eJournals lendemains 45/180

lendemains
ldm
0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
10.2357/ldm-2020-0049
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2020
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Transfuge(s) de classe, de genre, de culture… Pour Thomas Ostermeier, tous les détours mènent à Reims

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2020
Delphine Edy
ldm451800092
92 DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 Dossier Delphine Edy Transfuge(s) de classe, de genre, de culture… Pour Thomas Ostermeier, tous les détours mènent à Reims Retour à Reims, le spectacle hybride de Thomas Ostermeier, entre film documentaire et performance théâtrale et musicale, prend appui sur le texte tout aussi composite de Didier Eribon et connaît un succès retentissant: créé en anglais à Manchester en juillet 2017 dans le cadre du Manchester International Festival, il a été repris à Berlin à la Schaubühne, puis transposé en français et en italien, et une nouvelle version allemande sera présentée au public berlinois en 2021. Peu nombreux sont ceux qui se souviennent que le texte d’Eribon, paru en 2009 chez Fayard, n’a pas rencontré l’accueil que l’on est en droit de s’imaginer dix ans plus tard. La journaliste Chloé Leprince choisit d’ailleurs, au moment de la première française du spectacle, de rappeler „comment Retour à Reims est devenu un bestseller sociologique“ en retraçant la réception de ce livre: Retour à Reims rencontre un accueil minimaliste dans le champ académique. Un tel accueil souligne la question du statut de cet essai à sa sortie (Leprince 2019). Le fait qu’il n’y ait que de „rares recensions de Retour à Reims dans les deux ans qui suivent sa parution“, aurait donc à voir pour la journaliste avec le genre du texte (ibid.). Est-ce le choix de l’écriture à la première personne qui dérange ses habituels lecteurs académiques? Car, comme le signale Benoît Ladouceur, enseignant de sciences économiques et sociales, ce livre n’est pas un livre de sociologie à proprement parler. C’est un livre personnel dans lequel Didier Eribon revient sur une partie de sa vie qu’il a occultée durant de longues années (Ladouceur 2011). Pourtant, pour le sociologue Paul Pasquali, cette „autobiographie d’un intellectuel de première génération“ articule „des analyses sur la famille de l’auteur avec des réflexions sur les classes populaires en général“ (Pasquali 2011: 159-160). La réception par la presse généraliste apparaît „a contrario enthousiaste, volubile, et varié[e]“ (Leprince 2019). Jean-Louis Jeannelle (Le Monde) salue un „essai où [Eribon] emprunte à la tradition littéraire du récit de retour“, en racontant „l’histoire de vies qui se sont croisées sans vraiment s’être rencontrées“ (Jeannelle 2009). Jérôme Duuis (L’Express) y voit „le formidable coming-out social“ d’un Eribon „sociologue de sa propre autobiographie“ qui livre un véritable „roman familial des origines“ (Duuis 2009: 107). Pour Christine Ferniot (Télérama), Retour à Reims s’entend comme un „beau récit tendu [qui] mêle la réflexion intellectuelle sur l’identité et l’histoire singulière et intime“ (Ferniot 2009: 69): DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 93 Dossier A l’autobiographie, le philosophe Didier Eribon a préféré une autre forme littéraire - qui rappelle celle d’Annie Ernaux, souvent citée. Elle lui permet d’exprimer les tâtonnements d’une vie et montre les batailles permanentes d’un homme dominé par la violence d’une société de classes (ibid.). Ce qui semble avoir contribué au succès éditorial de Retour à Reims, un ouvrage vendu à plus de 65 000 exemplaires en l’espace de six ans, alors qu’„à 1 300, on estime souvent qu’un livre de sciences sociales est déjà un succès correct“, se trouve donc bien du côté de sa dimension littéraire, soulignée par les recensions critiques (Leprince 2019). „Récit de retour“, „histoires de vie“, „autobiographie“, „roman familial“, tous ces termes mettent en lumière la construction d’une forme, et l’on saisit mieux ce que dit Annie Ernaux de l’écriture en creux dans ce texte: Eribon offre ici un exemple magnifique de la vie éclaircie [...] dans une démarche d’écriture qui lie étroitement l’intime, le social et le politique, unit le corps usé d’une mère à la division injuste d’une société à changer (Ernaux 2009: 118). Comment comprendre alors que la traduction allemande de Tobias Haberkorn parue en 2016 se soit révélée immédiatement un best-seller, avec des ventes s’élevant à presque 90 000 exemplaires en un an? D’autant qu’on ne compte plus les interviews d’Eribon dans la presse allemande et les conférences données en Allemagne et en Autriche. Il apparaît alors nettement que c’est dans le cadre de l’opération de transposition, qui relève à la fois de la traduction