Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
10.24053/OeC-2023-0009
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2023
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Histoire de l’Ave Maris Stella de Germain Nouveau
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Eddie Breuil
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1 « Ne conserve point mes lettres, qui ne sont pas toujours l’expression de notre pensée » (lettre de Germain Nouveau à Léopold Silvy [Alger, 16 janvier 1910] publiée par Henri Sales - « Un poète ne veut pas qu’on publie ses vers ; le testament de Germain Nouveau-», Le Figaro littéraire , 8 novembre 1952). Histoire de l’Ave Maris Stella de Germain Nouveau Eddie Breuil L’ Ave Maris Stella , petite prière imprimée en plaquette en 1912, serait la dernière publication réalisée par Germain Nouveau (1851-1920), et même la seule publication autorisée au XX e siècle d’un auteur généralement présenté - dans l’histoire habituelle de la littérature - comme un poète du XIX e siècle. Les dernières publications possédant souvent une valeur testamentaire, celle-ci a d’ailleurs pu jouer un rôle majeur dans la trajectoire de son auteur. De manière générale, il est certes présomptueux d’évoquer une quelconque volonté d’auteur, d’autant plus lorsque nous sommes - dans le cas de Germain Nouveau - face à une absence relative de correspondance passive et à une confiscation de nombreux documents par les propriétaires actuels - ce qui rend difficile l’interprétation des faits et gestes de l’auteur, lui-même conscient de la trahison des mots 1 . En attendant une réapparition de documents autographes permettant d’affiner nos connaissances, nous entendons examiner d’un peu plus près l’ Ave Maris Stella , à partir de ses différentes versions et à partir du rapport de Germain Nouveau à la poésie religieuse elle-même. Les différentes versions de 1910 à 1916 La date de 1912 associée à l’ Ave Maris Stella est réductrice ; nous aimerions évoquer les autres périodes attestées durant lesquelles la prière a connu quelque développement. Les motivations de l’écriture de cette prière restent hypothétiques, même si les réactions complexes face à la publication non autorisée de ses textes (no‐ tamment La Doctrine de l’amour ) ont certainement conduit Germain Nouveau à prendre en charge, d’un point de vue éditorial et autorisé, ce qui pourrait DOI 10.24053/ OeC-2023-0009 Œuvres & Critiques, XLVIII, 2 2 « Tout ce que je peux faire, c’est de lui défendre, comme à tout autre, d’éditer jamais ce qui n’est pas sien » (lettre de Germain Nouveau à Ernest Delahaye [Alger, 12 janvier 1910] reproduite dans les Œuvres complètes de Germain Nouveau [Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de La Pléiade », 1970, p. 953]) ; « J’adjure mes parents (sur le conseil de mes confesseurs et pour question de goût et éviter le ridicule), quelque pression qu’on puisse faire sur eux, de s’opposer de tout leur pouvoir, et au besoin procès, et autres moyens dont la loi met en possession, à la publication d’aucuns vers de moi. […] Je veux que mon cousin Léopold Silvy qui a des brouillons de vers de moi non définitifs les détruisent [ sic ], lui ou ses descendants aussitôt qu’ils apprendront mon décès » (lettre de Germain Nouveau à Léopold Silvy [Alger, 16 janvier 1910], op. cit. ). 3 Lettre de Germain Nouveau à Ernest Delahaye [Alger, 16 janvier 1910]. 