eJournals Oeuvres et Critiques 48/1

Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
10.24053/OeC-2023-0006
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La plume ambitieuse de l’abbé d’Aubignac

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Bernard J. Bourque
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1 Macbeth (William Shakespeare, Macbeth , dans Œuvres complètes de Shakespeare , trad. François Guizot, 8 volumes, Paris, Didier, 1864, t. II, acte I, scène vii). 2 Hélène Baby utilise ce terme dans ses « Observations » (dans Abbé d’Aubignac. La Pratique du théâtre , éd. Hélène Baby, Paris, Champion, 2001-; réimpr. 2011, p.-600). 3 « […] S. M. établira une personne de probité et de capacité comme Directeur, Intendant, ou Grand Maître des Théâtres et des Jeux publics de France, qui aura soin que le Théâtre se maintienne en l’honnêteté, qui veillera sur les actions des Comédiens, et qui en rendra compte au Roi, pour y donner l’ordre nécessaire » (Abbé d’Aubignac, Projet pour le rétablissement du théâtre français , dans La Pratique du théâtre , p.-704). 4 Marie-Christine Pioffet, « Esquisse d’une poétique de l’allégorie à l’âge classique : la glose de l’abbé d’Aubignac-»,- Études littéraires ,-XLIII, 2 (2012)-: 109-128, p.-110. La plume ambitieuse de l’abbé d’Aubignac Bernard J. Bourque University of New England (Australia) Je n'ai pour presser les flancs de mon projet d'autre éperon que cette ambition qui, s'élançant et se retournant sur elle-même, retombe sans cesse sur lui 1 .- Lorsque nous avons conçu l’idée d’un volume sur l’étude des auteurs prolifiques du Grand Siècle, c’est le nom de François Hédelin, abbé d’Aubignac qui nous est immédiatement venu à l’esprit. Cet auteur, souvent en conflit avec ses contem‐ porains, toucha à plusieurs genres dans sa tentative d’obtenir la reconnaissance en tant qu’écrivain doué et autorité littéraire. Critique et théoricien dramatique, il se voyait comme un « nouvel Aristote 2 » et avait l’ambition de devenir le grand maître des théâtres français 3 . Dramaturge, il essaya de démontrer qu’il pouvait aussi bien créer que critiquer. Romancier, il ne pouvait résister à l’envie de capitaliser sur la popularité des romans allégoriques, devenus une source de divertissement en compagnie. Auteur de traités, d’essais et de dissertations, il désirait établir sa réputation de « fin connaisseur des belles lettres 4 ». Cet article vise à examiner la plume infatigable de d’Aubignac et à démontrer que le moteur Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 5 Bernard J. Bourque, « Abbé d’Aubignac : prétendant au trône du goût », Œuvres et Critiques , XLVI, 1 (2021)-: 69-84, p.-75. 6 D’Aubignac, La Pratique du théâtre , p.-338. 7 Ibid. , p.-60. de cette production abondante était étroitement lié au caractère ambitieux de l’abbé. Les paroles de Macbeth que nous avons citées en haut de cet article signifient que le personnage de Shakespeare est animé par un profond désir de pouvoir et d’avancement, mais que cette ambition n’est pas suffisante pour atteindre son objectif. Dans ce cas, il s’agit de l’assassinat du roi Duncan que Macbeth ne commet, en fin de compte, qu’à cause de l’insistance de Lady Macbeth. Établir une similitude entre d’Aubignac et Macbeth peut sembler tiré par les cheveux. Notre abbé, bien que querelleur, n’était pas enclin à la violence. Cependant, le point qui sera fait dans cet article est que la grande ambition de d’Aubignac de devenir admiré et respecté par le monde littéraire de son époque était le moteur de ses nombreuses publications. Cette soif de pouvoir et d’avancement l’amena à s’essayer aux différents genres, mais comme l’ambition de Macbeth, celle de d’Aubignac s’élança et se retourna sur elle-même sans atteindre son but. Nous l’avons déjà déclaré dans une étude publiée en 2021 : avec sa Pratique du théâtre , l’abbé d’Aubignac essaya de s’établir comme un nouvel Aristote, un Aristote nouveau et amélioré 5 . Tout en s’appuyant sur le grand maître pour attester de ses propres qualifications en tant que théoricien dramatique de premier ordre, d’Aubignac n’hésita pas à corriger le philosophe et à plonger dans des domaines non traités par l’Antiquité-: […] parlant du Vraisemblable, il [Aristote] écrit Qu’il est permis de supposer quelque chose contre la vraisemblance, pourvu que ce soit hors la fable , c’est-à-dire dans les choses qui se sont faites auparavant l’ouverture du Théâtre […], ce que je n’approuve pas 6 . On a traité fort au long l’Excellence du Poème Dramatique […]. C’est ce que j’appelle la Théorie du Théâtre. Mais pour les observations qu’il fallait faire sur ces premières Maximes, comme l’adresse de préparer les incidents, et de réunir les temps et les lieux, la Continuité de l’Action, la Liaison des Scènes, les Intervalles des Actes, et cent autres particularités, il ne nous en reste aucun Mémoire de l’Antiquité […]. Voilà ce que j’appelle la Pratique du Théâtre 7 . Dans La Pratique du théâtre , il blâma les pièces des dramaturges anciens pour les « erreurs » qui se trouvent dans leurs pièces. Plaute, Aristophane, Euripide, Sophocle, Térence et Eschyle tombèrent sous le regard critique de l’abbé 8 . 