eJournals lendemains 46/181

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ldm
0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
10.24053/ldm-2021-0007
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2021
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Et si on s’en prenait à la BD?

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2021
Luciano Curreri
Ce texte est un extrait du quatrième chapitre du livre La Comune di Parigi e l’Europa della Comunità? Briciole di immagini e di idee per un ritorno della Commune de Paris (1871) (Curreri 2019: 95-112). Nous le republions dans une version légèrement éditée et révisée avec l’accord de l’auteur et de l’éditeur.
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DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 53 Dossier Luciano Curreri Et si on s’en prenait à la BD? Autres matériaux (et imaginaires) pour la Commune Ce texte est un extrait du quatrième chapitre du livre La Comune di Parigi e l’Europa della Comunità? Briciole di immagini e di idee per un ritorno della Commune de Paris (1871) (Curreri 2019: 95-112). Nous le republions dans une version légèrement éditée et révisée avec l’accord de l’auteur et de l’éditeur. S’en prendre à la BD , au bout d’un amoncellement argumentatif plus ou moins abouti, pourrait presque paraître une chute de style, une capitulation face à un matériau et un imaginaire autres que d’aucuns voient comme un simple divertissement, ce qui est loin d’être le cas si l’on considère l’histoire culturelle comme une succession de passages de relais suivis de retours parfois fort différents (Curreri 2009 et 2014-2016). Les mots de Denis de Rougemont (1906-1985), 1 le proudhonien, souvent ignoré - au même titre qu’Hugo (1802-1885) avant lui 2 -, surviennent dans la seconde moitié des années 70, alors que les illuminations larmoyantes et modestes des célébrations du centenaire de la Commune de Paris se sont éteintes depuis longtemps. Modestes à tel point que, en présentant un certain album engagé, une ‚para- BD ‘ signée Bernard Vesque, La Commune de Paris en bandes dessinées (publiée aux éditions Savelli et aux Éditions Librairie de la Jonquière en 1977), Madeleine Rebérioux (1920-2005) - spécialiste du socialisme fin de siècle, en particulier de Jean Jaurès (1859-1914), et professeur à l’Université de Vincennes qu’elle a contribué à créer au début des années 70, sur la lancée de Mai 68 et du Centre universitaire expérimental de Vincennes - faisait remarquer deux ou trois choses vraiment intéressantes: „ les crédits publics mis à la disposition de la commémoration de la Commune restèrent plus que modestes, quoiqu’on ne fût pas encore officiellement entré dans l’ère de l’austérité […] la grande manifestation du mur des Fédérés n’avait jamais été plus émouvante et seules, comme à l’ordinaire, les forces populaires en firent le succès“ (Rebérioux 1977: 3). 3 Conséquence majeure de la crise énergétique du début des années 70 (c’était en 1973, si je ne m’abuse), dont nos pères nous parlaient quand nous étions enfants, nous incitant à parcourir les manchettes des journaux, dès que nous avions appris à lire et à monter à vélo, et de cette austérité européenne que nous connaissons même trop et qui, il y a un demi-siècle, prévoyait déjà, bien avant la situation politique actuelle en Occident, des coupes claires aux commémorations publiques, à la mémoire matérielle et imaginaire, aux célébrations de la Commune de Paris (1871- 1971). Mais ce n’est pas tout. Il semblerait que seul le peuple, cent ans plus tard, ait encore voulu garder allumée la bougie du souvenir, octroyer une sorte de prêt à la mémoire, offrant énergie et vie, comme de coutume, à une manifestation palpitante 54 DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 Dossier et très réussie au mur des Fédérés - le mur des acclamations de Léon Blum au temps du Front populaire (Blum 1961: 102-104), le mur dos auquel avaient été