eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 50/98

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2023-0003
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2023
5098

Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère

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2023
Jolene Vos-Camy
pfscl50980039
PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère J OLENE V OS -C AMY C ALVIN U NIVERSITY La présence de Turcs esclaves dans le monde français du XVII e siècle n’a jamais été prise en compte par la critique littéraire en ce qui concerne la cérémonie turque dans Le Bourgeois gentilhomme de Molière. Pourtant, des références à l’esclavage méditerranéen sur les galères sont présentes. Si l’objectif déclaré de la cérémonie turque est de transformer le Bourgeois gentilhomme en Turc noble, au cours de la cérémonie on le traite aussi en Turc esclave des galères. En jouant ainsi avec les ambiguïtés du mot « Turc » et le monde de l’esclavage, Molière crée des possibilités d’humour et de satire sociale et politique qui ne sont pas appréciées à leur juste valeur aujourd’hui. Depuis le début du XX e siècle on a considéré que l’enjeu principal de la cérémonie turque était la volonté de ridiculiser la visite de l’ambassadeur turc Soliman Aga tout en prenant pour cible les bourgeois français qui cherchaient à s’anoblir. Mais une marque du génie comique est de jouer sur les ambivalences des mots : à l’époque de Molière, « Turc » désigne aussi les esclaves sur les galères de France. Dans le présent essai, nous parlerons d’abord de la présence et de l’importance des galères et des esclaves turcs à l’époque de Louis XIV. Ensuite, nous relèverons les références aux esclaves turcs des galères dans la cérémonie turque du Bourgeois gentilhomme. Nous terminerons avec des réflexions sur les conséquences du jeu d’ambivalences dans cette même scène de Molière pour poser la question d’esclavage métaphorique. L’importance des Turcs sur les galères de France au XVII e siècle Le Bourgeois gentilhomme fut présenté pour la première fois le 14 octobre 1670 au château de Chambord devant le roi Louis XIV et la cour. Le premier public auquel la pièce était destinée et à qui il fallait plaire était donc Louis XIV. Selon le chevalier d’Arvieux, c’était à la demande du roi qu’il Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 40 avait travaillé pendant l’été 1670 avec Molière et Lully pour créer la pièce suite à la visite de l’ambassadeur turc à Paris : Le Roi ayant voulu faire un voyage à Chambord pour y prendre le divertissement de la chasse, voulut donner à sa Cour celui d’un ballet ; & comme l’idée des Turcs que l’on venoit de voir à Paris étoit encore toute récente, il crût qu’il seroit bon de les faire paroître sur la scêne. Sa Majesté m’ordonna de me joindre à Messieurs Molière & de Lulli, pour composer une pièce de Théâtre où l’on pût faire entrer quelque chose des habillemens et des manieres des Turcs. Je me rendis pour cet effet au Village d’Auteüil, où M. de Molière avoit une maison fort jolie. Ce fut là que nous travaillâmes à cette pièce de Théâtre que l’on voit dans les Œuvres de Molière, sous le titre de Bourgeois gentilhomme qui se fit Turc pour épouser la fille du Grand Seigneur. Je fus chargé de tout ce qui regardoit les habillements & les manieres des Turcs. (D’Arvieux 252-253) Dans le récit de sa collaboration à la pièce de Molière et de Lully le chevalier d’Arvieux parle de l’ambassadeur turc qui venait de rendre visite à Paris mais il ne mentionne pas le monde des galères, sans doute parce que ce monde n’avait rien de remarquable pour lui, étant originaire de Marseille, le port principal des galères de Louis XIV. Ce qui était remarquable pour lui, comme pour la plupart des Français, était la situation politique qui inspirait depuis des années une fascination pour l’empire Ottoman : The year 1660 is the eve of a decade which is to witness the most active French interest in Turkey in the seventeenth century. Louis XIV sends thousands of French soldiers to fight the Turks, in 1660 to Cerigo, in 1664 into Hungary, and in 1668 to Candia, upon which the eyes of Europe are riveted. In a new effort to conciliate the Porte, the ambassador Nointel and distinguished successors give Franco-Turkish relations a new lease on life, and support Colbert’s strenuous efforts to revive Levantine commerce. The much publicized visit of a « muta ferraca » to the court of France prepares public taste for Le Bourgeois Gentilhomme (1670), and Bajazet follows in 1672. (Rouillard 8-9) Quand la critique littéraire parle des « Turcs » dans le contexte du Bourgeois gentilhomme la possibilité d’une ambivalence comique basée sur ce même mot n’est jamais évoquée. L’appréciation de Ramon Fernandez dans Molière ou l’essence du génie comique en est typique : Un Turc nommé Soliman, assez petit personnage, avait visité Paris et la Cour. Le roi s’était couvert de diamants afin de l’éblouir. Mais le Turc avait fait la moue. Il en avait vu bien d’autres dans son pays. La mode fut quelque temps aux turqueries. Le chevalier d’Arvieux, qui avait servi d’interprète à Soliman, fit rire Louis XIV et Madame de Montespan en leur Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 41 contant ses voyages en Orient. Le roi songea qu’une cérémonie turque ferait un très plaisant ballet. Il commanda à d’Arvieux de s’entendre avec les deux Jean-Baptiste afin de monter ce divertissement. Le chevalier alla trouver Molière à Auteuil et les trois hommes se mirent au travail. Ainsi naquit le Bourgeois gentilhomme. (Fernandez 219) D’autres, comme Georges Couton, sont moins convaincus de l’importance de la participation du chevalier d’Arvieux et n’évoquent pas la possibilité d’une influence marseillaise : D’Arvieux, qui n’était pas porté à se sous-estimer, se considère presque comme auteur de la pièce à l’égal de Molière. Il y a bien un peu du comportement de la mouche du coche dans son cas. Disons qu’il a été une manière de conseiller en turquerie, pour être indulgent. (Couton 698) Et pourtant, sur les galères se trouvaient des esclaves qu’on appelait « Turcs ». Le roi, comme le chevalier d’Arvieux, connaissait ce monde et aurait été sensible à l’ambiguïté du mot « turc ». Pendant longtemps les galères jouèrent un rôle militaire essentiel dans la Méditerranée et trouvaient un port à Marseille : « galères grecques et romaines à l’époque de Massalia, galères génoises, papales, barbaresques, toscanes, catalanes, de l’ordre de Malte et marseillaises du Moyen Age et des Temps modernes : il y eut toujours des galères