82 Bernard J. Bourque Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 8 Voir, par exemple, les pages 92-93, 168-169, 208, 251, 335, 338 et 362 de La Pratique du théâtre . 9 Voir, par exemple, les pages 75, 128, 130, 284-287, 354 et 375 de La Pratique du théâtre . 10 Voir, par exemple, les pages 110, 120-121, 177-178, 197, 205, 424, 426, 432, 442, 455 et 466 de La Pratique du théâtre . 11 Baby, «-Introduction-», dans La Pratique du théâtre , p.-23. 12 D’Aubignac, La Pratique du théâtre , p.-66-67. 13 Ibid. , p.-127. 14 Voir notre article «-Abbé d’Aubignac-: prétendant au trône du goût-». Les commentateurs de l’Antiquité, tels que Lodovico Castelvetro, Antoine Riccoboni, Jules-César Scaliger, Daniel Heinsius, Gérard-Jean Vossius et le Père Jules-César Boulanger, furent eux aussi corrigés par d’Aubignac, notre auteur ayant voulu s’élever au-dessus de ces érudits 9 . Enfin, il identifia les défauts des dramaturges contemporains pour s’installer comme juge de leurs œuvres : Alexandre Hardy, Jean Rotrou, Balthasar Baro, le sieur de Saint-Germain, Tristan l’Hermite, La Calprenède et même le Grand Corneille furent la cible de ses commentaires critiques 10 . Il est incontestable que La Pratique du théâtre est une œuvre significative, surtout parce qu’elle reflète « la modernité d’un âge où précisément tous les efforts théoriques visent à réfuter l’argument d’autorité 11 ». Les condamnations de d’Aubignac de certains éléments des pièces antiques et contemporaines, ainsi que ses corrections d’Aristote et des commentateurs de l’Antiquité sont, selon l’abbé, fondées en raison-: […] je dis que les Règles du Théâtre ne sont pas fondées en autorité, mais en raison. Elles ne sont pas établies sur l’exemple, mais sur le Jugement naturel. […] je ne veux proposer les Anciens pour modèle, qu’aux choses qu’ils ont fait [sic] raisonnablement 12 . Bien entendu, cette raison dont parle d’Aubignac est celle de l’abbé lui-même. Il s’agit d’un sens commun instruit « de ce que les hommes ont voulu faire sur le Théâtre, et de ce qu’il faut observer pour venir à bout 13 ». Avec sa Pratique du théâtre , d’Aubignac essaie d’impressionner ses pairs en faisant étalage de sa vaste connaissance de l’Antiquité et en critiquant les pièces antiques et contemporaines. Comme nous l’avons dit ailleurs, cette œuvre vise à avertir le royaume théâtral du Grand Siècle que l’abbé est le seul prétendant légitime au trône du goût 14 . Si d’Aubignac avait pu contrôler sa nature querelleuse, il aurait peut-être atteint son objectif d’être considéré comme le théoricien dramatique hors pair par ses contemporains. Après tout, l’ensemble du dix-septième siècle admira La Pratique du théâtre , comme l’affirme Hélène Baby-: La plume ambitieuse de l’abbé d’Aubignac 83 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 15 Baby, «-Introduction-», dans La Pratique du théâtre , p.-22. 16 D’Aubignac, La Pratique du théâtre , p.-248. 17 Pierre Corneille, lettre du 25 août 1660 à l’abbé de Pure, dans Corneille. Œuvres complètes , éd. Georges Couton, 3 volumes, Paris, Gallimard, 1980-1987, t. III, p.-7. 18 Donneau de Visé avait sévèrement critiqué Sophonisbe quelques semaines avant sa défense de l’œuvre. Voir Jean Donneau de Visé, Critique de la Sophonisbe de Monsieur de Corneille , dans Recueil de dissertations sur plusieurs tragédies de Corneille et de Racine , éd. François Granet, 2 volumes, Paris, Gissey et Bordelet, 1739, t. I, p.-116-133. Comme l’affirme Charles Arnaud, « attaquer Corneille, c’était pour un débutant, un moyen sûr de faire du bruit et d’attirer l’attention ; mais le défendre, c’était bien plus glorieux » ( Les Théories dramatiques au XVII e siècle-: étude sur la vie et les œuvres de l’abbé d’Aubignac , Paris, Picard, 1888-; réimpr. Genève, Slatkine, 1970, p.