eJournals Oeuvres et Critiques 46/2

Oeuvres et Critiques
oec
0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
10.24053/OeC-2021-0013
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Entre sociabilité et évasion : les espaces de lecture à la cour de Louise Dorothée de Saxe-Gotha (1732–1767)

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Frank Nagel
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Entre sociabilité et évasion : les espaces de lecture à la cour de Louise Dorothée de Saxe-Gotha (1732 - 1767) Frank Nagel Christian-Albrechts-Universität zu Kiel Au siècle des Lumières, le transfert culturel franco-allemand ne marque pas seulement les grands lieux éminents comme la cour de Potsdam, où Frédéric le Grand reçut tant d ’ écrivains et philosophes français, mais aussi de nombreuses cours, moyennes et petites, dont la vie culturelle s ’ inspirait de plus en plus des intellectuels français et du modèle de Versailles dans son ensemble. Un cas exemplaire à cet égard est sans aucun doute la cour de Gotha au XVIII e siècle. Avec l ’ entrée en fonction du duc Frédéric III et surtout de son épouse Louise Dorothée en 1732, une tendance s ’ installe dans la gestion de la cour, qui s ’ inspire de manière décisive de la France que ce soit dans l ’ architecture, la sociabilité, l ’ étiquette ou l ’ éducation 1 . Les quelques biographies existantes rendent hommage à Louise Dorothée de Saxe-Gotha (1710 - 1767) comme à une duchesse remarquable du XVIII e siècle, qui était probablement supérieure à son époux par son intelligence, son érudition et son ouverture d ’ esprit, et qui était appréciée, voire admirée par l ’ élite intellectuelle de son époque. Il convient de souligner ses liens étroits avec Frédéric le Grand et Voltaire, qui séjourna un mois au château de Friedenstein en 1753 et avec lequel elle correspondit pendant plus de 16 ans ; les œ uvres philosophiques et littéraires de ce dernier constituent aussi un 1 Voir, entre autres, Andreas Klinger, « Vom ‹ hausväterlichen › zum ‹ aufgeklärten › Hof ? Die Gothaer Hofhaltungen im 17. und 18. Jahrhundert », id. / Werner Greiling / Christoph Köhler (éds.), Ernst II. von Sachsen-Gotha-Altenburg. Ein Herrscher im Zeitalter der Aufklärung, Köln / Weimar / Wien, Böhlau, 2005, pp. 145 - 167 ; Bärbel Raschke, « Französische Aufklärung bei Hofe », Michel Espagne (éd.), Frankreichfreunde. Mittler des französisch-deutschen Kulturtransfers (1750 - 1850), Leipzig, Leipziger Universitätsverlag 1996, p. 23 - 38 ; Jochen Schlobach, « Französische Aufklärung und deutsche Fürsten », Zeitschrift für historische Forschung 17 (1990), p. 327 - 349. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [75] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 élément important de sa bibliothèque privée. L ’ influence française a également déterminé l ’ éducation des princes, le théâtre amateur, où l ’ on jouait des pièces de Marivaux et de Voltaire, et les formes de sociabilité observées par exemple dans l ’ Ordre des Hermites de bonne humeur 2 . Grâce à son étroite intégration dans la République des Lettres, Gotha apparut vers le milieu du XVIII e siècle comme l ’ incarnation d ’ une cour moderne, car le duché sut montrer, parfois aussi au-delà de la région, qu ’ il avait compris et adopté les normes de la nouvelle philosophie éclairée et les plaisirs de la convivialité mondaine. Cette acculturation profonde se reflète particulièrement bien dans la collection de livres et de manuscrits français conservés jusqu ’ à nos jours à Gotha. Dans la perspective d ’ une histoire matérielle du livre, l ’ attention se porte d ’ abord sur le commerce de livres entre Gotha et différentes autres villes, qui permit la constitution d ’ une collection assez riche dans le contexte des cours allemandes moyennes 3 . L ’ abonnement à la prestigieuse Correspondance littéraire, avec ses envois réguliers, revêtait ici sans doute une importance capitale 4 . À cela s ’ ajoutait un échange de lettres personnelles avec l ’ éditeur Friedrich Melchior Grimm, qui pouvait se procurer d ’ autres ouvrages et les livrer à Gotha 5 . De