sacrifiés les derniers héroïques et nombreux combattants de la Commune, dans le cimetière du Père-Lachaise (un épisode hautement dramatique que presque toutes les BD consacrées à la Commune traitent de manière assez étendue). Je ne pense pas qu’il soit difficile de produire - au-delà de l’engagement généralisé de ces années - une plus simple mais significative observation: alors que, lors du centième anniversaire de la Commune, „les descendants de Thiers [les „successeurs des Versaillais“, comme les appelle Madeleine Rebérioux] avaient, en paroles, souvent renié leur ancêtre“, s’enveloppant dans une spirale de négations (économiques, rhétoriques...), le peuple parisien, et désormais aussi européen (dans le même bateau, sans carburant), semblait vouloir participer une fois de plus, à un siècle de distance, à une utopie commune croisée, dont l’histoire, peut-être chaotique mais significative, serait de plus en plus fréquemment traduite en images, grâce à un goût populaire qui a fait de la „ para-BD“ (un ensemble de textes explicatifs et „ de dessins, d’estampes, de photos, de tableaux, de lavis séculaires“ dans ce noir et blanc qui, plus que la couleur, nous rapproche de la littérature [Frigerio 2018: 38]) ou de la BD tout court, de nos fumetti italiens, un art utile pour „tous ceux qui, à l’école ou dans la presse n’entendent parler de la Commune de Paris que par allusions brèves et vagues“ (Rebérioux 1977: 3) 4 (et essayons donc de nous rappeler ce qui a été dit à ce sujet, à bien des reprises, à partir de la III e République, avec témoignages et notes à l’appui). Bref, autour du milieu des années 70, la BD est un art utile, du moins pour les historiens les plus perspicaces et pas seulement pour ceux qui, comme Umberto Eco (1932-2016), l’examinaient déjà au milieu de la décennie précédente à partir d’un ‚ système‘ de lecture et de création différent, ou pour ceux qui, comme Alain Rey (1928), le faisaient depuis 1978 dans une perspective linguistique (Eco 1964, 1965, Rey 1978). Et les éditions Larousse comprennent bien que cet art peut donner lieu, également en ce qui concerne la Commune, à une pédagogie populaire à la fois innovante, formatrice et divertissante, en décidant „d’adjoindre la bande dessinée à leurs collections encyclopédiques, reconnaissant son ‚pouvoir d’éducation à des fins pédagogiques en même temps que récréatives‘. L’Histoire de France en bande dessinée est ainsi publiée en 8 volumes - parmi lesquels celui de Manara sur la Commune -, et rencontre un immense succès […]“ (Tillier 1996: 11). 5 Un succès auquel, justement, l’art du jeune Maurillo Manara, dit Milo (1945), n’est pas étranger, alors qu’il dessine La Commune. Paris en armes (1978), d’après un scénario de Jean Ollivier (1925-2005) (Manara/ Ollivier 1978: 915-937). Tandis qu’une page vraisemblablement éditoriale, brève mais nourrie, sous le titre Abolir le pouvoir de l’homme sur l’homme, initie le lecteur à une série de thèmes récurrents dans les assez rares bandes dessinées qui - grâce à un apport de plus en plus important de la fiction et de la couleur - prendront progressivement le relais de cette œuvre pionnière remarquable tout au long des années 80 et 90, du premier et pour l’instant unique tome DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 55 Dossier Les Communards (1986) de Pascal Jourde (qui est toujours en noir et blanc et s’arrête le 1 er mars 1871, avec le défilé des Prussiens jusqu’à la Concorde) au chapitre initial de L’Année de feu (1994) de Jacques Ferrandez (*1955) (qui fait fuir son jeune héros et sa compagne en Algérie), jusqu’à L’Exécution (1996), par Jean-Paul Dethorey (1935-1999), sans parler de la saga en sept volumes des Voleurs d’empire (1993-2002) de Jean Dufaux (1949) et Martin Jamar (1959), qui croise la route, dans les années 2000, de la publication en quatre volumes du très souvent évoqué Le Cri du peuple (2001-2004) par Tardi et Vautrin. 