Papers on French Seventeenth Century Literature
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0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2022-0019
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2022
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Introduction
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Marie-Gabriele Lallemand
Miriam Speyer
Claudine Nédelec
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PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0019 Introduction M ARIE -G ABRIELLE L ALLEMAND C LAUDINE N ÉDELEC M IRIAM S PEYER « Tout ce qui n’est point Prose, est Vers ; et tout ce qui n’est point Vers, est Prose » : comme souvent chez Molière, cette affirmation péremptoire du maître de philosophie du Bourgeois gentilhomme contient un double fond comique, au-delà de l’ébahissement de la découverte par M. Jourdain qu’« il y a plus de quarante ans qu’[il dit] de la Prose, sans qu’[il] en susse rien 1 ». Molière, et les plus affûtés de ses spectateurs, tant mondains que lettrés, savent bien en effet qu’il existe en fait, pour écrire, et en l’occurrence pour écrire un billet amoureux à une « Personne de grande qualité 2 », une troisième voie : l’« ambigu 3 de prose et de vers 4 », encore plus délectable en ce qu’il mêle la viande et le fruit, le sucré et le salé, la prose et les vers : bref, ce que nous allons appeler, sans ignorer les très nombreuses variétés et variations de ce « mélange » que nous souhaitons précisément aborder dans toute sa diversité (c’est un de ses attraits), le prosimètre - terme qu’on pourrait d’ailleurs appliquer à la « comédie-ballet » qu’est Le Bourgeois gentilhomme, puisqu’elle mêle et enchaîne passages en prose et passages versifiés à l’intérieur même des actes, de telle façon qu’il soit impossible de disjoindre les passages versifiés chantés des passages dits 5 . Ce ne sont donc pas seulement des intermèdes, et ce mélange joue un véritable rôle drama- 1 Molière, Le Bourgeois gentilhomme [1670], G. Forestier, C. Bourqui et alii (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2010, II, 4 (p. 283). 2 Ibid. 3 « Collation lardée où l’on sert la viande & le fruit ensemble, en sorte qu’on doute si c’est une simple collation, ou un souper » (Furetière). 4 « Lettre de Tirsis à Doralice », Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps, II, Paris, C. de Sercy, 1659, p. 101. 5 Le Bourgeois gentilhomme, op. cit., I, 2, « Je languis nuit et jour... » et « Je croyais Janneton... », p. 269 ; I, 2, le « Dialogue en musique », p. 271-273 ; IV, 1, « Les Musiciens et la Musicienne prennent des Verres, chantent deux Chansons à boire », p. 316-317 ; IV, 5, la cérémonie turque, p. 324-327. Marie-Gabrielle Lallemand, Claudine Nédelec, Miriam Speyer PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0019 340 turgique : ainsi, c’est parce qu’il a été fait Mamamouchi que le bourgeois voit satisfaits ses rêves de grandeur, et devient digne de devenir le beau-père du fils du Grand Turc... Tous les auteurs de théâtre avec insertions chantées (et ils sont nombreux) s’en souviennent, Marivaux entre autres (C. de Courson). Le terme (parfois sous la forme du bas latin prosimetrum, plus spécialisé à son origine, C. Noille, ou encore prosimetron), reste encore aujourd’hui « rare », réservé aux ouvrages spécialisés : Le Robert ne le connaît pas, ni non plus Le Dictionnaire du littéraire 6 , ou le Dictionnaire du poétique 7 . Pour autant, dès qu’on y prête attention, on s’aperçoit que le corpus en est très vaste. Dès l’Antiquité, il est présent dans les satires sur le modèle du philosophe grec Ménippe, dites en conséquence « ménippées » (Varron, le Sénèque de l’Apocoloquintose), dans l’écriture romanesque (le Satiricon de Pétrone) ou dans le De consolatione philosophiae de Boèce ( VI e siècle). La littérature médiévale ne l’a pas ignoré (Aucassin et Nicolette, fin XII e -début XIII e siècle ; Guillaume de Machaut, Le Livre du voir dit, vers 1364), ni non plus les grands rhétoriqueurs (Le Temple d’honneur et de vertus, Lemaire de Belges, 1504). Dans les siècles suivants, les textes « mêlés de prose et de vers entrelardés » (La Satyre