dans le port phocéen » (Zysberg, Marseille 40). Avec la prise du pouvoir après la mort du Cardinal Mazarin en 1661, Louis XIV décida de rétablir la flotte des galères. Jusqu’en 1665 les galères étaient la propriété des particuliers avec qui le Roi négociait en temps de guerre, mais à partir de 1666 Colbert commença à les « royaliser » (Zysberg, Marseille 45). Sur une galère ordinaire il fallait 260 rameurs et près de 450 sur la réale. La chiourme se divisait alors en trois catégories d’hommes : la moitié en était formée par les forçats ou condamnés des prisons ; jusqu’à un tiers par les volontaires ou « bonevoglies » ; et à peu près un cinquième par les esclaves que l’on appelait aussi Turcs (Zysberg, Les galériens 59-64). Pour obtenir des forçats, il suffisait de condamner plus d’hommes à la peine des galères : « l’une des premières préoccupations de Colbert, quand il prit en main les affaires de la Marine, fut d’obtenir des magistrats qu’ils condamnent aux galères, selon la formule, ‘le plus de criminels qu’il se pourra’ » (Zysberg, Les galériens 63-64). Pour les bonevoglies, Nicolas Arnoul, intendant général des galères, eut l’idée d’imiter les Italiens en attirant les miséreux sur les galères. Le 1 er février 1670 il écrit de bonnes nouvelles à Colbert : La perte de la chiourme qui s’est faite en Candie est réparée par ces bonevoglies. On en manque pas. Deux escus par mois en ce pays, et du Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 42 pain, à présent qu’il est cher, fait facilement engager sa liberté ; la misère et la galère ont leur charme et leurs appas, et les coquins, les fénéants et les meschants trouveront là-dedans des gens de leur sorte… Ces sortes de gens se trompent aysément, et pourveu qu’ils ayent de quoy boire une ou deux fois le mois tout leur soul, prendre du tabac et jouer, il n’y a esclavage volontaire ny coups de baston qu’ils ne souffrent. (Cité dans Zysberg, Les galériens 62-63) Les bonevoglies, comme les autres galériens, devait « estre razés, porter l’habit et servir à tirer la rame de mêsme que les forçats » (cité dans Zysberg, Les galériens 63). En ce qui concernait les esclaves « turcs » on pouvait les acheter « sur tous les marchés d’hommes de la Méditerranée chrétienne, à Livourne, Venise, Malte, Alicante, Majorque ou Cagliari » (Zysberg, Les galériens 59). L’île de Malte était un des marchés les plus importants d’esclaves turcs pour Louis XIV : le roi de France entretient à La Valette un représentant auprès de l’Ordre [de Malte], spécialement chargé des achats de Turcs pour la Chiourme. Ravitaillée par les croisières des Chevaliers de Malte, et autant, peut-être, par les expéditions des corsaires maltais, l’île restera jusqu’à l’aube du XIX e siècle le grand marché méditerranéen d’esclaves musulmans. (Boyer 57) D’autres Turcs sont pris sur la mer : on rend coup pour coup, lorsqu’il s’agit de corsaires barbaresques capturés par les galères du grand-duc de Toscane ou par celles de l’ordre de Malte, mais sont également considérés comme de bonne prise des pêcheurs de la côte tunisienne, des pèlerins en route vers La Mecque. (Zysberg, Les galériens 59) Il importait peu que ces hommes soient natifs de la Turquie ou pas, on les appelait Turcs quelles que soient leurs origines : « tous ces galériens, esclaves ou captifs, sont réputés ‘Turcs’. Ce vocable recouvre en réalité un éventail de toutes les races, de toutes les nationalités et même de plusieurs religions » (Boyer 63). Puisque les galères continuaient à jouer un rôle militaire à cette époque, il fallait avoir des rameurs confirmés pour encadrer les forçats : « or, les Turcs sont réputés excellents rameurs. La proportion idéale, et rarement atteinte, était d’un Turc par rame de quatre galériens » (Boyer 55). Louis XIV connaissait personnellement Marseille, le port principal des galères, pour y être passé en 1660 en revenant d’Espagne où il venait de signer le traité des Pyrénées. Dans les années précédentes, la ville de Marseille avait montré une opposition au pouvoir royal et elle entendait garder son indépendance politique et fiscale. Mais en 1659, le premier président de la ville décida qu’il fallait une intervention personnelle du roi Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 43 pour soumettre Marseille, et il le suggéra au Cardinal Mazarin. En janvier 1660 Louis XIV imposa une occupation militaire de Marseille, avec la destruction de la porte Royale et une partie de la muraille, et il mit en œuvre la construction de la citadelle qui allait dominer la ville. Puis, le 2 mars, le roi pénètre dans la ville par la brèche ouverte dans le rempart. Le 5, des lettres patentes promulguent un « Nouveau Règlement ». […] Marseille n’aura plus de consuls, mais deux « échevins », qui n’ajouteront pas à leur titre celui de « gouverneurs et défenseurs des libertés, franchises et privilèges de la ville ». (Pillorget 189) Selon Pillorget, « le règlement de 1660 marque bien la fin de l’autonomie marseillaise, et la population est trop démoralisée pour protester immédiatement » (Pillorget 190). Louis XIV triompha à Marseille, port principal des galères. Mais les galères sont en mauvais état et Louis XIV et Colbert s’y intéressent de près : « En 1662, l’année qui suit la prise du pouvoir par Louis XIV et voit l’intéressement de Colbert aux affaires de marine, la flotte des galères de France ne compte que six bâtiments à peine capables de partir en campagne » (Zysberg, Les galériens 256). Quand le roi décide d’envoyer ces galères au large de l’Afrique du Nord pour chasser des corsaires algérois, il écrit au duc de Beaufort qu’il incite à profiter de la situation à double bénéfice pour le royaume : Vous pourrez encore examiner s’il n’y aurait pas lieu de faire quelques descentes dans l’Afrique pour y faire des esclaves, ce qui non seulement produirait un advantage pour le restablissement de la chiourme de mes galères, mais mesme pourrait contribuer à faciliter le rachapt de mes sujets qui sont esclaves entre les mains de ces barbares (cité dans Zysberg, Les galériens 256). La restauration des galères du roi était célébrée à Versailles car elle figure dans un tableau de Charles Le Brun de 1663 titré « Le rétablissement de la navigation » qui se trouve dans la Galerie des Glaces. 