eJournals lendemains 47/186-187

lendemains
ldm
0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
10.24053/ldm-2022-0020
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2023
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De l’„Institut de Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe“ à la fondation Genshagen : organiser le dialogue franco-allemand à l’échelle européenne après 1990

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Paul Maurice
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66 DOI 10.24053/ ldm-2022-0020 Dossier Paul Maurice De l’„Institut de Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe“ à la fondation Genshagen: organiser le dialogue franco-allemand à l’échelle européenne après 1990 En 1993, Rudolf von Thadden et Brigitte Sauzay ont fondé l’„Institut de Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe“ (BBi). L’objectif de cette initiative était d’amener le dialogue franco-allemand dans les nouveaux Länder quatre ans après la chute du mur de Berlin. En 2005, l’Institut s’est transformé en la Fondation Genshagen, qui s’attache tout particulièrement aux relations franco-allemandes et germano-polonaises dans le cadre du Triangle de Weimar. La Fondation se revendique comme un espace de ‚décélération‘ permettant une médiation des différents acteurs à l’échelle européenne afin de promouvoir des projets artistiques et culturels ainsi qu’un dialogue politique. Pour son directeur actuel, Martin Koopmann, „Genshagen est une plateforme de dialogue unique qui n’existe pas sous cette forme en France“ 1 (Clemens 2015). Elle s’est en effet fixé pour objectif de réunir les acteurs de la culture, des médias, de la politique, du monde économique et académique pour jeter des ponts entre la société civile, l’État et la sphère économique. En raison de son histoire et des spécificités de cette institution, nous nous proposons d’analyser le rôle qu’elle a joué, à la fois dans l’intégration des citoyens des nouveaux Länder dans une relation franco-allemande jusque-là établie à l’Ouest, mais aussi dans la réconciliation franco-germano-polonaise après 1990. Pour ses fondateurs, il s’agissait de créer un véritable institut franco-allemand et non un simple institut d’étude de la France en Allemagne; pour cela ils ont placé au centre de leurs activités le dialogue européen entre les citoyens des deux pays (1). Du début des années 1990 jusqu’aux années 2000, le château de Genshagen était par ailleurs un lieu de rencontre privilégié pour les dirigeants politiques de France et d’Allemagne (2). Nous nous interrogerons enfin sur les perspectives de cette institution et son rôle dans les relations franco-germano-polonaises dans une Union européenne bouleversée, 30 ans après la réunification allemande (3). 1. Renouer le dialogue franco-germano-allemand à l’échelle de l’Europe réunifiée L’Institut Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe, prédécesseur de la Fondation Genshagen, a été fondé en 1993 en tant qu’association à but non lucratif. Trois ans seulement après l’achèvement de l’unité allemande, Brigitte Sauzay, interprète du Président français François Mitterrand et plus tard conseillère du Chancelier allemand Gerhard Schröder, et l’historien, professeur à l’Université de Göttingen, Rudolf von Thadden, se sont fixé pour objectif de fonder DOI 10.24053/ ldm-2022-0020 67 Dossier un institut dans l’un des „nouveaux Länder“. Ils souhaitaient y établir un dialogue franco-allemand sur l’Europe, mené par la société civile. La création de l’Institut a été soutenue dès son origine par le Ministre-président du Brandebourg, Manfred Stolpe. 