ménippée, 1594) ne manquent pas dans l’espace de la littérature française et néolatine, ni non plus romane, en Espagne comme en Italie. Or, si ce mélange a été bien étudié dans ses manifestations à la Renaissance 8 , on constate une quasi absence d’études sur la pratique et les usages de cette forme littéraire au cours du XVII e siècle français 9 . C’est ce qui a motivé d’abord le numéro paru dans la revue électronique L’Entre-deux en 2019 10 , puis le présent dossier - sans préjuger d’une poursuite de l’enquête. Il est certain que cet objet d’étude se heurte à deux écueils majeurs. D’une part, une forte tradition rhétorique et théorique, basée sur l’oppo- 6 P. Aron, D. Saint-Jacques, A. Viala, Le Dictionnaire du littéraire, Paris, PUF, 2002. 7 M. Aquien, Dictionnaire du poétique, Paris, Le livre de poche, 1993. 8 Voir la publication du Centre V. L. Saulnier, Le Prosimètre à la Renaissance, Paris, Éd. de la rue d’Ulm, 2005, et les travaux de N. Dauvois (De la satura à la bergerie. Le Prosimètre pastoral en France à la Renaissance et ses modèles, Paris, Champion, 1998). 9 Cf. M.-M. Fragonard et C. Nédelec, Histoire de la poésie, du XVI e au XVIII e siècle, Paris, Presses universitaires de France, « Licence. Lettres », 2010, p. 148- 153. Voir cependant Atlantide, 2014, n° 1, « Vers et prose. Formes alternantes et formes hybrides » (dir. P. Postel), et C. Dupouy (dir.), Vers et prose : alternances, hybridations, tensions, Tours, Presses Universitaires François-Rabelais, 2016. 10 Le Prosimètre, « ambigu de vers et de prose », au XVII e siècle, dans L’Entre-deux, n° 6 (nov.-déc. 2019), https: / / www.lentre-deux.com. Introduction PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0019 341 sition du vers et de la prose (C. Noille), a voué à l’oubli nombre des genres « mêlés », ou « hybrides » du XVII e siècle, l’hybride étant toujours soupçonné d’être « monstrueux » (contraire aux lois de la « nature ») ou stérile. Le prosimètre est d’ailleurs loin d’être le seul, comme le prouve le mépris où ont longtemps été tenus la tragi-comédie, la comédie-ballet, les tentatives de tragédie/ comédie en prose ou en vers « mêlés » (Agésilas de Corneille, Amphitryon de Molière, Psyché, tragédie-ballet de Molière, Corneille et Quinault) et les différentes formes de l’osmose entre vers déclamés et vers chantés avant la mise au point définitive de l’opéra. L’œuvre de Molière montre ainsi exemplairement toutes les combinaisons possibles entre vers et prose. Pourtant, au XVII e , le prosimètre est bien loin d’être oublié ou négligé : Pierre-Daniel Huet, dans son Traité de l’origine des romans, évoque en 1670 le Satyricon de Pétrone : « Il le fist en forme de Satire, du genre que celles que Varron avoit inventées, en meslant agreablement la Prose avec les Vers, & le serieux avec l’enjoüé 11 ». Il y a en effet des liens entre le prosimètre et un autre « mélange » peu goûté des partisans du classicisme pur et dur, le « mélange des genres », celui du spoudogeloion ou des jocoseria. Ainsi que le dit l’auteur des Voyageurs inconnus : On n’y trouve pas seulement de la proze meslée avecque des vers de toutes les fasons & de toutes les mezures, mais encore sur toutes sortes de sujets ; & cette varieté y fait une nüance si douce & si naturelle, qu’il faut estre de mauvaize humeur pour n’y prendre pas au moins quelque plaizir. Le style mémes y change aussi : tantót il est serieux, tantót il est enjoüé, et bien souvent il tient de tous les deux ensembles 12 . D’autre part, la difficulté d’aborder ensemble des réalisations textuelles extrêmement variées dans leurs modalités, de la simple interpolation de vers célèbres dans la prose « ordinaire », comme dans les lettres de Mme de Sévigné par exemple, aux vers composant avec la prose « le corps d’une même narration 13 » (prosimètre par enchaînement, C. Noille) selon l’expression de Pellisson, en passant par la pratique d’inclusions poétiques du roman pastoral. À la variété formelle répond la variété des visées de ces interpolations, tantôt ornementales, tantôt au service de la virulence 11 P. D. Huet, dans Zayde histoire espagnole, par M. de Segrais [Mme de Lafayette] avec un traitté de l’Origine des Romans, par Monsieur Huet, Paris, C. Barbin, 1670, p. 62. 