Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
10.24053/OeC-2024-0005
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2024
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Explorer L'Arche Titanic d'Éric Chevillard. Témoigner de la disparition animale
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Éric Hoppenot
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1 Maurice Blanchot, « L’Apocalypse déçoit », dans M. Blanchot, L’Amitié, Paris, Gallimard, 1971. Explorer L’Arche Titanic d’Éric Chevillard. Témoigner de la disparition animale Éric Hoppenot INSPE de Paris-Sorbonne Université, Collège International de Philosophie Notre littérature contemporaine et ultracontemporaine aura été profondément une littérature de la fin, de l’apocalypse, même si elle déçoit 1 … L’Arche Titanic d’Éric Chevillard est publié en 2022 dans la collection « Ma nuit au musée » des éditions Stock. Le principe de la collection est simple : un auteur passe la nuit enfermé tout seul dans le musée de son choix et rédige un texte né de sa rencontre avec un ensemble d’œuvres. C’est ainsi qu’Éric Chevillard obtient l’autorisation de passer une nuit dans la Grande Galerie de l’Évolution du Museum d’Histoire Naturelle. Il déambule dans cet espace gigantesque et mémoriel dans lequel s’offre à lui le spectacle d’animaux empaillés et de quelques squelettes démesurés. Il n’est guère attiré par ces squelettes d’un autre temps, mais il s’attache plus volontiers à ce j’appellerais « la communauté des empaillés », tout un univers naturalisé, un musée, où l’homme n’est plus au cœur de l’attention. Dans cette étrange galerie qui raconte aussi notre histoire, on ne sait plus vraiment si nous rencontrons des vestiges d’animaux ou des objets d’art. Le livre est dédié « à Nénette », un orang-outan femelle d’une cinquantaine d’années, l’une des plus âgées du monde vivant dans un zoo. Chevillard s’est pris d’affection pour l’animal et dès qu’il vient à Paris, il prend toujours un moment pour aller la voir. À la fin de L’Arche Titanic , il s’interroge sur le destin de Nénette et se demande si sa dépouille s’ajoutera ou non aux autres animaux naturalisés de la Grande Galerie de l’Évolution. Dès la première page du récit, nous partons à l’aventure en compagnie du narrateur qui installe son lit de camp pour une nuit de bivouac. Sans souci d’un Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 2 Éric Chevillard, L’Arche Titanic . Paris, Stock, «-Une nuit au musée-», 2019, p.-9. ancrage réaliste, bien au contraire, l’incipit nous signifie que cette expérience nocturne et solitaire sera contée sous le sceau d’une expédition sauvage-: C’est un vrai lit de camp de broussard, toile rêche, écrue, tendue sur une structure de bois pliable, inutile de songer à dormir là-dessus, mais on ne saurait en effet être mieux alité pour suer les poisons du palu, de la fièvre jaune et du béribéri. Je l’ai installé dans la galerie des Espèces disparues, quitte à paraître d’emblée exagé‐ rément catastrophiste, mais cette longue salle accueille aussi les espèces menacées et je ne suis donc pas moins raisonnablement pessimiste que les conservateurs du Muséum qui ont jugé opportun de les exposer ensemble - celles qui ne sont plus et celles qui semblent condamnées -, peut-être pour n’avoir pas à déplacer ces fragiles spécimens quand ils passent d’un statut à l’autre 2 . (AT, 9) Cette pièce semble presque confidentielle : elle est à part, presque à l’écart de La Grande Galerie de l’Évolution, on n’en fait guère de publicité (hormis en raison du casque optionnel à réalité augmentée ! ) et son accès est limité, on y entre presque religieusement, conscients de pénétrer un monde de fantômes ou d’animaux en sursis dont la présence sur notre terre ne tient plus qu’à la vie de quelques individus. Il songe à certains animaux menacés, pensant qu’il leur suffira seulement de passer de la vitrine des menacés à celle des disparus. La tragédie de l’extinction est visible en quelques vitrines qui sont séparées seulement de quelques mètres, l’une en face de l’autre, les disparus faisant parfois face aux menacés d’extinction. Peut-être que nos bestiaires imaginaires présents et futurs se nourrissent déjà du cadavre de ces animaux, disparus avant même que nous connaissions leur existence. Ils sont passés sans nous. Afin d’entrer dans cet univers animal, rappeler ces mots de L’Abécédaire de Gilles Deleuze, dans son « A comme Animal » où il corrèle subtilement l’animal et l’écrivain-: si l’écrivain c’est bien celui qui pousse le langage jusqu’à une limite, limite qui sépare le langage de l’animalité, qui sépare le langage du cri, qui sépare le langage du