4 Lettre de frère Marie-Bernard à Germain Nouveau [Notre-Dame des Prés, 13 janvier 1910]. être une dernière publication. Au début de janvier 1910, le poète s’active auprès de plusieurs interlocuteurs (visiblement par appréhension du sort réservé à ses manuscrits). Après de vaines tentatives - s’étalant sur des décennies - pour récupérer ses textes, il prend de vraies mesures pour éviter que les mésaventures passées ne se reproduisent. Or la postérité a bien trop réduit son rapport au processus éditorial à une posture de refus global. Certes, si comme nous le savons il a souhaité empêcher toute publication non autorisée 2 , il ne s’est pas empêché de publier, tout en soumettant toute velléité d’édition à un principe d’ordre moral-: je ne publierai jamais rien sans l’avoir éprouvé (comme on doit faire) par des lectures. [ sic ] et, comme nous avons l’habitude de faire nous autres chrétiens, sans avoir pris l’avis de mes confesseurs 3 . Parmi les « confesseurs » en question figurait probablement frère Marie-Ber‐ nard, de Notre-Dame des Prés, avec lequel il était en correspondance 4 . Serait-ce alors sous l’impulsion d’un prêtre que Germain Nouveau - qui n’était plus apparu dans les registres de ses lecteurs depuis le 18 avril 1903 - se remet à fréquenter avec assiduité la bibliothèque de La Méjanes à partir du 27 avril 1910, et ce jusqu’au 6 mars 1912 (avant que les registres ne perdent définitivement sa trace ; mais le registre a cependant été tenu de manière très sporadique du 2 août 1914 au 16 octobre 1919, probablement à cause de la guerre) ? Sa fréquentation témoigne - entre le 17 décembre 1910 et le 28 juin 1911 - d’une consultation régulière de l’encyclopédie théologique « Migne », dont il parlait déjà dans la lettre à sa sœur du 30 mars 1892 (quelques mois après l’internement à Bicêtre, en 34 Eddie Breuil Œuvres & Critiques, XLVIII, 2 DOI 10.24053/ OeC-2023-0009 5 Il emprunte ladite encyclopédie les 17 et 21 décembre 1910, les 4, 5, 6, 10, 11, 12, 13, 14, 17, 18, 20, 25, 31 janvier, les 1, 2, 3, 4, 10, 11, 16, 18 février, le 17 mars, le 26 mai, et les 7, 9, 17, 22, 23, 24, 28 juin 1911. 6 Lettre de Léonce de Larmandie à Germain Nouveau [12 novembre 1910 - Bibliothèque Royale de Belgique, FS XXXV 1165 A (RP) ; inédite]. Il écrira encore : « J’ai reçu il y a quelque temps, de vous, une paraphrase très intéressante et curieuse de l’ Ave Maris Stella , j’attendais pour vous en écrire la suite qu’elle paraissait comporter [peut-être est-ce une mauvaise interprétation de l’expression « première version » figurant sur le tirage]. Je suis très attentif à tout ce qui concerne « Maris Stella » m’occupant beaucoup d’un vieux pèlerinage local » (lettre de Léonce de Larmandie à Germain Nouveau datée du 18 novembre [1912] et conservée à la Bibliothèque Méjanes [NOU 06]). 7 Lettre de Léonce de Larmandie à Germain Nouveau [27 novembre 1910 - Bibliothèque Méjanes (NOU 06)]. 8 Lettre de Germain Nouveau à Léopold Silvy [Aix-en-Provence, 30 novembre 1910 - Henri Sales, «-Un poète ne veut pas qu’on publie ses vers…-», op. cit. ]. 9 Jacques Lovichi, Le cas Germain Nouveau , 1963-1964 (thèse de doctorat non soutenue, p.-209). Nous reproduisons le couplet barré. 1891) 5 . Cette encyclopédie est assurément à l’origine directe de certains passages de l’ Ave Maris Stella . Une première version de ce texte - inconnue à moins qu’elle ne coïncide avec la version de 1912 - daterait de l’année 1910. En effet, Léonce de Larmandie - le responsable des éditions non autorisées de La Doctrine de l’amour et de Savoir aimer - aurait reçu en novembre 1910 une version de la prière : « J’approuve de toutes mes forces les invocations à la Ste Vierge contenues dans votre dernière carte 6 -». Il ajoutera quelques jours