1 On y voit Louis XIV assis, habillé en romain avec une cape couverte de fleurs de lys dorées, des galères en arrière-fond, et à ses pieds trois hommes demi-nus et enchaînés avec des turbans sur la tête. Le chevalier d’Arvieux avait collaboré à la création du Bourgeois gentilhomme à la demande du roi. L’expertise d’Arvieux venait en partie du fait qu’il avait appris plusieurs langues, parmi lesquelles le Turc, et avait été envoyé dans des missions diplomatiques dans l’empire ottoman. De plus, il 1 Meredith Martin et Gillian Weiss décrivent le tableau dans leur livre récent, The Sun King at Sea, Maritime Art and Galley Slavery in Louis XIV’s France (Los Angeles : J. Paul Getty Trust, 2022 p. 3.) et s’en servent pour la couverture. Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 44 avait accompagné Soliman Aga, l’envoyé turc, pendant son séjour en France en 1669 : « on connaît bien son ambassade [de Soliman Aga], en effet, par les Mémoires du chevalier d’Arvieux qui sachant le turc mieux que les ‘interprètes en titre d’office’ de Louis XIV, fut chargé de l’accompagner et, quelque peu, de l’espionner » (Couton 696). Pendant que Soliman Aga fut encore à Paris, d’Arvieux écrit la relation de ses échanges avec le Turc et il raconte dans ses Mémoires que le roi lui demanda de la lui lire pendant qu’il dînait en particulier avec Monsieur, frère du roi, Madame de la Vallière, l’ancienne maîtresse en titre, et Madame de Montespan, l’actuelle maîtresse en titre et favorite du roi. D’Arvieux trouvait déjà de la matière à faire rire l’entourage proche du roi : Le Roi me commanda de lire mon dialogue, qui leur servit de divertissement pendant le repas ; outre les questions & les raisonnements qu’on me fit sur les manières de Turquie ; & comme mes réponses étaient fort gaies, ils y prenaient beaucoup de plaisir. Le roi en riait modérément, aussi bien que Mme de La Vallière ; mais Monsieur et Mme de Montespan faisaient des éclats de rire qu’on aurait entendu à deux cents pas. A l’issuë de la table, le Roi entra dans un cabinet avec Monsieur : pendant ce-tems-là j’entretenois les deux Dames de la manière dont on se marioit en Turquie, à quoi elles prirent du plaisir. (D’Arvieux, Mémoires, t. IV 185) Ces personnes étaient proches du monde des galères car le frère aîné de Madame de Montespan était le Maréchal de Vivonne, Louis Victor de Rochechouart de Mortemart qui devint Général des galères en 1669. Les exploits des galères se racontent à la cour : Afin de secourir l’île de Crète, possession vénitienne assiégée par les forces ottomanes, le pape fait appel à Louis XIV qui, désireux de redorer son blason de Roi Très Chrétien, décide d’engager le meilleur de ses forces navales dans la bataille. Beaufort quitte Toulon avec dix-huit vaisseaux au mois de mai 1669, tandis que le comte de Vivonne, nouveau général des galères, le suit avec une escadre flambant neuve, dont Nicolas Arnoul brosse un tableau flatté : « Elles partent, écrit-il à Colbert le 15 mai, autant bien armées qu’elles puissent estre et je ne croy pas qu’il y ait une plus belle escadre à la mer... » (Zysberg, Les galériens 259) Les Turcs dans l’imaginaire français Qu’en était-il pour les autres Français ? Connaissaient-ils le monde des galères suffisamment pour être sensibles à l’ambiguïté du mot « turc » ? Furetière dans son Dictionnaire universel n’évoque pas les Turcs esclaves sur les galères dans la définition de « Turc » mais se limite au sens du mot qui désigne le peuple de l’Empire Ottoman : Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 45 Sujet de l’Empereur d’Orient qui fait profession de la Secte de Mahomet. La Religion Turque. Un habit à la Turque. On appelle généralement Turcs, tous les sujets du Grand Seigneur, que le peuple appelle le Grand Turc. Les Turcs originairement viennent du Turquestan ou Turcomanie. On dit proverbialement, qu’un enfant est fort comme un Turc, quand il est grand & robuste pour son âge. On dit aussi, traitter de Turc à More, pour dire, à la rigueur & en ennemy declaré. On dit aussi en voulant injurier un homme, le taxer de barbarie, de cruauté, d’irreligion, que c’est un Turc, un homme inexorable, qu’il vaudroit autant avoir à faire à un Turc. (Furetière sans pag.) Pourtant, Furetière connaît le monde des galères où les hommes sont attachés à la rame et il compare les galères d’autrefois avec celles de la France contemporaine : « Ces vaisseaux s’appelloient en Latin Biremis, Triremis, Quadriremis, non pas pour avoir deux, trois, ou quatre rames les unes sur les autres, comme plusieurs sçavants ont pensé […] mais parce qu’il y avoit deux, trois ou quatre rameurs attachez à chaque rame, comme les Galeres que nous avons » (Furetière sans pag.). Furetière évoque également le sort des rameurs dans une expression proverbiale : « On dit aussi, J’aimerois autant estre en Galere, ou tirer la rame, pour dire, Je suis miserable, je souffre beaucoup » (Furetière sans pag.). Les galères et les esclaves figuraient dans l’imaginaire littéraire comme dans Ibrahim ou l’illustre Bassa, un des romans célèbres de Madeleine de Scudéry, publié en 1641 en quatre volumes, et suivi par une tragi-comédie du même nom deux ans plus tard. Selon Rouillard, ce roman est « the most ambitious use of Turkish history and description in French literature before 1660 » (Rouillard 546). Dans le roman plusieurs personnages font l’expérience de l’esclavage à la cour du Sultan Soliman, y compris Ibrahim luimême. Le frontispice de l’édition de 1641 montre Ibrahim habillé en Turc noble avec, derrière lui, des galères sur la mer (Rouillard, Pl. XIX). Les romans de Madeleine de Scudéry avaient un grand succès littéraire à cette époque. L’Académie française lui a discerné un prix littéraire en 1671, et elle a été nommée à l’Académie des Ricovrati à Padoue en 1684 (Conley). Molière aussi s’inspirait de ses romans. En 1667 il emprunte le sujet d’un autre de ses romans, Le Grand Cyrus, pour une comédie héroïque, Mélicerte, qui fut représentée devant le roi (Fernandez 202). En ce qui concerne les Turcs des galères, Madeleine de Scudéry les avait vus elle-même à Marseille : It is a fact worth noting that M lle de Scudéry’s interest in the Turks did not cease after the composition of her Ibrahim. Georges de Scudéry was made governor of the fort of Notre-Dame de la Garde at Marseilles in 1642, and he and Madeleine went there late in 1644. We know from their correspondence that both took pleasure in the sights of a great maritime city, Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 46 including the galleys and slaves « aux bonnets rouges, camisoles bleues, tête [sic] pelées, mines de Turcs, » and collected from galley officers a store of pirate tales, stories of abductions, and seraglio intrigues. (Rouillard 571) Deux ans avant la création du Bourgeois gentilhomme, Molière fait une référence comique et péjorative au monde turc dans L’Avare. La Flèche, le valet de Valère, explique à Frosine qu’elle aura beaucoup de mal à tirer de l’argent d’Harpagon : LA FLÈCHE : « Bagatelles ici. Je te défie d’attendrir, du côté de l’argent, l’homme dont il est question. Il est turc là-dessus, mais d’une turquerie à désespérer tout le monde ; et l’on pourrait crever, qu’il n’en branlerait pas. En un mot, il aime l’argent, plus que réputation, qu’honneur et que vertu ; et la vue d’un demandeur lui donne des convulsions. » (Molière, L’Avare II.4) La comparaison de Molière trouve son écho dans l’illustration de Furetière pour le mot « turquerie » : « Manière d’agir cruelle & barbare, comme celle dont usent les Turcs. La cruauté que ce creancier exerce à l’égard de son débiteur est une vraie turquerie » (Furetière sans pag.). 