eJournals Vox Romanica 78/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.2357/VOX-2019-029
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2019
781 Kristol De Stefani

Elodie Burle-Errecade/Michéle Gally/Francesca Manzari (ed.), Modernités des troubadours, Aix-en-Provence (Presses universitaires de Provence) 2018, 194 p. (Senefiance)

121
2019
Alain Corbellari
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364 Vox Romanica 78 (2019): 364-366 DOI 10.8357/ VOX-2019-029 Besprechungen - Comptes rendus ganzardon et garzardon -aux-côtés-degazardo(n) ,-tandis-queguazardon et guizardo(n) constituent des renvois. Malgré ses imperfections, avec ce dernier opus -d’une-entreprise-longue-et-coura-geuse-qu’onne-peut-que-saluer-l’auteur-offre-aux-chercheurs-une-mine-de-matériaux-linguis-tiques-dont-lalexicologie-occitane-pourra-avantageuse-ment-faire-son-profit. Dominique Billy https: / / orcid.org/ 0000-0002-8729-4675 ★ é lodie B urle -e rrecade / m ichèle g ally / F rancesca m anzari (ed.), Modernités des troubadours ,-Aix-en-Provence-(Presses-universitaires-de-Provence)-2018,-194-p.-( Senefiance ) Les-fameux-volumes-aixois-de-la-collection-«Senefiance»-ne-sont-plus-systématiquement-dédiés-aujourd’hui-aux-grands-colloques-médiévaux-annuels-de-l’Université-de-Provence.-De-plusen-plus-monographiques-et-suivant-un-rythme-de-parution-plus-souple,-ils-se-sont-par-ailleurslargement-ouverts-à-la-question-de-la-réception-du-Moyen-Âge-dans-la-Modernité.-Le-présentvolume-est-ainsi-réservé-aux-communications-d’un-colloque-de-2013-con-sacré-à-la-fortune-destroubadours-aux-XIX e et surtout XX e et XXI e siècles. Le pluriel de Modernités est important: il souligne-le-fait-que-les-troubadours-sont-envisagés-à-la-fois-dans-leur-rapport-à-notre-présentetàtraverslespotentialitésderenouvellementintrinsèquequ’offreleurpoétique.- Quinzecommunications-s’y-succèdent,-dues-à-des-chercheurs-dont-beaucoup-sont-des-nouveaux-venusdans-le-champ-de-la-«modernité-médiévale»,-et-l’on-se-persuade-très-vite-que,-au-delà-de-l’effetde-mode-que-représente-aujourd’hui-la-question-de-la-réception-de-la-littérature-du-Moyen-Âge,les-troubadours-sont-décidément-«urgents»-dans-notre-culture,-comme-le-disait-il-y-a-bientôtun siècle C.-A. Cingria. On peut regretter, et ce sera là mon seul grief d’ensemble à ce beau volume,-que-Cingria-n’y-soit-pas-davan-tage-cité,-même-s’il-est-évoqué-en-fort-bonne-part-dansla-suggestive-introduction-des-trois-éditrices-(7).-Il-est-vrai-que-Cingria-n’a-pas-pris-les-troubadours-comme-point-de-départ-d’une-œuvre-proprement-«poétique»,-mais-il-n’en-a-pas-moinsretrouvé-dans-ses-proses-capricantes-l’inextinguible-appel-à-la-vie-et-à-la-joie-d’exister,-et-sonrôle-dans-la-rééva-luation-de-la-lyrique-occitane-peut-être-mis-en-balance-avec-celui-de-Pound. Lescommunicationsretenuesnesedonnentpaspourobjet- -etc’esttantmieux! - -derefaire l’histoire déjà trop souvent faite du renouveau de l’occitanisme depuis le XVIII e siècle. Deux-écrivains-reviennent-toutefois-comme-des-balises-à-travers-la-majorité-des-articles: -Ezra- Pound-et-Jacques-Roubaud,-qui-sont-en-effet-sans-doute-(avec-Aragon,-un-peu-moins-cité-maiségalement-bien-présent)-les-poètes-modernes-les-plus-profondément-influencés-par-la-lyriqueoccitane. Aucune nostalgie ne vient cependant entacher les propos ici réunis: il ne s’agit pas d’entourer-les-troubadours-d’une-glose-savante-et-révérencieuse-(de-fait,-le-philologue-risquede-ne-pas-y-retrouver-tout-à-fait-son-compte),-mais-bien-de-montrer-en-quoi-ces-créateurs-dulyrisme-occidental-sont-plus-que-jamais-d’actualité,-initia-teurs-d’un-art-dont-les-principes-etl’esprit restent prodigieusement vivants. J. P ollock -ouvre-les-feux-avec-«Le-vol-de-l’alouette.