eJournals Oeuvres et Critiques 49/1

Oeuvres et Critiques
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0338-1900
2941-0851
Narr Verlag Tübingen
10.24053/OeC-2024-0007
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2024
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Indice des feux d'Antoine Desjardins. Petites nouvelles de l'éco-anxiété québécoise

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2024
Antony Soron
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Indice des feux d’Antoine Desjardins. Petites nouvelles de l’éco-anxiété québécoise Antony Soron INSPE Paris Sorbonne Université UMR 8599 CELLF (Sorbonne Université - CNRS) La lecture d’un livre relève parfois d’étranges coïncidences. Celle du recueil de nouvelles, Indice des feux , d’Antoine Desjardins en contient pour nous au moins deux. En l’occurrence, elles se sont manifestées au travers de deux exergues présents dans ce recueil publié pour la première fois en 2021. D’abord celui qui précède la cinquième nouvelle, «-Fins du monde-»-: Nous sommes pareils à des ensevelis après que la terre a tremblé. Nous tâchons à nous extraire de la ruine d’un siècle. Nous trébuchons parmi les piliers abattus de grandes espérances. Il s’agit d’une citation de l’écrivain français actuel, Pierre Bergounioux, auteur entre autres chefs d’œuvre du roman court, Miette et d’un non moins remarquable essai, Jusqu’à Faulkner. Or, Pierre Bergounioux fut notre collègue au collège Denis Diderot de Massy pendant une année scolaire. Deuxième coïncidence notable sous la forme d’une deuxième citation en exergue, cette fois précédant l’avant-dernière nouvelle, « Générale » : « Nous n’en avons plus pour longtemps à aggraver les choses, nous arrivons enfin. Tout, ou presque tout, nous précède ». Il s’agit cette fois d’une citation d’un grand critique littéraire québécois, Dominique Lapierre, qui nous a beaucoup inspiré au moment où nous nous sommes lancés dans notre travail de thèse sur l’œuvre d’Hubert Aquin. Pourtant, ce ne sont pas ces coïncidences qui nous ont attiré vers le livre d’Antoine Desjardins, davantage le titre de son recueil de nouvelles que nous avons trouvé immédiatement énigmatique ; avec le terme « indice » au singulier et le terme «-feux-» au pluriel et non l’inverse. Titre d’autant plus énigmatique qu’aucune des nouvelles ne produira d’embrasement au contraire d’un roman québécois qui a fait date, Il pleuvait des oiseaux (2011). Publié à « La peuplade », maison d’édition de tout juste une quinzaine d’années d’existence, Indice Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0007 1 Schoentjes , Pierre.- Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique , Marseille, Wildproject, 2016, p.-20. des feux , découvert par le biais de l’émission radiophonique « La librairie francophone-» a obtenu le «-Prix du roman d’écologie-» en 2022. Avant d’analyser les nouvelles d’Antoine Desjardins comme appartenant à une littérature environnementale, selon un axe écopoétique, définissable avec Pierre Schoentjes comme « l’étude de la littérature dans ses rapports avec l’environnement naturel » 1 , il apparaît justifié de revenir rapidement sur le sousgenre narratif de la nouvelle. Comme on le sait, la plupart des grands romanciers, Stendhal et Balzac compris, ont pratiqué cet exercice de condensation narrative notamment promu entre 1850 et 1950. Inversement, au XXI e siècle, la nouvelle a assurément perdu de son aura éditoriale. Les maisons d’édition lui préférant de loin le roman court. De ce point de vue, le Québec littéraire fait figure d’exception où les auteurs les plus renommés continuent de la pratiquer, au point que l’on puisse assurément écrire une histoire de la nouvelle « au pays de l’hiver-». - Anne Hébert, Le torrent (1950) - Gabrielle Roy, La route d’Altamont (1966) - Michel Tremblay, Contes pour buveurs attardés (1966) - Monique Proulx, Les aurores montréales (1996) - Nadine Bismuth, Les gens fidèles ne font pas les nouvelles (2000) - Lise Tremblay, Rang à la dérive (2022) Nous revenons donc naturellement à Indice des feux , recueil composé de sept nouvelles d’inégale longueur. Sept nouvelles dotées de leur propre singularité et en même temps de certaines constantes, notamment d’annoncer chaque fois au travers d’une micro-histoire, un sombre avenir écologique pour l’humanité. En effet, chacun des sept récits, comme les sept péchés capitaux, semble avoir pour visée implicite de révéler un « indice des feux » ; autrement dit un dénominateur commun à ce qui se profile écologiquement parlant dans un temps infiniment proche. Visée qui peut être mise en relation avec la tribune de la poétesse québécoise, Hélène Dorion, dans « Le Monde » (2023) où il était là explicitement question de feux de forêt-: Si la pandémie nous a brutalement rappelé que nous sommes aussi fragiles que la terre que nous exploitons, les feux de forêt renverseront peut-être enfin la question qui subsiste quant à la survie de l’humanité : non plus comment protéger la terre, mais de quelle façon nous prémunir des effets de sa destruction, prévenir plutôt que calculer, de manière irresponsable et détachée, le coût financier de la suite. Au Québec, les tempêtes de verglas et les inondations formaient notre lot de sinistres naturels, 102 Antony Soron Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0007 mais il faudra désormais y ajouter ces feux de forêt, témoins du réchauffement de la planète, de cette crise écologique que certains dirigeants mondiaux feignent d’ignorer, ou continuent de nier. Sur un plan méthodologique, notre analyse du recueil s’articulera sur les différentes nouvelles considérées successivement. La première nouvelle s’intitule « À boire debout ». Elle se distingue d’emblée par le recours à des québécismes, pas si courants, paradoxalement dans la littérature québécoise excepté, par exemple dans Encabanée de Gabrielle Filteau- Chiba (2018). Ici l’oralité québécoise est prompte à s’exprimer. Cette ligne mélodique relevant du parler populaire agit comme un contrepoint dans une nouvelle au registre fondamentalement tragique. L’énonciateur, un tout jeune homme, découvre en effet qu’il est atteint d’une leucémie incurable. Dans un entretien récent sur TV5 monde, Antoine Desjardins se défendait d’avoir voulu inquiéter le lecteur. Une leucémie au premier plan et des pluies diluviennes au second, on aurait toutefois de quoi en douter. Une tragédie individuelle à laquelle fait écho une tragédie collective en passe de tourner à la catastrophe, comme programme narratif dramatique, on ne fait pas, en effet, facilement pire : « Quand c’est pas les médecins, les infirmières ou mon père, c’est la radio qui s’y met, pis qui me parle de température, elle avec-» (31). On aura compris que l’analyse de cette première nouvelle du front - du front de la catastrophe à venir entendons-nous -, s’intéresse au langage ayant ici une fonction compensatrice, parce qu’il faut bien une bonne dose de dérision quand on se sait condamné et qu’avec soi on sait le monde condamné lui aussi, même à un peu plus long terme. D’où l’intérêt de se pencher sur la langue québécoise ; langue qui a longtemps été nourrie par les expressions religieuses ; expressions qui ont fini par s’entrechoquer avec des anglicismes : « Tout ça va sacrer le camp dans un trou. Le même ostie de trou…-» (47). Quand on lui demande comment il a conçu son recueil, l’auteur explique qu’il a commencé à écrire un roman pendant deux ans et qu’il a fini par le trouver trop «-mauvais-» pour le proposer à un éditeur. Il lui est apparu plus judicieux de le modifier afin de le transformer en sept nouvelles ayant une « forme d’écosystème-». De ce point de vue, on comprend bien la place inaugurale de la première nouvelle. C’est elle en effet qui outre le drame existentiel qu’elle narre pose la problématique générale du recueil. Il est d’ailleurs intéressant que ce récit inaugural, qui évoque la fonte des glaciers au Groenland