et du transfert culturel, que l’expérience du transfuge de classe qu’est Eribon s’actualise Outre-Rhin et semble renvoyer à une réelle nécessité allemande, notamment celle de trouver des explications à la résurgence de l’extrême-droite. Par ailleurs, le regain d’intérêt en France pour l’ouvrage réédité en 2018 semble coïncider avec la mise en scène d’Ostermeier que les spectateurs découvrent à l’été 2017 en Grande-Bretagne puis à Berlin et New York, avant même que la version française ne soit créée à Paris début 2019. C’est l’un des effets de notre monde globalisé: quand Ostermeier, reconnu comme l’un des plus grands metteurs en scène européens actuels, crée un spectacle, de nombreux sites et critiques relaient l’information. 1 La version scénique permet donc de (re)découvrir ce texte, et le processus de transposition se voit démultiplié dans le passage à la scène. En effet, l’approche de la réalité, notamment sociale et politique, mérite souvent un déplacement, un détour par l’étranger, Jean-Pierre Sarrazac nous rappelle d’ailleurs à ce sujet que „le détour permet le retour“ (Sarrazac 2004: 14): „Le pas de côté, le détour par ce qui est étranger ne peuvent [en effet] que favoriser un regard de re-connaissance du réel“ (Sarrazac 2002: 38). Il faudrait donc se détourner du texte original d’Eribon pour mieux revenir à lui et à Reims, cette ville devenant ainsi un lieu quasi mythique, celui de l’anagnôrisis, chacun pouvant dès lors trouver un nouvel accès au réel et à sa propre identité, ce qui explique pour Dirck Linck le succès du livre en Allemagne: 94 DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 Dossier Vor allem aber ist sie [die Aufmerksamkeit] ein Effekt von Eribons Darstellungsverfahren, das darauf angelegt ist, in greller Beleuchtung die Realien des Sozialen zur Erscheinung zu bringen (Linck 2016: 41). Il s’agit dès lors d’engager un parcours qui prend appui sur le texte hybride transgenre d’Eribon et d’opérer un détour par la scène théâtrale afin de mieux comprendre comment celle-ci actualise le texte au cours d’un processus transmédial et transculturel, ce qui permettra de mieux cartographier la notion de transfert, dont il semblerait qu’elle a à voir avec le débordement. Un texte transgenre Les extraits de critique déjà cités l’ont établi: Retour à Reims n’est pas seulement „un grand livre de sociologie et de théorie critique“ comme le note l’éditeur sur la quatrième de couverture (Eribon 2018). Entreprendre ce retour vers Reims s’apparente aussi pour Eribon à retrouver cette „contrée de moi-même“, comme aurait dit Genet, d’où j’avais tant cherché à m’évader: un espace social que j’avais mis à distance, un espace mental contre lequel je m’étais construit, mais qui n’en constituait pas moins une part essentielle de mon être (Eribon 2018: 13). Cette allusion à Jean Genet n’est pas anodine. Elle fait directement référence au poème „Voleur II“ dont il existe deux versions (Nottet-Chedeville 2018: 147): VOTRE ÂME est de retour des confins de moi-même [„Bohême“ Prisonnière d’un ciel aux paresseux chemins en 1945] Où dormait simplement dans le creux d’un poème [„poëme“ en 1945] Une nuit de voleur sous le ciel de ma main. Tout comme Genet semble chercher dans l’écriture la manière d’être au plus près de lui-même en nous offrant sa „bohème“ rimbaldienne, son errance dans la solitude de sa jeunesse, Eribon emprunte le chemin du retour pour se retrouver et mieux se comprendre. Cette „contrée“ ou ces „confins de moi-même“ en tant que territoire limite n’en sont-ils pas d’ailleurs que plus reconnaissables par celui-là même qui vit dans cette semblable extrémité, tout aussi proche et conscient de la frontière? C’est d’ailleurs ce que semble suggérer édouard Louis lorsqu’il s’écrie à propos de sa découverte, à l’âge de 18 ans, de Retour à Reims: „ce livre est l’histoire de ma vie“ et précise: Retour à Reims retrace […] la trajectoire d’un jeune gay qui grandit dans les classes populaires de Reims, dans un monde pauvre et dépossédé de presque tout, et qui va lutter pour s’éloigner du milieu de son enfance pour s’inventer autrement, devenir quelqu’un d’autre. Il fuit Reims et s’installe à Paris. […] Et il se transforme tellement, il s’éloigne tellement de sa famille et de la classe sociale dans laquelle il a grandi que quelques années après son départ DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 95 Dossier pour Paris il n’est plus capable de parler à sa famille; […] ils ne se comprennent plus (Eribon 2018: I-II). Au travers de ce livre, Louis reconnaît immédiatement sa propre vie, le processus d’identification fonctionne à plein et pourtant - et il le dit lui-même - „ce n’était pas vrai“, c’était une „erreur“, mais „c’est cette erreur, le fait que j’ai cru que c’était mon histoire, qui a fait que ce