Challenges in synchronic toponymy / Défis de la toponymie synchronique
Structure, Context and Use / Structures, contextes et usages
0916
2015
978-3-7720-5479-2
978-3-7720-8479-9
A. Francke Verlag
Jonas Löfström
Betina Schnabel-Le Corre
Due to globalization, synchronic approaches in toponymy arise increasing interest among linguists. This volume takes stock of different approaches to synchronic toponymy presenting linguistic studies on toponyms - in as various fields as grammar, morphosyntax, semantics, and pragmatics - which describe their structure and lexical status, their semantic facets, applied to the psychological, sociological and political implications of their use and function in discourse. All these factors account for the great variety of linguistic projects related to toponyms, i.e. modelling, as well as the use and normalization of toponyms in spoken and written contexts.
<?page no="0"?> Challenges in Synchronic Toponymy Défis de la toponymie synchronique Structure, Context and Use Structures, contextes et usages Jonas Löfström / Betina Schnabel-Le Corre (eds. ) / ds. é <?page no="1"?> Challenges in Synchronic Toponymy Défis de la toponymie synchronique <?page no="3"?> Jonas Löfström / Betina Schnabel-Le Corre Challenges in Synchronic Toponymy Défis de la toponymie synchronique Structure, Context and Use Structures, contextes et usages (eds. / é ds ) . <?page no="4"?> Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http: / / dnb.dnb.de abrufbar. Gedruckt mit Unterstützung der Universität Rennes 2. © 2015 · Narr Francke Attempto Verlag GmbH + Co. KG Dischingerweg 5 · D-72070 Tübingen Das Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist ohne Zustimmung des Verlages unzulässig und strafbar. Das gilt insbesondere für Vervielfältigungen, Übersetzungen, Mikroverfilmungen und die Einspeicherung und Verarbeitung in elektronischen Systemen. Gedruckt auf chlorfrei gebleichtem und säurefreiem Werkdruckpapier. Internet: www.francke.de E-Mail: info@francke.de Printed in Germany ISBN 978-3-7720-8479-9 <?page no="5"?> Contents Préface ................................................................................................................ 9 Introduction..................................................................................................... 11 Giovanni Agresti Silvia Pallini Vers une toponymie narrative : récits autobiographiques et ancrages géographiques dans deux villages de la Haute Vallée du Vomano (Italie) ............................................................................................................... 21 Terhi Ainiala Identifying Places and Discussing Names: the Use of Toponyms in a Conversation ................................................................................................... 33 María Barros Toponyms at the United Nations ................................................................ 47 Alison Burns Data Collection in Aberdeenshire: a Synchronic Field-name Study ... 55 Andrea Bölcskei The Findings of Onomastic Field Research on Synchronic Hungarian Toponyms used in Transylvanian Settlements........................................ 65 Maria Gabriella Chiapusso Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie)................................................................. 81 Georgeta Cislaru Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques..................................................................................................... 99 Nebia Dadoua Hadria & Belkacem Boumedini L’algérianisation du territoire Algérie après l’indépendance. Cas des noms des quartiers à Oran.......................................................................... 121 Riham El Khamissy La Révolution égyptienne a modifié Tahrir............................................ 129 & <?page no="6"?> Contents 6 Marie-Noëlle Gary-Prieur Michèle Noailly Les noms de ville, noms de lieu par excellence...................................... 139 Pierre Jaillard Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie ...................................................................................................... 151 Peter Jordan The Endonym/ exonym Divide from a Cultural-geographical Point of View ................................................................................................................ 163 Pierre de la Robertie De l’exonymisation en chinois .................................................................. 181 Herv Le Bihan The grammatical status and syntax of toponyms and anthroponyms. The case of Breton and Welsh.................................................................... 195 Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français ........................................................................................................... 203 Michelle Lecolle Nom propre de lieu habité : polyvalence et polysignifiance............... 219 Émeline Lecuit, Denis Maurel & Duško Vitas A Multilingual Corpus for the Study of Toponyms in Translation... 235 Sarah Leroy Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle .......................................................................................... 247 Małgorzata Mandola Statut du toponyme dans la perspective d une analyse synchronique contrastive...................................................................................................... 267 Michel A. Rateau Constat et conséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe, de classificateurs génériques et de déterminants toponymiques en Dordogne, au XXIe siècle ........................................... 285 & ’ é <?page no="7"?> Contents 7 Riemer Reinsma The Hague: Den Haag or ’s-Gravenhage? Some Pragmatic Differences between Place-name Variants.................................................................... 299 Betina Schnabel-Le Corre Prepositional Phrases and Coordinat ed Phrases in Toponyms: a Contrastive Study of Germanic and Romance Languages................. 311 Roman Stani-Fertl Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products ... 325 Willy Van Langendonck Une hiérarchie toponymique anthropocentrique. Comparaison française - anglaise ...................................................................................... 343 Ouerdia Yermèche Les toponymes algériens durant la colonisation française et après l’indépendance entre retoponymisation et transcription françaises .. 355 <?page no="9"?> Préface L’organisation du Colloque « Les défis de la toponymie synchronique, contextes et usages » qui s’est tenu à l’Université Rennes 2 les 22 et 23 Mars 2012, est à mettre à l’initiative de l’équipe d’accueil LIDILE 3874 de l’Université Rennes 2, dont l’un des thèmes de recherche se structure autour des questions de toponymie synchronique. Nous souhaitons dédier cet ouvrage à Sarah Leroy, qui nous a quittés le 8 Février 2013, et dont les travaux très éclairants sur le Nom Propre ont été source d’inspiration et ont guidé les recherches de beaucoup d’entre nous. Elle nous avait fait l’honneur de répondre à notre invitation à ce colloque. Initiés autour de la conception d’un dictionnaire des noms propres en onze langues (DiNoPro), toujours en cours de développement, les recherches de l’équipe se sont enrichies par la prise en compte du contexte dans l’analyse des noms de lieux. Rompant ainsi avec la tradition fortement diachronique des études toponymiques, les travaux se sont infléchis vers une perspective résolument synchronique, qui intègre une analyse morphologique, syntaxique et discursive des toponymes. Ce colloque a donc été l’occasion de rassembler et de faire se rencontrer des chercheurs issus de la tradition scientifique et les promoteurs d’une approche synchronique, avec pour objectif que la confrontation et la complémentarité des points de vue et des méthodes soient un terreau fertile au renouvellement nécessaire des problématiques de recherche en matière de toponymie. Cet ouvrage témoigne du dynamisme de ce champ de recherche et de la pertinence de la thématique du colloque. Il réunit les contributions de trente et un auteurs et quatre des vingt-cinq articles sont ceux des conférenciers invités qui ont répondu à notre invitation, Terhi Ainiala (Helsinki), Georgeta Cislaru (Paris), Peter Jordan (Vienne) et Sarah Leroy (Paris). La réalisation de ce colloque n’aurait pas été possible sans le soutien de l’Université Rennes 2, de Rennes Métropole et de la Région Bretagne. Nous adressons également nos remerciements à tous les participants et aux auteurs de ce volume pour leur contribution à la réussite scientifique de cette manifestation, ainsi qu’à tous les collègues, les doctorants et les étudiants du comité d’organisation pour leur aide efficace et attentive, ainsi qu’aux experts du comité scientifique pour leurs jugements éclairés. Enfin, il reste à remercier, très chaleureusement, Jonas Löfström et Betina Schnabel Le Corre dont la rigueur, la clairvoyance et la ténacité ont été décisives dans l’organisation scientifique de cette rencontre particulièrement stimulante et féconde pour ce champ de recherche très dynamique. Marie Claude le Bot Directrice de LIDILE / EA 3874 - <?page no="11"?> Jonas Löfström 1 & Betina Schnabel-Le Corre 2 Introduction Perhaps more than any other word class, proper names are situated at the crossroads of languages. Until recently their relevance to linguistic theory has not been very well understood, but synchronic approaches now arouse interest among linguists as the increasing number of research projects related to synchronic toponymy shows. 3 Although the relative textual frequency of proper names may not be very high, their relative lexical frequency is in fact significant - to different degrees - depending on types of text or discourse. The synchronic study of proper names, not least toponyms, is therefore an essential task, not only to determine the conditions of their use, but also to explore their structure and lexical status as well as the psychological, sociological and political implycations of their use and function in discourse. All these factors account for the great variety of linguistic research projects related to toponyms, i.e. grammatical and morphosyntactic studies, modelling, as well as research on the use of toponyms in spoken and written contexts. This volume gathers contributions from different linguistic currents by researchers analysing toponyms in about a dozen languages. The studies appear in alphabetical order in the volume but are presented here in the introduction thematically under four main topics: Structure, Context and Use, Exonymisation and Standardisation. Structure includes morphosyntactic analyses of toponyms in several languages, as well as a comparison of the structure of English and French toponyms. In the Context and use part, variant place name forms as well as metaphoric use of toponyms are analysed; three studies treat the semantic-functional analysis of French toponyms. Another aspect of the topic is socioand microtoponymy, here represented by articles on field names, urban slang toponyms, microtoponyms and toponyms on maps. Exonymisation is illustrated amongst others by the analysis of multi-lingual translation of proper names in literature. Other articles treat exony- 1 Université Rennes 2, EA 3874, LIDILE lofstrom.jonas@telia.com - 2 Université Rennes 2, EA 3874, LIDILE betina.schnabel-lecorre@univ-rennes2.fr 3 See the introduction of the article by Sarah Leroy, where she mentions this “proper name linguistics” (‘linguistique du nom propre’) and situates it in the evolution of the discipline during a century. <?page no="12"?> Introduction 12 misation of place names in alphabetic script and in Chinese characters (logo- Other aspects of standardisation concern toponym politics in colonial and postcolonial situations and the problems connected with the digitalized treatment of postal addresses. The Structure of endonyms as well as exonyms follows the linguistic rules of the language they belong to, but also the specific constraints for proper names. Therefore, toponym analysis has to describe not only their internal structure, often quite complex, but also to take into account the presence of linguistic components belonging to different word classes and / or of various origins. Several contributions deal with the grammatical characteristics of toponyms, often concerning formal differences between toponyms referring to different geographical objects. Willy Van Langendonck, in “Une hiérarchie toponymique anthropocentrique. Comparaison française - anglaise” (‘An anthropocentric toponymic hierarchy. A French - English comparison’), observes “an iconic anthropocentric cline in which the form mirrors the sense of the name”, indicating that simpler forms correspond to better known geographical objects familiar to the users, for example names of farms, villages and towns. Different categories of place names in English and French are compared in terms of morphosyntactic features, such as the presence of a definite article, a suffix or a classifier. The author describes a continuum of complexity in the toponyms ranging from cities and villages, often without morphosyntactic markers, to the names of oceans, seas, deserts, mountains - less familiar to the users -, typically used with articles and classifiers. Marie-Noëlle Gary-Prieur and Michèle Noailly in “Les noms de ville, noms de lieu par excellence” (‘City names, place names par excellence’) present an analysis of place names, which leads to the conclusion that names of cities can be considered as place names par excellence. Comparing the morphosyntactic and semantic properties of the heterogeneous proper name categories in french, (names of cities, names of persons and place names in general), the authors point out that city names, because they share characteristics with the names of persons, should be distinguished from other place names, and they suggest changes in the French terminology (français lieu, endroit, place). A main feature of the Brittonic Celtic languages group is the lenition of initial consonants, discussed by Hervé Le Bihan in “The grammatical status and syntax of toponyms and anthroponyms. The case of Breton and Welsh.” Three morphophonemic phenomena of lenition in initial consonants in Breton and Welsh toponyms and anthroponyms are examined. Marie-Claude Le Bot and Martine Schuwer (“Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français”) (‘Remarks on the morphosyntax of complex toponyms in French’) analyse French place names, and more specifically complex toponyms (be they of the prepositional type <?page no="13"?> Introduction 13 as Mer de Chine and Ile de la Réunion or compounds as Lac Léman and Mer Morte). The study also focuses on the question of the status of the determiner (as in Cap de la Chèvre). (See also the descriptions of inhabited place names in the article by Gary-Prieur & Noailly (above) and the articles by Cislaru and by Lecolle, under Context and use, below.) Nominal modifiers as specific element of complex toponyms in Germanic and Romance languages are the topic of Betina Schnabel-Le Corre’s paper “Pre positional Phrases and Coordinat ed Phrases in Toponyms: a Contrastive Study of Germanic and Romance Languages”. She examines frequency, distribution and use of these modifiers in different languages and analyses the structure of mainly oikonyms - according to a functional analysis - in constructions with a prepositional postposed modifier (Frankfurt am Main (all), Hay-on-Wye (eng), Perales de Tajuña (esp), Noyal-sur-Vilaine (frç), Morano sul Po (ita)). She also points out that these constructions are on the borderline between proper names and common names. The use in context of toponyms is studied in written documents (newspapers and magazines, school books, touristic brochures, maps, etc.) and in spoken contexts, (conversations, radio and television). Various geographical, linguistic and social situations frame their pragmatical behaviour. One aspect of toponyms in use is the status of formal variants. Riemer Reinsma, in “The Hague: Den Haag or ’s-Gravenhage? Some Pragmatic Differences between Place-name Variants”, discusses a phenomenon in Dutch, where two variant forms are used concurrently. The author examines whether toponyms in such pairs in the standard language can both be official names or if only one variant is tolerated. The pragmatical functions of toponyms are illustrated in Riham El Khamissy’s article “La Révolution égyptienne a modifié Tahrir” (‘The Egyptian revolution modified Tahrir’). From a situation where few persons outside Egypt knew what was and what signified Tahrir, the information spread worldwide about the political situation in Cairo, which made it a symbol of the 2011 uprising. The author locates and analyses the cases where the toponym Tahrir in the journalistic discourse has undergone changes either in reference or in syntactic structure. She points out what discourse values the modified toponym acquires in its metaphoric use. Three contributions in the field of French linguistics also deal with the semantic functioning of place names. The articles by Georgeta Cislaru and Michelle Lecolle focus on names of inhabited places mainly in French, but also in English, Russian, and Romanian in Cislaru’s paper. Sarah Leroy applies the theoretical framework of construction grammar to toponyms and microtoponyms in French. In her paper, “Les facettes des toponymes: des données contextuelles aux modèles sémantiques” (‘Toponymic facets: from contextual data to semantic models’), Georgeta Cislaru argues that semantic constraints derive from the nature of the reference. The category including names of inhabited places is - <?page no="14"?> Introduction 14 defined as a non-homogeneous continuum. In context, these toponyms can focus on a single facet or on a combination of the different facets PLACE, PEOPLE, INSTITUTION/ STATE. Each derived semantic value of the toponyms is anchored in one of the facets. This functioning indicates a semantic profile of such place names and highlights the particularities of each subcategory. Michelle Lecolle, in “Nom propre de lieu habité: polyvalence et polysignifiance” (‘Names of inhabited places: polyvalence and polysignificance’) also adopts a semantic and discourse perspective in analysing names of inhabited places in French, which potentially have three principal dimensions, ‘spacial’, ‘collective’ (inhabitants) and ‘political’, each being or not expressed in a given occurrence. Special attention is paid to the use of these place names in the media, where additional denominations are coined through context depending on discourse practices. The semantic values of these denominations constitute the “polysignificance” of place names. Sarah Leroy’s article “Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle” (‘French toponyms and microtoponyms, a constructional approach’) gives a survey of the missing link between traditional onomastics and the recent extensive research in French linguistics on proper names. Applying the theoretical framework of construction grammar, the author proposes an analysis of the proper name from two points of view, as a proprial lemma or as a contextual construction. She underlines the particular status of the appositive construction, helping in subcategorisation of place names and playing a role in the process of onomastic fixation. In the field of sociotoponymy, the attitude of speakers preferring to use allonyms may point out their sense of belonging to a community. The field of microtoponymy is concerned with individual or local use of toponyms in a small village or urban quarter, which may also reflect the social relations of their inhabitants. On a community level, such an analysis implies political concerns for example in bior multilingual societies. This approach is illustrated by Giovanni Agresti’s and Silvia Pallini’s paper on Italian microtoponymy, “Vers une toponymie narrative: récits autobiographiques et ancrages géographiques dans deux villages de la Haute Vallée du Vomano (Italie)” (‘Towards narrative toponymy: autobiographical stories and geographical relations of two villages in Upper Valle Vomano (Italy)’). They present the results of inquiries carried out in two Abbruzzo mountain villages targeting local microtoponyms and autobiographical stories related to these microtoponyms. The relations between toponyms and their subjective interpretation by inhabitants are analysed by means of discourse analysis. The importance of toponyms for the community is twofold: they constitute their linguistic sense of belonging to the territory they live in, and, since these places are the environment of their actual experiences, they convey the meaning a given place has for the individual. In the project, the researchers also favour and analyse the co-construction by <?page no="15"?> Introduction 15 the informants of meaning in their toponyms in the search for a common heritage deriving from individual stories. Terhi Ainiala, in “Identifying Places and Discussing Names: the Use of Toponyms in a Conversation”, examines young people’s use of toponyms as observed in conversations about their own neighbourhood and daily life in Helsinki. The analysis concerns different forms of referring to places as well as some informants’ metalinguistic observations on official and unofficial names. In this folk onomastic study, the author notes that the borderline between proper names and appellatives is not always clear. This difficulty to fix the borderline between toponyms and appellatives is also present in the quite different context of Scottish field-names, analysed in Alison Burns’ “Data Collection in Aberdeenshire: a Synchronic Field-name Study”. The article deals with methodological questions raised by interview data and points out that data on field-names are conveyed orally and need to be rapidly collected. In a socio-onomastic approach, the author resorts to traditional onomastic data as historical records and maps, as well as sociolinguistics, here recorded interviews. Studying the denominations of the Italian alpine hydrographical system, Maria Gabriella Chiapusso observes the specificities of the ethnohydronyms as opposed to the official toponymic system. In her article “Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie)” (‘Polyhydronymy and hydrological categories. The Ostana case (Piemonte, Italy)’), hydronyms are characterized by the use of several denominations for different segments of the “hydrospheric continuum” of the stream, without clear delimitations. These ‘vague designators’ are analysed as having different values corresponding to different possible ways of assigning them a referent depending on context and individuals, proper designations, which are supposed to have a presuppositional signification of categorial type. The question of the conceptual status of ‘place’ versus ‘object’ is also discussed in association with the use of anaphoric pronouns, which function as syntactic indices of the concept ‘place’ inherent in hydronymy. Andrea Bölcskei, in “The Findings of Onomastic Field Research on Synchronic Hungarian Toponyms used in Transylvanian Settlements”, presents a corpus including 636 Hungarian microtoponyms collected in two mainly Hungarian settlements in Transylvania (Romania), having quite different geographical locations. The same geographical feature may be designated by various names based on different motivations and following different grammatical patterns. The analysis concerns socio-onomastic, syntactic and semantic features. The population distinguishes three types of place names, vernacular, semi-official and cadastral ones. The author underlines that the use of Hungarian toponyms by minority Hungarians over several decades is actually a notable fact. <?page no="16"?> Introduction 16 The treatment of detailed linguistic information about toponyms constitutes a challenge also in lexicography. In fact, the treatment of proper names in dictionaries and encyclopaedia, be they uni-, bior multilingual, is not clearly defined. In the same way, cartography applied to atlases and gazetteers does not seem to be based on a consensus of principles concerning the choice and respective presentation of endonyms and exonyms. The use of allonyms and their different functions in context is a recent field of investigation. The treatment of allonyms implicating one or more languages is the topic of the article “Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products” by Roman Stani-Fertl. The types of toponyms that should be distinguished in maps are mainly endonyms, exonyms in common use, and historical name forms. Despite the fact that there are well-established cartographic traditions that account for the different status of toponyms, the author regrets that publishers do not follow them systematically. Furthermore, various methods may be used in the same map, and map users might not clearly distinguish between the types of toponyms. This lack of consistency and explicit information is even more frequent in digital maps, although additional technical means exist to give precise data. On the whole, map users seldom find explanations of the types and nature of toponyms present in the maps or labelling principles. The concept of exonymisation is central in the analysis of toponym transposition between languages and in elaborating principles for standardisation. One of the articles concerning this topic illustrates the complexity of transposition exemplified by the comparison of translations of the same text into several languages. Two other articles deal with the definition of the concept of exonym from two different points of view, one with formal linguistic criteria and standardisation the other from a cultural and geographical perspective. In “A Multilingual Corpus for the Study of Toponyms in Translation”, Emeline Lecuit, Denis Maurel and Duško Vitas study the behaviour of toponyms in translation by establishing a parallel corpus composed of versions in ten European languages of Jules Verne’s Le tour du monde en quatrevingts jours. All proper names in the French text were annotated and all the texts aligned with the French text. The exploration of the multilingual parallel corpus shows that toponyms in fact do get translated and through different translation processes, distinguishing for example direct and oblique translation with their subgroups. Pierre de La Robertie’s article “De l’exonymisation en chinois” (‘Exonymisation in Chinese’) illustrates the complex transposition problems between languages with different alphabets and different writing systems. The author describes and exemplifies the transcription and translation strategies - or the combination of both - used in transposing foreign toponyms into Chinese. <?page no="17"?