lendemains
ldm
0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
10.24053/ldm-2023-0021
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/ldm48190-191/ldm48190-191.pdf0414
2025
48190-191
Teen Movie et cinéma de banlieue
0414
2025
Verena Richter
ldm48190-1910070
70 DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 Dossier Verena Richter Teen Movie et cinéma de banlieue Autour du ‚populaire‘ dans Les Tricheurs (1958) et Terrain vague (1960) de Marcel Carné Au début des années 1950, le cinéma français entre dans un état de stagnation artistique qui perdurera jusqu’à l’avènement des premiers films de la Nouvelle Vague (cf. Prédal 1996: 92-104; Darré 2000: 72sq.). 1 Dominées par des réalisateurs comme Claude Autant-Lara, Jean Delannoy ou André Cayatte, les grandes productions cinématographiques de cette époque se caractérisent par un savoir-faire technique qui semble n’avoir guère évolué depuis les années 1930. La prépondérance de cette ‚tradition de la qualité française‘, selon l’expression des critiques de l’époque (cf. Montarnal 2018), est en partie due à une industrie cinématographique qui, jusqu’au milieu des années 1950, vise les bonnes recettes au détriment de formes plus expérimentales (cf. Prédal 1996: 81sq.). C’est dans ce contexte d’un cinéma vieillissant et conservateur (cf. Passek 1988: 6) que s’inscrit l’œuvre tardive de Marcel Carné, lequel ne réalise pas ses chefs-d’œuvre à la veille ou au moment des premiers films des ‚Jeunes Turcs‘ 2 (cf. Magny 1988: 60sq.). En effet, tandis que ses films des années 1930 et 1940, issus de la collaboration avec Jacques Prévert, continuent à susciter de l’admiration parmi les cinéphiles de l’époque, ceux qui leur succèdent sont attaqués de toutes parts et se voient vite rattachés à la tradition d’un certain ‚cinéma de qualité‘ (cf. Alexandre 2005: 19-21). Car même si Carné s’inspire des mêmes modèles que la Nouvelle Vague, et en premier lieu du teen movie américain, pour renouveler sa production cinématographique, ses films ne parviennent pas à suivre l’allure des jeunes cinéastes en raison d’une esthétique qui reste fidèle à cet académisme propre à la ‚tradition de qualité‘ (cf. ibid.: 61). Cela concerne avant tout Les Tricheurs (1958), qui dresse le portrait d’une jeunesse oisive et cynique à Saint- Germain-des-Prés, mais aussi Terrain vague (1960), l’un des premiers films qui montrent les quartiers neufs de la banlieue parisienne. Dans notre contribution, nous nous proposons de regarder de plus près ce diptyque de la jeunesse parisienne et de l’étudier sous l’angle d’un cinéma populaire qui cherche à se renouveler. Dans ce contexte, il convient de comprendre le terme de ‚populaire‘ dans sa double acception: d’une part, il se réfère à un cinéma „[q]ui s’adresse au très grand public“ (Le Robert 2024a); d’autre part, il renvoie à une catégorie sociale spécifique, de conditions modestes, qui s’oppose aux classes dominantes d’une société (cf. Le Robert 2024b). Dans un premier temps, nous montrerons plus en détail le recours de Carné au genre du teen movie, et surtout à La Fureur de vivre, le deuxième film qui propulsera le mythe de James Dean. Tandis que les réalisateurs de la Nouvelle Vague s’inspirent des films deaniens pour proposer des images plus authentiques 3 de la jeunesse contemporaine, Carné, fidèle aux principes de la ‚qualité française‘, peine à relever ce défi. Au contraire, ses deux films DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 71 Dossier se caractérisent par un jeu d’acteur peu naturel et une mise en scène maîtrisée à l’extrême dont découle l’impression d’un cinéma figé dans de vieilles formes et de vieilles attitudes. Dans un second temps, nous interrogerons le rapport de