6 Ce sont toutes des questions qui nous intéressent de près, si - comme les BD susmentionnées tentent, à leur façon, de le faire - on les prend ‚à rebours‘ et on ne les stigmatise pas à cause de la prétendue naïveté des communards, laquelle ne peut d’ailleurs pas être lue uniquement à travers le prisme économique et marxiste 7 (entre autres parce que, avouons-le, entre le paternalisme lucide - toujours en admettant qu’on puisse réellement parvenir à la lucidité - et le paternalisme impitoyable, il n’y a qu’un pas qu’il est aisé de franchir). Je pense, parmi tous ces thèmes, à l’inattention (soulignée par beaucoup de BD s) envers la Banque de France, 8 que la Commune laisse essentiellement tranquille: dans sa colossale naïveté, le fait - si on l’observe d’un autre point de vue, avec d'autres lunettes, peut-être celles d’un Proudhon (1809-1865; Ansart 1984: 338-390, en particulier 339), par exemple, qui est un personnage qui revient avec son discours de justice dans la révolution dès la fin des années 50, en annonçant l’idée d’un fédéralisme européen - porte en lui l’image d’une révolte généreuse, d’une fête armée, d’un luxe communal, avec un projet social à peine esquissé, on le veut bien, mais qui n’a rien à voir et rien à partager avec l’empire (français, allemand ou européen, peu importe) de la Banque, de la Bourse, de l’économie maîtresse mais pas à la hauteur, des milliards d’Otto von Bismarck (1815-1898). En trouvant dans la paix, dans la liberté, dans l’abolition du pouvoir de l’homme sur l’homme, c’est-à-dire dans la transformation radicale de la société en un ensemble d’associations libres (et très proudhoniennes), un horizon d’idéaux et de buts communautaires et fédérateurs sûrement naïfs (même passéistes et médiévaux) mais plus que partageables - et partageables même avec les ennemis, avec les Prussiens et avec les autres peuples européens, et aussi avec les Italiens que Giuseppe Garibaldi (1807-1882) ne conduit pas en France pour reprendre Nice -, les Communards ne seront certainement, malgré leur courage et l’intelligence qu’on ne leur accorde pas assez, ni de bons soldats ni de bons banquiers. À tel point que parfois, dans leurs discussions, ils semblent anticiper de vingt ans Max Weber (1864-1920), qui, réfléchissant sur la Bourse, en vient à suggérer que „les capitaux des grandes banques ne sont pas plus des ‚institutions de bienfaisance‘ que ne le sont les fusils et les canons“ (Weber 2010: 146). Si le 18 mars 1871, le peuple accouru de toutes parts réclame les fameux canons de Montmartre - que certains détachements, face à une Garde nationale très populaire, devaient saisir et remettre à Adolphe Thiers (1797-1877), ayant foi dans un Paris qui se désarme par lui-même (un peu comme Carthage subissant la ruse de 56 DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 Dossier Rome au début de la troisième guerre punique) - c’est aussi et surtout parce que le peuple parisien perçoit le vol d’un bien commun qu’il avait lui-même contribué à constituer - pour la défense de la ville-commune - en vertu d’une souscription publique lancée, entre autres, par Victor Hugo. Et c’est dans cette direction que se situe également - ce qui n’est aucunement un paradoxe - la volonté populaire de rendre leur dû aux propriétaires de certains ateliers expropriés... En fait, plus que de mettre le feu aux poudres, on veut empêcher un vol. L’action du peuple parisien est plus légitime que celle de Versailles, qui se déploie entre chien et loup, précisément à l’heure des voleurs. En ce sens - tant avant qu’après l’armistice initial et partiel de fin janvier et la signature des accords préliminaires de paix un mois plus tard (26 février 1871) - on ne peut guère ignorer cette volonté populaire de résister jusqu’au bout à l’onéreuse trahison de Versailles: Thiers ne cessera d’utiliser la patrie comme moyen de chantage, brandissant pourtant non pas le drapeau français mais la bannière de l’armée allemande en France, danger