eJournals lendemains 47/185

lendemains
ldm
0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
10.24053/ldm-2022-0004
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2022
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La création au féminin et l’écriture du Moi sous différentes déclinaisons: les autrices belges Anaële Hermans (Les amandes vertes. Lettres de Palestine) et Alix Garin (Ne m’oublie pas)

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Marie Weyrich
ldm471850023
DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 23 Dossier Marie Weyrich La création au féminin et l’écriture du Moi sous différentes déclinaisons: les autrices belges Anaële Hermans (Les amandes vertes. Lettres de Palestine) et Alix Garin (Ne m’oublie pas) Longtemps, la bande dessinée francophone est restée très masculine, tant au niveau de la profession, qui rassemblait une majorité d’hommes, qu’au niveau de l’imaginaire que les récits proposaient aux lecteurs (cf. Groensteen 2020: 303sqq.). Du côté de la création, les femmes autrices ou dessinatrices de bande dessinée sont toujours en minorité mais ne représentent plus forcément l’exception. C’est dans les années 1970 que la bande dessinée commence à se féminiser avec, d’une part, l’émergence d’une nouvelle génération d’autrices rendues visibles par les éditeurs et, d’autre part, l’affranchissement des coloristes, souvent féminines, qui sortent peu à peu de l’anonymat et marquent ainsi un grand pas vers la reconnaissance des femmes en bande dessinée (cf. Lesage 2019: 104). Le début des années 2000 représente également une étape importante à ce point de vue avec, notamment, le succès de Persépolis de Marjane Satrapi, publié à l’Association entre 2000 et 2003, et le lancement, en 2002, de la collection „Traits féminins“ aux éditions de l’An 2, qui mettait la création féminine à l’honneur. La féminisation dans le champ des littératures dessinées est aujourd’hui une réalité et la proportion féminine des créateurs est, à l’heure actuelle, estimée à près de 30 % (Groensteen 2021: 23). Du côté de la représentation de la femme dans la bande dessinée, la situation a également quelque peu évolué. Ainsi, dans la bande dessinée franco-belge classique, les personnages féminins étaient souvent marginalisés, stigmatisés même, essentiellement décoratifs et voués à des tâches ménagères peu héroïques. Les femmes étaient au foyer, secrétaires ou infirmières et étaient susceptibles, irascibles, superficielles et/ ou vulnérables. 1 Un exemple célèbre de représentation misogyne est celui de la Schtroumpfette qui arrive en 1967, une dizaine d’années après ses confrères masculins, et fait une entrée des plus machiavéliques puisqu’elle est façonnée et envoyée par le sorcier Gargamel afin de semer le chaos dans le village. 2 La recette étonnante qu’il emploie pour lui donner vie ne contient que des éléments peu flatteurs ou ridicules, allant de la coquetterie à la sottise, en passant par le mensonge et la larme de crocodile. Et lorsque le Grand Schtroumpf, ce patriarche, sauve la situation, ce n’est que pour transformer la Schtroumpfette laide, bête et méchante, en belle blonde, la rendant ainsi conforme aux stéréotypes de la beauté féminine véhiculés généralement à cette époque. Dans les années 1960, avec la libération des mœurs, les personnages féminins hypersexualisés font également leur apparition (cf. Groensteen 2020: 297). Ceux-ci ne s’imposent pas par leur intelligence, leur indépendance ou leur soif d’aventure, caractéristiques pourtant présentes, mais par leur physique: Ce sont des créatures de rêve, des objets de désir. 3 24 DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 Dossier Même si elle est aujourd’hui plus nuancée, cette stéréotypie reste d’actualité. Il serait pourtant maladroit d’affirmer que les femmes, que ce soit au niveau de la création ou de la représentation, sont toujours écrasées par un imaginaire et une profession essentiellement masculins. La place prise par les autrices et dessinatrices en bande dessinée francophone est de plus en plus grande. Elles sont de plus en plus visibles, remettent en question l’organisation instituée par les hommes et bouleversent les codes de la bande dessinée. 