Terrain vague au ‚peuple‘ pour faire ressortir son côté novateur. Si nous pouvons reprocher aux deux films de Carné une esthétique peu novatrice qui reste profondément ancrée dans les préceptes de l’entre-deux-guerres, il ne faut pas non plus perdre de vue le renouvellement qu’apporte notamment Terrain vague à la représentation de l’espace parisien dans le cinéma français. Tandis que les premiers films de la Nouvelle Vague portent leur regard sur le centre parisien, Terrain Vague met en scène la jeunesse des milieux défavorisés en marge de la ville lumière et peut à cet égard être considéré comme un prédécesseur du cinéma de banlieue. Des teen movies à la française Popularisés par des acteurs tels que James Dean ou Marlon Brando, les premiers teen movies connaissent un grand succès commercial dans les années 1950, ainsi L’Équipée sauvage (The Wild One, 1953), À l’est d’Éden (East of Eden, 1955) et La Fureur de vivre (Rebel without a cause, 1955), qui sortent en France en avril 1954, en octobre 1955 et en mars 1956, respectivement. Ces films s’inscrivent dans un rajeunissement des sociétés occidentales de l’après-guerre qui entraine un changement socioculturel. Le thème de la jeunesse connaît en particulier une popularité croissante en France et devient une préoccupation majeure pendant la IV e République (cf. Bantigny 2007), de sorte que la jeunesse - qui rassemble les adolescents et les jeunes adultes - gagne en visibilité tant dans le discours public que dans le cinéma français (cf. Le Pajolec 2005: 45-48). C’est dans ce contexte que les films américains représentant une nouvelle jeunesse de l’autre côté de l’Atlantique font irruption. Avec des productions françaises comme Et Dieu créa la femme (1956) de Roger Vadim, ils proposent une image renouvelée des jeunes, étroitement liée à un nouveau jeu d’acteur, celui de l’Actors-Studio. Avec Les Tricheurs et Terrain Vague, Carné s’empare en ce sens d’un sujet et d’un genre cinématographique très populaires à son époque, et s’inspire notamment de La Fureur de vivre tout comme de Dean en tant qu’icône cinématographique. Nous pouvons y voir de la part du réalisateur une stratégie visant à conquérir un nouveau public car les stars, portées par une ‚cinéphilie populaire‘, constituent une patrie intégrante de la société de consommation qui s’instaure progressivement dans la France de l’après-guerre (cf. Le Gras 2015: 81). En effet, la star, selon Edgar Morin, est un facteur majeur de l’industrie cinématographique; elle représente „une marchandise destinée à la consommation des masses“ (Morin 2015: 100). Sur la trame du star-système des années 1950, Dean inaugure un nouveau prototype: celui du jeune rebelle masculin (cf. McDonald 2000: 11; Springer 2007: 2), un héros adolescent qui semble perdu et tourmenté (cf. Morin 2015: 146). Dans Les Tricheurs et Terrain vague, nous pouvons relever des allusions à La Fureur de vivre et à Dean à plusieurs niveaux. Ainsi, dans Les Tricheurs, Dean 72 DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 Dossier constitue une référence omniprésente pour les jeunes protagonistes. Mic, par exemple, qui trouvera la mort à la fin du film dans un accident de voiture, déclare qu’il ne lui „déplairait pas de mourir comme Dean, jeune, en pleine vitesse“ (Les Tricheurs 1958: 00: 59: 20-35) et une photo de Dean attire le groupe des jeunes à une séance de cinéma (ibid.: 01: 06: 08-18). Cependant, les jeunes ne parlent pas seulement de Dean, mais se comportent aussi à l’instar des personnages interprétés par l’acteur américain. C’est notamment la révolte en tant qu’‚acte gratuit‘ qui se trouve au centre des Tricheurs, inspirée directement de la fameuse scène de la course automobile dans La Fureur