Vox Romanica
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0042-899X
2941-0916
Francke Verlag Tübingen
10.8357/VOX-2018-011
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Kristol De StefaniAlberto Varvaro, Première leçon de philologie, traduction de Jean-Pierre Chambon et Yan Greub, Paris (Classiques Garnier) 2017, 156 p. (Recherches littéraires médiévales 24)
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Laurent Bozardhttps://orcid.org/https://orcid.org/0000-0003-0146-3886
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260 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 260-262 DOI 10.8357/ VOX-2018-011 Besprechungen - Comptes rendus Philologie et linguistique romane générales - Allgemeine Philologie und Romanische Sprachwissenschaft Alberto Varvaro, Première leçon de philologie, traduction de Jean-Pierre Chambon et Yan Greub, Paris (Classiques Garnier) 2017, 156 p. (Recherches littéraires médiévales 24) Avec cette première traduction en français de la Prima lezione di filologia parue initialement en 2012 chez Giuseppe Laterza & Figli, les deux traducteurs poursuivent la mise en valeur des travaux du grand philologue italien A. Varvaro. Celle-ci comprend notamment les contributions de G. Palumbo, préfacier du présent volume: Alberto Varvaro, Il fantastico nella letteratura medievale. Il caso della Francia, ed. G. Palumbo/ L. Minervini, Bologna 2016; «Alberto Varvaro e l’ecdotica: per un glossario antologico», Ecdotica 12 (2015): 115-55; «Teoria e prassi ecdotica», in: Studi sull’opera di Alberto Varvaro, Bollettino del Centro di Studi Filologici e Linguistici Siciliani 26, Palermo 2015: 19-56; G. Palumbo/ L. Minervini, «Alberto Varvaro (1934-2014)», RLiR 78 (2014): 607-17. On consultera aussi J.-P. Chambon/ Y. Greub, «Un ensemble de postulats pour la philologie (romane): la dernière leçon d’Alberto Varvaro», RLiR 79 (2015): 629-38. Dans sa préface, G. Palumbo revient sur les talents de pédagogue et de vulgarisateur de l’auteur: il appartient en effet «à l’élite des savants dotés de connaissances encyclopédiques» (11) qu’il parvient à transposer dans un «style narratif et simple, parfois presque oralisant, où les concepts les plus techniques sont toujours illustrés par des exemples éclairants» (12). Il s’agit là en effet des trois caractéristiques principales de ce texte. A. Varvaro possède cette qualité extraordinaire de faire cheminer le lecteur dans des concepts parfois ardus comme il raconterait une histoire, sans négliger une grande culture, une remarquable érudition, qui s’étend des Chroniques de Froissart (28-29) à Christopher Marlowe (42) en passant par la fibule de Préneste (33) ou les adaptations télévisées de l’histoire de la baronne Carini (37). En outre, son style est parsemé de marques d’oralité («je ne vous dis pas ma stupéfaction», 56) et d’anecdotes personnelles («j’ai ainsi pu m’épargner une visite à la banque suisse», 56) et savantes («je dois me déclarer ouvertement pour le commentaire-service, celui qui cherche à anticiper les exigences du lecteur en matière de complément d’informations ou d’éclaircissements et répond de la manière la plus concise et la plus sûre à ces exigences», 103) qui enrichissent la lecture et illustrent toujours à propos le contenu de chaque chapitre (en partageant par exemple son expérience d’éditeur du quatrième livre des Chroniques de Froissart, 118). Le texte est aussi agrémenté de clins d’œil («Je recours encore une fois à une anecdote dont il m’est impossible de garantir l’authenticité sous le sceau du serment», 108) et d’humour. Ainsi, lorsqu’il s’interroge sur l’apparat critique: «On peut soupçonner que seuls les auteurs de comptes rendus, surtout s’ils sont malveillants, en font un certain usage» (96). 260 262 011 261 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 260-262 DOI 10.2357/ VOX-2018-011 La traduction rend hommage au texte et à son auteur puisqu’elle permet de diffuser plus aisément l’érudition de Varvaro auprès des chercheurs francophones. Dans une certaine mesure, le travail de J.-P. Chambon et Y. Greub ne se limite pas à une simple transposition linguistique. Ils soulignent par exemple certains «problèmes» de traduction de l’italien au français comme dans le cas du mot antigrafo, courant en philologie italienne mais qui est moins usité dans sa version française (antigraphe) qui lui préfère le terme modèle (67 N6). Ils proposent également certaines réflexions relatives à la traduction, comme la traduction de l’expression «leçons adiaphores» (84 N7). Leur travail, par moments, glisse aussi vers celui d’éditeur quand ils corrigent des erreurs dans le texte source italien (Varvaro a confondu deux noms d’éditeurs dans une réflexion sur le Libro de buen amor de Juan Ruiz, 81-82). C’est encore le cas quand ils proposent au lecteur francophone des notes éclairant certaines réalités sans doute évidentes pour le lecteur italien comme les personnages Renzo, Lucia, Malavoglia et Mastro don Gesualdo, issus des Promessi Sposi et des romans de Verga (134 N2-3). Ils prolongent aussi la réflexion de Varvaro en proposant l’un ou l’autre complément paru depuis la version italienne du texte (102). S’il fallait à tout prix émettre une critique de cette traduction, on pourrait regretter que ce travail d’annotation qui tend vers l’édition afin