plus, des écrivains comme Voltaire envoyaient eux-mêmes leurs écrits à la duchesse lettrée. Cependant, dans l ’ ensemble communicatif de la cour de l ’ Ancien Régime en général et à Gotha en particulier, il faut distinguer l ’ existence de deux bibliothèques différentes, car à côté de la grande biblio- 2 Voir surtout Günter Berger / Bärbel Raschke, Luise Dorothea von Sachsen-Gotha- Altenburg. Ernestinerin und Europäerin im Zeitalter der Aufklärung, Regensburg, Pustet 2017, et les deux biographies historiques de Jenny von der Osten (Luise Dorothee, Herzogin von Sachsen-Gotha 1732 - 1767, Leipzig, Breitkopf und Härtel, 1893) et Karl Koetschau (Luise Dorothee. Eine Freundin Friedrichs des Großen und Voltaires, Berlin, de Gruyter, 1941), cette dernière parue sous le régime national-socialiste. Sur le soin que la duchesse a pris de l ’ éducation de ses enfants et les exercices qu ’ elle rédigeait en français, voir Bärbel Raschke, « ‹ … un modèle pour tous les princes › . Fürstenbild, Regierungskonzeption und Politikverständnis im Erziehungsjournal Louise Dorothées von Sachsen-Gotha für den Erbprinzen Ernst », Werner Greiling / Andreas Klinger / Christoph Köhler (éds.), Ernst II. von Sachsen-Gotha-Altenburg. Ein Herrscher im Zeitalter der Aufklärung, Köln / Weimar / Wien, Böhlau, 2005, p. 227 - 238. 3 Voir Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 88. 4 Voir Kirill Abrosimov, Aufklärung jenseits der Öffentlichkeit. Friedrich Melchior Grimms « Correspondance littéraire » (1753 - 1773) zwischen der « république des lettres » und europäischen Fürstenhöfen, Ostfildern, Thorbecke 2014 (Beihefte der Francia, 77) ; Koetschau, Luise Dorothee, p. 99 - 116. 5 Voir Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 93, 158 - 167. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [76] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 76 Frank Nagel thèque, la bibliothèque dite ducale 6 , s ’ en forma une autre, à savoir celle du cabinet ou bibliothèque privée. Il faut donc considérer deux développements parallèles, qui se trouvent aussi décrits dans la théorie de la cour de l ’ époque 7 . Cette deuxième collection ayant pu être financée par la fortune privée de la duchesse, ses fonds doivent être considérés comme des « Dokumente eines persönlichen Bildungs- und Sammelinteresses 8 ». Les catalogues manuscrits qui nous sont parvenus constituent la source centrale de la description bibliographique des collections privées de Frédéric III et en particulier de Louise Dorothée 9 . La bibliothèque de son cabinet comptait au total 3567 volumes, le catalogue correspondant de son époux en comptait 2368 10 . Sans aucun doute, ces collections privées déployèrent au cours de leur règne une dynamique et une autonomie extraordinaires, qui sont liées à des contextes d ’ acquisition et de conservation. Elles servaient non seulement à des fins représentatives, mais surtout à l ’ instruction et à la culture de leurs propriétaires et présentaient en même temps l ’ avantage d ’ un accès direct, aucune procédure de prêt n ’ étant nécessaire. De plus, la bibliothèque privée était directement rattachée aux appartements personnels, possédant ainsi un caractère presque intime. Enfin, dans le cas de Louise Dorothée, l ’ estime qu ’ elle portait à cette ‹ deuxième › bibliothèque est aussi sans doute un effet de la querelle des femmes 11 . Les princesses voulaient, elles aussi, se conformer au modèle du gouvernement éclairé qui demandait une duchesse régnante à la fois lettrée et cultivée. Dans les 6 Ainsi, la grande bibliothèque c ’ est la « Hofbibliothek, die in Gotha Herzogliche Bibliothek genannt wurde », voir Kathrin Paasch, « Die fürstlichen Privatbibliotheken am Gothaer Hof im 18. Jahrhundert. Die Sammlungen Herzog Friedrichs III. und seiner Gemahlin Louise Dorothée », Ulrich Johannes Schneider (éd.), Kulturen des Wissens im 18. Jahrhundert, Berlin, de Gruyter, 2008, p. 195 - 202, ici p. 196. 