4 Rejetant la futilité et les clichés attribués traditionnellement aux femmes au sein de la bande dessinée francophone en Belgique, Alix Garin et Anaële Hermans font partie de la jeune génération féminine qui se positionne clairement et puisent dans leur vécu pour développer une écriture du Moi intime et une sensibilité singulière. Les écritures du Moi, domaine investi par les femmes S’il est un domaine dans lequel les femmes s’illustrent en bande dessinée, c’est celui des écritures du Moi. Récits personnels, narrations autobiographiques, carnets, récits de voyage, journaux intimes, autofictions… Les déclinaisons du mode autobiographique 5 sont nombreuses. Cette diversité de manifestations narratives s’explique en partie par le développement historique de ce mode dans la bande dessinée francophone. Celui-ci se cristallise dans les années 2000 après avoir été, dans les années 1990, le symbole de la révolution éditoriale. Il s’est épanoui dans le champ d’une édition indépendante contestataire et résolument décidée à ne plus se soumettre aux modèles dominants, poussant les auteurs et autrices „vers une affirmation toujours plus radicale de leur subjectivité au point de souvent faire de leur propre personne l’objet privilégié de leurs œuvres“ (Dejasse 2005: 129). 6 Même s’il s’inscrit dans une tendance générale qui, dans le champ artistique, donne une place de choix à la parole autobiographique, il est, dans la bande dessinée, une occasion de se libérer des contraintes et des formes: Ici comme ailleurs, le je semble fournir les outils d’une contestation allant de pair avec une libération des formes: Que ce soit en littérature, au cinéma, dans l’art contemporain ou dans la bande dessinée, le matériau vécu donne les moyens de s’attaquer aux frontières de l’art (Mao 2014: s. p.). (Souligné par l’auteur) S’attaquer aux frontières de l’art veut aussi dire en repenser les formes et les codes et se libérer des contraintes imposées et définies par une majorité masculine. Que les autrices trouvent dans l’écriture du Moi un certain domaine de prédilection ne peut donc pas être un hasard. Tout comme dans la littérature, où l’investissement des femmes dans le discours intime est important, 7 le mode autobiographique en bande dessinée permet aux autrices de rendre visible leur voix et de prendre clairement position dans le champ de la bande dessinée. Ce positionnement n’est pas forcément militant, bien qu’il y ait des autrices se définissant clairement comme féministes. Il vise surtout à la revendication d’un statut d’autrice à part entière ainsi que d’un style graphique personnel lié à une certaine identité (cf. Brogniez 2010: DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 25 Dossier 121-122). 8 Nous reprenons ici une phrase d’Erwin Dejasse: „Il ne s’agit pas pour elles de porter bien haut l’étendard de la bande dessinée de femme mais d’abord d’exprimer une vision résolument personnelle. Il est bien difficile, cependant, à la lecture de leurs livres, d’imaginer qu’il puisse être le fruit d’un auteur masculin“ (Dejasse 2005: 130). Les Amandes vertes. Lettres de Palestine (2011) et Ne m’oublie pas (2021) proposent deux formes différentes de l’écriture du Moi. Dans ces récits, les autrices belges Anaële Hermans, en collaboration avec sa sœur Delphine Hermans, et Alix Garin se racontent et puisent dans leur vécu, l’une par un récit de voyage autobiographique, l’autre en utilisant une narration fictionnelle inspirée de ses propres émotions et de sa propre expérience. Elles s’inscrivent ainsi dans la lignée d’un traitement du matériau autobiographique au sein de la bande dessinée francophone européenne, une sorte de tradition du ‚je‘ français qui aborde des domaines tels que ceux des souvenirs d’enfance ou de l’intimité émotionnelle (cf. Groensteen 1996). 