chant… À ce moment, il faut dire : oui, l’écrivain est responsable devant les animaux qui meurent. Et être responsable devant les animaux qui meurent, c’est-à-dire répondre des animaux qui meurent. Écrire, non pas pour eux — encore une fois, je ne vais pas écrire pour mon chat, pour mon chien — mais écrire à la place des animaux qui meurent, et cætera. C’est porter le langage à cette limite. Et il n’y a pas de littérature qui ne porte pas le langage et la syntaxe à cette limite qui sépare l’Homme de l’animal. Il faut être sur cette limite, même. 3 72 Éric Hoppenot Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 3 Cet Abécédaire n’ayant pas été publié, notre retranscription rétablit la syntaxe de la négation écrite. 4 Lire le détail de cet épisode dans Éric Chevillard, Palafox , Paris, Minuit, 1990, p.-43. Si je choisis de rappeler ces mots de Gilles Deleuze, c’est que toute l’écriture de Chevillard, du moins, celle qui se veut attentive en ce point où l’existence animale nous traverse, se situe exactement à la limite même qu’évoque Deleuze. L’entreprise de Chevillard déploie des trésors d’ingéniosité, pour réintroduire l’animal dans la littérature, mais plus dramatiquement pour acter de sa mort, et surtout de sa disparition à grande échelle. Nous reviendrons plus loin sur la responsabilité que Chevillard fait porter à la littérature dans la disparition des animaux. L’univers d’Éric Chevillard est depuis longtemps peuplé d’animaux réels et imaginaires, que l’on songe aux titres et aux histoires racontées dans Palafox (1990), Préhistoire (1994), Du Hérisson (2002), Oreille rouge (2005), Sans l’orangoutan (2007) ou encore L’explosion de la tortue (2019), et dans beaucoup d’autres textes, ce sont autant d’animaux qui échappent pour une large part à tout « effet de réel ». Le traitement narratif des animaux est parfois particulièrement difficile à circonscrire, l’on pourrait déjà avancer que même absent comme dans Sans l’orang-outan , l’évocation animale chez Chevillard s’avère d’abord déconcertante et participe d’une véritable esthétique de la surprise. L’Arche Titanic me paraît être le titre phare, l’hyperonyme de tous les romans de Chevillard où la disparition des animaux se déploie au cœur de la narration. L’autre raison plus profonde, c’est qu’en relisant L’Arche Titanic , je fais l’hypothèse que les animaux en voie de disparition et plus encore, les animaux disparus deviennent pour nous un bestiaire imaginaire. De l’arche de Noé à L’Arche Titanic, une échappée biblique Si Éric Chevillard se plaint de l’absence des animaux dans la littérature, il est pourtant une œuvre majeure de notre culture où l’animal entre dans les premières pages de la Genèse et se trouve toujours au cœur du récit de la fin des temps. Avant L’Arche Titanic , celle de Noé apparaît à plusieurs reprises, d’abord sous la forme d’un écho parodique où se mêlent des jeux phoniques, l’évocation biblique, la cacophonie animalière et l’origine des langues. Plus précisément, la naissance des langues aurait selon le narrateur une origine animale ; au temps de l’arche de Noé, les animaux possédaient une langue, mythe qui deviendra, dans certains contes, ce moment archaïque : « au temps où les animaux parlaient ». Cette langue, a selon le narrateur de Palafox 4 totalement Explorer L’Arche Titanic d’Éric Chevillard. Témoigner de la disparition animale 73 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 disparue, que les animaux eux-mêmes ne comprennent plus ces onomatopées d’un jadis immémorial. Dans L’Explosion de la tortue , « l’arche de Noé » est d’abord le nom de l’animalerie peu fréquentable dans laquelle le narrateur a acheté Phoebe, la tortue au centre du récit. Mais l’arche est aussi l’occasion d’un récit dans le récit, car le narrateur de L’Explosion de la tortue est en possession d’une œuvre d’un des personnages du livre, un certain Novat, auteur de L’Arche fantôme dans lequel il narre la manière dont l’arche de Noé aurait été attaquée par des pirates pour faire disparaître de nombreuses espèces et les remplacer par d’autres. On voit ainsi de quelle manière le motif de la disparition des animaux s’immisce dans de nombreuses strates de ces récits. Chez Chevillard, il se pourrait que la disparition du monde animal trouve donc sa source dans l’épisode de l’arche de Noé, perception d’autant plus singulière que l’arche devait servir d’abri aux espèces. La tradition juive, elle, ne mentionne pas du tout cette image de l’arche, commode pour les traductions latines qui pourront faire de cette arche une allégorie de l’Église, refuge pour tous les chrétiens, mais cette image est étrangère au texte hébreu. Le mot