> Introduction 17 Małgorzata Mandola, in her contribution “Statut du toponyme dans la perspective d’une analyse synchronique contrastive” (‘The status of toponyms in the perspective of a synchronic contrastive analysis’), explores exonymisation processes through the example of the structures of French exonyms for places in Poland as a starting point. She also treats issues of standardisation. She provides a detailed linguistic analysis of the concept of exonym as opposed to endonym and other connected concepts. Peter Jordan’s argumentation in “The Endonym/ exonym Divide from a Cultural-geographical Point of View”, is not mainly based on linguistic but on cultural observations. In this approach, endonyms are names applied by a community to geographical features conceived to be part of the area where that group lives and which they feel emotionally attached to. Exonyms thus are names used by other communities and having a different form. Transboundary geographical features exemplify the author’s point of view. Toponym standardisation on the international level is carried out by the United Nations Group of Experts on Geographical Names (UNGEGN), one of the two UN units that presently deal with place names; the second one is the Department of the General Assembly and Conference Management of the Secretariat, in particular its Documentation Division. María Barros presents this work in “Toponyms at the United Nations”. Focusing on the work done by language services (translators, interpreters, editors and terminologists) the author exemplifies the linguistic and extralinguistic problems in presenting the choice between endonyms and exonyms, the use of allonyms in countries sharing the same language, in this case Spanish. She also discusses the use of the definite article, transliteration vs. transcription principles, and orthographic harmonisation among different Spanish speaking countries. On a national level, Pierre Jaillard, in “Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie” (‘Notes on the confines of synchrony and diachrony in toponymy’) discusses the problems of toponom standardisation in French in the light of the difficulty to make a distinction between proper names and common nouns, on the one hand, and beween diachrony and synchrony on the other. In fact, the author points out that not only these borderlines are difficult to establish but also that they can merge in the case of linguistic units used both in a proper name and as a common noun. He also indicates that there is a syntactic continuity between proper names and common nouns concerning the use of the definite article and the choice of gender for a given unit. Today’s syntax also seems to be influenced by diachronic factors, for example in the distribution of locative prepositions based on formal criteria influenced by diachronic formal oppositions as well as semantic perceptions. For the author, these observations do not make doubtful the synchronic approach to toponymy. Since geographical names play an important role in the expression of political power and political changes, colonisation and decolonisation are typi- <?page no="18"?> Introduction 18 cal situations where standardisation and renaming will be used to impose a certain political ideology. Two articles deal with the (de)colonisation situation in Algeria. Nebia Dadoua Hadria & Belkacem Boumedini in “L’algérianisation du territoire Algérie après l’indépendance. Cas des noms des quartiers à Oran” (‘Changes in the urban territory in Algeria after independance. The case of the city of Oran’) describe the symbolic reappropriation of the toponymic space after the decolonisation in Algeria in the 1960s. The authors offer an explanation to the linguistic plurality in a population, which has coexisted with the French colonizer from 1830 to 1962 and got used to the European designations of their neighbourhood and then experiences the new denominations of the same areas with Algerian names. The authors answer questions concerning the degree of acceptance or rejection of these changes and wonder why some Algerian names are accepted and some French names are kept. Another article concerning the same topic but with a linguistic analysis of the relation between the French and the Algerian toponymy is Ouerdia Yermèche’s “Les toponymes algériens durant la colonisation française et après l’indépendance entre retoponymisation et transcription françaises” (‘Algerian toponyms during French colonisation and after the independance between retoponymisation and French transcription’). During the French colonisation, Algerian toponyms, both Arab and Berber, were modified when transcribed into Latin characters, mostly due to the absence of standards. When Algeria became independent, an arabisation process was initiated, resulting in the same type of phonetic distorsion, since no graphic standardisation policy had been fixed. The author concludes with a reflection on graphic transcription of places names in a multilingual society. In his article “Constat et conséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe, de classificateurs génériques et de déterminants toponymiques en Dordogne, au XXIe siècle” (‘Eradication of some orthographic signs, generic classifiers and toponymic markers in Dordogne, in the XXIst century’), Michel A. Rateau pinpoints an example of chaotic treatment of microtoponyms in postal addresses. Different senders often write the same postal address in various ways. Microtoponyms are not official names and public organisms are thus not compelled to use specific forms. Traditionally, the norm was established by the national postal administration in its telephone directory. The editing society of the telephone directory is today a private commercial society, PagesJaunes. Their internal principles for abbreviations, eradication of certain diacritics and generic toponym elements have lead to a situation where the directory no longer functions as a norm. In spite of digital techniques with ample graphic resources, the often quite complex microtoponyms are not written in a coherent way and toponymic heritage not preserved. <?page no="19"?> Introduction 19 The variety of fields of investigation and research approaches represented by the authors of the present articles illustrates the well-founded attention paid to toponyms and the increasing interest linguists show to place names. The multitude of topics indicates that there are still important challenges in synchronic toponymy. <?page no="21"?> Giovanni Agresti 1 Silvia Pallini 2 Vers une toponymie narrative : récits autobiographiques et ancrages géographiques dans deux villages de la Haute Vallée du Vomano (Italie) 1 Les toponymes, ou la première greffe linguistique de l’humain sur le territoire Les toponymes sont le trait d’union linguistique entre le sujet et le territoire qui l’enveloppe. Le premier nomme son environnement ou hérite plus ou moins consciemment (et correctement) des générations précédentes les noms qui le recoupent: le toponyme (macro ou micro) reçoit ainsi la greffe du sujet et des communautés (Claudio Beretta, 2003). Celle-ci peut être contemporaine, récente ou ancienne ; évidente, transparente ou opaque, affadie ; marquée ou non marquée etc. Une coupe synchronique précise la nature de cette greffe, issue de la dialectique de regard subjectif et dire référentiel. Dans le graphe à la page suivante les toponymes (nous proposons juste quelques toponymes italiens et français) sont distribués d’après un système d’axes cartésiens où l’abscisse indique le degré d’objectivité référentielle tandis que l’ordonnée indique le niveau de « greffe de l’humain » sur le toponyme lui-même. Il est évident qu’une telle distribution a sa part d’arbitraire. Cependant, nous avons élaboré ce graphe d’après des critères relativement discrets: pour ce qui est de l’abscisse, le degré maximum d’objectivité est atteint par l’absence de projection du sujet sur le nom du lieu désigné, c’est-à-dire par la désignation de ce même lieu à partir de formes simples (plus neutres): Monte rotondo (« Mont rond ») ne dit pratiquement rien du regard du sujet. Un degré légèrement inférieur de neutralité est atteint par ces noms qui disent la nature de l’objet censé caractériser, aux yeux du sujet, le territoire: Cerqueto (« Chênaie »). 1 Université de Teramo gagresti@unite.it Giovanni Agresti a rédigé les paragraphes 1, 2 et 4. 2 Associazione LEM-Italia silviadg@email.it Silvia Pallini est l’auteure des paragraphes 3 et 5. & <?page no="22"?> Giovanni Agresti Silvia Pallini 22 Organiser les toponymes en synchronie, entre référence et historicité Pour ce qui est de l’ordonnée, le degré maximum de greffe de l’humain est atteint par les toponymes issus de processus de culturalisation, d’historicisation pour ainsi dire de l’espace: hors de toute correspondance morphologique avec le paysage ou le spectacle du monde concret, via Roma n’a de référentiel que la référence à l’histoire et à la géographie humaines. Un degré inférieur de greffe de l’humain est par contre atteint par les toponymes indiquant une spécialisation fonctionnelle du site, qui a évidemment affaire au sujet historique et à sa praxis manipulative et transformatrice de la réalité (Robert Lafont, 2007): Savonnières. En synchronie, la combinatoire de ces paramètres décide de l’emplace ment du toponyme dans le graphe. Ainsi, par exemple, Colletorto est placé en abscisse à la même hauteur que Monte rotondo, parce qu’il s’agit toujours d’une combinaison de nom + adjectif ayant trait à la forme d’un relief. Cependant, en ordonnée Colletorto présente une plus importante marque du sujet que Monte rotondo, parce que: a) il y a fusion du nom + adjectif, ce qui est l’indice d’une historicisation en ébauche, et parce que: b) torto (« tordu ») est un praxème qui renvoie à une forme complexe qui a reçu historiquement des sens imagés et qui est par là une marque du sujet. Dans Quercia riposatoria (« Chêne reposant »), il y a lieu de penser que les dimensions ainsi que la forme et, plus en général, l’emplacement de l’objet dans l’espace ont fini par caractériser cet espace même par la prise en compte d’une fonction qui dit bien le rapport avec le sujet. Pour terminer, dans La - & <?page no="23"?> Vers une toponymie narrative: récits autobiographiques et ancrages géographiques 23 Bella Addormentata nous avons à la fois un maximum d’adhésion à la forme du relief (au couchant, la silhouette de la montagne suggère bien celle d’une femme étendue) et un maximum de greffe de l’humain, puisque c’est à partir du croisement d’une lecture forcément et topologiquement subjective du profil montagneux du massif du Gran Sasso (Abruzzes, Italie) et d’un héritage culturel évident (la fable de La Belle au bois dormant) que ce toponyme a pu être ratifié par la communauté du littoral adriatique abruzzais, au sudest du massif. En effet, dans ce dernier cas le « toponyme » naît d’une projection du regard du sujet sur un territoire dont l’aspect change suivant l’emplacement de l’observateur. Aux deux angles opposés du graphe, deux formes-limites. D’une part, l’absence de nom: lorsque le territoire n’a pas reçu de nom, et donc ne présente apparemment aucune greffe linguistique de l’humain, l’espace est nommé en usant de noms communs (arbre-s, pierre-s, maison-s etc.) et évidemment de déterminants qui définissent l’image de réalité (« ce pré làhaut » etc.). A l’opposé, dans le sillage de Lafont, on peut considérer l’anthroponyme comme « toponyme qui sert à nommer l’individu humain par le lieu de son sujet » (Robert Lafont et alii, 1989: 14). La greffe linguistique de l’humain finit par coïncider avec l’individu. 2 La toponymie narrative, ou la seconde greffe linguistique de l’humain sur le territoire Le statut topologique de l’anthroponyme nous permet d’illustrer notre façon d’envisager le concept de « toponymie narrative ». Le nom du sujet ne dit substantiellement rien de la vie, de la biographie du sujet lui-même 3 ; de la même façon, un toponyme ne donne normalement que des informations très générales ou alors très ponctuelles, anecdotiques, sur l’histoire ou la nature du lieu. Pourtant, ces lieux sont le cadre de nos vies, et donc, éventuellement, de nos récits de vie. Il est donc une seconde greffe linguistique de l’humain sur le territoire: le sens que tel ou tel lieu - et partant de tel ou tel toponyme - a pour tel ou tel sujet. Chez ce dernier, l’amour pour un quartier, une ville, une région etc. se dit par son évocation verbale ; il est donc inscrit en quelque sorte dans les toponymes désignant ces cadres de vie. À ce niveau, l’imaginaire individuel se croise sans cesse avec l’imaginaire collectif, le présent dialectise et souvent déforme les toponymes, qui peuvent devenir opaques voire être remplacés. Nous n’irons pas plus loin dans ce raisonnement, qui concerne surtout la toponymie diachronique. Nous retenons l’idée que tout toponyme peut être un résonateur de la mémoire, et donc un vecteur de l’imaginaire. D’où notre propos: doubler les cartes topographiques d’une sorte d’atlas de toponymie narrative, où chaque toponyme 3 A quelques traits psychologiques généraux près, comme d’aucuns le prétendent, pour qui nomen omen. <?page no="24"?> 24 devient en fait une sorte d’hypertexte par son inscription en discours. Le niveau discursif ferait ainsi « parler » le territoire par la voix de ses habitants se racontant à partir de repères toponymiques. Il en résulterait un tissu à la fois narratif et topologique-relationnel qui pourrait, à l’avenir, donner sa contribution à ce que la richesse culturelle, mémorielle de ce territoire ne soit pas dispersée, avec tout ce qui peut s’ensuivre au niveau du bien-être (ou alors du malaise) social 4 . Pour mettre en œuvre notre propos, nous avons mené à bien une recherche de terrain au contact de deux petites communautés de la montagne abruzzaise, Cerqueto et Fano Adriano. 3 Notre territoire, notre corpus, notre méthode 3.1 Le cadre géographique: la Haute Vallée du Vomano Avec environ cinq cents habitants au total 5 , Fano Adriano (siège de la Mairie) et Cerqueto (un hameau distant d’une dizaine de kilomètres) sont deux villages de la province de Teramo, situés à 750 mètres d’altitude à l’intérieur du Parc National du massif du Gran Sasso (dont le sommet atteint les 2914 mètres) et des montagnes de la Laga, dans la chaîne des Apennins. Le vaste territoire du Parc, riche en culture, en nature et en histoire, encadre le cheminement du fleuve Vomano depuis sa source (qui se trouve à 1200 m. d’altitude sur la pente du Mont San Franco) jusqu’à la plaine vers la mer Adriatique. Ce cadre naturel abrite la vallée éponyme (« Val Vomano »), dont l’économie est traditionnellement agro-pastorale mais qui devient de plus en plus industrielle au fur et à mesure que l’on descend de la montagne vers la mer 6 . En remontant vers l’ouest le cours du fleuve, on se dirige par contre vers Rome, ville qui a longtemps représenté, et en partie représente encore, un repère fondamental notamment pour les habitants de Fano Adriano - dont le parler local, à la différence de celui de Cerqueto, est très clairement influencé par le parler romanesco. Rome et ses alentours étaient en effet l’aboutissement de la voie de la transhumance pour les bergers de Fano et, par là, un marché très important pour le commerce des produits dérivant de cette activité. 4 L’analyse du discours ne s’est que récemment, et encore assez marginalement, penchée sur l’analyse toponymique. Pour une liste essentielle des publications en domaine francophone, cf. nos Références en fin d’article. 5 Sauf en période de vacances, lorsque la population augmente à cause du retour au village de plusieurs émigrés. 6 Cette vallée a dans le temps fait l’objet d’études anthropologiques et sociologiques de pointe puisqu’elle a pu représenter une sorte de laboratoire ou de point d’observation privilégié de la rapide transformation d’une civilisation ancestrale agro-pastorale (Gianfranco Spitilli, 2009). Giovanni Agresti Silvia Pallini & <?page no="25"?> Vers une toponymie narrative: récits autobiographiques et ancrages géographiques 25 3.2 Notre corpus, notre méthode Le travail de recherche et de collectage des informations sur la toponymie narrative de la Haute Vallée du Vomano a consisté en 7 longs entretiens individuels avec autant de personnes âgées de plus de 80 ans, à une exception près, et en 3 laboratoires collectifs de toponymie narrative impliquant un nombre relativement élevé d’habitants, relevant des tranches d’âge les plus diverses. L’équipe des enquêteurs était pluridisciplinaire, étant composée d’un anthropologue (Gianfranco Spitilli), d’un sociolinguiste (Giovanni Agresti), d’une sociologue (Silvia Pallini) ainsi que d’un photographe (Gianluca Pisciaroli). Ce dernier était, en même temps, le principal médiateur culturel 7 , s’agissant d’un représentant de la communauté locale. Témoins Genre (H/ F) Date de naissance Village O.R H 14-02-1922 Fano Adriano C.M. F 27-06-1922 Cerqueto B.R. H 25-01-1926 Fano Adriano A.M. H 04-10-1926 Cerqueto A.S. H 26-02-1927 Fano Adriano G.D.A. F 13-12-1930 Fano Adriano G.R. H Moins de 80 ans Fano Adriano Le corpus de notre enquête Les entretiens individuels, semi-dirigés, ont été enregistrés à l’aide d’une caméra vidéo et ont une durée moyenne d’une heure et demie environ. Les témoins interviewés ont été amenés, à partir du récit autobiographique, à tracer d’une part une géographie personnelle des émotions (lieux de l’enfance, déplacements et voyages, espace intime, familial, social, anecdotes liées au territoire, aux rites, aux fêtes, aux transformations du paysage etc.) et de l’autre à nous fournir des renseignements, objectifs et subjectifs, concernant l’origine réelle ou présumée des toponymes locaux. En laissant à nos interlocuteurs la latitude de s’exprimer librement, avec juste quelques ancrages discursifs, nous avons pu recueillir une raisonnable quantité d’informations liées à ces lieux. Certains toponymes ont tout particulièrement fait l’objet, au cours des entretiens individuels, de productions textuelles, narratives: lors des 3 laboratoires collectifs (de la durée d’environ 2 heures chacun) nous avons mis l’accent sur ces narrations et ces toponymes, afin de stimuler, par multiplication des points de vue et des mémoires individuelles, la co-construction du sens du lieu. En usant de cartes géographiques militaires 1: 10 000 au format numérique et en les projetant sur l’écran ou sur le mur de la salle, nous avons 7 L’autre étant Gianfranco Spitilli, fin connaisseur de la culture locale et personnage bien connu par la plupart des témoins interviewés. <?page no="26"?> 26 pu parcourir à vol d’oiseau le territoire en nous arrêtant à chaque endroit dense du vécu individuel et/ ou collectif et en croisant ces récits avec les récits résultant des entretiens individuels. Par quelques exemples, voyons de plus près comment s’est réalisé ce processus de co-construction du sens. 4 Toponymes et co-construction du sens Parmi les nombreux toponymes qui ont fait l’objet de discussions, parfois animées, au cours des laboratoires, nous nous bornerons à en présenter quatre dont les développements narratifs nous paraissent spécialement intéressants pour préciser notre démarche et mieux saisir la nature du rapport linguistique liant le sujet et la communauté à leur territoire. 4.1 Villa Moreni Villa Moreni est une bourgade de Fano Adriano. Elle est repérable dans la carte militaire, où il est également possible de repérer un autre toponyme, Bivio dei Moreni (« Bifurcation des Moreni »), qui est sans doute en rapport avec le premier. Lors des entretiens individuels nous avons demandé à tous les témoins de Fano Adriano l’origine de ce toponyme (Quelle est l’histoire de Villa Moreni ? Qui étaient ces ‘Moreni’ ? Était-ce le nom d’une famille s’étant installée à Fano ? Si oui, à quelle époque ? Est-ce qu’à Villa Moreni le parler local est identique à celui de Fano ? etc.). Les réponses collectées chez les cinq témoins de Fano n’étaient guère satisfaisantes et, de surcroît, étaient souvent contradictoires. Par exemple, en ce qui concerne la langue, seulement d’après 2 témoins sur 5 elle présente des nuances qui la caractériseraient par rapport à celle de Fano, même si aucun de ces deux témoins n’a été en mesure de préciser les traits de ce parler. Finalement, très peu d’informations ont surgi des entretiens individuels. Nous avons relancé nos questions lors du « Second laboratoire de linguistique sociale » à Fano 8 , en présence d’une vingtaine d’habitants réunis dans une salle de la Mairie, dont certains provenaient justement de Villa Moreni. Après quelques hésitations, et un premier moment de méfiance et d’ironie (« le parler de Villa Moreni et celui de Fano… mais ça revient au même ! »), un témoin jusque-là silencieux (une dame d’environ soixante ans), situé dans un coin de la salle, a brisé la glace et impulsé une série d’interventions sur le sujet. Cette série se base sur un fonctionnement de reprise et rebondissement/ prolongement de la parole antérieure. À partir de ce corpus d’interventions individuelles, nous pouvons tirer une narration qui n’est pas précisément autobiographique mais qui est polyphonique. Voici une formulation possible: 8 En novembre 2011. Giovanni Agresti Silvia Pallini & <?page no="27"?> Vers une toponymie narrative: récits autobiographiques et ancrages géographiques 27 - Mais, d’ailleurs, chaque bourgade est différente pour ce qui est de la langue - En vérité, il y a toujours eu une rivalité entre les « fanesi » [les habitants de Fano] et les gens de Villa Moreni - Oui, en effet on les appelle « Li Merenelli » - C’est que à Villa Moreni les femmes s’occupent des jardins potagers, alors que ce n’est pas le cas à Fano - Oui, mais c’est parce que Villa Moreni est en plaine et permet quelques cultures - Pour revenir au nom, ici traditionnellement chaque famille choisissait son emplacement et finissait par le caractériser Voilà comment le toponyme, mis en discours polyphonique, « parle » et prend du relief, s’anime. Il devient alors une sorte de réservoir de la mémoire. En tout cas, c’est le vecteur d’une prise de conscience collective. 4.2 Case di sotto / Case di sopra Si Villa Moreni est un toponyme reconnu, c’est-à-dire figurant dans les cartes topographiques officielles, il est évidemment une manière différente, populaire, de recouper l’espace urbain de Fano Adriano. D’après B.R., le village est en effet organisé en deux groupes de maisons: Case di sotto, Case di sopra (« Maisons d’en haut, Maisons d’en bas »). C’est évidemment un critère surtout topologique qui a déterminé ces toponymes, même si en réalité une composante axiologique est également présente dans ce processus de création linguistique. Critère essentiellement topologique, puisque le village est adossé à la pente d’une montagne et qu’il s’étend, par là, aussi bien horizontalement que verticalement. Composante également axiologique néanmoins, le point de repère, le pivot de ces deux représentations topologiques étant la place de l’église du village, un des lieux les plus anciens du territoire et véritable cœur social et spirituel, bref identitaire (plus que la place de la Mairie) du village et de la communauté tout entière. Le processus de sélection / tri des toponymes est conditionné par l’architecture à la fois urbaine et sociale de la communauté. 4.3 Malafede Dans la montagne, au sud-est de Cerqueto, un toponyme a tout particulièrement attiré notre attention: Malafede. En effet, ce nom fait immédiatement songer à « mala fede » (« mauvaise foi »), ce qui reviendrait à le situer en haut à gauche dans notre système d’axes cartésiens, la « foi » (qu’elle soit « bonne » ou « mauvaise ») appartenant à la sphère de l’expérience intime humaine. Nous avons donc demandé, lors des entretiens individuels, l’origine de ce toponyme. A.M., de Cerqueto, nous a le premier répondu de la sorte: « Làhaut, il est une vallée avec une fontaine. Or, cette fontaine ne donne pas toujours son eau, c’est pourquoi on a appelé cet endroit malafede: on ne peut guère faire confiance à cette fontaine ! Ça, c’est du moins ce qu’on m’a raconté ». - À Villa Moreni le parler est légèrement différent <?page no="28"?