-303). Ainsi, Dacier, dans son Discours placé en tête de sa Poétique, l’appelait «-une suite et un supplément de la Poétique d’Aristote ». […] Dans sa Troisième réflexion sur Longin, Boileau écrit que d’Aubignac « était fort habile en poétique ». Chappuzeau observe que «-M. d’Aubignac a très bien écrit du théâtre-» et plaint «-ceux qui n’ont pas lu la Poétique de Scaliger et la Pratique du théâtre ». Même Donneau de Visé, qui n’aurait pas manqué de le faire savoir, n’a pas livré une seule critique contre cet ouvrage. […] Enfin l’accueil de la presse est favorable ; le Journal littéraire critique les passages sur les unités de lieu et de temps, mais conseille la lecture du livre et Le Parnasse français le recommande aussi 15 . Néanmoins, le Grand Corneille s’offusqua de l’ouvrage. Le « Maître de la Scène 16 » s’y sentit critiqué, et il répliqua avec trois Discours , sans même citer d’Aubignac, préparant le terrain pour la querelle de la Sophonisbe . Corneille, qui comprenait la nature ambitieuse et vindicative de l’auteur de La Pratique du théâtre , prévit que ses Discours allaient susciter une réaction négative de la part de l’abbé-: […] bien que je contredise quelquefois M. d’Aubignac et m[essieu]rs de l’Académie, je ne les nomme jamais, et ne parle non plus d’eux que s’ils n’avaient point parlé de moi. […] Derechef préparez-vous à être de mes protecteurs 17 . D’Aubignac, qui n’avait pas la peau dure et qui devait toujours avoir le dernier mot pour affirmer sa supériorité, publia deux dissertations pour critiquer Sophonisbe et Sertorius de Corneille. Agissant par opportunisme, Jean Donneau de Visé se posa en ardent défenseur de ces deux pièces, remplissant ses Défenses de paroles injurieuses contre l’abbé 18 . Croyant que Corneille était à l’origine de ces deux écrits, ou à tout le moins qu’il les approuva, d’Aubignac fit publier une dissertation sur Œdipe , accompagnée de la Quatrième dissertation où il se répandit en invectives contre le grand dramaturge 19 . Donneau de Visé répliqua à ces deux ouvrages par sa Défense d’Œdipe , où il continua ses railleries 84 Bernard J. Bourque Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 19 Voir L’Abbé d’Aubignac. Dissertations contre Corneille , éd. Nicholas Hammond et Michael Hawcroft, Exeter, University of Exeter Press, 1995. 20 Voir Jean Donneau de Visé et la querelle de Sophonisbe , éd. Bernard J. Bourque, Tübingen, Narr, 2014. 21 Baby, «-Introduction-», dans- La Pratique du théâtre , p.-16. 22 La Pucelle d’Orléans fut mise en vers par Isaac de Benserade ou par Hippolyte-Jules Pilet de La Mesnardière. La Cyminde ou les deux victimes fut mise en vers par Guillaume Colletet. Les deux pièces furent publiées à Paris chez Sommaville et Courbé en 1642. Selon Lancaster, La Pucelle d’Orléans en vers fut représentée à l’Hôtel de Bourgogne ou au Théâtre du Marais en 1641 ; La Cyminde en vers fut jouée au Palais Cardinal la même année (Henry Carrington Lancaster, A History of French Dramatic Literature in the Seventeenth Century , 5 parties en 9 volumes, Baltimore, Johns Hopkins Press, 1929-1942, t. II, vol. I, p.-357, 359, 361, 367). 23 S. Wilma Deierkauf-Holsboer, Le Théâtre de l’Hôtel de Bourgogne , 2 volumes, Paris, Nizet, 1970, t. II, p.-29. 24 Cité par Baby, «-Introduction-», dans La Pratique du théâtre , p.-15. impitoyables contre l’abbé 20 . Celui-ci sortit de la querelle de la Sophonisbe « ridiculisé et meurtri 21 ». Tout cela pour dire que malgré ses efforts de devenir le nouvel Aristote, d’Aubignac ne réussit qu’à nuire à sa réputation en s’attaquant à Corneille. Sa plume ambitieuse et vindicative créa l’effet inverse de ce qu’elle essayait de réaliser. Les ouvrages dramatiques de l’abbé réussirent encore moins à élever le profil littéraire de l’auteur. Composées à la même époque que La Pratique du théâtre , les trois pièces en prose tentèrent de démontrer que l’abbé était aussi bien capable de composer que de théoriser. L’auteur voulait sans doute impressionner le cardinal de Richelieu qui s’intéressait beaucoup au théâtre. Il est probable que La Pucelle d’Orléans et La Cyminde ou les deux victimes , publiées en 1642 chez François Targa, ne furent jamais jouées. Ces ouvrages dramatiques semblent avoir reçu peu d’attention au dix-septième siècle. D’Aubignac donna ces deux pièces à Richelieu qui les fit mettre en vers 22 . La troisième pièce, Zénobie , ne fut publiée qu’en 1647. Elle fit partie du répertoire de la troupe royale à l’Hôtel de Bourgogne entre 1642 et 1646 23 . L’accueil négatif ou mitigé réservé à ces œuvres ne réussit pas à renforcer la crédibilité de d’Aubignac dans le monde théâtral. En fait, les pièces furent utilisées par certains contemporains de l’abbé pour se moquer de l’auteur. À l’égard de Zénobie , le Grand Condé aurait dit-: Je suis bon gré à l’abbé d’Aubignac d’avoir si bien suivi les règles d’Aristote ; mais je ne puis pardonner à Aristote d’avoir fait faire une aussi mauvaise tragédie à l’abbé d’Aubignac 24 . La plume ambitieuse de l’abbé d’Aubignac 85 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 25 Jean Donneau de Visé, Défense de la Sophonisbe de Monsieur de Corneille , dans Jean Donneau de Visé et la querelle de Sophonisbe , p.-41. 26 Jean Donneau de Visé, Défense du Sertorius de Monsieur de Corneille , dans Jean Donneau de Visé et la querelle de Sophonisbe , p.-89. 27 Abbé d’Aubignac, Quatrième dissertation concernant le poème dramatique : servant de réponse aux calomnies de M. Corneille , dans L’Abbé d’Aubignac. Dissertations contre Corneille , p. 138. Il s’agit probablement de Palène (1640) et de La Vraie Didon (1642) de François Le Métel, seigneur de Boisrobert, et de Manlius Torquatus (1662) de Marie-Catherine Desjardins. Voir Arnaud, Les Théories dramatiques , p.