lendemains
ldm
0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
10.24053/ldm-2022-0007
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2022
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L’accès des femmes aux premiers rôles: les scénarios de Julie Birmant
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2022
Charlotte Krauss
ldm471850069
DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 69 Dossier Charlotte Krauss L’accès des femmes aux premiers rôles: les scénarios de Julie Birmant 1. Les créatrices de bandes dessinées revendiquent leur juste place Pendant longtemps, les femmes ont joué les seconds rôles dans la bande dessinée franco-belge. Cela valait au niveau des récits, puisqu’une écrasante majorité des personnages principaux classiques sont des hommes, mais aussi au niveau des créateurs, scénaristes et dessinateurs: ainsi que le résume Thierry Groensteen, la bande dessinée était traditionnellement un univers dans lequel des auteurs hommes créaient des œuvres destinées à un lectorat essentiellement jeune et masculin, alors que peu de femmes scénaristes ou dessinatrices y rencontraient du succès (Groensteen 2020a: 296, 2020b: 304). Plus largement, Groensteen fait le constat de „la marginalisation, voire [de] la stigmatisation du féminin“ dans la bande dessinée francophone (Groensteen 2020a: 296). Si le nombre de femmes bédéistes augmente en France depuis une vingtaine d’années - on compte une femme pour quatre hommes dans le monde de la bande dessinée en 2020, contre une dessinatrice pour 25 dessinateurs en 1985 (Groensteen 2020a: 298, 2020b: 303) - nombre de créatrices affirment toujours ressentir un manque de considération dans leur profession. Plusieurs événements récents ont rendu compte de ce fait et, en sensibilisant un public large, ont favorisé une visibilité aujourd’hui accrue aussi bien des femmes artistes que des héroïnes de bandes dessinées. C’est en septembre 2015 que la colère et les revendications des bédéistes femmes apparaissent au grand jour grâce à la création du Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme qui publie notamment une charte, signée par 147 femmes bédéistes à sa création, par 250 aujourd’hui. 1 Le mouvement part d’une enquête menée dès 2013 par l’autrice Lisa Mandel: en interrogeant trente consœurs sur „toutes les questions qui leur ont été posées sur le fait d’être une femme dans la bd“, elle constate une „abondance de réponses et d’anecdotes à caractère sexiste“, 2 signe d’un malaise persistant. Deux ans plus tard, le Centre Belge de la Bande Dessinée ( CBBD ) planifie une exposition intitulée La BD des filles, un projet perçu comme „accablant et misogyne“ (ibid.) par plusieurs femmes artistes contactées par le centre. C’est le moment déclencheur pour la rédaction d’une charte qui souhaite non seulement dénoncer le sexisme, mais aussi contribuer à la recherche de solutions: „Par la rédaction et la diffusion de notre charte nous voulons dénoncer les aspects du sexisme dans l’industrie littéraire où nous évoluons, tout en énonçant des méthodes pour le combattre.“ 3 La charte refuse notamment la classification de „la bande dessinée féminine“ comme un genre indépendant qui n’aurait pas d’équivalent masculin: les signataires rappellent que les bédéistes femmes produisent les mêmes genres, extrêmement variés, que leurs collègues hommes. Le collectif dé- 70 DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 Dossier fend par ailleurs une plus grande diversité de la bande dessinée ainsi qu’une „pluralité ethnique et sociale“ des représentations. Enfin, les signataires refusent d’intégrer dorénavant des collections, expositions ou des prix dits „spécial femmes“. Ce refus y compris de la discrimination positive contrarie certains acteurs pourtant sensibles à l’égalité des chances. Le critique de bande dessinée Thierry Groensteen par exemple publie alors sur le Blog de Neuvième Art un billet intitulé „Dessinatrices, encore un effort pour lutter contre le sexisme“ (Groensteen 2015b) 4 dans lequel il juge aussi souhaitables que bénéfiques des initiatives comme le prix Artemisia, créé en 2008 et destiné à promouvoir les créatrices de bande dessinée. 5 Plusieurs réactions vives à ce billet, de la part de femmes se disant pourtant proches de leur collègue masculin, témoignent du malaise général. Ainsi, Johanna Schipper y voit „un florilège de tout ce que le paternalisme machiste peut produire comme arguments de défense dès lors qu’il se sent attaqué“. Elsa Caboche estime qu’„il faut cesser de croire que les bandes dessinées conçues par les femmes sont des émanations ‚naturelles‘ imbibées d’hypothétiques caractéristiques féminines“. À la défense de l’auteur, Chantal Montellier affirme cependant que „c’est bien en tant que femme qu[’elle] parle et dessine“. 