9 D’autres aspects centraux font écho aux thèmes de prédilection de la création au féminin: les biographies de femmes réelles, la revalorisation de parcours féminins ainsi que la filiation (cf. Groensteen 2020: 310). Les Amandes vertes. Lettres de Palestine: un récit autobiographique personnel, intime et politiquement féminin Dans Les amandes vertes. Lettres de Palestine, la scénariste Anaële Hermans raconte son voyage en Palestine par le biais du dessin de sa sœur Delphine Hermans. Bien que l’autrice soit partie travailler dix mois pour l’Arab Educational Institute à Bethléem, et si l’on reprend les réflexions de David Vrydaghs (cf. 2010: 146-148), il s’agit plutôt d’un récit de voyage qui, contrairement à une bande dessinée de reportage, ne s’inspire pas des techniques de l’enquête. Il met en scène un monde nouveau pour le narrateur et utilise des modèles littéraires. Dans Les amandes vertes, le récit inclut la référence à une littérature épistolaire et l’utilisation du modèle du journal intime. Nous serions tentés ici de classer le récit dans la catégorie des autobiographies, dont le récit de voyage est un sous-genre. La prudence est pourtant de mise puisque l’objet qui nous intéresse n’est pas littéraire mais graphique et que les narrations autobiographiques en bande dessinée n’offrent que peu de points d’ancrage avec les bases théoriques développées pour le genre de l’autobiographie par Philippe Lejeune en 1975 (cf. Mao 2014: s. p.). La question de la représentation graphique du ‚je‘ en bande dessinée exemplifie cette affirmation; Le ‚je‘ multiple introduit dans Le pacte autobiographique (Lejeune 1975), qui résume l’auteur, le narrateur et le personnage à une seule identité, se voit subverti par un quatrième terme, celui du dessinateur (cf. Mao 2014: s. p.). De plus, dans Les amandes vertes, ce n’est pas Anaële Hermans qui se dessine elle-même, mais sa sœur Delphine Hermans. Bien que la création d’une bande dessinée nécessite la coopération de nombreux intervenants, 10 c’est le dessinateur ou le tandem dessinateur-scénariste qui occupe souvent le devant de la scène. Dans ce dernier cas, le processus de 26 DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 Dossier création est collaboratif et il nous semble important de mettre à l’honneur un métier dont on parle peu, celui de scénariste. Pourtant, dans le cas du récit autobiographique, cette démarche pose d’une part, la question de la duplicité narrative en bande dessinée, et d’autre part, celle de la pertinence de la scission du tandem créatif. Penchons-nous sur la première de nos deux interrogations. La définition à dénotation restreinte que donne Philippe Lejeune de l’autobiographie 11 ne convient pas à la disparité du genre en bande dessinée. Car, à défaut du substantif, c’est l’épithète ‚autobiographique‘ qui décrit le mieux les manifestations graphiques en qualifiant un mode d’écriture et de lecture dont les formes sont variées (cf. Aaron 2010: 44). Les Amandes vertes est un récit de voyage à caractère autobiographique qui présente, selon la définition que Christine Plasse donne du récit autobiographique, „un discours narratif, rétrospectif et autoréflexif qui s’efforce de raconter une histoire personnelle revendiquée comme réelle et vécue“ (Plasse 2004: 110). Dès lors, la première de nos questions peut être reformulée comme suit: Le récit autobiographique reste-t-il authentique s’il n’est pas dessiné par la personne qui le raconte? Nous adhérons à la position de Jan Baetens qui réfute le caractère indispensable d’un auteur complet qui écrirait comme il dessine. Il affirme: „Le texte dit toujours autre chose que ce que montre l'image et inversement, même et surtout lorsque les deux régimes verbal et visuel cherchent à s'illustrer réciproquement de manière aussi sage et fidèle que possible“ (Baetens 2004). Dans ce sens, la présence de deux instances narratrices dans le récit autobiographique, l’une qui dessine et l’autre qui raconte, ne semble plus si absurde. Jan Baetens ajoute également: „Il est plus stimulant, au contraire, de reconduire le projet autobiographique à certaines formes d'élaboration ‚mixte‘ et d'ouvrir ainsi de nouvelles chances à cette démarche de l'autobiographie en bande dessinée“ (Baetens 2004). La collaboration parfois presque fusionnelle entre le scénariste et le dessinateur et la dynamique entre le texte et l’image dans le récit de bande dessinée nous amènent à formuler notre deuxième interrogation: Estil réellement pertinent de scinder le tandem scénariste-dessinateur et de ne prendre en