livre a eu autant d’impact sur moi“ (ibid.: II-III). Si le texte d’Eribon apparaît dans un premier temps comme „un espace à l’intérieur duquel on peut se reconnaître“, il s’avère, dans un deuxième temps, davantage un „espace de fantasme“ au sein duquel „l’erreur dans l’identification […] produit des effets sur la réalité“ (ibid.: III). En ce sens, la ville de Reims est à la fois un lieu réel, celui de l’enfance et de la jeunesse d’Eribon, mais il est aussi un „lieu[x] symbolique[s] inspiré[s] par un lieu d’expérience et de lieux réels“, non pas „parcourus par les personnages de fiction“, mais par la personne bien réelle de Didier Eribon (Grassin 2000: X). Il n’est donc pas étonnant que Retour à Reims soit à l’origine de nombreux échos: Annie Ernaux publie en 2013 Retour à Yvetot, et si Louis n’écrit pas „Retour à Hallencourt“, c’est pourtant bien ce retour qu’il met en œuvre dans son dernier ouvrage Qui a tué mon père, paru en 2018, qui se conçoit comme une réponse à son premier livre En finir avec Eddy Bellegueule, le retour se comprenant comme une réponse à la fuite nécessaire de ce monde perçu comme hostile. Mais Retour à Reims conduit aussi le documentariste Régis Sauder à tourner Retour à Forbach, un film documentaire que l’on a pu découvrir sur les écrans en 2017, dans lequel il revient, comme ses prédécesseurs, sur une partie volontairement occultée de sa vie, sur ses origines populaires, le quartier ouvrier de son enfance, sa honte sociale. 2 Cela corrobore par ailleurs pleinement le sentiment d’Eribon qui raconte au début de Retours sur Retour à Reims comment, „après la parution de Retour à Reims, en octobre 2009, [il] fu[t] submergé par un courrier considérable ininterrompu“, autant de traces de lecteurs saisis par cet „essai d’auto-analyse“, comme on peut le lire sur la quatrième de couverture, ce qui tend à prouver que la dimension autobiographique se trouve dépassée, débordée par la reconnaissance collective (Eribon 2011: 7). Ernaux, dans l’article qu’elle consacre au livre, l’exprime en des termes très justes: Difficile de rendre compte de toute la réflexion et de toute l’émotion que suscite la lecture du livre parcouru par les vibrations d’une révolte d’une mémoire humiliée, par une sorte particulière de mélancolie, analysée dans une très belle page, celle de l’être arraché à son premier monde (Ernaux 2009). Cette „révolte“, cette „mémoire“, ce „premier monde“ qu’évoque Ernaux, Eribon ne les perçoit dans un premier temps que de manière personnelle, il le raconte d’ailleurs ouvertement lors d’une conversation avec Ostermeier et le dramaturge Florian Borchmeyer au moment où l’équipe artistique travaille sur ce spectacle à Berlin. S’il s’interroge encore, avant la publication, sur le genre de son livre - lui dont certains 96 DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 Dossier textes théoriques, comme Réflexions sur la question gay sont aujourd’hui des références des Gender Studies - il prend rapidement conscience de la transgression générique qu’il a opérée, à son insu: Es war für mich sehr schwierig, dieses Buch zu schreiben, und als ich es meiner Herausgeberin schickte, war sie sehr glücklich. Und dann schickte ich ihr eine Nachricht und sagte: „Ich möchte, dass wir die Veröffentlichung zurückziehen.“ Sie sagte mir: „Aber es ist schon in der Druckerei, das Buch wird erscheinen.“ Ich dachte: Es ist Wahnsinn, das zu tun - für mich, für meine Familie. Das ist ein zu persönliches Buch. Aber tatsächlich habe ich hunderte Briefe von Menschen erhalten, die mir sagten: Sie beschreiben da mein Leben. Also habe ich mir gesagt: Das ist keine individuelle Erfahrung. Es ist eine kollektive Erfahrung, die sich bislang nicht ausdrücken konnte. Also hatte ich - um Sartres Begriffe zu übernehmen - eine Art Übergang von der Serialität zum Kollektiv vollzogen (Eribon 2016b: 22). C’est pourquoi ce texte est transgenre, au sens du genre littéraire. Merete Stistrup Jensen et Marie-Odile Thirouin ont montré dans leur ouvrage Frontières des genres. Migrations, transferts, transgressions que la notion de genre s’est déplacée: Elle ne relève plus d’une norme mythique, mais se constitue dans l’écart avec cette pseudonorme. C’est le jeu avec les frontières, qu’on respecte, qu’on refuse, qu’on dépasse, qu’on brouille, qui définit aujourd’hui le champ littéraire en expansion (Stistrup Jensen / Thirouin 2005: 7). Le préfixe ‚trans-‘ permet donc de montrer comment la généricité de Retour à Reims „déstabilis[e] l’horizon générique classique, dès lors qu’il y a décloisonnement des genres canoniques“, pour parler avec Jacqueline Dangel (2011: 156). En dépassant le simple ouvrage théorique, en introduisant une part de subjectivité autoréflexive et, surtout, en racontant à la première personne l’histoire de celles et ceux