6 Quelques mois plus tard, le conflit refait surface quand aucun nom féminin n’apparaît sur la liste des trente candidats sélectionnés pour le vote du Grand prix de la Ville d’Angoulême, au plus prestigieux des festivals de la bande dessinée en France. L’historique même de ce prix, qui récompense depuis 1974 l’ensemble d’une œuvre, confirme la disparité entre hommes et femmes dans le monde de la bande dessinée: il n’a été décerné que deux fois à une femme (à Florence Cestac, en 2000, et à la mangaka Rumiko Takahashi, en 2019, soit après la polémique de 2016); s’y ajoute un prix spécial pour Claire Brétécher en 1983 (Groensteen 2020b: 308). En 2016, plusieurs artistes demandent le retrait de la liste exclusivement masculine, le Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme appelle les professionnels de la bande dessinée au boycottage du vote et des voix engagées suggèrent des noms d’autrices de bandes dessinées dignes de recevoir le prix de la ville d’Angoulême (p. ex. Bounoua 2016). Les organisateurs reconnaissent finalement avoir commis une „erreur symbolique“ (Bondoux 2016). 7 Ils ajoutent six noms de femmes à la sélection et changent la procédure du vote pour l’avenir: elle se fait depuis „sans […] proposer de liste de noms parmi lesquels choisir“. L’affaire, commentée dans les médias nationaux, accroît la sensibilité du grand public et contribue in fine à normaliser l’idée d’une égalité hommes-femmes dans le monde de la bande dessinée. Aujourd’hui, les femmes ne sont pas seulement de plus en plus nombreuses parmi les créatrices de bandes dessinées, elles sont aussi plus souvent représentées dans les bandes dessinées en tant que protagonistes positives, un accès aux premiers rôles selon Thierry Groensteen: „Une évolution de la bande dessinée francophone moderne aura été de permettre aux femmes de devenir des aventurières à part entière, enquêtant, parcourant le monde et redressant des torts en leur nom propre, à égalité, dans l’autonomie et la bravoure, avec leurs collègues masculins“ (Groensteen 2020a: 299). DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 71 Dossier 2. Des personnages féminins rendent hommage aux modèles réels Quelques années après les faits, il paraît pertinent de jeter un regard sur l’œuvre de l’une des bédéistes francophones signataires de la charte des créatrices de bande dessinée contre le sexisme, une femme dont le nom figurait également sur l’une des listes d’autrices suggérées aux organisateurs du festival d’Angoulême en 2016: la scénariste Julie Birmant. Elle a signé sa toute première bande dessinée, Drôles de femmes (2010), avec la dessinatrice Catherine Meurisse et travaillé par la suite avec le dessinateur Clément Oubrerie, tout d’abord sur Pablo (2012-2014), une série de quatre bandes dessinées consacrées aux premières années de la carrière de Pablo Picasso. Cette première collaboration entre Birmant et Oubrerie rencontra un franc succès et fit connaître le duo au grand public. Or le titre, Pablo, de même que les noms d’artistes proches ou concurrents choisis comme titres des trois premiers tomes (Max Jacob, Apollinaire et Matisse; le quatrième tome s’intitule Picasso) 8 dissimulent le premier rôle joué par une femme: la narratrice de l’œuvre, garante de sa cohérence, est Fernande Olivier (1881-1966), l’une des premières compagnes du peintre. 9 Au-delà de cette œuvre, un regard sur tous les scénarios publiés à ce jour montre que Julie Birmant met systématiquement des femmes au premier rang de ses bandes dessinées. Des Drôles de femmes aux Aventures de Renée Stone (2018-22), toutes les héroïnes de Julie Birmant refusent le paternalisme et revendiquent leur liberté. Indépendantes, elles décident elles-mêmes de leur vie et réclament les mêmes droits que leurs partenaires ou concurrents masculins, y compris le droit à l’erreur dans certaines situations. Au-delà des héroïnes qu’ils représentent, les scénarios renvoient aussi concrètement aux revendications des femmes artistes en général, ce qui n’est pas sans rappeler l’engagement récent des bédéistes. Il est en effet à noter que toutes les héroïnes de Julie Birmant évoluent dans le monde de l’art; elles sont romancières, muses de peintre, danseuses, bédéistes, éditrices, actrices etc. Que ce soit par les moyens du documentaire ou de la fiction, ces scénarios contribuent donc aussi à rendre une place plus juste aux femmes dans la conscience et la mémoire collectives. La carrière de scénariste de Julie Birmant commence par de petits entretiens avec des femmes humoristes, dérivés d’un documentaire que la journaliste, qui se décrit alors comme une „femme de radio“ (Bogrow 2010: 4), réalise pour France Culture. Elle choisit plusieurs enregistrements pour un projet de „livre classique“ quand elle constate que „la radio ne [peut] pas rendre les lieux, les attitudes, les silences...“ (Bogrow 2012: 17) et qu’un ouvrage lui donne aussi l’occasion de se mettre en scène elle-même, ce qui apporte au récit une réflexion sur la démarche de l’enquête. La rencontre avec Catherine Meurisse décide finalement l’autrice à passer à la bande dessinée: „je réalisais que le langage particulier de la BD permettait - et même encourageait - des audaces formelles et un décalage de la manière de raconter qui seraient tout à fait dans le ton“ (ibid.: 5). L’ouvrage ne repose donc pas sur un scénario conçu et découpé pour la bande dessinée, mais sur l’adaptation d’un 72 DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 Dossier texte long et sur la „symbiose“ opérant entre les deux artistes: le dessin permet de saisir les ambiances des „rencontres éphémères“ et leur „énergie“. 