiques,maissurdescritèrespragmatiques.- Commeonleverraplusloin,lelocuteur emploiera de préférence sí + V-écho ou sí + fazer selon le type d’énoncé repris-et-selon-la-valeur-confirmative-ou-réfutative-de-la-réponse. Encequiconcernelestatutsémantiquedesverbesfaire et fazer , aussi bien en français-qu’en-espagnol-médiéval,-cesont-des-verbessubstituts-intransitifs-qui-reprennent le sémantisme du verbe de l’énoncé antérieur et dont ils portent les traits morphosyntaxiques.- Ilnes’agitpasd’unverbehypéronymique- (F ournier / F uchs 1999),-synonyme-de- ‘agir’.-Dans-les-exemples-[14]-et-[15],-les-expressionssí[,] [lo] haré et si feroiz -enchaînent-sur-des-assertions-qui-comportent-le-verbetrouver - en espagnol, fallar -,-que-l’on-qualifierait-difficilement-d’agentif 13 . revanche, dans les constructions de type (ne) + le + faire , le fonctionnement de faire correspond à celui des main verbs de m iller - 1997: c’estunverbetransitifavecunechargesémantiquefaible,employécommeéquivalentde- ‘agir’.- F ournier / F uchs - 1999qualifientd’hypéronymiquecemêmeemploi de faire -dans-les-expressionscomme le + faire à partir du XIX e siècle. 13- Cette-remarque-est-fondée-sur-la-même-opposition-sémantique-que-celle-qui-existe-entreregarder et voir : alorsqueregarder est un verbe agentif, voir estunverbed’expérience.-Avecchercher , le sujet réalise l’action, c’est un verbe agentif. En revanche, le sujet de trouver ne participe pas de façonactiveàl’accomplissementdel’action.- Danslepremierénoncédel’exemplequisuit,leverbe fazer est construit de façon pronominale avec le pronom se ,-alors-que,-dans-la-réponse,fazer est employé comme verbe substitut sans aucun complément: E-dixo-nuestro-Señor-Dios: --«¿E-cómo? -¿En-la-tierra-nonse fará -esta-alegría-e-fiesta? -Por-çierto,sí fará ». [ Et Dieu notre Seigneur dit: -«Et comment? On ne fera pas cette fête sur la terre? Si, par foi, on la fera». ] (s an V icente F errer , Sermones , 1411-1412, p. 522) 191 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 [14] --«Senyor,-dixo,-Gozimás,amigo-dulçe,-¿tú-qué-farás? -... Mas a ese logar certero on me fallaste primero hí me fallarás ». « Sí[,] [lo] haré, diz Gozimás; ...». [ - «Seigneur, dit-il, Gozimas, cher ami, que feras-tu? -… Dans cet endroit précis où tu m’as trouvé la première fois tu m’y trouveras». «Qu’ainsi soit-il, dit Gozimas; -…» ] ( Vida de Santa María Egipcíaca , ca. 1215, p. 101) [15] --Einz-tel-mançonge-ne-deïs,- Qu’il-ne-me-porroit-si-boen-randre.- - Meillor, se vos le volez prandre, Vos randra il, sel proverai. - Fui! Teis! Ja tel ne troverai . - Si feroiz , dame, s’il vos siet. [ - Quel mensonge à nul autre pareil! Un aussi bon époux n’existe pas! - Il vous en donnera un meilleur, si vous l’acceptez! Je peux vous le prouver! - Va-t’en! Tais-toi! Jamais je ne trouverai un meilleur [époux]! - Si, madame, si vous y consentez . (trad. P. W alter remaniée)] (c hrétien de t royes , Chevalier au Lion ou Yvain , ca. 1177-1181, v.1610-15) En [14], sí haré -confirme-l’assertionhí me fallarás et, en [15], si feroiz -marque-l’opposition à l’assertion ja tel ne troverai .-Signalons-qu’en-[14]-le-pronomlo et la virgule après si ont été introduits a posteriori parl’éditeurpouraccommoderlasyntaxemédiévale de fazer -verbe-substitut-à-la-syntaxe-actuelle-du-verbehacer -qui-ne-présente plus cet emploi (r odríguez m olina - 2014: - 879).- Lesexpressionssi + verbe du français et de l’espagnol médiéval ne comportent pas de pronom complément pour anaphoriser l’énoncé repris (r odríguez m olina 2014, s aiz -s ánchez 2019). Dans ce type-de-marqueurs,-les-V-subs-du-français-et-de-l’espagnol,-ainsi-que-les-V-écho,-ontun fonctionnement intransitif et ne nécessitent aucun autre élément pour renvoyer au discours antérieur. Ledeuxièmeaspectimportantdelamorphosyntaxedesmarqueurssi + verbe concernel’expressiondusujet.- Enespagnol,laquestionneseposepaspuisque,normalement,lesujetnes’exprimepasetsonapparitionnecontraindraitpaslavaleur-d’accord-ou-de-désaccord-du-marqueur.-En-revanche,-pour-le-français,-la-présence ou l’absence du sujet, toujours pronominal (Sp), dépend de la valeur pragmatique-de-la-réponse-(s aiz -s ánchez -2016).-Lorsqu’elle-marque-l’accord-le-Sp-est-exprimé postposé au verbe ( si + V-subs + Sp), comme c’était le cas en [5] avec si ferai je . Lorsque-la-réponse-marque-le-désaccord,-le-sujet-est-omis-( si + V-subs), comme nous l’avons vu en [9] avec si avez , en [13] avec si estes et en [15] avec si feroiz . Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) Marta Saiz-Sánchez 192 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 4. Le fonctionnement sémantico-pragmatique de si + verbe en français et en espagnol médiéval Auniveaupragmatique,lesstructuressi +verbemarquentdanslesdeuxlanguesaussibienl’accordqueledésaccord.- Lesexpressionsdetypesi + V-subs (+Sp) du français et sí + V-écho/ fazer -de-l’espagnol-apparaissent-dans-deux-types-de-contextesavec des fonctions analogues. Le tableau 1 montre la distribution des occurrences du corpus-du-français-et-de-l’espagnol-médiéval-selon-si-l’expressionsi + verbe est un marqueur-d’accord-ou-de-désaccord-et-selon-le-type-d’énoncé-sur-lequel-elle-enchaîne- (injonctif, ou bien assertif ou interrogatif). Enchaînement-sur: - Français médiéval si + V-subs Espagnol médiéval sí + V-écho/ fazer Accord Désaccord Accord Désaccord injonction 87 (85 %) 15 (15 %) 19 (100 %) 0 assertion ou interrogation 0 113 (100 %) 11 (13 %) 73 (87 %) Total 87 (40 %) 128 (60 %) 30 (29 %) 73 (71 %) Tableau 1 La structure si - +verbepeutenchaînersoitsuruneinjonctionaveclaquelleellemarqueessentiellementl’accord- -- 85-%desoccurrencesdufrançaiset- 100-%desoccurrences-de-l’espagnol--; -soit-sur-un-contenu-sémantique,-asserté-de-façon-plusou-moins-explicite,-d’un-énoncé-assertif-ou-interrogatif-pour-marquer-très-majoritairement le désaccord - 100 % des occurrences du français et 87 % des occurrences de l’espagnol--.-Le-premier-type-d’enchaî-ne-ments-sera-abordé-dans-la-partie-4.1-et,-ledeuxième,-dans-la-partie-4.2. 4.1 L’enchaînement de si + verbe sur les injonctions Dansl’enchaînementsuruneinjonction,si + V-subs et sí + V-écho/ fazer sont des mar-queurs-d’accord.-Nous-avons-déjà-vu-un-exemple-pour-le-français-en-[5],-oùsi ferai je servait à accepter une prière rapportée au discours indirect: [Yvain] li prie tote voie que ja par li ne soit seü quel chanpion ele ot eü .-En-[16],-l’expressionsi feroit il ,rapportéedansundiscoursindirect,marquel’acceptationduroid’Angleterre- Henri-II-d’accomplir-la-re-quête-de-son-fils-Henri-au-Cort-Mantel-d’obliger-le-roi-de- France-Philippe-Auguste-à-lui-envoyer-la-sœur-de-ce-dernier. 193 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 [16] [ Henri au Cort Mantel ] requist a son pere qu’il mandast au roi Phelipe qu’il li envoiast sa sereur pour lui , et il la penroit a fame et seroit roine d’Aingleterre ... Li rois respondi que si feroit il mout volentiers , et i envoia ses letres et dis chevaliers prodomes et sages. [ Henri Court Mantel demanda à son père d’ordonner au roi Philippe de lui envoyer la sœur de celui-ci. Ainsi, il l’épouserait et elle serait reine d’Angleterre-… Le roi répondit qu’il le ferait volontiers,-… ] ( Récit d’un ménestrel de Reims , prob. 1260, fol. 3r°) Danscetyped’enchaînements,lesstructuressi + V-subs du français médiéval marquentessentiellementl’accord- (87occurrencessur- 102,soit- 85-%),maisellespeuvent-marquer-aussi-le-désaccord-(15-occurrences,-soit-15-%): [17] Si-vous-prie-et-requier,- ...,-que-vous-me-laissez-aller-veoirs’elle-dort-ou-qu’elle-fait.--- Nostre Dame, tu ne retournerois pas , dit monseigneur. - Si feray , par mon serment, dit elle, trestout tantost. [ Aussi, je vous adresse une prière: -…, laissez-moi aller voir si elle dort ou ce qu’elle fait. - Hé! hé! par Notre-Dame, et tu ne reviendrais pas , dit monseigneur. - Si, je reviendrai, je vous le jure, répondit-elle, et dans la minute qui suit. (trad. R. d uBuis )] ( Cent Nouvelles nouvelles , XVII e Nouvelle, 1456-1467, p. 118) L’expressionsi feray -enchaîne-sur-l’injonction-négativetu ne retournerois pas dont elle-inverse-la-polarité-pour-marquer-le-désaccord.- Enespagnolmédiéval,aprèsuneinjonction,lesexpressionssí + V-écho/ fazer marquent-uniquement-l’accord,-du-moins-dans-notre-corpus 14 .-En-[6],-le-marqueursí haré servait à accepter l’ordre dadme albricias .-L’exemple-[18]-illustre-aussi-le-cas-desí +-V-écho-où-le-marqueursí diré -exprime-l’acceptation-de-l’ordredezirme hedes por quál razón truxistes tantos paños hechos & adobados : [18] E-la-reina-fue-mucho-maravillada-quál-fuera-la-razón-por-que-traxera-tantos-paños-hechos.-E-dixo-a-la-dueña: - - Dezirme hedes por quál razón truxistes tantos paños hechos & adobados . --Señora---dixo-ella--,sí diré . [ … -Vous devez me dire quelle est la raison pour laquelle vous avez apporté autant de tissus aussi jolis et ornés. - Dame - dit-elle -, je vous le dirai. ] ( Libro del cavallero Cifar , 1300-1305, fol. 20r°) 14- Dans-nos-recherches-sur-l’espagnol-médiéval,-nous-avons-constaté-que,-suite-à-une-injonction,-lastructure négative no(n) + V-écho/ fazer (complémentaire de si + V-écho/ fazer )-marque-l’accord-etledésaccorddansdesproportionssimilaires.