hébreu « tevah » désigne prosaïquement une sorte de caisse, mais symboliquement ce qui fait office de refuge pour l’ensemble des espèces, c’est la main de Dieu. Bien loin de l’univers tragique de la disparition des animaux, l’arche de Noé est interprétée comme déjà l’avant-goût des temps messianiques, ce moment où toutes les espèces vivent en paix, cette célèbre utopie où le loup et l’agneau habiteront ensemble selon l’un des versets d’Isaïe. Ce que la tradition oblitère souvent c’est la fin du Déluge. Une fois revenu sur la terre ferme, Noé, pour remercier Dieu, sacrifie tous les animaux qui étaient en surplus dans l’arche. Ce sacrifice marque la fin d’une humanité végétarienne. Dieu autorise l’homme à manger des animaux le temps que les végétaux de la terre se régénèrent. Pour en terminer rapidement avec les enjeux de cette référence biblique essentielle, soulignons que si l’homme sort de sa condition végétarienne et peut se nourrir d’animaux, ce n’est possible qu’à condition qu’il se soumette à certaines lois divines, comme ne pas arracher un membre à un animal vivant, ne pas manger de viande avec son sang parce qu’il est l’âme de l’animal, ne pas le manger non plus avec sa possible descendance-: «-Tu ne feras point cuire un chevreau dans le lait de sa mère-». La référence explicite à l’épisode biblique, au-delà de ce qu’elle génère de représentations dans notre imaginaire, inscrit l’histoire des animaux dans une configuration où, depuis l’origine, les hommes et les animaux sont indissocia‐ bles. Plus souterrainement, l’évocation de l’arche de Noé dans le récit de Chevillard expose les relations complexes entre l’homme et l’animal. Notre 74 Éric Hoppenot Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 5 Genèse , 9, 8-10. 6 Éric Chevillard, Le désordre AZERTY , Paris, Minuit, 2014, p.-13. 7 Par exemple : le lion de l’Atlas, la panthère de Chine, le Cyprinondon alvarezi et beaucoup d’autres mammifères, oiseaux, poissons ou reptiles. culture a sans doute oublié que la première Alliance, celle entre Dieu et Noé, incluait les animaux eux-mêmes : « 8Dieu dit encore à Noé et à ses fils : 9« J’établis mon alliance avec vous et avec votre descendance après vous, 10avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, tant les oiseaux que le bétail et tous les animaux de la terre, avec tous ceux qui sont sortis de l’arche, avec tous les animaux de la terre. 5 » (Gn. 9, 8-10). Soulignons une dernière occurrence de l’arche de Noé que Chevillard con‐ voque dans Le désordre AZERTY ou le zoo incarne l’arche de Noé dégradée, une sorte d’arche de fin du monde : « Le zoo est un monde dramatiquement rétréci, une arche de Noé échouée sur un banc de sable ou la vie suffoque. 6 » Entre l’arche de Noé et la Grande Galerie de l’Évolution, il y aurait donc le zoo, comme un entre-deux où l’animal n’est plus tout à fait lui-même, un lieu de préservation pour les uns, un espace spectaculaire et inhumain pour les autres. Le fait que certaines espèces n’existent pratiquement plus sur notre planète en dehors de certains zoos 7 . Un bestiaire imaginaire Si l’on est familier des romans de Chevillard, l’on s’attend avec un tel titre, L’Arche Titanic , à croiser nombre d’animaux sortis de son imagination, or il n’en est rien. Le cadre du récit ne s’y prête pas, il y a déjà tellement d’animaux dans la Grande Galerie de l’Évolution, et surtout la gravité de l’extinction en cours dont le livre veut témoigner exige une attention aux véritables animaux, ou à ce qu’il en reste. Ce texte se donne à lire comme un récit autobiographique, un récit de voyage dans la nuit originelle des animaux, comme l’histoire de leur naturalisation, et enfin comme une méditation anthropologique sur la responsabilité humaine dans la sixième extinction. Ce sont sans doute pour toutes ces raisons qu’il y a la place pour la rêverie, la distance critique et comique, mais moins pour un bestiaire imaginaire. Il faut patienter jusqu’aux quinze dernières pages pour rencontrer quelques animaux fabuleux identifiables et appartenant à la longue tradition des bestiaires. Dans le paragraphe qui précède, Chevillard fait le rêve de ce qui semble une nouvelle arche de Noé, comme si la Grande Galerie se muait en asile pour tous les animaux menacés, un refuge où ils trouveraient protection et hospitalité, en somme, l’improbable réunion des vivants et des morts. C’est dans ce contexte que Chevillard écrit : « Les animaux Explorer L’Arche Titanic d’Éric Chevillard. Témoigner de la disparition animale 75 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 8 L’Arche Titanic , p.-158. 9 Henri Michaux, « La Parpue », La nuit remue , Paris, Gallimard, 1935, repris dans les Œuvres Complètes I, La-Pléiade, 1998, p.