eJournals Vox Romanica 82/1

Vox Romanica
vox
0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.24053/VOX-2023-018
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2023
821 Kristol De Stefani

Nina Mueggler, «Bon pays de France». Enjeu national et joutes poétiques sous le règne de François Ier, Genève (Droz) 2023, 616 p. (Cahiers d’Humanisme et Renaissance 190)

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2023
Catherine M. Müllerhttps://orcid.org/0009-0004-0422-0470
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353 DOI 10.24053/ VOX-2023-018 Vox Romanica 82 (2023): 353-355 Besprechungen - Comptes rendus sur la transmission du texte et les particularités de cette version française relativement peu répandue. Il faut accorder ici une mention toute spéciale aux Presses Inverses, éditrices de cet ouvrage qui, en dépit de son prix modique et de ses dimensions modestes (16 x 22,7 cm), est un véritable livre d’art: l’élégance de la typographie rend la lecture constamment agréable et met en valeur les nombreuses illustrations, magnifiquement reproduites, tirées pour l’essentiel du manuscrit de Sion, mais comprenant également quelques échantillons du manuscrit de Reims, qui permettent la comparaison avec le manuscrit valaisan, ainsi que des images liées à la famille Supersaxo et à leur demeure sédunoise dont est en particulier reproduit le fameux plafond sculpté. Le résumé de chacun des six âges est ponctué par des clichés successifs déroulant le rotulus sur fond noir. Enfin, véritable tour de force, l’intégralité du document est reproduite sur la tranche du volume qui permet ainsi d’en donner une vision complète quoique, naturellement, illisible à cette échelle. Un bel hommage à un joyau du patrimoine manuscrit de Suisse. Alain Corbellari (Université de Lausanne/ Université de Neuchâtel) https: / / orcid.org/ 0000-0002-0476-6797 ★ n ina m ueGGler , «Bon pays de France». Enjeu national et joutes poétiques sous le règne de François I er , Genève (Droz) 2023, 616 p. ( Cahiers d’Humanisme et Renaissance 190). Cette étude fondatrice, d’une maturité et d’une érudition exceptionnelles, surprend du début à la fin par sa finesse et sa cohérence. On peine à croire qu’il s’agit là d’un premier essai, tant l’analyse approfondie et contextualisée de chacune des œuvres de cet immense corpus réussit à tisser des liens intertextuels sans perdre aucunement le sens de l’ensemble ou le recul critique. La gageure était assurément de veiller à ce que «l’enjeu national» ne devienne pas une grille de lecture généralisante et simplificatrice où la spécificité de chaque composition serait diluée. Défi relevé haut la main, puisque le regard de Nina Mueggler ne force jamais le trait ni ne tombe dans la facilité. Tout en nuance et en subtilité, son parcours à travers ces joutes poétiques offre un éclairage pionnier à la fois sur les textes considérés et sur le règne de François I er , et ceci avec une concision admirable: rien à retrancher, pas d’ennui! Aussi bien dans l’introduction et la conclusion générales que dans les sections introductives et conclusives des quatre parties (et des chapitres qui les composent), le propos est à chaque fois relancé et remodelé avec brio, sans aucune redite, avec une parfaite unité de style et de ton. En bref, un pur plaisir pour la communauté scientifique, et l’on se réjouit qu’un tel tour de force ait été récompensé du prix de la relève du Collegium Romanicum helvétique. Nos plus vives félicitations à l’autrice! L’introduction, fort élégante, définit l’enjeu national au moyen de cinq clés d’entrée: le roi (c’est-à-dire la personne royale dans son interaction avec l’Église, le Parlement de Paris, la chancellerie, les pouvoirs locaux, sa sœur Marguerite de Navarre), la religion, la géographie, la hiérarchie sociale et la langue. 354 DOI 10.24053/ VOX-2023-018 Vox Romanica 82 (2023): 353-355 Besprechungen - Comptes rendus Dans la première partie intitulée « Fleurs de poésie françoyse . De l’ailleurs à la France, de la cour à la ville», la chercheuse examine avec acuité ce «recueil entre deux mondes» de 1534 dans son aspect double et polyphonique pour cerner l’identité nationale et la sociabilité (voire la familiarité) sous le règne de François I er . D’une manière particulièrement convaincante, elle s’intéresse aux relations géographiques (entre le corpus qui provient d’Italie ou de Bourgogne et les compositions françaises; entre la cour et la ville) et historiques (la filiation entre les poètes patrimoniaux et les modernes). À ce sujet, une excellente connaissance de la littérature du XV e siècle lui permet de souligner les effets de dialogue, de «réactivations» et de continuité (politiques et poétiques) entre Moyen Âge et Renaissance. La seconde partie conjugue une attention minutieuse aux particularités locales avec une vision panoramique capable de saisir cette «France poétique en mouvement» (p. 314). Comme l’indique son titre «Blasons anatomiques, corps social, régional et national», le genre du blason est reconsidéré de façon novatrice à travers des notions d’allégeances, d’identités et de connivences, toujours mouvantes et situées. Par conséquent, l’écueil d’une compréhension polarisée ou binaire de ces concours-querelles est évité grâce à une lecture sensible aux jeux intertextuels, aux situations d’énonciations, aux constructions poétiques de soi et aux mises en scène de tous les acteurs impliqués dans la diffusion publique. D’un bout