Papers on French Seventeenth Century Literature
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0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2022-0027
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2022
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« Chant-contrechant » : les divertissements des comédies de Marivaux
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Clara de Courson
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PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 « Chant-contrechant » : les divertissements des comédies de Marivaux C LARA DE C OURSON S ORBONNE U NIVERSITÉ , S TIH Agrément dansé et chanté s’additionnant aux formes théâtrales, le divertissement a tout du « moment musical » : il n’est impliqué d’ordinaire qu’à la marge de l’intrigue, survenant lors d’épisodes accessoires, souvent terminaux. Dans la « comédie avec divertissement », prose et vers, superposés à deux vocalités contrastées - voix de parole et voix de chant - sont ainsi placés dans un rapport de contiguïté plutôt que de collaboration. Pensées comme des composantes adjacentes du matériau dramatique, répondant à un impératif de diversification de la matière spectaculaire, les divertissements s’épanouissent dans l’intervalle qui sépare le déclin de la comédie-ballet de l’essor de l’opéra-comique 1 . Alors même qu’émerge le genre opératique, la comédie avec divertissement porte sur le théâtre une vocalité d’une autre sorte : ces pièces dévolues à des musiciens amateurs témoignent d’une simplification technique (restriction de l’ambitus, schématisation rythmique, épurement de l’ornementation mélodique), et annoncent les formes de l’ariette et du vaudeville qui deviendront paradigmatiques de l’opéra-comique dans la seconde moitié du XVIII e siècle. Composantes récurrentes, quoique non constitutives, des comédies de Marivaux, les divertissements n’en occupent pas moins une position latérale dans sa dramaturgie : le vers y fait figure de corps étranger et certaines pièces ne semblent investir la forme conventionnelle du divertissement que pour interroger de front sa pertinence dans l’édifice dramatique. Refusant de sacrifier à une pratique décorative du divertissement, de le constituer en acmé superfétatoire du spectacle, Marivaux y loge parfois d’étonnants points de bascule théâtrale : en venant hybrider le mode stylistique prédominant de ce corpus (la prose) et son régime vocal (la parole), le divertissement 1 Voir notamment B. Louvat, « Le théâtre musical : un genre nouveau ? », Littératures classiques, n° 21, printemps 1994, p. 249-264. Clara de Courson PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 470 participe d’une dramaturgie vigilante, consciente de ses ressources et prompte à dissiper ses trompe-l’œil. Moments musicaux Les divertissements offrent un observatoire privilégié sur la coexistence souvent concurrentielle, au théâtre, de la prose et du vers : soit que le dialogue n’octroie au chant qu’une place conclusive, soit que la prédominance du discours musical fasse entrave au mouvement dramatique, l’irruption de ces satellites versifiés de la prose théâtrale cristallise toujours une problématique d’écriture. La comédie avec divertissement s’édifie sur une équation insoluble ; l’artifice de l’insertion musicale se voit constamment mis en balance avec son agrément revendiqué : L’art d’amener les Divertissemens est une partie fort rare au Théâtre Lyrique. La grande règle est, qu’ils naissent du sujet, qu’ils fassent partie de l’action, en un mot, qu’on n’y danse pas seulement pour danser. Tout Divertissement est plus ou moins estimable, selon qu’il est plus ou moins nécessaire à la marche théâtrale du sujet 2 . À la fois inséré et détaché, incorporé à l’armature dramatique et mobilisé pour sa vertu contrastive, le divertissement ouvre une double ligne de faille dans la comédie : entre musique et texte, entre vers et prose. Emblématique de ce que Catherine Kintzler a dénommé « présence occurrentielle » de la musique au théâtre (par opposition à la « présence essentielle 3 » que réalise l’opéra, adossé à une jonction conventionnelle du linguistique et du musical), le divertissement vise à faire oublier la dissimilitude formelle qui le fonde pour s’amalgamer autant que faire se peut à la dynamique dramatique. Or, si le goût musical de Marivaux est attesté, l’écriture versifiée constitue le point aveugle de ce prosateur insistant - à l’exception d’une tragédie en vers commise à vingt-cinq ans, Annibal. Le jugement doux-amer du marquis d’Argenson dit assez combien, chez ses contemporains même, le vers était senti comme exogène à l’écriture marivaudienne : « c’est la seule 2 J. de La Porte et S.