-490. légendaires n’ont jamais eu d’autres corps que leurs noms : le catoblépas, le phénix, le dragon, le griffon, le basilic, la licorne ou la manticore. C’est dire l’importance de ce baptême 8 . ». Ces animaux font tous partie de notre imaginaire littéraire, de notre culture, même si le catoblépas et la manticore nous sont moins familiers que le dragon ou la licorne. Le catoblépas est évoqué par Pline l’Ancien, et surtout dans La Tentation de Saint-Antoine de Flaubert où il incarne une figure de la bêtise : cet animal ayant toujours la tête penchée, il mange ses pattes sans s’en apercevoir. On le rencontrait déjà chez Rabelais et, plus récemment, il figure dans Les êtres imaginaires de Borges. Quant à la manticore, on la trouve chez Aristote, chez Pline l’Ancien, et dans La Tentation de Saint Antoine , mais ce sont principalement les bestiaires médiévaux qui en font le plus grand usage et l’interprètent comme une incarnation du mal. Ce sont les seuls et uniques animaux légendaires mentionnés dans L’Arche Titanic , tous des souvenirs de lettré, échappant au peuple de la Grande Galerie de l’Évolution. L’écriture des animaux chez Chevillard prend une proportion rarement atteinte dans les autres œuvres contemporaines, elle me semble se manifester non par une opposition, mais par une coexistence de deux dispositifs narratifs qui semblent avoir chacun leur espace romanesque. D’un côté l’animal souvent loufoque, mu par un imaginaire et généré par une hybridité multiple particu‐ lièrement complexe qui rend l’animal infigurable ou monstrueux ; à cet égard l’exemple limite, c’est probablement Palafox , qualifié, par une série infinie de paradoxes et d’oxymores « d’énorme animal minuscule ». Ainsi ce singulier animal échappe à toute forme de taxinomie, il n’appartient qu’à une seule espèce, celle des incongrus. Pierre Jourde a parfaitement montré que cette incongruité ne pouvait réellement prendre dans le récit qu’à condition que le lecteur soit convaincu que Palafox est successivement tel ou tel animal, à la différence par exemple de certains animaux de Michaux qui n’ont jamais une identité animale identifiable comme « La Parpue 9 », alors que Palafox incarne successivement des identités animales, canari, serpent, éléphant, crocodile etc. Seule la poesis rend possible une telle épiphanie textuelle. De l’autre côté, des animaux fabuleux, les animaux réels ou plutôt référencés, qui pour la plupart ne sont présents, si j’ose dire, que par leur disparition. Il en est ainsi dans Sans l’orang-outan , L’explosion de la tortue ou encore dans L’Arche Titanic dans lequel le narrateur erre dans les galeries des animaux définitivement disparus de la Terre. Il est en ainsi du dodo ou d’autres espèces que Chevillard ne manque pas d’évoquer, comme s’il y avait 76 Éric Hoppenot Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 10 L’Arche Titanic , p.-24. une nécessité à inscrire de nouveau ces noms quelque part. L’Arche Titanic est un cimetière qui prend acte que des mots se meurent aussi dans la langue. Si l’arche de Noé était une opération de sauvetage, L’Arche Titanic nous oblige à compter les pertes et à déambuler dans un gigantesque reliquaire. À dire vrai, ce n’est pas le bestiaire imaginaire qui m’intéresse en tant que tel chez Chevillard, hormis dans Palafox , ce qui m’interroge c’est plutôt la manière dont coexiste dans l’œuvre le bestiaire imaginaire et les autres animaux. Il me paraît que nombre d’animaux imaginaires de Chevillard, sont des résonances poétiques et lexicales des animaux dont nous n’avons pas, non seulement pris soin, mais que nous nous sommes évertués à effacer méthodiquement de la surface du globe. Par ailleurs, l’on est en droit de se demander si les animaux disparus ou en voie de disparition ne sont pas susceptibles de rejoindre le bestiaire de la faune imaginaire, tant ils nous deviennent étrangers, tant nous avons si peu de chance de les rencontrer en dehors des livres, des œuvres d’art ou des archives documentaires. Si nous dressions une liste hétéroclite d’animaux disparus et d’animaux imaginaires, nous ne serions probablement pas à même de les distinguer les uns des autres. Au début de L’Arche Titanic on trouve un bel exemple de ces animaux étranges qui se cachent dans l’imaginaire : Puis il faudrait évoquer encore les espèces qui, considérant la conjoncture hostile, renoncent à apparaître - pour ne citer que l’escognette, l’alongue cendrée, le marole acrobate et la pirlouche. Ni l’escognette ne fendra le flot de son aileron étoilé, prenant de la vitesse pour jaillir soudain et exécuter un looping parfaitement