qui se découvrent alors transfuges de classe, Retour à Reims déplace le genre, ce qui d’ailleurs nous rappelle que c’est „le texte [qui] génère le genre et non l’inverse“ (Stistrup Jensen / Thirouin 2005: 6). Par ailleurs, ce constat déborde sur la scène de théâtre, car l’interaction entre la scène et le texte permet elle aussi de reposer la question du genre. Le texte hybride et transgenre d’Eribon, en véritable écho à son identité de transfuge de classe ou de ‚transclasse‘ se voit en effet actualisé dans son transfert sur la scène au sens deleuzien du passage de l’état en puissance à celui d’en acte (Jacquet 2014). La scène théâtrale intermédiale comme lieu de l’actualisation Ostermeier a beaucoup travaillé ces dernières années sur la question de la montée de l’extrême droite, conjuguée à celle de l’échec de la gauche. Après avoir proposé une version remarquée de Professor Bernhardi d’Arthur Schnitzler en 2016, 3 opéré un détour par Reims en 2017, puis être revenu aux textes classiques d’Ödön von Horváth, en mettant en scène Italienische Nacht en 2018 et Jugend ohne Gott en 2019, Ostermeier démultiplie le Retour en mettant en scène quatre autres versions DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 97 Dossier du spectacle: à la version anglaise Returning to Reims de 2017 font suite une version allemande Rückkehr nach Reims en 2018, la version française début 2019, ainsi qu’une version italienne Ritorno a Reims en novembre 2019, alors qu’une nouvelle version allemande est attendue pour 2021 à Berlin. Ce faisant, Ostermeier a réussi à créer en quatre ans un véritable dialogue entre littérature de répertoire et littérature contemporaine, entre des écrivains qui s’approchent au plus près des mécanismes concrets qui permettent à l’idéologie de l’extrême-droite de s’installer et à ses adeptes de s’emparer du pouvoir, et d’autres qui s’attachent à faire exister les victimes des mécanismes dudit pouvoir. Dans une interview réalisée en 2020, 4 Ostermeier explique qu’en choisissant les textes qu’il met en scène, il chausse surtout ses „lunettes matérialistes“, pour montrer comment „das gesellschaftliche Sein bestimmt das Bewusstsein“; il se positionne en tant que „matérialiste historique“, rappelant ainsi que c’est „la situation matérielle [qui] fait la vie des gens“. Dans cette dynamique, le texte d’Eribon revêt un statut particulier, comme le metteur en scène le précise ailleurs: Pour moi, le fait que Retour à Reims conjugue cette double dimension à la fois analytique et biographique a été un facteur décisif. L’analyse est renforcée par le fait que tout ce que décrit l’auteur est vécu (Ostermeier 2018: 6). En effet, Ostermeier a depuis toujours à cœur de „démasquer les puissants et [de] percer à jour les structures du pouvoir“ (Ostermeier 2016: 61). Ce qu’il recherche, c’est une littérature capable de faire tomber les masques, celle qui associe les dimensions sociologique, psychologique et anthropologique aux questions de pouvoir: comment les individus ont-ils une chance de s’épanouir malgré le poids des contraintes? Mais cette recherche ne peut se penser sans la dimension humaine, c’est-à-dire sans les acteurs et le public. Le metteur en scène s’empare donc d’un texte lorsqu’il pressent que sa vérité peut se révéler peu à peu, que le sens peut être pluriel, c’est-à-dire que l’œuvre est suffisamment ouverte et universelle pour tendre vers une forme de transtemporalité; il en propose alors un choix de résolution avec son équipe artistique, car c’est par l’action qu’il cherche à percer l’énigme du texte. Si la dimension autobiographique du vécu joue un rôle décisif dans le choix du metteur en scène de créer ce spectacle, l’opération de transfert sur le plateau engage un processus d’éloignement, une distanciation du texte et donc de la parole d’Eribon: Ostermeier part de la parole de l’homme, de son vécu, pour déplier une réalité de plus en plus globale, qui déborde à travers les discussions des personnages pour atteindre les spectateurs qui sont en mesure d’engager un dialogue avec leur propre histoire. Sur le plateau, c’est le décor d’un studio d’enregistrement qui se voit reconstitué; Tony, ingénieur du son et propriétaire du studio, le prête à son ami Paul pour qu’il puisse enregistrer la voix-off de son documentaire sur Eribon, celle-ci étant prise en charge par Katy/ Catherine (en fonction des versions), une de ses amies comédiennes. Le cadre dramaturgique est posé. 98 DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 Dossier La première partie du spectacle est consacrée à l’enregistrement de la voix-off - un montage du texte - du film documentaire, projeté sur grand écran en fond de scène. Ce qui pourrait apparaître de prime abord comme une illustration visuelle et scénique de livre se révèle bien plus