- Étantdonnéqu’enfrançaismédiévalsi + V-subs (+Sp)-ainsi-que-l’équivalent-négatifnon +-V-subs-(+Sp)-peuvent-marquer-l’accord-et-le-désaccord,il-semblerait-logique-de-penser-quesí + V-écho/ fazer puisse le faire aussi. Cette hypothèse reste à confirmer-par-une-recherche-plus-approfondie. Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) Marta Saiz-Sánchez 194 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 En-[19],-en-revanche,-le-marqueur-est-construit-avecfazer au lieu d’un V-écho 15 : [19] --Señora---dixo-el-cavallero-Cifar--,tomad buen esfuerço y buen consuelo con Dios , ca Él,-que-vos-defendió-hasta-el-día-de-oy-&-vos-fizo-mucha-merced,-Él-vos-sacará-del-grancuydado-que-tenéys-a-vuestra-honrra.- --Cavallero-bueno---dixo-ella--,sí faré con vuestro buen esfuerço & con vuestro buen entendimiento. [ - Dame - dit le chevalier Cifar -, prenez courage et consolez-vous auprès de Dieu, car Lui seul-… vous aidera à réparer votre honneur. Bon chevalier - dit-elle -, je le ferai avec votre bon soutien et votre bonne compréhension. ] ( Libro del cavallero Cifar , 1300-1305, fol. 12v°) La réponse sí faré -marque-l’accord-avec-l’ordretomad buen esfuerço y buen consuelo con Dios .-La-différence-entre-les-structuressí + V-écho et sí + fazer -est-que-la-premièreen-chaîneuniquementsurdesénoncésinjonctifs,alorsqueladeuxièmeenchaîneaussisurdesénoncésd’uneautremodalité- -parexempleassertive- -quiaccomplissent de manière indirecte un acte de langage directif: [20] El-de-las-damas-le-dexó-dezyr,-y-después-le-dyxo: -«Señor-marqués,una merced os quiero pedyr antes que vamos - no me la ha de negar - ...» « Sy haré , cavallero, syn falta.» [ … «Seigneur marquis, je veux vous demander un service avant que nous partions - vous ne pouvez pas me le refuser --….» «Je le ferai, chevalier, assurément.» ] ( Corónica de Adramón , ca. 1492, p. 469) L’énoncé una merced os quiero pedyr antes que vamos -est-de-type-assertif.-Bien-quele-locuteur-n’explique-pas-ce-qu’il-veut-que-l’allocutaire-fasse,-ce-dernier-interprètel’assertion-comme-une-injonction---une-demande,-un-ordre,-une-requête-...-peu-importe-l’étiquette---du-type-«faites-ce-que-je-vais-vous-demander-de-faire».-Le-marqueursy haré ne reprend pas l’assertion précédente, en rapport avec le désir personnel-du-premier-locuteur,-mais-l’injonction-dérivée,-avec-laquelle-le-deuxième-locuteurse montre d’accord. La structure si -+-V-subs-du-français-médiéval-peut,-elle-aussi,-enchaîner-sur-uneinjonc-tion-indirecte.-En-[21],-le-marqueursi ferai jou accepte l’ordre indirecte «rentrez sans plus rien faire», sous-jacente à l’assertion je voel que vous vous en repairiés sans plus faire . 15- Ilexistedeuxmanuscritsdatésen- 1512delaversionde- Sévilledu- Libro del cavallero Cifar . Le passage-de-l’exemple-[19]-appartient-au-ms.-Espagnol-36,-conservé-à-la- Bibliothèque Nationale de France. Dans le ms. 11309, conservé à la Bibliothèque Nationale d’Espagne , édité par C. g onzález 1983,-le-marqueursí faré disparaît-au-profit-de-l’énoncé-hypothétiquesi fuera con el vuestro buen esfuerço e con vuestro entendimiento . 195 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 [21] Et li rois li dist: « Je voel que ... que vous vous en repairiés sans plus faire , soit a pié ou a cheval.»-Et-cil-dist: -«Sire,-puis-qu’il-vous-plaist,si ferai jou a men pooir.» Lors fait venir ses-armes-et-dist-qu’il-ne-demorra-plus-qu’il-n’aille-veoir-le-chevalier.- [ Et le roi lui dit: «Je veux que-… vous rentriez sans plus rien faire, soit à pied, soit à cheval.» Et celui-ci dit: «Sire, puisque vous le voulez, je le ferai comme je pourrai.»-… ] ( Suite du roman de Merlin , prob. 1230-1235, p. 33) Pour-revenir-aux-différences-entre-les-structures-de-l’espagnol-médiéval sí + fazer et sí -+-V-écho,-le-tableau-2-met-en-évidence-les-divergences-quant-au-type-d’énoncé-surlequel-elles-enchaînent. Enchaînement-sur: Sí + V-écho Sí + fazer Accord Désaccord Accord Désaccord injonction 9 (100 %) 0 10 (100 %) 0 assertion ou interrogation 10 (12 %) 70 (88 %) 1 (25 %) 3 (75 %) Total 19 (21 %) 70 (79 %) 11 (79 %) 3 (21 %) Tableau 2 L’emploi principal de sí + fazer est-celui-de-marquer-l’accord-avec-un-énoncé-injonctif-(10-occurrences-sur-14,-soit-72-%),-alors-que-celui-desí -+-V-écho-est-de-marquer-ledésaccord-avec-un-contenu-sémantique-plus-ou-moins-implicite-d’une-assertion-oud’une interrogation (70 occurrences sur 89, soit 79 %). Ce dernier usage correspond au-deuxième-emploi-des-expressionssi + verbe du français et de l’espagnol. 