Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.24053/VOX-2023-020
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Kristol De StefaniPierre de L’Estoile, Journal du règne de Henri IV, Édition critique publiée sous la direction de Gilbert Schrenck, Tome V: 1604-1606 (transcription du Ms fr 10300 de la BnF et du Ms 1117 (2, 3) de la Bibliothèque de Troyes), édité par Martial Martin, Glossaire établi par Volker Mecking, Genève (Droz) 2022, xxiv + 390 p. (Textes Littéraires Français 660)
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Marco Venezialehttps://orcid.org/0000-0002-9683-9673
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358 DOI 10.24053/ VOX-2023-020 Vox Romanica 82 (2023): 358-361 Besprechungen - Comptes rendus petit article de cette érudite (p. 385-87): la mention de son grand livre sur Le Commerce des mots 5 aurait sans doute apporté sur cette question de quoi légèrement relativiser (sans aller, bien sûr, jusqu’à la nier! ) l’originalité de Rabelais dans l’usage des listes; à cet égard, l’opinion longuement citée du médiéviste Eco, qui prétend que «dès la Renaissance, c’est avec l’énumération que sont portés les premiers coups à l’ordre du monde établi par les grandes summae médiévales» 6 (p. 385) étonne un peu… à moins qu’Eco n’inclue dans la Renaissance les XIV e et XV e siècles français! Enfin, on rappellera que l’étymologie de monstre donnée à la p. 57 ( monstrare ) est, comme l’a montré (sic! ) Benvéniste, probablement fausse (il semble qu’il faille plutôt privilégier monere ): cela n’a pas ici une importance cruciale, car la Renaissance était certaine du lien avec monstrare , mais la question aurait peut-être tout de même mérité un petit développement. On le voit: ces quelques remarques restent peu de choses face à la somme écrite par Ph. S., qui figure d’ores et déjà à une place d’honneur dans la prestigieuse collection genevoise des «Études rabelaisiennes». Alain Corbellari (Université de Lausanne/ Université de Neuchâtel) https: / / orcid.org/ 0000-0002-0476-6797 ★ p ierre de l’e sToile , Journal du règne de Henri IV , Édition critique publiée sous la direction de G ilberT s chrenck , Tome V: 1604-1606 (transcription du Ms fr 10300 de la BnF et du Ms 1117 (2, 3) de la Bibliothèque de Troyes) , édité par m arTial m arTin , Glossaire établi par v olker m eckinG , Genève (Droz) 2022, xxiv + 390 p. ( Textes Littéraires Français 660). Le volume dont nous rendons compte ici est le cinquième d’une série de huit et s’inscrit dans la publication du Journal du règne de Henri IV de Pierre de L’Estoile, sous la direction de Gilbert Schrenck, déjà éditeur, entre 1992 et 2003, du Registre-Journal du règne de Henri III du même auteur. Comme on le sait, les registres-journaux de Pierre de L’Estoile forment un vaste ensemble d’annotations de première main - personnelles ou non - fondamental pour la connaissance de l’époque des guerres de religion en France; pour cette raison, leur lecture est conseillée à de nombreux professionnels, tant aux historiens de l’époque moderne qu’aux littéraires et philologues, s’agissant d’un auteur qui a laissé un grand nombre de documents autographes qui posent des problèmes de chronologie rédactionnelle. Les linguistes profiteront également de la lecture de ces documents qui leur pourvoient une masse de données, surtout au niveau lexical, contribuant à la définition du français préclassique. Le risque, dans une telle entreprise, est donc de ne contenter qu’une partie des chercheurs. Précisons tout de suite que la participation de plusieurs experts à ce projet éditorial permet de dépasser ce problème, et que les différents aspects (philologiques, lexicographes, littéraires et historiques) trouvent tous un traitement efficace. D’ailleurs, la qualité scientifique de ce volume corres- 5 j eay , m. 2006. Le commerce des mots. L’usage des listes dans la littérature médiévale (XII e -XV e siècles) , Genève, Droz. 6 e co , u. 2009. Vertige de la liste , trad. M. b ouzaher , Paris, Flammarion: 245-49. 