une mise en perspective de ce texte, première étape de la distanciation orchestrée sur scène. En effet, Irène Jacob, la voix-off française, le souligne: La pensée d’Eribon ne doit pas s’imposer mais se proposer au spectateur comme le déroulement d’une réflexion intime et sociologique. Cette pensée se découvre à l’instant même où elle se prononce, ce n’est pas un prêche. Thomas m’a donné à lire l’essai de Kleist, De l’élaboration progressive des idées par la parole, qui parle du processus du discours et de l’écoute: on peut développer une pensée parce que l’écoute de quelqu’un permet de poser des mots, d’être face à ses interrogations et d’avancer dans la réflexion (Nordey 2019: 9). Le film documentaire s’ouvre sur des images en gros plan d’un Eribon visiblement absorbé par ses pensées dans le TGV qui relie Paris à Reims. Celles-ci sont entrecoupées par des images de la banlieue rémoise, parkings vides, autoroute et lotissements se déplient devant nos yeux. Puis Eribon arrive chez sa mère qu’on découvre dans son environnement quotidien, elle a sorti des photos, les passe en revue avec son fils. Autour d’un café, ils évoquent des souvenirs, parfois oubliés, ce sont des échanges entre mère et fils touchants, empreints de bienveillance et d’affection. Puis, à nouveau le train, en sens inverse, et nous voilà avec Eribon à Paris dans une librairie, comme si la visite chez sa mère avait déclenché de nouvelles réflexions, suscité des désirs de lecture. S’ensuit une scène de complicité dans un café typiquement parisien avec Geoffroy de Lagasnerie. Alternent par la suite de nouvelles images du sociologue dans le TGV , démultipliant le Retour, avec des images de son passage en 1989 dans l’émission Apostrophes, animée par Bernard Pivot, où il évoque Michel Foucault et Georges Dumézil. C’est de cette émission dont il est question dans Retour à Reims: Je fus stupéfait, il y a peu, d’apprendre que, en me voyant un jour dans une émission de télévision, il s’était mis à pleurer, submergé par l’émotion. Constater qu’un de ses fils avait atteint à ce qui représentait à ses yeux une réussite sociale à peine imaginable l’avait bouleversé. Il était prêt, lui que j’avais connu si homophobe, à braver le lendemain le regard des voisins et des habitants du village et même à défendre, en cas de besoin, ce qu’il considérait comme son honneur et celui de sa famille (Eribon 2018: 32). De vieilles photos de Reims sont aussi projetées, ainsi que des extraits d’archives: un discours de Jacques Duclos, des réunions du parti communiste, des manifestations d’ouvriers, des images de 1968, Prague, les manifestations, les grèves et, à nouveau, l’orchestration dynamique du retour avec des images d’aujourd’hui, celles des vestiges de l’usine qui a embauché le père d’Eribon dès sa sortie de l’école, mais aussi des photos d’ouvriers d’aujourd’hui qui regardent face caméra: des visages cernés, burinés par des années d’efforts, parfois des yeux rieurs, une esquisse de sourire; des hommes et des femmes, des jeunes et des moins jeunes tels DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 99 Dossier qu’on en croise aujourd’hui dans des quartiers populaires. Souvent leur corps est abîmé, leur béquille en est le témoin. Puis des images d’époque de l’usine Peugeot située dans le quartier du Port Colbert de Reims: on aperçoit des hommes sur une chaîne de montage, puis des femmes, toutes portent une blouse qui contraste avec les mini-jupes et les pantalons pattes d’éléphants qu’elles renfilent à l’issue de leur journée de travail. Des plans fixes de l’usine VMC , Verreries Mécaniques Champenoises, une usine qui fonctionna entre 1911 et 2009, devenue une immense friche industrielle et dont l’année 2020 consacre la fin de l’existence puisqu’elle est à ce jour presque entièrement démolie. Sur ces images tournées par Sébastien Dupouey, on découvre de vieux joints en caoutchouc de bocaux en verre abandonnés à même le sol, des vitres brisées, une ancienne pancarte „Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place“, rappelant de manière cruelle et ironique qu’il n’y a pas de mobilité sociale possible. Le plan fixe suivant montre un pavillon mitoyen délabré qui jouxte les restes du complexe industriel et côtoie des arbres sans feuilles en cette saison hivernale, images de désolation, suivies sans transition d’un reportage d’époque où des gens s’agglutinent aux caisses alignées d’un hypermarché, vision autrement apocalyptique de la société de consommation. Rupture de rythme: on suit alors Eribon qui remonte une ruelle et s’arrête devant le numéro 9, la maison de son enfance aujourd’hui rénovée, celle décrite dans son livre: Le mot „maison“ correspond mal à ce dont il s’agissait: un cube de béton collé à d’autres cubes de béton, posés de chaque côté d’une allée