eJournals lendemains 45/178-179

lendemains
ldm
0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
10.2357/ldm-2020-0030
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2020
45178-179

Entre biographie et biofiction: la Shoah et le sport à travers le roman graphique Der Boxer (2012)

121
2020
Doriane Gomet
Etienne Pénard
ldm45178-1790136
Planche de Der Boxer (© Reinhard Kleist, Carlsen Verlag, Hambourg 2013) DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 137 Dossier Doriane Gomet / Etienne Pénard Entre biographie et biofiction: la Shoah et le sport à travers le roman graphique Der Boxer (2012) Introduction En s’ouvrant aux „réalités du monde“ 1 depuis plus de trente ans, la bande dessinée a fait éclater le spectre étroit de la littérature de jeunesse dans lequel elle était jusque-là cantonnée. Les faits sociaux et culturels comme les événements historiques deviennent autant de sources potentielles d’inspiration dans la genèse des scénarios, et ce même en Allemagne où les romans graphiques (graphic novels) 2 connaissent depuis peu un succès palpable. 3 Au cœur de cet univers éditorial renouvelé, la biographie historique n’est pas ignorée, loin de là. Si les responsables politiques et les hommes de lettres sont les plus souvent croqués par les dessinateurs, les sportifs ont aussi leur place à l’instar de one shots tels que Zidane (2005) 4 ou Ossi. Une vie pour le football (2019) publié en Allemagne sous le titre Ein Leben für den Fußball. Die Geschichte von Oskar Rohr (2020). 5 En quelques dizaines de planches, les auteurs s’intéressent au parcours de ces champions de légende, tout en reconstituant les „univers contextes“ 6 dans lesquels ils ont évolué. Aux champions auréolés, certains auteurs préfèrent des sportifs au destin tragique. En consacrant leur roman graphique Championzé (2010) 7 au boxeur noir Amadou Mbarick Fall plus connu sous le nom de Battling Siki, Eddy Vaccaro et Aurélien Ducoudray replongent le lecteur dans le racisme ambiant de l’entre-deux-guerres, tout en retraçant le parcours de ce jeune Sénégalais qui parvient à dominer Georges Carpentier en 1922. Auteur allemand né en 1970, Reinhard Kleist semble lui aussi avoir une appétence marquée pour les biographies de sportifs bousculés par l’existence. L’album ici étudié, Der Boxer, 8 est édité en mai 2012 chez Carlsen dans la collection „Graphic Novel“ après avoir été publié sous forme de strip dans le journal allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung. 9 L’auteur plonge dans les méandres de la Seconde Guerre mondiale en mettant en dessin la vie de Hertzko Haft, jeune Polonais survivant des camps de la mort qui part tenter sa chance dans le monde de la boxe aux États-Unis à la Libération. Composé de 183 planches en noir et blanc, l’album connaît un rapide succès international: il est publié en 2013 en France chez Casterman, en 2014 aux États-Unis (éditions SelfMadero), en 2015 en Italie (Bao Publishing), en 2019 en Turquie (éditions Karakarga). Comment l’auteur allemand s’empare-t-il d’un sujet aussi sensible que la Shoah et plus encore du sport dans les camps de la mort? Comment traite-t-il des pratiques de boxe par le dessin? Partant du principe que la bande dessinée est un „langage à part entière“ 10 conçu à partir de la mise en relation d’une pluralité d’images solidaires, comment Reinhart Kleist a-t-il structuré cette biographie dessinée? Sur quels éléments factuels s’appuie-t-il? Quelle latitude s’octroie-t-il entre fiction et réalité? Si les travaux de Thierry Groensteen 11 constituent un point d’appui incontournable pour 138 DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 Dossier pénétrer dans le système de la bande dessinée, ils ne peuvent à eux seuls suffire. Les réflexions concernant la relation entre l’histoire académique et la bande dessinée, 12 et plus particulièrement la mise en dessins de la Shoah, 13 permettent de mieux saisir la portée de cet album quand, parallèlement, les recherches touchant aux bandes dessinées abordant les activités sportives 14 apportent des points de comparaison sur la façon dont l’imaginaire de la boxe se retrouve dans les vignettes du neuvième art. Surtout, les études autour de l’écriture biographique sont convoquées pour comprendre la façon dont ce roman graphique saisit et rend compte d’une ‚vie‘. 15 Ainsi, ancrée dans l’histoire culturelle, cette étude s’intéresse à la fois à la dynamique mémorielle entourant la production d’œuvres du neuvième art consacrées à la Shoah, au dialogue existant entre histoire académique, témoignages de première et de seconde main et production artistique. Elle prend appui sur les éditions française et allemande de l’album, sur l’ouvrage-témoignage d’Alan Scott Haft, 16 sur les interviews de Reinhard Kleist et notamment la vidéo réalisée par le Goethe-Institut de Toronto, 17 ainsi que des sources d’archives détenues par The Steven Spielberg Jewish Film Archive, 18 l’ USC Shoah Foundation Institute 19 et l’United States Holocaust Memorial Museum. 20 Le premier temps de réflexion met en tension les notions de biographie et de fiction au sein du roman graphique tandis que le second, ancré dans les dynamiques mémorielles, s’interroge sur la place et la fonction du témoignage comme source de création artistique ayant trait à la Shoah. 1. Der Boxer… entre biographie et fiction En choisissant comme sous-titre „Die wahre Geschichte des Hertzko Haft“ (L’histoire vraie de Hertzko Haft) et en rappelant en quelques lignes au plat verso le parcours douloureux du jeune Juif polonais ayant survécu au camp de la mort, le péritexte éditorial de la version allemande intègre Der Boxer dans la catégorie des bandes dessinées biographiques. Le roman graphique rend compte, il est vrai, de l’histoire tragique d’un boxeur ayant réellement existé, Hertzko Haft, né en 1925 dans la petite bourgade de Belchatow en Pologne, et décédé le 3 novembre 2007 en Floride. Outre les quatre premières séquences (DB, 5-16; LB, 5-18) 21 qui, entre autres, servent à présenter les origines familiales du personnage principal grâce à un flashback, toutes les autres s’organisent sur le mode de la chronologie, donnant à voir les principales étapes de sa vie. Construit en deux actes principaux eux-mêmes illustrant la rupture biographique 22 vécue par le personnage principal quand il émigre aux États- Unis après la Seconde Guerre mondiale, l’album en noir et blanc répond à la définition de la biographie posée par Daniel Madélénat: „récit écrit ou oral, en prose, qu’un narrateur fait de la vie d’un personnage historique (en mettant l’accent sur la singularité d’une existence individuelle et la continuité d’une personnalité)“. 