de vivre. Dans celle-ci, Jim Stark, interprété par Dean, s’interroge sur l’utilité d’une telle épreuve de courage, question à laquelle son adversaire Buzz répond de façon lapidaire „You gotta do something“ (La Fureur de vivre 1955: 00: 50: 00). Dans Les Tricheurs, le personnage d’Alain devient le porteparole de cette image d’une jeunesse désabusée. Ainsi justifie-t-il le vol d’un disque vinyle par la „beauté du geste, acte gratuit“ (Les Tricheurs 1958: 00: 09: 15-40), et il se prête au sauvetage d’un chat sur le rebord d’une fenêtre à seule fin de montrer qu’„il faut vivre dangereusement“ (ibid.: 00: 25: 10-13). Dans Terrain vague, les références à La Fureur de vivre se prolongent jusque dans la ressemblance physique des personnages principaux: ainsi, le trio constitué par Dan (fig. 1), Lucky (fig. 2) et Babar (fig. 3) dans le film de Carné n’est pas sans rappeler celui formé par Judy (fig. 4), Jim (fig. 5) et Plato (fig. 6), même si Dan s’éloigne davantage de son modèle. Et au fur et à mesure que se noue la relation amoureuse entre Lucky et Dan, Babar, tout comme Plato, se voit exclu du trio et finira par se donner la mort. L’inspiration que tire Carné de La Fureur de vivre concerne non seulement les personnages, mais aussi le montage, en premier lieu celui de la scène de la course automobile, dont le réalisateur français s’inspire à la fin des Tricheurs pour la coursepoursuite entre Bob et Mic. Tout comme Nicholas Ray, il s’y sert d’un montage alterné sur fond de plans rapprochés, parfois gros plans, des deux conducteurs, entrecoupés de prises de vue extérieures des voitures et des plans subjectifs. Mais tandis que, dans La Fureur de vivre, la course dure à peu près 35 secondes, celle des Tricheurs s’étend sur presque 3 minutes. L’impression de longueur que ces trois minutes pourraient produire est pourtant atténuée par la musique de jazz qui rythme la poursuite et qui, tout comme la fréquence de coupes, s’accélère continuellement jusqu’à l’accident mortel de Mic. La tentative de Carné de s’approprier un nouveau public est couronnée de succès dans le cas des Tricheurs: le film compte autour de 900 000 entrées dans les cinémas parisiens, attire un public composé de jeunes et d’adultes et gagnera le Grand Prix du Cinéma français en 1958 (cf. De Baecque 1998: 78). Terrain vague, en revanche, ne saura guère s’attirer les faveurs du public et de la critique et peut être considéré comme un échec commercial. Les deux films, pourtant, se voient confrontés aux mêmes reproches, notamment celui de montrer une jeunesse qui n’est plus d’actualité et de la montrer du point de vue des adultes (cf. Alexandre 2005: 58-74, 110-114). Si nous regardons de plus près Les Tricheurs, nous pouvons en effet constater que la jeunesse mise en scène par Carné renvoie plutôt au Saint- DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 73 Dossier Germain-des-Prés du début des années 1950: fanatiques de jazz, les jeunes protagonistes passent complètement à côté de la mode du rock, pourtant bien présente dans le milieu étudiant de l’époque (cf. ibid.: 113). À cela s’ajoute la touche existentialiste que Carné donne à la révolte juvénile en désignant les actes destructeurs des personnages comme autant d’‚actes gratuits‘, un terme à forte charge sémantique qui constitue un concept clé dans la littérature française de la première moitié du XX e siècle, notamment chez André Gide et dans l’existentialisme sartrien et camusien (cf. Raether 1980; Kuhnle 1995; Roebling 2009). Dans cette même veine, les jeunes protagonistes des Tricheurs amorcent des discussions sur la liberté et le suicide. Carné n’a pourtant pas pour but de proposer un véritable débat philosophique, mais se sert plutôt de ces éléments discursifs pour peindre l’image d’une jeunesse désabusée (cf. Alexandre 2005: 90-94). En ce qui concerne le point de vue des adultes, on observe dans les deux films des stratégies narratives à visée moralisatrice, tant vis-à-vis des jeunes que des adultes. Dans Les Tricheurs, c’est par exemple le frère ainé de Mic, interprété par Le trio constitué par Dan, Lucky et Barbar (à gauche, fig. 1-3) n’est pas sans rappeler celui formé par Judy, Jim et Plato (à droite, fig. 4-6). 