2 En mai 1671, sept mois après la première représentation du Bourgeois genthilhomme, Molière a créé Les Fourberies de Scapin où les galères sont présentes de façon explicite. Dans cette comédie, Scapin, le valet de Léandre, invente une histoire pour tirer de l’argent de Géronte, le père de Léandre. Il explique à Géronte que, pour distraire Léandre, ils ont visité une galère turque où la situation a mal tourné : Cherchant à divertir cette tristesse, nous nous sommes allées promener sur le port. Là, entre autres plusieurs choses, nous avons arrêté nos yeux sur une galère turque assez bien équipée. Un jeune Turc de bonne mine nous a invités d’y entrer, et nous a présenté la main. Nous y avons passé ; il nous a fait mille civilités, nous a donné la collation, où nous avons mangé des fruits les plus excellents qui se puissent voir, et bu du vin que nous avons trouvé le meilleur du monde. […] Pendant que nous mangions, il a fait mettre la galère en mer, et, se voyant éloigné du port, il m’a fait mettre dans un esquif, et m’envoie vous dire que, si vous ne lui envoyez par moi tout à l’heure cinq cents écus, il va vous emmener votre fils en Alger. (Molière, Les Fourberies II.7) La prise en otage de son fils est l’occasion pour Géronte de prononcer plusieurs fois une expression restée célèbre : « Que diable allait-il faire dans cette galère ? » (Molière, Les Fourberies de Scapin II.7). Pourtant, l’histoire 2 Le dictionnaire Le Petit Robert de 2016 cite L’Avare de Molière pour illustrer le vieux sens du mot « Turquerie » : « Caractère ‘turc’, dur, impitoyable. Il est ‘d’une turquerie à désespérer tout le monde’ MOLIERE. » (Le Petit Robert 2646). Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 47 inventée par Scapin n’est pas éloignée du risque réel que couraient les Français sur la mer Méditerranée. Jean Donneau de Visé rapporte souvent dans le Mercure galant des histoires de Français qui ont été prisonniers et esclaves chez les Musulmans 3 : Pour bien connoistre quelle est la douceur de la liberté, il faut avoir éprouvé les rigueurs de l’Esclavage. Les Captifs que les Peres de la Mercy ont rachetez depuis peu, pourroient nous en dire des nouvelles. Les Processions publiques où ils ont paru sur la fin du dernier mois, nous les ont fait voir si contens de leur retour, qu’il estoit facile de juger que le plaisir d’estre libres leur tenoit lieu de la plus haute fortune. (Mercure galant 237-238) L’histoire de Scapin et la réponse répétée de Géronte font rire mais le danger de tomber dans l’esclavage sur une galère était réel. Les références à l’esclavage galérien dans la cérémonie turque du Bourgeois gentilhomme Comme Henri Bergson le rappelle, l’effet comique dépend de plusieurs facteurs, parmi lesquels la complicité du public : Si franc qu’on le suppose, le rire cache une arrière-pensée d’entente, je dirais presque de complicité, avec d’autres rieurs, réels ou imaginaires. Combien de fois n’a-t-on pas dit que le rire du spectateur, au théâtre, est d’autant plus large que la salle est plus pleine ? Combien de fois n’a-t-on pas fait remarquer, d’autre part, que beaucoup d’effets comiques sont intraduisibles d’une langue dans une autre, relatifs par conséquent aux mœurs et aux idées d’une société particulière ? (Bergson 390) Ce que Bergson dit sur les effets comiques d’une langue à une autre vaut également pour le transfert du comique dans le temps. Le Bourgeois gentilhomme fut destiné à un public précis et sa réussite était basée sur des circonstances particulières du lieu et de l’époque. Certaines de ces circonstances se prolongent dans le présent et d’autres non. Dans le cas de la cérémonie turque, il y a plusieurs aspects qui troublent les chercheurs depuis au moins le dix-neuvième siècle, comme en témoigne Pierre Martino en 1911 : On a fait grand bruit, il y a vingt-cinq ans, des intentions secrètes qu’aurait eues Molière, en composant la cérémonie turque du Bourgeois Gentilhomme : Paul de Saint-Victor s’était déjà indigné avec éclat de l’extravagance de 3 Voir aussi Robert C. Davis, Christian Slaves, Muslim Masters, 1500-1800. Houndmills, Basingstoke, Hampshire ; New York, Palgrave Macmillan, 2003. Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 48 cette cérémonie ; M. René de Semallé affirma que Molière avait voulu y parodier la consécration des évêques ; J. J. Weiss, peu après, s’avisa lui aussi du caractère sacrilège de cet intermède ; le scrupuleux éditeur du Molière de la Collection des Grands Écrivains, M. P. Mesnard, a été assez impressionné par ces suggestives inquiétudes pour croire un plaidoyer nécessaire… (Martino 37) Martino, pour sa part, affirme l’influence du chevalier d’Arvieux dans la création de la cérémonie turque et croit discerner en particulier des références au cérémonial de la réception d’un chevalier de Notre-Dame du Mont Carmel : La cérémonie turque, on peut le constater, est donc le résultat d’une combinaison singulière, qui exclut toute intention sacrilège. D’Arvieux n’a rien imaginé, ou presque ; il a tout demandé à sa propre expérience ; il lui fallait un mamamouchi : n’en ayant point rencontré dans le Levant, il déguisa tout bonnement sous une friperie orientale un titre de noblesse français, et il turquisa tant bien que mal le cérémonial de la réception d’un chevalier de Notre-Dame du Mont Carmel : il releva cette mascarade de trois ou quatre traits de mœurs qu’il avait recueillis à Saïda et à Smyrne ; il habilla ses acteurs de costumes turcs, et les fit causer, ou plutôt chanter en un jargon qu’il avait connu à Tunis… (Martino 59-60) Mais les observations de Martino laissent place à d’autres questions impossibles à résoudre car il voit également quelques parallèles entre Monsieur Jourdain et le chevalier d’Arvieux qui s’est anobli lui aussi en devenant une sorte de paladin : Mais