-R.-N. Chamfort, Dictionnaire dramatique contenant l’histoire des théâtres, les règles du genre dramatique, les observations des maîtres les plus célèbres et des réflexions nouvelles sur les spectacles, Paris, 1776, t. I, p. 398. 3 C. Kintzler, Poétique de l’opéra français de Corneille à Rousseau, Paris, Minerve, 1991, p. 355. « Chant-contrechant » : les divertissements des comédies de Marivaux PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 471 [pièce] qu’il ayt jamais fait en vers, ce fut une espece de deffi. Il a reüssi, les vers sont meilleurs que pires […] 4 ». Conformément aux usages contemporains, Marivaux associe exclusivement le divertissement au genre comique : parmi les trente-six comédies dont il est l’auteur, on estime que dix-sept ont pu comporter un ou des divertissements ; treize sont attestés, douze conservés. Cette forme apparaît caractéristique de la première décennie du théâtre marivaudien, mais non exclusivement : des pièces tardives comme La Joie imprévue (1738), L’Épreuve (1740) et Félicie (1757) en contiennent encore. L’usage intensif du divertissement dans les comédies des années 1720 est sans doute imputable à la faveur dont cette forme jouit au Théâtre-Italien, avec lequel Marivaux noue alors une collaboration étroite 5 ; Jean-Joseph Mouret, compositeur attitré du Théâtre-Italien de 1720 à 1737, mettra en musique tous les divertissements marivaudiens jusqu’en 1729. À mesure que cet attelage artistique se distend, la forme du divertissement se raréfie chez Marivaux, à l’exception de L’École des mères (1732), dont Mouret composera à nouveau la partition ; les divertissements ultérieurs (La Joie imprévue, 1738 ; L’Épreuve, 1740) sont dus à une collaboration musicale inconnue, peut-être irréalisée (Félicie, 1757). Ces séquences possèdent un statut ambivalent, suivant que l’on y voit des composantes intégrantes de l’œuvre ou un vestige des circonstances spectaculaires. Il a pu arriver que le divertissement, loin d’en apparaître comme un élément périphérique, focalise la réception des pièces : Le Triomphe de Plutus eut du succès, & le divertissement, sur-tout le Vaudeville, fit fortune ; nous croyons faire plaisir à nos lecteurs de les avertir que ce divertissement est imprimé dans le premier volume du Nouveau Théatre Italien, pag. 181, Paris, Briasson 6 . Les recensions du Mercure de France sont à cet égard un complément précieux, susceptible de renseigner sur l’exécution de ces pièces et leur réception éventuelle : la seule trace du divertissement final du Dénouement 4 R. L. de Voyer Paulmy, marquis d’Argenson, Notices sur les œuvres de théâtre, T. Besterman (éd.), Genève, Institut et Musée Voltaire-Les Délices, 1966, t. I, p. 231-232. 5 Le divertissement n’est pourtant pas l’apanage des comédies italiennes de Marivaux : dès 1724, Le Dénouement imprévu sera monté au Français, avec un divertissement composé par J. B. M. Quinault, de même que L’Île de la raison (1727, tombée au bout de quatre représentations) et sans doute La Seconde surprise de l’amour (1727). 6 C. et F. Parfaict, Dictionnaire des théâtres de Paris, Paris, Lambert, 1756, t. V, p. 562. Clara de Courson PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 472 imprévu 7 s’y trouve conservée ; la perte intégrale de celui de La Joie imprévue est partiellement compensée par l’enthousiasme du Mercure, étrangement silencieux sur le reste de la pièce 8 . Le Recueil des divertissements du Théâtre- Italien, que nous devons à Mouret, est souvent le vivier informationnel le plus sûr en la matière : il comporte le texte, la mélodie vocale, une instrumentation minimale, d’éventuelles indications chorégraphiques, les noms des personnages ou des comédiens. Mais cette source ne tempère nullement le caractère adventice de ces pièces, qui les recense en dehors de leur espace dramatique d’accueil ; elle condamne le critique aux conjectures s’agissant des divertissements que le texte marivaudien paraît impliquer sans que le Recueil en ait gardé trace. C’est le cas de L’Héritier de village, dont la scène finale trace la ligne de fuite d’un divertissement non retrouvé, comme du Prince travesti : les allusions récurrentes à une « fête » intervenue entre le premier et le deuxième acte s’éclairent pour peu que l’on fasse l’hypothèse d’un divertissement perdu 9 . La redécouverte des deux derniers couplets de L’Île