74 DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 Dossier Roland Lesaffre, qui incarne d’une manière bienveillante ce regard adulte. Il donne des conseils à sa sœur et la persuade même de confier son amour à Bob, représentant ainsi la sagesse adulte qui s’oppose à la ‚fureur de vivre‘ des jeunes. De plus, par le biais de la narration en flash-back, tout le récit enchâssé s’effectue depuis la perspective de ce que Bob a vécu. Dès lors, sa jeunesse est présentée comme révolue et narrée a posteriori par un personnage déjà passé à l’âge adulte: „désormais, je me sens vieux“ dit-il dès la première séquence (Les Tricheurs 1958: 00: 05: 13-15). Dans Terrain vague, c’est l’avertissement paternaliste adressé aux parents qui indique, à la fin du film, le point de vue adulte: „pour que les adultes prennent leur responsabilité envers la jeunesse“ (Terrain vague 1960: 01: 40: 00-09). De plus, dans ce dernier film, Lesaffre endosse, sous le nom de Big Chief, un rôle similaire à celui du frère ainé de Mic. S’il est vrai que, contrairement à Carné et à la ‚tradition de la qualité française‘, la Nouvelle Vague tend à évincer du cadre cinématographique parents et personnages paternels pour adopter résolument le point de vue des jeunes (cf. Le Pajolec 2005: 373), ce n’est pas encore le cas des films américains qui servent de modèle à Carné. L’Équipe sauvage, par exemple, recourt également au récit enchâssé: il s’agit d’une narration en rétrospective d’un narrateur autodiégétique qui se manifeste via une voix off au début du film, déclarant que „How the whole mess happened I don’t know, but I know it couldn’t happen again in a million years“ (L’Équipe sauvage 1953: 00: 00: 45-48). Ce qui fait pourtant oublier un tel cadre moralisateur et conservateur, ce sont le charisme et le jeu d’acteur de Brando et, dans La Fureur de vivre, de Dean, sortis tous deux de la même école, l’Actors Studio à New York. Il s’agit là d’un jeu que Truffaut qualifie de décalé et d’imprévisible, un jeu physique et charnel qui s’oppose à l’intellectualisme des acteurs du cinéma de qualité (Truffaut 2007: 314sq.). Dans le diptyque de Carné, le jeu d’acteur correspond plutôt à cet intellectualisme de la tradition psychologique auquel Truffaut faisait référence: le texte est mis en valeur et bien articulé par les acteurs. Chaque mot pèse; mimique et gestualité paraissent quelquefois même surjouées (cf. Alexandre 2005: 83sq.). À cela s’ajoute, dans Les Tricheurs, une mise en scène ostensiblement soucieuse de montrer son savoir-faire technique (cf. Alexandre 2005: 133-141), comme lors de la scène de la course-poursuite. Telle que nous l’avons décrite ci-dessus, cette scène pourrait même être considérée sous l’angle de l’aemulatio et par conséquent comme une tentative, de la part de Carné, de surpasser Ray. Dans Terrain vague, nous retrouvons de plus l’empreinte du réalisme poétique des années trente qui se manifeste par une noirceur et une dimension mélodramatique ainsi que par une représentation stylisée du monde diégétique (fig. 7). Un ‚film de banlieue‘ avant l’heure Si, d’une part, nous pouvons donc parler d’une esthétique dépassée à la fin des années 1950, c’est, d’autre part, précisément cet enracinement conservateur qui DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 75 Dossier permet à Carné d’avoir de l’avance sur le cinéma de son époque, y compris sur celui de la Nouvelle Vague, et fait de lui un précurseur du cinéma de banlieue. Dans cette seconde partie de notre contribution, nous mettrons d’abord en évidence l’affinité de Terrain vague avec le ‚cinéma de banlieue‘, pour ensuite étudier dans quelle mesure ce regard nouveau sur l’espace parisien s’inscrit dans les préoccupations de Carné depuis les années 1930. Le terme ‚cinéma‘ ou ‚film de banlieue‘ désigne un genre cinématographique qui se définit par la représentation d’un espace urbain spécifique et de ses habitants: il s’agit de la banlieue dans le sens des grands ensembles et des cités, situés aux portes des grandes villes comme Paris ou Marseille, et synonyme de „difficultés sociales et de criminalité et surtout d’une concentration dense de minorités d’immigrants de la classe ouvrière“ (Geesey 2015: 207; cf. Célestin/ DalMolin/ Hargreaves 2004: 3), 4 c’est-à-dire d’une population marginalisée parmi laquelle les jeunes et les adolescents occupent une place prépondérante. En nous référant aux éléments constitutifs du cinéma de banlieue établis par David-Alexandre Wagner (2011), nous pouvons bel et bien concevoir Terrain vague comme film de banlieue tel que l’envisagent les études cinématographiques à partir des années 1990. Ainsi, la banlieue parisienne constitue le site principal du film qui nous montre le début de la construction des grands ensembles au milieu des années 1950 (cf. Wagner 2011: 58). En outre, les personnages du film de banlieue sont souvent des „jeunes gens marginalisés ou en passe de l’être“ (ibid.: 59) qui se voient soumis à une représentation Fig. 7: Dans la scène du suicide de Barbar se concentrent ces trois paramètres: noirceur, représentation stylisée du monde diégétique et dimension mélodramatique. Cette dernière est encore renforcée par la musique. 76 DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 Dossier stéréotypée (cf. Grodner 2020: 51sq.). „Ils sont“, selon Wagner, „souvent issus de différentes communautés ethniques et de classes sociales modestes, défavorisés […], rejetés ou stigmatisés par le monde extérieur à la cité, et souvent délinquants, dealers ou violents“ (Wagner 2011: 59). Si les communautés pluriethniques, comme nous les connaissons aujourd’hui en France, ne sont pas encore une réalité dans les années 1950, nous en trouvons pourtant une préfiguration dans Terrain vague à travers la communauté ouvrière (cf. Lefebvre 2000: 8sq.). En effet, à l’instar des jeunes issus de l’immigration de nos jours, ce sont alors les jeunes du milieu ouvrier - connus sous le nom de ‚blousons noirs‘ dans le discours médiatique à partir de l’été 1959 (cf. Bantigny 2007: 125) - qui concentrent sur eux toutes les craintes et les peurs de la société (cf. Fourcaut 2004: 588). Issus des milieux populaires et situés aux portes de Paris ou dans sa banlieue, ils ont la réputation de s’organiser en bandes, d’être violents et délinquants (cf. Bantigny 2007: 125sq.). C’est exactement ce milieu-là que Carné montre dans Terrain vague: les protagonistes de son film portent des blousons noirs, les garçons peignent leurs cheveux en arrière en laissant sur le front une large mèche roulée et maintenue à la gomina, et s’adonnent à des actes criminels. Tout comme le cinéma de banlieue, Terrain vague s’inscrit de cette manière dans le discours sur la jeunesse de son époque, une jeunesse qui est conçue comme dangereuse et menaçante. Le troisième élément caractérisant le cinéma de banlieue concerne la représentation d’un espace urbain „délabré et froid“ (Wagner 2011: 59). Même si la construction des cités