7 La création et l ’ évolution des bibliothèques privées princières se trouve décrite, pour le cas de Louise Dorothée, dans une excellente étude de Bärbel Raschke, « Fürstliche Privatbibliotheken im Zeitalter der Aufklärung : Ein Problemaufriss am Beispiel der Bibliothek von Louise Dorothée von Sachsen-Gotha und ihrer Voltaire-Sammlung », Bibliothek und Wissenschaft 37 (2004), p. 39 - 67. Ce phénomène culturel se reflète, selon Raschke, également dans les sources contemporaines concernant la théorie des cours, en particulier dans le Teutscher Fürsten-Stat (1660) de Veit Ludwig von Seckendorff et le Oeconomus prudens (1708) de Franciscus Philippus Florinus. Voir aussi Paasch, « Privatbibliotheken », p. 195 - 202. 8 Raschke, « Fürstliche Privatbibliotheken », p. 44 [« documents d ’ un intérêt personnel de culture et collection »]. Voir aussi Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 88 - 98. 9 Sur ces catalogues, fournis par le bibliothécaire Gottfried Christian von Freiesleben, voir Paasch, « Privatbibliotheken », p. 198. 10 Cf. Raschke, « Fürstliche Privatbibliotheken », p. 47. 11 Selon Kathrin Paasch, il s ’ agit d ’ un « weibliche[r] Rückzugsraum » (Paasch, « Privatbibliotheken », p. 200), cette opinion se trouve déjà chez Raschke, « Fürstliche Privatbibliotheken », p. 44 - 46. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [77] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 Entre sociabilité et évasion : les espaces de lecture à la cour de Louise Dorothée 77 structures de la cour au dix-huitième siècle, elles avaient de plus en plus de temps libre à consacrer à la lecture, et il leur incombait également de mettre en place des formes de lecture sociale. Or, l ’ existence d ’ une collection personnelle les désignait comme membres de l ’ élite culturelle éclairée, un fait que l ’ on retrouve également dans la représentation iconographique, par exemple sur le portrait célèbre qui montre Louise Dorothée entourée de nombreux livres, à la façon d ’ un tableau similaire de Madame de Pompadour 12 . Si les aspects extérieurs, empiriques et matériels de la bibliothèque privée sont assez bien explorés, on n ’ en sait encore que très peu sur les pratiques de lecture de la duchesse, c ’ est-à-dire sur les formes ou techniques de lecture concrètes avec lesquelles on abordait la philosophie éclairée à la cour de Gotha. En effet, comme le remarque Raschke, il manque des études approfondies sur la « historische Leseforschung an deutschen Fürstenhöfen des 18. Jahrhunderts [ … ], einem weitgehend brachliegenden Forschungsgebiet 13 ». Dans une première approche, le phénomène des bibliothèques privées aristocratiques de l ’ époque des Lumières devrait s ’ inscrire dans une histoire sociale de la lecture au sens large. Il montre toutefois qu ’ au-delà de la ‹ grande › bibliothèque officielle de la cour, déterminée par le désir de la représentation et de la mise à disposition de connaissances pratiques, un nouvel espace culturel distinct se crée, à savoir un espace de développement plus individuel, pouvant être aménagé librement en tant que collection personnelle. Selon Raschke, il est probable que cette sphère de culture de quelque sorte séparée et exclusive puisse être considérée comme un lieu spécifique de l ’ identité féminine 14 . Même si, comme le suppose Norbert Elias dans son livre séminal, les structures de la cour au siècle des Lumières sont largement déterminées par les intérêts fonctionnels et officiels des élites nobles 15 , on trouve ici un lieu assez privé pour les possibilités de l ’ époque et qui était beaucoup moins réglementé et contrôlé. Cependant, dans le cas de Louise Dorothée, il est difficile de savoir exactement comment s ’ opérait le contact avec l ’ objet physique et l ’ utilisation individuelle des livres, car les descriptions bibliographiques de sa collection soulignent qu ’ il n ’ existe pratiquement pas de notes de lecture directes, d ’ annotations ou de gloses marginales 12 Cette miniature sur ivoire représentant Louise Dorothée est conservée au Schlossmuseum de Gotha. 13 Raschke, « Fürstliche Privatbibliotheken », p. 49 [« recherche sur les pratiques de la lecture aux cours princières du XVIII e siècle, un domaine d ’ investigation largement inexploré »]. 14 Voir ibid., p. 44 - 46. 