des esclaves, il y a trente ans, donne à rêver à d’autres enrichissements du corpus 10 . La mention d’un « divertissement » pour Le Jeu de l’amour et du hasard (1730) dans les Notices sur les œuvres de théâtre du marquis d’Argenson 11 y inviterait, quoique la prudence soit de mise devant les approximations diverses que comporte sa notice. Il est tout à fait plausible que cette pièce, l’une des plus jouées de Marivaux, ait connu différentes modalités de représentation aux Italiens ; plusieurs répliques d’Arlequin à l’acte III 12 programment un divertissement qui n’aurait rien d’improbable, au terme d’une décennie de collaboration avec Mouret. Quand bien même il n’aurait pas été effectivement prévu par Marivaux 13 , les Anecdotes dramatiques de Clément et La Porte évoquent un divertissement dont nous n’avons pas trace, composé par 7 Mercure de France, décembre 1724, 2 nd volume, p. 2861-2867. 8 Mercure de France, juillet 1738, p. 1620. 9 Voir F. Rubellin, « Les Divertissements dans La Double Inconstance », L’École des lettres, 8, 1 er février 1997, p. 124. 10 E. Mortgat, « Deux couplets retrouvés : quelques questions sur le divertissement de L’Île des esclaves », Revue Marivaux, n° 2, 1992, p. 34-37. 11 Marquis d’Argenson, Notices sur les œuvres de théâtre, op. cit., t. II, p. 690. L’ouvrage d’Argenson comporte deux notices divergentes pour cette pièce : voir ibid., p. 689-690. 12 Voir P. de Marivaux, Théâtre complet, F. Deloffre et F. Rubellin (éd.), Paris, Le Livre de Poche, « La Pochothèque », 2000, p. 922 et p. 937 ; nous renverrons désormais à cette édition par l’abréviation suivante : TC, suivie de la pagination. 13 Françoise Rubellin en fait toutefois l’hypothèse ; voir « Les Divertissements dans La Double Inconstance », op. cit., p. 123. « Chant-contrechant » : les divertissements des comédies de Marivaux PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 473 Lieudé de Sepmanville en 1749 14 - indice, s’il en fallait, d’une forme à géométrie variable qui, en même temps qu’elle interroge de front la cohésion dramatique, s’accommode d’une existence instable, voire métamorphique. On s’explique mieux leur absence occasionnelle des éditions du théâtre marivaudien, dès les originales : ainsi de La Double Inconstance et de L’Île des esclaves 15 , quand celle d’Arlequin poli par l’amour conserve le divertissement médian, dont l’omission serait préjudiciable au déroulé dramatique, mais pas celui de clôture 16 . La partition, quant à elle, n’est jamais adjointe au texte : si, au tournant du XVIII e siècle, l’incursion de Ribou, Foucault ou Boivin dans le marché de l’impression musicale dénoue sa concentration entre les seules mains de la famille Ballard, l’édition théâtrale n’a pas encore coutume de marcher sur les brisées de ce secteur fortement spécialisé. Il n’en résulte pas moins un effet de lecture singulier : les divertissements marivaudiens, du fait même de la troncation de leur régime expressif dans les éditions imprimées (absence de notation musicale et, a fortiori, chorégraphique), confèrent aux pièces une allure prosimétrique, lors même que l’écriture versifiée y est moins imputable à un souci de diversification formelle qu’aux contraintes propres de la musique vocale. La part prise par Marivaux dans ces divertissements, enfin, est sujette à caution : il est d’usage de considérer que les textes en ont été, pour la plus grande part, écrits en collaboration ou délégués à un tiers : ce phénomène d’auctorialité partagée s’adosse à nombre de témoignages contemporains 17 . Le rôle central joué par Charles-François Pannard à partir de 1727 s’est récemment vu mieux cerné, et quatre divertissements lui sont désormais attribués sans conteste : Nathalie Rizzoni a ainsi attiré l’attention sur la présence du divertissement de L’Île de la raison dans le Théâtre et Œuvres 14 J. de La Porte et J.-M.-B. Clément, Anecdotes dramatiques, Paris, Veuve Duchesne, 1775, t. III, p. 306. 15 Marivaux, La Double Inconstance. Comédie en trois Actes. Representée pour la première fois par les Comediens Italiens du Roi le Mardi 6. Avril 1723, Paris, F. Flahaut, 1724, p. 48, p. 94 et p. 133 ; L’Isle des esclaves, Comédie en un Acte, Representée pour la première fois par les Comediens Italiens du Roi le Lundi 5. Mars 1725, Paris, N. Pissot, 1725, p. 67. 16 Marivaux, Arlequin poli par l’amour, Comedie. Representée par les Comediens Italiens de Son Altesse Royale, Monseigneur Le Duc d’Orleans, Paris, Veuve Guillaume, 1723, p. 10-11 et p. 54. 