eJournals Papers on French Seventeenth Century Literature 50/99

Papers on French Seventeenth Century Literature
pfscl
0343-0758
2941-086X
Narr Verlag Tübingen
10.24053/PFSCL-2023-0024
121
2023
5099

Sebastian Lang : Gottes Werk im Handeln des Menschen. Deutungen des Lebens Jesu im Frankreich der ersten Hälfte des 17. Jahrhunderts. Münster, Aschendorff, « Frankfurter theologische Studien, 79 », 2021. 325 p.

121
2023
Volker Kapp
pfscl50990343
Comptes rendus PFSCL L, 99 DOI 10. / PFSCL-2023-0024 343 Sebastian Lang : Gottes Werk im Handeln des Menschen. Deutungen des Lebens Jesu im Frankreich der ersten Hälfte des 17. Jahrhunderts. Münster, Aschendorff, « Frankfurter theologische Studien, 79 », 2021. 325 p. Cette étude est une thèse de doctorat en théologie dont l’argument concerne un domaine exploité par beaucoup de critiques littéraires. Elle met au centre de la réflexion les propos de Pierre de Bérulle sur la vie de Jésus et explore les rapports de la théologie de la première moitié du XVII e siècle français avec ses idées novatrices. Cette optique est bien justifiée par la nouveauté de sa présentation de la vie de Jésus, élément primordial du christianisme dont la théologie avait toutefois du mal à éclairer les principes puisque, dès les débuts de l’Église, les différentes hérésies nécessitaient une réfutation des efforts aberrants déployés pour comprendre le personnage et sa doctrine. L’intérêt principal de ce livre provient de son appartenance à la discipline théologique pour laquelle les éléments doctrinaux sont au premier plan tandis que les multiples études littéraires consacrées à Bérulle peuvent isoler certains détails des énoncés de l’auteur de ce contexte. Lang aurait pu intituler son livre ‘le retentissement de Bérulle dans la première moitié du XVII e siècle français’, au lieu ‘d’explications de la vie de Jésus’. Son ambition est de fournir une synthèse des études d’une époque marquée par les vues et l’action de Bérulle et de familiariser le lecteur allemand avec les travaux remarquables des spécialistes internationaux en ce qui concerne la présentation de la vie de Jésus en France. Il maîtrise bien la masse impressionnante des données. Les spécialistes les plus importants et leurs publications abondantes sont évoquées et citées en notes dans lesquelles le français prédomine grâce au fait que Lang reproduit toujours les sources bien choisies sur lesquelles se basent ses développements dans le texte allemand. Bérulle se sert surtout du français sans contester la domination du latin dans l’enseignement de la première moitié du siècle. Aussi les citations latines prédominent-elles dans les parties analysant l’enseignement de la théologie scolastique. Le critique littéraire est surpris du « glossaire des personnes » (« Personenglossar », 273-284) où sont notés la date de la vie de chaque personnage ainsi que quelques articles d’encyclopédies qui leur sont consacrés. Leurs œuvres sont enregistrées ensuite (286-289) ainsi que les études citées (289-323). Grâce aux notes, ceux qui ne maîtrisent pas l’allemand, peuvent vérifier facilement la pertinence de l’exposé. Cette structure du livre justifie notre effort d’attirer, dans cette revue, l’attention sur cet ouvrage qui, mettant Bérulle et son influence en son centre, englobe toute la civilisation française de la première moitié du XVII e siècle. Le critique littéraire pourra sauter la première partie (1-74) consacrée à l’horizon herméneutique de cette analyse qui dresse un panorama allant de Comptes rendus PFSCL L, 99 DOI 10. / PFSCL-2023-0024 344 saint Augustin et de saint Thomas d’Aquin aux travaux traitant de Jésus, publiés entre les deux guerres mondiales. Il aimerait toutefois approfondir le renvoi (13-14) à Wilhelm Geerlings (Christus exemplum. Studien zur Christologie und Christusverkündigung Augustins, Mainz 1978) et à Peter Günzel (Christologie im Kontext. Zur rhetorischen Struktur christologischer Texte bei Augustinus von Hippo, Würzburg 2019), qui mettent la christologie augustinienne en rapport avec la théorie oratoire, surtout de l’exemplum, démarche peu exploitée par les rhétoriciens analysant l’influence d’Augustin sur la rhétorique et particulièrement sur l’art de la prédication au XVII e siècle. Malheureusement Lang n’approfondit pas cet aspect dans sa présentation de l’attention consacrée au personnage du Christ, mais les critiques pourraient probablement profiter des études théologiques qu’il évoque. Bérulle est au centre de la deuxième partie (75-165) divisée en une analyse d’histoire théologique de son œuvre (« Theologiegeschichtliche