aussi bien que par effet « papillon » la montée des eaux qui noient certaines îles indonésiennes, revienne à l’histoire même des anciens Canadiens, devenus Canadiens français puis Québécois. Ces mêmes « colons de la Nouvelle-France » (47) qui ont cherché à domestiquer les rivières, qui s’en sont servi d’abord pour le dravage avant Indice des feux d’Antoine Desjardins. Petites nouvelles de l’éco-anxiété québécoise 103 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0007 de leur imposer des barrages pour commencer à constater leur débordement. Comme si l’histoire de la colonisation était en train de rembobiner sa bobine à l’envers-: «-ça déborde de partout-» (65). Nous en venons à la deuxième nouvelle, titrée « Couplet » (comme un second couplet ? ). Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ne cesse d’affirmer Pangloss dans Candide . Jusqu’ici tout va bien dit aussi le proverbe ; quant à feu Jacques Chirac ne lui devons-nous pas la phrase du siècle ? «-Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Or, il semble que ce soit justement afin que nous cessions de regarder ailleurs que le nouvelliste en remet une petite couche dans cette deuxième histoire. Au premier plan, celle d’un couple qui prépare la venue d’un premier enfant et pour cela est obligé de faire comme les autres, de s’embourgeoiser, de rechercher le confort, bref de promouvoir ce que jamais, durant leurs jeunes années, ils n’auraient pensé faire. Tandis qu’au second plan, disparaissent les baleines, comme symboles fatidiques d’une biodiversité qui se consume sous les effets de la libido dominandi de l’anthropocène. « Couplet », le titre de cette seconde nouvelle, correspond en effet au petit nom d’une baleine noire, qui va finir elle aussi par succomber à l’activité humaine : « Couplet, ma baleine, avait été retrouvée morte, l’avant-veille, à deux-cent-cinquante-huit kilomètres à l’est de la Péninsule de Cap Cod » (104). Or, Sam, la compagne du narrateur personnage, fait une fausse couche. La mort de la baleine rêvée fait ainsi écho à l’expulsion d’un fœtus mort. Or, il faut se souvenir que tout a commencé pourtant par elles dans l’histoire du Canada-français ; par ces fameuses baleines que des marins bretons et basques, pour ne citer que les plus téméraires, sont venus harponner jusqu’au golfe du Saint-Laurent. Il faut par conséquent se rappeler que du point de vue de l’histoire même du Canada, voir mourir les baleines, c’est aussi revenir en arrière, autrement dit, comme précédemment, rembobiner la bobine. En effet, au premier temps de l’exploration de Jacques Cartier, les baleines vivaient à l’estuaire du Saint- Laurent en parfaite harmonie, en grand nombre comme si elles entraient dans la composition d’un tableau édénique. Ce que met poétiquement en perspective le film d’animation du Québécois, Frédéric Back,-au titre suivant, Le fleuve aux grandes eaux (1993) traduit de la langue algonquine. La troisième nouvelle du recueil, « Étranger », n’est pas moins anxiogène que les deux précédentes, anxiogène à la fois en fonction de la trajectoire du personnage et de l’éco-anxiété qui sous-tend son récit. Ici encore, ce qui est évoqué correspond au destin antihéroïque d’un personnage que son épouse a mis dehors au profit d’« [u]n bellâtre à la mâchoire carrée, exsudant l’équilibre mental et physique, le végétarisme et le yoga, summum de la croissance person‐ nelle-» (129). Face à ce rival in the mood, notre héros en phase de dégrisement 104 Antony Soron Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0007 avancé se retrouve, car il n’est pas sorti au bon arrêt de bus, exactement dans le quartier où se trouve son ancienne maison, quartier éminemment propret et familial. Pourtant, ce qui survient alors reste complètement inattendu, pas un extra-terrestre bien sûr, dans la mesure où nous ne sommes pas chez Antoine Desjardins dans une nouvelle de science-fiction. Il faut tout de même préciser qu’au Canada français, durant