17 « T RIOMPHE (le) DE P LUTUS , Comédie Françoise au Théatre Italien, un acte en prose avec un divertissement ; la Piéce est de M. de Marivaux, les paroles du Divertissement de M. Panard, & la Musique de M. Mouret » (C. et F. Parfaict, Dictionnaire des théâtres de Paris, op. cit., t. V, p. 562. Voir également, pour L’École des mères et La Nouvelle colonie, J. de La Porte et J.-M.-B. Clément, Anecdotes dramatiques, op. cit., t. III, p. 376-377. Clara de Courson PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 474 diverses de M. Pannard 18 . Cette collaboration fructueuse est emblématique d’une forme qui procède moins des nécessités internes de la forme dramatique que d’un ajustement pragmatique au goût du public contemporain : lors même que Pannard acquérait « la notoriété d’un vaudevilliste horspair 19 », comment s’étonner que Marivaux ait donné la main à ce partage de compétences bien compris ? Marivaux « hors-chant » La raréfaction des divertissements dans les comédies de Marivaux à partir de 1730 et leur délégation quasi systématique à Pannard sont souvent mises au compte d’une réticence à l’égard de cette forme 20 , supposée sacrifier la cohésion dramatique à un agrément artificiel. Tous ces « divertissements », remotivant leur dénomination, endossent une fonction récréative ; ils masquent parfois les impératifs techniques inhérents à la fabrique dramaturgique : l’intervalle nécessaire à un changement de décor, comme entre les deux premiers actes de La Double Inconstance 21 . Ils mobilisent souvent le même personnel dramatique que la pièce 22 , fissurant momentanément le quatrième mur - soit par une adresse directe au parterre 23 , soit que les rôles joués s’effacent derrière l’état-civil des comédiens 24 , comme pour signaler le statut intermédiaire de ces séquences qui placent l’illusion théâtrale sur une ligne de vertige. Elles peuvent aussi mêler les agents primordiaux de l’intrigue à des figurants, n’ayant d’autre vocalité que chantée 25 , 18 C.-F. Panard, Théâtre et Œuvres diverses de M. Pannard, Paris, Duchesne, 1763, t. I, p. 249-256 (le volume donne à la fois le texte et la partition) ; voir N. Rizzoni, Charles-François Pannard et l’esthétique du « petit », Oxford, Voltaire Foundation, « SVEC », 2000, p. 62. 19 Ibid., p. 65. 20 Voir R. Fajon, « Jean-Joseph Mouret, musicien de Marivaux », Jean-Joseph Mouret et le théâtre de son temps. Journées d’études d’Aix-en-Provence, 28 et 29 avril 1982, Aix-en-Provence, C.A.E.R. XVIII, 1983, p. 84-85. 21 Encore ce divertissement, masquant plaisamment les interstices du spectacle, participe-t-il directement de l’immersion temporelle du spectateur, amené à éprouver la durée du repas d’Arlequin, comme l’a bien montré F. Rubellin (voir « Les Divertissements dans La Double Inconstance », op. cit., p. 119-120). 22 « Le divertissement est composé d’un air Italien, & de quelques danses ; d’un pas de deux entre autres, dansé par les D les Flaminia & Sylvia, qui a fait plaisir » (Mercure de France, avril 1723, p. 777). 23 L’Île des esclaves se referme ainsi sur une adresse d’Arlequin « au parterre » ; voir TC, p. 617. 24 C’est le cas de L’Île de la raison : voir TC, p. 729-733. 25 Voir TC, p. 335-336. « Chant-contrechant » : les divertissements des comédies de Marivaux PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 475 voire à des « chanteurs » extérieurs à l’univers dramatique 26 . Les divertissements ornementaux ou festifs sont majoritaires, Marivaux articulant - comme de bien entendu - les dénouements conjugaux à l’euphorie musicale, ainsi dans La Surprise de l’amour : point d’orgue de la pièce, le divertissement en est aussi la ligne de fuite ; dans l’édition originale, un fleuron et un intertitre (« Divertissement ») signalent clairement le rapport additionnel que cette séquence finale, en italiques, entretient avec le reste de la pièce 27 . Le régime versifié du divertissement n’en constitue pas moins le signal stylistique d’un paroxysme expressif 28 : le personnel dramatique converge d’un même mouvement sur la scène (lequel n’est pas exempt de considérations commerciales). On aurait pourtant tort de réduire l’ensemble des divertissements marivaudiens à une logique additionnelle : Arlequin poli par l’amour, La Double Inconstance, Le Triomphe de Plutus et Félicie sont autant d’exemples de divertissements pleinement fonctionnels, dont la suppression met en péril la structure dramatique. La pratique des divertissements a beau procéder, chez Marivaux, d’un sacrifice probable aux habitudes spectaculaires du temps, elle ne s’accompagne