15 Voir Norbert Elias, Die höfische Gesellschaft. Untersuchungen zur Soziologie des Königtums und der höfischen Aristokratie. Mit einer Einleitung : Soziologie und Geschichtswissenschaft, Berlin, Suhrkamp, 2019 (stw 423), p. 93 - 94. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [78] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 78 Frank Nagel manuscrites 16 . Si l ’ on ignore ainsi l ’ usage et le maniement concret des livres ainsi que les modalités d ’ appropriation individuelle, on trouve cependant souvent dans les grandes correspondances de Louise Dorothée - qui cherchent toujours un échange sur ce qu ’ elle a lu - des remarques révélant le comportement et les préférences de la duchesse en tant que lectrice, de sorte que ces lettres pourraient être utilisées comme sources indirectes ou corrélatives pour une approche des pratiques de collection et de lecture d ’ usage à la cour de Gotha. La création de cet espace de lecture plutôt individuel et privé de la duchesse, que l ’ on peut situer assez concrètement dans l ’ architecture historique du château, à savoir dans les appartements privés de Louise Dorothée 17 , fait penser encore à cet autre contexte de référence que constitue l ’ histoire de la lecture comme pratique culturelle. L ’ espace intime esquissé renvoie ainsi dans l ’ Histoire au passage de la lecture à voix haute à la lecture silencieuse et, par conséquent, à la saisie optique du texte écrit, l ’ une des tendances caractéristiques de l ’ époque moderne 18 . Le processus général d ’ individualisation et de visualisation favorise évidemment la lecture entendue comme forme de souci de soi chez la duchesse, tout en s ’ appuyant sur une vaste collection d ’ auteurs éclairés d ’ origine française dans sa majorité, qui ne cesse de croître. En ce qui concerne les procédés techniques immanents, tels que Matthias Bickenbach les a décrits dans son étude sur une possible histoire ‹ intérieure › de la lecture 19 , il faut supposer une alternance entre lecture sélective et lecture globale ou extensive. Ainsi, la lecture de quelques textes de Voltaire ou d ’ autres poètes, que des conseillers tels que Manteuffel, Thun ou Grimm recommandaient dans leurs lettres, alterne avec l ’ examen cursif d ’ envois entiers, qui arrivaient par ballots avec la Correspondance littéraire 20 . Néanmoins, l ’ évolution de l ’ histoire de la lecture reste assez dynamique, la pratique silencieuse et isolée dans une bibliothèque privée est en effet toujours intégrée dans un ensemble d ’ autres scènes de lecture dédiées aux philosophes éclairés. Ces autres espaces sont souvent placés sous le signe de la lecture conviviale et de la sociabilité, car, comme le soulignent Berger et Raschke : « Lesen sollte Konversation ermö- 16 Voir Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 31 et 54 ; Paasch, « Privatbibliotheken », p. 200. 17 Voir Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 26 ; aussi les hypothèses de Paasch, « Privatbibliotheken », p. 198. 18 Voir, entre autres, Paul Saenger, Space between words. The Origins of Silent Reading, Stanford/ CA, University Press, 1997, Roger Chartier, « Du livre au lire », id. (éd.), Pratiques de la lecture, Paris, Payot, 2003, p. 81 - 117. 19 Voir Matthias Bickenbach, Von der Möglichkeit einer ‹ inneren › Geschichte des Lesens, Tübingen, Niemeyer, 1999 (Communicatio, 20). 20 Voir Raschke, « Fürstliche Privatbibliotheken », p. 54 - 55, et Jochen Schlobach, « Die frühen Abonnenten und die erste Druckfassung der Correspondance littéraire », Romanische Forschungen 82 (1970), p. 1 - 36. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [79] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 Entre sociabilité et évasion : les espaces de lecture à la cour de Louise Dorothée 79 glichen. Neueste Tendenzen auf dem literarischen Markt zu kennen, Grundlinien und den Kern literarischer Werke einschätzen, sich an die literarische Diskussion mit einem grundsätzlichen, möglichst knappen Urteil anschließen zu können, das war Ziel des geselligen Lesens am Hof 21 . » Dans une première approche, on peut décrire et classifier les espaces de lecture à Gotha dans un continuum entre le public de la cour et la sphère ‹ privée › de l ’ intimité personnelle. (1) C ’ est probablement le théâtre d ’ amateurs, inspiré du célèbre modèle du Théâtre des petits appartements de Madame de Pompadour dans l ’ entourage de Louis XV, qui a pu atteindre ici la plus grande part publique et qui présentait exclusivement des pièces en langue française. C ’ est surtout grâce aux nouvelles de la Correspondance littéraire que l ’ on pouvait s ’ informer à Gotha sur les programmes et les succès scéniques de Paris et adapter, par conséquent, les tendances du centre culturel que constituait la capitale française. C ’ est ainsi que fut créé entre 1751 et 1764 un cycle de 16 pièces de théâtre françaises, avec des drames de Cahusac, Boissy, Marivaux, Nivelle de la Chaussée, Néricault-Destouches et Voltaire, auxquelles les membres de la famille ducale participèrent en tant qu ’ acteurs. Outre les intentions éducatives et l ’ exercice de la rhétorique et de la déclamation, il faut certainement souligner l ’ impact extérieur symbolique et représentatif de ce théâtre 22 . (2) Un autre espace de sociabilité aristocratique, déjà un peu plus fermé, était constitué par le cercle de lecture de la cour, dont faisaient tout d ’ abord partie les dames de la cour de Louise Dorothée, mais aussi régulièrement des personnes invitées au château de Friedenstein. Du point de vue de la technique de lecture, on pratiquait dans ce cercle une lecture à voix haute 23 , le degré de sélection des textes pouvait à nouveau varier. Ainsi, il a été rapporté que la duchesse régnante et ses dames d ’ honneur se seraient consacrées à l ’ étude systématique de la philosophie éclairée de Christian Wolff, discutant assidûment des extraits de ses écrits logiques et moraux ; à d ’ autres occasions, cependant, quelques pages choisies des lettres de Fréron ou d ’ un traité de La Beaumelle pouvaient être le sujet de la conversation érudite. Les pratiques dans ce cercle de lecture étaient donc marquées par l ’ alternance entre la lecture à voix haute de quelques fragments 21 Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 54 [« La lecture devait rendre possible la conversation. Connaître les dernières tendances du marché littéraire, évaluer les grandes lignes et l ’ essence des œ uvres littéraires, pouvoir se joindre à la discussion littéraire avec un jugement de fond, le plus succinct possible, tel était l ’ objectif de la lecture conviviale à la cour. »]. Voir aussi le chapitre « Muße und Geselligkeit. Lautes Lesen im Europa der Neuzeit » dans le livre de Roger Chartier, Lesewelten. Buch und Lektüre in der frühen Neuzeit, Frankfurt / New York, Campus Verlag, 1990 (Historische Studien, 1), p. 146 - 168. 22 Voir Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 64 - 75. 23 Voir ibid., p. 52. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [80] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 80 Frank Nagel choisis et l ’ échange oral qui s ’ ensuivait sur ce qui avait été lu, tout en cherchant un jugement esthétique adéquat sur les textes au sein d ’ une communauté d ’ interprétation exclusive 24 . (3) C ’ est dans un cadre peut-être encore plus restreint et élitiste que se situent ensuite l ’ écriture et la lecture s ’ associant à la technique du portrait littéraire, une petite forme poétique qui jouissait d ’ une grande popularité depuis le célèbre recueil de La Bruyère et qui visait à la compréhension sûre, à l ’ analyse rapide et l ’ esquisse pertinente d ’ un personnage. À la cour de Gotha, cette pratique était une sorte de jeu de société consistant à deviner le personnage visé à partir de l ’ esquisse anonyme lue à voix haute. Parfois même on rédigeait plusieurs portraits d ’ une seule et même personne afin d ’ explorer la gamme des différentes perspectives possibles, les diverses caractéristiques et opinions. L ’ idée de ce jeu est peut-être venue du diplomate Manteuffel en 1742, qui avait esquissé un double portrait, assez ambivalent, du roi de Prusse Frédéric II. Ces tableaux de la société étaient