parallèle à d’autres allées identiques. Tous ces logements se composaient, sur un seul étage, d’une pièce principale et d’une chambre (que nous occupâmes donc à quatre, comme auparavant). […] Quelques mètres carrés de jardin agrémentaient l’ensemble d’une touche de verdure (Eribon 2018: 95-96). Puis, à nouveau, sans transition, des images nocturnes de l’avenue de l’Opéra avec l’Opéra Garnier en perspective, symbole du patrimoine culturel, suivies de celles de jambes de spectateurs gravissant les marches, de leurs verres de vin s’entrechoquant dans le foyer: chaussures, vêtements, bijoux, gestuelle, serveurs tout habillés de blanc, tout est marqueur social. Eribon et Lagasnerie sont également présents, on les voit entrer puis on les retrouve de dos, dans leur loge: si Eribon a aujourd’hui accès à ce temple de la culture, sa conscience de classe n’a visiblement pas disparu. L’enchaînement avec des images d’aujourd’hui du lycée Clémenceau de Reims avec un focus sur un jeune élève qui semble ne pas trouver sa place, crée un parallèle très suggestif. Les images du clip de Françoise Hardy „Tous les garçons et les filles de mon âge“ sont le moyen d’introduire la question de l’homosexualité, le sentiment d’être différent, la douleur qui l’accompagne. Puis, nous revenons dans le TGV et ce sont les images du film La Belle et la Bête avec Jean Marais dans le rôle-titre qui apparaissent, un Jean Marais que le père d’Eribon ne manquait jamais d’insulter en raison de son homosexualité. Ses paroles à l’attention de Belle à la fin du film „Je ne pouvais être sauvé que par un regard d’amour“ sont des mots à peine 100 DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 Dossier couverts qui racontent le parcours intime de l’auteur condamné au départ pour découvrir que les termes ‚bienveillance‘, ‚tolérance‘ et ‚respect de la différence‘ peuvent le sauver. Dupouey établit enfin une association visuelle avec le quartier de la cathédrale et ses ruelles où Eribon découvre la réalité de l’homosexualité, les ‚lieux de drague‘, les toilettes publiques où il n’est jamais descendu. Puis, on découvre les images d’un club gay d’aujourd’hui, lieu de mixité sociale où des hommes en costume en côtoient d’autres tatoués, des hommes de toute génération mais aussi quelques femmes et surtout, une immense file d’attente sur le trottoir au cœur de la nuit, symbole du désir de se retrouver. Cette première partie s’achève sur des images de la triste cité HLM Orgeval à Reims où Eribon a habité avec sa famille entre ses treize et ses vingt ans. Katy s’interrompt pour manifester son désaccord. Dans les cinq versions du spectacle, cette première partie est similaire, seul le texte est traduit et interprété dans la langue de l’actrice qui joue Katy: Nina Hoss assure les versions anglaise et allemande, Irène Jacob la version française, Sonia Bergamasco la version italienne, et Isabelle Redfern la nouvelle version allemande de 2021. A l’issue de la première partie du spectacle, Katy interroge donc les choix du réalisateur, les coupes qu’il opère dans le texte, la sélection des images du documentaire et leur montage, l’adéquation du texte de la voix-off et des images projetées… et c’est donc bien une véritable discussion politique qui s’engage sur le plateau: Que peut-on vraiment dire? Quelles sont les forces politiques à l’œuvre? Comment remettre efficacement le système en question? Comme l’explique Irène Jacob, „le spectacle questionne la façon dont on écrit une histoire, et même l’histoire de France, ce qu’on choisit de raconter ou non“ (Nordey 2019: 14). Les échanges dont nous sommes témoins dans cette deuxième partie entre le réalisateur et la comédienne, mais aussi avec l’ingénieur-son interrogent ouvertement l’évolution politique des cinquante dernières années: la perte de vitesse de la gauche, la montée du populisme et de l’extrême-droite, la notion de classe sociale, la responsabilité de la gauche dans l’abandon d’un projet de société progressiste. Au moment où le documentaire reprend, après l’interruption provoquée par Katy, la sélection des images projetées est différente en fonction des versions: celles de jeunes activistes qui luttent contre le Front National dans les versions anglaise et allemande se voient remplacées par d’autres, montrant des manifestations de gilets jaunes dans la version française, ce choix soulignant la volonté d’être au plus près de l’actualité au moment des répétitions de cette troisième version et qui a à voir avec le fait que le théâtre de Thomas est „un théâtre de l’instant“. Il veut qu’on ait l’impression que les acteurs inventent ce qu’ils disent sur le moment, qu’ils réagissent, que les situations se jouent au présent (Nordey 2019: 11). Il y a par ailleurs d’autres ajouts, des images de François Hollande, d’Emmanuel