12 L. Le Laboureur, Les Voyageurs inconnus et autres œuvres curieuses du mesme autheur, Paris, C. de Sercy, 1655, « Au lecteur », n. p. 13 Paul Pellisson, Discours sur les Œuvres de monsieur Sarasin et autres textes, dans L’Esthétique galante, A. Viala, E. Mortgat et C. Nédelec (éd.), Toulouse, Société de littératures classiques, 1989, p. 57. Marie-Gabrielle Lallemand, Claudine Nédelec, Miriam Speyer PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0019 342 pamphlétaire d’un Garasse 14 citant Mathurin Régnier pour renforcer la défense de sa cause, ou au service de la défense et illustration de soi en « poète », dans les textes autobiographiques et auto-citationnels de Dassoucy (C. Nédelec). C’est bien la richesse, la variété, la diversité, des prosimètres qui font tout l’intérêt de cette enquête, tant dans les techniques formelles mises en œuvre, de l’inclusion à la marqueterie, de la continuité à la discontinuité, du brouillage des frontières à leur soulignement, de la rupture au fonduenchaîné, que dans l’usage « pragmatique » du mélange, qu’il s’agisse pour l’écrivain de démontrer sa culture ou sa virtuosité technique, de renforcer son argumentation ou son plaidoyer (et au théâtre de faire avancer l’action), et/ ou de plaire et de distraire, sur un fond culturel et esthétique de goût prononcé pour la diversité qui a bien trop rarement été souligné pour le XVII e siècle, à la suite des gauchissements que l’invention du classicisme a fait subir à son « image ». En réalité, ce siècle (« unité hétérogène » barococlassique, selon l’expression d’Hélène Merlin 15 ) est esthétiquement un siècle tout autant de traditions (par la théorie de l’imitation des Anciens) que d’innovations : nombre d’écrivains ont le goût de l’expérimentation, qu’il s’agisse des dramaturges, testant diverses formes de combinaison des vers déclamés (ou de la prose) et des vers chantés 16 , ou des romanciers, tentant différentes formules nouvelles, où le prosimètre peut prendre place 17 : le roman pastoral 18 , le roman « héroïque », entre Histoire et fiction (M.- G. Lallemand), le roman « poétique » (J.-F. Castille), le recueil de nou- 14 Voir P. Debailly, « Prosimètre et polémique religieuse », L’Entre-deux, op. cit. Voir aussi, sur l’usage du prosimètre dans la satire, I. A. R. de Smet, « Vers, prose et prosimètre dans les satires néo-latines et françaises du XVII e siècle : polarité, hybridisme ou symbiose fortunée ? », Littératures classiques, « La satire en vers au XVII e siècle », n° 24, 1995, p. 65-81. 15 H. Merlin, L’Absolutisme dans les lettres et la théorie des deux corps : passions et politique, Paris, Champion, 2000. 16 Mentionnons au passage le jeu entre vers lyriques (octosyllabes) et alexandrins, par lesquels Chapelain se commente lui-même, pour ainsi dire en prose, en tout cas prosaïquement, en train de composer un poème encomiastique à une dame (C. de Saint-Évremond, La Comédie des académistes, dans Théâtre du XVII e siècle, t. II, J. Scherer et J. Truchet (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1986, p. 502-503, II, 1). 17 Voir M.-G. Lallemand, « Prosimètre et roman », L’Entre-deux, op. cit. ; voir aussi, du même auteur, « L’énonciation lyrique dans les fictions narratives en prose du début du XVII e siècle », La Poésie, entre vers et prose , C. Dupouy (dir.), Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2016, p. 103-118. 18 Voir S. Duval, « Humour et style poétique dans le prosimètre pastoral de la fin de la Renaissance », L’Entre-deux, op. cit. Introduction PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0019 343 velles 19 ou de contes 20 , le roman par lettres 21 ... sans compter le roman en prosimètre de La Fontaine (Y. Le Pestipon et M. Rosellini), où se mêlent le galant, l’héroïque et le plaisant 22 . Théophile de Viau l’expérimente en matière philosophique dans son Traité de l’immortalité de l’âme, ou la mort de Socrate, traduction libre de Platon (souvent considéré alors comme une sorte de poète), où les insertions versifiées paraissent tendre à amplifier l’argumentation en faveur de l’immortalité, tout