d’éclairer l’encyclopédie du lecteur francophone ne s’étende pas davantage. Ainsi, par exemple, la mention de Varvaro «on ne peut confondre Porta avec Giovanni Meli» (115) aurait pu bénéficier du même type de note infrapaginale que l’exemple ci-dessus. En ce qui concerne la critique à apporter au travail d’A. Varvaro lui-même, il y a là aussi très peu de commentaires, peut-être quelques détails. Par exemple, les «indications bibliographiques» (139-47) se présentent sous forme de paragraphes en relation avec chaque chapitre. Elles varient entre une et plusieurs lignes mais ne sont pas toujours d’une consultation aisée quand il s’agit de repérer une référence spécifique; il est alors nécessaire de relire l’entièreté du paragraphe pour retrouver la source. Ce «manque de lisibilité» est voulu par l’auteur puisqu’il s’agit là davantage d’un exposé (d’où les marques d’oralité du volume) plus que d’un manuel pratique. C’est d’ailleurs ainsi qu’il faut lire la bibliographie dans laquelle on retrouve des conseils de lecture, ce qui est plutôt inattendu dans une bibliographie «classique»: «on verra l’édition récente, mais insatisfaisante, de Gervais de Tilbury, Otia Imperialia, par S. E. Banks et J. W. Binns, Oxford, Clarendon Press, 2002» (141) - la réflexion rejoint ici les commentaires formulés dans le corps de texte: «Les informations données par Caldwell, qui ont été reprises telles quelles par les récents éditeurs anglais, sont approximatives et manquent d’arguments solides» (44-45). Des recommandations portent aussi sur les éditions des œuvres de Charles d’Orléans: «aujourd’hui il faut utiliser Mary-Jo Arn The Poet’s Notebook. The personal Manuscript of Charles d’Orléans» (141). Dernier détail: on regrettera que les réflexions de M. Zink sur les éditions critiques, citées à deux reprises (50, 91), ne soient pas référencées. Vu ce qu’en dit Varvaro, il s’agit sans doute de Livres anciens, lectures vivantes (Paris 2010). On l’aura compris, la Première leçon de philologie d’Alberto Varvaro est un travail remarquable tant pour son érudition que pour son style. On ne peut qu’en recommander la lecture. Il reste néanmoins une question à poser: à qui s’adresse réellement ce texte? Sans doute aux étudiants puisque le style oral farci d’anecdotes et d’exemples laisse penser à une retranscription écrite d’exposés ou de cours consacrés à la philologie (voir notamment les cinq premiers chapitres consacrés aux définitions de l’objet). Il nous semble toutefois que, 262 Besprechungen - Comptes rendus Vox Romanica 77 (2018): 260-262 DOI 10.8357/ VOX-2018-011 s’ils sont débutants en la matière, ils risquent de passer à côté de certaines dimensions et réflexions qui nécessitent sans doute d’avoir déjà quelque expérience en philologie et en étude de textes (y compris dans leur dimension matérielle, paléographique et codicologique, 34, 61, 65, 70). Cette leçon est aussi un cours un peu plus approfondi qui tend vers un manuel dans lequel chaque chapitre aborde d’une certaine manière un aspect pratique de la discipline, de la recension des témoins (chap. 8) au commentaire critique (chap. 15) en passant par le relation texteimage (chap. 10) ou la datation du texte (chap. 18). Il s’agit aussi d’une série de conseils à tout éditeur de texte, qu’il soit du côté des chercheurs - à qui il signale le danger du perfectionnisme dans des éditions érudites qui ne trouvent pas de lecteurs (50) en des termes forts: «gigantisme métastasique pour spécialistes de type Pléiade» (105) - ou de l’édition commerciale (48): «Il semble indispensable de distinguer entre les éditions permettant d’étudier l’histoire de la ponctuation, éditions qui seront inévitablement réservées à un petit nombre, et les éditions qui viennent au secours du lecteur en lui apportant une grande aide» (92-93). Enfin, c’est aussi à une leçon de morale, à un avertissement salutaire, que se livre A. Varvaro. On peut également lire cette Première leçon comme un manifeste. C’est dans ce sens qu’il faut lire sa conclusion: les deux devoirs du philologue sont ainsi d’enseigner «à prendre le plus grand soin de la transmission des textes» et d’enseigner «combien il est délicat et compliqué» de les interpréter correctement (136). La philologie n’est nullement pour lui un travail inutile et suranné dont l’objet se focalise sur des objets poussiéreux. Il s’agit au contraire d’un travail utile pour l’humanité (d’où l’extension du domaine de la philologie aux messages oraux, chapitres 4-5: «le problème philologique se pose pour n’importe quel texte oral, même non littéraire» 42), c’est pourquoi le travail d’édition doit toujours prendre en compte les compétences du lecteur (spécialiste, savant mais aussi «moyen», 101). C’est cette dimension culturelle que l’auteur met en exergue dans sa conclusion: «La conscience de ces deux problèmes est essentielle à un bon fonctionnement de la société humaine, laquelle est précisément fondée sur la transmission des textes et c’est là … ce qui justifie l’existence même de la philologie et son importance culturelle et sociale» (138). Cette traduction est donc une lecture indispensable pour toute personne, de l’amateur au spécialiste, qui aime les mots et le texte, ce qui est somme toute la définition première de la philologie. Laurent Bozard https: / / orcid.org/ 0000-0003-0146-3886 ★