dont il finira par se libérer avec le traité de Francfort du 10 mai 1871, un accord qui fera du naissant et triomphant Reich pangermanique un facteur hautement déstabilisant pour l’équilibre européen et qui marquera la mort de la Commune de Paris, tel un baiser de Judas (et d’adieu) à ceux qui, plus que Thiers, avaient montré leur amour pour tout le peuple parisien, dont de nombreuses BD nous racontent et rappellent les ardeurs, les danses, le sacrifice sur les barricades. Bien sûr, on voit aussi presque toujours la singulière et célèbre démolition communarde de la Colonne Vendôme, accompagnée d’une grande fête populaire que tout le monde n’apprécie pas et que, pour ne donner qu’un exemple tiré de La Semaine sanglante, sixième volume des Voleurs d’Empires, 9 un Victor Hugo ‚histrionique‘ - historiquement (et depuis longtemps) peu enclin aux démolitions 10 - enregistre dans un carnet, en pensant, souriant à demi sous sa longue moustache, à la satisfaction de Courbet qui avait suggéré la démolition en question. Est-elle une manifestation du pouvoir de la ‚fête des fous‘? Estelle la puissance d’un sentiment du comique qui s’insinue même pendant la semaine sanglante (sans être hors sujet, et au contraire en capturant des liens inattendus entre différents hommes, artistes et écrivains)? C’est ainsi qu’il faut, peut-être, se demander si avec ces BD s - dont les sorties s’étalent entre la seconde moitié des années 70 et l’aube des années 2000 - on ne tombe pas déjà dans ce pacifisme du XX e siècle qui pourrait aussi recevoir dans ses bras accueillants - entre les dernières années de la contestation et sa fin - l’histoire (bien) conçue d’une communauté avec des fleurs aux fusils et des ouvriers plus dignes de leurs patrons bellicistes (sans parler de nombreux autres artistes, même assassins, comme dans la bande dessinée de Dethorey). Je dirais oui, et pas seulement parce que le pacifisme est un mot du XX e siècle, en français comme en italien. Je dirais qu’une perception - même confiée à un choix de bandes dessinées - ne peut se passer de son temps, pour le meilleur et pour le pire; à l’image de mes propres lectures du phénomène, que l’on peut aimer ou pas, mais qui sont liées à une histoire, celle de la Commune, dont on ressent l’urgence DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 57 Dossier d’un retour depuis le bas - tout au long de la décennie des années 70 et des suivantes, et bien au-delà du centième anniversaire - et, plus fondamentalement, un besoin d’en savoir plus, parmi les approximations, les tentatives des pédagogues populaires et les conférences de vulgarisateurs passionnés et de polémistes ‚démesurés‘, toujours à la recherche d’une étincelle; 11 c’est un peu comme dans les meilleures réalisations (qui sont aussi les plus audacieuses) de bandes dessinées qui recherchent toujours l’invention d’un plan, une physionomie, une coupe, un texte, juste pour remonter la pente du ronéo, de la para- BD et repartir à travers les années 70, décennie véritablement problématique vécue par cette Europe déjà victime de l’austérité - l’austérité comme l’état, cet autre revenant qui ne cesse de rentrer par la porte ou par la fenêtre - mais encore, pourrait-on dire, assez ‚dépliée‘ et ‚éclairée‘ pour se donner et se raconter comme un ensemble plus éclectique et populaire (et déjà menacé, on le savait et cela reste vrai, par des intérêts passifs de plus en plus importants). Voleurs d’empire (1993-2002) de Jean Dufaux et Martin Jamar et Le Cri du peuple (2001-2004) de Jacques Tardi et Jean Vautrin semblent presque se passer le relais, à l’aube du nouveau siècle et du nouveau millénaire, mais comme le reconnaît Jean Dufaux dans la préface de 2002 au dernier chapitre de la saga, c’est un regard différent sur la Commune qui se déploie: „À l’heure où nous terminons notre travail sur la Commune, le sujet est repris et traité (autrement et c’est bien ainsi) par Tardi et Vautrin“. Il