toutes ces années où s’est déroulée l’installation des Français d’Amérique, « Étranger », titre de cette troisième nouvelle, est désigné par le mot « survenant ». Or, ici, le survenant n’est autre qu’un coyote, qui tel un spectre malfaisant commence à hanter les villes à la nuit tombée. Comme l’ours polaire qui a attaqué une vieille dame en Sibérie, évoquée dans la première nouvelle, on en revient ici aux conséquences inattendues du changement climatique et des bouleversements de l’habitat urbain : « Les biologistes affirmaient qu’ils étaient parmi nous depuis longtemps, mais que jusqu’alors, nous ne les voyions pas-» (142). On comprend mieux sans doute, pourquoi nous avons évoqué au début de notre propos le sous-genre de la nouvelle. En effet, ces courtes histoires ont souvent été le théâtre privilégié du fantastique, autrement dit pour reprendre en substance Todorov, l’espace d’une intrusion de l’inexplicable au sein du rationnel. Sauf qu’ici, tout est en réalité explicable même si le face à face entre le coyote et le narrateur-personnage hébété pourrait très bien faire penser à un soir de pleine lune où l’égaré se retrouve la proie d’un loup-garou-: Puis le coyote s’est retourné, a jeté un œil furtif vers l’extrémité opposée de la ruelle, avant de s’élancer vers moi d’un grand bond. J’ai échappé un cri aigu, fermé les yeux et protégé mon visage par réflexe. Son grognement sourd, son souffle accéléré, ses enjambées agiles, le sillage de sa foulée énergique, le frôlement de son corps contournant agilement mon genou, le son feutré des larges pattes coussinées sur le ciment : je n’ai rien vu, mais je l’ai senti détaler, se volatiliser en même temps que le sentiment fugace d’une connivence (150). La quatrième nouvelle est tout aussi bien, en somme, l’histoire d’un étranger, mais dans une autre acception du terme, un étranger au sens de quelqu’un doté d’une certaine forme d’étrangeté-; en l’occurrence un être qui a fait le choix de se déconnecter du monde moderne pour mieux se réconcilier avec l’écosystème. Le titre de la nouvelle est intéressant car il fait écho avec un subtil jeu de mots au titre du recueil : « Feu doux ». Comme si, en apparence au moins, il était question d’un radoucissement, lié au fait que certains êtres iconoclastes, paradoxaux au sens étymologique du terme (contre la doxa) en allant au bout de leurs idéaux, tendent à tracer un chemin, un sillage qui représente peut-être notre seul salut. À Indice des feux d’Antoine Desjardins. Petites nouvelles de l’éco-anxiété québécoise 105 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0007 moins toutefois, qu’il ne faille prendre ce titre dans une acception plus ironique. Cuire à «-feu doux-» ne revient-il pas à faire cuire à petit feu-? Le récit se concentre ainsi sur la relation entre deux frères, l’un Louis, hyperdoué, et l’autre, le narrateur-personnage de l’histoire, plus conventionnel. En narrant l’évolution de ce petit frère pour le moins atypique, son aîné va être obligé d’opérer malgré lui un retour sur soi, et reconnaître progressivement le bien fondé des échappées utopistes de son petit frère. Ce dernier entreprend, à titre exemplaire, une forme de tour du monde. Il assume par conséquent d’être un nouveau découvreur mais pas un découvreur type Jacques Cartier ; un découvreur qui n’aspire pas à la possession mais à une nouvelle « relation »-si l’on emprunte ce terme, à l’essai d’Édouard Glissant, Poétique de la relation (1991) en le définissant comme « la pensée du dépassement de l’imaginaire des cultures et d’un peuple en un seul lieu ». De fait, cette quatrième nouvelle apparaît comme celle qui traduit le plus les courants de pensée qui traversent l’auteur dont notamment celle de l’universitaire Naomi Klein (184). Finalement, le narrateur-personnage, Cédric, donne naissance avec son épouse à une petite fille. En conséquence, sa prise de conscience liée au destin de son petit frère et au questionnement qu’il lui provoque, semble aller