> 28 Lors du laboratoire collectif que nous avons dirigé à Cerqueto après les entretiens individuels, cette narration nous a été confirmée par d’autres témoins, tous d’accord les uns avec les autres. Cependant, il est nécessaire de considérer deux éléments: 1) d’une part, d’après la carte de l’IGM 9 ce toponyme indique non pas un lieu-dit ponctuel, comme pourrait l’être une source, mais une aire plutôt étendue ; 2) d’autre part, on retrouve ce toponyme à quelques kilomètres de distance, vers le nord-est, pour désigner Fonte Malafede (« Source Malafede ») et Fosso Malafede (« Ruisseau Malafede »). S’il est vrai qu’en général chaque cours d’eau prend son nom à la source, il est néanmoins évident que dans ces quatre occurrences la dimension nonponctuelle du toponyme est de loin prédominante. C’est pourquoi, même si Pozzo Malafede (« Puits Malafede ») est attesté près de Castel Del Monte (village dans la province de L’Aquila), nous sommes favorables à une interprétation différente de Malafede, qui interpréterait le premier élément malacomme < male- < vallis, valle(m) (« vallon, combe ») 10 , en raison d’une alternance [v]/ [m] tout à fait typique des parlers abruzzais 11 ; et le deuxième élément comme la transformation de fredd- (« froid- ») > fed-. Malafede désignerait par là un « vallon froid ». Si cette interprétation est correcte, ce toponyme doit se situer bien plus à droite dans notre graphe (v. supra). La distance entre ces deux interprétations (étymologique et synchronique-narrative) dit, en diachronie, le progrès de la greffe de l’humain dans la perception du territoire et l’oubli du sens premier. Le sujet, la communauté ne font pas qu’hériter le stock toponymique, ils se l’approprient. 4.4 Nerito Même dans le cas de Nerito, village situé à 835 m. d’altitude à l’ouest de Fano Adriano, nous avons pu enregistrer une interprétation tout à fait discutable au point de vue étymologique mais, pour cette raison même, intéressante parce que narrative et illustrant un volet fondamental de l’histoire locale: la culture de la transhumance. Notre témoin lors de l’entretien individuel a en effet été B.R., un ancien berger qui, né dans une cabane (! ) à Sacrofano, au nord de Rome, en janvier 1926, a une vie durant parcouru les sept étapes de la transhumance qui liaient jadis Fano Adriano à la Capitale. D’après B.R. l’origine du toponyme Nerito serait ramenable à la culture pastorale en ce qu’il cristalliserait une expression des bergers lorsqu’il leur arrivait de se disputer à cause de la répartition des pâturages. Chaque village avait en effet un droit de pâturage, qui correspondait à une parcelle bien précise de territoire délimitée par des enceintes, par des reti (« gril- 9 Istituto Geografico Militare (Institut Géographique Militaire). 10 Cf. Malacereto, à Rocca Pia (L’Aquila) = Val des érables. 11 Cf. [më’nutë] = venuto (« venu »). Giovanni Agresti Silvia Pallini & <?page no="29"?> Vers une toponymie narrative: récits autobiographiques et ancrages géographiques 29 lages »). Ainsi, à force de répéter qu’il ne fallait pas violer ces parcelles, la désignation du lieu aurait abouti à Nerito (« non si passano le reti », « on ne dépasse pas les grillages » > non-reti > [nëritë]). Cette étymologie est de toute évidence totalement fantaisiste. Nerito n’a pas d’étymologie sûre: chez Ernesto Giammarco (1990: 265) elle serait le résultat de la composition d’une base prélatine hydronymique *ner + suffixe phytonymique -it-. Cela dit, une remarque nous paraît tout à fait importante: notre témoin avait déjà réfléchi à l’origine du toponyme en question, il s’était déjà posé le problème et était déjà parvenu à une réponse, fortement ancrée à son vécu et à sa propre expérience du territoire. La culture de la transhumance lui avait permis d’interpréter, donc de mettre en narration, un toponyme qui, justement parce qu’étymologiquement obscur, se rendait disponible pour de nouvelles lectures. 5 Conclusions Lors de notre premier cycle d’enquêtes de terrain nous avons essayé de stimuler chez les habitants les plus âgés de Fano Adriano et de Cerqueto une action de co-construction du sens du lieu à travers les récits individuels mais surtout à travers les laboratoires collectifs. Or, le récit fortement ancré à certains lieux spécifiques, une fois partagé entre générations différentes, charge ces lieux de vécus individuels qui deviennent héritage, patrimoine commun. Voilà que s’établit une géographie de la mémoire et des émotions (Peris Persi, 2009) censée retomber positivement au niveau de la communauté par une plus active participation des jeunes générations des deux villages au travail de recherche et de co-construction du sens et de l’histoire des lieux. Tout cela à une époque où l’on assiste à une dramatique accélération de la dynamique de dépeuplement de la montagne. C’est pour cette raison que nous allons inaugurer un deuxième cycle d’enquêtes de terrain, qui se doit de devenir en même temps un outil pour essayer de: - éveiller et accroître la conscience individuelle et collective du rôle que la mémoire historique joue dans la construction de l’identité de l’individu et de la collectivité ; - contribuer à raviver l’attachement aux racines afin de contrecarrer l’abandon des zones de montagne et de soutenir et encourager le retour dans ces lieux ; - affirmer et affermir le rôle des vieilles générations par rapport aux plus jeunes et rendre aux personnes âgées leur importante fonction sociale. Du reste, 2012 est l’année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle ; - transmettre aux nouvelles générations l’attention à l’égard de la prise en charge et de la valorisation des lieux et paysages (naturels, humains et culturels) de la Haute Vallée du Vomano ; - stimuler la production littéraire et artistique inspirée des récits autobiographiques. Il s’agit de traduire le patrimoine culturel immatériel en témoignage <?page no="30"?> 30 tangible et de créer des archives en mesure de garder et valoriser la mémoire du territoire. Dans l’immédiat, pour s’acheminer vers ces objectifs nous avons imaginé les actions suivantes: - des ateliers intergénérationnels de toponymie narrative où nous utiliserons la documentation acquise lors des entretiens que nous venons de présenter. Pendant ces laboratoires il sera très utile de chercher la comparaison entre les jeux, les lieux et les habitudes des enfants d’hier et d’aujourd’hui ; - des excursions dans les lieux-symboles de la mémoire racontée. Les jeunes et les personnes âgées du village discuteront de l’étymologie historique, populaire et narrative-subjective des toponymes directement sur place ; - des groupes de travail, composés de personnes âgées et d’enfants, travaillant à la création de récits-témoignages dessinés/ illustrés sur la vie et les lieux de la Haute Vallée du Vomano. Ces œuvres feront l’objet de publications qui circuleront au sein de la communauté impliquée dans ce projet ainsi qu’à l’extérieur pour donner une plus grande visibilité au territoire. Références Alessandri, Claudia (2010): «Lo spazio abitato: l’espressione della relazione uomoambiente nella comunità di Capanne di Marcarolo», in Bollettino dell’Atlante Linguistico Italiano, III S., 34, pp. 7-24. 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Giovanni Agresti Silvia Pallini & <?page no="31"?> Vers une toponymie narrative: récits autobiographiques et ancrages géographiques 31 Rivoira, Matteo (2012): « Classer l’espace: le patrimoine toponymique oral d’une communauté de la Vallée du Pélis: Rorà (Piémont - Italie) », in Dalla Bernardina, Sergio (Sous la direction de), Analyse culturelle du paysage: le paysage comme enjeu (Actes du 135 e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Neuchâtel, 2010). Paris, Cths, pp. 113-125. Spitilli, Gianfranco (2009): Cerqueto è fatto a ferro di cavallo. L'attività di Don Nicola Jobbi in un paese montano dell'Appennino centrale (1963-1984). Teramo, Ricerche & Redazioni. Résumé Vers une toponymie narrative: récits autobiographiques et ancrages géographiques dans deux villages de la Haute Vallée du Vomano (Italie centrale) Dans cet article nous présentons les résultats d’une série d’enquêtes menées fin 2011 dans deux villages de montagne des Abruzzes (Italie centrale). L’objectif est triple: 1) le collectage d’informations concernant les microtoponymes locaux; 2) le collectage de récits autobiographiques s’inspirant de ces microtoponymes en vue de la réalisation d’atlas de “toponymie narrative”; 3) une contribution à l’analyse du rapport liant le toponyme à son interprétation subjective, moyennant des techniques d’analyses du discours. Abstract Towards a narrative toponymy: autobiographical stories and geographical relations of two villages in Upper Valle Vomano (Central Italy) In this article we present the results of a series of inquiries carried out at the end of 2011 in two mountain villages in Abruzzo (Central Italy). The objective is triple: 1) The collection of information concerning local microtoponyms; 2) Collection of autobiographical stories related to those microtoponyms prior to the realization of an atlas on “fiction toponymy”; 3) An inquiry on the relationship between toponym and its subjective interpretation through techniques of discourse analysis. Zusammenfassung In Richtung einer erzählenden Toponomastik: autobiographische Erzählungen und geographische Verankerungen in zwei Dörfern des Alta Valle Vomano (Mittelitalien) In diesem Artikel präsentieren wir die Ergebnisse einer Ende 2011 in zwei Bergdörfern der Abruzzen (Mittelitalien) durchgeführten Untersuchungsreihe. Das Ziel ist dreifach: 1) Informationssammlung lokaler Mikrotoponymie; <?page no="32"?> 32 2) Sammlung autobiographischer Erzählungen in Verbindung mit jenen Kleinobjektnamen im Hinblick auf die Realisierung eines „erzählenden toponomastischen” Atlasses; 3) Erforschung der Beziehung zwischen dem Ortsnamen und seiner subjektiven Interpretation mittels der Techniken der Redeanalyse. Giovanni Agresti Silvia Pallini & <?page no="33"?> Terhi Ainiala 1 Identifying Places and Discussing Names: the Use of Toponyms in a Conversation 1 Background Traditionally, place names have been collected in interviews where local individuals have been asked about place names and their possible origins. Nowadays methods used in collecting names and information connected to names have become more versatile. Whilst interviewing local inhabitants researchers are interested not just in the names and places themselves but also, among other things, in informants’ local environment and their attitudes towards it. In these (video)taped interviews, usually a small group of people discuss their home surroundings. Such group interviews help researchers to get a more diverse and contextual understanding of place names and their usage in a particular user group. Spontaneous discussions (without an interviewer) are also used as research material. (See Ainiala 2010, Ainiala 2012a, De Stefani & Pepin 2010: 20-23) If places and place names are a special topic in an interview, informants often have metalinguistic discussions about names. This means that informants discuss names, name elements and name usage, and express their ideas about names. Naturally informants also use names solely for identifying places. In this article, I will study two research questions: 1. How to identify places (with names). Usually a multiple choice of names, name variants and other ways of identifying places are available. Hence, it is of major interest to study which name or name variant is chosen in various situations. 2. How to talk about names. In metalinguistic discussions, people’s perceptions and beliefs regarding name and name usage are often present. Thus, it becomes possible to folklinguistically study how people talk about names and name elements, as well as about name use and beliefs connected to name users. 1 University of Helsinki terhi.ainiala@helsinki.fi <?page no="34"?> Terhi Ainiala 34 2 Research material and methods My research material consists of one interview in which four 15-year-old schoolchildren from Helsinki together with an interviewer discuss Helsinki and daily life in their own neighbourhood, Kallio. Two of the informants are girls (Emma, Ronja) and two are boys (Topias, Aleksi). The interview was conducted in 2007. It can be described as a half-structured, focus-group interview. In many ways it resembles a free and spontaneous conversation, and generally the borderline between free conversation and an interview is vague (Ainiala & Sjöblom, forthcoming). This study is part of the research project „Transformation of onomastic landscape in the sociolinguistically diversifying neighbourhoods of Helsinki“. The basic idea of the project is to investigate the current onomastic landscape of Helsinki from the viewpoint of place names (both official and unofficial) that the various social segments of the population use. Nearly 50 interviews have been conducted in the two case study neighbourhoods. (See Ainiala 2012a: 8, Ainiala & Vuolteenaho 2006: 59) The methodological starting points for the study derive from socio-onomastics and folk onomastics. The major socio-onomastic premises are the social and situational name variations and the role of different variables (in various contexts). Folk onomastics, in turn, is the study of people’s beliefs and perceptions regarding names and name usage. Folk onomastics can be described as a sub-branch of socio-onomastics and folk linguistics. The term folk onomastics has not been used in onomastics or in folk linguistics before (Ainiala 2008; Ainiala 2012b; Ainiala forthcoming). 3 Identifying places How do we identify places? To begin with, there are other ways to identify places besides using proper names. (cf. Schegloff 1972) These include geographical positions (postal addresses), relation to people (Eddy’s place, home) and relation to a landmark (behind the big tree, by the corner of the theatre). Nevertheless, this article will concentrate on place names only. Informants, like other city dwellers, use both official and unofficial names to identify places. Official names in urban surroundings are often planned names: official names of, for example, streets, parks, districts, neighbourhoods. (Ainiala 2005: 16) In my research material they occur more often than unofficial names. This can be regarded as a predictable result. A typical situation in which official names are unmarked name variants occurs at the beginning of an interview when the informants introduce themselves and their home (neighbourhood, street) (see also Myers 2006). This can be seen in Example 1. In all examples the Finnish extract is presented first, followed by the English translation (in italics). Names are written in bold. In translations the referent of the name is also described. <?page no="35"?> Identifying Places and Discussing Names: the Use of Toponyms in a Conversation 35 Example 1. Emma: No nimi on Emma ja öh, asun tällä hetkellä Hermannissa, juuri muuttanut, mutta olen asunut viisitoista vuotta kuitenkin Kalliossa. Well, my name is Emma and, yeah, I live in Hermanni [neighbourhood] at the moment, just moved, but anyway I have lived in Kallio [neighbourhood] for 15 years. Aleksi: Aleksi ja asun täl hetkellä Roihuvuores ja Koskelassa. Sit asunu Kalliossa kahteen otteeseen. Aleksi, and I live in Roihuvuori [neighbourhood] and in Koskela [neighbourhood] at the moment. I lived in Kallio [neighbourhood] twice. Topias: No mä oon Topias ja mä oon tota, asun tossa Viidennellä linjalla, tai asunu koko ikäni silleen, sitte tota viistoist kans. Well, I am Topias and I’m like, I live there on Viides linja [street] or have lived all my life, like fifteen too. Ronja: Mä oon Ronja. - - Joo, mä oon niinku syntyny Porvoossa ja sit me muutettiin tänne niin me mentiin sit asuttiin tonne Kallioon, ja sitten mä asun tuol Hermannin ja Vallilan siinä, tai siis oikeestaan Hermannin puolella, mut sit, siin on vaan se Hämeentie välissä ja siit niinku alkaa Vallila. I am Ronja. - -Yeah, I was like born in Porvoo [city] and then when we moved here we went, then lived over in Kallio [neighbourhood], and then I’m living there like in Hermanni [neighbourhood] and Vallila [neighbourhood] or actually on the Hermanni side, but then, there’s only that Hämeentie [street] between and then like Vallila begins. The informants introduce themselves with their first name and by telling where they live or have lived. Usually they mention names of neighbourhoods or districts (Hermanni, Kallio, Roihuvuori, Koskela, Vallila) and in two cases street names (Viides linja, Hämeentie). Additionally, one city name is mentioned (Porvoo). All these names are official. Some of these names have unofficial and even fairly well known variants (e.g. Roihis or Roihika for Roihuvuori, Kaltsi for Kallio), but they are not mentioned here. This is not surprising. An interview with an unfamiliar interviewer is certainly in most cases experienced as an official situation, at least the beginning of an interview when the informants present themselves. In those cases are official names predictable and unmarked. As already mentioned, place names may have unofficial variants. Most unofficial names are secondary, i.e. names that are formed on the basis of official names. In addition, there are primary unofficial names, which have been given despite the official names. The latter may or may not have official parallels. (Ainiala 2005: 17-20) In Helsinki, a multitude of unofficial place names exist. The majority of them can be described as slang names (Ainiala 2010: 103). Helsinki slang is a unique creole dialect, which developed among the working class of both Finnish and Swedish language backgrounds in their densely occupied <?page no="36"?> Terhi Ainiala 36 neighbourhoods at the end of the 19th century and beginning of the 20th century. It had a very strong unifying function among people of both Finnish and Swedish language backgrounds. In its later phases, Helsinki slang was gradually transmuted into a common street language of youth, and nowadays some of the slang words and names are widely known and used. The most typical way to form slang words is to attach a slang suffix to the root of the word (e.g. ari > duunari ‘worker’ (< Swedish verb dona ‚ ‘to do’), Hesari < Helsinginkatu ‘Helsinki Street’, is > koris (Finnish word koripallo ‘basket ball’), Porvis < Porvoonkatu ‘Porvoo Street’) (Ainiala 2010: 103-106). In some cases unofficial names appear more often than their official counterparts or even instead of them. In Example 2 the slang name Braku is used instead of the official name Brahen kenttä (‘Brahe field’). Example 2. Interviewer: Missä sitä korista [harrastat], onks täällä jotakin, missä missä paikoissa? Where do you play basketball, is there someplace here, like, in which places? Aleksi: Pakilas oli, Pakilan Visa ja sit ihan vaan tuol kaduilla ja sit just tos Brakun kentäl. In Pakila [neighbourhood] there was, Pakila Visa [sports club] and then just on the streets and then right there at Braku field [sports field; SLANG NAME]. Aleksi: No kyl sitä silleen, vähän semmonen hörhö paikka tai semmonen, just toiki, tos Brakun kentälki on aika paljon, kesäsin aika paljon niinku, porukka menee pelaa jalkapalloo ja dokaa siihen. Well yeah like, a kinda like a junkie place or like, just that one, at Braku field there are quite a lot, in summertime like many, some group goes and plays football and gets pissed there. Brahen kenttä is the official name for a sports field beside the informants’ school. They and especially the boys play football and basketball on the field. The place itself is thus central and vital for the informants. The field’s official name derives from Governor General Per Brahe (1602-1680) (Helsingin kadunnimet: 92). Brahen kenttä is not mentioned a single time in the interview but the unofficial variant is used several times. The slang name is generally very well known and commonly used. For example, it is mentioned at the beginning of the Finnish Wikipedia-article (Brahen kenttä) 2 . A street called Brahenkatu (‘Brahe street’) runs beside the field. My informants did not mention this street in the interview but in general the official name is not as commonly used as the slang name Brahis. One could claim that the official Brahe names are used relatively seldom, at least among certain Hel- 2 English translation of the beginning of the Finnish article: “Brahen kenttä (in Helsinki slang Braku is a sports field)…” (http: / / fi.wikipedia.org/ wiki/ Brahenkentt%C3%A4 (8.11.2012.) <?page no="37"?> Identifying Places and Discussing Names: the Use of Toponyms in a Conversation 37 sinki dwellers. In addition, one could point out that slang names Braku and Brahis are unmarked in many contexts. Some places are referred to with both the official and the unofficial name variants in the interview. The Sörnäinen neighbourhood is one of those. The official name is Sörnäinen and the common slang variants are Sörkka and Sörkkä (Paunonen 2010: 869-871). In Examples 3 and 4 both the official and the unofficial variant appear: in Example 3 the slang name Sörkkä is used while the official name Sörnäinen is used in the Example 4. Example 3. Aleksi: Riippuu välil, nyt saattaa olla jos on semmosii nistei tos, niit on aika paljon, tos Hesaril semmosii nistejä. Sit siel, no niin se on jo sit Sörkkää siin, siin metroaseman luona on tosi paljon niit kyl. It depends sometimes, there might be these kinds of junkies there, there are quite a lot, there at Hesari [street; SLANG NAME] those kinds of junkies. And then there, well then it’s Sörkkä [neighbourhood; SLANG NAME] already there, there at the metro station there are really lots of them there. Topias: Sit siin Hakaniemes on siin Ympyrätalolla. Then there in Hakaniemi [neighbourhood] they’re there at Ympyrätalo [building]. Aleksi: Nii. Yeah. Topias: Ihan outoo jengii. Mut ehkä enemmänkin Sörkässa on sitte niinku, kaikist pahimmat ihmiset, tai silleen. Pretty weird bunch. But maybe in Sörkkä there are like more, the worst people of all like. Emma: Munkin mielest Sörkäst olis heti ensimmäisenä kaikist pahimmat niinku sieltä. I also think that Sörkkä comes first, like the worst of all are from there. Topias: Et Sörkkä on niinku paljon pahempi ku mun mielest ku niinku Kallio, et niinku silleen. So Sörkkä is like much worse I think than like Kallio [neighbourhood] and such. Example 3 well illustrates how informants use both official and unofficial names when they refer to various places in their surroundings. Official names in the example are the neighbourhood name Hakaniemi and the building name Ympyrätalo. The street name Hesari (< Helsinginkatu ‘Helsinki street’), in turn, is a slang name, which - like Sörkkä - can in many contexts to be regarded as an unmarked variant. Three informants (Aleksi, Topias and Emma) mentioned the slang name several times. Elsewhere in the interview the informants talk about Sörkkä instead of the official name Sörnäinen. The only time Sörnäinen is mentioned is in Example 4. <?page no="38"?> Terhi Ainiala 38 Example 4. Aleksi: Tota noin, ainakin niit moottoripyöräjengiläisiä aika paljon, kans siin Vallilan, ku siinähän on se Bandidoksen se pää-, siis Suomen semmonen pääpaikka niin, ei tääl, no olihan siinä Sörnäisissä sillon se ampumiskohtaus se, jonkin aikaa sitten kesäl. Well yeah, at least there are quite a lot of those motorbike gang members there in Vallila [neighbourhood], well there’s the Bandidos head-, I mean Finland’s headquarters so, not here, well there was there in Sörnäinen [neighbourhood] that shooting incident, some time ago in summer. Why does Aleksi talk about Sörnäinen instead of Sörkkä here? According to my interpretation he thus steps back from the episode he is describing. Simultaneously he steps back from the neighbourhood where motorbike gangs exist and shooting incidents happen. Even though it is geographically the same neighbourhood, Aleksi regards his own home neighbourhood as Sörkkä whereas the more unfamiliar and even foreign neighbourhood is called Sörnäinen. 4 Discussing names The informants’ observations and perceptions of names and name usage are often present in the interview. By concentrating on these cases we can study folk onomastic questions as presented in Example 5. Example 5. Interviewer: No mites ajattelette, että tää koulu, niin millä alueella tää niinku esimerkiks sijaitsee teiän mielestä? So what do you think about this school, like where, for example, is it located in your opinion? Aleksi: Aattelee et Kallios, mut kyllä välillä saattaa sanoo jollekin, silleen et Sörkkä, ku se Sörkkä on vähän semmonen niinku semmonen tunnetumpi tai. You think that it’s in Kallio [neighbourhood] but sometimes you can tell someone that it’s in like Sörkkä [neighbourhood; SLANG NAME] because Sörkkä is a bit like more generally known or something. Emma: Nii, sama juttu. Yeah, the same thing. Topias: Mäkin sanon varmaan ennemminkin et Sörkkä sitte. I’d probably say Sörkkä more likely then. Interviewer: Sörkka vai Sörkkä, onks siinä joku ero Sörkassa ja Sörkässä? Sörkka or Sörkkä, is there some difference between Sörkka and Sörkkä? Topias: Ää. (The letter) ‘ä’. <?page no="39"?