10 Les dix femmes chez lesquelles Julie Birmant s’invite en tant que narratrice aussi ingénue qu’enthousiaste pour des entretiens sont artistes. Toutes „ont bâti leur carrière ou leur personnage sur l’humour“, s’attaquant ainsi, selon les mots de l’autrice, „au domaine du rire, qui est si masculin“ (Bogrow 2010: 5). Cet affrontement de tabous - „Dans une société bien élevée, une femme n’a pas à être drôle. Ni libre.“ - suscite l’admiration de l’autrice qui considère ses interlocutrices comme des „pionnières“ (ibid.: 5, 6). C’est l’entretien avec Yolande Moreau en ouverture qui lance l’enquête et donne le ton à l’ouvrage: „héro[ïne] à la marge“ (Birmant/ Meurisse 2010: 4), la comédienne a su s’imposer dans le monde de l’humour avec énergie et autodérision. Julie Birmant, marquée dès son enfance par les films et les spectacles de Yolande, se dit „amoureuse“ (ibid.) d’elle et la décrit comme le modèle qui a déterminé le choix des autres protagonistes de l’ouvrage: „Mon Graal, c’était des femmes capables comme elle d’afficher leur singularité, leur détermination, et d’en tirer une beauté supplémentaire“ (Borgow 2010: 4). Le côté réflexif des reportages - la mise en scène, par les moyens de la bande dessinée, d’une jeune artiste à la recherche d’artistes qui puissent lui servir de modèles - est également mis en évidence par cette première rencontre et reflété par les dessins de Catherine Meurisse, comme dans une mise en abyme qui montre Yolande Moreau assise sous un tableau représentant Yolande Moreau (DF: 7; fig. 1). Fig. 1: Meurisse, Birmant © DARGAUD, 2022 Plusieurs entretiens insistent sur les difficultés rencontrées par la génération des pionnières qui, plus que la jeune génération que représente Julie Birmant, s’est battue contre le modèle bourgeois de la femme rangée. C’est notamment le cas de Sylvie Joly, grande figure du one-woman-show français: issue d’une grande famille bourgeoise, elle a trente ans passés quand elle avoue enfin son rêve de devenir comédienne à sa famille, y compris à son mari qui la soutient tout au long de sa DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 73 Dossier carrière. Un témoignage similaire est livré par la comédienne Tsilla Chelton qui dut affronter un père „rigoriste“ (DF: 72) et une éducation destinée à faire d’elle la parfaite épouse. La rencontre avec Florence Cestac joue un rôle-clé en tant que reflet du médium de la bande dessinée: l’entretien de la bédéiste et co-fondatrice de la maison d’édition Futuropolis, spécialisée dans le neuvième art, se concentre sur son Démon de midi, une bande dessinée devenue best-seller grâce à son adaptation au théâtre. Inspirée de la vie de l’autrice, elle raconte l’histoire d’une femme que l’homme de sa vie quitte pour une maîtresse. Ainsi que le souligne la narratrice dans Drôles de femmes, l’originalité de l’œuvre réside dans le fait qu’elle adopte le point de vue féminin: „Avouons qu’il y a de quoi se marrer… Car l’histoire avait toujours été racontée du point de vue masculin. Quand un homme a une maîtresse, il est fort, viril. Parler de la douleur de la femme larguée? Trop triste! Cestac a joyeusement brisé une chape de silence“ (DF: 26). Julie Birmant rend hommage au courage de son interlocutrice qui sort d’un milieu bourgeois paternaliste, se taille une place dans le monde éminemment masculin de la bande dessinée, puis parvient à témoigner de sa propre expérience douloureuse: „Il a fallu toute une vie pour oser se mettre à faire des bandes dessinées, domaine réservé aux hommes […] …et puis la secousse tellurique de la rupture avec l’amoureux supposé éternel pour se mettre à parler de soi“ (DF: 29). 3. Fernande et Isadora se libèrent du modèle paternaliste Le premier tome de la série Pablo s’ouvre sur le Montmartre de nos jours: „Picasso“ y est le nom d’un modèle de voiture et l’atelier du peintre est visité par une foule de touristes. La narratrice, Fernande, apparaît sous les traits d’une femme âgée qui regarde la vie du quartier et remarque que „ça fait longtemps que plus personne ne fait attention à moi“ (Birmant/ Oubrerie 2012: 3). Mais la bande dessinée, dans laquelle Fernande est „une sorte de fantôme planant sur Montmartre“ (Borgow 2012: 16), rend sa place à une figure historique oubliée: „Picasso m’a aimée, Picasso m’a peinte… Il a beau avoir voulu m’effacer… il m’a rendu éternelle“ (Birmant/ Oubrerie 2012: 5; fig. 2). 11 Le scénario de Julie Birmant est fondé entre autres sur les mémoires rédigés par Fernande dans les années 1930, mais il efface le côté naïf de ces pages „maladroites, brouillonnes et pleines d’approximations“ (ibid.: 5) afin de retracer le combat du personnage pour une vie librement choisie. Le premier tome, consacré aux années 1900-1904, est particulièrement évocateur, puisqu’il alterne des planches consacrées à Pablo avec des planches consacrées à Fernande avant même que leurs destins ne se croisent. Tandis que Pablo arrive à Paris plein d’espoir avec son ami Carlès Casagemas, Fernande doit se libérer d’une existence désolante que Julie Birmant décrit comme suit: „du pur Zola, fille naturelle, élevée par une tante peu amène, déflorée, mise enceinte et mariée de force à un fou furieux qui la séquestre 74 DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 