2 Lorsque Brigitte Sauzay et Rudolph von Thadden lui ont fait part de leur volonté de trouver un lieu dans l’ancienne RDA afin d’œuvrer à la construction de l’Europe après la guerre froide et la réunification allemande, Manfred Stolpe aurait répondu: „Choisissez un château“ (Stiftung Genshagen 2019: 6). La première visite des deux fondateurs de l’Institut a donc eu lieu au château de Genshagen en septembre 1992. Ce projet a toujours été soutenu par des personnalités politiques locales et nationales. Au début du mois de mai 1993, Rudolf von Thadden et Brigitte Sauzay avaient rencontré le Président de la République française, François Mitterrand, pour obtenir son soutien dans le processus de fondation de l’Institut. Quelques semaines plus tard, le 28 mai 1993, l’Institut est créé à Genshagen à une dizaine de kilomètres au sud de Berlin. Il est finalement inscrit le 11 novembre 1993 au registre des associations comme „Institut de Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe“ (Stiftung Genshagen 2019: 21). Le lieu même de Genshagen est devenu très symbolique dans l’édification de cette institution. Le château, construit au début du XVIIIe siècle et plusieurs fois modifié entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, abritait une académie agricole à l’époque de la RDA et était devenu depuis 1991 l’agence régionale pour la structure et le travail du Brandebourg. 3 Par ailleurs, le débat sur l’intégration et la coopération européennes, qui s’était jusqu’alors limité à l’Europe de l’Ouest, devait ainsi s’étendre institutionnellement et sous une forme publiquement perceptible à l’Allemagne de l’Est (Koopmann/ Hartmann-Fritsch 2015: 443). Les motivations de l’un des fondateurs de l’Institut, Rudolf von Thadden, reposaient également sur une histoire personnelle forte (Umlauf 2015: 453). 4 Il avait certes été président de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg, mais les documents de la fondation montrent qu’il ne s’agissait pas de créer un nouvel „institut sur la France“. 5 Cet institut devait être complémentaire de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg et non son concurrent: au lieu d’une institution bilatérale, il avait été conçu comme un institut davantage tourné vers l’Europe (ibid.). Par ailleurs, à cette époque, le village de Genshagen situé à quelques kilomètres de Berlin, était alors décentré par rapport au centre de gravité politique de l’Allemagne et à sa capitale et son gouvernement siégeant toujours à Bonn. Dès ses origines, l’Institut ne s’est jamais pensé comme une institution de recherche ni un Think tank. Il s’est toujours illustré comme une „plate-forme“ de rencontres (ibid.). Le premier événement organisé à Genshagen a eu lieu du 1 er au 3 décembre 1993: il s’agissait d’un séminaire spécialisé sur „la politique d’asile et de la politique à l’égard des étrangers“ (Stiftung Genshagen 2019: 21). Cette thématique touchait à la fois des questions sensibles en ex- RDA mais était aussi une question importante à l’échelle européenne, nécessitant l’implication de la société civile. De plus, dès le début, les conférences et les rencontres de Genshagen n’ont pas 68 DOI 10.24053/ ldm-2022-0020 Dossier seulement eu un prisme franco-allemand, mais reposaient également sur une participation régulière de la Pologne. Le Triangle de Weimar, fondé en 1991, a donc toujours été l’un des piliers de l’Institut et si cela n’était pas explicite à l’origine, Genshagen est devenu de facto le „lieu“ du Triangle de Weimar (ibid.). En août 1995 a eu lieu une première rencontre de jeunes des trois pays, un „Workcamp“ francogermano-polonais pour les restaurations du parc du château (ibid.). Durant les années 1990, la perspective d’adhésion de la Pologne à l’Union européenne ( UE ) a conduit les dirigeants polonais à un dialogue soutenu avec ses deux partenaires français et allemand. Son adhésion à l’ UE lors de l’élargissement de 2004 a eu des conséquences, non seulement sur la carte politique de l’Europe, mais aussi sur les débats européens entre l’Allemagne, la France et la Pologne (Maurice 2022). Cette césure a coïncidé avec la création de la Fondation Genshagen, qui est devenue le successeur légal de l’Institut de Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe en 2005. Outre le conseil d’administration et le conseil de fondation, les organes de la Fondation sont un conseil consultatif composé de personnalités issues des milieux scientifiques, politiques, culturels et économiques. Le premier président du conseil consultatif avait été l’historien des relations francoallemandes, Michael Werner, directeur d’études de l’École des hautes études en sciences sociales ( EHESS ) à Paris. Les organes fondateurs de la nouvelle structure étaient le Land du Brandebourg, qui a apporté à la fondation le château de