rectangulaire. Ni l’alongue cendrée ne migrera en volant sur le dos du pôle Nord au pôle Sud en composant un chant toujours nouveau. Ni le marole acrobate suspendu par la queue à une branche ne s’accouplera en se balançant à trente mètres au-dessus du sol. Ni la pirlouche sur son nid d’écume ne couvera ses œufs dans ses bajoues 10 -. La dérobade qui est immanente aux animaux peut être saisie comme une autre forme de disparition, mais cette fois volontaire. C’est là toute la liberté des animaux des bestiaires imaginaires, ils peuvent se soustraire à notre présence, leur disparition ne sera que mémorielle. Mais la leçon de ce bestiaire imaginaire, c’est qu’il mérite aussi notre égard, notre vigilance : veiller sur ces animaux qui ont choisi de ne pas apparaître, c’est veiller sur l’advenue d’une certaine expérience poétique du monde. D’un monde animal où tout est possible. Explorer L’Arche Titanic d’Éric Chevillard. Témoigner de la disparition animale 77 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 11 L’Arche Titanic , p.-70. La trace, substitut d’une présence-? C’est ainsi que L’Arche Titanic , en nous proposant une attention particulière‐ ment développée à la galerie des Espèces disparues, nous raconte une histoire de morts. Ces animaux naturalisés ne sont que des traces, des décombres de vie qui ne sont jamais advenus, à quelques exceptions près à ce que Ricœur désignait comme une « identité narrative ». C’est cette manifestation de la trace dans L’Arche Titanic que nous voudrions maintenant rapidement explorer. Nous ne pourrons développer ici ce point, mais tout le récit s’oriente dans des traces multiples, notamment historiques, par exemple celles de certains scientifiques, taxidermistes ou encore le célèbre rhinocéros oublié de Louis XIV. L’œuvre s’écrit dans une succession de digressions qui permet à Chevillard l’exposition d’un si vaste bestiaire. Ce motif de la trace et du pistage nous renvoie expressément à l’un des premiers liens que l’humanité eut avec l’animal, celui du chasseur et de la proie. À ce propos, Chevillard consacre un passage à un texte essentiel de Carlo Ginzburg-: […] certains historiens pensent que les premiers récits furent des histoires d’animaux, des aventures de chasseurs et de pisteurs, de combats avec l’ours. Lisons Mythes, emblèmes, traces , de Carlo Ginzburg : « Peut-être l’idée même de narration est-elle née pour la première fois, dans une société de chasseurs, de l’expérience du déchiffrement des traces. […] Le chasseur aurait été le premier à ‘‘raconter une histoire” parce qu’il était le seul capable de lire une série cohérente d’événements dans les traces muettes (sinon imperceptibles) laissées par la proie 11 . Carlo Ginzburg émet l’hypothèse selon laquelle le premier geste intellectuel de l’humanité serait produit par «-celui du chasseur accroupi dans la boue qui scrute les traces de sa proie-» (p.-11). Si l’on suit cette hypothèse, le premier mouvement intellectuel de l’homme serait donc celui de la lecture, donc de l’interprétation. Cette herméneutique originaire du chasseur consistait à reconstituer, dans la présence d’une marque, une existence maintenant dérobée. Ce qu’il y a de toujours étonnant dans la lecture de la trace, c’est une apparente distorsion, voire une démesure entre le signifiant qu’elle est et le signifié auquel elle renvoie. C’est un savoir dont nous avons totalement perdu l’histoire. La problématique de la trace est sans doute toujours articulée à une suspension du sens, je veux dire que l’interprétation de la trace n’implique jamais le signifié. La trace d’un ours, aussi riche soit-elle, n’est pas l’ours, mais elle permet d’ériger des hypothèses et donc 78 Éric Hoppenot Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 12 L’Arche Titanic , p.-68. de raconter des histoires. C’est aussi ce que nous pouvons apprendre d’une autre hypothèse de Ginzburg-: si quelqu’un est bien «-passé par là-» qui m’a échappé, qui s’est dérobé à ma vue, alors je peux échafauder un récit. La découverte de la trace est le vestige d’une rencontre, la découverte de la trace nous dit toujours, « tu es en retard », elle est inéluctablement la manifestation d’un rendez-vous toujours déjà manqué. Le livre de Chevillard est un récit méditatif à partir de l’élection de quelques-unes de ces traces perdues dont la naturalisation immobile de ces regards vides ne peut être que le vestige d’un «-ça a été-». La trace excède sa propre exégèse. Ainsi, on peut avancer que la trace est une matrice narrative à travers laquelle le chasseur, le pisteur, l’écrivain inventent, poétisent les possibles devenirs de la trace. Pour cette raison, la trace de