compte qu’une seule des voix narratives présentes dans le récit? La dimension autobiographique se retrouve autant dans les aspects formels que dans le contenu du récit et il est envisageable de mettre à l’honneur l’une de ces parties plus que l’autre. Il serait pourtant, de notre point de vue, incongru de l’aborder de manière exclusive, sans prendre en compte l’articulation réciproque qui unit le dessin au contenu. Le récit de bande dessiné est un tout narratif, un ensemble présentant différents éléments en relation les uns aux autres. L’analyse du contenu et du texte écrit par Anaële Hermans ne peut donc pas se faire totalement sans le dessin de sa sœur. 12 Elle peut pourtant être mise en avant et être au centre de nos réflexions. Le récit Les amandes vertes. Lettres de Palestine met en scène un échange de courrier entre Delphine et Anaële Hermans. La narration est structurée en différents épisodes thématiques, introduits chaque fois par une carte postale de Belgique écrite par Delphine, à laquelle Anaële répond sur le mode chronologique du journal intime. Cette référence au modèle épistolaire est une construction narrative puisque, DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 27 Dossier s’il y a bel et bien eu une communication entre les deux sœurs durant le séjour d’Anaële Hermans en Palestine, celle-ci se faisait par téléphone ou par courriels (cf. s. n. 2011). Le découpage en épisodes introduits par une carte postale permet de donner un cadre au récit, de le mettre en contexte et de restituer une réalité complexe, la perspective thématique étant de l’ordre du politique. Le conflit israélopalestinien et la vie quotidienne des Palestiniens sous l’occupation israélienne jouent un rôle important dans la narration, même si cette dernière aborde d’autres thèmes tels que les rencontres, les visites et la découverte de la culture palestinienne. Le texte court et léger de la carte postale contraste avec la narration du quotidien en Palestine et finit le plus souvent par une phrase qui introduit le récit d’Anaële. Une transition est ainsi faite vers la narration plus longue et les thèmes sérieux qui y sont abordés: emprisonnement, meurtres, oppressions, check points, guerre, pauvreté, famine… La violence semble omniprésente. D’autres thèmes comme celui du statut de la femme en Palestine (12 mai) ou celui de l’acceptation des étrangers (22 juin) sont également abordés. Le récit intime raconte des moments forts du séjour, des évènements qui choquent Anaële, l’ébranlent, la gênent, l’étonnent, l’émeuvent. Comme lorsque, dans la correspondance datée du 20 mai, elle raconte s’être rendue dans le camp de réfugiés d’Askar et qu’elle y apprend la mort d’un jeune homme de 14 ans, tué par des soldats (image 1). Elle s’insurge contre la phrase prononcée par Nasser, personnage qui vient de lui expliquer les circonstances du drame, qui dit, comme d’autres avant lui dans le récit: „C’est normal ici“ (Hermans 2014: s. p.). Arrive alors la réflexion suivante: „J’en ai marre d’entendre dire ‚c’est normal ici…‘ non, ce n’est pas normal“. Ce refus d’une normalité dominée par la violence dans la dernière case change totalement la lecture de la planche. Le compte rendu presque impassible du meurtre se voit réinterprété par l’opinion tranchée et le rejet d’une quelconque résignation. Cette dernière phrase donne au récit une dimension humaine que le dessin épuré ne transmet pas. Car, par son style non académique, le dessin, qui parait parfois même maladroit, permet au lecteur de prendre de la distance par rapport aux évènements racontés. Parallèlement, la narration est appuyée par l’utilisation des niveaux de gris qui offrent des contrastes parfois forts, parfois plus estompés, selon le contenu raconté. Et lorsqu’Anaële rentre en Belgique, les niveaux de gris laissent la place à un noir et blanc contrasté qui éclaircit les images (image 2). „On dirait que rien n’a changé ici“, s’exclame Anaële (Hermans 2014: s. p.). Les ombres disparaissent, et avec elles, la confusion culturelle et politique. À la complexité de la narration répond donc un graphisme dépouillé. Il met, de plus, l’accent sur l’expressivité et le côté personnel de la