-272. 28 Le Martyre de S te Catherine , pièce en vers qui fut publiée à Caen en 1649, est souvent attribuée à d’Aubignac. Toutefois, il est invraisemblable que l’abbé en fût l’auteur. Il y a une forte accumulation de preuves que la paternité de la pièce appartient à St. Germain, l’auteur mystérieux du Grand Timoléon de Corinthe . Voir Bernard J. Bourque, « La Paternité du Martyre de S te Catherine (1649) », Papers on French Seventeenth Century Literature , XL, 78 (2013), p.-129-141. Jean Donneau de Visé déclara à l’égard de d’Aubignac-: Il a donné des règles qui lui ont été inutiles ; il n’a jamais su, ni faire de pièces achevées, ni en bien reprendre, ni même en faire faire à ceux qui ont pris de ses leçons 25 . S’adressant à l’abbé dans la Défense sur Sertorius , de Visé continua ses moque‐ ries-: Vous ajoutez dans le même endroit, sans aucune autre nécessité, que celle que vous vous êtes imposée de vous louer, que feu Monsieur le Comte de Fiesque avait coutume d’appeler votre Zénobie la femme de Cinna. Ce Héros n’aurait pas voulu répudier Émilie, pour l’épouser, le Parti n’aurait pas été égal, et ce fameux Romain serait bientôt demeuré veuf ; car il y a longtemps que Zénobie est dans le Tombeau, ou du moins que l’on n’en parle que comme d’une Héroïne qui n’est connue que dans l’Histoire, et non dans la Comédie que vous en avez faite 26 . En plus de ses trois tragédies, d’Aubignac collabora à la composition d’autres pièces. Les idées qu’il proposa aux dramaturges et sa contribution en prose ne furent pas appréciées-: On m’en a montré plusieurs dont j’ai dit mes sentiments qui n’ont pas été suivis ; j’ai donné l’ouverture de quelques sujets que l’on a fort mal disposés ; j’ai d’autrefois fait en prose jusqu’à deux ou trois Actes, mais l’impatience des Poètes ne pouvant pas souffrir que j’y misse la dernière main, et se présumant être assez forts pour achever sans mon secours, y a tout gâté 27 . L’emploi de la prose chez d’Aubignac fut une source d’embarras pour l’auteur 28 . Après tout, c’était l’époque où la forme versifiée était l’objet d’un sentiment de révérence, comme l’affirme Jacques Scherer-: 86 Bernard J. Bourque Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 29 Jacques Scherer, La Dramaturgie classique en France , Paris, Nizet, 1950 ; réimpr. 1964, p.-197. 30 Pierre Corneille, Discours des trois unités , dans Corneille. Œuvres complètes , t. III, p. 190. 31 Abbé d’Aubignac, Seconde dissertation concernant le poème dramatique , dans L’Abbé d’Aubignac. Dissertation contre Corneille , p.-26. 32 Comme l’on pouvait s’y attendre, d’Aubignac nia avoir l’ambition de devenir le grand maître des théâtres. S’adressant à Donneau de Visé, il déclara : « J’avais bien d’autrefois dressé pour feu M. le Cardinal de Richelieu un projet de rétablissement de notre Théâtre, où j’ai parlé d’un Intendant d’où vous avez fripé et corrompu cette pensée. Mais qui vous a dit que j’aie jamais rien recherché de semblable ? à quel Ministre d’État l’ai-je demandée ? quel favori en ai-je importuné ? quels placets en ai-je présentés au Roi ? » ( Quatrième dissertation , p. 139). Il est certain que d’Aubignac se considérait comme un candidat de choix pour ce poste. On ne croit pas en général, avant La Motte, que la pièce de théâtre doive être en prose ; on se borne à tolérer qu’elle le soit, mais on préfère le vers. Il n’y a pas d’esthétique de la pièce en prose à l’époque classique 29 . La sensibilité de d’Aubignac quant à son manque de talent de versificateur se manifesta lorsque Corneille, en 1660, lança le défi suivant aux critiques-: Il est facile aux spéculatifs d’être sévères, mais, s’ils voulaient donner dix, ou douze poèmes de cette nature au public, ils élargiraient peut-être les règles, encore plus que je ne fais, sitôt qu’ils auraient reconnu par l’expérience, quelle contrainte apporte leur exactitude, et combien de belles choses elle bannit de notre théâtre 30 . Bien que les remarques de Corneille se rapportent à la difficulté de respecter les trois unités, en particulier celle de lieu, d’Aubignac se mit tout de suite sur la défensive concernant ses propres talents de versificateur-: Ce n’est pas que M. Corneille puisse absolument faire agir sa maxime erronée contre moi ; car vous savez, Madame que j’ai quelque connaissance de la Poésie, et que quand il me plaît, je fais des vers qui ne déplairaient pas au Théâtre. […] Enfin pour ne pas m’étendre sur la considération de mon intérêt, je ferai des vers quand il me plaira 31 . Le désir de d’Aubignac de devenir le grand maître des théâtres français ne fut pas soutenu par sa production dramatique. Ses pièces médiocres et son utilisation