359 DOI 10.24053/ VOX-2023-020 Vox Romanica 82 (2023): 358-361 Besprechungen - Comptes rendus pond à celle des autres publications de la collection: on ne peut qu’attendre avec hâte que la publication soit complétée. Dans ce V e volume sont publiés les journaux des années 1604-1606. L’introduction de l’éditeur, Martial Martin, présente rapidement le contenu du journal de ces trois années, indiquant quelques pistes d’interprétation (p. IX-XV); suit un rapide complément bibliographique contenant quatre titres récents (p. XVII). Les normes d’«Établissement du texte» (p. XIX-XX), qui visent à une édition diplomatico-interprétative, et une «Présentation des manuscrits» (p. XXI-XXIV) complètent l’introduction. L’édition du texte, suivie de son commentaire divisé par années, occupe la plus grande partie du volume (p. 1-246). Comme c’était le cas pour les tomes précédents, le volume se conclut sur une étude lexicographique (p. 247-72) suivie d’un glossaire (p. 273-373) signés par Volker Mecking. Enfin, l’index des noms propres (p. 375-91), et l’index des «pasquils» (p. 393), à savoir les textes d’occasion en vers cités par Pierre de L’Estoile au long de ses Journaux , viennent clore la publication. Du point de vue du contenu, ce V e volume est très important dans l’évolution de l’écriture de Pierre de L’Estoile parce que les années qu’il couvre sont caractérisées par un changement essentiel de perspective de la part de l’auteur par rapport aux années précédentes. C’est surtout l’année 1606 qui présente les caractéristiques les plus intéressantes. Ici, L’Estoile donne de moins en moins de place à la grande Histoire pour se concentrer sur les décès d’amis et de proches, mais aussi pour noter les désastres qui affligent le monde. On assiste ainsi à une très longue liste de catastrophes naturelles (une tempête à Rome le 25 janvier 1606, p. 141; la pluie à Paris, qui «causa grandes maladies en France avec morts estranges et subites», p. 144). C’est dans ce contexte que se répand la criminalité dans la ville: «force meutres, assasinats, voleries, excès, paillardises et toutes sortes de vices et impietés, regnerent en ceste saison extraordinairement» (p. 144). Les descriptions de ces événements sont très particulières, parfois données avec un détachement total, comme s’il s’agissait de faits divers (p. ex. p. 155: «ce jour la femme d’un boullanger se voiant surprise en adultere se precipita du hault d’une fenestre en bas, et se tua»); d’autres fois l’auteur intervient avec son regard moraliste, comme dans le cas de la chasse des Irlandais de Paris, définis, p. 157, comme des «gens experts en l’art de gueuserie, et excellens en ceste science par-dessus tous ceux de ceste profession, qui est de ne rien faire, et vivre aux despens du peuple». À partir de l’été 1606, on constate un changement de perspective, car L’Estoile commence à se concentrer sur ses activités quotidiennes de collectionneur et lecteur: suivant le nouvel enseignement issu de la lecture des Essais de Montaigne, L’Estoile abandonne progressivement le grand monde et ses drames pour se concentrer sur son âme: «mon naturel au jour, mon ame libre et toute mienne accoustumée à se conduire à sa mode, non toutefois meschante ne maligne, mais trop portée à une vaine curiosité et liberté, (dont je suis marri), et laquelle toutefois qui me voudroit rentrancher feroit tort à ma santé et à ma vie, par ce qu’où je suis contraint, je ne vaus rien, estant extremement libre et par nature et par art» (p. 161). À partir de ce moment, les nouvelles de la chronique parisienne alternent avec des listes de livres dans lesquelles L’Estoile enregistre régulièrement aussi bien les nouveaux achats que les prêts et les dates auxquelles les livres lui sont rendus, ainsi que les volumes qu’il décide, par exemple, de ramener à Gland (près de Château-Thierry, Aisne), «pour y passer le temps» (p. 181). 