plus tard-: «-Je connaissais bien les strophes latines qui sont de l’office de la Sainte Vierge » (l’ Ave Maris Stella est à l’origine une prière écrite en latin) 7 . Toujours ce même mois de novembre 1910, Germain Nouveau sollicite ses proches pour couvrir « les frais d’une très légère plaquette, soixante-dix à quatre-vingts petits vers, avec une lettre à un personnage de Paris, et quelques notes 8 ». Il est probable que ces évocations renvoient au même projet, qui deviendra l’ Ave Maris Stella ; mais nous ignorons quel est ce «-personnage de Paris-». Jacques Lovichi aurait consulté les brouillons de la prière, alors conservés par Mme Hart de Keating, dont un couplet aurait été supprimé 9 , sans doute pour son caractère trop visiblement personnel, quand une prière devrait tendre vers l’universel-: À toi qui vins de Lourdes Chez des sourds et des sourdes Après que dans leurs bois T’auront vu, sur l’impie Germain et Mélanie Histoire de l’ Ave Maris Stella de Germain Nouveau 35 Œuvres & Critiques, XLVIII, 2 DOI 10.24053/ OeC-2023-0009 Pleurer entre tes doigts 10 Au regard des variantes, les brouillons conservés par Mme Hart de Keating étaient probablement antérieurs à la parution. Il semble possible de faire remonter au moins à 1910 la genèse de l’ Ave Maris Stella ; le délai qui court jusqu’en 1912 s’explique visiblement par les préoccupations annexes qui s’imposent alors à Germain Nouveau - dont le souhait de réagir judiciairement contre certaines publications non autorisées. La première impression connue de la prière date en tout cas de 1912 auprès de l’imprimerie Tournel, « l’imprimeur radical-socialiste de la sous-préfecture », à Aix-en-Provence 11 . Nous en connaissons trois exemplaires-: - deux exemplaires sont conservés au musée Paul Arbaud (cote 0246), légués par l’abbé Davin (l’un des deux exemplaires lui est d’ailleurs dédicacé par l’auteur) 12 -; --un exemplaire fut adressé à Ernest Delahaye 13 . Il faudrait nuancer la qualification d’« édition » pour évoquer cette plaquette. En effet, il serait davantage question d’épreuves ou de tirage à part. Plusieurs éléments penchent en faveur de cette lecture : ces exemplaires portent des modifications d’auteur, et un feuillet (actuellement non localisé) comportant 36 Eddie Breuil 10 Strophe supprimée figurant sur le brouillon détenu par Mme Hart de Keating (selon Jacques Lovichi, Le cas Germain Nouveau , op. cit. , p. 209). Dans le premier Cahier Germain Nouveau , Maïté Pin-Dabadie a reproduit cette strophe, la faisant suivre par celle-ci-: « Toi donc qu’à sons de corde | Nommaient nos premiers chants | La Dame de céans | De par Miséricorde | Oh ! que ce soit ici | Que ton cœur nous accorde | La paix et la concorde | Après grâce et merci | (À genoux, etc. )-». Cette strophe évoque l’anecdote suivante : « C’est le samedi 19 septembre 1846, vers les trois heures de l’après-midi, que Marie a daigné se manifester aux deux petits bergers, Germain Giraud, âgé de onze ans, et Mélanie Mathieu, âgée de quatorze ans, sur la montagne de la Salette, canton de Corps, diocèse de Grenoble. […] Elle paraissait affligée, dans l’attitude de quelqu’un qui pleure, le front caché dans ses mains. Ses pieds étaient tournés vers le midi et reposaient dans le lit d’une fontaine qui était dans ce moment à sec » (Abbé Jean-Baptiste Duchaine, Nouvelle relation de l’apparition miraculeuse de la sainte Vierge à deux petits bergers sur une montagne de la Salette , Paris, Dopter, 1847, p.-5-6). 11 Marcel Provence, « Souvenirs sur Humilis , poète de la Vierge et pèlerin mendiant », Les Lettres , 1 er avril 1924, p.