est clair que les points de contact ne manquent pas. Et au niveau du contenu, il est surprenant de constater la lucidité sélective avec laquelle les deux binômes en viennent à mettre en scène la bourgeoisie triomphante qui sort dans la rue et - avec une fausse élégance et un sens inexistant de la pudeur - „tue“ et „viole“ une fois de plus les pauvres corps de „l’ennemi vaincu“ (De Luna [1943] 2006), c’està-dire les corps, les cadavres des femmes et des hommes de la Commune de Paris (Dufaux/ Jamar 2002: 19, 28, Vautrin/ Tardi 2004: 66). Sur le plan stylistique, au contraire, tout change. Car le style entraîne un changement de perspective et de l’œuvre dans son ensemble. Tardi est incontournable dans son noir et blanc qui balaie le classicisme de la couleur, du beau dessin, et se rapproche du noir et blanc du film consacré à La Commune (Paris 1871) en 2000 par Peter Watkins (*1935); et cela surtout à partir des visages et des corps des femmes et des hommes du peuple, qui sont rendus avec la même „énergie épique de l’immédiateté“ utilisée par le réalisateur anglais. Car une telle immédiateté est aussi une capacité créatrice, avant d’être caricaturale, surtout dans un contexte où l’autre, le faible, le pauvre, le peuple, n’a point besoin de se donner et de se raconter avec les oripeaux d’un classicisme ‚second empire‘. Et d’autre part, le roman de Vautrin, dont Vautrin lui-même tire le beau scénario de la bande dessinée, fait le reste et impose un ‚roman-feuilleton‘ qui, dans son déroulement violent et dans sa clôture dramatique est, en substance, ‚sans idylle‘ mais non pas sans espoir: car il y a ceux qui survivent (peut-être en morceaux, lacérés dans leur corps et leur âme, 58 DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 Dossier mais ils survivent) et qui continuent donc, pour le meilleur ou pour le pire, à combattre; et pourtant il n’y a pas, comme à la fin de Voleurs d’Empires, l’idylle d’un ménage familial admirablement recomposé, avec le Mal qui recule, dans l’espace comme dans le temps, pour aller faire des dégâts ailleurs, dans ce XX e siècle qui lui appartiendra, „rempli de bruit et de fureur comme jamais auparavant“ (Dufaux/ Jamar 2002: 46-47, Vautrin/ Tardi 2004: 78). Au bout du compte, alors que Tardi et Vautrin décident de tirer le rideau de leur histoire sur deux jeunes rescapés qui ont ramassé des coups du début à la fin de leur BD , levant le poing serré en perspective (à une époque, ça voulait encore dire quelque chose) et opposant le „Ni Dieu! Ni Maître! “ d’Auguste Blanqui aux lignes méprisantes d’Émile Zola (celles du 3 juin 1871 dans Le Sémaphore de Marseille, à propos du „bain de sang“ de Paris et de son peuple), 12 Dufaux et Jamar imposent une idylle bucolique d’où le Mal, métaphysique et matériel, celui qui vous contamine à l’intérieur et à l’extérieur (quand même vous seriez innocent), se retire, battu. Qui a gagné? Est-ce Dufaux et Jamar ou bien Tardi et Vautrin, si importants dans notre parcours? 13 À en juger par la production la plus récente, du moins celle que je connais, que j’ai eue sous les yeux et qui porte notamment sur cinq années (2014- 2018), Tardi et Vautrin restent un peu un cas unique, aussi bien de manière générale que dans le contexte de cet essai. La seule autre BD qui semble leur tenir quelque peu compagnie - „à gauche“ - est le premier tome d’À la recherche de Lavalette, repris dans Les Damnés de la Commune (2017) par Raphaël Meyssan (1976), mais avec un style d’illustration un peu trop lustré, fils d’un ‚roman graphique‘ réalisé grâce aux gravures de l’époque qui occultent dans la couleur sépia aussi bien l’idylle que l’espoir (et peut-être même, si j’ose dire, la pitié du réalisme social). Certes, celle de Meyssan est une BD sui generis, bien documentée et retracée avec originalité sur la base des journaux et des revues de la seconde moitié du XIX e siècle français et anglais, d’où proviennent différentes cartes, des