> Identifying Places and Discussing Names: the Use of Toponyms in a Conversation 39 Emma: Mä sanon ite äällä kans, niinku Sörkkä. I also say it with an ‘ä’ myself, like Sörkkä. Aleksi: Niin mäkin, mun mielest vanhemmat ihmiset sanoo Sörkka, tai semmoset ketkä on niinku ollu täällä joskus, ennen kun me ollaan ees synnytty, niin ne mun mielestä, se on semmonen vähän vanhempi sanonta. Yleensä jos mä kerran oon sanonu bussis puhelimes ni, Sörkkä, ni sit joku vanhus sielt takaa sano et se on Sörkka tai... Yeah, me too, but I think that older people say Sörkka, or those who have been here sometime before we were even born so I think that it is a kind of older way of saying it. Usually when I’m on the phone saying Sörkkä on the bus, then some elderly person there behind me says that it’s Sörkka or… In Example 5 the informants present their ideas and points of view about the slang names Sörkka and Sörkkä. They describe which variant they use themselves and report the ideas and images they have about the age of the names age and their user groups. They assume that Sörkka would be the older variant and it would have been in use even before they were born. They also think that older people would rather talk about Sörkka than Sörkkä. They are right, at least partly. Sörkka is regarded as a bit older than Sörkkä, even though Sörkkä has also been in use for a long time. They both have their origin in Helsinki slang and are more than 100 years old. The debate on which of these name variants is the “right” one is a classical question among Helsinki dwellers (Paunonen 2010: 869-871.) The next example presents somewhat different ideas and perceptions of names. Example 6. Interviewer: Onks sillä Eläintarhan sillä skeittipaikalla esimerkiks mitään muuta nimeä vai millä silleen niinku kutsut sitä? Does the skating place at Eläintarha for example have any other name or what do you like to call it? Aleksi: Me vaan sanotaan, Eltsuun mennään skeittaa. We just say we’re going to Eltsu [(skate) park; SLANG NAME] to skate. Interviewer: Joo. Yeah. Aleksi: Oli sil joku outo nimi mitä se yritti se valmistaja, mut ei kukaan ees muista sitä varmaan. It had some weird name that the builder tried to give it, but no one can probably even remember it. In Example 6 Aleksi explains that he and his mates use the slang name Eltsu for a certain skateboard park. The slang name derives from the official name Eläintarha (‘zoo’). Eltsu is not known only as a name for a skateboard park but also as a name for a district, a park and a sportsfield. It is an old and common slang name. Further, Aleksi rapports that the skateboard park “had <?page no="40"?> Terhi Ainiala 40 some weird name” and “no one can probably even remember it”. Aleksi takes this name up independently as a reply to the interviewer’s question, which may indicate that he knows the name but does not want to say it. The “official” name of the skateboard park is Micropolis 3 . The name is written on a big visible plague in the park, which also could mean that Aleksi knows the name. Nevertheless, it appears that Aleksi and his mates have not accepted the name and avoid it. In this way they may step back from the adults’ way of life - or at least from the regulated society in which adults assume the right to give names to youngsters’ own places - and show that the place is “their own”. In the present interview the informants are, at least up to a point, aware that the interviewer is interested in unofficial names. This interviewer may have questions in which she encourages informants to mention unofficial names. In Example 7 Emma reports on one slang name. The interviewer has just asked the informants if they would like to tell about possible “pet names” for various places. Example 7. Emma: Aa, no keskustasta mä oon kuullu et jotkut sanoo Makkarataloksi ja sit jotain niinku tällasii mitä kummallisempii nimii, et keksitään just jotakin joku nimi, joka niinku helpottaa ihan selkeesti niinku, en mä en tiiä itse mikä on Makkaratalo, mut äiti mun äiti esimerkiks tietää, mut mä en ite tiedä, mä en oo ihan varma. Ah, well about the centre I‘ve heard that some says Makkaratalo [building; SLANG NAME] and then like these kind of strange names, that you just come up with some name that really makes it simple, I myself don’t know what Makkaratalo is but my, my mom for example knows but I don’t know myself, I’m not quite certain. Aleksi: Se on se, se on se mis on se iso parkkipaikka. It’s the one, the one with the large car park. In the example Emma mentions the slang name Makkaratalo (‘Sausage house’). The house in question is located in the city centre, opposite the Helsinki railway station and it is commonly known. The slang name of the building is also common and often used in the media. The slang name derives from the physical appearance of the building: there is a “concrete sausage”around it. Emma tells that she has heard the name but does not know what it refers to. Furthermore, she says that her mother uses the names. Thus, she reports on her mother’s toponymic competence. In Example 8 Emma mentions three place names and reports her own, her friends’ and her family’s name usage. 3 http: / / fi.wikipedia.org/ wiki/ Micropolis, 8.11.2012. <?page no="41"?> Identifying Places and Discussing Names: the Use of Toponyms in a Conversation 41 Example 8. Emma: Meiän, mä en tiiä mist se on tullu, mut meiän perheessä sanotaan ku on Haapaniemen kenttä ja sit on se, öö tää tää, Kallion ilmaisutaidon lukio, ni sen välis on semmonen puisto, ni meiän perhe on sanonu sitä aina Ässäpuistoks, mä en tiedä mistä se nimi tulee, mut sitä vaan on sanottu aina, mä oon vaan sit tottunu sanoo sitä aina Ässäpuistoks, sit mä en tiiä Haapaniemeenki, että ne on sanonu Haapis, niinku Haapiksen kenttä, niin se on yleensä semmonen mun kavereitten kesken Haapiksen kenttä, mut nykyäänhän sille on kans keksitty joku toinen Väinö jonku joku nimi, äiti sano et se on nyk-, joku toinen nimi se semmonen kenttä, mut en, mä oon aina sanonu sitä Haapiksen kentäks, sit on se Ässäpuisto. In our, I don’t know where it comes from, but in our family we say when it’s Haapaniemen kenttä [field] and then there’s the, uh this this, Kallion ilmaisutaidon lukio [upper secondary school], well there in between there’s that park, so our family has always called it Ässäpuisto [park], I don’t know where that name comes from, but that’s just what it’s always been called, I’ve just always been used to calling it Ässäpuisto, then I don’t know Haapaniemi, that they have said Haapis [SLANG NAME] like Haapis field, so it’s usually Haapis field with my friends, but nowadays they’ve come up with some other Väinö someone some name, my mom said that it’s nowad-, some other name that field there, but I don’t, I’ve always called it Haapis field, then there’s that Ässäpuisto. First Emma brings up the name Haapaniemen kenttä and also presents the slang variant Haapis. She tells that “they have said Haapis like Haapis field” and that “it’s usually Haapis field with my friends”. Only a bit later does she say explicitly, that “I’ve always called it Haapis field”. She thus regards herself also as a user of Haapis (field). In addition, she tells that the field has another name, which she has heard from her mother. She does not remember the whole name but only the beginning (“Väinö someone some name”). The field is called Väinö Tannerin kenttä (‘Väinö Tanner field’) and the name is a commemorative one. Tanner was a prime minister and one of the most notable politicians during the first half of the 20th century. The name is not especially new since it was given in 1981. It replaced the old name Haapaniemen kenttä (Helsingin kadunnimet 3: 175). Additionally, Emma says that she uses the name Ässäpuisto (‘Ässä park’). She continues saying that she does not know where the name comes from but in her family they have always called the park by this name. This indicates that she regards the name as unofficial and not generally known. Ässäpuisto, however, is an official name commemorating the Ässä-regiment during the Second World War (Helsingin kadunnimet: 149). If one does not know the Ässä-regiment, one could easily regard the name as unofficial. The Finnish word “ässä” is a colloquial form for the letter s. On the other hand, one could easily recognize the name Ässäpuisto as official if one is familiar with the street names in the surroundings. A street called Ässänrinne (‘Ässä slope’) is next to the park. <?page no="42"?> Terhi Ainiala 42 4 Conclusions This article has discussed the use of place names. The material consists of a single interview and thus can not be regarded as comprehensive nor even as broad material. Instead, I have wanted to illustrate that even a single interview can function as sufficient and versatile research material. I have already wanted to show that the borderline between a free conversation and a (group) interview is vague and an interview often includes many (spontaneous) exchanges of opinions on places. Furthermore, interviews provide fruitful material for folk onomastic studies because they include information on informants’ perceptions and ideas about names and name usage. Place names are mostly used for identifying places, also in interviews. This was an expected result. Both official and unofficial names as well as name variants are used. Sometimes unofficial variants appear more often and can be regarded as unmarked variants (e.g. Braku, Hesari, Sörkkä). In those cases the official variants are marked variants and may have a special meaning or be a part of a special context. In interviews people talk about places and names. Both perspectives are relevant and interesting. When studying which names and name variants informants use in various contexts it is possible to study why certain variants are used more often. This can be useful information for name planning and name management. Folk onomastic studies can, in turn, reveal the impressions people have about names and name usage. This can also be helpful for name planners. It can give name researchers valuable information on how people regard and react to names and how they understand them as a part of language. Bibliography Ainiala, Terhi (2005): På väg mot urban namnforskning. In: Namnens dynamik. Utvecklingstendenser och drivkrafter inom nordiskt namnskick. Handlingar från den trettonde nordiska namnforskarkongressen i Tällberg 15-18 augusti 2003. Ed. Staffan Nyström. (NORNA-rapporter 80.) 13-26. Ainiala, Terhi (2008): Socio-onomastics. In: Handbook of Pragmatics 12, 2008 installment. Ed. Jan-Ola Östman & Jef Verschueren in collaboration with Eline Versluys. 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La recherche s’appuie sur une conversation finnoise dans laquelle quatre jeunes personnes et un interviewer discutent de Helsinki et de leur propre voisinage à Helsinki, ainsi que de leur vie de tous les jours. Sont analysées les différentes façons d’identifier les différents lieux à Helsinki quand on veut y référer. En plus des noms officiels, des noms non officiels et d’autres moyens d’identifier les lieux sont utilisés. On étudie les raisons expliquant l’utilisation de ces différents modes d’identification ainsi que le rôle du contexte dans le choix d’une variante précise. Dans certains cas, la limite entre nom propre et appellatif n’est pas toujours nette mais plutôt vague. Des discussions métalinguistiques sur les noms offrent une bonne occasion d’étudier les perceptions de et les idées sur les noms et leur usage. Ce type d’étude sur “folk onomastics” concerne l’analyse deux sortes de phénomènes: les gens parlent de noms ainsi que d’éléments de noms et de l’usage de noms et d’idées concernant les utilisateurs des noms. <?page no="44"?> Terhi Ainiala 44 Les deux fonctions de l’utilisation du nom propre, identifier des lieux et discuter sur les nom propres, font objet de cet article en utilisant des exemples aléatoires. Summary Identifying places and discussing names: the use of toponyms in a conversation The paper describes and analyses the two characteristic features place names may have in conversation. Primarily, people use place names in order to identify the referents they are referring to. Furthermore, people may also have metalinguistic discussions on names. This is particularly true in conversations and interviews where places and place names themselves make up a special topic. The research material consists of one Finnish conversation. In it four young people and an interviewer are discussing Helsinki and their own neighborhood in Helsinki, and their daily life. The various ways of identifying whilst referring to different places in Helsinki are analyzed. Besides official names, even unofficial names and other ways of identifying are used. The reasons for using these multiple ways of identifying are studied, and the role of context in choosing a particular variant analyzed. In some cases, the borderline between proper names and appellatives is not always clear but instead rather vague. Metalinguistic discussions on names offer an excellent opportunity to study people’s perceptions and beliefs on names and name use. This kind of folk onomastic study deals with two types of analysis: people talk about names and name elements and about name use and beliefs connected to name users. Both functions of name use in a conversation, i.e. identifying places and discussing names, are dealt with versatile examples in the paper. Zusammenfassung Orte identifizieren und Namen diskutieren: der Gebrauch von Toponymen in Konversationen Dieser Artikel beschreibt und analysiert die beiden charakteristischen Merkmale, die Ortsnamen in der Konversation haben können. Erstens benutzen Leute Ortsnamen, um Bezug auf einen Referenten zu nehmen, und zweitens führen sie metalinguistische Diskussionen über Ortsnamen. Das bewahrheitet sich besonders in Diskussionen und Interviews, in denen Orte und Ortsnamen ausdrücklich Gegenstand sind. Das Untersuchungsmaterial besteht aus einer Konversation auf Finnisch. Vier junge Leute und ein Interviewer diskutieren darin über Helsinki, ihre eigene Nachbarschaft in Helsinki und ihr tägliches Leben. Die verschiedenen <?page no="45"?> Identifying Places and Discussing Names: the Use of Toponyms in a Conversation 45 Möglichkeiten, um unterschiedliche Orte in Helsinki zu identifizieren, werden analysiert. Neben den offiziellen Ortsnamen werden inoffizielle Bezeichnungen und andere Arten und Weisen zur Identifikation benutzt. Die Gründe für den Gebrauch dieser verschiedenen Möglichkeiten der Identifizierung werden untersucht und die Rolle, die der Kontext bei der Wahl einer besonderen Variante spielt, analysiert. In einigen Fällen ist die Grenze zwischen Eigennamen und Appellativ nicht immer klar sondern eher verschwommen. Metalinguistische Diskussionen über Ortsnamen und den Gebrauch von Ortsnamen liefern eine hervorragende Gelegenheit, die Perzeption und die Überzeugungen der Leute zu untersuchen. Diese Art von Studie zur « folk onomastics » befasst sich mit zwei Arten von Analysen: Leute reden über Eigenamen und Namenelemente, und sie reden über den Gebrauch und die Überzeugungen, die mit dem Benutzer des Eigennamens verbunden sind. Beide Funktionen von Eigennamengebrauch in einer Konversation, d.h. das Identifizieren und Diskutieren von Eigennamen, werden mit vielfältigen Beispielen in dem Artikel aufgezeigt. <?page no="47"?> María Barros 1 Toponyms at the United Nations 1 Introduction The United Nations has a long toponymic tradition. In the early days of the Organization, the problem of geographical names lacking standardized forms was raised, particularly in connection with the cartographic services coordinated through the Economic and Social Council. This led to the establishment of the United Nations Group of Experts on Geographical Names, one of the two UN entities that presently deal with place-names; the second one is the Department of the General Assembly and Conference Management of the Secretariat, in particular its Documentation Division. 2 United Nations Group of Experts on Geographical Names In 1959, the Economic and Social Council (ECOSOC) paved the way for a small group of experts to meet and provide technical recommendations on standardizing geographical names at the national and international levels. This gave rise to the United Nations Conferences on the Standardization of Geographical Names, now held every five years, and to the establishment of the Group of Experts on Geographical Names (UNGEGN), which meets between the Conferences to follow up the implementation of resolutions and to ensure continuity of activities. Today, UNGEGN is one of the seven standing expert bodies of ECOSOC, with over 400 members from over 100 countries. Outside its meetings, the Group of Experts functions through 22 geographical/ linguistic divisions and several working groups 2 , which are currently addressing such issues as training courses, digital data files and gazetteers, romanization systems, country names, terminology, publicity and funding, and toponymic guidelines. The UNGEGN performs different functions related to the standardization of geographical names, proposing policies and methods for standardization, demonstrating the benefits derived from it, and facilitating the supply of scientific and technical help to developing countries in that area. The Group of Experts believes that an essential prerequisite for global standardi- 1 Senior Reviser, Spanish Translation Service, United Nations Headquarters, New Yorkbarros@un.org 2 See http: / / unstats.un.org/ unsd/ geoinfo/ ungegn/ divisions.html and http: / / unstats.un.org/ unsd/ geoinfo/ ungegn/ wgs.html. <?page no="48"?> María Barros 48 zation is the recording of locally used names that reflect the languages and traditions of each country. The established practice in this respect is as follows: first, every country must decide on its own nationally standardized names through the creation of national names authorities or recognized administrative processes; second, the Group of Experts ensures the wide dissemination of the nationally standardized forms through gazetteers, atlases, web-based databases, toponymic guidelines 3 , etc., in order to promote the use of these names internationally. For each non-Roman alphabet or script a single scientifically-based romanization system will be adopted and used. Geographers, linguists, cartographers and planners are among the specialists who develop the tools, harness the technology, provide the outreach, and share the belief that an accurate and consistent use of a common framework of geographical names can offer considerable benefits to the world 4 . 3 Department of the General Assembly and Conference Management: Documentation Division With about 1,200 staff at United Nations Headquarters in New York and 2,200 worldwide, including the conference management staff at the United Nations Offices at Geneva, Vienna and Nairobi, the Department for General Assembly and Conference Management (DGACM) is the largest in the United Nations Secretariat. Its work is central to the mandate and functioning of the United Nations as an international forum within which representatives of Member States and other groups meet to deliberate. 5 The work of the Documentation Division hinges on the multinational and multilingual character of the United Nations. Parliamentary documents are translated into the six official languages of the Organization -Arabic, Chinese, English, French, Russian and Spanish- and sometimes also into German. This enables delegates of Member States and other participants in intergovernmental meetings to have in hand, in their preferred language, official reports, organizational and working papers, and resolutions and decisions from first drafts to adopted compilations. The Division, with over 600 staff, comprises the following organizational units: • Editorial, Terminology and Reference Service • Editorial Control Section • Official Records Editing Section • Terminology and Reference Section 3 See http: / / unstats.un.org/ unsd/ geoinfo/ ungegn/ toponymic.html. 4 For more information about UNGEGN, see http: / / unstats.un.org/ unsd/ geoinfo/ ungegn/ general.html. 5 For additional information about DGACM, see http: / / www.un.org/ Depts/ DGACM/ . <?page no="49"?> Toponyms at the United Nations 49 • Translation Services (Arabic, Chinese, English, French, Russian and Spanish, plus German) • Contractual Translation Unit • Text Processing Section All of these units have to deal with place-names in one way or another: Translation Services obviously encounter toponyms in their daily work, and have to address transcription/ transliteration issues, while editors must ensure that toponyms are spelt correctly; but the most visible work in this respect is carried out by the Terminology and Reference Section, whose Terminology Team is responsible for updating and maintaining UNTERM, the official United Nations six-language terminology database. The database is accessible to all staff and the general public, and the Team is also available to answer questions regarding United Nations terminology and usage 6 . 4 Toponyms in the UNTERM database The official United Nations terminology database (UNTERM) includes numerous toponyms, and is considered an authoritative source for country names worldwide. However, it is not clear when or why a toponym, other than names of Member States and their capitals, is or not included in the database. This situation showcases the challenges that the documentation of place-names entails, both in atlases and lexicographic works. The toponyms that can be found in UNTERM are: a. Country names of United Nations Member States; b. Capitals of Member States (in term card); c. Toponyms with spelling issues in one or more of the official languages (e.g. Trandsniestria, Mashreq); d. Toponyms that are the subject of political controversy (e.g. Falkland Islands vs. Islas Malvinas); e. Toponyms included in titles of treaties, entities, etc. (Monterrey Consensus, United Nations Assistance Mission in Afghanistan). The UNTERM database is available at http: / / unterm.un.org/ . 5 Multilingual toponymy Multilingual environments like that of the United Nations create toponymic issues that fall into two categories: linguistic and extralinguistic. Since the problems are often language-specific, this analysis will use examples from Spanish. 6 http: / / www.un.org/ Depts/ DGACM/ trs.shtml. <?page no="50"?> María Barros 50 5.1 Linguistic issues From a strictly linguistic perspective, the main problems encountered are: a. The use of endonyms/ exonyms (e.g. Tbilisi vs. Tiflis). The problem is compounded when different forms are used in different countries that speak the same language, but only one can be used in UN documents for consistency´s sake. b. The use of allonyms in different countries that share the same language (e.g. Nueva Zelanda in Spain vs. Nueva Zelandia in Argentina; for additional examples, see Table 1 below). Again, only one can be used in UN documentation. Arabia Saudita Nueva Zelandia Rumania Ribera Occidental Cabo Haitiano Arabia Saudí Nueva Zelanda Rumanía Cisjordania Cap-Haïtien Table 1: Country name discrepancies in Spanish: allonyms. c. The use of the definite article, which can also differ from country to country, or because of generational or other factors (see 5.1.1). d. Transliteration/ transcription issues. In the case of Spanish, rules vary a lot depending on the source language: transliteration of Arabic toponyms is inconsistent, with different systems used; rules for both Chinese and Russian are consistent (for Russian place-names English spelling is used unless there is a traditional exonym); for toponyms from other languages, there are basically no rules. e. Orthographic harmonization with the spelling rules of the language. In the case of Spanish, the spelling of most frequently-used place-names is collectively established, or at least recommended, by the Academias of all the Spanish-speaking countries 7 (see some examples of discrepancies on Table 2 below). These recommendations are fairly recent and therefore are not always followed bytraditional UN usage. UN Bhután Djibouti Fiji Iraq Kenya Lesotho Qatar Rwanda NON- UN Bután Yibuti Fiyi Irak Kenia Lesoto Catar Ruanda Table 2: Country name discrepancies in Spanish: orthographic harmonization. 7 Namely, in the Ortografía de la lengua española and the Diccionario panhispánico de dudas. <?page no="51"?> Toponyms at the United Nations 51 5.1.1 Use of definite article with country names As previously mentioned, the use of the definite article is highly inconsistent, both from country to country and among individual speakers. There appears to be a growing tendency in standard Spanish to avoid the use of the article with proper names in general, and place-names in particular: older speakers will sometimes use the article where younger speakers will not. Consequently, many speakers consider the presence of the article as oldfashioned. The UN convention in this respect has not changed over the years, and therefore does not always reflect the non-article trend (see below). ARTICLE NO ARTICLE las Bahamas las Comoras el Sudán Filipinas Maldivas Seychelles Sudán del Sur Table 3: Inconsistencies in the use of article before country names in Spanish. Also, the use of the article seems to be more frequent before names of francophone countries, suggesting the influence of French usage (see Table 4). SPANISH-SPEAKING COUNTRIES (plus Brazil) FRENCH-SPEAKING COUNTRIES la Argentina el Ecuador el Paraguay el Perú el Uruguay el Brasil el Camerún el Canadá el Chad el Congo el Gabón el Níger el Senegal el Togo Table 4: Use of article before country names in Spanish. Figure 1: Use of article before country names in Spanish, by continent. <?page no="52"?