360 DOI 10.24053/ VOX-2023-020 Vox Romanica 82 (2023): 358-361 Besprechungen - Comptes rendus Ce changement de perspective dans les journaux de L’Estoile n’est pas soudain mais crée cependant - et surtout - une césure dans la tradition manuscrite. Pour l’édition de ce V e volume, l’éditeur Martial Martin a pu recourir à deux manuscrits autographes qui appartiennent à deux séries différentes de Journaux de L’Estoile. La première est celle conservée à Troyes, Médiathèque Jacques Chirac, ms. 1117 (1-3), déjà utilisée comme manuscrit de base des éditions du XVIII e siècle et partiellement à la base des IV e et V e volumes de cette nouvelle édition. À l’intérieur de cette série, le volume 1117 (3) couvre la période allant du 17 janvier 1605 au 18 mars 1607 (p. XXI) et est à la base de l’édition Martial, comme manuscrit unique, jusqu’à l’été 1606. À partir de juillet 1606 on dispose d’une deuxième série de Journaux , Ms. B.N.f.fr. 10300, qui couvre les années 1606-1609, suivi par les fr. 10301 et 10302, qui vont jusqu’à 1611 (date de mort de l’auteur). Le titre du manuscrit fr. 10300 est «Premieres tablettes de mes curiosités du 2 juillet 1606 au 25 fevrier 1609» (p. XXII). Or, cette nouvelle série de «Tablettes» sera à la base des derniers volumes de cette nouvelle édition (VI à VIII, cf. p. XXII). Ainsi, pour le deuxième semestre de 1606 (et jusqu’en mars 1607), on dispose de deux sources autographes, qui témoignent de deux différents projets éditoriaux, les deux remontant directement à Pierre de L’Estoile. Le plus ancien est le manuscrit de Troyes, dans lequel le deuxième semestre de 1606 est formé par une liste de moins en moins développée de crimes et faits divers: selon Martial, ce texte est «minoré, voire résiduel» (p. XXIV). Cette version est intégrée dans un deuxième organisme, fr. 10300, où elle est mélangée à des listes de livres et lectures qui révèleraient, selon M. Martin, presque du carnet de comptabilité. C’est d’ailleurs aussi au début du fr. 10300 que trouve sa place le célèbre prologue qui renvoie à Montaigne (ici p. 161-62), ajouté sans aucun doute dans le contreplat antérieur du manuscrit après qu’une bonne partie en avait déjà été écrite: la chronologie des interventions de l’auteur est donc difficile à reconstruire. On peut donc tirer de cette situation que, pour la fin de l’année 1606, il existe deux sources autographes qui représentent deux états différents du texte. Dans ce cas-ci, l’éditeur a décidé d’utiliser le ms. de Troyes comme manuscrit de base, jusqu’à la fin de l’année, mais insérant dans son texte critique les nouvelles sections ajoutées dans le manuscrit de la BnF. Pour les parties communes aux deux manuscrits, il décide de garder la leçon originaire du ms. de Troyes. Comme il le déclare, p. XXIV: «nous faisons pour le mieux, afin de préserver la rédaction initiale et pouvoir élucider les ajouts». Nous croyons que ce choix (Troyes + BnF) produit un texte hétérogène et composite qui ne correspond pas, somme toute, à la volonté de l’auteur, que d’autres options auraient pu permettre de mieux reconstruire. Au moins deux possibilités nous auraient paru ici plus appropriées: on aurait pu décider de suivre, à partir de juillet 1606, le manuscrit parisien, en indiquant dans l’apparat toutes les divergences par rapport à Troyes; on aurait ainsi eu un texte complet de la deuxième rédaction, et pas une composition des deux. On aurait aussi