en la subvertissant de manière cryptée. C’est aussi en « traducteur » que Claude Le Petit s’essaie à s’affirmer comme translateur et poète (libertin), quitte à dévoyer le texte original (D. Albanèse). Texte original que Nicolas Régnier, traducteur de Boèce, s’efforce de respecter, non sans souligner la difficulté de traduire en vers certains passages métaphysiques (la 9 e poésie du 3 e livre) « en conservant ce qu’on doit à la Poësie Françoise, qui ne s’accommode pas aisément avec les Questions qui y sont traitées 23 » ; il la résout en utilisant l’alexandrin, alors que les autres poésies sont en octosyllabes ou en vers mêlés. Rappelons, à propos des entreprises de traduction de prosimètre, qu’on en trouve en abondance dans la littérature du Siècle d’or, bien connue en France à l’époque 24 . Ce sont peut-être des modèles espagnols, mais aussi italiens qui ont inspiré à Sarasin l’idée de La Pompe funèbre de Voiture, où l’usage de 19 Voir C. Nédelec, « Être poète et narrateur en même temps : le prosimètre romanesque chez Segrais et quelques autres », Jean Regnault de Segrais, S. Guellouz et M.-G. Lallemand (dir.), Tübingen, G. Narr Verlag, « Biblio 17 », 2007, p. 131- 154 ; C. Nédelec, « Approches de la poétique du recueil chez Mme de Villedieu », Littératures classiques, « Madame de Villedieu ou les audaces du roman », n° 61, print. 2007, p. 173-189. 20 Voir la pratique du mélange chez Charles Perrault et Mme d’Aulnoy, ou encore dans les Contes facétieux tirés de Bocace, et autres Autheurs divertissants, en faveur des Melancholiques, et Fables moralisées, en prose et en vers, Paris, J.-B. et H. Loyson, 1670. 21 Voir C. Biron, « Des lettres mêlées : pratiques du prosimètre dans les romans épistolaires du Grand Siècle », L’Entre-deux, op. cit. 22 J. de La Fontaine, Les Amours de Psyché et de Cupidon, M. Jeanneret (éd.), Paris, le Livre de Poche classique, 1991, p. 53-54. Voir aussi C. Nédelec, « Admirable tremblement du temps... La temporalité dans les “œuvres galantes” de La Fontaine », Le Fablier, n° 9, 1997 p. 77-82. 23 N. Régnier trad., Boèce consolé par la philosophie. Traduction nouvelle, Paris, E. Loyson, 1676, « Préface », n. p. 24 Voir Marta Cuenca-Gobert, Le Prosimètre dans la littérature espagnole du Siècle d’Or, thèse soutenue en 2008 à Bordeaux sous la direction de N. Ly, Lille, ANRT, 2009 ; de la même autrice « Le Traitement du prosimètre dans les Nouvelles exemplaires de Cervantès », Atlantide, n°1, juillet 2014 ; A.-H. Pitel, Le Prosimètre dans l’œuvre de fiction de Lope de Vega, Vigo, Academia del Hispanismo, 2011. Marie-Gabrielle Lallemand, Claudine Nédelec, Miriam Speyer PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0019 344 l’alternance entre prose et vers peut être interprété comme une expression de l’opposition/ conjonction entre monde spirituel et monde matériel, marqueur de cohérence de la structure profonde de l’œuvre (F. Laurent et C. Tardy). Selon Pellisson, commentant ce texte de Sarasin, il existe un « véritable usage » du prosimètre, qui exigerait qu’on le réserve à ces « jeux de l’esprit et à ces ouvrages d’invention qui tiennent comme un milieu entre la prose et la poésie 25 ». C’est bien cet usage qui semble prédominer dans la seconde partie du XVII e siècle, au travers de la promotion de la littérature « galante », où le prosimètre trouve à s’épanouir, comme particulièrement adapté à une écriture obéissant aux codes de la communication mondaine, une écriture de plaisir et pour le plaisir 26 , qu’il s’agisse de celui né du jeu des relations hommes/ femmes, entre divertissement et séduction (M. Speyer), ou du plaisir de parler de littérature non en savant, mais en galant homme, lettré et amusant 27 , ou encore de celui de décrire, entre émerveillement et raillerie (chez La Fontaine, Y. Le Pestipon et M. Rosellini, ou dans le célèbre Voyage en Provence et Languedoc de Bachaumont et Chapelle, qui donna lieu à tout un petit genre 28 ), la diversité de style mimant en quelque sorte la diversité propre au voyage - sans oublier les éloges mêlés de plaisanteries destinés aux Grands 29 . Selon Pellisson, la variété « est utile et louable en toute sorte d’ouvrages, mais absolument nécessaire en ceux qui ne se proposent pour but que le plaisir 30 » ; mais cela n’empêche pas que quelques enjeux sérieux ne puissent se lire parfois en filigrane, non tant sur le plan amoureux que 25 P. Pellisson, L’Esthétique galante, op. cit., p. 58. 