Dossier Fig. 2: Oubrerie, Birmant © DARGAUD, 2022 et la viole à tour de bras“ (ibid.: 17). Ses rêves d’aller au lycée, de devenir comédienne ou tout simplement de prendre son destin en mains ne correspondent aucunement à ce que la société prévoit pour elle, ce dont témoigne le livre programmatique que la jeune fille reçoit en récompense de son brevet: Les femmes stoïques depuis l’antiquité (MJ: 23). Ayant découvert auprès de l’amant de sa belle-sœur des relations sexuelles fondées sur le consentement et le plaisir - „une sensation physique inconnue et quasi divine, où l’on gémit et l’on s’oublie“ (MJ: 34) - la jeune femme finit par prendre la fuite et rejoint Paris, où elle tombe par hasard sur le sculpteur Laurent Debienne qui lui propose de devenir son modèle, une condition qu’elle accepte mais qu’elle revendique aussi rapidement. La pose pour différents artistes lui procure un sentiment de revanche à l’égard de la fausse pudeur affichée par sa tante, mais la pose permet surtout à Fernande de gagner sa vie, son indépendance et le choix de ses relations amoureuses: „Pour la première fois de ma vie, j’étais libre“ (MJ: 52). Cette nouvelle vie parisienne est signée par un changement de nom qui lui fait définitivement couper les ponts avec son passé. Quand elle s’installe au mythique Bateau-Lavoir avec Debienne, Amélie Lang devient en effet Fernande Baume, 12 suivant en ceci l’exemple de ses consœurs: „Tous les modèles qui circulaient dans l’étrange bâtisse DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 75 Dossier où nous nous installions avaient des noms de guerre qui empêchaient leur passé de les rattraper“ (MJ: 75). À l’exemple de Fernande, ce premier tome de Pablo fait apparaître le lien qui existe entre liberté et indépendance dans la vie des femmes. Ainsi, le droit de disposer de son corps et de choisir ses partenaires est à l’opposé des relations subies par Fernande et de l’expérience d’être livrée à des prédateurs sexuels: avant même de connaître son mari violent, elle devait par exemple bloquer sa porte par une armoire pour éviter un „tonton“ intrusif (MJ: 23). À Paris, son indépendance financière lui donne la possibilité de choisir: elle quitte Debienne quand elle commence à faire tourner le ménage avec ses heures de pose et qu’elle le trouve au lit avec un modèle (MJ: 78). C’est aussi cette liberté qui lui permet de garder de la hauteur et de s’affirmer face à un Picasso certes follement amoureux d’elle mais qui garde aussi un penchant machiste - dont elle rit: „Il baragouinait un français difficilement compréhensible. Je le dépassais d’une bonne tête, et le voir bomber le torse ne provoquait que mon hilarité“ (MJ: 83). Avec Isadora Duncan (1877-1927), c’est une autre femme indépendante de la même génération que Fernande que Julie Birmant met au centre d’un scénario de bande dessinée. Le diptyque Il était une fois dans l’Est (2015) et Isadora (2017), fruit d’une nouvelle collaboration avec Clément Oubrerie, retrace la vie de la danseuse, célèbre à son époque pour son style d’expression libre inspiré de l’art grec et axé sur l’harmonie du corps: „[Isadora Duncan] fut la précurseure de la danse moderne, libérant les pas du carcan de la danse de divertissement - french cancan, revues de music-hall - et de la danse classique, très codifiée. C’est aussi l’une des premières grandes stars mondiales, dont la célébrité égale celle d’une Greta Garbo“ (Giner 2015: 32). La bande dessinée est conçue comme un flashback: elle commence et se termine par l’accident mortel d’Isadora sur la Promenade des Anglais, en 1927. La narration de premier plan suit la relation et le mariage houleux de la danseuse avec le jeune poète russe Serge Essénine: le premier tome se concentre sur leur rencontre en URSS , en 1921-1923, le deuxième sur une tournée en Europe et aux États-Unis, la transition entre les deux tomes étant assurée par un voyage en avion de Moscou à Berlin. Des chapitres intercalés reviennent de façon chronologique sur la jeunesse d’Isadora et sur le début de sa carrière, ce qui permet de voir éclore son style de danse personnel. Comme Fernande, Isadora se libère d’un corset de conventions bourgeoises qui laissent peu de place à la femme et encore moins à l’artiste. Dès ses 17 ans, alors qu’elle habite sur la côte ouest des États-Unis, elle prend la décision de ne plus jamais pratiquer „ces danses de salon débilitantes“ (Birmant/ Oubrerie 2015: 117). Lors de son arrivée à Chicago, elle se place en opposition à la danse classique: „Je danse avec instinct, avec naturel. Le corps relié au vent, aux vagues, en harmonie avec les branches des arbres… Une vraie danse sacrée: rien à voir avec les codes morts du ballet“ (UE: 125). Tout au long de son parcours, on la voit déterminée par sa quête d’indépendance: elle refuse les avances d’un directeur de théâtre (UE: 140) 76 DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 Dossier et met un terme à sa relation avec un comédien à Berlin le jour où celui-ci veut lui interdire de danser peu vêtue et préférerait la réduire au rôle de femme au foyer (Birmant/ Oubrerie 2018: 85). Sa recherche d’une vie et d’un style artistique libres l’obligent parfois à se battre contre des