4.2 L’enchaînement de si + verbe sur les assertions et les interrogations Comme-le-montrait-le-tableau-1,-le-marqueursi + V-subs du français médiéval enchaîne-dans-un-peu-plus-de-la-moitié-des-occurrences-(113-sur-215,-soit-53-%)-sur-uncontenu-sémantique---explicite-ou-implicite---d’une-assertion-ou-d’une-interrogationauquel-ils’oppose.-C’est-la-valeur-principale-du-marqueur si + V-subs. Il en est de même pour sí +-V-écho-en-espagnol,-qui-connaît-une-plus-grande-proportion-dansnotre corpus (70 occurrences sur 89, soit 79 %). En revanche, comme le montrait le tableau 2, sí + fazer -est-peu-fréquent-dans-l’enchaînement-réfutatif-sur-une-assertion- (3 occurrences sur 14, soit 21 %). Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) Marta Saiz-Sánchez 196 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 Les-expressionssi +-verbe-des-deux-langues-ont-le-même-fonctionnement-vis-à-visdiffé-rentstypesdecontenussémantiquesdelastructuredesurfaceouprofonde 16 des-assertions-et-des-interrogations.-Le-cas-le-plus-simple-est-l’enchaînement-sur-uneassertion-négative.-Par-exemple,-en-[10],-le-marqueursi era réfutait l’assertion négative tu non eres Johan , point de vue négatif présenté à la surface de celle-ci. Le même-schéma-se-retrouve-en-français.-En-[22],-le-marqueur-positifsi fu s’oppose à l’assertion négative il n’y fu mie . [22] --«Et-veïstes-vos-Lancelot-vostre-cousin? ---Dame,-nenil,-caril n’i fu mie . - Par mon chief,-fet-la-reïne,si fu. - Dame, fet il, sauve vostre grace, non fu ...» [ - «Avez-vous donc vu Lancelot, votre cousin? - Non, madame, car il n’y était pas. -Je vous le jure sur ma tête, dit la reine, il y était. - Madame, sauf votre respect, il n’y était pas-…» (trad. M. s antucci )] ( Mort le roi Artu , 1230, p. 33) Dans-les-deux-derniers-exemples,-le-contenu-sémantique-réfuté-par-le-locuteur-2-estex-plicite,-mais-ce-n’est-pas-toujours-le-cas.-Dans-les-exemples-[23]-et-[24],-les-marqueurssi a et sí fue enchaînentsurdesinterrogationsàpolariténégativedontilsreprennent-un-point-de-vue-négatif-sous-jacent-qui-correspond-à-l’assertion-préalable: [23] l e chaudronnier . Où-esse-que-je-me-dois-retraire? - Qu’icy? -Voicy-ung-ouvrier.- Hau là, hau! N’y a-il nully ceans? A! si a ,-dea,-en-voicy-deux.- [ N’y a-t-il personne ici? Ah! Si, il y a quelqu’un, voici deux ouvriers. ] ( Recueil de farces (1450-1550) , «Le chaudronnier», p. 105) [24] --Señoras---dixo-el-Infante--,-esta-vuestra-señora,- ¿fue nunca casada? - Sí fue ---dixeron-ellas--,-con-un-emperador-que-la-perdió-por-su-desaventura.- [ - Mesdames - dit l’Infant -, votre dame, n’a-t-elle été jamais mariée? - Si - dirent-elles - à un empereur qui malheureusement la perdit. ] ( Libro del cavallero Cifar , 1300-1305, fol. 87v°) 16 Notre distinction entre structure de surface et structure profonde - ou interne - des énoncés s’appuie sur la théorie de la Polyphonie (a nscomBre 2009, d ucrot 1984, d ucrot et al. 1980) et la théorie de l’Argumentation dans la langue (a nscomBre / d ucrot -1983).-Dans-ce-cadre-théorique,-ilest-possible-d’instancier-dans-la-structure-interne-des-énoncés-des-contenus-sémantiques-non-explicites de natures diverses, comme l’assertion préalable, l’orientation argumentative ou les présupposés.-Ceux-ci-sont-iden-tifiables,-entre-autres,-grâce-aux-suites-discursives-qu’autorise-l’emploide-l’énoncé-dans-un-contexte-donné.-Dans-la-suite-de-ce-travail-nous-verrons-que-les-marqueurssi +-verbe-peuvent-renvoyer-à-ces-contenus-sémantiques-implicites,-ce-qui-permet-de-mettre-ceux-cien évidence. Pour plus détail, voir s aiz -s ánchez 2016a-et-à-paraître. 197 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 En [23], l’interronégative n’y a-il nully ceans? présente l’assertion préalable négative «il-n’y-a-personne-ici».-Le-marqueur si a ,-forcément-réfutatif-puisque-le-sujet-pronominal est omis, s’oppose, non pas à l’interrogation en soi, mais à son assertion préalable.-La-réponse-équivaut-à-«il-y-a-quelqu’un».