Genshagen et le parc du château environnant, et le gouvernement fédéral, représenté par le délégué du Gouvernement fédéral à la culture et aux médias, qui assure le financement permanent de l’institut (Land Brandenburg 2005). Par ailleurs, la Fondation est soutenue par le ministère fédéral des affaires étrangères et, depuis 2009 et 2011 respectivement, par des fonds publics de France et de Pologne, ce qui lui a permis d’entretenir un large réseau d’institutions partenaires (Koopmann/ Hartmann Fritsch 2015: 444). Le ministre-président du Brandebourg d’alors, Matthias Platzeck, devenu président du conseil d’administration en 2005, évoquait à cette occasion une „vitrine importante pour l’Europe“ et insistait alors sur le renforcement des programmes pour la jeunesse et la culture, en plus des événements au cours desquels les dirigeants politiques et la société civile pouvaient se rencontrer (Land Brandenburg 2005). Outre le profil de la Fondation, le Ministre-président avait surtout salué son implantation dans l’un des „nouveaux Länder“ (ibid.), lui permettant d’introduire les préoccupations de l’Allemagne de l’Est dans le dialogue franco-allemand. 2. Créer un espace de discussion privilégié entre politiques (années 1990années 2000) À la fin des années 1990, les deux fondateurs de l’„Institut de Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe“ ont été amenés à jouer un rôle dans la politique franco-allemande au niveau fédéral en Allemagne. Le 29 septembre 1997, Brigitte Sauzay a été nommée conseillère pour les relations franco-allemandes à la Chancellerie fédérale par le chancelier Gerhard Schröder (Milling 2015: DOI 10.24053/ ldm-2022-0020 69 Dossier 408). Le 1 er septembre 1999, Rudolf von Thadden est devenu coordinateur responsable de la coopération franco-allemande auprès du gouvernement fédéral (Umlauf 2015: 452). En effet, dans la première moitié de son existence, la rencontre entre responsables politiques des deux pays a été un marqueur de l’activité de Genshagen. Cette volonté politique a permis d’organiser des échanges entre les dirigeants, parfois malgré leurs désaccords. Le 21 octobre 1996, l’Institut de Berlin-Brandebourg a rassemblé certains des principaux acteurs de la réunification allemande, pour un colloque intitulé „François Mitterrand et l’Allemagne“ (Stiftung Genshagen 2019: 23). Parmi les intervenants étaient présents les anciens ministres des Affaires étrangères français et allemand, Roland Dumas et Hans Dietrich Genscher, mais également l’ancien président fédéral Richard von Weizsäcker, l’ancien conseiller diplomatique de François Mitterrand, Hubert Védrine, et Brigitte Sauzay qui avait été l’interprète du président français. Ce colloque avait été l’occasion de discuter des divergences de perception entre Français et Allemands concernant l’action de François Mitterrand. Hubert Védrine et Roland Dumas, comme ‚gardiens du temple‘ de la mémoire du président français avaient tenté de minimiser la ‚légende‘ selon laquelle François Mitterrand aurait hésité sur la question de la réunification allemande. L’ancien président fédéral Richard von Weizsäcker avait quant à lui apporté une vision plus mesurée des relations franco-allemandes en 1989-1990. Il a certes apporté une vision nuancée du voyage de François Mitterrand à Berlin-Est en décembre 1989, en arguant que celle-ci lui aurait offert une „source d’informations plus authentique“ que celles que le gouvernement fédéral de Bonn lui apportait. Cette concession apportée à la geste mitterrandienne ne l’avait toutefois pas empêché de mettre en cause la conférence de presse que le président français avait tenue en mars 1990 avec les dirigeants polonais Jaruzelski et Mazowiecki pour demander à l’Allemagne de reconnaître sa frontière avec la Pologne (Millot 1996). L’analyse de Richard von Weizsäcker allait d’ailleurs dans le sens de la vision critique des ambivalences du président français donnée par Helmut Kohl dans le livre qu’il avait publié en 1996 (Kohl 1996). Si les débats organisés à Genshagen ont pu être un révélateur des divergences franco-allemandes sur l’interprétation de leur passé récent commun, ils ont été également l’occasion de rapprocher les dirigeants français et allemands