prédateurs sexuels: elle se défend courageusement contre trois hommes qui tentent de rentrer dans sa chambre dans une pension sordide à Chicago (UE: 136), mais aussi contre une agression sexuelle de la part de Rodin, après une danse en privé censée lui montrer la grande inspiration reçue de son art de sculpteur (Isa: 57). Le scénario insiste sur le „mélange de naïveté et de courage“ ainsi que sur „l’inconscience“ (Giner 2015: 33) 13 d’Isadora Duncan. En se fondant entre autres sur l’autobiographie de la danseuse, Julie Birmant décèle l’humour et le non-conformisme de son personnage: [E]lle est assez marrante dans Ma vie, son autobiographie parue en 1927. Née en 1877, Isadora vit libre et seule à travers le monde, a des enfants sans être mariée. Entière, elle se rend dans les endroits les plus chics vêtue d’une toge grecque, pieds nus, parlant aux puissants comme aux chauffeurs d’hôtel (ibid.: 33). Ce mélange de naïveté et d’enthousiasme mène la danseuse jusqu’à Moscou, invitée par Lénine qui souhaite offrir au peuple „un moment d’oubli, d’exaltation, de l’art populaire et moderne“ (UE: 38). Sans prêter attention aux mises en garde, elle part pour „apprendr[e] aux enfants de la révolution à danser comme des dieux... et sans jamais recevoir un sou en retour“ (UE: 41). Sa conviction de trouver le monde de ses rêves réalisé dans la jeune Union Soviétique s’exprime sur une planche montrant, dans six cases distribuées sur une carte de l’Europe indiquant le trajet du voyage, les discours enflammés qu’Isadora tient à ses deux compagnes de voyage: Les hommes et les femmes, désormais égaux, peuvent divorcer et faire l’amour quand ils veulent. Il n’y a plus d’argent, tout est gratuit, vous imaginez! Les transports, l’école, la nourriture… La propriété! Les riches! Fini! Plus d’intérêts personnels, mais une vision commune. Ah, le communisme… La plus belle idée qu’aient inventée les hommes (UE: 45). À la frontière russe, elle saute du train à l’arrêt et rassemble des paysans ébahis pour un spectacle (cf. fig. 3) en s’exclamant: „Je danse la révolution“ (UE: 54). Enfin, arrivée à Moscou, elle s’avère être une hôte peu commode: non seulement elle insiste pour danser devant Lénine sur la Marche slave de Tchaïkovski malgré la reprise de l’hymne au tsar dans le morceau, mais elle reproche aussi aux nouveaux dignitaires leur attachement au luxe de l’époque tsariste: „Tout ce qui vous entoure est d’une laideur monstrueuse. Regardez-moi ces dentelles, ces volants, ces queues-de-pie, sans parler de ces fauteuils! Jetez-moi ça par la fenêtre… IMMÉDIA- TEMENT “ (UE: 70). Elle est cependant très vite confrontée à la réalité d’un pays marqué par la famine et la guerre. Son rêve de prolonger la révolution en enseignant „aux jeunes filles la manière de marcher des dieux grecs, liberté de corps allant de pair avec liberté de DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 77 Dossier Fig. 3: Oubrerie, Birmant © DARGAUD, 2022 l’esprit“ (ibid.) s’avère être irréalisable: dans le contexte de la Nouvelle politique économique qu’instaure Lénine dans le pays exsangue, l’école promise à Isadora est beaucoup plus petite que prévue et doit être financée par des tournées. Dans sa vie privée, elle connaît le même va-et-vient entre passion et déception dans sa relation avec Serge Essénine. Le poète, de dix-huit ans son cadet, est célèbre en URSS où il fonde sa notoriété sur le mythe d’être un enfant de la campagne, „sorti d’un livre de contes russes“ (UE: 14). Le diptyque retrace une relation qui reste aussi mystérieuse que destructrice, un jeu de pouvoir et de dépendance, sans que les deux aient une langue en commun. Lors de la tournée en Europe et aux États-Unis, Isadora domine de plus en plus dans le couple et Serge, privé de son public russe, finit par rentrer en URSS . En 1925, Isadora apprend qu’il s’est suicidé à Leningrad. 4. Les personnages féminins accèdent aux premiers rôles La dernière œuvre du duo Birmant/ Oubrerie, la trilogie Les Aventures de Renée Stone (2018-22), se distingue de tous les scénarios précédents par son inscription dans la fiction. L’action suit une héroïne fictive que Julie Birmant décrit comme étant „un peu la fille de Miss Marple et d’Indiana Jones“ (Hakem 2018), mais l’histoire est solidement ancrée dans la réalité historique et culturelle, à commencer par le couronnement de Haïlé Sélassié à Addis-Abeba, en 1930, sur lequel s’ouvre le premier tome, Meurtre en Abyssinie (2018). 14 Le scénario fait ensuite passer les 78 DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 Dossier personnages par des endroits mythiques de l’Abyssinie, comme Harar „où Rimbaud avait eu la mauvaise idée de s’établir“ (MA: 30) ou la cité de Lalibela. Il confère par ailleurs un rôle-clé à des artefacts mésopotamiens, en particulier aux tablettes cunéiformes qui évoquent le légendaire roi Assurbanipal et l’épopée de Gilgamesh, créant ainsi un lien entre la bande dessinée et le texte littéraire le plus ancien connu de nos jours. 15 Ainsi que le révèle l’annexe du deuxième tome de la série, Le Piège de la Mer Rouge, les personnages de la fiction ont également des modèles historiques plus ou moins transparents. 