de la prose firent de lui une cible facile pour ses adversaires. De nouveau, la plume ambitieuse de l’abbé ne joua pas en sa faveur 32 . Alors que d’Aubignac fut bien connu dans le monde des lettres de son époque, cela n’était pas suffisant pour être accueilli en tant que membre de l’Académie française, fondée par Richelieu en 1635. Il se présenta en 1640, mais fut refusé apparemment à cause de sa critique de Roxanne (1640) de Jean Desmarets de Saint-Sorlin, « où il blâmait le goût de Son Éminence et de Mme d’Aiguillon La plume ambitieuse de l’abbé d’Aubignac 87 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 33 Jean Chapelain, lettre du 13 juillet 1640 à Jean-Louis Guez de Balzac, dans Lettres de Jean Chapelain , publiées par Ph. Tamisez de Larroque, 2 volumes, Paris, Imprimerie Nationale, 1880-1883, t. I, p. 663. Selon Donneau de Visé, la pièce en question était Mirame (1641) ( Défense du Sertorius , p.-143). 34 Voir Charles-Louis Livet, Précieux et précieuses, caractères et mœurs littéraires du XVII e siècle , Paris, Welter, 1895 ; rééd. Cœuvres-et-Valsery, Ressouvenances, 2001, p. 203. Voir aussi Josephine de Boer, « Men’s Literary Circles in Paris, 1610-1660 », Publications of the Modern Language Association of America , LIII, 3 (1938)-: 730-780, p.-775-778. 35 Donneau de Visé, Défense du Sertorius , p.-139. 36 Baby, «-Introduction-», dans La Pratique du théâtre , p.-16. 37 Arnaud, Les Théories dramatiques , p.-76. qui l’avaient estimée 33 ». Au lieu de se résigner à ce sort, l’abbé décida de créer sa propre Académie, vraisemblablement en 1654, qu’il nomma l’Académie des Belles-Lettres. Sa plume ambitieuse essaya vainement d’obtenir des Lettres patentes pour transformer cette société en Académie Royale, rédigeant le Discours au Roi pour l’établissement d’une seconde Académie dans la Ville de Paris . L’ouvrage fut publié en 1664, bien que le privilège soit du 26 janvier 1656 34 . La tentative d’élever cette seconde Académie n’aboutit qu’à la dérision-: Donneau de Visé la baptisa «-l’Académie des Allégoriques 35 -». Ayant perdu une grande partie de son prestige dans le monde théâtral de son époque et voulant « retrouver une autorité perdue 36 », l’abbé décida de s’essayer à la composition de romans. En 1654, il publia son Histoire du temps, ou Relation du royaume de Coquetterie , roman que Madeleine de Scudéry prétendit être un plagiat de sa Carte de Tendre (1656) qui courait en manuscrit. L’œuvre de d’Aubignac est une description satirique et allégorique des gens avec lesquels l’auteur s’était associé au fil des ans. Elle est dépourvue d’intrigue réelle, ne fournissant essentiellement qu’une description d’une île isolée et des caractéristiques et des pratiques de ses habitants. Comme le souligne Arnaud, le roman est destiné à amuser ceux qui sont satirisés et à être apprécié dans les salons littéraires qui sont eux-mêmes l’objet de la satire-: Cette relation est en effet le tableau de la vie mondaine fait par un mondain qui la pratique, mais qui la juge, une satire peu méchante, moins propre à châtier des coupables qu’à les faire sourire, mais à leur dépens ; c’est un sermon pour alcôve, enveloppé et enguirlandé d’allégories et d’amabilités 37 . Bien que le roman attirât une certaine attention du vivant de l’auteur, en raison de la querelle avec Madeleine de Scudéry, l’insuccès de l’œuvre fut retentissant. En 1659, la plume infatigable de l’abbé rédigea la Lettre d’Ariste à Cléonte , contenant une apologie de-l’ Histoire du temps , à laquelle Madeleine de Scudéry décida de ne pas répondre. 88 Bernard J. Bourque Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 38 Voir Gédéon Tallemant des Réaux, Historiettes , éd. MM. Monmerqué, de Chateaugiron et Taschereau, 6 volumes, Paris, Levavasseur, 1834-1835, t. VI, p.-349. 39 D’Aubignac, « Observations nécessaires pour l’intelligence de cette allégorie », dans Macarise, ou la Reine des îles infortunées, histoire allégorique contenant la philosophie morale des stoïques sous le voile de plusieurs aventures agréables en forme de roman , 2 volumes, Paris, Du Brueil, 1664, t. I, p.-168, 170. 40 Baby, «-Introduction-», dans La Pratique du théâtre , p.-16. 41 Voir Lise Leibacher-Ouvrard, « L’Envers de l’écrit : romans et paratexte chez d’Aubi‐ gnac-», Revue d’Histoire littéraire de la France , XC, 2 (1990)-: 147-164, p.-160. 42 Tallemant des Réaux, Historiettes , t. VI, p.-215. 43 Ibid. , t. VI, p.-216. 44 Ibid. , t. VI, p.-217. 