-512 sq . 12 L’abbé Paul-Marie Davin (4 octobre 1848-14 juin 1925), licencié en Droit en 1868, ordonné prêtre le 18 septembre 1875, renonce aux fonctions publiques pour devenir prêtre missionnaire, portant la bonne parole aussi bien en français qu’en provençal. Cf . Maurice Raimbault, « Notice sur l’abbé Paul-Marie Davin », Annales de Provence , 1 er avril 1925, p.-71-75. 13 Bibliothèque royale de Belgique [FS XXXV 1159A (RP)]. Œuvres & Critiques, XLVIII, 2 DOI 10.24053/ OeC-2023-0009 deux strophes de l’ Ave Maris Stella est accompagné d’un autre sur lequel « Nouveau a recopié fidèlement un Protocole pour la correction des épreuves 14 ». Le 1 er septembre 1912, une remarque de Germain Nouveau à Ernest Delahaye laisse entendre que le projet éditorial n’avait pas abouti-: Cher Averunt, […] arrêtons les frais pour l’Ave. Je tiens, je crois, meilleure idée pour sortir un peu de la «-purée-» comtudi 15 . Quel serait le sort réservé à la plaquette ? Vraisemblablement, la «-meilleure idée » est une publication en revue. Cette possibilité était déjà envisagée auprès du même destinataire le 12 août 1912-: Vois si tu as assez d’influence dans les milieux littéraires pour me faire imprimer mon «-joli petit poème-» (il n’est pas long en effet) en son entier (condition sine qua non) dans quelque Revue (sauf la Poétique ) 16 . Ernest Delahaye ne paraît pourtant pas avoir placé le poème. Germain Nouveau aurait en revanche démarché une revue locale. Marcel Provence raconte en effet la visite que Germain Nouveau aurait rendue aux membres de la revue aixoise des Quatre dauphins - revue mensuelle d’art, d’action provençale et de lettres françaises. Celui-ci leur aurait remis la plaquette, avant de revenir quelques jours plus tard avec de nouvelles corrections, portant sur cette version la mention «- ne varietur -». Il aurait dit-: Cette prière est la dernière chose que j’écrirai, confia-t-il. Je voudrais que cette paraphrase resta [ sic ] comme cantique dans ma paroisse. C’est mon dernier désir. Marcel Provence ne précise pas la date de la visite (il se contente de men‐ tionner « un soir »), mais la visite eut lieu nécessairement entre novembre 1911 (parution du premier numéro des Quatre dauphins ) et novembre 1913 (parution du numéro 18 et dernier numéro), plus probablement autour d’août 1912, date après laquelle Germain Nouveau porta des corrections sur les exemplaires du tirage de 1912. Mais la parution en revue n’eut pas lieu. Réservait-il un autre sort encore à la plaquette ? L’humeur de Germain Nouveau est changeante, et sa version « ne varietur » a évolué, si l’on en croit le descriptif que donne le catalogue Zoummeroff d’une version qui figure sur le carnet dit « calepin du mendiant » : Histoire de l’ Ave Maris Stella de Germain Nouveau 37 14 Description d’un lot de 35 feuillets lors de la vente à l’Hôtel Drouot (Richelieu) du 22 mai 2001 (lot n° 281). 15 Lettre de Germain Nouveau à Ernest Delahaye [Pourrières, 1 er septembre 1912 (con‐ servée à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Ms 27402)]. 16 Lettre de Germain Nouveau à Ernest Delahaye, Pourrières, 12 août 1912. Œuvres & Critiques, XLVIII, 2 DOI 10.24053/ OeC-2023-0009 17 Catalogue de la vente de la Bibliothèque P[hilippe] Z[oummeroff] à l’Hôtel Drouot (Richelieu) des 15 et 16 mars 1996 (lot n° 332). 18 … après être passé entre les mains de Robert Schuman, de Lauthier, de Daniel Sickles puis de Philippe Zoummeroff, dernier propriétaire connu avant la vente de 1996. 