16 La biographie de l’héroïne, Renée Stone, doit ainsi beaucoup à celle d’Agatha Christie, qu’il s’agisse de son métier de romancière, de son goût pour l’aventure et la liberté ou encore de sa fille, Rosalind, qu’elle a dû laisser en pension en Angleterre après sa séparation avec son mari. Le jeune archéologue John Malowan, qui arrive en même temps que la romancière et tombe rapidement amoureux d’elle, s’inspire quant à lui de Max Mallowan, archéologue qu’Agatha Christie connut en Irak et qui devint son deuxième mari. Les Aventures de Renée Stone se détache du genre de la biographie dessinée de femmes remarquables, un genre avec lequel le public commençait à identifier la scénariste (Hakem 2018) et qui, d’une manière générale, est souvent cultivé par les autrices de bande dessinée: „[l]a revalorisation de ces parcours féminins apparaît comme l’expression d’un militantisme féministe“ (Groensteen 2020b : 310). Renée Stone reprend le schéma classique d’une aventure qu’un personnage occidental pouvait vivre dans des mondes étrangers, mais Indiana Jones 17 est ici remplacé par une femme libre et désinvolte qui suscite les réactions contrastées de tout un cercle d’hommes l’entourant. Ainsi, John Malowan constate avec admiration qu’elle „voyage comme ça, toute seule, en quête d’inspiration“ (MA: 6), alors que le vieil écrivain Graham Gray, imbu de lui-même, ne manque pas de diffamer sa collègue en divulguant le récent divorce de Renée et en distinguant chez elle un „besoin de dissiper au fin fond de l’Afrique un certain parfum de scandale“ (MA: 8). Il renchérit en publiant un article montrant la romancière en mauvaise mère qui a égoïstement abandonné sa fille pour vivre des aventures ( PMR : 15). Renée est quant à elle sous le charme de l’explorateur Alfred Therziger, „qui a traversé le désert des déserts à dos de chameau“ (MA: 6): dans ses rêves, elle s’imagine légèrement vêtue, contemplée par Therziger adossé à un lion (MA: 18). Lors du couronnement royal, deux vignettes (MA: 20, cf. fig. 4) opposent le public officiel, rigide, immobile et exclusivement masculin, à ces personnages de fiction qui forment une chaîne émotionnelle propice aux aventures et aux revirements de l’action: de gauche à droite, John Malowan est sous le charme de Renée Stone qui est attirée par Alfred Therziger qui pense plutôt à surveiller Graham Gray qui, lui, observe ce petit monde de façon amusée. Clément Oubrerie place ce dernier personnage derrière une barre ou une poutre qui, rappelant un espace inter-iconique, l’exclut pratiquement du groupe central et lui confère un rôle d’observateur. Gray est aussi l’unique personnage qui regarde vers la gauche, ce qui arrête le flux de la lecture (de gauche à droite) pour un moment. Ce procédé renvoie le lecteur vers Renée Stone entourée de Malowan et Therziger; il souligne le rôle de ce petit groupe, nœud de l’aventure à venir. Habillé DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 79 Dossier de blanc, le personnage de la romancière constitue un contraste important avec l’arrière-plan foncé et ressort de l’image: le premier rôle de l’aventure revient clairement à la romancière. Fig. 4: Oubrerie, Birmant © DARGAUD, 2022 Tout comme les héroïnes des scénarios non-fictionnels de Julie Birmant, Renée Stone se caractérise par son indépendance. Si les hommes ne la prennent pas au sérieux ou essaient de se servir d’elle - Malowan, par exemple, la présente comme sa compagne quand il rend visite à son oncle et à sa grand-mère - elle s’avère forte et intelligente au bout du compte. La jeune femme revendique sa liberté et agit comme elle l’entend: elle rit au nez de l’archéologue et prend le volant de la voiture quand il a trop bu (MA: 16), elle assume son divorce tout en regrettant l’absence de sa fille, elle grimpe dans un arbre, se jette à l’eau pour gagner la plage depuis un bateau, à la surprise des voyageurs masculins ( PMR : 21). Finalement, c’est cependant la collaboration entre Malowan et Stone qui fait avancer l’enquête (qui a tué le père de Malowan? ) et la chasse au trésor (celui du roi Assurbanipal): John est entraîné par Renée à l’aventure et Renée a besoin de l’archéologue pour comprendre les artefacts anciens. Autour d’eux se construit le monde typique du roman d’aventure, constitué de forces obscures et contraires: ils côtoient d’autres aventuriers, des contrebandiers, des chercheurs, des industriels, des espions etc. Dans toutes ces bandes dessinées, des femmes occupent les premiers rôles et toutes ces héroïnes se ressemblent par leur caractère bien trempé et la lutte qu’elles mènent contre un carcan de règles bourgeoises ou paternalistes. Toutes revendiquent le droit de faire leurs propres choix dans tous les domaines de la vie; toutes assument leur indépendance sans se soucier de ce que la bonne société pourrait penser d’elles. Avec trois scénarios consacrés au premier tiers du XX e siècle, Julie Birmant pose un regard sur une génération de femmes occidentales pionnières et offre à ses lecteurs autant de modèles, historiques ou fictifs. Or ces héroïnes sont d’autant plus convaincantes et attachantes qu’elles ne sont pas exemptes de défauts, mais tout simplement humaines. Le droit à l’erreur fait en effet bien partie des 80 DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 