narration. Car la réflexion politique sur les évènements dont Anaële Hermans fait l’expérience est très subjective. La scénariste prend position; la restitution et l’agencement des expériences vécues contribuent à un discours non neutre et à une vision très individuelle du conflit politique. Cela fait écho aux réflexions de Pierre-Alban Delannoy qui affirme: 28 DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 Dossier Image 1: Nasser raconte à Anaële le meurtre d’un jeune homme à Askar Anaële et Delphine Hermans © EDITIONS WARUM 2016-2022 DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 29 Dossier Image 2: Anaële est de retour en Belgique Anaële et Delphine Hermans © EDITIONS WARUM 2016-2022 On touche ici, me semble-t-il, à ce qui fait la spécificité d'un courant de la BD qui s’est développé au cours des dernières décennies et qui s’attache à parler de la réalité d’une manière non documentaire et sans user des artifices de l’image réaliste. Celui-ci a non seulement réussi à faire entendre sa voix singulière au sein de la bande dessinée, mais il a aussi trouvé une place dans le concert des médias. Son approche originale du réel l’a fait avancer, pour une part, dans les limites de la BD, revendiquées, et souvent aussi contre une partie de ses usages (Delannoy 2007: 103). L’autrice s’affirme également en tant que femme puisque la quasi-totalité des personnes qu’elle rencontre et avec qui elle échange dans le récit sont de sexe masculin et sont militants politiques. Sa voix féminine devient visible parmi celles, nombreuses, des hommes et intègre un domaine présenté comme typiquement masculin, celui de la politique. À travers son récit, Anaële Hermans met à l’honneur une autobiographie de femme, la sienne, et valorise ainsi son propre parcours féminin. Par l’écriture du Moi, elle prend position quant aux évènements politiques en Palestine, libère une voix singulière de femme et impose sa vision subjective. Le découpage du récit en épisodes et l’adoption du mode épistolaire et des codes du journal intime proposent une forme de narration originale adaptée à la complexité des évènements racontés et propice à l’affirmation d’une singularité certaine. Finalement, la dernière phrase d’introduction au récit des sœurs Hermans résume bien les arguments que nous venons de développer: „Ce livre propose un regard personnel sur une réalité complexe, à travers le prisme d’un échange intime“ (Hermans 2016: s. p.). 13 30 DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 Dossier Ne m’oublie pas: une autofiction résolument féminine Dans Ne m’oublie pas, Alix Garin s’appuie sur son expérience personnelle pour écrire son récit fictionnel. Au centre de l’histoire se trouvent Clémence, jeune fille d’une vingtaine d’années, et sa grand-mère, Marie-Louise, qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Ne supportant pas la vision de sa grand-mère enfermée dans une maison de repos, Clémence décide de l’enlever et de partir avec elle rejoindre sa maison d’enfance. Commence alors un road trip, une sorte de parcours initiatique incluant plusieurs thèmes propres au genre autobiographique (cf. Groensteen 2020: 65): 14 Outre la revalorisation de parcours féminins et la biographie d’une femme inspirée du réel, nous citerons - sans être exhaustifs - la maladie, le passage de l’adolescence à l’âge adulte ou encore les relations intergénérationnelles. Ne m’oublie pas fait partie de cette catégorie inaugurée par Serge Doubrovsky à la fin des années 1970 que l’on nomme ‚autofiction‘. Cette notion peu exacte peut être définie comme un récit fictionnel qui intègre le matériau autobiographique. Brouillant les repères entre fictionnel et référentiel, l’autofiction est une forme de récit personnel, une écriture du Moi, qui donne une place importante à l’imagination. Alix Garin le résume bien lorsqu’elle explique: „La part d’autobiographie est à la fois énorme et à la fois inexistante puisque toute l’histoire est une fiction“ (Éditions du Lombard 2021: 0’54’’-0’59’’). Bien que les catégories soient poreuses, nous partons du principe que le degré de fictionnalisation dans une autofiction est supérieur à celui présent dans une narration autobiographique. Car