45 Les déclarations exagérées prennent la forme de prose, de vers, de sonnets, de madri‐ gaux et d’épigrammes. Deux séries de versets sont en latin. Sans se laisser décourager par le manque de succès de son premier roman, d’Aubignac fit paraître, en 1663, Macarise, ou la Reine des îles fortunées , roman allégorique traitant de la philosophie morale des stoïques. L’abbé fit imprimer cette œuvre à ses dépens 38 . Le premier volume est suivi de quatre sections de notes explicatives, comprenant 225 pages. Dans l’une de ces sections, l’auteur explique que son élève, le duc de Fronsac, avait demandé un livre qui résumerait tous les principes de la science morale afin de le guider dans ses diverses entreprises. Une autre section fournit un synopsis de 120 pages de la philosophie des stoïciens, notes destinées à faciliter la lecture du roman. En outre, il y a une section de 54 pages dans laquelle d’Aubignac critique les différents types de romans — historiques, imaginaires et contemporains — et indique comment il entend éviter les défauts de chacun. Les notes explicatives comportent également un tableau alphabétique qui décode les différentes allégories utilisées dans le premier volume du roman. Selon l’abbé, « les lettres, les cartels, les devises sont parfaitement allégoriques […]. Les noms ont tous rapport au sens allégorique 39 ». Comme on peut le voir, la plume ambitieuse de d’Aubignac n’était pas du genre à couper les coins ronds. Macarise est un roman « saturé de clés 40 » et chargé de références savantes et de considérations doctrinales 41 . Tallemant des Réaux déclara à l’égard de l’auteur que c’était « le diable qui le poussa de mettre au jour son roman allégorique de la philosophie des Stoïciens 42 » et que l’œuvre est « mal écrit 43 » et « ne se vend point 44 ». D’Aubignac réussit à convaincre dix-sept de ses contemporains d’écrire des déclarations élogieuses sur sa création, qu’il publia à la fin du premier volume 45 . L’un des contributeurs, le grammairien et lexicographe français Jules-César Richelet, révéla plus tard à l’abbé que sa déclaration était fausse-: La plume ambitieuse de l’abbé d’Aubignac 89 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 46 Voir Tallemant des Réaux, Historiettes , t. VI, p.-220. 47 Nicolas Boileau-Despréaux, lettre du 9 avril 1702 à Claude Brossette, dans Boileau. Œuvres complètes , éd. Françoise Escal, Paris, Gallimard, 1966, p.-663-664. 48 Le portrait est par le célèbre graveur Gilles Rousselet. Les vers sont signés Anchemant. Selon Tallemant des Réaux, c’est un pseudonyme du frère de d’Aubignac ( Historiettes , t. VI, p.-216). 49 Livet, Précieux et précieuses , p.-196. Hédelin, c’est à tort que tu te plains de moi-; N’ai-je pas loué ton ouvrage-? Pouvais-je faire plus pour toi, Que de rendre un faux témoignage 46 -? Dans une lettre à Claude Brossette, Nicolas Boileau-Despréaux avoua qu’il avait composé une épigramme pour l’œuvre mais que, heureusement, il l’avait portée à d’Aubignac trop tard, et elle n’y fut pas mise 47 . Pour vanter ses propres talents d’homme de lettres doué, l’abbé fit placer un portrait de lui-même au début de l’œuvre, accompagné des vers suivants-: Il a mille vertus, il connaît les beaux-arts-; Il étoffe l’Envie à ses pieds abattue, Et Rome à son mérite, au siècle des Césars, Au-lieu de cette image eût fait une statue 48 . L’insuccès retentissant de ses deux premiers romans n’empêcha pas d’Aubignac de poursuivre sa carrière de romancier. Car en plus d’être ambitieuse, la plume de l’abbé était aussi résiliente. Quelque mois après la publication de son deuxième roman, l’auteur fit paraître Aristandre, ou l’histoire interrompue , fragment de la suite de Macarise . Cette œuvre engendra la même réaction indifférente du public 49 . En 1667, d’Aubignac publia Le Roman des lettres , une collection de lettres courtes et souvent sans lien écrites et reçues par un personnage nommé Ariste. Cette correspondance est destinée à être le véhicule de narration du roman. L’œuvre comporte des éléments autobiographiques. La première partie du roman est fictive, bien qu’elle soit vaguement basée sur les expériences mondaines de la jeunesse de l’auteur. Dans la seconde partie, d’Aubignac décida de fusionner fiction et réalité, s’associant au personnage principal en utilisant une grande partie de sa propre correspondance et en insérant des références à certaines de ses propres ouvrages. L’œuvre est soit un exemple de roman autobiographique, dans lequel l’intrigue est basée sur la vie de l’auteur, mais avec des éléments fictifs ajoutés, soit le produit de la fictionalisation de soi dans laquelle l’histoire est essentiellement imaginaire 50 . D’Aubignac semble être le 90 Bernard J. Bourque Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 50 Voir les ouvrages suivants : Bernard J. Bourque, All the Abbé’s Women. Power and Misogyny in Seventeenth-Century France, through the Writings of Abbé d’Aubignac , Tübingen, Narr, 2015, p. 88-93 ; Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique , Paris, Seuil, 1975, p. 26 ; François Hédelin, abbé d’Aubignac, Le Roman des lettres , éd. Giovanna Malquori Fondi, Tübingen, Papers on French Seventeenth Century Literature, 1989. 