-Signalons-au-passage-qu’il-s’agit-d’undialogue simulé où les points de vue positif et négatif sont présentés par le même locuteur-mais-par-des-énonciateurs-différents. En [24], l’adverbe nunca confère une polarité négative à l’interrogation ¿fue nunca casada? -De-nouveau,-le-marqueursí fue -s’oppose-à-un-contenu-sémantique-négatif-sous-jacent-à-l’interrogation,-qui-équivaut-à-l’assertion-préalable---et-à-l’orientation argumentative - «la dame n’a jamais été mariée» ( la mujer nunca estuvo casada ). Un-autre-cas-de-figure-concerne-les-énoncés-hypothétiques---ou-conditionnels--,qui,-bien-que-positifs,-présentent-un-point-de-vue-négatif-implicite-vers-lequel-ils-sontorientés argumentativement (a nscomBre / d ucrot -1983).-Le-marqueursi + verbe enchaîne-sur-ce-point-de-vue-négatif-pour-le-réfuter: [25] --«Ha! -las,-dist-Belin,-que-feron? - Tuit somes pris sanz nul retor.» Et dist Renart: «N’aiez paor! Bien vos giterai de cest sueil, Se volez croire mon conseil .» - Si ferons! », ce dist l’arceprestre. [ - « N’ayez pas peur! » dit Renart. « Je saurai bien vous tirer de là, si vous acceptez de suivre mon conseil. » - « Bien sûr! » dit l’archiprêtre. (trad. j. d uFournet / l. h arF -l ancner / m.-t. de m edeiros / j. s uBrenat )] ( Le Roman de Renart , br. IX, 1170-1250, v. 338-343) [26] Él-jelo-gradesció-muy-humildosamente,-y-fuese-a-la-Reina-y-dixo: - --Señora,-bien-sería-que-oviéssemos-aquel-cavallero-en-compañía-del-Rey.- --Cierto---dixo-ella--,-yo-sería-dello-muy-alegresi se puede hazer . - Sí puede ---dixo-él--,-dándome-[v]os,-señora,-licencia-que-lo-busque-y-lo-traya.- [ - Vous avez raison - dit-elle -, je serais très contente si cela peut se faire. - Tout à fait, il est possible de le faire - dit-il -, si vous me donnez, madame, la permission d’aller le chercher et de l’amener ici. ] (r odríguez de m ontalVo , Amadís de Gaula , I, 1482-1492, p. 415) En-[25],-l’énoncé-hypothétiquese volez croire en mon conseil comporte le point de vuenégatif- «vousnecroirezpasmonconseil»,aveclequell’expressionsi ferons marque-le-désaccord.-Il-en-est-de-même-en-[26]: -l’énoncési se puede hazer présente lepointdevuenégatifimplicite- «onnepeutpaslefaire»,auquellemarqueursí puede s’oppose. Lesexemples- [27]et- [28]illustrentl’enchaînementréfutatifdesi + verbe sur d’autres-contenus-sémantiques-implicites: Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) Marta Saiz-Sánchez 198 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 [27] «A! ma dame» dist Saintré, «pour Dieu me soit pardonné, car je ne avoie hardement, ne cuidoie que telles dames daignassent prendre de moy si petit don .» - « Si ferons, » dist la royne,-«ce-que-ne-ferions-pas-de-tous.»- [ «Ah! madame» dit Saintré, «pour Dieu, qu’il me soit pardonné, car je n’avais pas l’audace de le faire et je ne pensais pas que de telles dames daignent porter, venant de moi, une si petite chose.» - «Si, nous le ferons,» dit la reine, «ce que nous ne ferions pas pour tout le monde.» (trad. R. d uBuis remaniée)] (a ntoine de la s ale , Jehan de Saintré , 1456, p. 98) [28] Quando-los-capdiellos-e-los-maestros-de-la-ley-ueyen-las-marauillas-que-fizo,-e-los-moçospor-el-templo-llamando-e-diziendo,-Osanna-al-fi-de-Dauid,-peso-les,-e-dixieron-a-Ihesus: - ¿Oyes lo que dizen estos? -Dixo-el: - Si oyo . [ Les prêtres et les maîtres de la loi virent les merveilles que Jésus venait de faire, et les serviteurs dans le temple qui l’acclamaient et disaient «Hosanna au fils de David». Fâchés, ils demandèrent à Jésus: Entends-tu ce qu’ils disent? Et il répondit: Oui, je l’entends. ] ( El Evangelio de San Mateo , av. 1260, p. 56-57) En [27], l’assertion je ne avoie hardement, ne cuidoie que telles dames daignassent prendre de moy si petit don - de type «je ne pensais pas X» - est orientée argumentativement-vers-la-conclusion-«les-dames-ne-porteront-pas-ce-que-je-leur-ai-donné».- La réponse si ferons -s’oppose-à-cette-conclusion-et-non-pas-à-ce-que-le-premier-locuteur pense, c’est-à-dire l’information véhiculée par l’énoncé assertif de surface. En [29], de par sa nature interrogative, l’énoncé ¿oyes lo que dizen estos? est orienté vers laconclusion- «tun’entendspascequ’ilsdisent»,propositionsurlaquelleportel’interrogation mais de polarité inverse (a nscomBre / d ucrot -1983).-Le-marqueursi oyo s’oppose-à-ce-contenu-séman-tique-négatif-implicite. Le-marqueursi -+-V-subs-du-français-médiéval-et-les-marqueurssí + V-écho et sí + fazer -de-l’espagnol-médiéval-peuvent-tous-enchaîner-sur-des-énoncés-injonctifs,-assertifsouinterrogatifs.- Toutefois,leurdistributionetleurvaleurpragmatiquenesont-pas-toujours-identiques.