on voudrait savoir, et là-dessus les Mémoires [du chevalier d’Arvieux] ne peuvent rien nous dire, quelques-unes de ses pensées, quand il composa cet ingénieux amalgame : on ne l’imagine pas d’esprit assez sceptique et railleur pour croire qu’il a voulu ridiculiser lui-même la manière dont il comptait quitter l’état de bourgeois gentilhomme et recevoir le droit d’« aller de pair avec les plus grands seigneurs de la terre ! » (Martino 60) En 1990, Mary Hossain précise qu’il est plus vraisemblable que le chevalier d’Arvieux ait puisé dans sa propre expérience du cérémonial de réception d’un autre ordre, l’Ordre du Saint-Sépulchre, auquel il fut initié à Jérusalem en 1660, car son initiation à l’ordre de Notre-Dame du Mont Carmel eut lieu trois ans après la création du Bourgeois gentilhomme. Ensuite, Hossain affine l’interprétation de Martino et trouve une solution au problème de la moquerie du chevalier en associant l’influence d’Arvieux à l’intégralité de la pièce : It seems reasonable to see an affinity between the ambitious, impatient and irreverent attitude of the young d’Arvieux and the comic, skeptical vision of Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 49 Molière. Taking into account the Jerusalem episodes, the Soliman Aga interpreting wrangle, and d’Arvieux’s continuing efforts to persuade Colbert that a practical linguist like himself was more useful than an ambassador, his contribution to Le Bourgeois Gentilhomme was probably a genuine collaboration in the whole play, influencing not just the exotic Turkish element, but also the mockery of upstart merchants, inadequate linguists and pretentious scholars. (Hossain 85) Cependant, malgré une spéculation vieille d’au moins cent cinquante ans sur la collaboration du chevalier d’Arvieux à la création de la pièce, aucun chercheur n’a encore fait le lien entre divers aspects de la cérémonie turque et l’expérience quotidienne des Turcs sur les galères à Marseille. En ce qui concerne le chevalier d’Arvieux, l’attention des chercheurs a toujours été attirée par sa connaissance de l’empire ottoman et non pas par sa connaissance de la ville de Marseille. Mais d’Arvieux est originaire de Marseille et il connaît bien le pourtour méditerranéen, les galères, et les esclaves : « Laurent d’Arvieux est né le 21 juin 1635 à Marseille, dans une famille noble ruinée descendant de l’une des branches d’une famille italienne illustre » (Parlea 19). Il fait des études au collège de Marseille, et à partir de 1653, à l’âge de dix-huit ans, il commence à voyager autour de la mer Méditerranée. En 1665 il accompagne M. du Moulin, écuyer de la reine, à Tunis où ils ont pour mission de porter un traité de paix ratifié et de racheter des esclaves français : « De retour à Marseille le 27 août 1666, c’est au chevalier d’Arvieux que reviendra toute la ‘gloire’ d’avoir libéré les esclaves français qui chantent ses louanges » (Parlea 31). Il a gardé ses liens avec la ville de Marseille toute sa vie car il épousa le 12 mai 1690 Marguerite de Fabre, une demoiselle d’une famille d’ancienne noblesse de Marseille (Parlea 39) et meurt en 1702 à l’âge de soixante-sept ans. Quelle que soit l’influence de la participation à la création de la comédie-ballet de Molière et de Lully, il faut dire qu’il connaissait très bien la ville de Marseille, son port et les galères, et il aimait faire rire le roi et son entourage. Dans la cérémonie turque du Bourgeois gentilhomme six éléments sont clairement liés au monde des Turcs de la chiourme : la tête rasée de Monsieur Jourdain, l’usage de la langue franche, le rôle de la religion musulmane, le don d’une galère, le cri du mot « Hou », et la bastonnade. Ces éléments ajoutent une dissonance comique encore plus satirique au spectacle ridicule du bourgeois gentilhomme qui, bien sûr, croit se faire anoblir et non pas asservir. La première référence au monde des galères se trouve dans la didascalie qui indique que Monsieur Jourdain fait son entrée sur scène dans la cérémonie turque la tête rasée. La tête rasée était une référence visuelle claire Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 50 pour ceux qui avaient admiré les galères du roi à Marseille, comme Madeleine de Scudéry (cité ci-dessus). Zysberg nous explique qu’une des premières actions que subissent les nouveaux forçats, comme les autres galériens, était le rasage de la tête : « Les nouveaux forçats ne sont pas encore tout à fait devenus des galériens. On les remet d’abord entre les mains du barberot, le forçat coiffeur et infirmier, qui leur rase intégralement le crâne… » (Zysberg 50). Le détail de la tête rasée de Monsieur Jourdain semble avoir perdu son importance pour les metteurs en scène car ce détail n’est généralement pas respecté dans les représentations de la pièce aujourd’hui. 4 Dans la première édition de la pièce, publiée en 1671 une année après les premières représentations, Molière donne des précisions assez sommaires pour la cérémonie turque : La cérémonie pour ennoblir le Bourgeois se fait en danse et en musique, et compose le quatrième intermède. Le Mufti, quatre Dervis, six Turcs dansants, six Turcs musiciens, et autres joueurs d’instruments à la turque, sont les acteurs de cette cérémonie. Le Mufti invoque Mahomet avec les douze Turcs et les quatre Dervis ; après on lui amène le Bourgeois, vêtu à la turque, sans turban et sans sabre, auquel il chante ces paroles… (Molière, éd. Pléiade 769) Dans l’édition de 1682 on explique davantage les détails visuels sur scène et on lit pour la première fois la précision que Monsieur Jourdain arrive sur scène rasé : Six Turcs dansant entre eux gravement deux à deux, au son de tous les instruments. Ils portent trois tapis fort longs, dont ils font plusieurs figures… le Mufti est debout au milieu, qui fait une invocation avec des contorsions et des grimaces, levant le menton, et remuant les mains contre sa tête, comme si c’était des ailes. […] puis ils se lèvent tous, chantant Alla ekber. Alors les Derviches amènent devant le Mufti le Bourgeois vêtu à la turque, rasé, sans turban, sans sabre, auquel il chante gravement ces paroles… (Molière, éd. Pléiade 1432) Le fait que l’édition de 1682 ajoute des éclaircissements démontre probablement qu’on commençait à perdre le souvenir des premières représentations de la comédie-ballet du temps du vivant de Molière. Dans une édition de 1910 on explique encore plus clairement que Monsieur Jourdain entre la tête rasée au moment de la cérémonie turque : « MONSIEUR JOURDAIN vêtu à la turque, la tête rasée, sans turban et sans sabre » (Molière, éd. Louandre 504). Ce détail aurait démarqué le Turc immédiatement comme 4 Je n’ai pas pu trouver dans mes recherches un seul exemple d’une représentation du Bourgeois gentilhomme où Monsieur Jourdain entre la tête rasée pour la cérémonie turque. Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 51 Turc esclave sur une galère pour ceux qui connaissaient le monde maritime du XVII e siècle. La deuxième référence liée aux galères est la langue utilisée par les Turcs et traduite par Covielle dans la cérémonie. C’est la langue franche, comme l’explique Couton pour l’édition de la Pléiade en citant le dictionnaire de Furetière, sans chercher à expliquer pourquoi Molière aurait choisi de faire parler les Turcs en langue franche (Molière, éd. Pléiade 1425). Après tout, le chevalier d’Arvieux parlait Turc aussi et il aurait pu contribuer à créer une cérémonie en Turc s’il avait voulu. Mais la langue franche est la langue du commerce de la Mer Méditerranée, ce qui veut dire qu’elle est aussi la langue des ports méditerranéens, des marchés d’esclaves et des galériens : « La Langue franche ou Langage Franc, est un jargon qu’on parle sur la Mer Méditerranée, composé du François, Italien, Espagnol & autres langues, qui s’entend par tous les Matelots & Marchands de quelque nation qu’ils soient » (Furetière sans pag.). 5 La troisième référence est la religion musulmane. Le premier renseignement que le Mufti demande à propos de Monsieur Jourdain est de savoir de quelle religion il est. Dans l’édition de 1671 il y a simplement une didascalie : « Le Mufti demande, en même langue, aux Turcs assistants de quelle religion est le Bourgeois, et ils l’assurent qu’il est mahométan » (Molière, éd. Pléiade 770). Dans l’édition de 1681 le dialogue comique entre le Mufti et les Turcs assistants a été ajouté, dans lequel plusieurs sectes et hérésies sont énumérées avant de confirmer la religion « Mahametanta » de Monsieur Jourdain (Molière, éd. Pléiade 1433). Dans le contexte des galères, la majorité des esclaves étaient musulmans et ce facteur légitimait en quelque sorte l’esclavage des galériens. En même temps, on travaillait pour la conversion de la chiourme depuis longtemps, pour sauver des âmes et pour la gloire de Louis XIV : Eslaves turcs were critical to chivalric self-perception, not only in their association with formidable Ottoman and Moroccan adversaries but also in their status as nonbelievers whose souls, too, needed conquering. Members of the galley corps waged this spiritual battle both at sea, via chaplains who accompanied the fleet on maritime operations, and on land, during the many months of the year that galleys spent at port. In fact, urban rituals 5 Mary Hossain pour sa part remarque la langue utilisée dans la cérémonie turque et propose que l’inspiration venait peut-être du chevalier d’Arvieux inspiré par la cérémonie de l’ordre du Saint Sépulchre à Jérusalem, tout en admettant que cette langue est reconnaissable comme « the sabir spoken in parts of North Africa » (Mary Hossain, « The Chevalier d’Arvieux and ‘Le Bourgeois gentilhomme’, Seventeenth-Century French Studies, 12 (1990), 78). Mais elle ne fait pas le lien entre le lieu géographique et les galères. Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 52 centering on the conversion of esclaves turcs had drawn crowds in Marseille long before Louis XIV’s and Colbert’s efforts to accumulate Muslim rowers. (Martin 135) En quatrième lieu, dans la cérémonie turque Molière fait une référence spécifique aux galères. Lorsque le Mufti prie Mahomet il lui demande de donner à Monsieur Jourdain un turban et un cimeterre avec galère et brigantine 6 pour défendre la Palestine : Mahameetta per Giourdina Mi pregar sera é mattina : Voler far un Paladina Dé Giourdina, dé Giourdina. Dar turbanta, é dar scarcina, Con galera é brigantina, Per deffender palestina, Mahametta, etc. (Molière, éd. Pléiade 770) La prière pour le don d’une galère n’est pas métaphorique ici, ni nostalgique pour un passé lointain puisque Louis XIV et Colbert sont actuellement en train de renforcer la flotte des galères françaises. La cinquième référence dans la cérémonie turque qui fait écho aux galères est le mot « Hou » 7 . Selon la didascalie de l’édition de 1682 le Mufti répète plusieurs fois en criant le mot « Hou » et les Turcs assistants chantent le mot « Hou » par répétition de trois : les deux autres Derviches amènent le Bourgeois, […] et le font mettre à genoux le dos tourné au Mufti, puis, le faisant incliner jusques à mettre ses mains par terre, ils lui mettent l’Alcoran sur le dos, et le font servir de pupitre au Mufti, qui fait une invocation burlesque, fronçant le sourcil, et ouvrant la bouche, sans dire mot ; puis parlant avec véhémence, […] et finit enfin en levant les bras, et criant à haute voix : Hou. Pendant cette invocation, les Turcs assistants chantent Hou, hou, hou, s’inclinant à trois reprises, puis se relèvent de même à trois reprises, en chantant Hou, hou, hou, et continuant alternativement pendant toute l’invocation du Mufti. (Molière, éd. Pléiade 1434) 6 Selon Furetière, un brigantin « est un vaisseau de bas bord, qui va à voiles & à rames, & qui est sans couverte. Il a jusqu’à dix ou douze rames de chaque costé, & n’a qu’un rameur à chaque rame. Les Corsaires s’en servent ordinairement pour aller en course, parce qu’il est leger, & que chaque matelot y est soldat » (Furetière sans pag.). 7 Martino pense que les cris de « Hou » et de « Allah » viennent de ce que le chevalier d’Arvieux aurait pu entendre parler des prières des derviches qui sont décrites dans l’œuvre de Mouradjea d’Ohsson, Tableau général de l’empire othoman publié en 1787-1820 (Martino 50). Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 53 Or à Marseille les jours de réjouissance, de réception ou de parade, les galères se transformaient pour recevoir leurs visiteurs que l’on voulait impressionner : Ces jours-là, le capitaine ordonne à son comite de préparer son bâtiment afin de recevoir avec toute la magnificence possible des visiteurs de marque : membres de la famille royale, dignitaires de la Cour, ministres, princes étrangers ou ambassadeurs, sans oublier les propres amis et parents du commandant de la galère. (Zysberg, Les galériens 57) Les galères étaient nettoyées, repeintes et redorées pour paraître avec splendeur. La chiourme jouait aussi un rôle important dans ce spectacle, par son apparence soignée comme par le devoir d’accueillir les visiteurs en criant le mot « Hou » un certain nombre de fois : comme par enchantement, les forçats qui attendaient le renouvellement de leur ‘trousseau’ reçoivent des tenues flamant neuves… Revêtus de leur casaque écarlate, le crâne et le poil rasés par le barberot, les forçats et Turcs de la Superbe, de la Madame ou de la Galante sont prêts à saluer les hôtes de leur capitaine en criant une, deux ou trois fois “Hou! ” selon la qualité du visiteur. (Zysberg, Les galériens 57-58) Le sixième détail essentiel de la cérémonie turque qui évoque les galères est la bastonnade : Le Mufti commande aux Turcs de bâtonner le Bourgeois, et chante les paroles qui suivent : LE MUFTI Dara, dara, Bastonnara, bastonnara. Les Turcs répètent les mêmes vers, et lui donnent plusieurs coups de bâton en cadence. (Molière, éd. Pléiade 771) La bastonnade trouve sa place dans beaucoup de traditions, en Turquie comme à la Comédie Française, comme l’explique Martino : [La bastonnade] n’a rien de religieux, ni d’honorifique ! - C’est un des traits de mœurs turques qui reviennent le plus souvent dans les Mémoires du Chevalier d’Arvieux ; en outre, le bâton s’accommodait bien aux usages de la comédie française, pour figurer en bonne place parmi « les manières des Turcs ». À en croire d’Arvieux, la bastonnade, en Turquie, sert à corriger les ivrognes, à châtier les marchands qui vendent à faux poids, à punir les mauvais payeurs, à faire verser les impôts aux Juifs ; mais elle n’est pas qu’un châtiment, elle est employée à guérir de la goutte et à chasser la folie ; elle joue un rôle important dans les cérémonies du mariage à Alep. (Martino 50-51) Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 54 Donc la bastonnade est une action ambiguë selon les mœurs turques rapportées par le chevalier d’Arvieux dans ses Mémoires. Mais à Marseille la bastonnade était une punition banalisée pour la chiourme. C’était à la fois la façon préférée des capitaines de tenir en respect les rameurs et l’occasion de donner la chiourme en spectacle : Il y avait bastonnade et bastonnade. Le chef d’escadre distinguait les coups distribués sans jugement par les comites et les argousins, de la bastonnade proprement dite, le « petit châtiment ordinaire » des galères, qui nécessitait l’ordre d’un capitaine ou du major. Cette bastonnade-là s’infligeait au moyen d’un cordage, et non d’un bâton. Pourquoi ce terme de « bastonnade » ? Sans doute parce que la corde qui servait d’instrument à ce supplice s’appelait le « gourdin », et que les gens de galère l’avaient ainsi dénommée en raison de son usage punitif. Car il s’agissait bien d’un supplice, avec son rituel, son bourreau - un Turc, son échafaud - le coursier ou la coupée médiane de la galère, et ses spectateurs : la chiourme, côté mer, et les Marseillais agglutinés sur le quai ou penchés à la fenêtre de leur maison, du côté de la ville, quand la bastonnade se donnait au port. (Zysberg, Les galériens 168) Tous ces éléments, à commencer par la tête rasée de Monsieur Jourdain, puis la langue franche, la religion musulmane, la prière pour avoir une galère, le mot « Hou », et enfin la bastonnade, rapprochent le bourgeois gentilhomme des galères et l’éloignent du statut noble espéré. Quand un homme ridicule cherche à se rendre Turc à la cour de Louis XIV, il court le risque de se trouver Turc sur les galères du roi. Bergson explique la stratégie pour créer une disposition de caractère idéalement comique. Il faut que celui qui possède la qualité visée sur scène ne s’en rende pas compte, mais la qualité risible est évidente à tous les autres pour provoquer le rire : Il la faudra profonde, pour fournir à la comédie un aliment durable, superficielle cependant, pour rester dans le ton de la comédie, invisible à celui qui la possède puisque le comique est inconscient, visible au reste du monde pour qu’elle provoque un rire universel, pleine d’indulgence pour elle-même afin qu’elle s’étale sans scrupule, gênante pour les autres afin qu’ils la répriment sans pitié… (Bergson 469) Il semble de toute évidence que dans le Bourgeois gentilhomme de Molière la première catégorie de personnes ciblées par la comédie est celle des bourgeois de la société française. Alain Niderst mentionne l’argument de Jean Marion qui croit que Molière se moquait de Colbert, car Colbert était lui aussi fils de drapier comme Monsieur Jourdain. Mais Niderst souligne que les bourgeois sont les premiers visés et il semble condamner les bourgeois comme dignes d’une correction comique : « Dans Le Bourgeois Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 55 gentilhomme se retrouve peut-être une caricature de Colbert, mais plus profondément une dénonciation de la stupide vanité des bourgeois enrichis, voués à sombrer dans toutes les folies et à céder à tous les escrocs » (Niderst 322 8 . Cependant, pour que la pièce réussisse, les bourgeois dans le public ne devaient pas s’identifier à Monsieur Jourdain. C’est en effet ce qui s’est passé selon Grimarest qui décrit la réception de la pièce par les bourgeois au temps de Molière : « chaque bourgeois y croyait trouver son voisin peint au naturel » (cité dans Couton 700). Pour Fernandez, c’est la qualité caricaturale du personnage qui permet à chacun d’en rire : « La caricature théâtrale fournit au spectateur un alibi qui lui permet de rire sans gêne, de dominer le sujet de haut » (Fernandez 213). Il y a donc une opacité dans le comique car, si chaque spectateur est sûr de voir les faiblesses de son voisin représentées sur scène, chacun doit rester aveugle envers ses propres faiblesses pour jouir de l’effet comique. La situation est paradoxale alors, car les meilleurs effets comiques doivent sembler complètement transparents pour les spectateurs qui en même temps ne s’y reconnaissent pas. C’est cette transparence du comique visuel que Fernandez loue dans Le Bourgeois gentilhomme : Chaque scène du Bourgeois est une démonstration, merveilleusement juste et gaie, d’un trait de caractère ou de sentiment, réduit aux lignes essentielles. Et ces lignes sont rendues sensibles par des jeux de théâtre qui annoncent les figures du ballet. La transparence est extraordinaire : le sens nous parvient par les sens directement, sans discours. (Fernandez 220) La tête rasée de Monsieur Jourdain était un signe visuel que les spectateurs auraient remarqué tout de suite en le voyant arriver sur scène pour se faire « Turc ». Aucun discours n’était nécessaire pour que chacun comprenne que Monsieur Jourdain risquait de se faire piéger et embarquer par les Turcs, s’ils avaient été vraiment Turcs. C’est l’idée qui est reprise par Scapin dans son histoire inventée à propos de Léandre dans Les Fourberies de Scapin. Monsieur Jourdain est clairement dupe du stratagème de Covielle qui permet le mariage de Lucile et Cléonte, déguisé en fils du Grand Turc. Les effets comiques sont plus forts quand on imagine qu’il aurait pu être assez dupe pour se rendre esclave sur une galère turque. 