51 Abbé d’Aubignac, Amelonde. Histoire de notre temps, où l’on voit qu’une honnête femme est heureuse quand elle suit un conseil sage et vertueux , Paris, Loyson, 1669, p.-12. 52 Des descriptions similaires de femmes idéalisées se trouvent aussi dans Les Portraits égarés que d’Aubignac publia en 1660. Dans cet ouvrage, d’Aubignac écrit les portraits de cinq femmes, dont une certaine Laodamie, à qui l’œuvre est dédiée. narrateur qui se présente comme le personnage de cadre Cléonce — « autant illustre par la modération de sa vie, que par l’excellence de ses ouvrages » — qui se présente ensuite comme l’ingénieux et le vertueux Ariste. Bref, il s’agit d’une autopromotion éhontée de la part de l’abbé. Le roman attira peu d’attention du monde des lettres et du public. Sans se laisser intimider par son échec en tant que romancier, d’Aubignac publia un autre roman en 1669 : Amelonde . Le sous-titre fournit un résumé précis du thème de l’œuvre : Histoire de notre temps, où l’on voit qu’une honnête femme est heureuse quand elle suit un conseil sage et vertueux . Le personnage principal est décrit comme « une femme d’honneur, mal traitée de la fortune, et qui malgré toutes ses disgrâces est demeurée invincible à tous les ennemis de sa gloire 51 -». Ces ennemis sont les hommes qui essaient de séduire la jeune femme mariée. Après la mort de son époux, Amelonde se cloître parmi les religieuses carmélites afin de sauvegarder sa vertu et sa bonne réputation. Rien n’indique que ce roman fut un succès. Avec cette œuvre, d’Aubignac essaya de s’imposer comme un connaisseur des femmes. Car en plus de ses règles sur le théâtre, le domaine d’expertise autoproclamé de l’abbé était la femme héroïque et la femme de la société polie: comment elles devraient se comporter, comment elles devraient être vues et où elles devraient appartenir dans l’ensemble des choses 52 . La plume ambitieuse de d’Aubignac se manifesta également sous la forme de traités, d’essais et de dissertations sur une variété de sujets, écrits destinés à rehausser la réputation de l’abbé en tant qu’intellectuel et érudit de premier ordre. Notre auteur commença assez jeune, publiant son Traité des Satyres, brutes, monstres et démons en 1627 à l’âge de 23 ans. Il s’agit d’une étude des monstres et des demi-dieux de la mythologie grecque. La conclusion est que les satyres ne sont que des singes. En 1640, d’Aubignac publia son Discours sur la troisième comédie de Térence , ouvrage qui déclencha une querelle avec Gilles Ménage au sujet de la durée de temps dans l’ Heautontimoroumenos de Térence. Cela fut suivi, en 1656, de la publication de Térence justifié . En 1666, d’Aubignac publia ses Conseils d’Ariste à Célimène , traité qui offre des recommandations La plume ambitieuse de l’abbé d’Aubignac 91 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 53 Ses mots font partie du titre de l’ouvrage. 54 Livet, Précieux et précieuses , p.-210. 55 Chapelain, lettre du 15 mai 1659 à Nicolas Heinsius, dans Lettres de Jean Chapelain , t. II, p.-37. à une jeune femme « sur les moyens de conserver sa réputation 53 ». Son paradigme du sexe féminin dans ce manuel d’instruction est enraciné dans la vision traditionnelle de la femme comme la créature innocente et vulnérable que les hommes cherchent sans relâche à séduire en utilisant une variété de méthodes, en particulier celle de la tromperie. L’ouvrage constitue un plan pour la protection de la vertu féminine, dont le roman Amelonde , publié un an après, sert à démontrer l’efficacité. Toujours en 1666, l’abbé publia son Discours sur la condamnation des théâtres dans lequel il soutint que les représentations dramatiques ne devraient pas être condamnées pourvu qu’elles soient honnêtes et modestes. En 1671, il fit paraître ses Essais d’éloquence chrétienne , dédiés à l’archevêque de Paris, François de Harlay de Champvallon. Son ouvrage Conjectures académiques ou Dissertations sur l’Iliade , qui met en doute l’existence de Homère, fut publié en 1715, bien qu’il fût probablement écrit vers 1664. C’est aussi dans les années 1660 que la plume vindicative de d’Aubignac fit des modifications au texte de La Pratique du théâtre , enlevant toutes les remarques élogieuses au sujet de Corneille. * Comme l’affirme Charles-Louis Livet à l’égard de l’abbé d’Aubignac, « que n’avait-il pas fait pour se conserver dans le souvenir de la postérité 54 ! » Critique et théoricien dramatique, dramaturge, romancier, auteur de traités, d’essais et de dissertations, François Hédelin avait la mission d’être connu et d’être célébré. Sa plume ambitieuse, vindicative et résiliente créa un grand nombre d’œuvres destinées à impressionner le monde des lettres. Cependant, comme dramaturge et romancier, notre auteur fut ridiculisé. L’adversaire du Grand Corneille et de l’opportuniste Donneau de Visé, l’abbé se laissa entraîner dans une querelle dont il