pas toujours d’une négligence auctoriale affichée : si la boiterie compositionnelle du divertissement de La Fausse suivante n’a pas échappé au journaliste du Mercure 29 , on est aussi fondée à lire une dissonance délibérée dans cette festivité sans rapport avec l’amertume de la scène dernière. Pour n’assentir que rarement à une intégration franche du divertissement dans l’économie dramatique, Marivaux n’en tend pas moins à faire de l’artificialité de l’insertion musicale un levier théâtral - ne fût-il destiné qu’à désarçonner le spectateur et à interroger sur nouveaux frais les perspectives ouvertes par la pièce. La délégation des divertissements à Pannard, loin d’acter la disjonction de la prose et du vers, de la parole et du chant, coïncide avec une articulation croissante du divertissement et de l’intrigue : 26 Voir TC, p. 293-294. 27 Voir Marivaux, La Surprise de l’amour, Comedie. Representée par les Comediens Italiens de Son Altesse Royale Le Duc d’Orleans, Paris, Veuve Guillaume, 1723, p. 109-110. 28 La comédie reconduisant, dans son univers stylistique propre, une hiérarchie des styles dont on sait qu’elle gouverne le prosimètre : « Ceci est proprement matière de poésie : il ne siérait guère bien à la prose de décrire une cavalcade de dieux marins : d’ailleurs je ne pense pas qu’on pût exprimer avec le langage ordinaire ce que la déesse parut alors. » (J. de La Fontaine, Les Amours de Psyché et de Cupidon [1669], F. Charpentier (éd.), Paris, Flammarion, « GF », 2012, p. 53). 29 « Il y a deux fêtes dans cette pièce ; savoir, une à la fin du premier acte, et une à la fin de la pièce ; elles n’ont presque pas de rapport au sujet. » (Mercure de France, juillet 1724, p. 1797). Clara de Courson PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 476 dès Le Triomphe de Plutus (1728), le divertissement est réinvesti comme un motif dramatique fortement motivé, enjeu central du conflit amoureux : P LUTUS . Eh bien, sommes-nous en joie, ma reine ? Mais comment faites-vous donc ? Vous êtes encore plus belle que vous n’étiez tout à l’heure. Ergaste vous fait là-haut des vers ; chacun sa poésie, et voilà la mienne. (Il tire un bracelet de sa poche) S PINETTE . Une rime à ces vers-là serait bien riche. P LUTUS . Oh ! nous rimerons, nous rimerons ; j’ai la rime dans ma poche. A MINTE . Ah ! monsieur, des vers, une chanson, se reçoivent ; mais pour un bracelet de cette magnificence, ce n’est pas de même. P LUTUS . Les vers se lisent, et cela se met au bras ; voilà toute la différence. Présentez le bras, ma déesse. A MINTE . Monsieur, en vérité, ce serait trop… A RMIDAS . Ma nièce, je vous permets de l’accepter. P LUTUS . Voilà le premier oncle du monde. Tenez, j’ai donné mon cœur, et quand cela est parti, le reste ne coûte plus rien à déménager ; car je vous aime, il n’y a que moi qui puisse aimer comme cela ; et cela ira toujours en augmentant. Quel plaisir ! Goûtez-en un peu, mon adorable ; je suis le meilleur garçon du monde ; j’apprendrai à faire des sornettes, des vaudevilles, des couplets ; j’ai bon esprit ; mais je n’aime pas à le gêner, il n’y a que mon cœur que je laisse aller. […] A RMIDAS . Le voilà [Ergaste] qui arrive avec sa chanson. S PINETTE . Ce sont là ses millions, à lui. A RMIDAS . Que diable, avec sa musique ! on a bien affaire de cela 30 . Le divertissement se voit intégré à une économie amoureuse ambivalente : la dévalorisation ironique des productions esthétiques devant la puissance financière procède à une resémantisation discrète du sème de / vanité/ du « divertissement ». Le terme est progressivement recouvert dans l’échange dialogal par ses parasynonymes « vaudevilles » et « couplets », eux-mêmes recatégorisés en « sornettes » : un discret débat questionne, au cœur de l’intrigue, la valeur même de la forme du divertissement, ramenée de l’imaginaire du plaisir vers celui de la frivolité. Cette réprobation morale porte sans doute en creux une réticence formelle de la part du dramaturge ; mais la pratique ludique et distanciée d’une forme prisée par le public d’époque vise aussi, sans doute, à aiguiller le regard du spectateur. Bientôt la mise en scène joueuse d’une réception manquée invite, en creux, à une éducation du goût spectatoriel : E RGASTE . Il semble que cela n’ait point été de votre goût, Monsieur Armidas. A RMIDAS . Oh ! ne prenez point garde à moi ; toute la musique m’ennuie. S PINETTE . Elle commençait à m’endormir. 