grâce à l’analyse de leur histoire. Le 25 septembre 1999, le chancelier Gerhard Schröder et le premier ministre Lionel Jospin avaient participé à Genshagen à un colloque sur la „Mémoire et [l’]identité européenne“. La thématique du colloque, organisé par la chaîne de télévision Arte, illustre les activités de l’Institut dans les années 1990. Le sujet se trouvait à la croisée du travail scientifique, du travail de réconciliation francogermano-polonais et de l’interaction entre politique et société civile. Les déclarations des deux chefs de gouvernement illustrent à ce titre les ambitions de l’Institut: Lionel Jospin: „Les pays européens ont en commun le souvenir terrible de leurs guerres. […] Mais les rapports du passé, avec lesquels chacun garde un rapport unique, nous pouvons aujourd’hui les intégrer en une ‚mémoire commune‘. Parce que nous avons fait l’Europe, parce que nous avons construit la paix. […] La mémoire n’est pas, pour moi, une façon de 70 DOI 10.24053/ ldm-2022-0020 Dossier réveiller les anciennes souffrances, mais, sans les oublier, une manière de faire la paix avec le passé“ (Jospin 1999). Gerhard Schröder: „C’est parce qu’il y a ces différences d’empreintes entre nos pays, parce qu’il y a des peurs différentes, que nous devons savoir les uns des autres comment nous traitons notre histoire. L’Allemagne s’est profondément transformée, surtout au cours de la deuxième moitié de ce siècle. Aujourd’hui, nous ne sommes plus une ‚nation tardive‘, comme on l’a appelé autrefois. […] En même temps, nous savons qu’à nos yeux comme aux yeux des autres peuples, nous avons un passé dont la cruauté est gravée pour l’éternité dans l’histoire. On ne peut pas tirer un trait sur cette histoire“ (Schröder 1999). Il faut néanmoins lire ces déclarations dans le contexte franco-allemand des années 1990: le défilé de soldats allemands de l’Eurocorps sur les Champs-Elysées en 1994 ou la décision de l’abandon du mark au profit de l’euro avait fait renaître des tensions et des craintes nationales de part et d’autre du Rhin. Mais, bien plus, la publication du „manifeste Blair-Schröder“, prônant une „troisième voie“ pour la modernisation de la social-démocratie européenne en juin 1999, avait isolé Lionel Jospin au sein des partis sociaux-démocrates alors au pouvoir (Finchelstein 1999). Il faut donc interpréter ses déclarations comme celle d’une tentative d’apaisement et de conciliation en rappelant l’histoire commune des partis socialistes et sociaux-démocrates dans l’histoire européenne: La relation franco-allemande rentre dans sa maturité. Nos deux pays sont profondément amis. Des malentendus de la mémoire subsistent peut-être: il en subsistera toujours, tant que nous resterons les Allemands et les Français, tant que nos identités seront vivantes. […] Notre continent est aussi celui des révolutions industrielles et des grandes luttes sociales qu’elles ont suscitées: il y a une vision européenne des rapports entre l’économique et le social. C’est pourquoi le socialisme est une idée née en Europe, et encore aujourd’hui vivante en Europe (Jospin 1999). En février 2004, le Chancelier Gerhard Schröder avait rencontré le Président de la République Jacques Chirac à Genshagen pour des discussions bilatérales, en présence de leurs ministres des Affaires étrangères Dominique de Villepin et Joschka Fischer. Cette rencontre avait eu lieu dans le cadre du „processus de Blaesheim“ qui avait été mis sur pied le 31 janvier 2001 à Blaesheim en Alsace. Il prévoyait une concertation étroite et régulière - en complément des sommets franco-allemands - grâce à des réunions entre le Président de la République et le Premier ministre français, le Chancelier allemand et les deux ministres des Affaires étrangères. La réunion de Genshagen s’était concentrée sur les questions de politique européenne, telles que le projet de Constitution de l’ UE ou le pacte de stabilité, mais aussi sur les questions internationales comme l’Irak et l’Afghanistan (Steyer 2004). Malgré la grande convergence des deux dirigeants, les déclarations du Chancelier allemand montrent la réticence à la réforme du système de décision à la „double majorité“: 6 „La règle de la double majorité doit rester telle que prévue. Nous