l’animal est tout à la fois une donnée empirique, factuelle et simultanément une réserve d’imaginaire. Dans L’Arche Titanic , Chevillard remonte l’histoire et les traces de plusieurs animaux disparus, par exemple Weke, le seul calamar naturalisé ou le fameux dodo dont le statut est si particulier, puisqu’il est, je crois, le seul animal de la Galerie qui n’est pas naturalisé. Il siège tout seul dans une salle, à l’écart de tous les autres animaux, aucun autre ne l’entoure, il est comme le prologue de la Galerie des Espèces disparues. On ne doit donc sa présence incarnée dans le musée qu’à quelques gravures ou récits, au mariage probable de la science et de l’imaginaire. Mais l’animal auquel nous voudrions être plus attentif, c’est l’æpyornis. Cet animal désigné aussi sous le terme d’oiseau-éléphant mesurait entre deux et quatre mètres et vivait exclusivement à Madagascar ; il n’était pas le plus grand, mais le plus lourd des oiseaux (environ cinq cents kilos). La littérature imaginaire s’en est emparée puisque l’on trouve sa présence monstrueuse dans les bestiaires des contes orientaux et particulièrement lors de l’un des voyages de Sindbad, où l’æpyornis apparaît sous le nom de « Roc ». C’est sous cette forme imaginaire qu’il est donc entré dans le bestiaire fabuleux des Mille et Une nuits . Dans son édition, Gustave Doré en propose une étonnante représentation que je vous invite à aller voir. Il n’existe aucun spécimen naturalisé de l’æpyornis, mais on trouve encore des œufs et des fragments de coquilles dans la terre de Madagascar. La séquence que Chevillard consacre à l’æpyornis intervient pratiquement au milieu du livre et elle est constituée d’une petite dizaine de pages dans lesquelles littéralement le narrateur s’emballe pour l’oiseau-éléphant. L’auteur fait porter la responsabilité de la disparition de l’animal sur les écrivains : «-[…] le silence de l’écrivain précipite les animaux dans le néant. Jamais par exemple l’écrivain ne jugea bon de dédier un poème à l’æpyornis. En conséquence de quoi l’æpyornis a disparu. La démonstration est imparable. 12 ». L’écrivain repenti, Explorer L’Arche Titanic d’Éric Chevillard. Témoigner de la disparition animale 79 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 plutôt que de déambuler parmi ces chers disparus, propose d’abord pour racheter la conduite de l’écrivain de couver l’œuf, seule trace de l’æpyornis dans le muséum. Mais rapidement le narrateur par une métaphore comique et fort à propos pour un oiseau, préfère le couver de sa plume pour en faire l’objet d’un poème. On voit peu à peu de quelle manière Chevillard prend littéralement, pour reprendre le titre pongien d’un livre de Jean-Christophe Bailly, le parti pris de l’animal. L’entreprise poétique se veut d’abord démiurgique, tel le Christ devant Lazare ; Chevillard confiant dans le pouvoir de la parole espère un instant ressusciter le vorompatra par le verbe, au moins engendrer une réapparition textuelle le temps de quelques pages. Faire éclore le poussin de l’œuf, c’est bien à quoi, au moins dans L’Arche-Titanic , l’auteur parvient dans son bref poème parodique. Faire réapparaître sous une forme comique et imaginaire un animal depuis longtemps oublié, c’est probablement une modalité d’écriture particulièrement efficace pour conjurer la disparition et remotiver la présence de ces animaux, perdus avant d’être dans notre champ de savoir. Au moins Chevillard est-il sans doute le premier à faire entrer ou revenir l’æpyornis dans la poésie française contemporaine. La séquence s’achève sur ce poussin sortant du muséum et vivant tranquillement au milieu des Parisiens ! C’est ainsi que le bestiaire s’enrichit d’une nouvelle éclosion, celle de ce poussin mort-né depuis des siècles. Cette éclosion promise, c’est celle qu’attendent les enfants quand ils se trouvent dans cette étrange Galerie face à face avec l’œuf géant, fascinés par ce gros ballon de rugby. La trace, le vestige de l’æpyornis contenait bien une promesse. Sans le ressusciter, c’est bien par l’écriture que le vorompatra peut avoir encore une place, quelque part dans un livre ; à la manière d’un bestiaire égaré, il poursuit son œuvre dans notre imaginaire. C’est pourquoi, comme il le déclare un peu plus loin, la littérature peut s’avérer le lieu privilégié où nous pouvons au moins rêver à la réintroduction des animaux disparus. Éviter donc que la littérature ne soit qu’un tombeau où s’entassent les unes après les autres les espèces que nous effaçons de la planète. Pour mettre un terme tout provisoire à l’évocation de la trace, de ce qu’elle peut engendrer comme ramifications multiples dans L’Arche Titanic , n’oublions pas que cette communauté naturalisée est-elle aussi une somme de traces, de vestiges particulièrement vulnérables. La trace est toujours double, elle est susceptible de perdurer, par exemple sous la forme d’un fossile, elle est susceptible de devenir une empreinte, donc d’être en quelque manière gravée ou encore elle peut ressurgir après avoir été recouverte et réapparaître comme spectralité. Mais la trace porte toujours en elle une vulnérabilité, elle-même est éphémère, propice à la disparition. 