Macron et d’autres images de gilets jaunes sur les Champs Élysées fin décembre 2018, rappelant la force et la place du présent. DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 101 Dossier Plus encore, dans cette deuxième partie, la partition dramaturgique se trouve de plus en plus prise en charge par les personnages, qui apparaissent comme des prolongements d’Eribon: en replongeant chacun dans sa propre histoire et en conjuguant leur histoire individuelle à l’Histoire collective, ils nous offrent une nouvelle lecture de la violence sociale, un véritable miroir de notre temps. À la fin de l’enregistrement, Katy regrette que le „cadre“ posé par Eribon dans son livre soit absent, même si elle comprend le choix de Paul de ne pas revenir à quelque chose de personnel et d’être plus politique. En effet, le récit débute par la mort de son père et se termine sur l’évocation du père: Mon propre père? Le cœur serré, je repensai à lui et regrettai de ne pas l’avoir revu. De ne pas avoir cherché à le comprendre. Ou tenté autrefois de lui parler. D’avoir, en fait, laissé la violence du monde social l’emporter sur moi, comme elle l’avait emporté sur lui (Eribon 2018: 247). Dans les versions anglaise et allemande, le passé de Nina Hoss rencontre celui de la comédienne qu’elle incarne. En prononçant les mots „mon père“, et après les heures passées à avoir incarné la voix d’Eribon, c’est son propre père qu’elle évoque: 5 issu d’une famille ouvrière, de père communiste, il est témoin dès son enfance de la violence sociale dont son propre père est victime et s’engage toute sa vie dans des luttes très concrètes. Paul, touché par ce récit, propose d’enregistrer et de réfléchir à intégrer cette partie dans son documentaire. À partir de ce moment-là, la projection reprend en fond de scène: Hoss raconte comment son père rejoignit le parti communiste, étudia la philosophie puis s’établit à Stuttgart en tant que soudeur, car c’est là la place d’un communiste. Il y fonda un syndicat indépendant, puis créa le parti vert allemand qu’il quitta finalement par divergence d’opinion sur la participation allemande à la guerre en Afghanistan en 2001. Il s’investit alors dans l’aide aux peuples d’Amazonie et c’est sur ces images de Willy Hoss au cœur de la forêt amazonienne, projetées via le portable de Katy, que s’achève le spectacle: Tony a rejoint Paul et Katy, ils regardent tous les trois les images sur le portable, un halo de lumière tamisée les enveloppe, il recrée l’intimité autour de la figure du père qui déborde du cadre initial, comme si le père d’Eribon, puis le père de Katy devenaient des figures de transfert universelles. Dans la version française, c’est Blade Mc Alimbaye, artiste d’origine normande et d’ascendance sénégalaise, qui prend en charge la narration en racontant l’histoire de son grand-père, autre écho de la violence sociale. Cet ancien tirailleur sénégalais, immigré de la première génération, s’est battu sous le drapeau français et a vécu le massacre de Thiaroye commis par l’armée française en 1944 alors que des Sénégalais, tout juste rentrés des camps de prisonniers, réclamaient l’argent qui leur était dû pour leurs loyaux services. Tony prend la place de Catherine au pupitre, Paul se met à filmer, Tony raconte, et le récit devient de plus en plus intime là-aussi, Paul et Catherine finissent par l’entourer, ils regardent ensemble la dernière photo du grandpère et les premières notes du morceau „Février noir“ issu de l’album Bleu: point zéro (2015) résonnent: 102 DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 Dossier J’ai la peau corbeau, m’a fait savoir l’administration / Radote l’intégration, je les attends depuis trois générations / Grand-père, la chair à canon, les y’a bon, les jours précaires / Souviens-toi, Le Havre était une ville négrière. Dès le début de la deuxième partie, Tony (interprété par Ali Gadema dans les versions anglaise et allemande) avait été invité par Paul à interpréter son dernier morceau. À chaque fois, il est question d’interpeller sur les violences sociales, le racisme, d’inciter parfois à la révolte, ce qui rappelle que l’une des premières vocations de ce genre musical était de témoigner et dénoncer des injustices sociales. Dans la version italienne, c’est un rappeur d’origine nigériane qui prend le relais au micro et dans la nouvelle version allemande, c’est l’histoire du père d’Isabelle Redfern qui servira de fil conducteur à l’épilogue du spectacle, un Noir américain, recruté par la Navy, stationné en Allemagne où il rencontrera la mère d’Isabelle Redfern. Celle-ci racontera son expérience du racisme aux États-Unis et en Allemagne, engageant un dialogue avec Amewu Nowe, un rappeur noir berlinois. Conclusion Le récit à multiples épaisseurs qui nous est livré sur scène, la mise