30 TC, p. 832-833. « Chant-contrechant » : les divertissements des comédies de Marivaux PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 477 E RGASTE . Et vous, Madame, vous a-t-elle déplu ? A MINTE . Il y a quelque chose de galant, mais l’exécution m’en a paru un peu froide. P LUTUS . C’est que les musiciens ont la voix enrouée ; il faut un peu graisser ces gosiers-là. E RGASTE . Doucement ! il n’est pas besoin que vous payiez mes musiciens. U N MUSICIEN . Comment, Monsieur ! c’est un présent que Monsieur nous fait ; que vous importe ? Vous ne nous en paierez pas moins, et il ne tient qu’à vous de le faire tout à l’heure. P LUTUS . C’est bien dit ; contente-les, si tu peux. J’ai aussi une fête à vous donner, moi, et une musique qui se mesure à l’aune ; j’attends ceux qui doivent y danser 31 . Le second divertissement, témoignant d’une hétérométrie experte 32 , réactive au contraire le sème / ludique/ du « divertissement » et restaure l’agrément spectaculaire alors que la pièce tend vers sa fin : « Plutus. […] Allons, divertissez-vous ; les musiciens sont payés, la fête est prête, qu’on l’exécute 33 ! ». C’est dire assez qu’une trame souterraine du Triomphe consiste en un questionnement sémantique et formel autour du divertissement, la mise en abyme de ce dernier occasionnant sa mise à l’épreuve rieuse 34 . Le style musical concertant et l’écriture vocalisante du divertissement final attestent la dextérité de Mouret 35 , paradoxalement mise au service de sa propre invalidation : pareille parodie du langage opératique dépare dans le genre comique, si tant est qu’elle n’ait pas excédé les compétences des chanteurs amateurs qu’étaient les Italiens, exhibant l’impropriété des formes musicales dans une architecture théâtrale pleinement maîtresse de ses moyens. 31 TC, p. 835. 32 Cinq fois plus long que le premier, il consiste en neuf strophes de 15 vers sur le même modèle, faisant alterner décasyllabes, tétrasyllabes, octosyllabes et hexasyllabes. 33 TC, p. 840. 34 On peut également y voir, avec D. Trott, la manifestation la plus affichée d’une matrice fondamentale du théâtre marivaudien, dès les années 1720 : le plaisir de l’autoreprésentation, par lequel les divertissements se voient pris dans un processus de « textualisation de la relation regardant/ regardé » (« Marivaux et la vie théâtrale de 1730 à 1737 », Études littéraires, vol. 24/ 1, été 1991, p. 20) qui tendra à s’approfondir et à s’intérioriser dans la décennie suivante. 35 Mise en avant dans le Mercure d’avril 1728. Clara de Courson PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 478 « La félicité des lisières 36 » C’est peut-être aux seuils de l’œuvre de Marivaux que se rencontre la pratique la plus singulière et la plus féconde du divertissement. Dans l’une de ses premières et l’une de ses dernières pièces, toutes deux en un acte, cette forme se voit arrachée aux codes du spectaculaire - jusqu’à ne pas faire l’épreuve de la scène : ainsi de Félicie, comme on le verra. La relation des modes expressifs mis en présence est alors envisagée non pas sur le modèle du conflit, mais de l’enchevêtrement ; dans Arlequin poli par l’amour (1720), le divertissement investit par exception le mitan de l’acte 37 , et se trouve par là même tissé de rare manière au déroulé de l’intrigue : A RLEQUIN . Je m’ennuie. L A F EE . En voilà assez : nous allons tâcher de vous divertir. A RLEQUIN alors saute de joie du divertissement proposé, et dit en riant. Divertir, divertir. La Fée fait asseoir Arlequin alors auprès d’elle […]. Pendant qu’on danse, Arlequin siffle. Un chanteur, à Arlequin. Beau brunet, l’Amour vous appelle. A RLEQUIN , à ce vers, se lève niaisement et dit. Je ne l’entends pas, où est-il ? (Il l’appelle : ) Hé ! hé ! L E CHANTEUR , continue. Beau brunet, l’Amour vous appelle. A RLEQUIN , en se rasseyant, dit. Qu’il crie donc plus haut. L E CHANTEUR continue en lui montrant la Fée. Voyez-vous cet objet charmant, Ces yeux dont l’ardeur étincelle, Vous répètent à tout moment : Beau brunet, l’Amour vous appelle. A RLEQUIN , alors en regardant les yeux de la Fée, dit. Dame, cela est drôle ! U NE CHANTEUSE BERGERE vient, et dit à Arlequin. Aimez, aimez, rien n’est si doux. 36 P. Handke, Le Chinois de la douleur, G.-A. Goldschmidt (trad.), Paris, Gallimard, « Du monde entier », 1986, p. 84. 