> María Barros 52 The use of the article also shows a striking geographical distribution: European country names never take the article, whereas African, American and Asian country names often do (see Figure 1 and Table 5). This is perceived by some as suggestive of colonialism, and therefore as undesirable. AFRICA AMERICAS ASIA el Camerún el Chad el Congo el Gabón el Líbano el Níger el Senegal el Sudán el Togo la Argentina el Brasil el Canadá el Ecuador el Paraguay el Perú el Uruguay el Afganistán la Arabia Saudita la India el Irán el Iraq el Japón el Pakistán el Yemen Table 5: Use of article before country names in Spanish, by continent. 5.2. Extralinguistic issues From the extralinguistic point of view, difficulties can arise due to: a. The preferred use of endonyms, exonyms or allonyms for historical, social or political reasons. Usage can also vary from country to country, as previously discussed under 5.1. A case in point is that of toponyms which designate a territory whose sovereignty is disputed (see reference: http: / / unterm.un.org/ DGAACS/ unterm.nsf/ WebView/ 6BB8B7912AB0 61D985256D1F006124AA? OpenDocument b. The connotations attached to some place-names, usually involving political or ethnic issues. In the UN context, this includes notably those cases where a Member State requires the use of a certain toponym as the official name of their country, usually in all the official languages (see examples on Table 6). Sometimes even the use of the article is involved, as was the case of the request made by the Philippines that the article would not be used in Spanish. UN Belarús Côte d’Ivoire Myanmar Timor-Leste NON- UN Bielorrusia Costa de Marfil Birmania Timor Oriental Table 6: Country name discrepancies in Spanish (official name requested by Member State). <?page no="53"?> Toponyms at the United Nations 53 6 The need for toponymic reform Some of the issues discussed above definitely point to the need to review and update the use of Spanish toponyms at the United Nations. This toponymic reform should include the following: a. Update UN spelling conventions, which in some cases go back more than 50 years, and align them with current orthographic rules and use in the media. b. Systematize the use of the definite article before country names, which is inconsistent and impractical when training newly-recruited translators. c. Harmonize conventions with other international organizations when possible, to minimize discrepancies, although it might not be possible in all cases. For example, the European Union does not have to take into account the allonyms use in Latin American countries. d. Set out transliteration rules for every source language. 7 Conclusion Toponymic usage at the United Nations showcases the challenges of multilingual, multinational environments for the standardization of names. Texts used at the United Nations, both written and oral, show an unusually high frequency of place-names, due to the very nature of the Organization’s work. The fact that most of those texts are translated or interpreted from and into the six official languages (Arabic, Chinese, English, French, Russian and Spanish) adds a new layer of complexity to the analysis, usage and normalization of the toponyms appearing in them. Equally important are the political and sociological implications of the use (and choice) of certain placenames, as well as the need for alignment and harmonization with conventions and rules that are used both by other international entities and by actual speakers of the language in question. Résumé Toponymes à l’Organisation des Nations Unies Les noms propres et avant tout les noms de lieu sont effectivement au carrefour des langues et aussi des cultures. Ceci est particulièrement vrai en contexte multilingue, comme l’environnement du travail dans des institutions internationales. Dans cet article je décris la situation des toponymes aux Nations Unies, en focalisant sur le travail effectué dans les services de langues (traducteurs, interprètes, éditeurs et terminologues) <?page no="54"?> María Barros 54 Summary Toponyms at the United Nations Proper names, and place-names in particular, are indeed at the crossroads of languages, and also of cultures. This is especially true in multilingual contexts, such as the working environment at international organizations. In this paper I will describe the situation of toponymy at the United Nations, focusing on the work done at language services (translators, interpreters, editors and terminologists). Zusammenfassung Toponyme bei den Vereinten Nationen Eigennamen und vor allem Ortsnamen sind tatsächlich am Schnittpunkt der Sprachen und auch der Kulturen. Das trifft im Besonderen in multilinguistischem Umfeld zu, so zum Beispiel in dem Arbeitsumfeld von internationalen Organisationen. In diesem Artikel werde ich die Situation der Toponyme bei den Vereinten Nationen beschreiben, wobei ich mich auf die Arbeit, die in den Sprachservicen durchgeführt werden, konzentriere (Übersetzer, Simultanübersetzer, Herausgeber und Terminologen). <?page no="55"?> Alison Burns 1 Data Collection in Aberdeenshire: a Synchronic Field-name Study Introduction This paper was originally presented as part of the Challenges in Synchronic Toponymy Conference at the University of Rennes in March 2012. It discusses a field-name survey, which I am currently undertaking as part of my PhD research at the University of Glasgow. The focus of the paper is on methodological concerns involved when collecting names that are part of an oral tradition. The research discussed is conducted in Aberdeenshire, Scotland. To date, a corpus of 801 head names from 58 farms has been compiled. Research Context Work in England has shown how useful field-names can be in terms of providing information about language, history, culture and a host of other things (e.g. Field, 1972, 1993; Schneider, 1997; Watts, 2002). Some work on field-names has also been carried out in Scotland (e.g. Hough, 2001) although not nearly to the same extent as in the rest of the United Kingdom. In Scotland, field-names are part of the oral tradition (Fraser, 1977). With the exception of a few land-sale records, there is little written documentation for fieldnames in Scotland. They exist as part of the micro-toponymy in a landscape that is constantly changing as advances in farming practices alter the land and the communities who use the names. Therefore, the current use of fieldnames impacts the type of methodology that can be employed to collect such names. Method A socio-onomastic method was employed to collect the field-names. This involved using semi-structured interviews with farmers and other techniques from the discipline of Sociolinguistics such as embedding myself in - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 1 University of Glasgow ali_653@msn.com <?page no="56"?> Alison Burns 56 the community as a second order network contact. The method is dealt with more fully in Burns (forthcoming). The use of interviews had many benefits for the collection of field-names, yet the interviews also presented their own challenges. Some of these will be discussed below. Dialect The research was conducted in Aberdeenshire, which is a rural area in the north-east of Scotland. In Aberdeenshire the dialect spoken is known as The Doric, and Kynoch (2006: v) states that “its broadness can present difficulty even for Scots in other parts of Scotland”. As a speaker of Scottish Standard English, in sociolinguistic terms I am a researcher working out-with my own community. Although for the most part I can understand the dialect spoken by the farmers, language issues could become a problem. This had an impact on the interviews, both in terms of gaining access to farmers in the first instance as I could have been perceived as an ‘outsider’, and in terms of the actual conversations with participants. Gaining access to the community is discussed in more detail in Burns (forthcoming). It is the conversations and interviews with the farmers that will be discussed here. Firstly, simply understanding the farmers and being able to take part in conversations and record the names correctly could cause problems. The following example shows how important it is to record the interviews so that any miscommunications can be revised and rectified and it can be ensured that the names recorded are correct. Interview 1 Farmer: Where are we again now? This is The Cart Shed Park 2 . Cart Shed Park. Interviewer: Cratchet Park. Why Cratchet? Is that a surname for somebody? Farmer: Eh? Interviewer: Cratchet is that somebody’s surname? Farmer: No, Cart Shed. This example shows that the pronunciation of certain names can cause difficulty even for those who are familiar with the dialect, yet cannot be said to be native speakers. This problem tended to become less of an issue as data collection went on and I spent more time in the community. Informants proved to be very patient when a language issue arose, although such situa- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2 ’field’ <?page no="57"?> Data collection in Aberdeenshire - 57 tions were generally avoided when I brought my grandparents to interviews, who are themselves farmers in Aberdeenshire. This example also shows that during conversations, names can appear in more than one form. In this case, the farmer gives the name of the field as The Cart Shed Park and also as Cart Shed Park. For more on this aspect of name changes within conversations see Burns (forthcoming). Code Switching Another phenomenon, which arose in the recorded interviews, is code switching, in this case, switching between The Doric and Scottish Standard English within one conversation. This occurred in a number of interviews. In the example below, the farmer standardises certain dialect forms within the field-names in an attempt to make them more understandable for the interviewer as it is clear that I am not from the area and do not share the same dialect. Interview 2 Farmer: And now, what did we call this one just there? The Tap Field. Just The Top Field Interviewer: Okay Farmer: Eh well, this mark. Look you see that middle een 3 , that, aye 4 , aye. The little wee 5 corner is just The Wee Field At The Croft. The Little Field. In the first instance, the farmer changes the pronunciation of the word ‘top’ to make the meaning clear to the interviewer. Field-names can be very literal and the meaning of this one could have easily been misconstrued if I was not familiar with the dialect. The farmer clearly recognises the pronunciation of ‘tap’ as a salient dialect feature and therefore decides to provide a more standard pronunciation. Also note that the farmer changes ‘wee’ to ‘little’. This shows that as well as altering pronunciations of names to make them understood, the farmers also attempted to translate the names into more standard forms in order for the interviewer to write them down. Interview 3 Farmer: Way out the road end, what’s that mind? Well, we used to speak about The Cistren Field. Because there was a cistren up the road side where the water used to supply all this is. So you can call it The Cistern Field. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 3 ‘one’ 4 ‘yes’ 5 ‘small, little’ <?page no="58"?> Alison Burns 58 In this example, again the pronunciation of the word is changed. The pronunciation of SSE / əәr/ as / rəә/ , or metathesis, is common in the Doric. When saying this name the farmer is obviously aware that it is a salient feature and provides an alternative for the interviewer. Providing the dialect form of the name and then changing the pronunciation to be more standard shows that the farmer is aware of the linguistic differences between himself and the interviewer and attempts to compensate for these. There are also examples where the farmer is unaware of certain dialect features and therefore makes no effort to provide an alternative. Code switching is another reason why recording the interviews is useful. Without the tape-recorder it is likely that the interviewer would miss some of the dialect features present in the name and gravitate to the more standard form automatically. These examples also show the benefits of using interviews in the first place as, for example if a written questionnaire had been used, it is likely that farmers would have standardised the names to provide a Scottish Standard English form. Using the sociolinguistic interviews allows the interviewer to include dialect forms of the names, as they would appear in conversation. Another way to avoid over-standardisation of the names was for me to integrate into the community so that I was not perceived as an ‘outsider’. I introduced myself as a friend of a friend as my grandparents were also farmers in Aberdeenshire. However the best way to overcome the issue was to physically take my grandparents along to the interviews. This certainly helped to lessen the extent to which the farmers attempted to translate for me, although examples of code switching and changing their speech were still apparent in some instances. Name Changes Interview 4 Interviewer: Oh you don’t have a Cornyard Park either. I think that’s the second most common name. Farmer: Oh! I called it The Back Park. It’s Cornyard. Interviewer: So it is Cornyard? Farmer: It’s funny now. I’ve changed that over the years, since we didn’t have a Cornyard and that’s very interesting that. Isn’t that interesting! It was always The Cornyard Park. And I think I told you that the last time. 6 Help my goodness. I hadn’t realised I’d done it. You know? - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 6 The farmer is referring to a previous interview. <?page no="59"?> Data collection in Aberdeenshire - 59 The Cornyard is no longer relevant and it’s just round the back but it’s The Back Park… The Cornyard Park. I didn’t realise I was saying that. I wonder when I changed. I just subtly must have changed. Maybe it was speaking to the next generation who don’t know what a corn yard is. I’ll bet you they don’t know what a corn yard is. We happened to have a combine fairly early in 1961. In other words, when my boys were born. So they never knew a corn yard, they never saw a stack. But quite a few people, maybe ten years later still had stacks and binders and things. This example of Cornyard Park changing to a more modern or more appropriate name is common in the data. As the farmer notes, corn yards are no longer used now that more advanced machinery has taken over. For more examples of this name and indeed other name changes in the corpus see Burns (forthcoming). This demonstrates that minor names are indeed more apt to change compared with major names whose meanings can become opaque over time. It also confirms that fields are named for specific reasons and when the name ceases to be relevant a new name will be bestowed which better represents its use or circumstance. ‘We don’t have names’ Another interesting feature apparent in the interviews is that a number of farmers initially claimed not to have any names for their fields. While it is certain that some fields do not have names, for example some names may have been forgotten or the farmer may never have known the name, the interviews show that some farmers simply did not class their names for the fields as ‘proper names’. Interview 5 Farmer: Now that small wood was actually planted after we came here. We planted it, for a shelter belt. So The Shelter Belt Field. Interviewer: So that’s this field? Farmer: It would be up beside the trees. Interviewer: That’s The Shelter Belt Field? Farmer: Trees are your Shelter Belt. That’s just shelter for the cattle you see. Interviewer: There we are then. Farmer: That’s not an actual name though. You want names like The Lady Field and The Avenue. Interviewer: No, no, just what you call it. What do you call that one? <?page no="60"?> Alison Burns 60 Some interviewees also stated in interviews that they were disappointed that the names of their fields appeared boring or not interesting enough and sometimes attempted to make up something more ‘interesting’ or ‘suitable’. Interview 6 Interviewer: And what about the one in front? Farmer: Front O’ The House. Pity there’s not a better name for that. Interview 7 Farmer: Number three is eh, Field In-front of Benview. Benview, there’s a cottage just at the top there called Benview. Five is The Field Behind Benview. Four is The Field In-front of the House. And six is The Steading Field. That’s what I’m saying, there’s no very particularly interesting names… Nine, it’s The Field In-front of Old Bourtie. As I say, they’re not very special. ‘That name’s not right’ Interview 8 Farmer 1: Well, now, that was actually, these were actually two fields and it was man that took down the fence. So that one’s The Cottar House Field. Farmer 2: No, Cottar Hoose is further down. Farmer 1: No man, it’s in the middle of the two fields. That, these were two fields at one time. You made them into one. Because that was the cottar house, for the workers. Another benefit of using interviews to collect data was that often, the farmer had other family members around at the time of the interview. This sometimes led to debates about which name was actually correct and the interviewees could keep each other right. It also led to the field-names being discussed in conversations, and this led to a number of different variants of the same name being used within a single conversation. Similarly to Interview 1, in this example, it is only the use of the definite article that differs. Recording the Names Accurately While the socio-linguistic interviews proved to be extremely valuable in accumulating examples of field-names being used in speech in the dialect of the farmers who actually use them, this caused difficulties for settling on written forms of the names. Scots has never been officially standardised and this made spelling many of the field-names difficult. For example, should <?page no="61"?> Data collection in Aberdeenshire - 61 Cistren Field be spelt using the dialect form or should it be written in Scottish Standard English as Cistern Field? In many of these cases, the farmer was asked how he would spell the names, and often he would reply that he didn’t know or wasn’t sure because there was no need to write the names down. Interview 9 Farmer: Right, cross the road, now this eleven, now that park’s called The Blairon. How you spell it, I don’t know. In this example the farmer states that he does not know how to spell the name without any questions from the interviewer. This implies that it is not necessary for him to write down the name although he still uses it to refer to a particular field. Interview 10 Farmer: Ah well, three is what we call The Spoutie. Although obviously there’s water there. Interviewer: Spelt like that? Farmer: It must be, aye 7 . I’ve never thought of the spelling. Interview 10 again shows that the farmers do not have to think about how to spell the field-names, as they are not used in written form. Therefore, the ‘correct’ spelling of each field-name is uncertain and in some cases a number of alternative spellings could be used. Conclusion To conclude, there are a number of benefits and interesting outcomes of using sociolinguistic interviews to collect onomastic data. Becoming a second order network contact and taking along my grandparents to interviews yielded a greater amount of data from interviews and also helped cement my position within the community and allow me to access informants in the first place. Recording interviews has also proven to be extremely valuable and raises a number of issues surrounding dialect usages and standardisation which would not have come to light if a different method had been employed. The approach as a whole allowed the field-names to be recorded as they are used in the community by those people who still actively use the names in day to day life. The recordings provide an insight into the value of field-names and with them highlight a number of methodological issues that - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 7 ‘yes’ <?page no="62"?> Alison Burns 62 become apparent when working with names from a dialect with no standard written form and with little historical or even written evidence. Bibliography Burns, A. (Forthcoming). “A Socio-onomastic study of field-names in Aberdeenshire”. Field, J. (1972). English Field-Names, A Dictionary. (David and Charles). Field, J. (1993). A History of English Field-names. (Longman). Fraser, I. (1977). “The Onomastician Afield”. Nomina 1: 37-43. Hough, C. (2001). “Notes on Some Scottish Field Names”. Names 49: 37-53. Kynoch, D. (2004). A Doric Dictionary. (Scottish Cultural Press). Schneider, J. (1997). Field-Names of Four Bedfordshire Parishes, Tilsworth, Eggington, Hockliffe, Stanbridge. (EPNS Field-Name Studies No. 3). Watts, V. (2002). “Medieval Field-names in Two South Durham Townships”. Nomina 25: 53-64. Résumé Collecte de données dans l’Aberdeenshire: une étude synchronique de noms de champ Les noms de champ tout comme les noms de lieux majeurs préservent des informations importantes sur l’histoire locale, la langue et la société. Mise à part l’inventaire de ‘Scottish Field-Name Survey archive’ à Edinburgh, très peu d’études systématiques ont été menées dans cette région d’Ecosse. Il est urgent d’entreprendre un collectage de donnés, car cette source de matériel linguistique est préservée oralement et les informations pourront être perdues autrement. Cet article traite de questions méthodologiques liées à la collection de noms de champs dans l’Aberdeenshire. Une approche socio-onomastique a été élaborée comprenant le collectage de données de l’onomastique traditionnelle utilisant des cartes et des enregistrements historiques ainsi que des procédures sociolinguistique comme les enregistrements d’interview. Les données extraites d’interview est au centre des discussions autour de l’approche méthodologique choisie et les questions qui en résultent concernant la structure, le contexte et l’utilisation des noms de champ. Summary Data Collection in Aberdeenshire: a Synchronic Field-name Study Field-names no less than major place-names preserve important information on local history, language and society. Apart from the holdings of the Scottish Field-Name Survey archive in Edinburgh, little systematic work has been carried out in this area of onomastics in Scotland. Collection of material urgently needs to be undertaken, as this source of evidence is preserved orally and information may otherwise be lost. This paper discusses methodological concerns involved in collecting field-names in Aberdeenshire. A socio-onomastic approach has been created <?page no="63"?> Data collection in Aberdeenshire - 63 involving traditional onomastic data collection using maps and historical records as well as sociolinguistic practices such as recorded interviews. Interview data will comprise the main focus for discussion of the methodological approach taken and the issues this raises for the structure, context and use of the field-names. Zusammenfassung Datenerhebung in Aberdeenshire: eine synchrone Studie zu Flurnamen Flurnamen bewahren genau wie bedeutendere Ortsnamen wichtige Informationen über die lokale Geschichte und Gesellschaft. Außer dem Bestand des ‚Scottish Field-Name Survey Archivs’ in Edinburgh wurden nur wenige systematische Studien im Gebiet der schottischen Onomastik durchgeführt. Es ist dringend notwendig, Material zu sammeln, da die Quellen für die Sprachbelege nur mündlich überliefert sind und die Informationen ansonsten verloren gehen könnten. Dieser Artikel befasst sich mit den methodologischen Fragen, die bei der Sammlung von Flurnamen in Aberdeen auftreten. Ein sozio-onomastischer Ansatz wurde ausgearbeitet, der sowohl traditionelles Sammeln von onomastischen Angaben mit Hilfe von Karten und historischen Aufnahmen als auch soziolinguistische Verfahren wie aufgezeichnete Interviews beinhaltet. Die Daten aus den Interviews stellen dabei den Hauptaugenmerk für die Diskussion über den methodologischen Ansatz dar sowie die Bedeutung, die sie für die Struktur, den Kontext und den Gebrauch von Flurnamen mit sich bringen. <?page no="65"?> Andrea Bölcskei 1 The Findings of Onomastic Field Research on Synchronic Hungarian Toponyms used in Transylvanian Settlements 1 Introduction: challenges Onomastic fieldwork presents several challenges. The challenges are especially great when collecting Hungarian microtoponyms in settlements in the countries surrounding Hungary. A fieldworker, in such cases, must be clever enough to overcome quite a few subtle political and language barriers. The settlements outside the present borders of Hungary with a considerable population of Hungarian native speakers were annexed to their recipient countries almost a hundred years ago, as a result of an international treaty concluding the First World War. In today’s united Europe, communication between groups of Hungarian speaking people living in different countries is no longer frowned upon; however, unspoken fears of the possible consequences faced in the past by those who failed to meet the requirements of the former regime, which appreciated closed communities, have not entirely vanished and often make informants unsure of what they can reveal to a stranger from Hungary about their way of living. Linguistically, as most second and third generation speakers of Hungarian mother tongue living in the countries surrounding present-day Hungary are educated and provided access to daily information in the official language of the state whose citizens they are, informants usually tend to undervalue their Hungarian language skills, claiming that their Hungarian is poor as a result of the lack of regular practice in reading and writing in it. In several cases, informants also seem to be reluctant to use their native Hungarian language in formal situations (e.g. in an interview with a fieldworker). 