-Bernart-de-Ventadour-transporté-dansles Cantos -d’Ezra-Pound»-(15-21),-où-le-fameux-poème-de-lalauzeta -permet-d’exem-plifier-le- 365 Vox Romanica 78 (2019): 364-366 DOI 10.2357/ VOX-2019-029 Besprechungen - Comptes rendus mouvement-même-de-la-poétique-de-Pound,-et-de-montrer-comment-la-notion,-centrale-chezlui, d’«usure» fait à la fois référence à l’invention médiévale du capitalisme et au danger d’amoindrissement-que-se-doit-de-conjurer-une-poésie-en-quête-constante-de-renouvellement. S. B acQuey -dans-«De-Louis-Aragon-à-Jacques-Roubaud.-Référence-aux-troubadours-et-inventions-poétiques»-(23-39),-met-en-lumière-la-préférence-affichée-par-Roubaud-pour-Louis- Zukovsky dont il oppose la vision des troubadours à celle de Pound, et revisite La Leçon de Ribérac -d’Aragon.-Montrant-que-ni-Aragon-ni-Roubaud-n’acceptent-la-clôture-du-canon-poétique-occidental,-il-constate-que-«leur-référence-aux-troubadours-s’accom-pagne-d’élargissements de la mémoire de la poésie» (37). C. d umoulié , dans «Avatars modernes de la Dame chez Kleist, Melville, Conrad et Bolaño» (43-55) se livre à un étourdissant voyage à travers les littératures modernes en rapprochant audacieusement,-par-le-truchement-d’une-lecture-ouvertement-lacanienne,-quatre-auteurs-quise révèlent avoir tous mis en scène des avatars de la dame courtoise, dont la baleine blanche de Melville n’est pas le moins inattendu. La conclusion rend hommage à Denis de Rougemont qui-aurait-donné,-dans- L’Amour et l’Occident ,-«le-fin-mot-de-l’histoire»-en-évoquant-Sade-dont- «l’ironie-…-consiste-à-ne-si-bien-sacrifier-l’objet-du-désir-que-pour-l’élever-à-la-dignité-de-la- Chose-qui-est-celle-de-la-Dame»-(53).-Cet-article-ne-convaincra-peut-être-pas-tous-les-lecteurs,mais-il-est-celui-qui,-dans-tout-ce-riche-volume,-donne-le-plus-à-penser. E. r allo d itche se penche, peut-être trop brièvement, dans «Troubadours stendhaliens» (57-62) sur l’auteur de De l’Amour ,qu’elleenluminenéanmoinsdejoliesformules,commecette-idée,-à-la-fin-de-l’article-que-«la-Provence-du-XII e -siècle-est-une-sorte-de-lieu-magique,enun- Âged’Or,oùsejoueunopéradanslequeltouslesfantasmesstendhaliensontleurplace» (62). M. C. F ranco F erraz , dans «La gaya scienza nietzschéenne dansant avec le Mistral» (63-70) analyse-avec-maestria-le-lien-qui-relie-aux-troubadours-l’auteur-du- Gai savoir . On peut toutefois se-permettre-de-nuancer-l’idée-de-départ-que-«Le-rapport-que-Nietzsche-éta-blit-avec-la-cultureprovençale et les troubadours n’est pas celui d’un philologue ou d’un chercheur en Lettres» (63); c’esteneffetoublier-que-pour-Nietzsche- (quel’onsongeaufameuxarticle-de-jeunesse- «Nous autres philologues») la philologie est le point de départ nécessaire de la philosophie! On peut par ailleurs s’étonner de la majuscule mise à «Mistral» dans le titre de la communication, faisant-résonner-un-lien,-qui-reste-mysté-rieusement-implicite,-avec-l’auteur-de- Mireille … C. de P aor ,-dans-«Réflexion-sur-des-éléments-de-l’amour-courtois-dans-la-littérature-irlandaise» (71-77), ouvre d’intéressants horizons à la fois sur la poésie anglaise et sur la poésie gaélique-de-l’Irlande-du-XX e siècle. I. o seki -d éPré -propose,-dans-«Langage-amoureux-/ -amour-de-la-langue? »-(81-92),-une-analyse-comparative-extrêmement-suggestive-des-traductions-de-la-sextine-d’Arnaud-Daniel-par- Roubaud et par le poète brésilien Augusto de Campos. Si la version du poète français se caractérise-par-«un-littéralisme-créatif»,-la-traduction-du-Brésilien-tient-la-gageure-paradoxalede-«préserver-l’original-sans-quasiment-le-toucher»-(92). A. L. m achado de o liVeira -revient-de-manière-plus-factuelle-sur-le-second-auteur,-ainsi-quesur son frère, dans «Sur la tâche moderne du poète traducteur. La présence de la Provence dans-l’œuvre-des-frères-Campos»-(93-101). 