23 Cette caractéristique l’inscrit dans une tendance lourde de la fin du XX e siècle, où tout ce qui touche au biographique connaît „un essor inédit en quantité et en variété“. 24 Longtemps délaissée, la biographie retrouve en effet une légitimité certaine dans l’histoire DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 139 Dossier académique, permettant aux historiens, de Jacques Le Goff 25 à Alain Corbin, 26 de saisir à travers l’histoire d’une vie plus ou moins illustre „la condition humaine dans sa diversité“ 27 et d’entrevoir les structures et les forces sous-jacentes. Cette passion biographique s’avère être par ailleurs „un fait massif de l’histoire littéraire et culturelle française“ 28 mais aussi allemande. 29 La tendance est si prononcée qu’elle conduit Daniel Madelénat à s’interroger et à y percevoir les signes d’une société postmoderne où règne un individualisme exacerbé. 30 Quoi qu’il en soit, le phénomène touche aussi pleinement l’univers du neuvième art. Alors que le nombre d’albums appartenant au genre biographique reste bien maigre jusqu’au début des années 2000, il connaît depuis une croissance exponentielle dans les publications francophones: 43 titres édités entre 1944 et 2000 répertoriés par le site BDthèque, 47 entre 2000 et 2010, et 234 (soit 72% du panel global) entre 2010 et 2020. 31 Si la bande dessinée „est loin de jouir en Allemagne du statut avantageux qu’elle connaît en France“ 32 en raison, notamment, d’une histoire singulière ayant freiné son développement, 33 la réunification a permis à cet art de trouver une certaine vigueur 34 et, dans ce cadre, les romans graphiques à consonance biographique connaissent un certain succès. Empreints de sérieux, fortement documentés et dessinés en noir et blanc, les deux albums d’Isabel Kreitz, Die Sache mit Sorge. Stalins Spion in Tokio (2008) 35 puis Haarmann (2010), 36 font partie de ce registre, tout comme Baby’s in black d’Arne Bellstorf (2010). 37 Ayant commencé sa carrière en 1994 avec Lovecraft, 38 qu’il a composé pendant ses études de graphisme et de design, 39 Reinhard Kleist signe lui aussi plusieurs romans graphiques reposant sur des trajectoires de vie. Avant Der Boxer, il réalise en 2006 une biographie consacrée à Johny Cash qui lui vaut une consécration internationale. 40 Il poursuit avec un roman graphique sur la vie de Fidel Castro. 41 Depuis, il s’est penché sur le sort tragique de l’athlète somalienne Samia Yusuf Omar dans Der Traum von Olympia (2015) 42 grâce à laquelle il apparaît au 9 e rang des meilleures ventes en Allemagne en 2015. 43 Plus récemment, il aborde le destin du champion de boxe Emile Griffith dont la couleur de peau comme les orientations sexuelles attisent haines et violences (Knock out, 2019). 44 Entre Fiction et diction, 45 les biographies récentes résultent le plus souvent, dans le champ de la littérature, d’une hybridation de deux modalités discursives longtemps opposées, le récit factuel et le récit fictionnel. Qu’en est-il de Der Boxer? Quelle place occupe-t-il dans la nébuleuse des biofictions, néologisme par Alain Buisine 46 en 1991, et dont les contours ont été depuis analysés et précisés? 47 L’analyse de l’album montre combien ce dernier figure, sur bien des aspects, dans la catégorie des récits factuels, ceux qui entendent „restituer des faits s’étant produits réellement, des faits véridiques […] des faits matériels, reposant sur des indices probants et justifiés“. 48 Il prend en effet appui sur des sources, au premier rang desquelles figure l’ouvrage du fils d’Harry Haft, Alan Scott Haft, intitulé Harry Haft. Auschwitz Survivor. Challenger of Rocky Marciano, mais aussi des archives personnelles 49 de la famille Haft, 50 des documents iconographiques ou encore des courts métrages. Qu’il s’agisse des faits, des lieux, des dialogues ou encore du caractère ou de la physionomie des personnages, le bédéiste tente de retranscrire une histoire 140 DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 Dossier de vie dans des contextes variés en restant au plus près du réel. Le récit testimonial retranscrit par Alan Scott Haft sert pour cela de trame à l’album qui en suit scrupuleusement le plan. Ainsi, le chapitre intitulé „Escape“ du récit biographique 51 (HH, 74-81) apparaît à travers 14 planches (DB, 82-96; LB, 84-98). Puis le suivant, „The Whorehouse“, occupe les planches de la page 99 à 108 (LB 101-110). Au-delà de la structure du récit, Reinhart Kleist rend compte par le dessin des événements ayant jalonné la vie du boxeur. En deux planches successives (DB, 19-20; LB, 21-22), il revient, par exemple, sur la rixe qui oppose le jeune Hertzko Haft à des voisins juifs, scène détaillée dans le récit en anglais sur trois pages (HH, 21-23). Les mêmes qualités physiques, le même tempérament belliqueux mais aussi les mêmes propos se retrouvent dans les deux versions, à l’image de la vignette située en bas à droite de la planche (DB, 19; LB, 21) où l’attitude agressive de Hertzko Haft se lit dans l’expression de son visage tandis que l’auteur lui prête, à travers un phylactère, des propos analogues à ceux figurant dans le récit (HH, 22). Cette quête d’authenticité dépasse la simple référence au récit d’Alan Scott Haft. Soucieux de rendre compte de faits réels, Reinhard Kleist préserve une attitude critique vis-à-vis de cette source testimoniale, abordant avec parcimonie et prudence certains faits non avérés par l’histoire académique. Il en est ainsi des scènes de cannibalisme qui ne font l’objet que d’une planche (DB, 81; LB, 83) alors que le récit y consacre tout un chapitre (HH, „The Cannibals“, 68-73). Le bédéiste précise à ce propos: „I did some research, I was not sure what could I do with this story, so I showed it from far away, like a shadow play, you are left to imagine this horrible scene“. 