2 The details of the onomastic field research In the summer of 1998, in the framework of an OTKA [Hungarian Scientific Research Fund] research project, a group of five PhD students in Onomastics and a research student in Linguistics from Eötvös Loránd University (Tamás 1 Károli Gáspár University of the Reformed Church in Hungary bolcskeiandrea@hotmail.com, bolcskei.andrea@kre.hu <?page no="66"?> Andrea Bölcskei 66 Farkas, the leading researcher of the project, Edina Zántó, Gyula Hári, Péter Havas, Attila Mártonfi and myself) travelled to Covasna (formerly known as Háromszék) County, Transylvania (Romania) to collect synchronic toponyms and family names in five Hungarian-majority settlements. The settlements surveyed were Angyalos (Angheluş), Kökös (Chichiş), Kilyén (Chilieni), Sepsiszentkirály (Sâncraiu) and Szotyor (Coşeni). In preparation for the actual fieldwork, we copied the relevant village maps and assembled historical place names from published (Dénes Bogáts, 1929) and then unpublished sources (Frigyes Pesty, 1864; Attila Szabó T., 2001) to be able to check whether these toponyms were still used in the communities. We tested our skills by collecting synchronic toponyms in Sepsiszentkirály, the smallest of the villages, guided by Jenő Janitsek, an emeritus professor of Babeş-Bolyai University, Cluj-Napoca. After the fieldwork had been conducted, we returned to Hungary to organize and analyze the collected data, with the help of Prof. Mihály Hajdú, then the director of the Onomastic PhD Programme at Eötvös Loránd University. The toponyms of Sepsiszentkirály were soon published (Jenő Janitsek, Gyula Hári, 2000). In 2003, the five of us (Tamás Farkas, Edina Zántó, Mariann Slíz, Péter Havas and myself) travelled back to Covasna County to check and improve our collection (by involving more informants as well as several valuable local sources: ecclesiastical documents, administrative registers, cadastral maps). Eventually, the place names collected were presented in papers (Andrea Bölcskei, 2006; Mariann Slíz, 2006; Tamás Farkas, 2008), organized into dictionaries (along with family names), localized on maps, and analyzed linguistically in booklets (Tamás Farkas, Edina Zántó, 2008; Andrea Bölcskei, Péter Havas, Mariann Slíz, 2008, hereafter: AKcshn). This paper reports on the most important findings of this fieldwork, concentrating on the linguistic features of the place-name sets thriving in two of the above-mentioned settlements (i.e. in Angyalos and Kökös). In general, we should emphasize that the Hungarian inhabitants of the surveyed villages have preserved the former native microtoponymy to a great extent up to the present day. My aim here is to present the basic features of this varied name stock and, by doing so, to illustrate some important regional characteristics of the Hungarian place nomenclature in Transylvania. 3 The settlements of Angyalos and Kökös Angyalos is situated 8 km to the east of Sepsiszentgyörgy (Sfântu Gheorghe), the county seat, in the northern part of the fertile land called Szépmező. The settlement was first mentioned in writing as Angelus in a 1332- 1337 ecclesiastical tithe roll (FNESz, 2: 518). Throughout its history, Angyalos has always been a relatively small settlement. According to the census returns in 2002, the village had a total population of 692 people; the ethnic make-up was claimed to be 656 Hungarian (94.8%), 22 Roma (3.2%), 13 Ro- <?page no="67"?> Findings of Onomastic F ield R esearch on Synchronic Hungarian T oponyms 67 manian (1.9%) and 1 German (0.1%) inhabitants (Árpád E. Varga, 2008a, 31). In the same year, most inhabitants belonged to the Protestant faith: 646 Calvinists (93.3%), 29 Roman Catholics (4.2%), 13 Orthodox (1.9%) and 4 persons of other religion (0.6%) were registered (Árpád E. Varga, 2008b, 20). The most important historic buildings in the village include a fortified Protestant church, erected around 1800, and a former denominational school (now functioning as a community centre), built in 1882. Angyalos today is administered by the neighbouring Gidófalva (Ghidfalău). Kökös is located 10 km to the south of Sepsiszentgyörgy, at the confluence of the rivers Olt and Fekete-ügy (Râul Negru). The name of the settlement was first recorded in 1461 in the form of Kewkews (FNESz, 1: 791). In history, Kökös played an important role in the 1848-1849 Hungarian war of independence as a strategic crossing point into Háromszék County; two significant battles fought against the Tsarist troops invading from the east to aid the Habsburgs took place next to the village (on 23rd of June and 2nd of July, 1849). Áron Gábor, artillery officer and the leader of the Székely Hungarian resistance in Háromszék County was killed in the second battle. Between 1940 and 1944, as a result of the Second Vienna Award (1940), which gave back the territory of Northern Transylvania to Hungary, Kökös became a border settlement (AKcshn, 56). According to the 2002 census, the total population in the village was 1075 people, consisting of 857 Hungarians (79.7%), 197 Romanians (18.3%), and 21 inhabitants of other ethnicity (2%) (Árpád E. Varga, 2008a, 27). Based on the same census, the religious distribution in the settlement was reported to be 525 Calvinist (48.8%), 222 Orthodox (20.7%), 210 Unitarian (19.5%), 102 Roman Catholic (9.5%), 6 Lutheran inhabitants (0.6%), as well as 10 inhabitants of other religious faith (0.9%) (Árpád E. Varga, 2008b, 17). The village is famous for its historic Unitarian church, which dates back to the 13th-14th centuries; its Orthodox wooden church from around 1740, moved here from the village of Zajzon (Zizin), Burzenland between 1812 and 1815; its Calvinist church, erected at the end of the 18th century; and its parish hall, built in 1901. Since 1968 Kökös has been administering the neighbouring Kökösbácstelek (Băcel), a village of predominantly Romanian inhabitants. The geographical positions of the two settlements, with all their effects on place-naming practices, are remarkably different: Angyalos lies at the southern foot of the Bodoki Mountains; Kökös, however, is situated on a 509-metre high plateau at the confluence of two rivers. The fields belonging to Angyalos are dominated by wooded hillsides and gently sloping pasture lands, whilst Kökös mostly has flat meadows and plough-lands on its outskirts. <?page no="68"?> Andrea Bölcskei 68 4 Denotata named in the two settlements In 2003, according to our collection, the geographical features named in the two settlements total 195 denotata in Angyalos and 240 denotata in Kökös, in the following distribution: parts of the settlements: 5.9% and 6.4%; buildings: 23.7% and 40.5%; plough-lands: 34.8% and 33.7%; meadows: 0.4% and 7.2%; pastures: 6.8% and 0.8%; woods: 5.5% and 0%; vegetable and fruit gardens: 1.3% and 0.4%; mixed crop-lands: 9.3% and 4.1%; boundary points: 1.7% and 0.8%; bodies of water: 10.2% and 6.1%; relief features: 0.4% and 0%, respectively. As one can see, Angyalos, though the smaller settlement, because of the much more varied configurations of its terrain, displayed 11 different types of named denotata in contrast with the 9 distinct types of denotata named in Kökös. The number of the named denotata and the number of the name forms used in the two settlements are, of course, not in a strict 1: 1 relationship. A single denotatum might be designated by several names based on different motivations (i.e. identifying features of the indicated entity), and each relevant name might be realized grammatically in more than one form. Thus, the 195 denotata in Angyalos are identified with the help of 304 distinct names in 358 different forms; whilst the 240 denotata in Kökös are indicated by 332 names in 433 separate forms. Furthermore, we must also call attention to the fact that in some cases the different parts of the very same denotatum are known under distinct names in the villages: the names for streams and streets, for instance, can be different in the built-up area and in the fields of the same settlement. In Angyalos, the creek that runs through the settlement in a north-south direction is known as Patak (‘creek’) 2 in the built-up area, but identified as Bikkes-patak (‘beech creek’) or Patakfolyás (‘creek course’) if its reaches outside the residential area are meant. Similarly, the northwest-southeast street of the same settlement is known as Fő út (‘main street’) or Kereszt út (‘crossing street’) inside and as Gidófalvi út (the section of the road west of the village leading to the neighbouring settlement of Gidófalva) and Bessenyei út (the section of the road east of the village leading to the neighbouring settlement of Sepsibesenyő) outside the inhabited area. At the same time, streets dividing into two or three branches in the settlement are often indicated by a single name. In Kökös, for example, the name Vasút utca (‘railway street’) is used to identify each of the three parallel streets leading to the railway station in the district called Agrád. Új utca (‘new street’) is the name for a T-shaped street in the northern part of the same settlement. This practice reveals a special concept of street adopted by 2 In parentheses I provide the approximate semantic equivalents of the Hungarian place names in English, trying to reflect also the grammatical structure of the original name forms. <?page no="69"?> 69 the villagers, not necessarily differentiating the main and the side streets from each other in the same part of the settlement. 5 Linguistic features of the collected toponyms The present short linguistic analysis focuses on the most important regionspecific (5.1) socio-onomastic, (5.2) syntactic and (5.3) semantic features of the collected toponyms, as well as (5.4) on the name formation processes adopted historically in the surveyed settlements. 3 5.1 Socio-onomastic features Focusing first on socio-onomastic features, we could identify three distinct sets of toponyms in local name use: our informants differentiated between vernacular, semi-official and cadastral place names. Vernacular (i.e. nonofficial, but widely used) toponyms have been inherited from generation to generation over a longer period of time, often preserving the memory of a well-known former inhabitant connected in some way to the indicated place, e.g. Mani-tag (‘Mani plot’; A), 4 from the nickname of its possessor, Manó Incze, a pre-World War 2 schoolmaster in the settlement. Vernacular names sometimes inform us about how the land was previously utilized, e.g. Rókák (‘foxes’; A) was the site of a silver fox farm in the Socialist Era; or tell us true or folk stories about the past, e.g. Csíki ember földje (‘land owned by the man from Csík [Ciuc]’; A), plough-land of poor quality allocated to a man from the region called Csík after he had refused to join the local agricultural cooperative in the 1950s; Jánka-puszta (‘Jánka plain’; A), a field where a presumed 13th-century Hungarian warrior called Jánka is said to have been beheaded, while patrolling, by the lurking Tatars. Names for former springs and wells are also remembered and occasionally used in the villages even today to refer to the sites where they once stood, e.g. Juhitató (‘watering hole for sheep’; K). In Angyalos, the function, and thus the vernacular name, of some public buildings has changed several times in the past, so it seemed to depend on the age of the informant which name (s)he used, e.g. the name shift from the earlier Községháza (‘parish hall’) via Néptanács (‘people’s councils’) to the present Tűzoltóraktár (‘fire station’). Semi-official toponyms are recent name forms originating in the last two decades. We were informed by our consultants that, in the national official agricultural registers (entitled România Registrul agricol), pieces of land pos- 3 The syntactic and semantic features of the toponyms, as well as the name formation processes are described here on the basis of István Hoffmann, 2007; concepts and terms are used accordingly (see esp. pp. 171-180); cf. also footnotes 10, 32, 35, 38, 39. 4 In parentheses, apart from the explanation of meaning, I also give in an abbreviated form the name of the settlement in which the indicated denotatum is located: A stands for Angyalos, and K stands for Kökös. Findings of Onomastic F ield R esearch on Synchronic Hungarian T oponyms <?page no="70"?> Andrea Bölcskei 70 sessed by the inhabitants in a settlement are required to be identified in a very precise manner. These documents are prepared by local administrators, who, in an effort to provide unambiguous identification, are thus forced to invent names to indicate otherwise nameless plots of land. The name forms coined by them are usually ad hoc circumscriptions, easily understood and accepted by the villagers, e.g. Futballpálya mellett (‘next to the football field’; K). Though these name forms are mostly improvised, as they are recorded in official documents, most people regard them as formal place names. As a result, sometimes attempts are made to substitute inherited vernacular names with these admittedly invented toponyms in formal situations, e.g. a lane in Kökös, known in the vernacular as Csorda útja (‘the herd’s street’, cattle were driven on it to the pastures) or as Román templom útja (‘street of the Romanian church’, the lane is behind the old Romanian church), is to be indicated officially as Mező utca (‘field street’, the lane leading to the fields), which is its administrative name. The local authorities also provided us with cadastral maps and lists of place names prepared in the second half of the 1990s. Though several toponyms on the cadastral maps were identical with the collected vernacular names and the place names specified in the lists, not all toponyms coincided. Formally, the (potentially official) cadastral place names seem to differ from the vernacular toponyms in several respects: they might include an ordinal number, e.g. Rét I. (‘meadow I’; K); they might combine two vernacular toponyms into a single name, e.g. Nyírestó (Bánya) (‘birchen lake + mine’; 5 K); or they might also be entirely new name forms, e.g. Községi-legel Községi-legelő (‘common pasture’; K). The denotata of the same vernacular and cadastral toponyms can be identical, e.g. Lókötő (‘a place to tether horses’; K); partially identical, e.g. Morgó (‘growling’; K); 6 neighbouring, e.g. Forrás (‘boiling’; K); 7 and entirely different, e.g. Égés (‘burn’; K). 8 For today, name users are typically familiar not only with the vernacular toponyms, but also with the cadastral place names, often derived from the vernacular forms, but applied to different denotata. Thus, when, as often happens, the vernacular and cadastral toponyms are used mixed in everyday communication, it is not always easy for an outsider to understand which place is actually meant. 5 No actual mine was recorded or is remembered there (AKcshn, 92). 6 In the past, this marshy area was heard “growling”, when someone stepped on it (AKcshn, 90). 7 In the past, the turf there looked like as if it were boiling, when it was raining (AKcshn, 96). 8 The wood there was burnt up (AKcshn, 96). <?page no="71"?> 71 5.2 Syntactic features Syntactically, both single-constituent and two-constituent 9 name forms are found in the place nomenclature of the two surveyed settlements. Their proportion depends mostly on the types of the denotata they identify; but regional preferences can also play an important role. In Kökös, for instance, we could collect only two-constituent street names, 10 e.g. Hátsó utca (‘rear street’); whilst in Angyalos 5.6% of the relevant names turned out to be singleconstituent names, e.g. Dőrgős (‘rubbing’). 11 The two distinct structures are present more proportionately in the field name 12 stock of Angyalos (twoconstituent names constitute 53%, single-constituent names form 47% of all field names) than in that of Kökös (62.2% and 37.8%, respectively). Singleconstituent field names include examples such as Tőkés (‘stumpy’; A), Hegyes (‘pointed’; K). 13 The second component in two-constituent field names in most cases (91.9% [A] and 78.3% [K] of all instances) identifies the type of the indicated denotatum with the help of a generic term, e.g. Császár martja (‘Császár’s steep bank’; K); and less frequently (8.1% [A] and 21.7% [K] of all instances) it denotes the place by way of a toponym, e.g. Horgas-Káka (‘hooked Káka’, i.e. ‘the hooked part of the plot called Káka’; K). As we can see, the only component of the single-constituent field names and the first component of the two-constituent field names equally clarify a specific feature of the designated entity (see part 5.3). Two-constituent toponyms are regularly attributive structures, containing either a qualifying adjective, e.g. Közép-láb (‘middle plot’; K); or a possessive one. Possessive constructions can be morphologically marked, e.g. Jankó bá pusztája (‘Uncle Jankó’s plain’; A); or unmarked, e.g. Elekes-tag (‘Elekes plot’; A). 14 Possessive structures usually identify the (former) owner of the place, e.g. Templom nyíre (‘the birch grove of the church’; A); but a certain part of a larger territory, e.g. Rakottyás ponkja (‘the ridge of the piece of land called Rakottyás’; A); or a territory around a striking object, e.g. Magasmeg- 9 ‘Name constituents’ are units of toponyms “which - in the situation of name formation - express any semantic feature that is connected with the signalled denotatum” (István Hoffmann, 2007, 176), e.g. the name Ürmösi Misi bácsi utcája (‘Uncle Misi Ürmösi’s street’; K) consists of two constituents, as it gives us two pieces of information about the denotatum: (1) the name of the person (consisting of three words) who is associated with the place (as a well-known inhabitant) and (2) the type of the indicated denotatum. Thus, a name constituent is not necessarily a single word. 10 The term ‘street name’ is used here as defined in the ICOS Terminology List: “proper name of a thoroughfare in a city, town, or village” (p. 5); thus, names for high roads, railway lines and farm roads are excluded. 11 The name denotes a path along the creek, where women often wash carpets by rubbing even today (AKcshn, 31). 12 A ‘field name’, according to the ICOS Terminology List, is the “name of a small piece of rural land” (p. 3). 13 Names referring to how the land was gained and shape, respectively (AKcshn, 34, 96). 14 Elekes is a Hungarian family name (AKcshn, 37). Findings of Onomastic F ield R esearch on Synchronic Hungarian T oponyms <?page no="72"?> Andrea Bölcskei 72 figyelő lábja (‘the plot of the observation post’; K) 15 can also be referred to in this form. Toponyms identifying the (former) owner of the place can also be singleconstituent names derived directly from personal names (i.e. without adding a generic constituent or a suffix to the personal name: a typical Hungarian place-name type), e.g. Herszényi (A), Konca (A). 16 Personal names, especially names of married women completed with the possession suffix -é are also used with the same function in this area, e.g. Inczénéé (‘Mrs. Incze’s’; A), Nagy Dénesnéé (‘Mrs. Dénes Nagy’s’; K). Some structurally unique adverbial toponyms lack the (obvious) generic constituent and thus also count as singleconstituent names, e.g. Nyírre menő (‘[a stretch] leading to the piece of land called Nyír’; A), Pistinénál (‘at Pisti’s wife’s [place]’; K). 5.3 Semantic features Semantically, the collected toponyms, especially the vernacular ones, display a great variety. The semantic features (i.e. the motivational factors) expressed in the one-constituent place names or in the specific components of the two-constituent toponyms are strongly dependent on the types of the denotata indicated by the actual names. If we consider the two largest groups of the observed microtoponyms (i.e. vernacular street and field names), we can easily detect some characteristic differences in the naming patterns adopted in the two surveyed settlements. In the case of street names, several semantic features are reflected in the name stocks of both villages: the age, e.g. Új utca (‘new street’; K); the function of the street, e.g. Fő út (‘main street’; A); a significant building, e.g. Malom utca (‘mill street’; A); well-known inhabitants in the street, e.g. Sógorok utcája (‘brother-in-laws’ street’) ~ Tolvaj utca (‘thief street’; A); the precise situation, e.g. Bongos út (‘street across the field called Bongos’; A); the direction, e.g. Temető út (‘cemetery street’; A); the relative position of the street, e.g. Els Első utca utca (‘front street’; K); miscellaneous other features of the street, e.g. Dene tizenegy (‘highway 11’; K). The size (Nagy utca ‘great street’) and material (Aszfalt ‘asphalt’) of the street, as well as an event that happened in the street (Hammas utca ‘ash street’), 17 however, are commented on only in Kökös street names. Though references to inhabitants associated with the street occur in both place nomenclatures (see above), streets are named after their prominent (former) dwellers only in Kökös, where a single street can bear several distinct names from different time periods as a result of this motivation, e.g. Orosz Misi bácsi utcája (‘Uncle Misi Orosz’s street’) ~ Bordás Sándor utcája (‘Sándor Bordás’s street’). 15 The observation post, which also indicated a landing strip for gliders, has already been demolished (AKcshn, 93). 16 Herszényi and Konca are Hungarian family names (AKcshn, 36, 37). 17 Houses in the street were burnt down several times in the past (AKcshn, 87). <?page no="73"?> 73 With respect to field names, most semantic features are shared in the relevant microtoponyms of the two settlements: the size, e.g. Százlépés (‘hundred steps’; K); 18 the shape, e.g. Kurta (‘short’; A); the function of the field, e.g. Bikás (‘with bulls’; A); 19 the flora, e.g. Jegenyék (‘poplars’; K); the fauna, e.g. Ravaszlik (‘fox-hole’; K); a building, an establishment found in the field, e.g. Cigányháznál (‘at the Gypsies’ house; K); 20 the possessor, e.g. Orbók (‘Orbók’; K); 21 the inhabitants, e.g. Remete (‘hermit’; K); 22 the origin of the field, e.g. Vágott-nyír (‘cut birch grove’; A); the field is a part of a place, e.g. Peres teteje (‘the top of the field called Peres’; A); the precise situation, e.g. Híd köze (‘between the bridges’; K); 23 the direction, e.g. Egerre menő (‘[a stretch] leading to the piece of land called Eger’; K); the relative position of the field, e.g. Magas- Eger (‘high Eger’, i.e. ‘the highest part of the plot called Eger’; K); miscellaneous other features of the field, e.g. Farkas-rakottya (‘wolf thicket’; K). 24 Events having occurred at a particular place are reflected only in Angyalos field names, e.g. Peres (‘disputed’). 25 The colour of the soil is expressed in a single field name in Kökös: Halovány (‘pale’). In both settlements, vernacular names for bridges can indicate the place where the structure is found, e.g. Bábolna hídja (‘the bridge of the field called Bábolna’; A), Komlós hídja (‘the bridge of the field called Komlós’; K); references to the builder, the function or the quality of the bridge, however, can only be observed in Kökös names, e.g. Komplex hídja (‘the bridge of the agricultural cooperative’), Vasút hídja (‘the bridge of the railway’), Palló (‘boardwalk’). Springs and wells were named after their owners, e.g. Zsigmondok kútja (‘the Zsigmonds’ well’; K); 26 their users, e.g. Cigány-kút (‘Gypsy well’; A); their age, e.g. Új kút (‘new well’; K); their function, e.g. Itatókút (‘watering well’; K); or after the fields where they have their sources, e.g. Káka kútja (‘the well of the field called Káka’; K). 27 Lakes in Kökös got their names from their shape, e.g. Patkó-tó (‘horseshoe lake’); situation, e.g. Fröcilla-tó (‘lake in the field called Fröcilla’); and maintainer, e.g. Oga-tó (‘Oga lake’). 28 Rivers and streams bear names referring to the colour of the water, e.g. Fekete-ügy (‘black stream’; K); the vegetation on the banks, e.g. Bikkes-patak (‘beech 18 The length of a one-acre plot there is one hundred steps (AKcshn, 98). 19 Fodder for animals was produced there (AKcshn, 34). 20 The house has already been demolished (AKcshn, 92). 21 Orbók is a Hungarian family name (AKcshn, 92). 22 Hermits are said to have lived there (AKcshn, 100). 23 A plot between the highway and the railway bridges (AKcshn, 98-99). 24 Wolves are suspected to have lived there; Farkas is also a family as well as a Christian name in Hungarian (AKcshn, 97-98). 25 The wood has been given back to the Church recently (AKcshn, 32). 26 Zsigmond is a Hungarian family name (AKcshn, 112). 27 In Kökös, most field wells were filled in by the agricultural cooperative from the 1960s to the 1980s (AKcshn, 112). 28 From the name of the water supply company OGA (Oficiul de Gospodărire a Apelor) (AKcshn, 89). Findings of Onomastic F ield R esearch on Synchronic Hungarian T oponyms <?page no="74"?> Andrea Bölcskei 74 creek’; A); the fields they cross, e.g. Remete-patak (‘creek across the field called Remete’; A); Olt is a river name borrowed from a Slavic language into Hungarian. 