espérons que l’on pourra faire des progrès quant aux décisions prises à la majorité qualifiée DOI 10.24053/ ldm-2022-0020 71 Dossier et enfin nous pensons qu’il faut à l’avenir améliorer l’efficacité du travail de la Commission“ (Chirac/ Schröder 2004). L’objectif des rencontres qui se sont tenues entre dirigeants politiques à Genshagen dans la première moitié de son existence n’a jamais été d’obtenir un résultat immédiat. L’„Institut de Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe“ n’a jamais prétendu remplacer les sommets européens ou intergouvernementaux, mais a toujours eu vocation à favoriser le dialogue, même lorsqu’il existait des divergences et des désaccords. 3. Quel avenir pour la Fondation Genshagen dans une Union européenne bouleversée 30 ans après la réunification allemande? Au cours des dix premières années, des questions fondamentales sur l’avenir de l’Europe après la fin de la guerre froide ont été discutées à Genshagen. Jusqu’en 2005, les discussions portaient principalement sur l’avenir politique de l’Europe et ses valeurs. 7 Les modifications structurelles de l’Institut en 2005 - qui coïncident avec l’élargissement de l’ UE - ont entraîné des débats sur la forme institutionnelle que devait prendre la nouvelle Fondation. Le principal débat portait sur le ministère fédéral qui devait en être le principal soutien: le ministère des Affaires étrangères ( AA ) ou le délégué du gouvernement fédéral pour la Culture et les Médias ( BKM ). C’est finalement ce dernier qui s’est imposé comme le partenaire gouvernemental de la Fondation dont il a marqué la (ré-)orientation beaucoup plus culturelle. 8 Par ailleurs, depuis les années 2000, Genshagen a largement cédé le rôle de lieu de rencontres entre dirigeants politiques à des endroits comme le château de Meseberg. 9 À partir de 2005, le travail de la Fondation dans le domaine politique s’est davantage orienté vers des sujets concrets d’intégration dans l’ UE élargie. Ce qui est demeuré et a été constamment développé a été sa fonction de lieu de rencontres interculturelles. La Fondation souhaite opérer à l’interface entre la société civile, l’État et l’économie à travers ses deux axes de travail principaux: „Art et éducation culturelle en Europe“ et „Dialogue européen - Penser l’Europe politiquement“. Dans le cadre de cette structure commune, son objectif culturel est de soutenir l’expertise transfrontalière et comparative en matière d’éducation artistique et culturelle, ainsi que les échanges culturels, notamment avec la France et la Pologne. Avec le même accent sur le dialogue transfrontalier en Europe, la Fondation se concentre sur la réflexion sur l’avenir politique, économique et social de l’Europe, sa cohésion interne et son rôle dans le monde. L’objectif est de promouvoir les débats sur la politique européenne, notamment en Allemagne, en France et en Pologne. La Fondation souhaite renforcer l’échange axé sur les solutions entre les décideurs politiques, économiques et de la société sur les questions de politique européenne, et de donner une impulsion pour améliorer la communication entre les citoyens et les décideurs sur les questions européennes. 72 DOI 10.24053/ ldm-2022-0020 Dossier Afin de renforcer son rôle de plateforme de débats franco-allemands, la Fondation a développé des collaborations avec des institutions partenaires françaises. À l’automne 2014 a été créé le „Groupe de réflexion franco-allemand“, soutenu depuis 2015 par le Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Institut français des relations internationales (Ifri). Devenu „Groupe Daniel Vernet“ en hommage à l’un de ses co-fondateurs, le journaliste du Monde Daniel Vernet, spécialiste des questions internationales, il compte 20 membres français et allemands issus du monde de la recherche, de celui de l’économie ou des médias. La création d’un tel Groupe par la Fondation part du constat que de nombreux citoyens, mais aussi des membres des élites politiques ont perdu confiance dans le rôle central qu’est censé jouer le couple franco-allemand dans le développement du projet européen. Son objectif, fidèle à l’esprit originel de l’„Institut de Berlin-Brandebourg pour la coopération franco-allemande en Europe“ était de répondre aux divergences perçues en France et en Allemagne par des positions communes et des suggestions d’action à propos des questions centrales de politique européenne. 