médaillons, des encarts montés presque en mosaïque, alternés par des photos, des couvertures, entrevues par bribes, de livres contemporains (un Maspero 1976 par exemple, à la page 28, année de naissance de l’auteur, un viatique pour ce dernier, pour se mettre en scène), 14 et des images célèbres de vendeurs de journaux. Le tout s’étale dans un ensemble sublimé, aidé par un certain ‚sensationnalisme‘ qui peut nous rappeler la para- BD publiée par Savelli et Jonquière en 1977: cela aussi parce que, comme le dit François Vanoosthuyse, „le livre est visiblement conçu pour raconter la Commune à ceux qui n’en savent rien, en même temps que pour satisfaire l’intérêt et la curiosité de ceux qui en savent quelque chose“ (Vanoosthuyse 2018: 224-227). Alors que la couleur et le romantisme plus typiques de la saga et de la série bouffent, à mon très humble avis, au moins trois autres albums et même un peu de cette mémoire communautaire et européenne de la Commune de Paris dans laquelle on a essayé de faire entrer Vautrin et Tardi. On part de L’Homme de l’année, vol. 5: 1871 (2014, impression terminée en décembre 2013) de Jean-Pierre Pécau (*1955, DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 59 Dossier scénario), Benoît Dellac (*1982, dessins), Thorn (*1979, couleur), avec la contribution de Manchu & Fred Blanchard (*1956 et 1966, couverture), pour arriver au volume Le sang des cerises, vol. 1: Rue de l’Abreuvoir (2018) signé François Bourgeon (*1945), en passant par 1871, L’ordre ensanglanté (2018) dans la série Fraternités, qui balaie historiquement de 1792 à 1804 et jusqu’à la Commune et qui est signé Jean-Christophe Camus (*1962, scénario), Bernardo Muñoz (*1967, dessins), Dimitri Fogolin (*1973, couleur) et enfin, pour la couverture, Ronan Toulhoat (*1984). Que reste-t-il? Peut-être l’engagement le plus ingénu, celui de vouloir continuer à parler et à se raconter au travers de la Commune et de ce qu’elle aurait pu apporter à la vie de nos Communautés (d’Europe et au-delà). Je le sais, c’est un militantisme de mise en scène qui se cherche parmi les femmes et les hommes de la Commune, mais c’est aussi une façon de cohabiter, de coexister avec eux, même aujourd’hui, un peu comme une mathématicienne et romancière appartenant à l’OuLiPo, Michèle Audin (*1954), le fait dans Comme une rivière bleue (2017), 15 un récit difficile à saisir et à définir; et un peu comme moi aussi, né en 1966, j’essaie de le faire, à ma petite échelle, dans quelques pages de cet essai espiègle, et enfin comme y parvient peu à peu, 16 dans sa singulière BD , Raphaël Meyssan, né en 1976. Ce ne sera certainement pas une course à relais régulière et réglementée, mais elle aura peut-être le mérite de s’être livrée et racontée, sans accords préalables, par le biais d’un relais - matériel et imaginaire - qui n’a pas encore terminé de nous faire courir, en Europe et dans le monde entier. Ansart, Pierre, „Le fédéralisme“, in: id. (ed.), Proudhon. 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Wurmser, André, „La Commune quand j’étais petit“, in: La nouvelle Critique, numéro special: Expériences et langage de la Commune de Paris, 1971, 9-13. Weber, Max, La Bourse (1894-1896), Paris, Allia, 2010. Zola, Émile, La Commune 1871, ed. Patricia Carles / Béatrice Desgranges, Paris, Nouveau Monde, 2018. 1 „Depuis trente ans que nos chefs d’État la disent urgente, notre Union européenne n’a cessé de ne pas avancer […] Si nous voulons l’Europe - et nous pourrons l’avoir - c’est au village ou dans les communes de quartier qu’il nous faut exiger les moyens de la construire, qui sont très simples: le droit de la commune à cotiser au syndicat régional de l’environnement, des transports ou de l’éducation, sur un budget autonome et voté par son peuple“. Et plus avant dans ce texte: „Où se situe le pouvoir de décision normal? Au niveau de la commune, dans la plupart des cas. C’est donc là qu’il s’agit de lutter: pour les autonomies