29 Several generic constituents in field names, whether standing alone or completed with a specific constituent, are derived from Transylvanian Hungarian dialect words, e.g. bütü (‘the piece of land that begins at the corner or rear edge of the outermost building of the village’; K), mart (‘steep slope, bank’; K), ponk (‘the ridge of a hill’; A), rakottya (‘thicket’; K), szeg (‘corner, nook’; K) (ÚMTsz, 1: 660, 3: 1001, 4: 555, 700, 5: 82); or display a regional meaning not found in Standard Hungarian, e.g. sánc (‘narrow water channel’, K and ‘rampart, embankment’ in Standard Hungarian; cf. ÚMTsz, 4: 813 and ÉKsz, 1167). Among the most frequent field-name generics used in the two settlements, a clear functional distinction can be observed: bütü-s are usually small pieces of land around the built-up area; tag-s are somewhat larger fields, often consisting of redistributed farm plots; and láb-s are long stretches of land at some distance from the built-up area (ÚMTsz, 1: 660, 5: 258, 3: 688); though in some names these generics are interchangeable, e.g. Benczebütü ~ Bencze-tag (K). 30 An otherwise obsolete hydronymic generic (i.e. ügy ‘stream’) has been preserved in the river name Fekete-ügy (‘black stream’; K). 5.4 Name formation Comparing the collected synchronic toponyms with the historical name forms available in different sources (e.g. Frigyes Pesty, 1984; Dénes Bogáts, 1929; Attila Szabó T., 2001), one can estimate the name formation processes 31 in which the observed toponyms were born. Generally, syntactic construction seems to be the most important name formation process in the two settlements, creating ca. 70% of all microtoponyms on the outskirts (e.g. Kovács nyírese ‘Kovács’s birch grove’, A). 32 This process resulted in morphologically unmarked name forms more often (from 54% to 77% of the cases, depending on the settlement and on the types of the indicated denotata) than in marked forms (see above), except for the 29 Its final etymon is probably the Dacian ‘spring’ (FNESz, 2: 275). 30 Bencze is a Hungarian family name (AKcshn, 94). 31 István Hoffmann (2007) differentiates 5 basic name formation processes: 1. ‘syntactic construction’ creates names from syntagms, in which “[b]oth units of the construction give a piece of information about the denotatum”; 2. ‘morphematic construction’ is a process “in which a bound morpheme (derivative or inflectional suffix) or a functionally similar element (postposition) is added to a lexeme, thus enabling the lexeme to function as a toponym”; 3. in ‘semantic name forming’ “existing lexemes (common nouns and proper names) get a new, toponymic meaning”; 4. in the course of ‘structural change’ “the modification of the form of the toponym takes place while keeping the denotative meaning untouched”; 5. ‘name adaptation’ “enriches the toponymic stock from an external store” (pp. 177-179). 32 Kovács is a Hungarian family name (AKcshn, 34). <?page no="75"?> 75 names for buildings in Kökös, in which case the morphologically marked forms are dominant (81%). The second most frequent name formation process is semantic name forming, responsible for ca. 15% of the toponyms discussed. In the surveyed settlements, two of its subtypes, i.e. metonymy (e.g. Bánya ‘mine’; 33 A) and semantic split 34 (e.g. Dögkút ‘carcass well’; K) could be observed. In Angyalos, semantic split produced more toponyms than metonymic name formation (65%: 35%); whilst in Kökös the latter process was adopted more frequently (39%: 61%). In the case of field names, metonymy was generally much more productive in name formation than semantic split (78%: 22%), which, however, created far more names than metonymy for bodies of water and for buildings (90%: 10% and 87.5%: 12.5%, respectively). Other processes such as morphematic construction, structural change and name adaptation seem to have played a minor role in name formation in both settlements. In Angyalos, topopnyms created by morphematic construction today are more popular than those produced by structural changes (7.7% and 2.9% of the microtoponyms); however, in Kökös the popularity of the two processes seems to be reversed (3.8% and 4.3%, respectively). Morphematic construction formed only field names in both villages, by way of adding mostly (79%) a suffix (e.g. Tőkés ‘stumpy’, A; Berkek ‘groves’, K), 35 and only rarely (21%) a postposition (e.g. Kertek megett ‘behind the gardens’, A; Ágyáné mellett ‘next to Mrs. Ágya[’s house]’, K). 36 Structural changes, also producing field names only, were most frequently (73.3%) realized in the past by ellipsis (e.g. 1749: felfogott erdö ‘retained forest’ > 2003: Felfogott ‘retained’, A), 37 and only few examples of completion (20%; e.g. 1733: Forrás ‘boiling’ > 2003: Forrás-tag ‘boiling plot’, K) 38 and derivational substitution of a constituent (6.7%; e.g. 1752: Jegenye fánál ‘at the poplar tree’ > 2003: Jegenyés-rész ‘piece of land with poplars’, K) 39 could be identified. Name adaptation occurred exceptionally and only in Kökös (0.9%; e.g. Olt, see above). Due to the lack of historical data, the processes by which the current names were formed could not be detected in 5.2% of the cases. 33 Three stone-quarries used to be there in the past (AKcshn, 37). 34 Metonymy is used in its usual linguistic sense, ‘semantic split’ is a process in which “a geographical common name becomes a linguistic unit valued as a proper name” (István Hoffmann, 2007, 178). 35 In the examples -s forms an adjective from a noun and -k is a plural marker at the end of the noun. 36 The postpositions in the examples are megett ’behind’ and mellett ’next to’. 37 In the course of ‘ellipsis’ “the name is reduced with a functional name constituent” (István Hoffmann, 2007, 179). For the historical data see Attila Szabó T., 2001, 22. 38 In the course of ‘completion’ “a new name constituent is added” (István Hoffmann, 2007, 179). For the historical data see Attila Szabó T., 2001, 104. 39 For the historical data see Attila Szabó T., 2001, 105. Findings of Onomastic F ield R esearch on Synchronic Hungarian T oponyms <?page no="76"?> Andrea Bölcskei 76 6 Conclusion Even by examining this relatively small set of place names, some unique features of the Transylvanian Hungarian microtoponyms can clearly be outlined. Since foothills of the Carpathian Mountains are located on the northern and eastern boundaries of Transylvania, the types of denotata named in settlements are primarily determined by the varied configurations of the terrain, affecting hydrography, vegetation and the amount and quality of land available for cultivation. In name use different sets of microtoponyms are distinguished by the locals: vernacular, semi-official and cadastral place names can be separated. Toponyms of two constituents seem to be slightly dominant over single-constituent place names. The former names in most cases consist of a specific component describing a characteristic feature and a generic term identifying the type of the indicated denotatum. Several generic constituents are derived from dialect words, or are by now obsolete terms. Though semantic features such as age, size, shape, colour, function, flora, fauna, building, possessor, inhabitants, origin, event, situation, direction and relative position can easily be identified in the specific name constituents of several microtoponyms, their frequency is strongly dependent on the types of the denotata indicated by the actual names. The majority of the synchronic toponyms seem to have been created by syntactic and semantic name-formation processes. The most unique feature of the current place nomenclature in Transylvania, however, is the continuous use of Hungarian toponyms by minority Hungarians over several decades; and the greatest challenge we are facing now is to find the right way to preserve this precious place-name stock. <?page no="77"?> 77 Literature Bogáts, Dénes (1929). Háromszéki helynevek [Place Names in Háromszék County]. In: Csutak, Vilmos (ed.) Emlékkönyv a Székely Nemzeti Múzeum ötvenéves jubileumára [Festschrift in Honour of the 50th Anniversary of the Székely National Museum]. Sepsiszentgyörgy: Székely Nemzeti Múzeum. 52-71. Bölcskei, Andrea (2006). Jelz ő s szerkezetek háromszéki falvak mikrotoponimáinak körében (Szabó T. Attila Erdélyi Helynévtörténeti Adattára alapján) [Adjectival Compounds among Microtoponyms in Villages of Háromszék County (Based on Attila Szabó T.’s Gazetteer of Transylvanian Historical Place Names)]. In: Bárth M., János (ed.) Emlékkönyv Szabó T. 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(2008a). Kovászna megye településeinek etnikai (anyanyelvi/ nemzetiségi) adatai, 1850-2002 [Ethnic (Mother Tongue/ Nationality) Data from Settlements in Covasna County, 1850-2002]. In: Varga, Árpád E. Erdély etnikai és felekezeti statisztikája. Népszámlálási adatok 1850-2002 között [Ethnic and Denominational Statistics of Transylvania. Census data between 1850 and 2002]. Available at: <http: / / www.kia.hu/ konyvtar/ erdely/ erd2002/ cvetn02.pdf>. (Accessed 10 February, 2012.) Varga, Árpád E. (2008b). Kovászna megye településeinek felekezeti adatai, 1850-2002 [Denominational Data from Settlements in Covasna County, 1850-2002]. In: Varga, Árpád E. Erdély etnikai és felekezeti statisztikája. Népszámlálási adatok 1850-2002 között [Ethnic and Denominational Statistics of Transylvania. Census data between 1850 and 2002]. Available at: <http: / / www.kia.hu/ konyvtar/ erdely/ erd2002/ cvfel02.pdf>. (Accessed 10 February, 2012.) Résumé Résultats d’une recherche locale en domaine onomastique sur des toponymes hongrois synchroniques utilisés pour des lieux d’établissement en Transylvanie L’étude présente l’analyse linguistique d’un corpus de noms qui s’élève à 636 microtoponymes hongrois à utilisation synchronique, collectés en 1998 et en 2003 sur deux lieux en Transylvanie (Roumanie) ayant une population majoritairement hongroise. L’étude met l’accent sur les principales caractéristiques socio-onomastiques (i), syntaxiques (ii) et sémantiques (iii) des noms de lieux étudiés, ainsi que sur les processus de formation des noms (iv) qui ont été en usage au cours de leur histoire, dans le but de détecter les particularités propres à cette région disposant de noms de lieux, formés et préservés d’une manière singulière. Summary The findings of onomastic field research on synchronic Hungarian toponyms used in Transylvanian settlements The paper presents the linguistic analysis of a name corpus comprising 636 synchronically used Hungarian microtoponyms collected in two settlements of Hungarian majority population in Transylvania (Romania) in 1998 and 2003. The description focuses on the most important (i) socio-onomastic, (ii) syntactic and (iii) semantic features of the observed place names, as well as (iv) on the name formation processes adopted in history in the surveyed settlements with the intention of detecting the region-specific characteristics of this uniquely formed and preserved place nomenclature. <?page no="79"?> 79 Zusammenfassung Ergebnisse lokaler Ermessungen für Onomastik: synchrone ungarische Toponyme zweier transylvanischer Siedlungen Die Abhandlung liefert die linguistische Analyse eines Namenskorpus von 636 synchron benutzten ungarischen Mikrotoponymen, welche 1998 und 2003 in zwei transsilvanischen Siedlungen (Rumänien) mit Ungarn als ethnischer Mehrheit gesammelt wurden. Die Schilderung fokussiert auf die relevantesten sozio-onomastischen (i), syntaktischen (ii) und semantischen (iii) Charakteristika der untersuchten Ortsnamen, und darüber hinaus werden die Entstehungsprozesse der Namen in den untersuchten Siedlungen (iv) ausgewertet, mit der Absicht, die regionsspezifischen Eigenschaften dieses einzigartig entstandenen und bewahrten Ortsnamenschatzes zu erschliessen. Findings of Onomastic F ield R esearch on Synchronic Hungarian T oponyms <?page no="81"?> Maria Gabriella Chiapusso 1 Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie) “How, in any community, to identify the conceptual frameworks and verbal practices with which members appropriate their local geography? One promising approach […] is to attend to native placenames.” (Basso 1990: 143) 1 Introduction Au carrefour entre langue, cognition, espace et culture, les ethnohydronymes - en dépassant la simple (mais limitative) fonction référentielle qui leur est normalement attribuée - se révéleraient être un lieu privilégié pour l'étude des sous-jacentes modalités de perception et conceptualisation de la réalité hydrosphérique. De l’ethnohydronymie sera ici considéré le trait spécifique de la polyonomie, largement reconnue pour les entités hydrographiques «uniques» dans le répertoire hydronymique de la localité alpine observée 2 , en évidente difformité avec le système toponymique officiel (IGM), ce dernier caractérisé, cependant, par une correspondance biunivoque entre l’entier cours d’eau et une unique dénomination. 1 Université de Turin mariagabriella.chiapusso@unito.it 2 La ville de Ostana (44 ° 41'36 "N 96 ° 11'25-7" 80 E) est située dans la vallée du Pô, à la frontière occidentale du Piémont et s’étend sur une pente en direction du sud, partant de 895 m et allant jusqu’à 2426 m d’altitude. Les données toponymiques citées proviennent de plus de 1600 noms de lieux relevés lors de l'enquête, qui a eu lieu au tournant des années ‘80 et ‘90 du siècle dernier, enquête réalisée in situ par le collecteur Oreste Lorenzati — et publiée dans la monographie n. 13 Ostana, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 1998 — selon la méthodologie de l’Atlas Toponymique du Piémont Montagnard (ATPM), projet de recherche en cours de réalisation à l’Université de Turin (www.atpmtoponimi.it). Les courts dialogues proposent des extraits de colloques improvisés de l’écrivante (C) avec des informateurs locaux rencontrés pendant la révision du corpus toponymique, ou entre les informateurs ((A) et (B)) par une observation participante; les textes de parler naturel de type monologique proviennent d’ethnotextes produits spontanément au cours de rencontres avec des informateurs. L’orthographie des toponymes et des textes est celle prévue par le Projet pour les enquêtes menées en aire occitane (Genre 1980: 165-170). <?page no="82"?> 82 Maria Gabriella Chiapusso La polyhydronymie — non étrangère aux usages dénominatifs relevés auprès d’autres communautés linguistiques, au nord comme au sud de l’Équateur, par exemple, au Groenland (Nuttall 1991), en Papouasie- Nouvelle-Guinée (Burenhult-Levinson 2008), en Indonésie (Holton 2011) et sur le continent nord-américain (Ettema 2005) — laisserait se profiler, en s’écartant radicalement de chaque position confirmant l’hypothèse selon laquelle un niveau élevé d’abstraction dans la dénomination des lieux serait un indice culturel de majeure évolution (Waterman 1922), un modèle hydronymique particulier, marqué par un style perceptif-cognitif spécifique. Divisée en plusieurs traits, l’eau coulante ne paraîtrait pas être conçue comme unique phénomène ontologique primaire de la source à la mise dans un autre corps d’eau, mais plutôt potentiellement divisible ad infinitum, comme une série de segments consécutifs de liquide s’écoulant, dont chacun est un bloc de base dans l’ontologie locale, pourtant potentiellement pourvu de son propre nom. 2 Le continuum hydrosphérique et ses délinéations En utilisant des ressources méréotopologiques (Casati-Varzi 1997; Mark- Smith-Tversky 1999; Smith 1995; 1996; 2001; Smith-Brogaard 2002; Smith- Mark 1998; Smith-Varzi 2000) l’ontologie populaire qui procède de l’hydronymie locale opérerait à travers des partonomies cognitives (Miller- Johnson-Laird 1976; Tversky 1990) — tracées par l’agent cognitif le long du continuum de l’espace hydrosphérique de fond (ground) et organisées en termes de segmentations à différents niveaux —, en mettant en évidence de “(pseudo-)objets” (figures) potentiels, doués de particulières affordances (Gibson 1979) pour les activités humaines, donc en leur fournissant unité d’existence (causal unity) (Casati 2001: 5) et identité. L’organisation méréotopologique de l’input perceptif hydrosphérique paraîtrait entrer dans un modèle cognitif-évolutif récurrent, relié à l’expérience pratique et anthropocentrique de l’eau coulante, dans le cadre de ce “body of knowledge that people have about the surrounding geographic world.” (Egenhofer-Mark 1995: 2), compris dans la naïve geography (Smith 2001b; Smith-Mark 1998; Smith-Mark 2001), et de cet experiential realism (Lakoff 1987: 260) qui assigne à l’expérience sensori-motrice la structuration de la cognition spatiale. C’est aussi le domaine de la primary theory (Horton 1982), gardien des notions et des processus primaires impliqués dans la pensée, le langage et la perception directe, relatifs au raisonnement common sense (Casati-Varzi 1997; Egenhofer-Mark 1995; Smith 1995; 2001; 2001b; Smith-Brogaard 2002; Smith- Casati 1994; Smith-Mark 2003), qui — tout en admettant des degrés différents de développement — jouissent d’un bon degré de diffusion entre les différentes cultures, en partageant structures et orientements de base et en se plaçant comme des invariants perceptifs-cognitifs: “Primary theory gives the <?page no="83"?> Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie) 83 world a foreground filled with middle-sized (say between a hundred times as large and a hundred times as small as human beings), enduring, solid objects. These objects are […] related spatially in terms of five dichotomies: 'left'/ 'right'; 'above'/ 'below'; 'in-front-of'/ 'behind'; 'inside'/ 'outside'; 'contiguous'/ 'separate'.” (Horton 1982: 228) L’espace hydrosphérique viendrait de cette façon se définir comme un transperceptual space (Downs-Stea 1977: 35) qui, sans l’aide des cartes géographiques 3 , ne peut pas être perçu directement comme unique unité à travers un unique acte perceptif, mais connaissable exclusivement “segment par segment”: une activité expérientielle-cognitive fonctionnelle à une communauté linguistique douée d’une spécifique culture rurale matérielle: on ne patauge pas dans un torrent entier, on ne pêche pas dans un ruisseau entier, mais on n’en utilise et donc on n’en identifie qu’un trait à la fois. Figure. Vue satellitaire du cours d’eau avec signalisation des segments relatifs. 3 La cartographie officielle est en effet marquée par une inhabituelle vision zénithale du territoire, où l’observateur se trouve sur le paysage comme s’il était en vol (où étant vraiment en vol dans le cas des reliefs photoaérogrammétriques), en procédant — au moyen d’une partition macroscopique du même domaine mais en traitant de caractéristiques quantitatives et mesurables — avec l’abstraction de l’entier cours hydrique, mentalement assemblé dans l’espace à petite échelle des objets. <?page no="84"?> 84 Maria Gabriella Chiapusso 3 Lignes invisibles et désignateurs vagues Comme l’on peut apercevoir par la succession hydronymique (cf. l’élaboration de l’image satellitaire), l’organisation méréotopologique prévue par la cognition naïve de l’eau coulante procéderait avec la répartition du continuum hydrosphérique, en traçant des confins d’une nature particulière, avec de profondes répercussions sur la structure du système cognitif des hydronymes et sur la reconnaissance de leurs référents: “Divided by invisible lines into named land tacts and settlement sites; […] There is thus the landscape we see and a second landscape which is produced through local practice.” (Bloch 1995: 65) Des lignes artificielles puissantes même si invisibles (ne résidant pas véritablement dans l’eau) seraient au travail dans l’articulation de la réalité hydrosphérique, comme celles que délinéent les manuels d’anatomie ou qui régulent la dimension publique et privée et les pratiques socio-culturelles (Smith-Searle 2001): ce sont les confins de dicto o fiat (Smith 2001b; Smith- Mark 2003; Smith-Varzi 2000), produits par l’intentionnalité collective et induits par des processus cognitifs (ou culturels) de type arbitraire et conventionnel — la plupart soustraits à des différences ou discontinuités physiques, constatées, au contraire, en présence de confins de re ou bona fide —, auxquels on peut se référer comme objectiv mais non pas wirklich: Die Erdaxe, der Massenmittelpunkt des Sonnensystems sind objectiv, aber ich möchte sie nicht wirklich nennen, wie die Erde selbst. Man nennt den Aequator oft eine gedachte Linie; […] er ist nicht durch Denken entstanden, das Ergebniss eines seelischen Vorgangs, sondern nur durch Denken erkannt, ergriffen. (Frege 1988 [1884]: §26) À l’identification de confins fiat ferait, en outre, spontanément écho la reconnaissance du Coumbal de Coumbe comme phénomène fiat, 4 pourvu d’identité et d’existence propres (Heller 1996; Smith 2001; Smith-Varzi 2000; ), mais mis en place en vertu de l’ouvrage cognitif (perceptif et linguistique) humain, dont les confins seraient aussi laissés un peu indéfinis (Burrough-Frank 1996; Smith-Brogaard 2003). Bien qu’il existe raisonnablement des pratiques linguistiques établies socialement par la consuétude, qui permettent d’identifier avec un bon degré de certitude la portion médiane du Coumbal de Coumbe, il reste, en effet, incertain où il commence et où il se termine: à quel point de son cours on peut dire ne plus être le long du Coumbal de Coumbe mais déjà le long du Coumbal de Coste ? 4 Sa nature fiat, selon une perspective réaliste husserlienne, n‘en infirmerait pas d’autre part le fundamentum in re, puisque son objectivité “thut es keinen Eintrag, dass es von unserer Willkühr abhängt, welchen Theil der allgemeinen Wasserbedeckung der Erde wir abgrenzen und mit dem Namen „Nordsee“ belegen wollen.” (Frege 1988 [1884]: § 26) <?page no="85"?> Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie) 85 Comme le Mont Everest et Toronto, le Coumbal de Coumbe est un désignateur vague (de dicto), puisque son référent, ne se référant pas à un volume de matière nettement délimité (ni démarcable sinon par des moyens d’ouvrages hydrauliques), n’est pas fixé d’une manière univoque. 4 Vague hydronymique: precisifications et partitions Etant donné qu’il n’est pas possible de saisir précisément une valeur définitive qui permette de décider où le Coumbal de Coumbe commence ni où il se termine, les confins fiat dans la portion inférieure (et/ ou supérieure) de son cours admettraient inévitablement un certain degré de vague 5 qui se manifesterait par de nombreuses precisifications alternatives (Varzi 2000; 2001), diverses façons légèrement différentes d’en tracer raisonnablement les limites, selon le contexte (et l’individu), c’est-à-dire différents candidats éligibles au rôle de référent: The term ‘Toronto’ is vague because there are several methods of tracing the geographical limits of the city designated by this name, all of them compatible with the way the name is used. […] the word ‘Toronto’ may be interpreted as denoting either of these objects and is for that reason vague. (Mehlberg 1996: 89) C’est ce que prévoit la sémantique supervaluationniste (Fine 1975; McGee 1997; Varzi 2000; 2001; 2004; Smith-Brogaard 2003), applicable, dans le cas spécifique ici traité, au référent d’un hydronyme vaguement introduit: […] the basic idea of a supervaluationary semantics is that the truth-value of a statement involving vague terms (or vague expressions more generally) is a function of its truth-values under the various admissible precisifications of those terms. (Varzi 2001: 57) L’approche supervaluationniste au vague pourrait se servir, en outre, de la théorie des granular partitions (Bittner-Smith 2001; Smith-Brogaard 2002; 2003), qui prévoit que l’utilisation de Coumbal de Coumbe effectue une partition de la réalité avec une résolution moyenne (de type mésoscopique), en projetant sur le corps hydrique la cellule occupée par l’hydronyme et en dé- 5 L’instinctivité du sens commun, c’est-à-dire de la naïve geography (Mark-Egenhofer 1995), entrant de bon gré dans la primary theory (Horton 1982), ne détiendrait pas d’explications ni d’informations, sinon incomplètes et contradictoires, sur les délimitations tant en amont qu’en aval du Coumbal de Coumbe. Mais cette imprécision ne semblerait être source d’aucune conséquence tangible au sein des pratiques discursives d’une communauté linguistique, étant généralement négligeable pour l’action de connaître l’exacte localisation de ses confins, exactement comme il n’est d’aucune importance de décider à quel hémisphère appartient l’Équateur et “nobody has been fool enough to try to enforce a choice of one of them [borders] as the official referent of the word.” (Lewis 1986: 212). <?page no="86"?> 86 Maria Gabriella Chiapusso coupant vaguement un coumbal (“torrent”) le long de son continuum — c’està-dire au moyen de plusieurs projections légèrement divergentes —, semblablement à ce qui se vérifie avec différents cônes de lumière légèrement dissemblables émis pendant le jour par une lampe de poche métaphorique, c’est-à-dire l’agent cognitif. L’imprécision de l’extension spatiale du Coumbal de Coumbe entraînerait, en outre, des arguments paradoxaux de type soritique (Varzi 2000; 2001; 2004). En remplaçant l’originaire tas de sable de la formulation de Eubulide de Milet, et le Mont Everest et le Cervin de l’ontologie orographique (Varzi 2000; 2001; 2004), le modèle de raisonnement aboutirait, en effet, même dans le cas hydrosphérique traité ici, à une conclusion déraisonnable, puisque bien que les termes vagues tolèrent le changement marginal, il n’est pas vraiment compatible avec le vague inhérent dans l’hydronyme de supposer l’existence d’une seule valeur définie de telle sorte que, en marquant nettement les confins, elle permette d’établir avec une certitude évidente où le torrent commence et où il se termine. Plutôt, différentes valeurs subsisteront, chacune correspondant à une manière différente d’assigner un référent au Coumbal de Coumbe, soumise évidemment à des restrictions sortales: les différentes zones correspondantes à autant de precisifications devront, en effet, avoir les caractéristiques d’un torrent. 