en abyme des images du documentaire, spectacularisé sur la scène au cœur de l’espace où se crée la représentation, questionnent la fabrique des représentations, à la fois artistiques mais aussi sociales: quelle image donnons-nous de nous-mêmes? Que percevons-nous des autres? Que cachons-nous? Qui sommes-nous? Toutes ces questions renvoyant au leitmotiv de la dramaturgie d’Ostermeier, „‚Who’s there? ‘, une sorte de fil rouge […] de son appréhension des raisons, qui, de manière générale, le poussent à faire du théâtre“ (Ostermeier 2016: 88). Dans cette performance transmédiale, les actions et les récits des personnages invitent à la réflexion. Une réflexion qui est de l’ordre de la pensée, mais qui s’opère par la réflexion au sens physique, c’est-à-dire par le retour d’une onde dans le milieu dont elle provient, et incite à l’action. Comme le dit un journaliste du New York Times (Brantley 2018): Those of us watching from our seats may extrapolate that since Ms. Hoss and associates are doing a political play, shouldn’t we too be part of the political discussion? Of course, we should. And we are. Le détour par l’Allemagne du texte d’Eribon, mis en scène par Ostermeier, rend ainsi possible le retour en France avec un effet de réfraction du texte qui le fait résonner dans le présent des spectateurs et engage alors une deuxième réception du texte puisque le spectacle donne à redécouvrir le texte. Ainsi donc, le texte du ‚transclasse‘ devient un transfuge de genre et de média, l’intermédialité faisant ici directement écho à l’intersectionnalité. Le théâtre politique d’Ostermeier qui interroge et réinvente le réel est en ce sens un véritable théâtre du débordement et de l’urgence, celui d’une réfraction incessante du texte qui a peut-être manqué aux Français lors de la publication de Retour à Reims en 2009. DOI 10.2357/ ldm-2020-0049 103 Dossier En actualisant ce texte au sens deleuzien, Ostermeier ouvre un entre-deux dialogique avec les spectateurs, interrogeant les mécanismes de domination et d’oppression à maints niveaux: les spectateurs, les trois personnages en scène, le documentaire et le texte d’Eribon sont les différents acteurs de cette narration du pouvoir qui déborde du cadre et des frontières pour créer entre les individus des relations fortes permettant d’envisager un véritable espace de partage. D’Eribon aux spectateurs, Ostermeier esquisse un arc tendu qui permet de réinterroger nos rapports aux mots, aux images et à notre histoire. Brantley, Ben, „Review: Returning to Reims and Those European Working-Class Blues“, in: The New York Times, 11/ 02/ 2018. Dangel Jacqueline, „Genre, généricité et trans-généricité: le personnage d’Œdipe en énigme tensionnelle de la tragédie de Sénèque à l’épopée de Stace“, in: Bulletin de l’Association Guillaume Budé, 1, 2011, 154-173. 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Stistrup Jensen, Merete / Thirouin, Marie-Odile (ed.), Frontières des genres: migrations, transferts, transgressions, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 2005. 1 Pour une vision plus claire, cf. le site de référence „Théâtre-contemporain“ (www.theatrecontemporain.net/ spectacles/ Retour-a-Reims-21845), le site culturel franco-américain „France-Amérique.com“ (https: / / france-amerique.com/ fr/ returning-to-reims-an-essay-by-didiereribon-on-stage-in-new-york), mais aussi l’article d’Hervé Guay, intitulé „Théâtres documentaires et transformation du réel“, in: Spirale, été 2018, 84-87. 2 Une série documentaire de France Culture, datant de septembre 2017 et intitulée „Voyage transclasse, histoires de ceux qui ont quitté leur milieu d’origine“ et notamment le quatrième épisode, rend particulièrement bien compte de cette dimension sérielle du retour, www. franceculture.fr/ emissions/ lsd-la-serie-documentaire/ voyage-transclasse-histoires-de-ceuxqui-ont-quitte-leur-milieu (diffusée entre le 18 et le 21 septembre 2017, dernière consultation le 18 décembre 2020). 3 Delphine Edy, „Professor Bernhardi de Thomas Ostermeier: un ‚monument intime‘. Redécouvrir un théâtre d’hier pour notre monde d’aujourd’hui“, in: Witold Wolowski (ed.), Le Théâtre à (re)découvrir. Intermédia, intercultures, Berlin, Peter Lang, 2018, 119: „La première française du Professor Bernhardi, mis en scène par Thomas Ostermeier au Théâtre National de Bretagne à Rennes en janvier 2017 peut donc être qualifiée d’inédit spectaculaire puisqu’elle est la seule depuis plus d’un demi-siècle“. 4 Publication à venir: Thomas Ostermeier, „Théâtre du réel pour aujourd’hui. Interview“, in: Pratiques, 191-192, décembre 2021: Textes et Scènes aujourd’hui, ed. Delphine Edy / André Petitjean. 5 Dans la version anglaise, le père n’est pas explicitement nommé, dans la mesure où il appartient à l’histoire politique et syndicale allemande.