26 Voir M. Speyer, « Un ‟ambigu” en quête d’un genre éditorial. Le prosimètre dans les recueils collectifs de pièces (1650-1670) », L’Entre-deux, op. cit. et « Briller par la diversité ». Les recueils collectifs de poésies au XVII e siècle (1597-1671), Paris, Classiques Garnier, 2021. 27 Voir J.-F. Castille, « Le prosimètre galant. Jean-François Sarasin : La Pompe funèbre de Voiture », dans De la Grande Rhétorique à la poésie galante, M.-G. Lallemand, C. Liaroutzos (dir.), Caen, Presses Universitaires de Caen, 2004, p. 157-174. Rappelons à ce sujet que Le Temple du goût de Voltaire est un prosimètre. 28 Voir Y. Giraud, « L’hybridation formelle dans le Voyage de Chapelle et Bachaumont et les modalités de l’alternance prose/ vers », Fiction narrative et hybridation générique dans la littérature française, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 111-124 ; voir aussi C. Nédelec, « Voyager en galant homme », dans Voyages, rencontres, échanges au XVII e siècle, S. Requemora-Gros (dir.), Marseille, Tübingen, Narr Verlag, « Biblio 17 », 2017, p. 93-102. 29 Voir C. Dassoucy, À son Altesse Sérénissime Madame Marguerite-Louise d’Orléans, sur son mariage avec son Altesse Sérénissime Cosme de Médicis, Prince de Toscane, Florence, 1661. 30 P. Pellisson, L’Esthétique galante, op. cit., p. 57. Introduction PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0019 345 sur le plan « professionnel » (séduire le mécène, défendre son statut) ou socio-politique. Par exemple, parallèlement à ses Factums, Furetière publie vers 1685 le Plan et dessein du Poëme allegorique & Tragico-burlesque intitulé, Les couches de l’Academie 31 , dont les six chants sont présentés sous la forme d’un résumé en prose d’un ouvrage existant (mais inconnu du lecteur), résumé fait par un énonciateur X qui n’est pas l’« Auteur » (lequel est souvent désigné par « on »), et entrecoupé de quelques citations de « passages rédigés » en vers : cette « facétie » allégorique fortement satirique envers les académiciens ses adversaires vise à instruire, convaincre et séduire gentes dames et galants hommes... Les études de cas, avec une ouverture sur le XVIII e siècle (C. de Courson, J.-F. Castille) qui mériterait d’être poursuivie, sont ici encadrées de deux développements théoriques : l’un sur la position des théoriciens de l’art oratoire 32 , entre condamnation (au nom du docere, et de la nécessité de la preuve dans la rhétorique judiciaire) et acceptabilité (au nom du placere, en une « rhétorique des agréments ») (C. Noille), le second sur le jugement porté sur une autre façon de concevoir le « mélange », promise à un bel avenir, à savoir celui de la prose poétique 33 (J.-F. Castille) - dans la mesure où c’est encore une façon de mêler vers et prose, inverse à celle du prosimètre galant, pratique d’écriture propre à des « amateurs », accusés de produire des vers qui, au fond, ne sont que de la prose rimée 34 , créant ainsi une forme de déficit poétique du vers, qui entraîne, au cours du XVIII e siècle, réflexions et débats sur ce qui fait l’essence de la poésie par rapport à la prose. 31 Voir C. Nédelec, « Les Couches de l’Académie : Furetière entre institution et dissidence », dans P. Harry, A. Mothu et P. Sellier (dir.), Autour de Cyrano de Bergerac. Dissidents, excentriques et marginaux de l’Âge classique. Bouquet offert à Madeleine Alcover, Paris, Champion, 2006, p. 215-235. 32 Sur la théorisation au XVII e , voir aussi C. Nédelec, « Le prosimètre dans la théorie poétique », L’Entre-deux, op. cit. 33 Voir S. Duval, La Prose poétique du roman baroque, Paris, Classiques Garnier, 2017. 34 Ce qui n’est pas faux : voir l’article de M. Speyer, qui montre combien la « lettre galante » est faite de combinaisons de modules topiques, sur le modèle de la « Lettre écrite de Chantilly à Madame de Montausier » de J.-F. Sarasin (Poësies choisies, II, Paris, C. de Sercy, 1653, p. 421).