366 Vox Romanica 78 (2019): 364-366 DOI 10.8357/ VOX-2019-029 Besprechungen - Comptes rendus Les communications de L. d iaconu , «Réception de la poésie des troubadours dans l’espace culturel roumain. Lectures et traductions après 1970» (103-13) et d’A. l oba , «Les troubadours baroques.-Comment-traduire-la-poésie-occitane-du-Moyen-Âge-en-polonais-contemporain»- (115-23)-traitent-des-deux-cultures-d’Europe-de-l’Est-à-avoir-eu-la-fibre-la-plus-francophile.-Ilestdommagequelapremièrechercheuseseconcentresurlesannées- 1970,enmettantenavant-une-activité-universitaire-certes-méritoire-mais-dont-il-est-difficile-de-juger-de-l’impactsurlegrandpublic,etsansélargirsaperspectiveàunecontex-tualisationpluslargedelaréception-des-troubadours-dans-la-culture-roumaine.-C’est-en-revanche-ce-que-fait-très-bien- Anna Loba pour son pays, retraçant depuis 1818 la réception des troubadours en Pologne et se-concentrant-sur-les-traductions-récentes-de-Jacek-Kowalski,-dont-elle-analyse-finement-lesponts-qu’il-ménage-avec-la-poésie-polo-naise-de-l’époque-baroque. Dans-«Potentielle-et-actuelle: -la-sextine-au-XXI e siècle» (127-38), F. P agani rappelle opportunémentl’histoiredelasextinejusqu’au-XX e siècle (en produisant en particulier une fort intéressante-citation-de-Balzac---129)-et-se-concentre-sur-les-œuvres-récentes-de-Paul-Fourneletde- Michèle- Audin- (auteured’unsurprenantromanorganiséàtraversunesextineenimages),-tandis-que-S.-B édouret -l arraBaru ,-dans-«N-ines-encore! -De-la-sextine-d’Arnaut-Danielauxn-ninesoulipiennes»- (139-47-—aufaitpourquoicesdeuxgraphiesdifférentesdumême-terme-dans-le-titre? )-évoque-Queneau,-Mathews-et-Rou-baud.-On-en-vient-à-se-dire-quece-fameux-hapax-d’Arnaud-Daniel-est-décidément-la-providence-d’un-colloque-sur-la-réceptionmoderne-des-troubadours,-mais-n’est-il-pas-l’arbre-qui-cache-la-forêt? J.-M. j acono ,poursapart,analysedans- «Musiquepopulairesmodernesethéritagedestroubadours» (149-62) la production des groupes Les Fabulous trobadors (fondé en 1987) et Massilia Sound System (fondé en 1984), montrant, avec une solide connaissance des modes de la-musique-actuelle,-comment-l’esprit-d’ouverture-sur-le-monde-des-troubadours-médiévauxrevit-dans-ces-groupes-qui-métissent-les-traditions-et-alternent-chants-en-français-et-en-occitan,-en-se-situant-dans-la-ligne,-illustrée-par-l’écrivain-occita-niste-Félix-Castan,-d’une-«cultureoccitane-à-l’écart-des-revendications-politiques»-(152). Lesdeuxdernièrescommunicationssontplusanecdotiques: dans- «Re-trobarlotrobar» (165-74), G. z uchetto évoquesaproprepratiqueduchantdestroubadours,tandisque- C.m agrini -r omagnoli nous propose dans «Archambaut ou le gilos fins .- Extrait-traduit,-misenvers et joué du Roman de Flamenca» (175-185) une transposition en octosyllabes modernes d’un épisode de Flamenca -qui-en-acquiert-une-décontraction-inattendue. Au total, un volume foisonnant malgré sa minceur, et dont les inévitables redites accentuent-la-cohérence-bien-plus-qu’elles-n’en-diluent-le-propos. Alain Corbellari https: / / orcid.org/ 0000-0002-0476-6797 ★