-Les-tableaux-1-et-2-montraient-que-l’emploi-principaldes structures si + V-subs du français et sí +-V-écho-de-l’espagnol-correspond-à-l’expression-du-désaccord-avec-un-contenu-sémantique-négatif-plus-ou-moins-explicited’une assertion ou d’une interrogation antérieure (113/ 215 occurrences et 70/ 89 occurrences, respectivement, soit 53 % et 79 %). Ce n’est pas le cas de sí + fazer en espagnol,-dont-l’emploi-principal-est-celui-de-marquer-l’accord-avec-une-injonctionpositive-(10/ 14-occurrences,-soit-71-%).-Le-marqueursi +-V-subs-du-français-connaîtaussi-cet-emploi,-qui-est-également-répandu-même-s’il-n’atteint-que-40-%-occurrences- (87/ 215).-En-revanche,-ce-dernier-emploi-est-minoritaire-pour-le-marqueursí + V-écho de l’espagnol (9/ 89 occurrences, soit 10 %). D’un-point-de-vuesémantico-pragmatique,-les-marqueurs-de-typesi + verbe du françaisetdel’espagnolmédiévalpeuventrenvoyeràdescontenussémantiquesimplicites,-sous-jacents-à-des-assertions-et-à-des-interrogations.-À-cette-époque,-lastructure si +verbemarqueaussibienl’accordqueledésaccord,mêmesic’estla- 199 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 contradiction-qui-est-marquée-de-préférence: -dans-60-%-des-cas-en-français-médiévalet-dans-71-%-des-cas-en-espagnol-médiéval.-Ces-chiffres-sont-surprenants-par-rapportà-la-situation-actuelle-dans-laquellesi -en-français-marque-uniquement-le-désaccordet sí -en-espagnol,-uniquement-l’accord. 5. Retour à la langue contemporaine: survie et extinction des marqueurs si/ sí (+ verbe) Sans-rentrer-dans-le-détail-de-l’évolution-jusqu’à-nos-jours-des-marqueurs-d’accordet de désaccord décrits 17 ,nousvoudrionsmontrerquelefrançaisetl’espagnolcontemporains conservent certaines valeurs des structures médiévales si + verbe sous-une-forme-quelque-peu-différente. La-valeur-confirmative-de-la-structuresi +-verbe-n’existe-plus-aujourd’hui.-Pour-lefrançais, l’usage de si +-V-subs-en-tant-que-marqueur-d’accord-avec-une-injonctiondisparaît-vers-le-milieu-du-XVI e siècle (s aiz -s ánchez 2016b). Il en est de même pour sí + fazer ,-structure-analogue-de-l’espagnol-médiéval,-qui-reste-néanmoins-fréquentejusqu’à-la-fin-du-XVII e siècle (R odríguez m olina 2014: 879). Seuls-les-marqueurs-d’oppositionsi + V-subs et sí +V-écho-ont-perduré-jusqu’à-nosjours. En français, la structure si -+-V-subs-se-fige-sous-la-formesi fait -avant-la-fin-du- XVII e siècle et, au cours du XIX e -siècle,-elle-se-réduit-au-marqueur-de-désaccordsi actuel-de-l’exemple-[4b]-(s aiz -s ánchez -2016b).-En-ce-qui-concerne-l’espagnol,-dès-lespremiers-textes,sí en emploi absolu présentait déjà sa valeur actuelle comme marqueur-exclusif-d’accord,-assimilable-à-celle-deoui en français contemporain ou de oïl en français médiéval (s aiz -s ánchez -à-paraître).-Le-V-écho-ne-pouvait-donc-pas-disparaître-sans-engendrer-une-ambigüité.-Aujourd’hui,-les-expressions-réfutatives-detype si + V-écho n’ont pas complètement disparu 18 , et cela s’observe essentiellement dans l’interaction orale spontanée ou dans l’oral représenté, comme en témoignent les-exemples-[29]-à-[31]. 17 Pour le français, nous renvoyons à s aiz -s ánchez 2016a, 2016b et, pour l’espagnol, à r odríguez m olina 2014. 18- Nousconsidérons-uniquement-lesexpressions-oùsí et le verbe sont prononcés de manière conjointe-en-formant-un-marqueur-discursif-(d ostie 2004, d ostie / P usch 2007).-À-l’écrit,-les-deux-éléments-ne-peuvent-être-séparés-par-une-virgule.-Dans-l’exemple-suivant,-la-réponsesí, voy ne correspond-pas-au-marqueursí + verbe de notre étude: sí -apparaît-en-emploi-absolu-etvoy enseguida est une proposition complète où le Sp est élidé. a ntonio .-¿Vienes-al-bar? J esús . Sí, voy enseguida .-Antes-quiero-recoger-unas-cosas. (A. m iralles 1981, Céfiro agreste de olímpicos embates (Come y calla, que es cultura) ) Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) Marta Saiz-Sánchez 200 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 [29] -Total,-que-me-llevé-un-compact-disc-de-siete-mil-doscientas-pelas.- --¿De-verdad? -...-luego-encima-igual no tienes ni compact . - Sí tengo . - Bueno. --Si-tengo-doscientos-veinte-compacts,-¿sabes? -Soy-un-coleccionista.- [ - Bref, j’ai pris un CD de sept mille deux cents pesetas. - C’est vrai? -… et en plus, t’as peut-être même pas de lecteur. - Si, j’en ai. - Bon. - Je t’assure, j’ai deux cents vingt CDs, tu sais? Je suis un collectionneur. ] ( CREA , Centro de enseñanza, conversación entre amigos, Madrid, 18/ 06/ 91) [30] r odrigo . Mira-aquellas-mujeres-muy-blancas-y-altas,-....