19 Le 13 selon Maïté Dabadie [ L’Écharde dans la chair ou la vie du poète Germain Nouveau Humilis , Marseille, P. Tacussel éditeur, 1986, p. 225 (image non reproduite)] et le 31 selon le lot n° 288 de la vente du 22 mai 2001 à l’Hôtel Drouot (Richelieu) [texte et image non reproduits]. Ave Maris Stella . « Paraphrase en vers de la prière de st Bernard. (3 versions) 1 ere et 2 e versions. Paris. 1913… Cantica dramatis . Ex-voto -» : « L’oiseau pêche en eau basse, on part, vive l’espace-! -»… (version différente et plus étendue de la brochure éditée chez Tournel en juin 1912, voir Pl. 755) 17 . Malheureusement, la version n’a pas été reproduite, et le carnet reste actuel‐ lement non localisé 18 . Cette mention « Paris » indique-t-elle la ville d’écriture, de mise au net, d’édition ? La même année, une autre localité apparaît, dans une facture de la société Française d’Imprimerie et de Librairie à Poitiers, datée du 13 ou du 31 mai 1913 19 -: À Monsieur Laguerrière, professeur de dessin à Pourrières - Paraphrase de l’ Ave Maris Stella : - Composition 11 F Correction 10 F 50 Total 21 F 50 Les versions de Paris et de Poitiers, réalisées cette même année 1913, restent inconnues, mais sont assurément des remaniements (« différente et plus étendue-») de la version connue de 1912, ce qui confirme le rapport probléma‐ tique de Germain Nouveau avec l’achèvement de toute production littéraire. Cette version de l’ Ave Maris Stella datant de 1913 n’est toutefois pas la dernière. Germain Nouveau aurait en effet retouché considérablement sa prière jusqu’en 1916. Une nouvelle version a appartenu à Marie-Louise Hart de Keating, puis a figuré dans le catalogue de l’exposition à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet (comme pièce n° 32) sous le descriptif suivant : « Ave Maria [ sic ] Stella. Ms. auto. et épreuves cor. (Coll. Mme Hart de Keating). » Nous ignorons l’identité de son propriétaire actuel. Cette nouvelle version semble considérablement remaniée. Pierre-Olivier Walzer évoque cette refonte, et parle d’une nouvelle version non plus sous forme de prière mais «-de grand récitatif mêlé de chants, rappelant les pastorales médiévales (avec, comme personnages : 38 Eddie Breuil Œuvres & Critiques, XLVIII, 2 DOI 10.24053/ OeC-2023-0009 20 Germain Nouveau, Œuvres complètes , op. cit. , p.-754. 21 Germain Nouveau, Œuvres poétiques [Brenner et Mouquet - 1953], tome II, p.-215. 22 Conservée à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet (cote Ms 27411). le petit Parisien, une petite Provençale, un “estropiat”, un clerc…) 20 -». L’édition Mouquet-Brenner donne une description de la maquette-: Publication de «-la Postale-» en vue de l’union | de tous les Français AVE MARIS STELLA ou | paraphrase rimée | de la poésie | de Bernard sgr de Fontaine par | un naufragé de N.-D. (Première version) Deuxième essai Phocée MDCCCCXVI Le descriptif donne des précisions-: - sur les versions de la publication : outre la mention « première version » et « deuxième essai », les éditeurs indiquent que l’œuvre comporte 330 vers, davantage que la version connue de 1912-; - sur les dates dont Germain Nouveau se serait servi pour délimiter son œuvre : « 12 février 1912 - 19 octobre 1916 21 ». La date du 19 octobre n’est probablement pas retenue par hasard : la veille évoque l’anniversaire de la mort de sa mère, Marie Augustine Nouveau (décédée le 18 octobre 1858)-; - sur le lieu d’écriture ou de publication : « Phocée » désigne par métonymie la ville de Marseille (ville fondée par les Phocéens, d’où son nom de cité phocéenne), et inscrit donc la gestation de la prière dans une mythologie personnelle (rejoignant l’«-Odyssée enfantine-» que nous évoquons plus loin)-; - sur la nature de l’édition : « Publication de “la Postale” en vue de l’union | de tous les Français » renvoie à une pratique éditoriale de Germain Nouveau. En 1913 et 1914 (selon les lettres connues, voire davantage selon des documents confisqués par des collectionneurs), Germain Nouveau met en place la «-presse du hère » ou « presse du pauvre », abonnement postal pour lequel il sollicite ses connaissances. On retrouve certaines expressions dans sa carte postale du 1 er avril 1914 à Ernest Delahaye : « Presse du Hère | 1 e année | Nos Postales | ou |-Petit poème de l’abonnement-| en vue-| de l’Union de tous les Français) 22 -»-; --sur la forme ou le genre du contenu-: «-paraphrase rimée-»-; - sur la source de Germain Nouveau : « la poésie | de Bernard sgr de Fontaine ». Germain Nouveau ne désigne l’auteur ni sous le nom de « saint Bernard », ni sous celui de « Bernard de Clairvaux » (lieu dont il fut l’abbé), mais Histoire de l’ Ave Maris Stella de Germain Nouveau 39 Œuvres & Critiques, XLVIII, 2 DOI 10.24053/ OeC-2023-0009 23 Texte de la facture reproduit par Maïté Dabadie ( L’Écharde dans la chair, op. cit. , p.-234 (facture passée en vente le 22 mai 2001). 24 Quelques-unes de ces versions sont conservées (puisqu’elles ont connu un passage en salle de vente) mais dorment actuellement dans des fonds de collectionneurs non identifiés. 25 Lettre de Germain Nouveau à Jean Richepin [27 juillet 1875]. Le poète évoque également la Nanie dans sa lettre à Paul Verlaine [20 octobre 1875]. sous celui de « Bernard seigneur de Fontaine », le rattachant à sa ville natale (tout comme Germain Nouveau sera obsédé par sa ville natale de Pourrières)-; - sur le nom d’auteur pris par Germain Nouveau : la périphrase « un naufragé de N.-D. » renvoie à un motif obsessionnel de l’œuvre de Germain Nouveau (celui du naufrage) et à une strophe de l’ Ave Maris Stella par saint Bernard, évoquant le patronage de Marie auprès des marins (rejoignant là encore l’«-Odyssée enfantine-» que nous évoquons plus loin). S’agirait-il de la dernière main portée à l’ Ave Maris Stella ? Car l’on trouve encore une trace d’une facture de la librairie Aubanel d’Avignon datée du 16 janvier 1918 23 , signalant l’acquisition d’un Office de la Sainte Vierge et des morts, dont il avait déjà été question dans la lettre de Léonce de Larmandie à Germain Nouveau du 27 novembre 1910. Si seule la publication de 1912 est connue, l’ Ave Maris Stella ne peut donc pas se restreindre à cette seule année 1912 : l’œuvre est régulièrement travaillée par son auteur au moins entre 1910 et 1916, voire 1918 24 . Plus largement encore, la poésie d’inspiration religieuse de Germain Nouveau déborde ces dates. Essais de poésie religieuse L’ Ave Maris Stella n’est pas le premier poème religieux de Germain Nouveau. La Doctrine de l’amour est en revanche l’arbre qui cache la forêt : chaque époque de la création de Germain Nouveau comporte des essais religieux, le plus souvent non publiés par leur auteur, probablement parce qu’ils portent une part plus intime, le sujet religieux étant souvent associé à sa biographie. Parmi les essais de poésie religieuse, figurent, en 1875, « des histoires rimées » dont il évoque une des fins-: Récitez, on Vous en prie, Un «-Miserere-» pour la petite Nanie 25 . Si le Miserere - le psaume 51 (50) -, n’est ici qu’évoqué, les psaumes intéressent Germain Nouveau, comme s’ils permettaient d’éclairer sa propre condition-: 40 Eddie Breuil Œuvres & Critiques, XLVIII, 2 DOI 10.24053/ OeC-2023-0009