52 Par ailleurs, il use d’une diversité de sources pour asseoir le caractère historique de son album. Grâce à des documents d’archive, il dessine des décors conformes aux lieux par lesquels est passé Hertzko Haft. Tel est le cas de la caserne des pompiers de Belchatow dans laquelle se déroule l’enregistrement des Juifs de la ville par les nazis (DB, vignette supérieure, 26; LB, 28) et où le jeune homme est torturé, ou encore du Half Moon Hotel situé à Coney Island à New York dans lequel descend Harry Haft peu après son arrivée aux États-Unis (DB, 125; LB, 129). Comme il l’explicite lors d’une présentation de la bande dessinée au Canada, 53 les planches consacrées aux combats organisés dans le secteur américain de l’Allemagne occupée en 1946 (DB, 113-114; LB, 115-116) ont été conçues à partir du film détenu par The Spielberg Jewish Film Archive. 54 Enfin, la physionomie des personnages se veut aussi la plus réaliste possible. Le personnage de Rocky Marciano (DB, 152; LB, 156) ressemble aux photos de presse d’époque, tandis que l’épouse de Harry Haft est dessinée à partir des archives personnelles de la famille (DB, 165; LB, 169). Il en est de même de l’hypnotiseur Arthur Ellen dont le visage croqué dans la bande dessinée ressemble fortement à ce qu’en donne à voir les documents auxquels l’auteur a pu avoir accès (DB, 146; LB, 150) et qui sont projetés dans la vidéo du Goethe-Institut de Toronto. 55 Bien que le péritexte et la structure nous conduisent à classer l’album dans le registre de la biographie, la fiction n’est toutefois pas absente de l’œuvre de Reinhart Kleist. Elle se glisse dans les interstices de la bande dessinée, venant au secours DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 141 Dossier du bédéiste en manque d’informations, comblant des vides, ou nourrissant l’arc narratif. Tel est le cas quand il ne possède pas de photos des personnages que croise Hertzko Haft, comme le contremaître Kareller (DB, 34sqq.) dessiné sur la base du portrait d’un acteur allemand contemporain, 56 ou encore le SS baptisé Schneider sur lequel le récit d’Alan Scott Haft ne livre guère de détails physiques. Des éléments fictionnels apparaissent aussi dans certaines planches où l’auteur prête aux personnages des propos qui n’apparaissent pas dans les sources. La discussion entre le SS Schneider et Hertzko Haft après un entraînement de boxe en est un exemple (DB, 63; LB, 65). Elle s’intègre parfaitement dans le récit, montre à travers la référence au loup et au mouton la dialectique entre la survie et la morale, mais ne relève pas de faits avérés (le SS , s’adressant à Hertzko Haft, dit: „Wenn du, so wie ich, die Wahl gehabt hättest, auf wessen Seite hättest du dich geschlagen? Die der Wölfe oder die der Schafe“). 57 Par ailleurs, le bédéiste crée des scènes absentes du récit testimonial. Afin de consolider son arc narratif autour du souvenir idéalisé d’un premier amour brisé par les affres de la guerre, Reinhard Kleist réalise ainsi deux planches fictives présentant leurs premières rencontres à Belchatow (DB, 10, 18; LB, 12-20). Enfin, il choisit de reproduire par le dessin certains faits qui auraient sans doute nécessité des vérifications approfondies. Faisant écho au récit (HH, 48-49), deux planches (DB, 50-51; LB, 52-53) laissent supposer que Hertzko Haft a pendant quelques jours fait partie du Sonderkommando chargé de détruire les corps des déportés gazés à Auschwitz. Or, si cette faction de déportés est principalement composée de Juifs, ces derniers sont exterminés après quelques semaines d’ignobles labeurs sans jamais retourner avec les autres détenus. Très peu ont d’ailleurs réussi à survivre. 58 Qu’Hertzko Haft en ait fait partie et qu’il ait ensuite rejoint le Kommando Canada semble davantage appartenir à de la fiction qu’à la réalité. D’ailleurs, le survivant ne le mentionne pas dans le témoignage oral qu’il livre à William Helmreich en 1990. 59 Incontestablement donc, Der Boxer figure parmi les biofictions. Pour autant, ce n’est pas vraiment le sens du discours qu’il est possible de repérer dans l’épitexte. Qu’il s’agisse des entretiens ou interviews donnés par l’auteur ou des longues présentations auxquelles il s’est livré par le biais du Goethe-Institut, c’est bien en premier lieu le caractère biographique qui est défendu. D’ailleurs, la présence d’Alan Scott Haft au côté de Reinhard Kleist (2014) 60 en dit long sur la volonté de tisser un lien organique entre l’album, le récit testimonial et la vérité. Comprendre une telle posture nécessite de dépasser le seul aspect littéraire pour questionner l’univers culturel dans lequel l’album s’inscrit. 2. L’univers culturel de Der Boxer: entre témoignage et biofiction Les exactions commises par les nazis durant la Seconde Guerre mondiale sont au cœur de l’album de Reinhard Kleist. Elles occupent 63 des 106 planches le composant, débutant lors de l’enregistrement imposé aux Juifs en 1941 dans la ville occupée de Belchatow (DB, 26; LB, 28) pour se terminer avec l’évasion du personnage 142 DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 Dossier principal, Hertzko Haft, lors des marches de la mort en 1945 (DB, 87; LB, 89). À travers l’expérience de ce dernier sont abordées les conditions de survie dans les camps de travail (DB, 32-35; LB, 34-36), la vie et la liquidation des ghettos (DB, 42- 43; LB, 44-45), l’extermination rationnelle mise en place à Auschwitz (DB, 50-51; LB, 52-53) et l’organisation des camps satellites tels que celui de Jaworzno (DB, 57-61; LB, 59-63). Usant de la première personne du singulier, adoptant une perspective rétrospective, le narrateur utilise les cartouches pour apporter, vignette après vignette, les informations relevant de l’histoire