37 Le plus clair des divertissements, on le sait, se situe en clôture d’acte, et singulièrement après le dernier ; n’échappent à cette règle, en vigueur pour tous les divertissements contemporains, que le divertissement évoqué plus haut du Triomphe de Plutus, ceux de Félicie (voir infra) ; on peut y ajouter, de manière conjecturale, un divertissement que laisse attendre Le Prince travesti à l’issue de son premier acte, mais dont nous n’avons pas gardé trace (voir F. Rubellin, « Les Divertissements dans La Double Inconstance », op. cit., p. 124). « Chant-contrechant » : les divertissements des comédies de Marivaux PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 479 A RLEQUIN , là-dessus, répond. Apprenez, apprenez-moi cela. L A CHANTEUSE continue en le regardant. Ah ! que je plains votre ignorance. Quel bonheur pour moi, quand j’y pense, Elle montre le chanteur. Qu’Atys en sache plus que vous ! L A F EE , alors en se levant, dit à Arlequin. Cher Arlequin, ces tendres chansons ne vous inspirent-elles rien ? Que sentez-vous ? A RLEQUIN . Je me sens un grand appétit 38 . Ce divertissement se signale par une intégration dysfonctionnelle de l’expression chantée et versifiée dans le dialogue : celle-ci se constitue en une parole oblique, dont l’artificialité altère l’efficace. Le divertissement superpose à sa visée récréative une instrumentalisation évidente, la « Chanteuse » prenant en charge une formulation déléguée et raffinée du sentiment de la Fée. Encore cette hiérarchie des styles, exacerbée par la parole triviale d’Arlequin, se heurte-t-elle à son refus d’envisager le divertissement comme une composante non seulement ornementale de la scène, mais bien dotée d’une visée communicationnelle propre : la didascalie qui précède le dernier vers, en actant la nécessité de redoubler le signe linguistique par le langage gestuel, emblématise la chimère d’un divertissement dégagé de tout artifice pour accueillir le langage du cœur. Lors même qu’elle nourrit plaisamment la caractérisation du personnel dramatique, cette forme vient surtout mettre en lumière, par le contraste des contraintes conventionnelles qui la fondent, la liberté de la prose dramatique de Marivaux. L’une des dernières productions dramatiques de Marivaux, Félicie (1757), comporte deux divertissements, eux aussi étroitement intégrés au déroulement de l’intrigue ; comme dans Arlequin, l’élection d’une forme brève et non séquencée (un acte unique) ménage les conditions d’une gestion cohésive de l’intrigue et, partant, d’une incorporation accomplie des divertissements. Le premier n’advient à la scène que par un travail de l’écoute, visiblement compensatoire de l’artificialité de l’insertion musicale : le chant n’existe tout d’abord que « dans l’éloignement 39 ». Ce dispositif acousmatique ouvre le dialogue à un approfondissement inaccoutumé de l’attitude réceptive des personnages : F ELICIE . Allons, allons, je vois bien que vous vous rendez. (Ici on entend une symphonie.) Mais me trompé-je ? Entendez-vous la gaieté des sons qui partent de ce côté-là ? Nous nous y amuserons assurément ; il doit y avoir quelque agréable fête. Que cela est vif et touchant ! L A M ODESTIE . Vous ne le sentez que trop. 38 TC, p. 131-132. 39 TC, p. 1925. Clara de Courson PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 480 F ELICIE . Pourquoi trop ? Est-ce qu’il n’est pas permis d’avoir du goût ? Allezvous encore trembler là-dessus ? L A M ODESTIE . Le goût du plaisir et de la curiosité mène bien loin. F ELICIE . Parlez franchement ; c’est qu’on a tort d’avoir des yeux et des oreilles, n’est-ce pas ? Ah ! que vous êtes farouche ! (La symphonie recommence.) Ce que j’entends là me fait le plus grand plaisir… Prêtons-y un peu d’attention… Que cela est tendre et animé tout ensemble ! L A M ODESTIE . J’entends aussi du bruit de l’autre côté ; écoutez, je crois qu’on y chante. On chante. De la vertu suivez les lois, Beautés qui de nos cœurs voulez fixer le choix. Les attraits qu’elle éclaire en brillent davantage. Est-il rien de plus enchanteur Que de voir sur un beau visage Et la jeunesse et la pudeur ? L A M ODESTIE continue. Ce que cette voix-là m’inspire ne m’effraie point : par exemple, elle a quelque chose de noble. F ELICIE . Oui, elle est belle, mais sérieuse 40 . Plus encore, la présence intermittente de la musique instrumentale (la « symphonie ») enrichit la scène d’une texture sonore modulable, dégagée de l’alternance des voix de chant et de parole : là où la pratique conventionnelle du divertissement les envisageait comme deux vocalités exclusives l’une de l’autre, le débordement symphonique du dialogue annonce ici une appréhension solidaire et non plus partitive des composantes sonores de la pièce. Le second divertissement, à nouveau en position médiane, renoue avec le tressage concerté de la prose et du vers que nous avons déjà vu à l’œuvre dans Arlequin : Les instruments préludent : on danse. A IR U N CHASSEUR Amis, laissons en paix les hôtes de ces bois ; La beauté que je vois Doit nous fixer sous cet ombrage. Venez, venez, suivez mes pas : Par un juste et fidèle hommage, Méritons le bonheur d’admirer tant d’appas. 