il ne s’agit pas, dans le cas qui nous occupe, du problème classique de la vision rétrospective nécessairement déformée qui trahirait le vécu et donc la dimension strictement référentielle du récit autobiographique. Alix Garin utilise la fiction pour mettre à distance une réalité douloureuse. Elle fictionnalise son expérience vécue et la met en scène, la transpose, dans un univers totalement fictif. Nous sommes donc ici dans un cas d’autofiction qui, contrairement à la définition qu’en donne Serge Doubrovsky qui insiste sur la véracité des faits racontés (cf. Doubrovsky 2001: 10), laisserait l’autrice au centre du texte mais transformerait son existence, et donc sa réalité vécue. 15 Pouvant être considéré comme une forme singulière de la pratique du témoignage, Ne m’oublie pas propose une projection de la créatrice elle-même dans un univers fictionnel. Celle-ci n’apparaît toutefois pas sous la forme d’un ‚je‘ autoreprésentatif mais dans la dimension émotionnelle véhiculée ainsi que dans les évènements racontés, fortement inspirés de son propre vécu. C’est la maladie de sa grand-mère qui a été le point de départ du projet narratif. Ce dernier a eu, selon l’autrice, un effet cathartique ( ARTE Journal 2021: 0’25’’): „C’est tellement douloureux d’assister comme ça à la dégénérescence cognitive de gens qu’on aime… je pense que c’est pour ça que j’ai implémenté toutes ces émotions que je ressentais dans une fiction pour mettre les choses à distance, prendre du recul et pouvoir continuer à avancer“ (cf. ibid. : 0’27’’-0’41’’). L’autrice nourrit la fiction d’éléments sortis de sa propre réalité. Cela se remarque par exemple au niveau des personnages. Marie-Louise est inspirée de sa grand-mère qui, elle aussi, DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 31 Dossier cherchait son sac à main de manière incessante, ressassait ses souvenirs d’enfance et chantonnait „J’ai la mémoire qui flanche“ (cf. ibid. : 1’00’’-1’08’’). Elle projette également ses propres expériences et les attribue à Clémence, par laquelle elle transporte ses émotions personnelles. La part autobiographique se trouve donc davantage dans le contenu que dans la forme, même si le dessin n’y est pas tout à fait anodin, au point de vue des attitudes corporelles et des expressions du visage, par exemple, également inspirées de celles de sa grand-mère et des siennes (cf. BelgienNet 2021). La représentation de Clémence nous donne l’occasion d’aborder une autre facette de l’autofiction d’Alix Garin. L’autrice se libère des codes établis dans la bande dessinée traditionnelle en proposant un personnage principal féminin ne correspondant pas aux stéréotypes de la femme généralement véhiculés. Clémence est grande, maigre et presque sans formes (image 3). Elle porte une coupe de cheveux courte et a un look masculin qui, dans un premier temps, ne permet pas aux lecteurs de l’identifier en tant que femme. Cette représentation atypique permet pourtant de la mettre en contraste avec sa grand-mère, personnage plutôt type, et avec sa mère, personnage aux allures conventionnelles. L’appartenance à trois générations différentes de ce trio de femmes se retrouve graphiquement et favorise le traitement du thème des relations intergénérationnelles présent au niveau du contenu: Clémence, l’atypique, est jeune, rebelle, spontanée et ne mesure pas tout de suite les conséquences de son acte de kidnapping. Sa mère, plus expérimentée et fataliste face à la situation de sa propre mère, comprend rapidement la situation et ordonne à sa fille de revenir. Marie-Louise, âgée et courbée, ne comprend pas ce qui lui arrive et passe de l’euphorie à la détresse puis au réalisme face à sa maladie. Confrontée à la déchéance de Marie-Louise et à l’inaction de sa mère face aux décisions prises par la maison de repos, Clémence décide de prendre les choses en mains et d’agir. Elle est mise en avant graphiquement et narrativement. Le thème des relations intergénérationnelles présente donc ici plusieurs aspects: Le passage de flambeau entre mère et fille, la confrontation de la jeunesse et de la vieillesse, la relation entre une grand-mère et sa petite-fille, ou encore le passage à l’âge adulte qui