de vie de cet ancien boxeur professionnel. „Ich war vierzehn Jahre alt, als die Deutschen im Oktober ’39 in Belchatow einmarschierten“ (DB, 11; „J’avais quatorze ans quand les Allemands envahirent Belchatow“, LB, 13) est-il ainsi possible de lire dans une large vignette montrant l’arrivée des troupes allemandes dans un village. Plus tard, alors qu’il est déplacé depuis un camp de travail forcé vers Auschwitz, un autre cartouche mentionne „Mir erschien die Fahrt wie eine Woche, ohne etwas zu essen und zu trinken, der enge Raum erfüllt vom Gestank unserer Fäkalien“ (DB, 45; „Le voyage me sembla durer une semaine, sans rien à manger, ni à boire, l’espace réduit s’emplissait de la puanteur de nos excréments“, LB, 47). À Auschwitz, alors qu’il travaille dans les fours crématoires, deux cartouches rendent compte de son effroi (DB, 50; LB, 52): „Ich bereute es, am Leben zu sein“, puis „Und mit jedem Tag wurde das Grauen unerträglicher“ („Je regrettai d’être en vie […] Et chaque jour l’horreur devenait plus insupportable“). Une lecture plus attentive du plat verso suffit cependant pour écarter l’idée d’un témoignage de première main, le narrateur et le personnage principal ne pouvant être confondus. 61 Par contre, le péritexte de l’album insiste fortement sur la place centrale occupée par le récit de vie d’un survivant de la Shoah. À trois reprises (deux fois dans les mentions légales, une troisième fois sur la page de titre illustrée), il est indiqué que le roman est conçu à partir de l’ouvrage du fils d’Harry Haft, Alan Scott Haft, intitulé Harry Haft. Auschwitz Survivor. Challenger of Rocky Marciano, lequel serait la retranscription du récit testimonial de son père sur sa vie et son expérience des camps de la mort. Ainsi, bien que Der Boxer ne soit ni un témoignage, ni même un „témoignage de témoignage“, 62 puisque sa création repose sur l’action d’un tiers, en l’occurrence le bédéiste, cet ancrage dans un vécu narré à la première personne est constitutif de l’album. Plusieurs raisons ont pu conduire Reinhardt Kleist à opter pour ce choix. Le génocide juif est longtemps resté hors du conceptualisable, du représentable, 63 du dicible, 64 enfermé en Allemagne de l’ouest dans un pacte du silence 65 que même les historiens du temps présent peinaient à rompre. Cependant, après une longue période de refoulement, la diffusion du téléfilm Holocauste (1979), en dépit de son caractère hollywoodien très critiqué par les survivants, 66 a provoqué une onde de choc considérable en RFA , déclenchant une levée du tabou autour de la Shoah. 67 Replacée au cœur des problématiques sociétales, la tragédie inonde alors progressivement l’espace public au point de devenir un enjeu politique et social majeur dans les années 1990. Dans cet espace mémoriel renouvelé où l’État allemand réunifié multiplie les commémorations, 68 se dessine un intérêt décuplé à l’égard des histoires de DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 143 Dossier vie des ‚gens simples‘. 69 Parallèlement, nombreux sont les anciens déportés aux États-Unis comme en Europe qui, après une longue période de silence, prennent progressivement conscience de la valeur de leur parole. 70 Au soir de leur vie, ils souhaitent établir des vérités sur la Shoah et „transmettre leur expérience comme un legs“ 71 tandis que la société occidentale est prête à recevoir cette mémoire en héritage. Aux États-Unis, plusieurs projets de grande ampleur se mettent d’ailleurs en place afin de recueillir la parole de celles et ceux qui ont connu l’enfer concentrationnaire, à commencer par le Video Archive for Holocaust Testimonies de l’université de Yale en 1982. 72 S’en suivent deux autres projets américains, le premier mené par le United States Holocaust Memorial Museum, fondé en 1993, le second lancé et géré par Steven Spielberg, Survivors of the Shoah Visual History Foundation qui débute en 1994, lesquels sont préservés par l’ USC Shoah Foundation. Cette dynamique mémorielle facilite à la fin du XX e siècle la réception d’œuvres artistiques traitant de la Shoah, que ce soit dans la littérature 73 ou dans la bande dessinée. 74 Considéré comme un événement artistique, 75 Maus d’Art Spiegelman constitue à cet égard une étape décisive, tant en ce qui concerne la reconnaissance de la bande dessinée comme art et média culturel 76 que dans le traitement de la Shoah à travers un témoignage mis en dessin. 77 Dans le cas des auteurs francophones, il faut attendre le début des années 2000 pour qu’en France le nombre d’albums abordant ce pan de l’histoire connaisse une véritable explosion. 78 Les bédéistes qui s’aventurent vers de tels sujets prennent cependant soin de s’écarter de la fiction pour produire un „comix vérité“ 79 à partir d’un ou de plusieurs témoignages de survivants. En s’appuyant de manière prépondérante sur l’ouvrage testimonial d’Alan Scott Haft, Reinhardt Kleist ne déroge pas à cette règle implicite: il se présente comme le médiateur d’un témoin de témoin. 80 Plus encore, il retient une structure enchâssée, comme du reste Maus, révélant un double témoignage: celui du survivant, mais aussi celui de son fils, enfant de la „génération sacrifiée“ 81 qui a grandi dans l’ombre de la tragédie et qui est dépositaire du passé de son père. L’enfance douloureuse d’Alan Scott Haft, mais aussi sa peur d’entendre les vérités que son père aurait à confier, sont abordées sur une planche dans la première séquence (DB, 6; LB, 6) à travers des vignettes sans cadre comme pour insister sur la liquidité du temps et la répétition des scènes de souffrance de l’enfant. Deux vignettes terminales placées en miroir l’une dans la première séquence (DB, 7; LB, 7) l’autre dans la toute dernière (DB, 182; LB, 187) insistent sur le mur de silence qui sépare les deux générations. À la bulle „Eines Tages werde ich dir alles erzählen“ („Un jour je te raconterai“), promesse faite par Harry Haft à son fils en 1963, 82 figure en écho, 173 planches plus loin, le phylactère de la toute dernière vignette de l’album: „Es dauerte vierzig Jahre, bis mir mein Vater schließlich seine Lebensgeschichte erzählte“ („Il a fallu attendre quarante ans pour que mon père me raconte enfin l’histoire de sa vie“). Si la Shoah plane sur l’ensemble de l’album, ce dernier en révèle des facettes méconnues, lesquelles nécessitaient sans doute encore davantage de précautions de la part de l’auteur. En abordant le thème du sport, activité culturelle saturée de 144 DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 Dossier valeurs de justice et d’équité, et ce au cœur même du processus génocidaire, Der Boxer explore en effet une piste non défrichée par le neuvième art, 83 une réalité à peine mise à jour dans les travaux historiques à sa sortie en 2012. 