pu réfléchir à donner une édition synoptique des textes de ce semestre, ce qui aurait mis aussi graphiquement en évidence les différences entre Troyes et BnF, outre le fait de permettre de lire indépendamment les deux versions auctoriales. Enfin, l’étude lexicale de Volker Mecking est très riche et met en valeur l’importance de ce Journal pour la lexicographie historique: on trouve en effet de nombreuses premières attestations selon le FEW et le TLFi , néologismes lexicaux et emprunts. Pour chaque lemme 361 DOI 10.24053/ VOX-2023-021 Vox Romanica 82 (2023): 361-365 Besprechungen - Comptes rendus on renvoie de manière systématique au FEW , ce qui permet d’élargir les recherches très rapidement et de manière autonome. Juste une petite remarque de détail: dans le cas de garanne ‘terrain où il est défendu de chasser ou de pêcher sans la permission du seigneur’, et de son dérivé garannier , Mecking observe que l’étymologie est obscure ( FEW 22/ 2 22b). Dans ce cas-ci, on peut désormais disposer de la longue discussion étymologique de l’article du DEAF G 246-47. En conclusion, ce V e volume du Journal du règne de Henri IV maintient le même niveau de qualité scientifique que les précédents et permet de lire ce texte, si important pour le tournant entre les XVI e et XVII e siècles, sous une lumière nouvelle. On ne peut que féliciter les éditeurs de ces résultats. Marco Veneziale (F.N.S./ Universität Zürich) https: / / orcid.org/ 0000-0002-9683-9673 ★ a ndres k risTol , Histoire linguistique de la Suisse romande , Neuchâtel (Éditions Alphil- Presses universitaires suisses) 2023, 3 vol., 981 p. ( Glossaire des patois de la Suisse romande ). Le cinquième ouvrage de la collection du Glossaire des patois de la Suisse romande est un bel objet. Un coffret de 1.700 kg, contenant trois volumes consacrés respectivement à la préhistoire et au Moyen Âge (I), à une période courant de la Renaissance à l’aube de la Suisse moderne (II) et à la «question de la langue au XIX e et XX e siècle» (III). Cette trilogie de 981 pages en 16 chapitres est préfacée par le journaliste Christophe Büchi et la couverture, particulièrement intrigante, a été réalisée par Nussbaumer-graphistes sàrl, qui se sont inspirés d’une plaquette votive de plus de 2000 ans (peut-être dédiée à Cobanus, une divinité du panthéon gaulois), à l’alphabet très étrange pour des yeux d’aujourd’hui. Andres Kristol a rassemblé ses recherches et ses cours pour dresser un panorama linguistique historique plein de vigueur, servi par une langue qui fait entendre la voix de l’auteur et voir l’orthographe rectifiée post 1990. L’ouvrage est de plus très didactique. Qu’on en juge: le premier volume s’ouvre avec un chapitre qui clarifie un certain nombre de notions (qu’entend-on par dialectes gallo-romans? Qu’est-ce que le francoprovençal? Quelles différences définitoires entre langue, dialecte et patois? ); et le volume 3 s’achève avec un glossaire de presque 300 termes techniques, de accent ( orthographique , tonique , distinctif , démarcatif , d’intensité , d’insistance , régional ) à Walser , en passant par cas régime , dialectologie , diglossie , explicit , lètes , palatalisation et protonotaire (pour donner une petite idée de l’éventail des connaissances thématisées par l’auteur). S’ajoutent, pour faire bon poids, une bibliographie générale de 55 pages, un index des personnes mentionnées dans les différentes étapes de son ouvrage («Personnalités historiques et auteurs modernes dont les avis sont discutés») et un index des illustrations. Le coffret est en effet abondamment illustré par des cartes linguistiques ou géographiques (pas toujours très lisibles, prévoir une loupe pour celles de l’ ALF , p. 504-09), des échantillons de texte originaux, des graphiques et quelques photos.