et des villes nouvelles dans la banlieue parisienne avait pour but de mettre fin aux conditions de vie insalubres de la population ouvrière (cf. Fourcaut 2000: 115; Grodner 2020: 27-33), Carné, au lieu de mettre l’accent sur l’accès à un confort moderne comme l’eau courante, fait ressortir l’uniformité, le bruit et la froideur de ces espaces d’habitation dès le début de Terrain Vague. Ainsi, pendant le générique, nous suivons par un panoramique circulaire en contre-plongée l’une des habitantes montant l’escalier principal. Par ce moyen, la caméra suggère que tous les étages se ressemblent et que tous les bruits venant des différents appartements peuvent être entendus (fig. 8-11). Quand cette même habitante annonce à la concierge que son fils Marcel a été mis dans un centre pour jeunes délinquants où il y a „un grand parc, de l’air“, cette deuxième lui répond en outre sur un ton bref „Tout ce qu’ils n’ont pas ici, quoi“ (Terrain vague 1960: 00: 03: 34-55). La quatrième caractéristique évoquée par Wagner a trait au langage spécifique de la banlieue (cf. Wagner 2011: 59). Bien que Carné reste fidèle à la prosodie de la qualité française, nous pouvons constater le souci d’imiter le parler des jeunes lors de dialogues empreints de mots argotiques, même si les dialogues argotiques étaient déjà la marque des films carnésiens des années 1930. Cinquièmement, Terrain Vague correspond au troisième des types de narration „de banlieue“ mis en évidence par Wagner: le film relate l’histoire d’un conflit interne à la cité, montrant des „scènes classiques de bagarres“ (ibid.: 60) qui sont issues de conflits d’influence au sein du groupe des jeunes. C’est finalement l’apparition de Marcel dans le groupe qui mène à une série de conflits entre ses membres et à la bagarre finale entre Lucky et le jeune appelé ‚le râleur‘. Une sixième caractéristique DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 77 Dossier du film de banlieue repose, selon Wagner, sur l’opposition entre le centre-ville et la cité qui correspond à l’opposition sémantique entre un monde civilisé régi par la loi et un monde ‚barbare‘ où règnent des rapports de force (cf. ibid.: 60sq.). En effet, le premier plan de Terrain vague ne montre pas les grands ensembles, mais le toit de la Sainte-Chapelle et une partie du Palais de la Cité, où se trouve également le Palais de Justice (fig. 12), centre de Paris et lieu symbolique du respect des lois, tandis que la banlieue ouvrière se caractérise par le non-respect des règles sociétales. Mais contrairement au cinéma de banlieue, Carné ne peint pas cet espace comme un univers sans issue (cf. Wagner 2011: 61); s’émancipant de leur bande et de leurs parents, Lucky et Dan quittent finalement ce quartier aux portes de Paris. La banlieue même n’offre pas d’avenir, mais on peut lui tourner le dos pour commencer une nouvelle vie. Fig. 8-11: Lors du générique, dans un travelling continu en contre-plongée autour de son axe, la caméra suit l’une des habitantes de l’immeuble en train de monter l’escalier principal. Grâce à ce recours, le réalisateur peut nous montrer que tous les étages se ressemblent. 78 DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 Dossier Fig. 12: Le premier plan de Terrain vague montre le toit de la Sainte-Chapelle. Ce regard que Carné porte sur l’espace parisien et sur sa jeunesse semble surprenant et novateur, et pourtant il se trouve parfaitement en accord avec sa manière de faire du cinéma depuis les années 1930. Terrain vague n’est d’ailleurs pas le premier film mettant en scène la banlieue ouvrière: il s’inscrit dans une tradition cinématographique qui remonte à l’entre-deux-guerres (cf. Fourcout 2000: 2004) et à laquelle Carné participe