84 À travers douze planches consacrées aux combats de boxe livrés par Hertzko Haft au camp satellite de Jaworno, le bédéiste montre comment les SS en faction dans les camps se divertissent les jours chômés. Il donne à voir et à imaginer des scènes de boxe à la fois violentes et mortifères où d’aucuns combattent pour leur vie quand d’autres s’en amusent. Plus encore, les soubassements de telles activités sont révélés, notamment les contacts existant entre certains déportés et les SS et les privilèges (en termes de nourriture, d’affectation dans des Kommandos de travail, etc.) accordés à quelques boxeurs pour qu’ils se donnent en spectacle le dimanche sur un ring. Quoi qu’il en soit, le péritexte de neuf pages rédigé par Martin Krauss placé en fin d’album et entièrement consacré à la boxe dans les camps 85 montre à quel point la question de la preuve se pose. En garantissant ainsi l’authenticité des faits qu’il décrit, Reinhard Kleist entend assurer la recevabilité de son travail, alors même que la question de la ‚vérité‘ hante toutes les productions abordant la Shoah. À ce premier point vient s’en ajouter un second, en l’occurrence le statut d’antihéros du personnage principal. Contrairement aux boxeurs Young Perez et Johann Trollmann, obligés de combattre durant leur déportation face à des adversaires de gabarit bien plus imposants et décédés pendant la guerre, Hertzko Haft, au contraire, survit. Révélé dans le chapitre du livre d’Alan Scott Haft (HH, „Jew Animal“, 52-67) et mis en évidence dans la bande dessinée, cette survie est, au moins en partie, corrélée au fait qu’il ait accepté de livrer des combats totalement déséquilibrés contre des déportés non volontaires et faméliques. Protégé par un SS , mieux alimenté que les autres détenus, il aurait ainsi gagné en quelques mois quelques 75 combats (DB, 121; LB, 125) contre des hommes sans défense condamnés à une mort certaine. Plus encore, il aurait prolongé de manière délibérée les affrontements jusqu’à l’épuisement total de ses adversaires afin de contenter les spectateurs nazis. Surnommé la ‚bête juive‘ en raison de sa cruauté, il aurait ainsi troqué sa morale contre sa survie, offrant son humanité à ses geôliers. Certes les travaux historiques portant sur la société concentrationnaire ont largement mis en évidence les exactions commises par certains détenus dans les camps, lesquels profitent de conditions de survie améliorées tant qu’ils contribuent au fonctionnement du système, 86 mais Hertzko Haft, lui, pulvérise des corps 87 à travers le sport, une activité a priori porteuse d’une certaine éthique. Si Alan Scott Haft s’emploie à rendre compte des facettes les plus noires de la survie de son père, il ne peut, lui-même, échapper à une certaine forme de subjectivité, tant les liens qui l’unissent au survivant sont saturés d’émotions et de souvenirs brouillés. 88 C’est sans doute dans ce contexte qu’il convient de situer la place occupée dans le récit par l’histoire d’amour entre Hertzko Haft et Léah, une jeune femme présentée comme celle avec qui il devait se marier à Belchatow et pour laquelle il aurait décidé de survivre envers et contre tout. Bien que l’ancien boxeur ne se rappelle pas son prénom lorsqu’il livre son témoignage, 89 Alan Scott Haft présente cette idylle comme un des éléments de compréhension des actes les plus répréhensibles DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 145 Dossier de son père, rappelant dans plusieurs chapitres son irrépressible souhait de la retrouver. S’engouffrant dans cette perspective, Reinhard Kleist en fait la pierre angulaire de son roman graphique et construit son arc narratif autour de cette quête irraisonnée d’un amour de jeunesse empêché. 90 Introduite comme une énigme dans la toute première séquence, laquelle se déroule en 1963, cette clé d’intelligibilité des actes de Hertzko Haft est totalement intégrée dans le tressage de l’album. Elle se retrouve de manière récurrente, à travers des vignettes spécifiques où le souvenir du visage de la jeune fille emplit le cadre (DB, 118 par exemple; LB, 122), ou encore dans de multiples cartouches comme celui où, dans les mines de Jaworno, Hertzko Haft tombe dans la mélancolie la plus sombre: „Léah… Wie sehr ich sie vermisste. Ich würde mein Leben dafür geben, nur einmal ihre Hand auf der meinen zu spüren“ (DB, 61; „Léah, elle me manquait tellement! J’aurais donné ma vie pour sentir, au moins une fois sa main sur la mienne“, LB, 63). Décrit dans un chapitre autobiographique de l’ouvrage d’Alan Scott Haft, et reproduit dans la dernière séquence du roman graphique, le dénouement de cette quête prend forme quand, bien après la guerre, Hertzko Haft demande à son fils Alan de l’accompagner au chevet d’une femme malade. La scène, aussi incompréhensible aux yeux du jeune garçon que ne l’est l’énigme posée aux lecteurs dans la première séquence de l’album, offre a posteriori et par l’intermédiaire de ce dernier une cohérence à l’itinéraire de vie chaotique du boxeur et par là même aux exactions qu’il a commises pour survivre. Quant à la question des remords, celle-ci n’apparaît guère dans le récit testimonial, évincée par l’énonciation de faits bruts. Même l’épigraphe „After all I’ve been through, what harm can a man with gloves on his hands do to me? “ („Après tout ce que j’ai vécu, quel mal un homme avec des gants pourrait-il bien me faire? “), phrase par ailleurs gravée sur la pierre tombale du déporté, n’en exprime pas, retournant plutôt la problématique sur la violence supportée par ce dernier en captivité. Interviewé par William B. Helmreich, sociologue américain, sur son passé concentrationnaire, l’ancien déporté n’en avait, il est vrai, pas exprimé non plus en 1990. 