Dossier droits revendiqués: l’histoire d’amour entre Isadora Duncan et Serge Essénine par exemple n’est aucunement une romance parfaite et l’attirance que ressent Renée Stone pour l’aventurier Alfred Therziger, dont la mise en scène virile pourrait la faire fuir, est un échec cuisant. Fernande, quant à elle, raconte dans Picasso (le quatrième tome de la série) sa déception à l’adoption d’une petite fille, Raymonde. Elle n’arrive pas à prendre le rôle de mère: „Elever un enfant n’était qu’une longue suite de corvées. Et le pire était de préparer les repas à heures fixes. […] Au bout d’un mois, j’étais totalement épuisée, vous parlez d’un épuisement“ (Birmant/ Oubrerie 2014: 22). Quand Pablo commence à faire poser l’enfant, elle finit par la renvoyer, au prix d’une crise dans le couple. Ainsi que le constate la narratrice de Drôles de femmes: „[c]’est avec ses insuffisances que Yolande travaille. Elle part toujours du dérisoire, et elle nous hisse vers la beauté à laquelle on tend tous“ (DF: 8). Les défauts et les erreurs peuvent donc s’avérer parfaitement productifs, ce que la même bande dessinée montre encore à l’exemple d’un raté technique: après avoir rencontré la comédienne Dominique Lavanant - „une femme superbe, accomplie, doutant d’elle-même, triste, douloureuse et lumineuse à la fois“ (DF: 83) - Julie Birmant se rend compte que l’entretien n’a pas été enregistré. Or Lavanant ne souhaite pas se prêter une deuxième fois au jeu de l’interview et c’est finalement la dessinatrice Claire Bretécher que rencontrent Julie Birmant et Catherine Meurisse - pas pour parler de bandes dessinées, mais de Dominique Lavanant, amie de Bretécher. Ainsi que le raconte Catherine Meurisse, l’entretien de secours s’avère être une chance absolue: C’est la Providence qui a fait que Julie rate l’interview de Lavanant! Cet échec nous a amenées à rencontrer Claire Brétecher, son amie. Elle nous a confié des souvenirs de jeunesse autour d’une tasse de thé, et m’a même fournie de la doc afin que je ne rate pas trop sa copine. […] Brétecher est une personne rare et drôle, qui semble avoir vécu mille choses, pionnière dans la BD d’humour, le féminisme, l’auto-édition, copine avec la troupe du Splendid, etc. Le couple Brétecher-Lavanant est tombé du ciel dans notre album avec un naturel tout à fait désarmant (Bogrow 2010: 7). Enfin, quel rôle joue le fait que les protagonistes des scénarios de Julie Birmant évoluent dans le monde de l’art? Outre la lutte très difficile pour un style propre, tel qu’on l’observe en particulier dans le diptyque consacré à Isadora Duncan, c’est la question d’une lucidité induite par l’art que posent les différentes œuvres, sans pour autant venir à une conclusion définitive. En témoigne ce dialogue ironique entre John Malowan et Renée Stone alors que les deux sont échoués en rase campagne et cherchent une solution: [John]: Où allons-nous? [Renée]: Comment voulez-vous que je sache? [John]: Vous êtes romancière, vous devez avoir des idées (PMR: 10). Dans Pablo, Fernande fréquente de nombreux artistes et atteint une lucidité symbolisée par l’image d’elle s’envolant au-dessus de Paris, à la fin du premier tome. Or la DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 81 Dossier conclusion qu’elle tire de ces fréquentations n’est pas vraiment passionnante, puisqu’elle se rend compte que nombre d’artistes rêvent au fond d’une vie rangée qu’elle-même n’a eu de cesse de fuir: „L’excentricité de façade des artistes me séduisait, mais ils étaient tellement paisibles… […] prisonniers qu’ils étaient des convenances et de leurs rêves de gloire sociale à deux sous. Aucun ne me faisait envie“ (MJ: 65). Il est clair, en revanche, que les scénarios de Julie Birmant servent à rendre une juste place dans la mémoire culturelle aux femmes audacieuses dans le monde de l’art: ils visent à tirer de l’oubli Fernande Ollivier comme Isadora Duncan et ils installent dans la conscience collective la possibilité d’une romancière et aventurière à la hauteur d’Indiana Jones. Dans les différentes œuvres qui se fondent sur ces scénarios, le neuvième art devient donc une archive en même temps qu’un terrain d’exploration. Publiées chez Dargaud, l’une des maisons d’édition classiques de la bande dessinée franco-belge, les œuvres issues des scénarios de Julie Birmant s’adressent au grand public et prennent certainement des positions moins radicales ou moins militantes qu’on pourrait l’attendre d’œuvres publiées chez de petits éditeurs ouvertement engagés ou plus clairement orientés vers des publics spécifiques. Les scénarios normalisent toutefois le rôle des personnages féminins au royaume de la bande dessinée: les héroïnes de Julie Birmant occupent tout naturellement les rôles principaux traditionnellement réservés aux hommes. Elles ne sont pas seulement indépendantes et libres, mais aussi drôles, aventureuses, non sans défauts et souvent têtues - elles sont tout simplement humaines. C’est cette normalisation du rôle de la femme dans la bande dessinée qui correspond exactement aux revendications formulées par les créatrices de bandes dessinées franco-belges. Birmant, Julie (scénario) / Catherine Meurisse (dessin), Drôles de femmes [2010], Paris, Dargaud, 2019 [=DF]. Birmant, Julie (scénario) / Clément Oubrerie (dessin), Pablo. 