sortit meurtri et moqué. Jean Chapelain dit de lui que « c’est l’homme le plus emporté et le plus violent dans les siennes [les passions] que vous ayez jamais connu 55 ». L’ambition de d’Aubignac de devenir le grand maître des théâtres français et de transformer son Académie des Belles-Lettres en Académie Royale ne fut pas réalisée. Sa soif de pouvoir et d’avancement l’amena à s’impliquer dans divers domaines et à vanter ses propres talents d’homme de lettres doué. Seule sa Pratique du théâtre attira pour lui le genre d’attention dont il rêvait. Ses différents traités, essais et dissertations - ouvrages sur des sujets érudits et mondains - ne contribuèrent guère à solidifier son importance dans le monde 92 Bernard J. Bourque Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 des lettres. Nous en concluons que comme l’ambition de Macbeth, celle de l’abbé d’Aubignac s’élança et se retourna sur elle-même sans accomplir sa mission. Bibliographie - I. Œuvres de d’Aubignac Amelonde. Histoire de notre temps, où l’on voit qu’une honnête femme est heureuse quand elle suit un conseil sage et vertueux , Paris, Loyson et Loyson, 1669. Aristandre, ou l’Histoire interrompue , Paris, Jacques du Brueil, 1664. Conjectures académiques, ou Dissertation sur L’Iliade , Paris, Fournier, 1715. Les Conseils d’Ariste à Célimène sur les moyens de conserver sa réputation , Paris, Pépingué, 1666. La Cyminde ou les deux victimes, tragédie en prose , Paris, Targa, 1642-; dans Abbé d’Aubignac. Pièces en prose , éd. Bernard J. Bourque, Tübingen, Narr, 2012, p.-135-211. Deux dissertations concernant le poème dramatique, en forme de remarques sur deux tragédies de M. Corneille intitulées Sophonisbe et Sertorius. Envoyées à Madame la duchesse de R *** , Paris, Jacques du Brueil, 1663-; dans L’Abbé d’Aubignac. Dissertations contre Corneille , éd. Nicholas Hammond et Michael Hawcroft, Exeter, University of Exeter Press, 1995, p.-1-68. Discours académique sur l’éloquence , Paris, Armand Colin, 1668. Discours au Roi sur l’établissement d’une seconde académie dans la ville de Paris , Paris, Du Brueil et Collet, 1664. Discours sur la troisième comédie de Térence intitulée Heautontimoroumenos, contre ceux qui pensent qu’elle n’est pas dans les règles anciennes du poème dramatique , Paris, Camusat, 1640. Dissertation sur la condamnation des théâtres , Paris, Pépingué, 1666. Essais d’éloquence chrétienne , Paris, Couterot, 1671. Histoire du temps, ou Relation du royaume de Coquetterie, extraite du dernier voyage des Hollandais aux Indes du Levant , Paris, Sercy, 1654. Lettre d’Ariste à Cléonte, contenant l’apologie de l’«-Histoire du temps-» ou la défense du «-Royaume de Coquetterie-» , Paris, Langlois, 1659-; dans Dictionnaire analytique des toponymes imaginaires dans la littérature narrative de langue française, 1605-1711 , éd. Marie-Christine Pioffet, Paris, Hermann, 2013. Macarise, ou la Reine des Îles Fortunées, histoire allégorique contenant la philosophie morale des stoïques sous le voile de plusieurs aventures agréables en forme de roman , Paris, Du Brueil et Collet, 1664-; réimpr. Genève, Slatkine Reprints, 1979. Les Portraits égarés , Paris, Bienfait, 1660. La Pratique du théâtre , Paris, Sommaville, 1657 ; éd. Hélène Baby, Paris, Champion, 2001 ; réimpr. 2011. La plume ambitieuse de l’abbé d’Aubignac 93 Œuvres & Critiques, XLVIII, 1 DOI 10.24053/ OeC-2023-0006 La Pucelle d’Orléans, tragédie en prose , Paris, Targa, 1642-; dans Abbé d’Aubignac. Pièces en prose , éd. Bernard J. Bourque, Tübingen, Narr, 2012, p.-29-133. Quatrième dissertation concernant le poème dramatique, servant de réponse aux calomnies de M. Corneille , dans L’Abbé d’Aubignac. Dissertations contre Corneille , éd. Nicholas Hammond et Michael Hawcroft, Exeter, University of Exeter Press, 1995, p.-115-145. Le Roman des lettres-: dédié à son altesse royale Mademoiselle , Paris, Loyson, 1667-; éd.-Giovanna Malquori Fondi, Tübingen, Papers on French Seventeenth Literature, 1989. Des Satyres, brutes, monstres et démons, de leur nature et adoration , Paris, Liseux, 1888. Térence justifié ou Deux dissertations concernant l’art du théâtre , Paris, De Luynes, 1656. Troisième dissertation concernant le poème dramatique, en forme de remarques sur la tragédie de M. Corneille, intitulée l’Œdipe. Envoyée à Madame la duchesse de R*** , dans L’Abbé d’Aubignac. Dissertations contre Corneille , éd. Nicholas Hammond et Michael Hawcroft, Exeter, University of Exeter Press, 1995, p.-69-113. Zénobie, tragédie. Où la vérité de l’Histoire est conservée dans l’observation des plus rigoureuses règles du Poème Dramatique , Paris, Courbé, 1647-; dans Abbé d’Aubignac. Pièces en prose , éd. Bernard J. Bourque, Tübingen, Narr, 2012, p.-213-327. - II. Sources Boileau-Despréaux, Nicolas, Œuvres complètes , éd. 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