91 Pourtant, cet aspect ne manque pas de prendre une place singulière dans le roman graphique, notamment dans les planches consacrées aux combats de boxe que livre Hertzko Haft après la guerre, aux États-Unis. Par des vignettes flashback sans cadre intercalées dans celles du combat, le narrateur confronte son personnage à ses démons, son adversaire réel se volatilisant, remplacé par la vision d’un déporté étique et apeuré (DB, 134-136; LB, 138-140). Plus encore, dans la séquence consacrée au combat contre Rocky Marciano, les hurlements des spectateurs du Rhode Island Auditorium fusionnent, par vignettes interposées, avec les aboiements des chiens de garde et les rires des SS , plongeant Hertzko Haft dans un univers parallèle où, cette fois, luimême devient ce déporté sans défense livrant un combat désespéré, „das er nur verlieren konnte“ (DB, 160; „qu’il ne pouvait que perdre“, LB, 164), allégorie d’une rédemption qu’il ne peut pas, aux yeux de Reinhart Kleist, atteindre. 146 DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 Dossier Conclusion Publié en 2012 dans la collection des Graphic Novel, Der Boxer est un roman graphique accordant au réel, à la vérité, une place centrale. Le narrateur reste au plus près du récit testimonial qui lui sert de référence principale et ne manque pas d’utiliser des documents d’archive pour construire son univers-contexte. Abordant de manière frontale la Shoah, mais aussi la douloureuse question des survivants, l’album prend, il est vrai, place dans un univers culturel et mémoriel dominé en Allemagne par la culpabilité à l’égard du génocide et l’impérieuse nécessité du devoir de mémoire. À ce titre, la prégnance du témoignage comme l’obligation d’authenticité constituaient, sans doute, des garde-fous incontournables. Ceci étant, la fiction n’est pas totalement absente, venant se glisser dans les séquences et les vignettes pour renforcer l’arc narratif ou encore mettre en évidence les sentiments qui animent le personnage principal. Si parfois elle comble un vide, cette présence d’éléments fictionnels permet aussi d’adoucir quelque peu l’ignominie du parcours de cet antihéros revenu des camps de la mort grâce à la boxe. Montrer l’existence de cette pratique dans les camps, la survie du principal intéressé et la poursuite de sa carrière dans le monde libre, n’est en effet ni neutre, ni simple. Elle suscite une réflexion sur le sens profond des activités sportives dans leur rapport à la domination, aux pouvoirs, à la discipline et à la violence dans les sociétés du XX e siècle. Si le sport possède des règles universelles, il est avant tout un espace de construction, de stabilisation et de renforcement de normes sociales qui peut être mis diversement à disposition de chaque structure politique, un espace d’intégration par le corps d’un système idéologique que la trajectoire de vie de Hertzko Haft montre avec force. 1 Pierre-Alban Delannoy, „Avant-Propos“, in: id., La bande dessinée à l’épreuve du réel, Paris, L'Harmattan, 2007, 9. 2 Sur la naissance des Graphic Novels, cf. Didier Pasamonik, „La mémoire et le roman graphique“, in: Anne Hélène Hoog / Didier Pasamonik / Edward Portnoy (ed.), De Superman au Chat du rabbin. Bande dessinée et mémoires juives, Paris, Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme, 2007, 21-32. 3 Focus, octobre 2016: L’édition de la bande dessinée en Allemagne, ed. Myriam Louviot / Clémence Thierry, 13. 4 Alexis Nolent / Michel Pierret / Marco Venanzi, Zidane, Paris, Casterman, 2005. 5 Julian Voloj / Marcin Podolec, Ossi. Une vie pour le football, Paris, Steinkis, 2019; Julian Voloj / Marcin Podolec, Ein Leben für den Fussball, Hamburg, Carlsen (coll. Graphic Novel), 2020. 6 Gil Barthoeyns, „Loin de l’histoire“, in: Le débat, 177, 2013, 117-125. 7 Aurélien Ducoudray / Eddy Vaccaro, Championzé. Une histoire de Battling Siki, Champion du monde de boxe, 1922, Paris, Futuropolis, 2010. 8 Reinhart Kleist, Der Boxer. Die wahre Geschichte des Hertzko Haft, Hamburg, Carlsen (coll. Graphic Novel), 2012. Publication en français: Le Boxeur, Paris, Casterman (coll. Écritures), 2013. DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 147 Dossier 9 Cf. http: / / paulgravett.com/ articles/ article/ reinhard_kleist_interview (dernière consultation: 15/ 02/ 21). 10 Benoît Mouchard, „Qu’est-ce que la bande dessinée? “, in: Pierre Sterckx / Fabrice Neaud / Katsu Aki / Julien Bastide / Frédéric Bézian, Qu’est-ce que la bande dessinée aujourd’hui? , Boulogne, Beaux-Arts, 2008, 26. 11 Thierry Groensteen, Système de la bande dessinée, Paris, PUF, 2014 (1ere édition: 1999), 21; id., Bande dessinée et narration. Système de la bande dessinée 2, Paris, PUF, 2011. 12 Pascal Ory, „L’Histoire par la bande? “, in: Le Débat, 177, 2013, 90-95; Adrien Genoudet, Dessiner l’histoire. Pour une histoire visuelle, Paris, Le Manuscrit, 2015. 13 Jonathan Haudot, Shoah et bande dessinée, Paris, L’Harmattan, 2012; Didier Pasamonik / Joël Kotek, Shoah et bande dessinée. L’image au service de la mémoire, Paris, Mémorial de la Shoah / Denoël Graphic, 2017. 14 Michel Porret, „Veille à ta garde, Johnny! L’imaginaire de la boxe dans la bande dessinée“, in: Benoît Mélançon / Michel Porret (ed.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne- Bourg, Georg, 2016, 63-99; Laurent Grün / Marie Vincente / Thiébaud Michel, „De la violence au sport, du sport à la violence: une approche graphique chez Baru“, in: Comicalités, 2017, https: / / journals.openedition.org/ comicalites/ 2345; Doriane Gomet, „Young Perez: un boxeur déporté héros de bandes dessinées“, in: European Studies in Sports History, 11, 2018: Sports and graphic narratives. A new topic for sport historians in Europe? , 167-187. 