80 Éric Hoppenot Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 Une écriture du naufrage C’est sur ce motif de la disparition, du naufrage des animaux que nous achève‐ rons ce bref parcours du livre de Chevillard. « Habiter à mon tour un lieu devenu celui de la commémoration, du souvenir, de la collection », c’est ainsi qu’Éric Chevillard définit son horizon d’écriture pour L’Arche Titanic . Revenir dans la Grande Galerie de l’Évolution, là où l’art du taxidermiste et la science ont scellé le destin de certains animaux dans une sorte de devenir-archive. Nous demeurons comme hébétés, nous ne savons plus très bien si nous sommes face à des objets ou des animaux toujours-déjà posthumes. Nostalgiques devant certains vestiges, nous regrettons de n’avoir pu être leurs contemporains, ils n’apparaissent en ce lieu que comme des restes fantomatiques destinés à satisfaire notre curiosité ou à peupler notre mémoire. L’Arche Titanic pourrait presque servir de titre thématique qui regrouperait plusieurs œuvres de Chevillard, tant le motif de la disparition animale y est prépondérant. L’Arche Titanic représente une nouvelle pierre de l’édifice du bestiaire de Chevillard. Le livre poursuit autobiographiquement, et parfois sous la forme d’un essai, l’entreprise romanesque de certains de ses romans dont la disparition des animaux était au cœur de l’intrigue, particulièrement dans Oreille rouge et surtout dans La disparition de l’orang-outan . Le fil entre les deux romans, pourtant très distincts, est assuré par la présence récurrente dans les deux œuvres du personnage d’Albert Moindre. Dans Oreille rouge , on se souvient qu’Albert Moindre est au Mali et qu’il cherche désespérément à rencontrer trois animaux emblématiques du bestiaire africain, le lion, la girafe et l’hippopotame, mais les animaux se sont dérobés à jamais. Dans Sans l’orang-outan où l’on retrouve Albert Moindre, les humains découvrent les terribles conséquences de la disparition du primate dans leur vie quotidienne. En un sens, ce n’est pas tant qu’il faut vivre l’effacement de l’orangoutan qu’il faut exister avec le poids de cette absence, l’absence de l’orang-outan étant perçue comme une hantise qui dérègle toute forme d’être au monde. Pour le dire autrement, la disparition de l’animal fait perdre à l’homme une part de son humanité : sans l’orang-outan, c’est une relation au monde qui s’estompe pour toujours, vivre sans l’orang-outan, mais avec tout le poids de son absence. Si l’animal est selon Heidegger « pauvre en monde », l’humain privé de l’animal se trouve lui aussi dans un univers appauvri. Mais l’on sait que l’univers romanesque de Chevillard se nourrit aussi d’un vaste bestiaire imaginaire, sans doute le plus riche de notre littérature ultracontemporaine. Ces multiples animaux nous offrent comme un surplus de monde comme dans Palafox , mais ses romans peuvent aussi offrir un bestiaire Explorer L’Arche Titanic d’Éric Chevillard. Témoigner de la disparition animale 81 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 13 L’Arche Titanic , p.-32. 14 L’Arche Titanic , p.-65. imaginaire en négatif, comme dans Sans l’orang-outan ou dans Oreille rouge . En un sens, le bestiaire imaginaire de Chevillard est le parent des animaux disparus ou en voie d’extinction. À ceci près que le bestiaire imaginaire n’advient jamais au monde, généralement hormis des figures comme Palafox, il apparaît fugitivement et disparaît au moment où il est né. L’animal imaginaire de Chevillard doit souvent son existence littéraire au seul événement de la nomination. Il ne prend pas nécessairement corps et quand il s’incarne, c’est un corps irreprésentable, inassignable, métamorphosé par des caractérisations loufoques et absurdes, comme Palafox qui multiplie les enveloppes animales toutes plus invraisemblables les unes que les autres. Dans L’Arche Titanic , on assiste aussi à un étrange dispositif métamorphique où l’opération de naturalisation génère l’effet inverse. Les animaux naturalisés de la Grande Galerie de l’Évolution qui devraient offrir à notre regard au moins le simulacre d’une présence des animaux, au contraire, selon Chevillard, « ce sont des