Analyse ») et de son influence sur Charles de Condren et Jean-Jacques Olier ainsi que sur Saint-Cyran et Port-Royal. Les parties cinq et six du livre présentent le contexte qualifié par l’auteur de « scientifique et académique » (« wissenschaftlich-akademischen Kontext », 166-218) et de « spirituel et pastoral » (« spirituellen und pastoralen Kontext », 219-262). Le statut du contexte académique, que les critiques littéraires ont peu approfondi, est abordé ces derniers temps par Silvio Hermann de Franceschi qui se penche plus sur la deuxième que sur la première moitié du siècle sans négliger cette dernière époque. Lang ignore les études de Franceschi, et c’est une lacune regrettable dans sa documentation très riche. Bérulle retient le nom de Jésus pour la congrégation de prêtres qu’il fonde et l’élève ainsi en modèle de la prêtrise tandis que les ordres existants préféraient couramment le nom de leur fondateur (80). Il est influencé par Denis Aréopagite, dont les théologiens de l’époque soulignent le lien avec la France. Ses écrits centrés sur le Christ, surtout sa Grandeur de Jésus (1623), entrent dans la catégorie des ouvrages spirituels (83) sans développer une « christologie systématique » (« systematische Christologie », 103). Il insiste sur la divinité du Christ en se basant sur la terminologie du concile de Chalcédoine mais récuse l’accusation de monophysisme en exaltant ce que la deuxième personne divine a fait pour la rédemption de l’humanité (111). Selon Lang, après sa mort, les efforts des oratoriens pour le faire ériger en saint ont échoué parce qu’une partie de son héritage avait des affinités avec le jansénisme (126). Rien d’étonnent dès lors, que sa présentation de Charles de Condren (127-130) et de Jean-Jacques Olier (131-136) soit plus brève que celle de Saint-Cyran (136-156). L’organisation de l’enseignement théologique est évoquée par Lang pour éclairer l’attention consacrée à Jésus. La théologie positive de Denis Petau Comptes rendus PFSCL L, 99 DOI 10. / PFSCL-2023-0024 345 (175-177) s’enracine encore dans l’héritage de l’humanisme, mais les ordres religieux, surtout les jésuites et les dominicains, adhèrent plus à la théologie scolastique qu’à la Bible. La création de « professeurs royaux » (Lang écrit « royales ») (168) renforce l’influence de Duns Scotus en tant que concurrent de Thomas d’Aquin. Charles-François d’Abra de Raconis s’en inspire particulièrement (192-194). Pour un théologien, les professeurs de la Sorbonne importent plus que pour les critiques littéraires. Pierre de Gamaches et Nicolas Ysambert commentent les parties de la Somme théologique de Thomas d’Aquin traitant du Christ en s’intéressant moins au rapport des deux natures formant sa personne qu’à l’importance de l’hypostase divine pour la nature humaine (185). Eustache de Saint-Paul reste plus fidèle à Thomas d’Aquin et organise ses développements en adoptant la structure de la Philothée de François de Sales (190). La partie consacrée à François de Sales (220-225) note que la christologie lui importe moins qu’à Bérulle (222). On lit avec intérêt la mise en relief des nuances qui détachent les scolastiques du XVII e siècle de leurs maîtres du Moyen Age. La présentation de la théologie en français ne peut contourner François Garasse (205-212) que le critique littéraire connaît en tant que polémiste mais dont Lang analyse les Éloges d’honneur donnez à Jésus Christ par le S. Esprit : de ses Mystères, de ses Miracles, & de ses Actions capitales du troisième livre de sa Somme théologique (1625). Plus que Bérulle, Louis Bail (213-217) met au premier plan « l’exemplarité de l’action du Christ » (« die Beispielhaftigkeit des Handelns Jesu », 217) en adaptant la Summa theologica de Thomas d’Aquin aux besoins de la prière dans La Théologie affective (1638-1650, 4 vol.). Richelieu entre dans le domaine par son Traité de la perfection du chrétien (225-227), mais Amable Bonnefon (227-230), Louis Lallement (230- 25) et Séverin Rubéric (225-239) importent plus. La prédication est illustrée par Pierre de Besse (240-247). Le domaine spécifiquement littéraire n’est pas non plus ignoré. Même chez Jean-Pierre Camus, le roman ne thématise pas explicitement la vie de Jésus, dont s’inspirent les poètes Jean de La Ceppède (248-253), Anne Picardet (253-256) et Robert D’Andilly (256-260). Mais Bérulle reste marginal chez ces auteurs et Lang n’apporte rien de nouveau aux études consacrées à leurs poésies. La conclusion sommaire (263-271) relève de nouveau plus du domaine de la théologie que de la critique littéraire. Volker Kapp