15 Daniel Madelénat, La biographie, PUF, 1984; Robert Dion / Frances Fortier / Barbara Havercroft / Hans-Jürgen Lüsebrink, Vies en récit. Formes littéraires et médiatiques de la biographie et de l’autobiographie, Québec, Nota Bene, 2007; Marco Mongelli, Narrer une vie, dire la vérité: la biofiction contemporaine, thèse de doctorat, Alma Mater Studiorum, Università di Bologna / Université Sorbonne Nouvelle Paris 3, 2019. 16 Alan Scott Haft, Harry Haft. Survivor of Auschwitz, Challenger of Rocky Marciano, New York, Syracuse University Press, 2007. 17 In conversation with graphic novelist Reinhard Kleist and author Alan Scott Haft. The true story of Holocaust survivor Harry Haft, co-presented by TCAF and venue partners Miles Nadal Jewish Community centre. L’intégralité de cette interview est consultable sur youtube à l’adresse suivante: www.youtube.com/ watch? v=mZ2BB9hOtOU (dernière consultation: 15/ 02/ 21). 18 Il s’agit d’un reportage réalisé en 1947, archivé par la fondation Spielberg et référencé à cette adresse: http: / / aleph520.huji.ac.il/ F/ GML5P18FMBSDHYTE7GIGDJUV4QP3K36KJ9 38RIXXXCMAA7DPC9-02931? func=full-set-set&set_number=000022&set_entry=000002 &format=999. Il est visionnable à l’adresse suivante www.youtube.com/ watch? v=CB41m 6nmeRo (dernière consultation: 15/ 02/ 21). 19 L’institut a interviewé Harry Haft en 1995 autour de son expérience concentrationnaire. L’enregistrement, d’une durée de 1: 56: 27, est accessible sous la forme d’un DVD qu’il est possible de se procurer (payant) auprès de l’USC Shoah Fondation: https: / / sfiaccess.usc. edu/ ObtainCopies/ SelectTestimony.aspx. 20 L’United States Holocaust Memorial Museum détient l’enregistrement du témoignage accordé par Harry Haft au journaliste et sociologue William Helmreich en 1990. Ce dernier est libre de droits à l’adresse suivante: https: / / collections.ushmm.org/ search/ catalog/ irn511268 (dernière consultation: 15/ 02/ 21). 21 Les références à la version allemande (Der Boxer) seront indiquées par les initiales DB, les pages correspondantes dans la version française (Le boxeur) par les initiales LB. 148 DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 Dossier 22 Michaël Voegtli, „Du jeu dans le ‚Je‘: ruptures biographiques et travail de mise en cohérence“, in: Lien social et politiques, 51, 2004, 145-158. 23 Daniel Madelénat, La biographie, Paris, PUF, 1984, 20. 24 Daniel Madelénat, „La biographie contemporaine au miroir du roman du biographe“, in: Robert Dion / Frances Fortier / Barbara Havercroft / Hans-Jürgen Lüsebrink, Vies en récit. Formes littéraires et médiatiques de la biographie et de l’autobiographie, Québec, Nota Bene, 2007, 72. 25 Jacques Le Goff, Saint-Louis, Paris, Gallimard, 1996. 26 Alain Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot: sur les traces d’un inconnu, 1798-1876, Paris, Flammarion, 1998. 27 Philippe Levillain, „Les protagonistes: la biographie“, in: René Rémond, Pour une histoire politique, Paris, Seuil, 1988, 158-159. 28 Alexandre Gefen, Inventer une vie. La fabrique littéraire de l’individu, Paris, Les Impressions nouvelles, 2015, édition numérisée, emplacement 131. 29 C’est en tous les cas ce que suggère l’appel à contributions lancé par la revue Germanica pour un numéro thématique à paraître (Elisabeth Karl / Aurélie Le Née, „Fictions biographiques dans la littérature, les romans graphiques et le cinéma des années 1990 à aujourd’hui“, in: Germanica, 70, 2022). 30 Daniel Madelénat, art. cit. (note 24), 71-89. 31 Selon les données quantitatives présentées sur le site bdtheque.com qui répertorie l’ensemble des bandes dessinées en langue française, consulté le 18 décembre 2020; www.bdtheque.com/ recherche/ series/ theme=130. 32 Myriam Louviot / Clémence Thierry, op. cit. (note 3), 2. 33 Berndt Dolle-Weinekauff, Comics Made in Germany, Francfort-sur-le-Main, Harrassowitz, 2009. 34 Andreas C. Knigge, „Made in Germany. Notes sur l’histoire de la bande dessinée en Allemagne“, in: Germanica, 47, 2010: Krack! Tschock! Pflatsch! Bummmm! La BD de langue allemande (à suivre…), 11-24. 35 Cet album est publié en 2010 en langue française: Isabel Kreitz, L’espion de Staline, Paris, Casterman, 2010. 36 Il paraît en 2011 en France: Peer Meter / Isabel Kreitz, Haarmann, le boucher de Hanovre, Paris, Casterman, 2011. 37 Arne Bellstorf, Baby’s in black: l’histoire vraie d’Astrid Kirchherr et Stuart Sutcliffe, trad. Marie Delaby, Paris, Sarbacane, 2011. 38 Roland Hueve / Reinhard Kleist, Lovecraft, Berlin, Ehapa, 1994. L’album est publié dix ans plus tard, en 2004, en langue française: Reinhard Kleist, Les rats dans les murs, Paris, Akileos, 2004. 39 Matthias Schneider, „Reinhard Kleist. Skurille und morbide Erzählungen“, Deutschsprachige Comics, Goethe Institut, 2013, https: / / web.archive.org/ web/ 20170613072653/ http: / / www.goethe.de/ kue/ lit/ prj/ com/ cfc/ cfk/ de273244.htm (dernière consultation: 15/ 02/ 21). 40 Andreas Platthaus, „Le retour de la bande dessinée allemande“, Goethe-Institut Montréal, 2019, www.goethe.de/ ins/ fr/ fr/ kul/ dos/ cad/ 21526114.html (dernière consultation: 15/ 02/ 21). 41 Reinhard Kleist, Castro, Hamburg, Carlsen (coll. Graphic Novel), 2010; Reinhard Kleist, Castro, Paris, Casterman, 2012. DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 149 Dossier 42 Reinhard Kleist, Der Traum von Olympia, Hamburg, Carlsen (coll. Graphic Novel), 2015; Reinhard Kleist, Rêve d’Olympe, le destin de Samia Yusuf Omar, Paris, La boîte à bulles, 2016. 43 Myriam Louviot / Clémence Thierry, op.cit. (note 3), 8. 44 Reinhard Kleist, Knock out, Paris, Casterman, 2020. 45 Gérard Genette, Fiction et Diction, Paris, Seuil, 1991. 46 Alain Buisine, „Biofiction“, in: Revue de sciences humaines, 224, 1991: Le Biographique, 7- 13. 47 Marco Mongelli, op. cit. (note 15). 48 Gérard Brey, Figures du récit fictionnel et du récit factuel. Monde luso-hispanophone, tome 2, Besançon, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007, 9. 49 Au sens que leur confèrent Philippe Artières et Jean-François Laé, Archives personnelles. Histoire, anthropologie et sociologie, Paris, A. Colin, 2011. 