municipales, sans lesquelles pas de régions ni de fédération […]. Des régions se dessinent peu à peu dans la réalité continentale. Oblitérées depuis deux siècles par la méfiance ou la haine vigilantes de l’administration centralisée, elles reprennent du relief […], elles demandent à s’autogérer, et voient bien qu’elles devraient se fédérer à cette fin. Qui pourrait les retenir de le faire? Les États-Nations seuls. Mais ils devraient alors s’avouer franchement totalitaires, comme aucun, jusqu’ici, ne l’a osé à l’Ouest […]. J’en viens au récit de mon rêve. Je voyais les régions qui naissent sur notre continent […]. Et je voyais plus loin […] les Catalans […]“ (de Rougemont 1979: 29-30). 2 Il faut ici revenir à Victor Hugo, à ses textes, pour reconnaître certaines intuitions qui étaient déjà en gestation dans „Aux Allemands“ de 1870, dans lequel l’écrivain exilé s’adressait sans ambiguïté au peuple de Prusse, dont les troupes se préparaient à marcher vers la capitale française: „Paris est votre centre. C’est à Paris que l’on sent vivre l’Europe […]. Liberté, Égalité, Fraternité: nous écrivons sur notre drapeau: États-Unis d’Europe“. Quelques mois plus tard, la ‚débâcle‘ est consommée, les communards administrent Paris, et c’est encore de l’étranger, de Bruxelles, que Victor Hugo, dans une lettre du 28 avril 1871 à Auguste Vacquerie (1819-1895) et Paul Meurice (1818-1905), affirme que „Paris est une commune, la plus nécessaire de toutes, comme la plus illustre. Paris veut, peut et doit offrir à la France, à l’Europe, au monde, le patron communal, la cité exemple“ (Hugo 2016: 67- 86). Et encore depuis Bruxelles, depuis l’exil, il n’est pas difficile de retrouver, dans Actes et paroles (1876), des passages à teneur prophétique: „Paris, je l’ai dit déjà plus d’une fois, a un rôle européen à remplir. Paris est un propulseur. Paris est l’initiateur universel. Il marche et prouve le mouvement. Sans sortir de son droit, qui est identique à son devoir, il peut, dans son enceinte, abolir la peine de mort, proclamer le droit de la femme et le droit de l’enfant, appeler la femme au vote, décréter l’instruction gratuite et obligatoire, doter 62 DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 Dossier l’enseignement laïque, supprimer les procès de presse, pratiquer la liberté absolue de publicité, d’affichage et de relations publiques, d’association et de réunion, refuser la juridiction de la justice impériale, installer la justice élective, prendre le tribunal de commerce et l’institution des prud’hommes comme expérience faite devant servir de base à la réforme judiciaire, étendre le jury aux causes civiles, mettre en location les églises, n’adopter, ne salarier et ne persécuter aucun culte, proclamer la liberté des banques, proclamer le droit au travail, donner comme organisation l’atelier communal et le magasin communal, liés entre eux par la monnaie fiduciaire rentière, supprimer l’octroi, établir l’impôt unique qui est l’impôt sur le revenu; en un mot abolir l’ignorance, abolir la misère, et, en fondant la cité, créer le citoyen. Mais, dira-t-on, ce sera mettre un état dans l’état. Non, ce sera mettre un pilote dans le navire“ (Hugo 1892: 144). 3 Mais voir aussi une œuvre antérieure de Madeleine Rebérioux (1972: 273-292), qui fait aussi partie de Le mouvement social, 79, 1972. 4 Dans Wurmser (1971: 9-13) on raconte „comment un petit Français, de famille petite bourgeoise, fermement républicaine et fermement modérée, élève de l’école laïque de la 3ᵉ République, a entendu parler, ou plutôt n’a pas entendu parler de la Commune“. 5 Cf. aussi Tillier (2004). 6 Cf. Jourde/ Bautrait 1986, Ferrandez 1994: 18-32, Dethorey 1996. Cf. puis la version intégrale Dufaux/ Jamar 2010, notamment les chapitres 4, 5, 6 et 7, i. e. Frappe-misère, Chat ici mord, La semaine sanglante, Derrière le masque. J’indique les chapitres, car la numérotation des pages est celle des sept albums originaux sortis entre 1993 et 2002 et plus particulièrement, pour ceux qui viennent d’être mentionnés, entre 1997, 1999 et 2000: Tardi/ Vautrin 2001-2004. 