- ¿No ves como tienen muy largo el cabello? c hanFalla . ¡Sí veo, sí! -¡Y-que-son-muy-membrudas-y-andan-en-cueros! - [ Rodrigo. Tu ne vois pas comment elles ont les cheveux longs? Chanfalla. Oui, je le vois! Et comment elles sont corpulentes et qu’elles marchent nues. ] ( J. s anchis s inisterra 1985, El retablo de Eldorado , p. 104) [31] --Además-ese-sabe-más-que-yo.-Mi-hermano-el-mayor.- - ¿Que que sabe que sabe más? No, hombre , pues si no es cuestión de saber ... --Sí,-no,-pero-es-que-a-ese-le-ha-gustado-estar-metido-en-las-cositas.- Sí sabe, sí . Claro, conocer,-puede-conocer-lo-que-yo.- [ - Il sait qu’il en sait plus? Non, certainement pas, il n’est pas question de savoir-… - Oui, non, mais il a toujours aimé être un peu partout. Si, il en sait des choses. ] ( CREA , Conversación 16, Universidad de Alcalá) En [29], la réponse sí tengo réfute l’assertion no tienes ni compact . Elle fonctionne de la-même-façon-que-les-marqueurssí + V-écho de l’espagnol médiéval. En [30], sí veo réfute l’assertion préalable à l’interronégative «tu ne vois pas comment elles ont les cheveux-longs».-Finalement,-en-[31],-le-segment-de-discours- ¿que que sabe que sabe más? no, hombre est orienté argumentativement vers la conclusion négative «il ne sait-pas»,-à-laquelle-le-marqueursí sabe s’oppose. Danslesexemples- [29]et- [30],aucunpronomcomplémentn’estexprimé- ( sí lo tengo/ sí tengo uno ; sí lo veo ). Ceci est possible dans la mesure où l’objet du segment repris-n’est-pas-un-GN-défini.-En-[31],-le-verbesaber est employé de façon intransitive, lo est donc également inutile. Contrairement à la langue médiévale - cf. les exemples-[20]-et-[26]--,-aujourd’hui,-si-l’objet-de-l’énoncé-repris-est-un-GN-défini,dans la réponse, le V-écho doit être accompagné aussi d’un complément (r odríguez m olina 2014). Dans la réponse sí lo sé -de-l’exemple-[32],lo ne peut être omis: [32] Doctor. - Entonces no sabe qué libro leía su marido en el sueño . Mary. - Sí lo sé . Doctor.---¡Ah! -¿Lo-sabe? - Mary.---Uno-de-los-que-ha-comprado-últimamente.-Un-libro-de-psiquiatría.- 201 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 [ -Alors vous ne savez pas quel livre lisait votre mari dans votre rêve? -Si, je le sais. ] B uero V allejo 1976, La doble historia del doctor Valmy ) D’après r odríguez m olina 2014: 878, les structures sí + Pro + V-écho ne sont attestées qu’àpartirdu- XVI e siècleetellesnesontproductivesqu’àpartirdu- XVIII e siècle, période-au-cours-de-laquellesí +-V-écho-sans-le-clitique-disparaît,-pour-le-moins-dela langue écrite standard. Le-marqueur-de-désaccordsi +-verbe-de-la-langue-médiévale-existe-encore-de-nosjours: en français, sous la forme réfutative si en emploi absolu, et en espagnol, sous la forme sí + (Pro) + V-écho. 6. Conclusion Laréductiondusystèmede-marqueursd’accordetdedésaccorddufrançaisetdel’espa-gnol-contemporain-à-des-particules-uniquesoui/ non/ si et sí/ no empêche de voir un-système-qui-connaît-toujours-des-usages-anciens,-notamment-en-ce-qui-concernesi/ sí .-Au-Moyen-Âge,-les-marqueurs-de-typesi/ sí + verbe du français et de l’espagnol connaissaient-un-fonctionnement-pragmatique-assimilable-bien-que,-d’un-point-devue-morphologique,-il-y-eût-des-différences.-En-français-médiéval,-la-structuresi + V-subs-marquait-principalement-le-désaccord-avec-un-contenu-sémantique-négatifd’une assertion ou d’une interrogation. Il en était de même pour la structure sí + V-écho-de-l’espagnol-médiéval.-En-revanche,-le-rôle-principal-de-la-structuresí + fazer de-l’espagnol-s’employait-majoritairement-en-tant-que-marqueur-d’accord-suite-à-uneinjonction positive, emploi connu aussi de la structure française suivie d’un sujet pronominal.- Aujourd’hui,enfrançais,le- V-subsn’apparaîtplusetsi s’emploie de façonabsoluepourmarqueruniquementledésaccord.- Enespagnol,cettemêmevaleur-réfutative-se-retrouve-dans-les-expressions-de-typesí + (Pro) + V-écho. Bibliographie Bases textuelles et corpus Base de français médiéval (BFM) . Lyon, ENS de Lyon, Laboratoire ICAR, [http: / / bfm.ens-lyon.fr] Base textuelle FRANTEXT .