10 Par ailleurs, le „Forum Genshagen pour le dialogue franco-allemand“ est organisé en coopération avec l’Institut Montaigne à Paris depuis 2010. Le constat initial de ce Forum est que l’Allemagne et la France doivent assumer une responsabilité particulière pour l’avenir de l’ UE et travailler à l’élaboration de stratégies communes, étant donné les nombreux défis auxquels l’Europe est confrontée. Son objectif est de mettre en réseau des jeunes dirigeants des deux pays, issus du monde politique et administratif, du monde des affaires, du monde universitaire et des médias. Ce mélange d’invités de marque, d’étudiants, de personnes originaires d’Allemagne de l’Est et de l’Ouest ainsi que de France et de Pologne a contribué à créer une atmosphère particulière qui a joué un rôle important dans l’identité de Genshagen. Enfin, comme lieu d’expertise du Triangle de Weimar, la Fondation Genshagen s’est penchée sur l’avenir des relation6s franco-germano-polonaises au moment du trentième anniversaire du Triangle, notamment par une série de publications rassemblant des experts des trois pays (Koepf/ Koopmann/ Töglhofer 2021). Si le nouveau gouvernement fédéral a apporté une attention particulière à ce format dans le contrat de la coalition „feu tricolore“, c’est l’invasion russe en Ukraine qui a illustré la pertinence d’un rapprochement entre les trois États. La rencontre des présidents polonais et français ainsi que du chancelier allemand à Berlin - la première réunion à ce niveau politique depuis plus de dix ans - et la rencontre des trois ministres des Affaires étrangères à Łodz, en Pologne, au tout début de la crise ont montré que le Triangle de Weimar peut continuer à donner des impulsions importantes si les acteurs politiques sont prêts à surmonter leurs divergences. Certes, l’interrogation reste forte sur la contribution concrète que le Triangle de Weimar peut apporter dans la situation de crise actuelle. Mais ce n’est que par un véritable dialogue sur les questions clefs actuelles que le processus de transformation du Triangle de Weimar peut réussir. En raison de son expérience et de son expertise, la Fondation Genshagen est aujourd’hui la plate-forme de dialogue la plus pertinente pour mener cette réflexion (cf. Koepf 2022). DOI 10.24053/ ldm-2022-0020 73 Dossier Brandenburg (Land), „Das Berlin-Brandenburgische Institut für deutsch-französische Zusammenarbeit ist die Stimme Ostdeutschlands im deutsch-französischen Dialog“, www.brandenburg. de/ cms/ detail.php/ lbm1.c.205187.de (publié le 24 janvier 2005, dernière consultation: 31 mars 2022). Chirac, Jacques / Schröder, Gerhard, „Point de presse sur la réforme des institutions de l’Union européenne et sur l’avenir des emplois de Sanofi en Allemagne“, Genshagen, 9 février 2004, www.elysee.fr/ jacques-chirac/ 2004/ 02/ 09/ point-de-presse-de-mm-jacques-chirac-presidentde-la-republique-et-gerhard-schroeder-chancelier-allemand-sur-la-reforme-des-institutionsde-lunion-europeenne-et-sur-lavenir-des-emplois-de-sanofi-en-allemagne-genshagen-le-9fevrier-2004 (dernière consultation: 05 décembre 2022). 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Historien, il a été professeur à l’université de Göttingen et président de l’Institut franco-allemand de Ludwisburg entre 1985 et 1994. 5 Entretien de l’auteur avec le directeur de la fondation Genshagen, Martin Koopmann, le 9 mars 2022. 6 Le Conseil de l’UE statue à la majorité qualifiée. Celle-ci est atteinte lorsqu’elle réunit 55% des États membres, représentant au moins 65% de la population européenne. 7 Entretien de l’auteur avec le directeur de la fondation Genshagen, Martin Koopmann, le 9 mars 2022. 8 Ibid. 9 Situé à 70 km au nord de Berlin, il s’agit d’une résidence officielle du gouvernement fédéral allemand pour les visites d’État. Celle-ci a pris son ampleur avec le déménagement de la capitale allemande de Bonn à Berlin. 10 Stiftung Genshagen, „Daniel-Vernet-Gruppe“, www.stiftung-genshagen.de/ publikationen/ daniel-vernet-gruppe.html? L=498.html (dernière consultation: 31 mars 2022).