à l’autre de l’ouvrage, les transitions sont soignées, ce qui rend l’agencement des chapitres extrêmement parlant. C’est donc en toute logique que l’on aborde maintenant la fameuse querelle entre Clément Marot et François Sagon. Le sous-titre «À chacun sa nation» annonce que la nouveauté de cette troisième partie sera d’appréhender l’affrontement de ces deux clans par le biais de paramètres moins restreints que ceux de l’individu ou du religieux, habituellement considérés. Les cinq caractéristiques annoncées en introduction seront essentielles ici pour rendre manifeste que «[l]a nation française, alors en cours de définition, est […] mobilisée sous toutes ses facettes, combinées à l’envie au gré des libelles et selon les besoins de la démonstration» (p. 471). Il est appréciable que la nuance soit une fois encore convoquée pour ne pas laisser les caricatures nous berner et pour souligner non seulement «la réversibilité systématique des arguments avancés» (p. 471) (puisque «[d’]un clan à l’autre, tous les moyens sont bons pour faire concorder les trajectoires individuelles à la fortune de la nation», p. 472), mais encore les affinités poétiques entre les sagontins et les marotins. Cette méfiance face aux polarisations des discours et aux simplifications outrancières typiques de certaines joutes idéologiques se retrouve dans la passionnante quatrième partie consacrée à la «Querelle des amies». Une compréhension des enjeux du Débat sur le Roman de la Rose de Christine de Pizan - «la querelle-mère» sur la base de laquelle la «Querelle des femmes» a émergé - puis une analyse du contexte précis de chaque œuvre de la «Querelle des amies» déconstruisent les positionnements figés et les attitudes de mauvaise foi typiques du genre satirique et montrent que les arguments polémiques des jouteurs sont le plus souvent réversibles. De surcroît, l’interrogation dans l’intitulé «La nation en creux? » est bienvenue et rafraichissante, sachant que les questions politiques, sociales, économiques, philosophiques, patrimoniales, nationales, religieuses et langagières, sous-jacentes à la problématique amoureuse, ont fréquemment été reléguées au second plan par la critique. Un des intérêts de 355 DOI 10.24053/ VOX-2023-019 Vox Romanica 82 (2023): 355-358 Besprechungen - Comptes rendus cette partie est par exemple de comprendre dans quelle mesure une thématique centrale à l’identité nationale française telle que la libéralité peut entrer en résonnance avec des motifs comme l’argent, la liberté, le mariage, le statut social. Par ailleurs, la prise en compte diversifiée du rapport de rivalité, de dialogue ou de «co-élaborations» - entre productions internationales (par ex. italiennes), régionales et nationales, entre textes patrimoniaux et modernes et entre les différents acteurs du livre - offre une occasion inédite de réfléchir en même temps au phénomène de translatio studii et à la question du pouvoir inhérents à ces recueils de débats amoureux. La conclusion «Finir, non finir» fait rejaillir la lumière sur la langue poétique elle-même, rappelant combien cette caractéristique est essentielle pour cerner les aspects les moins explorés dans les lectures de ces querelles. L’autrice propose alors une définition tout en mouvement de l’enjeu national qui les sous-tend: «Les joutes poétiques à l’épreuve ont ainsi contribué à former une nation française instable, polymorphe, aux antipodes de la fixité, prise dans le perpetuum mobile , où chacun scinde le sensible selon ses propres lignes de partage. C’est bien la langue, résolument dynamique et agonistique, qui nous permet de l’appréhender - car n’oublions pas que le ‹pouvoir est une question de style› (Robert Hariman 2009 [ 1 1995]) - et qui donne, in fine , naissance à la nation» (p. 566). Après cette belle découverte, nous attendons avec impatience les prochains travaux de Nina Mueggler et en particulier son édition de La contr’amye de court de Charles Fontaine dans le cadre du projet sur cet auteur dirigé par Élise Rajchenbach. Catherine M. Müller (Haute école pédagogique de Zurich) https: / / orcid.org/ 0009-0004-0422-0470 ★ p hilippe s imon , Les monstres de Rabelais , Genève (Droz) 2022, 593 p. ( Études rabelaisiennes LX). À la fin de l’avant-propos de cet impressionnant ouvrage, l’auteur, Philippe Simon (Ph. S.), rend hommage à son professeur de français du Lycée de Porrentruy qui a su le «remettre sur le droit chemin» alors qu’il s’apprêtait à entamer des études de biologie. On aura compris l’ironie du propos: s’il est bien devenu spécialiste de littérature, Ph. S. n’en a pas moins choisi un sujet de thèse qui lui permît de laisser affleurer son ancienne passion, même si c’est plutôt par le biais de la crypto-zoologie que de la biologie classique; mais il est certain qu’il fallait être un passionné de la vie sous toutes ses formes pour aborder ainsi le vaste sujet du monstrueux chez Rabelais. Prévenons d’emblée les lecteurs friands d’anecdotes et d’illustrations drolatiques qu’ils en seront pour leur frais: à l’exception de la couverture, empruntée à Gustave Doré, aucune image ne figure dans le livre de Ph. S., et ce pour l’excellente raison que le merveilleux rabelaisien s’appréhende d’abord, pour lui, à travers le langage. Que Rabelais ait pu compulser des bestiaires et des livres de voyage en quête d’enluminures et de gravures suggestives n’est pas impossible, mais ces sources-là ne sont, dans l’optique de Ph. S., d’aucun secours pour