ainsi liés à une lecture à voix haute, mais pouvaient parfois aussi être complétés par la suite dans des lettres et, par conséquent, passer dans le domaine de la lecture silencieuse 25 . (4) Ce n ’ est qu ’ à la toute fin de notre échelle des espaces de lecture de Louise Dorothée, classés selon leur degré d ’ ouverture au public, que se dessinent les appartements intérieurs du château avec la bibliothèque privée, à considérer comme un espace de lecture soustrait au regard extérieur, comme le plus intime. Ici, les pratiques de lecture sont évidemment moins contrôlables, une circonstance qui, au XVIII e siècle, était considérée comme moralement douteuse, surtout chez les femmes 26 . La liberté dont jouit la duchesse de Gotha dans cet espace est accentuée par le fait que, contrairement à d ’ autres princesses contemporaines, elle ne suivait aucun programme systématique, aucune liste de lecture, et se laissait guider seulement par ses envies 27 . La manière dont se déroulait exactement cette « teilweise höchst exzessive Lektüre 28 », dans laquelle les œ uvres de fiction prédominaient quantitativement 29 , devrait donc faire l ’ objet d ’ une étude bibliographique et historique plus poussée. Comme pour toute tentative de reconstruire un lecteur ou une lectrice historique, il s ’ agirait plutôt d ’ une approximation à un « phénomène aussi rebelle que secret et difficile à cerner en termes d ’ observation empirique 30 ». 24 Voir ibid., p. 51 - 59. 25 Voir ibid., p. 60 - 64. 26 Voir ibid., p. 54. 27 Voir ibid., p. 54. 28 Raschke, « Fürstliche Privatbibliotheken », p. 46 [« lecture parfois très excessive »]. 29 Voir Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 89. 30 Andrés G. Freijomil, Arts de braconner. Une histoire matérielle de la lecture chez Michel de Certeau, Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 31. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [81] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 Entre sociabilité et évasion : les espaces de lecture à la cour de Louise Dorothée 81 À première vue, on pourrait penser que la duchesse, dans son cabinet, s ’ appliquait à étudier les philosophes français des Lumières. Elle se considérait elle-même comme une princesse éclairée, une souveraine raisonnable et tolérante. Ne quittant jamais ce centre discursif, elle condamnait dans ses échanges épistolaires quelques positions extrêmes, comme dans le cas d ’ un ouvrage considéré comme matérialiste de Claude-Adrien Helvétius, De l ’ esprit (1758), ou bien dans celui des romans de Rousseau, qu ’ elle rapprochait de l ’ athéisme 31 . Elle refusait également de se laisser impliquer dans la polémique de Voltaire contre La Beaumelle, qui passa par Gotha en 1753 32 . Et pourtant, la stratégie de la collection, avec toutes ses implications idéologiques, suggère que l ’ image traditionnelle de la duchesse en tant que lectrice tolérante et modérée des Lumières pourrait être en fin de compte bien plus complexe, plus riche et parfois aussi transgressive, comme le démontrent deux observations. Un premier aspect concerne la constitution d ’ une bibliothèque des Lumières radicales à Gotha. En effet, plusieurs manuscrits clandestins avaient été envoyés à Louise Dorothée. L ’ origine du papier sur lequel ces manuscrits ont été écrits pourrait être déterminée par des études précises, mais d ’ ores et déjà il ne fait aucun doute que la majorité d ’ entre eux présentent du papier français. Certains ont probablement été envoyés par Frédéric le Grand depuis Potsdam, d ’ autres sont venus de Suisse par Voltaire 33 . Louise Dorothée était une lectrice intéressée qui voulait se tenir au courant des discussions philosophiques du moment. Sa compréhension de la religion était probablement proche du déisme de Voltaire, à savoir qu ’ elle rejetait une grande partie des mystères chrétiens, même si elle croyait en l ’ immortalité de l ’ âme 34 . Cependant, elle n ’ a pas manqué d ’ acquérir 31 Voir Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 97, 111 - 112. 