8 Pour le résumé de l’argument de Jean Marion (1938), voir Alain Niderst, Molière, Paris, Perrin, 2004, p. 278). Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 56 L’esclavage métaphorique Comme nous l’avons déjà dit, il y a un côté opaque de la comédie. Le comédien qui se moque d’une partie de la société à son insu est aussi capable de se moquer d’une autre partie du public à son insu. Molière faisait-il ici un commentaire sur la situation des nobles de la cour qui avaient perdu une grande partie de leur autonomie sous le règne de Louis XIV ? En illustrant le mot « esclavage » Furetière écrit une observation lucide à propos des nobles de la fin du XVII e siècle : « Les ambitieux qui suivent la Cour sont dans un vray esclavage » (Furetière sans pag.). Molière y pensait-il ? Un aspect du génie comique de Molière est la multiplicité des interprétations possibles. Dans La riposte de Molière Paul Audi déclare que Molière est « la démonstration éclatante » du principe du jeu d’ambivalences évoqué par René Girard à propos de William Shakespeare : Dans le théâtre londonien du début du XVII e siècle, […] on ne pouvait pas se permettre de déplaire au grand public - simple problème de survie -, on se devait de respecter, du moins en apparence, les préjugés de la foule. Les vrais écrivains veulent échapper à cette formidable contrainte ; ils s’efforcent souvent d’écrire à la fois pour le grand nombre et pour les happy few. Par le jeu des ambivalences, ils rendent leurs œuvres acceptables pour les deux publics simultanément. (Cité dans Audi 107) Dans la première scène du Bourgeois gentilhomme un élève du Maître de musique compose un air à la demande du Bourgeois pendant que les deux Maîtres se débattent des rapports entre mécènes et artistes. Le Maître de Musique est content d’être payé mais le Maître à Danser espère mieux : MAÎTRE DE MUSIQUE : Nous avons trouvé ici un homme comme il nous le faut à tous deux ; ce nous est une douce rente que ce Monsieur Jourdain, avec les visions de noblesse et de galanterie qu’il est allé se mettre en tête ; et votre danse et ma musique auraient à souhaiter que tout le monde lui ressemblât. MAÎTRE À DANSER : Non pas entièrement ; et je voudrai pour lui qu’il se connût mieux qu’il ne fait aux choses que nous lui donnons. […] Il y a plaisir, ne m’en parlez point, à travailler pour des personnes qui soient capables de sentir les délicatesses d’un art, qui sachent faire un doux accueil aux beautés d’un ouvrage, et par de chatouillantes approbations vous régaler de votre travail. (Molière, éd. Pléiade 712-713) Or, il y a un parallèle avec Molière qui a écrit la comédie du Bourgeois gentilhomme avec Lully à la demande du roi, tout comme l’élève écrit à la Le Bourgeois gentilhomme, les Turcs et la galère PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 57 demande du bourgeois dans la comédie-ballet. Molière aussi était fils de bourgeois, comme le rappelle René Bray dans son éloge : Molière fut un excellent acteur aussi bien qu’un éminent directeur de théâtre. Sa vocation ne l’avait pas trompé. Dans son travail de chef de troupe, dans ses relations avec les auteurs, devant le public de la Ville et celui de la Cour, sur la scène enfin, il se révéla doué des qualités majeures dont sa profession lui imposait l’usage. Son tempérament, son énergie, son intelligence, sa souplesse de caractère, son habilité manœuvrière, son génie comique, tout, jusqu’à ses défauts, mués en qualités, tout contribua à faire de ce fils de bourgeois un grand comédien. (Bray 205) Molière pensait-il alors à son propre esclavage métaphorique ? Car le comédien était obligé de plaire aux goûts du roi et de la cour s’il voulait garder le soutien royal. Le débat entre le Maître de Musique et le Maître à Danser dans la première scène du Bourgeois gentilhomme évoque tout le dilemme des grands artistes qui aimeraient se produire seulement pour la gloire et les applaudissements des initiés, mais qui se trouvent obligés de plaire à celui ou ceux qui les soutiennent financièrement. Conclusion La réalité des galères était bien connue pour le premier public du Bourgeois gentilhomme, pour les Français qui voguaient sur la mer Méditerranée et qui risquaient de se retrouver esclaves sur les galères musulmanes, comme pour ceux qui avaient visité la ville de Marseille et qui considéraient les galères du roi comme un beau spectacle qu’on admirait en se promenant au port. Le roi lui-même, qui demanda à Molière et à Lully une comédieballet au sujet des Turcs de l’empire ottoman, s’occupait de trouver des esclaves Turcs pour la chiourme royale. Alors, quand Monsieur Jourdain entre sur scène pour la cérémonie turque, la tête rasée, il est clair que Molière fait jouer les ambivalences du mot « Turc » pour y ajouter une couche comique. Le spectateur rit de cette caricature d’un bourgeois prêt à tout pour s’anoblir, jusqu’à se trouver, à son insu, esclave sur une galère. Oubliés pendant trop longtemps par la critique littéraire, les esclaves turcs et les galères sont une référence clé dans la cérémonie turque du Bourgeois gentilhomme de Molière. Bibliographie Arvieux, Laurent d’. Mémoires du chevalier d’Arvieux, envoyé extraordinaire du roy à la Porte, Consul d’Alep, d’Alger, de Tripoli, & autres Echelles du Levant, tome IV, éd. Jean-Baptiste Labat, Paris, chez Charles-Jean-Baptiste Delespine le fils, 1735. Jolene Vos-Camy PFSCL L, 98 DOI 10. / PFSCL-2023-0003 58 Audi, Paul. La riposte de Molière, Lagrasse, Verdier, 2022. Bergson, Henri. Le Rire. Essai sur la signification du comique, Œuvres, éd. Henri Gouhier, Paris, Presses Universitaires de France, 1959, 381-485. Boyer, Pierre. « La chiourme turque des galères de France de 1685 à 1687 », Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, n°6 (1969), 53-74. Bray, René. Molière, Homme de théâtre, Paris, Mercure de France, 1954. Conley, John. “Madeleine de Scudéry”, The Stanford Encyclopedia of Philosophy, Fall 2019, éd. Edward N. Zalta. En ligne. Couton, Georges. « Notice », Le Bourgeois gentilhomme, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1971, vol. II, 695-702. Fernandez, Ramon. Molière ou l’essence du génie comique, Paris, Grasset, 1979. Furetière, Antoine. Dictionnaire universel, La Haye, Rotterdam, 1690, Paris, Le Robert, 1984. Hilton, Lisa. 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