représente, en ce sens, un parcours initiatique. La représentation du vécu de femmes est un choix revendiqué par l’autrice. Mettre en scène des héroïnes féminines a été, pour elle, une évidence: „Moi, j’ai des expériences de femme et j’avais envie de parler de ces expériences-là, de les montrer au grand public“ (BelgienNet 2021). Elle ajoute également: „Il faut enrichir la bande dessinée de cette expériencelà et de ce regard-là. Donc ça me tenait vraiment à cœur“ (ibid.). Dès lors, il s’agissait pour l’autrice de rendre visible une voix et une sensibilité féminine encore trop silencieuses dans le domaine de la bande dessinée francophone. Tout comme Anaële Hermans, Alix Garin puise dans son vécu et son intimité émotionnelle pour proposer une écriture féminine du Moi et affirmer sa voix dans des domaines masculins. Elle aborde également des thèmes qui la bouleversent mais les transmet aux lecteurs sous la couverture fictionnelle du récit. La mise en avant des souvenirs d’enfance et de l’intimité émotionnelle inscrit le récit de Ne m’oublie 32 DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 Dossier Image 3: Clémence et sa grand-mère dans la maison de repos Garin © DARGAUD LOMBARD, 2021 15 INT_NEMOUBLIEPAS_00_FR_PG005_221.indd 15 6/ 11/ 20 10: 45 DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 33 Dossier pas dans la lignée de la tradition du traitement du matériau autobiographique francophone (cf. Groensteen 1996). De plus, en racontant des parcours féminins fictifs inspirés de biographies réelles, elle valorise la femme et prend une position singulière dans le champ très masculin de la bande dessinée. Que ce soit par le contenu et la forme du récit ou par son choix d’autrice de mettre à l’honneur la femme, elle affirme sa subjectivité et sa vision féminine. Elle propose également une autre représentation de la femme et se libère ainsi des codes établis et d’une stéréotypie traditionnelle encore actuelle. Conclusion: deux déclinaisons féminines de l’écriture du Moi Les observations qui précèdent montrent clairement que Les amandes vertes. Lettres de Palestine et Ne m’oublie pas présentent deux déclinaisons différentes d’une écriture du Moi résolument féminine dans la bande dessinée francophone, et cela malgré des thèmes et des stratégies narratives très distincts. La part autobiographique des deux récits se retrouve surtout dans l’arrangement et le contenu narratif et se voit portée et transmise - de manière différente selon le cas étudié - par le dessin. Ce dernier appuie le propos et l’étoffe graphiquement. Par leurs narrations, les autrices Alix Garin et Anaële Hermans, accompagnée de sa sœur Delphine Hermans, apportent une parole, une sensibilité ainsi qu’un engagement clairement féminins. Elles s’éloignent totalement des clichés traditionnellement prêtés à la femme, fictive ou réelle, dans la bande dessinée francophone. Elles l’enrichissent ainsi de nouvelles visions, idées et réalités et renforcent une voix longtemps restée en retrait qui, qu’elle se veuille féminine ou féministe, se fait de plus en plus présente. Aaron, Paul et al. (ed.), Le dictionnaire du littéraire, Paris, Presses Universitaires de France, 2010. ARTE Journal, „‚Ne m’oublie pas‘, road-trip dessiné au pays d’Alzheimer“, La culture dans ARTE Journal, www.arte.tv/ fr/ videos/ 102371-000-A/ ne-m-oublie-pas-road-trip-dessine-au-pays-dalzheimer (publié en mars 2021, dernière consultation: 6 novembre 2021). Baetens, Jan, „Autobiographies et bandes dessinées“, in: Belphégor, 4, 1, https: / / dalspace. library.dal.ca/ bitstream/ handle/ 10222/ 47689/ 04_01_Baeten_autobd_fr_cont.pdf? sequence= 1&isAllowed=y (publié en novembre 2004, dernière consultation: 3 novembre 2021). BelgienNet, „Ne m’oublie pas. 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Cette notion constate que l’action de la majorité de la production culturelle pour les enfants se concentre autour des garçons. Les filles restent souvent narrativement passives, sont stéréotypées et n’existent que par leurs relations aux garçons (cf. Kovaliv/ Porchet 2019: 175). 3 Ainsi apparaissent des personnages tels que Natacha de François Walthéry ou Yoko Tsuno de Roger Leloup. 