32 Voir Bärbel Raschke, « Einleitung », ead. (éd.), Der Briefwechsel zwischen Louise Dorothée von Sachsen-Gotha und Voltaire (1751 - 1767). Übersetzt, eingeleitet und kommentiert von Bärbel Raschke, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 1998 (Deutsch-französische Kulturbibliothek, 8), p. XXXIII. 33 Dans cette collection assez grande, on pourrait retenir les Deux traités qui tendent à prouver qu ’ il n ’ y a point de Matière de George Berkeley, le traité de Adrian Beverland intitulé De Peccato originali, ou bien de Voltaire l ’ Essay sur les révolutions du monde et sur l ’ histoire de l ’ esprit humain depuis le tems de Charlemagne, jusqu ’ à nos jours. Voir aussi sur la litterature clandestine Robert Darnton, Édition et sédition. L ’ univers de la littérature clandestine au XVIII e siècle, Paris, Gallimard, 1991 ; Antony McKenna / Alain Mothu (éds.), La philosophie clandestine à l ’ âge classique. Actes du colloque de l ’ Université Jean Monnet Saint-Étienne du 29 septembre au 2 octobre 1993, Paris, Universitas, 1997 ; et sur Beverland en particulier Martin Mulsow, « Unanständigkeit. Zur Missachtung und Verteidigung des Decorum in der Gelehrtenrepublik der Frühen Neuzeit », Historische Anthropologie 8,1 (2000), p. 98 - 118. 34 Voir Marie-Hélène Cotoni, « La duchesse Louise-Dorothée de Saxe-Gotha entre christianisme et Lumières », Dix-huitième siècle 34 (2002), p. 315 - 324. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [82] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 82 Frank Nagel des écrits traitant de matérialisme ou d ’ athéisme, de sorte qu ’ il faut s ’ attendre à une certaine « incohérence dans un mélange de croyances rétrogrades et de combats confiants pour le progrès 35 ». Il n ’ est pas du tout si évident que, comme le pensent Berger et Raschke, ces marges du discours éclairé aient été, pour ainsi dire, intégrées par simple intérêt quasi professionnel, par goût persévérant pour l ’ étude, tout en sauvegardant du reste le centre de l ’ opinio communis 36 . Il se peut également que d ’ autres chemins encore plus progressistes que ceux tracés par la philosophie des Lumières se préparaient dans ces lectures silencieuses. Un autre domaine qui avait sa place dans la sphère intime de la bibliothèque privée est la littérature libertine et érotique ; la collection contenait par exemple des œ uvres de Crébillon fils (La nuit et le moment, ou les matines de Cythère, 1755) ou de Gervaise de Latouche (Histoire de Dom Bougre, Portier des Chartreux, 1741). Là encore, si les réserves morales sont toujours ostentativement préservées dans les pages de la correspondance, la lecture incontrôlée dans le ‹ quatrième espace › de la bibliothèque privée allait finalement souvent plus loin. Ainsi le suggèrent, encore une fois, Berger et Raschke dans leur étude : « Sie bewies damit, dass sie in Sachen Literatur jeglicher Prüderie abhold war 37 . » Pour le décalage supposé ici entre un discours, disons officiel, et une sorte de plaisir du texte barthésien, une remarque transmise par la correspondance est peut-être révélatrice, puisqu ’ elle montre à quel point il faut justement procéder par une herméneutique du soupçon lorsque l ’ on s ’ applique à reconstruire l ’ espace de lecture privé de la duchesse : « Bei solcher Lektüre scheint der Prinzenerzieher Thun sie ertappt zu haben, denn er provozierte sie in seinem Brief vom 27. April 1745 mit der Bemerkung, sie gehöre zu den Frauen, ‹ die Crébillons Écumoire [ … ] gelesen haben und so taten, als überblätterten sie einige Stellen › 38 ». Ce sont là les questions qui peuvent servir de base à une investigation approfondie des espaces et pratiques de lecture chez la duchesse Louise Dorothée de Saxe-Gotha. Au terme de cette étude, on peut soutenir l ’ hypothèse que l ’ espace intime de la lecture silencieuse, que l ’ on peut associer aux appartements personnels de la duchesse dans le château et à la bibliothèque privée qui y est rattachée, doit être considéré comme un espace d ’ évasion toujours en mouvement, comme un espace d ’ intimité qui reste néanmoins 35 Ibid., p. 315. 36 Voir Berger / Raschke, Luise Dorothea, p. 111 - 113. 