-ATILF-CNRS/ Université-de-Lorraine,-[http: / / www.frantext.fr]- Corpus de Referencia del Español Actual (CREA) . Real Academia Española, [http: / / corpus.rae.es/ creanet.html] Corpus Diacrónico del Español (CORDE) . Real Academia Española, [http: / / corpus.rae.es/ cordenet. html] Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe) Marta Saiz-Sánchez 202 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.8357/ VOX-2019-008 Œuvres de référence a nonyme 1971: Bocados de oro , ed. M. c romBach , Bonn a nonyme 1966: Les Cent Nouvelles nouvelles , ed. F. P. s Weetser , Genève a nonyme 1992: La corónica de Adramón , ed. G. a nderson / J. de la c uesta ,-Delaware,-Newark a nonyme 1976: Cuento muy fermoso de Otas de Roma , ed. h. l. B aird , Madrid a nonyme 1962: El Evangelio de San Mateo , ed. T. m ontgomery , Madrid a nonyme 2003: Floire et Blancheflor , ed. R. d’o rBigny , Paris a nonyme 2003: Libro del cavallero Cifar , ed. J. M. c acho B lecua , Zaragoza a nonyme 1983: Libro del cavallero Zifar , ed. C. g onzález , Madrid a nonyme 1972: Mort le Roi Artu , ed. J. F raPPier , Genève a nonyme 1990: Récit d’un ménestrel de Reims , ed. P. B onneFois , Paris a nonyme 1988: Recueil de farces (1450-1550) , t. III, ed. A. t issier , Genève a nonyme 2013: Le Roman de Renart , t. 1, branches I-XI, ed. J. Dufo urnet / l. h arF -l ancner / m.-t de m edeiros / j. s uBrenat , Paris a nonyme 2006: Suite du roman de Merlin , ed. G. r oussineau , Genève a nonyme 1972: Vida de Santa María Egipcíaca , ed. M. a lVar , Madrid B aroja , P. 2005: Aurora Roja , Madrid B uero V allejo , a. 1994: La doble historia del doctor Valmy , ed. L. i glesias / m. de P aco , Madrid c hétrien de t royes 2009: Chevalier au Lion ou Yvain , ed. P. k unstmann ,-Ottawa/ Nancy d’a rras , G. 1988: Ille et Galéron , ed. Y. l eFèVre , Paris d e la s ale a. 1965: Jehan de Saintré , ed. J. m israhi / c. a. k nudson , Genève m iralles , a. 1981: Céfiro agreste de olímpicos embates (Come y calla, que es cultura) , Madrid r odríguez de m ontalVo , g. 1991: Amadís de Gaula , I, ed. J. M. c acho B lecua , Madrid s an V icente F errer , 1994: Sermones , ed. M. P edro , Salamanca s ánchez de V ercial , C. 1961: Libro de los exemplos por A. B. C. , ed. J. E. k eller , Madrid s anchis s inisterra , j. 1992: El retablo de Eldorado , Madrid Études a nscomBre , j.-c. 2009: «La comédie de la polyphonie et ses personnages», Langue française 164: 11-31 a nscomBre , j.-c. 2018: «Le que médiatif-du-français-contemporain: -perspectives-diachronique-etcontrastive», Revue Romane 53/ 2: 181-216 a nscomBre , j.-c./ d ucrot , o. 1983: L’argumentation dans la langue ,-Bruxelles d ostie , g. 2004: Pragmaticalisation et marqueurs discursifs .- Analysesémantiqueettraitementlexicographique,-Bruxelles d ostie , g./ P usch , c. d.-2007: -«Présentation.-Les-marqueurs-discursifs.-Sens-et-variation»,- Langue française 154: 3-12 d ucrot , o. 1984: Le dire et le dit , Paris d ucrot , o. et al. 1980: Les mots du discours , Paris F ournier , n./ F uchs , c. 1999: «L’évolution du statut de faire dans les comparatives en comme et la constitution du groupe verbe (XVII e -XX e siècles), Verbum 21/ 3: 289-322 g onzález r odríguez , r.-2007: -«Sintaxis-y-semántica-de-la-partícula-de-polaridadsí », Revista española de lingüística 37: 311-36 k erBrat -o recchioni , c. 1986: L’implicite , Paris k erBrat -o recchioni , c. 2001: « Oui , Non , Si : un trio célèbre et méconnu», Marges Linguistiques 2: 95-119 k erBrat -o recchioni , c. 2016: « Oui -et-ses-variantes-en-français: -l’expression-de-l’accord-dans-lesdébats présidentiels», Testi e linguaggi 10: 15-38 203 Vox Romanica 78 (2019): 183-203 DOI 10.2357/ VOX-2019-008 m iller , P.- 1997: - «Auxiliaryverbsin- Oldand-Middle- French: -Adiachronicstudyofsubstitutivefaire -and-a-comparison-with-the-Modern-English-auxiliaries»,-in: -A.-V an k emenade / n. V ingent (ed.), Parameters of morphosyntactic change , Cambridge: 119-33 P lantin , c. 1982: « Oui et non -sont-ils-des-‹pro-phrases›? »,- FM 3: 252-65 r odríguez m olina , j. 2014: «La gramática oculta de la polaridad positiva en español antiguo», RILCE 30/ 3: 861-915 s aiz -s ánchez , m. 2016a: « Si ferai je, non ferai : l’expressiondel’accordetdudésaccorddansledialogue médiéval», Le discours et la langue 8/ 1: 135-56 s aiz -s ánchez , m.- 2016b: - «L’évolutiondesmarqueursdetypesi ferai je, non ferai (XVI e -XVIII e siècle)», Linx 73: 85-112 s aiz -s ánchez , m. 2019: « Messire Gauvains dit que si fera il moult volentiers : l’acceptation et le refus dans-les-enchaînements-sur-une-injonction-en-français-médiéval-»,-in: -D.-c aPin / j. g likman / V. o Bry / t. r éVo (ed.), Le français en diachronie. Moyen français, Segmentation des énoncés, Linguistique-textuelle,-Strasbourg: -279-92 s aiz -s ánchez , m. àparaître: - «Elfuncionamientodiscursivodelosmarcadoresdeacuerdoydedesacuerdo sí , sí + V-eco y sí + fazer en español medieval», Bulletin of Hispanic Studies Étude-comparative-et-diachronique-des-marqueurssi/ sí (+ verbe)