pleinement avec des films comme Le jour se lève (1939). C’est pendant cette même époque qu’une ‚esthétique populiste‘ s’impose dans la littérature, conçue comme un système de représentation (cf. Kern 2021: 427) qui s’appuie sur „un agencement particulier de procédés artistiques“ (ibid.: 6) et se traduit par une valorisation du ‚peuple‘, c’est-à-dire des couches sociales inférieures de la société (cf. ibid.: 26, 33). Le ‚réalisme poétique‘ des années 1930 peut se comprendre comme transposition de cette ‚esthétique populiste‘ et de ses procédés au cinéma (cf. ibid.: 375sq.) qui se caractérisent par l’intérêt porté aux milieux défavorisés de la société française, le recours à l’argot pour souligner l’origine modeste des personnages, le choix d’un décor qui, de par sa charge symbolique, permet de mettre en avant les conditions sociales et psychologiques dans lesquelles cette population évolue ainsi qu’un certain pessimisme (ibid.: 377). Lorsqu’il réclame, dans „Quand le cinéma descendra-t-il dans la rue? “ (1933), un cinéma ‚populaire‘ apte à décrire „la vie simple des petites gens“ (Carné 2016: 100) et à montrer la face cachée de la ville lumière, Carné reprend d’ailleurs explicitement les propos des auteurs comme Pierre Mac Orlan et Eugène Dabit (cf. Kern 2021: 376). Or, les éléments qui nous ont permis d’assimiler Terrain vague au cinéma de banlieue dans le sens actuel du terme sont tous ancrés dans cette ‚esthétique populiste‘ du cinéma des années 1930. Ainsi, Terrain vague sonde l’évolution des jeunes, dont l’appartenance à la classe ouvrière est soulignée par l’argot, au sein d’un espace urbain hostile dans lequel l’uniformité de l’architecture moderne semble avoir un effet direct sur le comportement de ses habitants. Cela est mis en évidence par la bipartition de la banlieue DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 79 Dossier entre, d’une part, un espace dominé par les grands ensembles (fig. 13) et, d’autre part, une colonie de maisons insalubres (fig. 14). Tandis que ce premier se caractérise par des rapports sociaux dysfonctionnels, le second héberge la baraque de Big Chief, seul personnage capable d’offrir un lieu chaleureux aux jeunes banlieusards, notamment à Lucky et à Dan. Opposant de cette manière une image folklorique de la classe populaire à la menace d’une désolidarisation entre ses différents membres, engendrée par des procédures de modernisation représentées par les grands ensembles, Carné reprend les préoccupations de l’‚esthétique populiste‘ de l’entredeux-guerres. En résumé, l’ancrage de Carné dans sa manière de faire du cinéma nous permet de porter cette fois-ci un regard renouvelé sur une ville en transformation qui anticipe même les caractéristiques fondamentales d’un genre cinématographique qui ne fera son apparition que 35 ans plus tard. Fig. 13-14: L’espace de la banlieue est à son tour divisé en deux sous-espaces: la banlieue des grands ensembles et celle, ‚folklorique‘, des maisons insalubres. Conclusion En nous interrogeant sur la notion de ‚populaire‘ dans le cinéma de Carné, nous pouvons constater que ce dernier s’inscrit dans une double acception du terme en prolongeant les préceptes du ‚réalisme poétique‘ 5 et de l’‚esthétique populiste‘ sousjacente des années 1930 (cf. Kern 2021: 360). Ses films mettent en scène des personnages issus des classes défavorisées de la société et visent - comme tous les films de l’entre-deux-guerres 6 - un maximum de spectateurs et donc de grandes recettes (cf. Darré 2000: 44sq.). À cet égard, Les Tricheurs et Terrain vague font figure de films paradoxaux. Si, d’une part, l’ancrage de Carné dans l’esthétique cinématographique de l’entre-deux-guerres l’empêche de relever les défis cinématographiques