37 Ibid., p. 93 [« Elle prouvait ainsi qu ’ en matière de littérature, elle était réfractaire à toute pruderie. »], voir p. 92 - 93. 38 Ibid., p. 55 [« Il semble que Thun, l ’ éducateur du prince, l ’ ait surprise lors de telles lectures, car il la provoque dans sa lettre du 27 avril 1745 en lui disant qu ’ elle fait partie des femmes ‹ qui ont lu l ’ Écumoire de Crébillon [ … ] tout en faisant semblant de passer sur certains passages › »]. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [83] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 Entre sociabilité et évasion : les espaces de lecture à la cour de Louise Dorothée 83 intégré à la cour comme système de communication complexe. Autrement dit, c ’ est précisément la lecture silencieuse qui semble ouvrir l ’ accès à un rapport à soi différent et à une évolution intellectuelle plus libre, voire à une espèce d ’ échappatoire. D ’ un point de vue systémique, cet espace pourrait éventuellement être pensé comme un pôle opposé au cérémonial représentatif dont les formes de déploiement de splendeur dominaient par ailleurs la vie de cour 39 . En ce qui concerne la technique de lecture, on peut partir du principe d ’ une lecture cursive, mobile ou ‹ déterritorialisée › , en tout cas idéologiquement ouverte, qui intégrait également les marges du discours des Lumières issues de la tradition protestataire et la culture scientifique. Selon Michel de Certeau, une telle lecture apparaît donc, dans cet espace soustrait et relativement peu contrôlé, comme un exercice d ’ altérité, une exploration ludique des possibilités du devenir-autre 40 . Ce sont surtout, nous semble-t-il, deux questions auxquelles une recherche plus approfondie devrait alors répondre. D ’ une part, il s ’ agirait de fournir une bibliographie critique des corpora marginaux qui concernent la littérature clandestine et libertine, et d ’ autre part de reconstruire les techniques et pratiques de lecture qui y étaient associées dans le contexte historique, dans la mesure où celles-ci peuvent être identifiées dans des traces de lecture ou des sources corrélatives, notamment dans les correspondances. Il serait ainsi possible, dans l ’ idéal, de réévaluer, voire de rajuster la biographie intellectuelle de Louise Dorothée, mais aussi de préciser l ’ attribut de princesse ‹ éclairée › que l ’ on assignait si volontiers (et certainement à juste titre) à la duchesse. Quelle sémantique des Lumières se cache précisément derrière cette épithète globale, dans quelle mesure elle s ’ écarte parfois des concepts généralement admis et se focalise sur des textes marginaux ou discrédités, ce sont là des perspectives d ’ investigation qui permettraient de tirer des conclusions utiles concernant la poétique de lecture dans le contexte de la cour ainsi que la réception des Lumières françaises dans les cours allemandes en général. Bibliographie Abrosimov, Kirill, Aufklärung jenseits der Öffentlichkeit. Friedrich Melchior Grimms « Correspondance littéraire » (1753 - 1773) zwischen der « république des lettres » und europäischen Fürstenhöfen, Ostfildern, Thorbecke, 2014 (Beihefte der Francia, 77). Berger, Günter / Bärbel Raschke, Luise Dorothea von Sachsen-Gotha-Altenburg. Ernestinerin und Europäerin im Zeitalter der Aufklärung, Regensburg, Pustet, 2017. 39 Voir Klinger, « Gothaer Hofhaltungen », p. 151. 40 Voir Freijomil, Arts de braconner, p. 23. OeC_2021_2_SL_2 / TYPOSCRIPT[FP] Seite 1 [84] 117 , 2022/ 09/ 19, 7: 13 Uhr 11.0.3352/ W Unicode-x64 (Feb 23 2015) 2. SL Œ uvres & Critiques, XLVI, 2 DOI 10.24053/ OeC-2021-0013 84 Frank Nagel Bickenbach, Matthias, Von der Möglichkeit einer ‹ inneren › Geschichte des Lesens, Tübingen, Niemeyer, 1999 (Communicatio, 20). Elias, Norbert, Die höfische Gesellschaft. Untersuchungen zur Soziologie des Königtums und der höfischen Aristokratie. Mit einer Einleitung : Soziologie und Geschichtswissenschaft, Berlin, Suhrkamp, 2019 (stw 423). Chartier, Roger, Lesewelten. Buch und Lektüre in der frühen Neuzeit, Frankfurt / New York, Campus Verlag, 1990 (Historische Studien, 1). - « Du livre au lire », id. 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