1. Max Jacob, Paris, Dargaud, 2012 [=MJ]. —, Pablo. 2. Apollinaire, Paris, Dargaud, 2012. —, Pablo. 3. Matisse, Paris, Dargaud, 2013. —, Pablo. 4. Picasso, Paris, Dargaud, 2014. —, Il était une fois dans l’Est, tome 1, Paris, Dargaud, 2015 [=UE]. —, Isadora, Paris, Dargaud, 2017. [=Isa]. —, Meurtre en Abyssinie. Une aventure de Renée Stone (1), Paris, Dargaud, 2018 [=MA]. —, Le Piège de la Mer Rouge. Une aventure de Renée Stone (2), Paris, Dargaud, 2020. [=PMR]. —, Le Trésor d’Assurbanipal. Une aventure de Renée Stone (3), Paris, Dargaud, 2022. Bogrow, Sophie, „Belles et drôles à la fois“, in: Casemate, 22, 2010, 4-7. —, „La revanche de Fernande“, in: Casemate, 44, 2012, 16-21. Bondoux, Franck, „Le mea culpa du directeur du Festival d’Angoulême“, in: Le Monde, 9 janvier 2016, www.lemonde.fr/ idees/ article/ 2016/ 01/ 09/ le-mea-culpa-du-directeur-du-festivald-angouleme_4844492_3232.html (site consulté le 1 er novembre 2021). 82 DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 Dossier Bounouna, Mélissa, „Le Festival d’Angoulême ne trouvait pas d'auteures de BD à honorer, voilà notre liste“, in: Slate, 7 janvier 2016, www.slate.fr/ story/ 112377/ angouleme-bd-femmes-liste (site consulté le 1 er novembre 2021). Collectif des créatrices de bande dessinée contre le sexisme, „Charte des créatrices de bande dessinée contre le sexisme“, https: / / bdegalite.org (site consulté le 22 septembre 2021). Giner, Paul, „Danse avec les Rouges“, in: Casemate, 87, 2015, 32-37. Groensteen, Thierry, „quand la bande dessinée parle d’art...: figures de l’artiste“, in: Neuvième art 2.0, mai 2015, http: / / neuviemeart.citebd.org/ spip.php? article928 (site consulté le 22 septembre 2021) [= Groensteen 2015a]. —, „dessinatrices, encore un effort pour lutter contre le sexisme“, in: Le blog du neuvième art, Neuvième art 2.0, septembre 2015, http: / / neuviemeart.citebd.org/ spip.php? article995 (site consulté le 22 septembre 2021) [= Groensteen 2015b]. —, „Femmes (1): Représentation de la femme“, in: id. (ed.), Le Bouquin de la bande dessinée. Dictionnaire esthétique et thématique, Paris, Robert Laffont, 2020, 296-303 [= Groensteen 2020a]. —, „Femmes (2): La création au féminin“, in: id. (ed.), Le Bouquin de la bande dessinée. Dictionnaire esthétique et thématique, Paris, Robert Laffont, 2020, 303-311 [= Groensteen 2020b]. Hakem, Tewfik, „Renée Stone, c’est un peu la fille de Miss Marple et d’Indiana Jones“, entretien avec Julie Birmant / Clément Oubrerie, Le Réveil Culturel, France Culture, le 19 octobre 2018, www.franceculture.fr/ emissions/ le-reveil-culturel/ julie-birmant-et-clement-oubrerie (site consulté le 1 er novembre 2021). 1 Cf. sur le site internet du collectif, www.bdegalite.org (chiffre noté en octobre 2021). 2 Collectif: „Historique“, www.bdegalite.org. 3 Collectif: „Charte“, www.bdegalite.org. 4 Le „Blog de Neuvième Art“ est un espace d’expression libre hébergé par la cité de la bande dessinée d’Angoulême. 5 Sur le festival, cf. aussi Groensteen 2020b: 308. 6 Toutes ces réactions sont consultables immédiatement sous le billet qui devient donc un véritable échange d’opinions. 7 Franck Bondoux, le délégué général du Festival international de bande dessinée, dans Le Monde du 9 janvier 2016 (Bondoux 2016). 8 Dans un entretien avec Sophie Bogrow, Julie Birmant explique que l’absence de Fernande dans les sous-titres s’explique plutôt par le fait qu’elle sert de fil rouge, que sa présence est donc continuelle (Bogrow 2012: 17). 9 Ce premier rôle donné à Fernande explique entre autres pourquoi l’œuvre de Picasso ne joue finalement pas un très grand rôle dans l’ouvrage. Il faut bien évidemment ajouter à cela l’argument des droits à l’image exorbitants qui pèsent sur chaque représentation de Picasso, ainsi que le rappelle Julie Birmant dans un entretien (Bogrow 2012: 17). Mais à la critique selon laquelle „les œuvres elles-mêmes sont, étrangement, évacuées. […] Pablo occulte Picasso“ (Groensteen 2015a), on peut parfaitement répondre que c’est en réalité Fernande qui occulte Picasso. 10 Ibid. Catherine Meurisse explique qu’il s’agit en réalité d’une adaptation d’un texte „de l’ordre du roman“ (Bogrow 2010: 6). 11 Dans un entretien avec Sophie Bogrow, Julie Birmant affirme qu’elle a voulu donner à Fernande „cette revanche, ce quart d’heure de gloire“ (Bogrow 2012: 16). DOI 10.24053/ ldm-2022-0007 83 Dossier 12 Cf. MJ 23 et 75. Fernande Baume devient plus tard Fernande Olivier. 13 Birmant dans un entretien avec Paul Giner. 14 Lors de la cérémonie du couronnement, ce cadre exotique est souligné par des termes et des signes étrangers sans explication qui restent indéchiffrables aux lecteurs français. Le texte d’un cartouche indique: „L’abouna et l’etchege prononcent les paroles en Guèze“, et plusieurs phylactères sont en écriture éthiopienne (MA: 20). 15 Cf. Hakem 2018: Julie Birmant raconte que sa fascination pour les artefacts mésopotamiens et l’épopée de Gilgamesh ont clairement influencé le scénario. 16 Cf. PMR, annexe „Les dessous de l’histoire“ (non paginée). 17 Julie Birmant présente elle-même le scénario comme une aventure „à la Indiana Jones, mais avec du contenu“ (Hakem 2018).