de pair avec son nouveau statut de père, qui doit nécessairement se projeter sur l’avenir de sa fille et donc sur la nécessité de lui laisser une planète vivable. Or, on se rappelle que dans la nouvelle précédente, le couple échouait à avoir un nouveauné.Nous irons plus vite dans notre analyse de la cinquième nouvelle qui s’intitule « Fins du monde », en commençant par pointer sa particularité grammaticale contraire à celle du titre du recueil. « Fins » au pluriel à l’inverse d’« indice » qui était au singulier ; du « monde » et non pas des mondes comme dans le titre célèbre de H.G. Wells, La guerre des mondes . En tout état de cause, il s’agit certainement de la nouvelle la plus nostalgique du recueil, semblant en outre être inspirée par l’œuvre d’un des plus grands écrivains états-uniens, Mark Twain. On fait face ici à un groupe d’ados qui ont investi une friche industrielle d’où a émergé une forêt afin d’y construire des cabanes, jusqu’à ce que cet espace devienne constructible-: Je ne suis jamais retourné sur le chantier de construction. Même des années plus tard, j’évitais comme la peste le nouveau secteur. C’est à peine si j’arrivais à le regarder défiler par la fenêtre de l’autobus. Ses cabanes me semblaient n’exister que pour me rappeler que toute bonne chose a une fin, que tout ne change jamais que pour le pire (245). 106 Antony Soron Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0007 Nous ne reviendrons sur les deux dernières nouvelles qu’au titre d’axe de conclusion. Il s’agit en effet dans les deux cas d’un déplacement générationnel. En effet dans « Générale », le narrateur-personnage vient à la rencontre de sa tante « Angèle », protectrice passionnée des oiseaux. En l’occurrence, ici, encore, le titre de la nouvelle est décisif. La générale au théâtre étant la dernière répétition avant la première. Or, il est question d’une disparition des oiseaux ; donc d’une possible «-Générale-» avant la définitive disparition-? Tsé, Philippe, ça fait des années que j’habite ici, que je suis loin de tous pis de tout le monde. Mais je ne m’étais jamais sentie seule, avant. Jamais. Depuis qu’ils sont partis… Je file bizarre. C’est pas juste les oiseaux que ça stresse, le silence (273). La dernière nouvelle a nécessairement une importance particulière, ne seraitce que parce qu’elle clôt le recueil. Son titre reste énigmatique, « Ulmus americana », au moins jusqu’ à ce qu’on lise l’exergue : « Ulmus amaricana est le nom latin de l’Orme d’Amérique ». Cette nouvelle sonne comme un hommage, comme un éloge, à ce qui résiste. Si l’on se souvient d’Hélène Dorion, « Dans la forêt-du temps-» (Mes forêts) ; eh bien ce qui résiste, ce qui nous sauve ce sont les arbres et particulièrement l’Orme d’Amérique du grand-père, car, si l’on sait bien les écouter, ces arbres géants ont tant et tant de choses à nous raconter. Il n’est évidemment pas innocent que le petit-fils surnomme son grand père « Grand » comme s’il était un double humain de son arbre. « Auprès de mon arbre, je vivais heureux » chantait Georges Brassens, mais à la différence de l’homme à la pipe, « Grand » ne l’a jamais quitté des yeux. Comme s’il lui avait dédié toute sa vie, comme si l’arbre de vie lui avait appris le sens de la vie qui ne tient au fond qu’à la transmission des histoires ancestrales comme le faisait avec bonheur les peuples premiers : « L’orme, l’arbre au-dessus de nos têtes, vit ici depuis très longtemps. Très, très, très longtemps. Bien avant notre arrivée sur la terre-» (289). Cette citation pouvant faire figure de leçon à tirer non seulement de cette nouvelle mais de tout le recueil. Références bibliographiques Desjardins, Antoine. Indice des feux, Éditions La Peuplade, (2021), coll. «-Mon poche-», 2023. Schoentjes, Pierre.- Ce qui a lieu. Essai d’écopoétique , Marseille, Wildproject, 2016. Indice des feux d’Antoine Desjardins. Petites nouvelles de l’éco-anxiété québécoise 107 Œuvres & Critiques, XLIX, 1 DOI 10.24053/ OeC-2024-0007