propres à son époque, c’est ce même ancrage dans une tradition ‚populaire‘ du cinéma qui le rapproche du film de banlieue, lequel ne se constituera comme nouveau genre cinématographique qu’à partir des années 1980. En conséquence, le retard esthétique de Carné à la fin des années 1950 ne l’empêche pas de développer, dans ses films, un regard précurseur, notamment du point de vue 80 DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 Dossier des thématiques mises en scène, au moins dans Terrain vague. En tant que premier réalisateur qui accorde un rôle prépondérant aux grands ensembles, il invente en même temps une manière de filmer ces derniers, reprise ensuite dans l’un des films fondateurs du cinéma beur et du cinéma de banlieue: 7 Le thé au harem d’Archimède (1984). En effet, la façon dont Mehdi Charef met en scène les grandes tours qui s’érigent dans le ciel nocturne au début du film (fig. 15-16) n’est pas, cette fois-ci, sans rappeler les premiers plans qui montrent les immeubles des quartiers neufs chez Carné (fig. 17-18). Des plans d’ensemble montrent les cités dans un jeu de contraste entre les éclairages froids des intérieurs et l’obscurité de la nuit - un contraste qui est évidemment plus prononcé chez Carné (fig. 17-18, en bas) que chez Charef (fig. 15-16, en haut). Alexandre, Jean-Lou, Les Cousins des Tricheurs. De la Qualité française à la Nouvelle Vague, Paris, L’Harmattan, 2005. Bantigny, Ludivine, Le plus bel âge? Jeunes et jeunesse en France de l’aube des ‚Trente Glorieuses‘ à la guerre d’Algérie, Paris, Fayard, 2007. 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Fig. 18: ibid.: 00: 03: 50. 1 Il y a pourtant un certain nombre de réalisateurs qu’il faut exclure de ce jugement. Parmi eux, nous trouvons, d’une part, ceux qui s’étaient déjà imposés avant la Seconde Guerre mondiale, notamment Jean Renoir, et, d’autre part, des réalisateurs qui se trouvent plutôt en marge de la production cinématographique des années 1950 comme Robert Bresson ou Jacques Tati. 2 Il s'agit du surnom donné par la presse écrite des années 1950 au groupe des critiques de cinéma des Cahiers du cinéma et futurs réalisateurs de la Nouvelle Vague, comme Truffaut, Godard, Rohmer et Chabrol. 3 ‚Authentique‘ et ‚naturel‘ se réfèrent à la véracité du rapport référentiel au monde extratextuel (cf. Deupmann 2007: 57). DOI 10.24053/ ldm-2023-0021 83 Dossier 4 Par conséquent, le terme de ‚banlieue‘ n’est pas à comprendre ici dans son sens géographique, mais dans un sens médiatique s’appuyant sur des discours stéréotypés qui circulent autour des quartiers populaires des périphéries des grandes villes (cf. Grodner 2020: 16sq.). 5 Pour une définition du ‚réalisme poétique‘, cf. Vincendeau 2004: 148. 6 La distinction entre un cinéma ‚grand public‘, qui serait, selon le stéréotype, sans prétention artistique, et un cinéma d’art et d’essai qui se distinguerait par son potentiel innovateur et s’adresserait à une élite cinéphile, n’existe pas encore dans les années 1930 (cf. Darré 2020: 45). 7 Même si le terme de ‚cinéma‘ ou ‚film de banlieue‘ ne semble faire son apparition qu’au milieu des années 1990, époque de sa consécration discursive, ses origines remontent jusqu’au début des années 1980 (cf. Wagner 2011: 47-49). Il est couramment assimilé à celui du ‚cinéma beur‘, terme qui coexiste avec ce premier dès le milieu des années 1980 et qui désigne des films tournés par des réalisateurs d’origine maghrébine, mettant en scène des jeunes issus de ce même groupe ethnique (cf. ibid.: 50). La distinction entre les deux termes peut s’avérer assez floue dans les différentes études sur ce cinéma, et entraîne souvent une double qualification des films (cf. Tarr 2005; Ruhe 2007).