7 „Si les Communards avaient été marxistes, si le Comité central avait marché aussitôt sur Versailles, s’il avait saisi des gages (La Banque de France et les banques, la Caisse des dépôts et consignations, la Bourse etc.), la Commune aurait pu vaincre. Si les négociations avaient été mieux menées, plus énergiquement après saisie de ces mêmes gages, un compromis aurait peut-être eu lieu, etc. On peut ainsi multiplier les variantes sans répondre à la question posée“ (Lefebvre 2018: 364). 8 La Banque devient le seul protagoniste, et non pas par hasard, du quatrième épisode de la saga familiale de banquiers dont les auteurs sont Pierre Boisserie (*1964) et Philippe Guillaume (*1954) pour le scénario, Malo Kerfriden (*1972) pour les dessins, Delf (*1970), pour la couleur (2015: 32-47, et annexe documentaire, La Banque. La révolution bancaire du Second Empire, 52-59, mais ces pages ne sont pas numérotées). 9 Cf. la version complète par Dufaux/ Jamar (2010), et en particulier le chapitre 6, à savoir La semaine sanglante (2000: 30-31). 10 Je pense - pour une réponse immédiate, et ‚en négatif‘, au sujet de la Colonne de la place Vendôme - à Hugo (1834), qui rassemble deux pamphlets précédemment publiés dans la Revue de Paris en 1825 et dans la Revue des deux mondes en 1832: „Depuis quand oset-on, en pleine civilisation, questionner l’art sur son utilité? Malheur à vous si vous ne savez pas à quoi l’art sert! On n’a rien de plus à vous dire. Allez! démolissez! utilisez! Faites des mœllons avec Notre-Dame de Paris. Faites des gros sous avec la Colonne“ (Hugo 1993: 23). 11 Il suffit de penser - pour donner un exemple qui fait en partie système (et qui semblera un peu paradoxal à la plupart) - à des conférences telles que La Tragédie de la Commune - 1871, lue à Bruxelles, au Cercle d’Éducation populaire le 29 octobre 1974 par Henri Guil- DOI 10.24053/ ldm-2021-0007 63 Dossier lemin (1903-1992), vulgarisateur passionné d’une grande partie de l’histoire et de la littérature du XIX e siècle, polémiste presque toujours ‚démesuré‘ mais aussi pamphlétaire acéré, ainsi qu’auteur infatigable d’une œuvre véritablement éclectique. Pour le lire et s’en faire une idée: Guillemin (1975: 135-173). 12 „J’ai senti dans l’air plus limpide ce souffle de renaissance. Paris, je vous l’affirme, a un immense désir de redevenir la grande ville reine de l’Europe. [...] Le temps était superbe; les femmes rassurées, souriantes déjà, se promenaient en tenant des enfants à la main. Une grande émotion m’a pris en face de cette résurrection de mon cher Paris. Mais il ne peut périr! Le bain de sang qu’il vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité, pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en splendeur“ (Zola 2018: 285-286). 13 L’auteur se réfère à son livre (Curreri 2019: 16, 55-56, 66-69, 100, 107-111). 14 Il s’agit de Victorine B..., Souvenirs d’une morte vivante, préface de Lucien Descaves, Lapie, Lausanne 1909 et puis, précisément, Pais, Maspero, 1976, et maintenant sous le nom de Victorine Brocher, Souvenirs d’une morte vivante. Une femme dans la commune de 1871, Paris, Libertalia, 2017. 15 On peut désormais en lire un extrait dans: de Charantenay/ Brahamcha-Marin (2021: 352- 361); mais cf. aussi les travaux documentaires récemment parus et consacrés à Eugène Varlin, ouvrier relieur 1839-1871 (Audin 2019), C’est la nuit surtout que le combat devient furieux. Une ambulancière de la Commune, 1871 (Payen 2020), La semaine sanglante. Mai 1871. Légendes et comptes (Audin 2021) et enfin le blog macommunedeparis.com. 16 Il faut signaler aussi Meyssan 2019a et Meyssan 2019b, mais aussi le film documentaire Meyssan 2019c (disponible du 16/ 03 au 19/ 08/ 21 via ce link: www.arte.tv/ fr/ videos/ 094482- 000-A/ les-damnes-de-la-commune; dernière visite le 13/ 06/ 21).