fantômes morts. Imaginez le degré d’anéantissement 13 ». Et pour développer humoristiquement, l’humain destructeur, puis empailleur est comparé par le narrateur à Norman Bates, le héros de Psychose qui tue ses hôtes et conserve chez lui la dépouille de sa mère assise dans un fauteuil roulant. La disparition de pans entiers de notre humanité n’affecte pas seulement les espèces, elle est aussi au cœur de la disparition du langage. Nous y faisions brièvement référence plus haut, il faut y revenir de manière plus précise. La charge de Chevillard se manifeste d’abord contre l’histoire de la littérature qui aurait chassé les animaux des livres ; à peine entrés, ils auraient été congédiés au profit de notre petite personne, et même quand certaines œuvres mettraient en scène des animaux, c’est finalement l’homme et l’homme seul le sujet de tous les romans-: La sixième extinction massive a commencé dans la littérature. Et il s’agit plutôt d’une extermination. La littérature est déjà ce monde sans animaux. Dans le désert même, on rencontre le fennec, le dromadaire, la vipère à cornes.- Dans la littérature, il n’y a pas d’animaux. J’ai grandi dans la littérature, il me manquait quelque chose. Il me manquait les animaux 14 . (AT, 65) 82 Éric Hoppenot Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 15 Ibid. , p.-154. Dès que l’on sort de l’enfance, c’en est terminé des animaux dans la littérature. Baptiste Morizot fait un constat équivalent dans Manières d’être vivant . Il existe tout un pan de cette littérature enfantine où les bestiaires imaginaires ou les animaux anthropomorphisés comblent de plaisir les enfants. Si l’on suit Chevillard, grandir consisterait donc pour une part à abandonner l’univers animal pour se pencher enfin sur un sujet plus sérieux, l’homme. Ce que ne dit pas Chevillard à propos de l’absence animale dans l’histoire de la littérature, c’est que, du moins dans notre culture, dans le livre des livres qu’est la Bible, l’animal entre dans le livre et n’en sortira jamais, de sa présence au moment de la création du monde, jusqu’à l’Apocalypse en passant par tous les animaux sacrifiés ou non qui traversent tous les livres. Quelques lignes dans les dernières pages sont particulièrement signifiantes quant aux conséquences de la disparition d’un individu sur la langue : «-Quand un animal disparaît, son nom se vide à moitié de son sens - son sang -, n’est plus qu’un demi-mot : une momie . Ce qui me ramène à ma méditation des premières heures de la nuit : des mots disparaissent aussi, engloutis dans la même absence, vite oubliés. Comment pourtant en garder le souvenir ? Confectionner une figurine de papier mâché à leur effigie-? 15 -» Une disparition en générant une autre, les livres et les écrivains se trouvent accusés d’être la cause de la destruction des forêts. En somme pour Chevillard, il est tout aussi essentiel de veiller sur les animaux en voie d’extinction que sur les mots menacés de disparition. L’animal réel ou imaginaire représente clairement pour Chevillard l’une de ses matrices essentielle et vibratoire. L’écriture de l’expérience muséale déploie en un livre relativement court, une réelle puissance mémorielle, tout à la fois poétique, épistémique et émotive. Le ton y est plus grave que dans les romans, voire nostalgique. Finalement, l’on se rend compte que sauf à procéder à une lecture minutieuse qui oblige à la vérification de chaque mot inconnu, certains animaux dont nous n’avons jamais entendu parler semblent avoir des noms extraordinaires, magiques qui nous font profondément douter de leur réelle existence. C’est pourquoi il me semble, pour revenir à mon hypothèse initiale, qu’il n’y a pas une profonde différence entre les bestiaires imaginaires et certains animaux disparus. Tous les deux me paraissent participer d’un certain rapport à la langue et à l’imaginaire. Nous avons vu aussi que par certaines métamorphoses, plusieurs animaux comme le varompatra ou le dodo entrent dans un univers peut-être plus fictif que scientifique. La littérature doit être pour Chevillard un espace de préservation de la vie animale, un espace dans Explorer L’Arche Titanic d’Éric Chevillard. Témoigner de la disparition animale 83 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005 16 Le désordre AZERTY , op. cit ., p.-15. lequel l’animal peut encore se faire entendre : « L’ennui de ces pages où jamais ça ne rugit ni ne hennit ni ne barrit ni ne cacarde - où ça ne fait au contraire que déblatérer. L’homme veut être le seul personnage de ce monde. […] Mais la disparition des animaux annonce la nôtre 16 .-» 84 Éric Hoppenot Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0005