4 Les initiatives dédiées à la promotion et à la visibilité de la bande dessinée féminine se structurent depuis quelques années. Nous citerons ici le Prix Artémisia de la bande dessinée féminine qui, fondé en 2007, se bat pour promouvoir la place des femmes dans la bande dessinée. Une autre initiative militante est le „Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme“ qui, depuis 2015 et comme son nom l’indique, lutte contre le sexisme dans le milieu. Ce collectif est à l’origine de ce qui est appelé „L’affaire d’Angoulême“ qui démarra sur un reproche fait aux organisateurs du Festival concernant le manque de parité dans le comité de sélection et le Grand Jury de l’édition de 2016. Le reproche initial se développa en véritable critique générale du système et de l’organisation du Festival d’Angoulême. L’article de Gilles Ciment, „Femmes dans la bande dessinée“, livre un résumé complet de cette affaire (Ciment 2017). 5 Nous nous inspirons ici d’un article de Catherine Paulin qui définit le récit de soi en tant que mode de communication autobiographique (Paulin 2018). 6 Il faut remarquer que l’autobiographie graphique, avant de s’épanouir dans l’édition alternative, a été accueillie chez les grands éditeurs où elle n’y a été, dans un premier temps, que peu exploitée (cf. Groensteen 2020: 63). 7 Dans sa contribution „Féminin singulier: les desseins du moi. Julie Doucet, Dominique Goblet“, Laurence Brogniez place le succès des récits autobiographiques auprès des autrices de bande dessinée dans une perspective historique de l’évolution du discours intime dans le champ littéraire et reprend l’argument d’un conditionnement historique et culturel des autrices déjà développé par Philippe Lejeune et Colette Cosnier (Brogniez 2010: 120- 122). 8 Les récits autobiographiques ont un lien fort avec la construction de l’identité. Les expériences personnelles racontées dans ces récits sont souvent présentées comme ayant contribué à la construction du Moi (cf. Brogniez 2010: 123). 9 Thierry Groensteen distingue, dans son article, le traitement du matériau autobiographique chez les auteurs de bande dessinée américains et européens. La scène américaine a, en effet, accueilli le récit autobiographique bien avant la scène francophone et aurait été, selon l’auteur, l’un des éléments déclencheurs de ce qu’il nomme „le courant autobiographique“ dans la bande dessinée francophone (cf. Groensteen 1996). 10 Nous insistons ici sur le caractère polyphonique de toute entreprise créatrice et rejoignons l’opinion de Benoit Glaude lorsqu’il affirme à propos de la réception d’une seule instance d’énonciation: „Cet ‚auteur complet‘ n’a jamais qu’une existence fictive, tout comme ‚le cinéaste‘ pour un film, il repose sur une définition romantique du créateur solitaire. En effet, le création d’une bande dessinée comme celle d’un roman ou d’un film implique la coopération de divers intervenants“ (Glaude 2019: 339). En ce sens, l’auteur complet est un fait de réception et ne correspond pas à la réalité de la production. 36 DOI 10.24053/ ldm-2022-0004 Dossier 11 „Un récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité“ (Lejeune 1975: 14). 12 D’autant plus que Delphine Hermans est intégrée à la narration puisque c’est son personnage qui est l’auteur des cartes postales initiant chaque chapitre. 13 Dans un autre contexte, il serait également intéressant de développer la catégorisation du récit dans la case ‚roman graphique‘. L’utilisation du terme livre, le découpage en épisodes qui font office de chapitres, l’utilisation du noir et blanc, les thèmes abordés, etc., tous ces aspects convergent vers la volonté d’une réception et d’un traitement littéraire du récit. 14 Thierry Groensteen propose une typologie du champ autobiographique qui retient deux critères: celui des pratiques ou „sous-genres“ et celui des thèmes dominants. Nous nous sommes inspirés de cette typologie (Groensteen 2020: 65). 15 L’autofiction est donc, dans notre cas, plutôt référentielle et se rapproche de la définition qu’en fait Vincent Colonna: „L’écrivain est au centre du texte comme dans une autobiographie (c’est le héros), mais il transfigure son existence et son identité“ (Colonna 2004: 75).