40 TC, p. 1924. « Chant-contrechant » : les divertissements des comédies de Marivaux PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 481 L UCIDOR . Vous intéressez tous les cœurs, Félicie. F ELICIE . N’interrompez point. On danse encore. L UCIDOR , ensuite, dit. Ils n’auront pas seuls l’honneur de vous amuser, et je prétends y avoir part. Il chante un menuet. De vos beaux yeux le charme inévitable Me fait brûler de la plus vive ardeur : Plus que Diane redoutable, Sans flèches ni carquois vous tirez droit au cœur . Marivaux opère une discrimination discrète mais efficace de la prose et du vers, privilégiant des répliques qui comportent un nombre de syllabes impair (« Vous intéressez tous les cœurs, Félicie. » ; « N’interrompez point. ») ou désamorçant la reconnaissance de la quantité syllabique de l’alexandrin par le chevauchement de l’hémistiche à l’intérieur d’un mot (« Ils n’auront pas seuls l’honneur de vous amuser […]. »). Mais dans le même temps, le transfert du chant du personnage du « Chasseur » - dont l’existence dramatique apparaît conditionnée par la convention musicale - au premier rôle masculin (Lucidor) montre combien Félicie, seule pièce de Marivaux à thématiser authentiquement le sortilège musical, s’attache à remotiver la forme obligée du divertissement. Les deux dernières scènes réactivent la présence d’éléments musicaux, mais sur le mode atténué de l’accompagnement instrumental : « (Une symphonie douce commence ici) 42 . » Cette didascalie fait advenir deux régimes expressifs non plus successifs et adverses, mais concomitants : il est singulier que le dernier théâtre marivaudien, pour réticent qu’il ait pu se montrer à la forme du divertissement, procède à une discrète harmonisation de son dénouement. On croit y lire, en même temps qu’une séduction musicale indéniable, le refus affiché du recouvrement du langage verbal par le discours musical, d’autant plus saillant que Félicie place au centre de ses enjeux dramatiques la question morale caractéristique du dernier Marivaux. Sans faire obstacle à la formulation scénique d’une pensée morale, cette instrumentation seconde n’en recentre pas moins la logique centrifuge qui gouverne usuellement le divertissement ; elle n’en fait plus l’instrument d’une diversion, mais bien d’un accompagnement surimprimé à l’énonciation dramatique. 41 TC, p. 1930-1931. 42 TC, p. 1937. Clara de Courson PFSCL XLIX, 97 DOI 10. / PFSCL-2022-0027 482 La forme du divertissement sédimente, chez Marivaux, un attrait ambigu : la voix chantée et l’écriture versifiée sont alternativement mises au service d’un ennoblissement de la parole théâtrale, d’un régime expressif superlatif, et d’une ostension de son caractère artificieux ; tour à tour véhicule des prestiges enjôleurs et écrin offert au discours dramatique dans sa visée la plus exemplaire, Marivaux loge dans ces lieux mineurs de son théâtre un conflit ouvert entre des usages adverses de la voix, comme entre vers et prose. Si Félicie lui apporte une quelconque résolution, ce n’est que par un enrichissement délibéré de la texture sonore de la pièce, au moyen de la musique instrumentale ou du cri : lors même que le divertissement s’estompe sur les scènes pour laisser place au genre triomphant de l’opéracomique et à sa reconfiguration aventureuse des vocalités parlée et chantée, Félicie offre l’étonnant modèle d’une poétique tardive du divertissement marivaudien. Ce faisant, elle donne le privilège à la trame sonore sur l’artifice musical ; encore peut-on imputer cette revalorisation finale d’une forme mal-aimée au caractère presque abstrait qu’y recèle la perspective scénique : publiée dans le Mercure de France, Félicie n’a sans doute pas été jouée et il y a fort à parier que la mise en musique de ses divertissements ait été laissée en suspens. La coexistence conciliée de la parole et du chant n’y est peut-être que le symptôme d’une spectacularité chimérique, sans autre exemple dans la production de Marivaux : si le langage dramatique renonce alors à se faire « contrechant » pour intégrer sa musicalité constitutive, si le chant regagne une qualité expressive neuve, ne serait-ce que l’effet de leur désincarnation dans l’esprit du dramaturge vieillissant ?