50 Selon le témoignage de Reinhart Kleist consultable à http: / / paulgravett.com/ articles/ article/ reinhard_kleist_interview (dernière consultation: 15/ 02/ 21). 51 Alan Scott Haft, Harry Haft. Auschwitz Survivor. Challenger of Rocky Marciano, op. cit. (note 16). Dans le corps du texte, les références à ce récit seront indiquées par les initiales HH, suivies du numéro de page entre parenthèses. 52 Interview de Reinhard Kleist par Paul Gravett pour le Goethe Institut London, 6 juillet 2014 (cf. note 50); traduction: „Je n’étais pas sûr de ce que je pouvais faire avec cette histoire, donc je l’ai montrée de loin, dans l’ombre, laissant le lecteur s’imaginer cette scène horrible“. 53 www.youtube.com/ watch? v=mZ2BB9hOtOU (cf. note 17). 54 Cf. note 18. 55 www.youtube.com/ watch? v=mZ2BB9hOtOU [TC: 47: 36]. 56 www.youtube.com/ watch? v=mZ2BB9hOtOU [TC: 19: 08]. 57 „Si tu avais eu le choix comme moi, de quel côté te serais-tu battu? Celui des loups ou celui des moutons? “ 58 Eric Friedler / Andreas Kilian / Barbara Siebert, Zeugen aus der Todeszone: Das jüdische Sonderkommando in Auschwitz, Berlin, dtv, 2005. 59 Témoignage de Harry Haft par William Hermreich, le 28 juin 1990, RG-50.165*0041, United States Holocaust Memorial Museum. L’interviewer réalise une collecte de témoignages dans le cadre de la rédaction de son ouvrage Against all odds: Holocaust survivors and the successful lives they made in America, New York, Simon and Schuster, 1992. 60 https: / / www.youtube.com/ watch? v=mZ2BB9hOtOU. 61 Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1996 [1975], 18. 62 Jonathan Hautot, „Maus et Auschwitz, des récits testimoniaux de témoignage(s)? “, in: Pierre-Alban Delannoy, op. cit. (note 1), 27-44. 63 Theodor Adorno, Noten zur Literatur, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1965; Claude Lanzmann, „Le lieu et la parole“, in: Cahiers du cinéma, 374, 1985, 18-23. 64 En référence à Lucie Bertrand-Luthereau, L’indicible concentrationnaire et génocidaire. Définition d’un nouveau concept, Paris, Lulu, 2014. 65 Andréa Lauterwein, Essai sur la mémoire de la Shoah en Allemagne fédérale (1945-1990), Paris, Kimé, 2005, 19. 66 Annette Wieviorka, L’ère du témoin, Paris, Hachette, 2007, 130-131. 67 Andréa Lauterwein, op.cit. (note 65), 74-75. 150 DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 Dossier 68 Hans Ulrich Thamer, „Le ‚devoir de mémoire‘. Débats intellectuels et praxis culturelle en Allemagne“, in: Myriam Bienenstock, Devoir de mémoire? Les lois mémorielles et l’Histoire, Paris, Éd. de l’Eclat, 2014, 131-140. 69 Tobias Ebbrecht / Timo Reinfrank, „Deutsche Schuld und die Störenfriede der Erinnerung“, in: The Final Insult. Das Diktat gegen die Überlebenden. Deutsche Erinnerungsabwehr und Nichtentschädigung der NS-Sklavenarbeit, Münster, UNRAG-Verlag, 2003, 259. 70 Annette Wieviorka, op.cit. (note 66), 134. 71 Ibid. 72 Henri Rousso, „La mémoire de la Shoah en vidéo“, in: Vingtième siècle. Revue d’histoire, 17, 1988, 113-114. 73 Catherine Coquio, La littérature en suspens. Écritures de la Shoah: le témoignages et les œuvres, Paris, L’Arachnéen, 2015, 14. 74 Jonathan Haudot, op. cit. (note 13), 229-230. 75 Jean-Marie Schaeffer, „À propos de ‚qu’est-ce qu’un évènement artistique‘? Contribution à une sociologie de la singularité“, in: Nathalie Heinich / Jean-Marie Schaeffer, Arts, création, fiction. Entre sociologie et philosophie, Paris, Jacqueline Chambon, 2004, 128. 76 Tal Bruttmann, „Comment Maus a changé le 9 ème Art“, in: Didier Pasamonik / Joël Kotek, op. cit. (note 13), 2017, 79-81. 77 Johannes Kolb, Der Holocaust im Comic? Art Spiegelmans „Maus“ im Geschichtsunterricht, Hamburg, Diplomatica Verlag, 2013. 78 Jonathan Haudot, op. cit. (note 13). 79 Pierre Alban Delannoy, Maus d’Art Spiegelman. Bande dessinée et Shoah, Paris, L’Harmattan, 2002, 29. 80 Jonathan Haudot, op. cit. (note 13), 60-66. 81 Sam Braun, „Génération sacrifiée“, in: Les Enfants de Sam (film documentaire), Pascal Magontier, 2002, production de France 3 Alsace et Bleu Krystal Média. 82 C’est d’ailleurs cette phrase que l’éditeur allemand choisit comme titre de l’ouvrage testimonial: Alan Scott Haft, Eine Tages werde ich alles erzählen. Die Überlebensgeschichte des jüdischen Boxers Hertzko Haft, Göttingen, Die Werkstatt, 2009. 83 En France, en dehors d’un album pour enfants sorti en 2005 (Champion de Gilles Rapaport), seuls trois albums abordent ce thème et tous sont publiés quelques mois après la sortie de Der Boxer: Denis Lapière / Aude Samama, À l’ombre de la gloire, Paris, Futuropolis, août 2012; Nathaniel Legendre / Jordi Planellas / Florence Fantani, Zigeuner, août 2012; Aurélien Ducoudray / Eddy Vaccaro, Young, Paris, Futuropolis, octobre 2013. 84 Doriane Gomet, Sports et pratiques corporelles chez les déportés, prisonniers de guerre et requis français en Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, Thèse de 3 ème cycle sous la direction de Thierry Terret et Wolfram Pyta, Université de Lyon 1, 2012; Véronika Springmann, „Boxen im Konzentrationslager. Erzählmuster und Interpretationen“, in: Anette Dietrich / Ljiljana Heise (ed.), Männlichkeitskonstruktionen im Nationalsozialismus. Formen, Funktionen und Wirkungsmacht von Geschlechterkonstruktionen im Nationalsozialismus und ihre Reflexion in der pädagogischen Praxis, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 2012, 185-200. 85 Martin Krauss, „Boxen im KZ. Einblicke von Martin Krauss“, in: Reinhard Kleist, op.cit. (note 8), 185-193. 86 Wolfgang Sofsky, L’organisation de la terreur, Paris, Calmann-Lévy, 1995, 147-191. 87 Patrick Bruneteaux, „Figures du dédoublement: la mort lente ou le travail de divination du bourreau“, in: Sud/ Nord, 18, 1, 2003, 42. DOI 10.2357/ ldm-2020-0030 151 Dossier 88 Alan Scott Haft, op. cit. (note 16), 169-172. 89 Ibid., 169. 90 Cf. http: / / paulgravett.com/ articles/ article/ reinhard_kleist_interview (dernière consultation: 15/ 02/ 21). 91 Témoignage de Harry Haft par William Hermreich, le 28 juin 1990, RG-50.165*0041, United States Holocaust Memorial Museum.