5 Les catégories hydrologiques: lieu vs. objet Dans le cadre de la proposition raisonnable selon laquelle les dénominations propres posséderaient une signification présuppositionelle de type catégoriel (Van Langendock 2007), essentielle à leur fonctionnement, puisque Whenever a name is assigned to a referent, this referent is assigned to a specific category of entities. […] It is impossible to conceive of a proper name or to use it without knowing the category to which it belongs […]. (Van Langendock 2007: 79) il paraîtrait possible de formuler l’hypothèse (Varzi 2000; 2001) que le vague du concept sortal présupposé dans l’hydronyme (dans le cas spécifique “torrent”) soit responsable de l’approximation avec laquelle son référent serait fixé. Le terme descriptif coumbal “torrent”, base catégorielle systématique pour une grande partie des hydronymes du répertoire, serait une catégorie hydrologique fruit de dynamiques démarcatives de type fiat, induites par les pratiques cognitives, culturelles et par les usages linguistiques établis socialement avec le temps sur consensus informel: une ombre projetée par la cognition et le langage sur l’espace hydrosphérique, pour en permettre la <?page no="87"?> Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie) 87 structuration stratégique top down (category utility) (Enfield 2008: 245), et pour en favoriser la saisie ontologique. Contrairement à ce qui est détectable dans le domaine biologique ou des artefacts — organisés en natural kinds (Keil 1989: 25; Lyons 1977: 325), ontologiquement discrets —, dans le royaume naturel inorganique les catégories ethnohydrologiques (et ethnophysiographiques) captureraient le long de la matière liquide, topologiquement perçue comme un continuum, les phénomènes de l’hydrosphère — ainsi que nuages, fumées, dunes, montagnes et collines peuvent être délinéés dans la matière gazeuse et solide — qui ne seraient pas, en effet, simplement placés dans l’espace (comme un lézard, un cornouiller ou une hotte), mais constitueraient eux-mêmes (parties ou régions de) l’espace (Mark-Skupin-Smith 2001; Mark-Smith-Tversky 1999; Smith 2001a; Smith-Mark 1998), en qualité de attached objects (Gibson 1979), intrinsèquement liés à lui: Geographic objects are not merely located in space, but are tied intrinsically to space in a manner that implies that they inherit from space many of its structural (mereological, topological, geometrical) properties. (Smith-Mark 1998: 308). Pour les phénomènes hydrosphériques “the what and the where are intimately intertwined. ” (Smith-Mark 1998: 309) En saisissant son denotatum, coumbal serait pourtant inévitablement marqué par un vague sémantique-cognitif: sa stipulation linguistique ne spécifierait pas, en effet, quels doivent nécessairement être sa longueur, son pourcentage de pente, ni le calibre de ses variations de débit: le concept de “torrent” ne permet, en effet, le long de son cours hydrique(-soritique) aucune condition d’arrêt. En étendant également au cadre conceptuel la notion topologique de confin, coumbal ne prévoirait pas, en effet, de limites nettes et würde ein Bezirk entsprechen, der nicht überall eine scharfe Grenzlinie hätte, sondern stellenweise ganz verschwimmend in die Umgebung überginge. (Frege 1962 [1903]: § 56) Il est pourtant raisonnablement exclus que les catégories hydrologiques référées à l’eau coulante puissent être reconduites aux substances aristotéliciennes ou aux first-order entities (Lyons 1977: 445) et défie la tacite équation qui égalise un référent géographique à un objet (ou une entité), coumbal “torrent” serait plutôt à reconduire à “lieu” (Lyons 1977: 477): There are some first-order entities that are either permanently or normally static, rather than self-moving or moveable: but they will not count as first-order entities unless the language so classifies them and they stand out from their environment with respect to their colour, shape or texture. Such aggregates, collections or conglomerations of matter as cliffs, clouds, lakes, and so on, may or may not be perceived and conceptualized as first-order entities: their status is in- <?page no="88"?> 88 Maria Gabriella Chiapusso determinate; and they may be treated differently by different languages. (Lyons 1977: 693) Occuper l’espace, être “at some place” (Dik 1989: 181; Lyons 1977: 443) ou en être un élément composant se dessinerait comme une opposition ontologique fondamentale dans le monde mental, qui garderait des représentations de objets matériels, «morceaux de matière» auxquels est associée une place […], les lieux, objets matériels particuliers, fixes les uns par rapport aux autres, déterminés le plus souvent par des frontières naturelles ou arbitraires, ex. terrains, champs, montagnes, fleuves, océans, îles, pays, etc. (Borillo 1993: 32) Que les lieux ne soient pas des objets et qu’entre eux il y ait une nature conceptuelle différente (Lyons 1977: 693) est aussi largement pris en charge dans la psychologie écologique: “A place is not an object with definite boundaries but a region.” (Gibson 1979: 136), dans la sémantique de Lyons “places are not entities” (1977: 693) et dans la sémantique cognitive de Jackendoff: “but a [place] simply is not the same as a [thing]; it is of distinct conceptual character.” (1983: 50), ainsi que dans l'approche fonctionnaliste “entities and places are distinct kinds of phenomena” (Mackenzie 2005-2008: 194) 6 Les hydronymes et l’anaphorisation Parallèlement à cette distinction conceptuelle se vérifierait opérationnellement dans l’univers du discours l’opposition entre entity-denoting nouns et place-denoting nouns (Mackenzie 2005: 144), postulée comme caractéristique générale également dans l’analyse componentielle du sens à travers la distinction [+ entity] (Thrane 1980: 91), et corroborée par la considération que toutes les langues discriminent entre une catégorie ‘quoi’ et une catégorie ‘où’ (Landau-Jackendoff 1993). À la prédication du langage seront alors admis aussi des types sémantiques-lexicaux généralement associés à la matière continue (ainsi que pour les situations, les événements et les états); pour le cas illustré ici: les catégories hydrologiques référées à l’eau coulante conceptualisées en tant que lieux et, par leur onymisation, les hydronymes comme noms propres de ces lieux. Les hydronymes (comme d’autres noms propres conférés à un lieu) se constitueraient comme des catégories grammaticales équipées d’une spécifique nature sémantique-cognitive: il s’agirait de catégories latentes (covert categories), c’est-à-dire de cryptotypes: […] a name which calls attention to the rather hidden, cryptic nature of such word-groups […] They easily escape notice and may be hard to define and yet may have profound influence on linguistic behaviour […] Names of country and cities in English form a cryptotype. (Whorf 1945: 4) <?page no="89"?> Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie) 89 Au système sémantique des hydronymes — bien que dénués de toute signification lexicale — serait immanente, au niveau de la convention linguistique établie et de la mémoire sémantique, une interprétation (paléo)sémantique subtile et immatérielle, de nature générale, une deep persuasion (Whorf 1956: 81) fonctionnant comme un attribut prototypique, relative au type de phénomène brut directement connu et syncrétiquement perçu, c’est-à-dire à la (vague) conceptualisation comme “lieu” (vs. objet) d’une portion d’eau coulante individuée le long du continuum de l’espace hydrosphérique (par la suite catégorisée, puis onymisée), de la même manière dont être un “animal” ferait partie du système sémantique de lézard et être une “plante” ferait partie de celui de cornouiller. Indépendamment de l’univers des croyances nouées aux significations associatives (inter)subjectives, potentiellement liées dans la mémoire épisodique au (trait du) cours d’eau, penser (et se référer) au Coumbal de Coumbe — même si inconsciemment, puisqu’on ne peut inférer directement à partir des informateurs quelles propriétés sémantiques subsistent et peuvent être actualisées — impliquerait de le visualiser comme “lieu”, ou comme un référent vaguement fixé, et non pas comme “objet”: cryptotypiquement les hydronymes seraient des lieux. Et à cette conceptualisation correspondrait opérationnellement une projection spécifique sur le plan grammatical. En remplissant une fonction intermédiaire entre système conceptuel et morphosyntaxe — important module de la manifestation du système cognitif — la structure sémantique silencieuse inhérente aux hydronymes se traduirait en grammaire de surface “in modo indiretto solo in base alle sue relazioni con altre classi o categorie […]” (Cardona 1988: 93), en sortant de la narcose au fur et à mesure que le cours textuel l’exige. Au niveau interphrasal, il s’engagerait une relation invisible, mais fonctionellement déterminante, entre les mots — comparable à une semantic preference (Sinclair 1998: 20) —, en gouvernant les règles d’utilisation, également à travers l’imposition de restrictions spécifiques de co-occurrences, c’est-àdire l’instauration d’une reactance (Whorf 1945: 7), d’un type particulier de traitement: Names of country and cities […] are not referred to by personal pronouns as object of the prepositions in, at, to, from […] a word of this cryptotype is referred to by there or here in place of in it, at it, to it, and by from there (here) in place of from it. (Whorf 1945: 5) L’insertion dans la chaîne syntagmatique des énoncés d’un hydronyme — dépourvu de tout suffixe à marquage inhérent à la classe, indiquant comment son anaphorisation peut se réaliser — impliquerait, avec l’élaboration des segments textuels, la greffe du type opportun de substitution syntagmatique, substitution co-textuellement adéquate et en mesure d’entrer en cooc- <?page no="90"?> 90 Maria Gabriella Chiapusso currence convenablement avec lui, sur la base d’une commune identité sémantique-cognitive. Selon une image efficace, un cryptoype, en attirant l’anaphore sémantiquement appropriée, serait comparable à “a bundle of nonmotor linkages mooring the whole fleet of words to their common reactance.” (Whorf 1956: 81). En considérant fondamentale la distinction conceptuelle lieu vs. objet, le système des pronoms anaphoriques — diagnostic utile pour évaluer comment le renvoi à un hydronyme constitue manifestement la référence à un lieu, en s’expliquant par des solutions non prévues pour le renvoi à un objet — voit impliqué ilai (là), comme adverbe pronominal régulier pour l’anaphorisation des hydronymes 6 — avec grammaticalisation de la relation spatiale par la préposition de lieu d’—, qui vaut l’expression générique “(de) ce lieu”: - (A) Anavou al Coumbal de Coumbe e d’ilai anavou për vioulëtte. 7 - (A) Sìou cheuit ënt al Coumbal de Coumbe e gavami d’ilai l’è pa istò dë bon fa. 8 - (A) Vai al Coumbal de Coumbe! Lou sas-tu quë d’ilai i gavàvën la sabio për fa le mèire? 9 L’intrinsèque, et indéterminée, valeur locative de la pro-forme bien concordera, activement et logiquement, avec la (vague) conceptualisation comme “lieu” du référent hydrosphérique, spécifique du bagage sémantique (présupposé) de l’antécédent, en conduisant de cette façon, efficacement et convenablement, à une isotopie discursive, ainsi que, évidemment, en révélant l’interprétation (latente) du phénomène connu: Coherence refers to semantic and pragmatic relations between text which are interpretable against the background of specific world knowledge. (De Beaugrande-Dressler 1981: 84). Il s’agirait, raisonnablement, du trait D(escriptum), individué par Viggo Brøndal (1948: 104) comme marquant, conjointement avec R(elatum), les pronoms anaphoriques et en mesure d’exprimer la perception d’un phénomène connu au niveau brut. Et simultanément la prise en charge par l’anaphore du même index référentiel associé à l’hydronyme dans le cotexte, saturera efficacement les valences de la variable “référence”, en lui assurant la co-référentialité. 10 6 On note, au contraire, comment axèrn (“lézard”) est anaphorisé avec le pronom régulier(ël) prévu pour les êtres animés: Chappo n’axèrn! lou sas-tu quë da ël se gavo lou velèn? (“Prends un lézard! Tu sais que de lui on enlève le poison? ”) 7 “J’allais au Coumbal de Coumbe et de là j’allais pour violettes.” 8 “Je suis tombé dans le Coumbal de Coumbe et de là il a été difficile m’enlever.” 9 “Va au Coumbal de Coumbe! Tu sais que de là on enlevait le sable pour faire les maisons d’été? ” <?page no="91"?> Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie) 91 De manière analogue, même la proforme anaphorique d’une proposition relative restrictive ne pourra s’abstenir de véhiculer certaines propriétés sémantiques présupposées du précédent anaphorisé, propriétés que, au moment de l’énonciation, on croit connues par le destinataire sur la base de facteurs encyclopédiques. Le trait [+lieu] de l’antécédent conviendra — en vertu d’une nature conceptuelle partagée — au choix du pronom relatif ënt (où), pourvu de la valeur locative générique “le lieu où”, en garantissant l’établissement d’une prédication valide et appropriée en position de post-copule, soit 1) en présence d’une relative restrictive en fonction sémantique-pragmatique de type identificatif (ôtant toute ambiguïté sur l’identité du référent, en raison de l’existence de plusieurs cours d’eau désignés par le même hydronyme, en sélectionnant le correct token de la “classe” des Coumbalot par l’évocation d’un fait pertinent partagé avec l’interlocuteur), soit 2) dans une construction avec valeur équative (qui caractérise à nouveau l’antécédent, en racontant un événement lié au toponyme), puisque: “just as it is possibile to identify two entities, so it is possibile to identify two places.” (Lyons 1977: 475): 1) - (A) Chaminàvën arlonc lou Coumbalot e da qui sërchàvën ën post për sëtase dron d’aribà a San Chafré. 11 - (B) Lou Coumbalot? - (A) Lou Coumbalot l’é ënt ai troubò qu(ël)lo grosso truito. 12 2) - (A) … lou Coumbalot l’éro ënt pouìës vèire quël bél pisalh! 13 10 Même dans la raisonnable constatation qu’aspects sémantiques et référentiels codéterminent l’interprétation de l’anaphore — énergique garante du tissage des fils du discours au niveau des structures superficielles et profondes du texte —, ce serait in primis vraiment la cohérence sémantique subsistante avec l’antécédent à en assurer la résolution: de nombreuses expérimentations psycholinguistiques (Nieuwland-Van Berkum 2008), corroborées par les découvertes sur les potentiels liés à l'événement (ERP) — c’est-à-dire la mesure des variations de l’activité cérébrale concomitantes dans la survenance d’événements spécifiques (De Vincenzi-Di Matteo 2004) —, ont en effet indiqué comment une anaphore incohérente empêche en même temps son analyse référentielle et donc sa complète et heureuse élaboration. La non-élaboration sémantique de l’anaphore induirait l’apparition de la composante 400, c’est-à-dire d’une rapide augmentation du potentiel négatif de près de 400 millisecondes, qui est considéré “il correlato elettro-fisiologico specifico dell’incongruenza semantica.”(De Vincenzi-Di Matteo 2004: 15). Une anaphore sémantiquement incohérente constituerait en effet une directe violation de la connaissance sémantique du monde, avec des répercussions plus graves par rapport à l’ambiguïté référentielle, plus tolérée. 11 “Nous marchions le long du Coumbalot et d’ici cherchions un endroit pour s’asseoir, avant d’arriver à San Chafré .” 12 “Le Coumbalot est où j’ai trouvé cette grosse truite.” 13 “… le Coumbalot était où l’on pouvait voir cette belle chute d’eau! ” <?page no="92"?> 92 Maria Gabriella Chiapusso A côté de la forme synthétique ënt (où), se situerait, en outre, la forme analytique lou post ënt (le lieu où): - (A) Lou Coumbal de Coumbe l’éro lou post ënt anavou chapà truite. 14 Ici “post” — comme l’on peut relever pour “chose” — serait un mot général et indéfini, un general noun (Halliday-Hasan 1976: 274) ou adverbial noun (Bolinger 1972: 112): en termes componentiels une catégorie de haut niveau, un élément avec status grammatical-lexical borderline, agissant comme hyperonyme mais dans un certain sens aussi anaphoriquement. Partie nominale du prédicat, “post” véhiculerait une évaluation générique vague, en établissant en même temps, au moyen de la copule, une relation d’identité sémantique-cognitive avec la nature conceptuelle du référent évoquée par l’hydronyme. En remplissant une fonction cohésive, l’élément superordonné serait semblable à un shell noun (Schmid 2000: 10) et sa coquille enverrait une indication sur le type de phénomène perceptif-cognitif représenté, à savoir comment une portion de la réalité hydrosphérique a été conceptualisée; “post” fonctionnerait ainsi comme une evaluative category (Mahlberg 2005: 111) prototypique porteuse de sens prototypique: le lieu. 7 Conclusions Dans cette perspective les etnohydronymes rendraient compte de la façon dont les spécifiques dynamiques perceptives-cognitives sous-jacentes sont imposées dans le cadre de la dimension primaire et naïve de l’expérience phénoménologique-perceptive sur la réalité hydrosphérique continue et comment elles émergent successivement à travers les usages de la langue, en déterminant des processus appropriés et cohérents de catégorisation hydrologique et d’onymisation. La portée sémantique des hydronymes se concrétiserait, non seulement dans le sens présuppositionnel sous-jacent (vague) de type catégoriel - auquel peut être imputé le référentiel vague - mais aussi dans le traitement d’un profil sémantique général émergeant de l’événement cognitif brut «lieu», inhérent à la conceptualisation de l’expérience hydrosphérique continue, activable et projetable par des pronoms anaphoriques, comme des indices syntaxiques fonctionnant inconsciemment. La structure conceptuelle paraît donc contenir parmi les catégories ontologiques primitives, non seulement les objets, mais aussi les lieux, reconductibles au status d’éléments de l’espace, en leur attribuant dans la sémantique linguistique non pas un rôle dérivé, mais une position au même niveau, avec leur contribution sur la nature perceptive-cognitive de l’expérience des rea- 14 “Le Coumbal de Coumbe était le lieu où j’allais pêcher.” <?page no="93"?> Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie) 93 lia, représentée par leurs types lexicaux-sémantiques, équipés d’un kit anaphorique spécial. Bibliographie Basso, Keith (1990): Western Apache Language and Culture: Essays in Linguistic Anthropology. Tucson, University of Arizona Press. Bittner, Thomas, Barry, Smith (2001): “A Taxonomy of Granular Partitions: Ontological Distinctions in the Geographic Domain”, in Daniel Montello (ed.), Spatial Information Theory, Lecture Notes in Computer Science. Berlin-New York, Springer Verlag, pp. 28-43. Bloch, Maurice (1995): “People into places: Zafimaniry concepts of clarity”, in Eric Hirsch, Michael O’Hanlon (eds.), The Anthropology of Landscape: Perspectives on Place and Space. Oxford, Clarendon Press, pp. 63-77. Bolinger, Dwight (1972): “A Look at Equations and Cleft Sentences”, in Evelyn Firchow (ed.), Studies for Einar Haugen. The Hague, Mouton de Gruyter, pp. 96-114. 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L’organisation du continuum hydrosphérique de fond, en utilisant des ressources méréotopologiques et en délinéant des confins de type fiat, déterminerait des processus spécifiques et appropriés de catégorisation et de (poly)-onymisation. La portée sémantique des hydronymes se concrétiserait, non seulement dans le sens sous-jacent (vague) présuppositionnel de type catégoriel - auquel peut être imputé le référentiel vague - mais aussi dans le traitement d’un profil sémantique général émergeant de l’événement cognitif brut «lieu», inhérent à la conceptualisation de l’expérience hydrosphérique continue, activable et projetable par des pronoms anaphoriques. Summary Polyhydronymy and hydrological categories. The Ostana case (Piemonte, Italy At the intersection among language, cognition, space and culture, the ethnohydronymes - going beyond the simple (but limited) referential function normally attributed to them - would account for special perceptual-cognitive dynamics imposed on the hydrospheric reality as part of the primary and naïve dimension of the phenomenological experience. The organisation of the hydrospheric continuum, using the resources of mereotopology and delineating fiat borders would determine appropriate categorization and (poly)onymisation processes. The semantic range of hydronymes would substantiate not only in the underlying (vague) presuppositional meaning of categorical type to which to impute perhaps the referential vagueness - but also in the processing of a general semantic profile emerging from the raw cognitive event “place”, in- ) <?page no="97"?> Polyhydronymie et catégories hydrologiques. Le cas d’Ostana (Piémont, Italie) 97 herent in the conceptualisation of the continuous hydrospheric experience, activatable and projectable through the anaphoric pronouns. Zusammenfassung Polyhydronyme und hydrologische Kategorien: Der Fall Ostena (Piem nt, Italien) An der Kreuzung von Sprache, Kognition, Raum und Kultur würden die Ethnohydronimen - von der ihnen normalerweise zugeschriebenen referentiellen Funktion ausgehend - spezielle perzeptiv-kognitive Dynamiken zum Ausdruck bringen, die im Rahmen der primären und naiven Dimension der phänomenologischen Erfahrung der hydrosphärischen Wirklichkeit auferlegt werden. Die Organisation des hydrosphärischen Hintergrundkontinuums würde mit den Mitteln der Mereotopologie und fiat Grenzen geeignete Kategorisierungs- und (Poly)onymisationsprozesse bestimmen. Das semantische Spektrum der Hydronymen würde sich nicht nur in der zugrundeliegenden (vagen) präsuppositionalen Bedeutung von kategorischer Art verwirklichen der vielleicht die referentielle Vagheit zuzuschreiben ist - sondern auch in der Verarbeitung eines allgemeinen semantischen Profils, das vom dem rohen kognitiven Veranstaltung “Ort” auftaucht und der Konzeptualisation der kontinuierlichen hydrosphärischen Erfahrung inhärent und durch die anaphorischen Pronomina aktivierbar und projizierbar ist. o <?page no="99"?> Georgeta Cislaru 1 Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 2 Traiter des toponymes dans une perspective linguistique oblige à prendre en compte des facteurs sociaux, géopolitiques, historiques. C’est que les toponymes présentent quelques spécificités fonctionnelles (pragmatiques) et conceptuelles (cognitives) qui leurs sont propres : --‐ Outils d’organisation de la vie humaine, les toponymes font partie des unités langagières les plus exposées aux phénomènes socio-historiques : des changements de noms de lieux sous divers régimes politiques aux symboles d’événements mondialement connus, les toponymes enregistrent des éléments contextuels avec une grande facilité. On a par ailleurs longuement souligné, dans les études de toponomastique, les enjeux géopolitiques complexes que la désignation des lieux implique, notamment dans la perspective d’une standardisation internationale (cf. Berg & Vuolteenaho, 2009). Je serai amenée à montrer, bien qu’indirectement, que les enjeux sociétaux et géopolitiques n’émanent pas uniquement de la forme des toponymes, mais également de leurs caractéristiques sémantiques ; c’est peut-être même ces dernières qui seraient à même d’éclairer certaines démarches concernant la forme. --‐ Signes destinés à cerner des référents de dimensions et de configurations variées, et perçus comme complexes par les locuteurs (Jonasson, 1994 ; De Mulder, 2000), les toponymes semblent s’imprégner de cette complexité dans leur structure, leur contenu sémantique et leur usage. Le langage servant à vivre (Benveniste, 1974 : 217) l’hypothèse d’une inscription linguistique de certaines propriétés ontologiques n’est point aberrante, comme le souligne déjà Coseriu (2001 3 ). S’inscrivant dans une démarche référentialiste, ce travail assume l’hypothèse selon laquelle la nature de la référence impose des contraintes sémantiques. Il est donc important, pour 1 Université Paris 3, SYLED 2290 georgeta.cislaru@univ-paris3.fr 2 Je remercie Michelle Lecolle, Sarah Leroy et Willy van Langendonck pour leur relectures stimulantes. 3 « […] si l‘on ne dit pas ‘un enfant avec des yeux’ ou bien ‘une femme avec des jambes’ et si par contre on dit ‘un enfant aux yeux bleus’ ou ‘une femme avec de belles jambes’, c‘est parce qu‘on a la connaissance des ‘choses ‘, de la réalité ‘normale’ : on sait que tous les enfants ont des yeux, que toutes les femmes ont des jambes ; par conséquent, on ne dit pas ce qui est sous-entendu comme généralement connu. » (Coseriu, 2001 : 110) <?page no="100"?> Georgeta Cislaru 100 100 100 l’étude menée dans cette perspective, de bien définir des sous-catégories toponymiques afin d’identifier leurs spécificités sémantiques. Les analyses portent sur la catégorie des noms de lieux habités 4 (communes, villes, régions, pays et continents, voire planètes dans certains discours de science-fiction), qui ont pour particularité de « superposer » des organisations communautaires et sociales aux lieux géographiques proprement dits, articulant ainsi des lieux, des collectifs et des institutions. Comme on peut le voir dans les énoncés (1a) et (1b), les occurrences des toponymes invitent à des interprétations spécifiques, pour lesquelles il n’est pas toujours aisé de faire la part entre les différents traits sémantiques convoqués : (1a) L’Afrique du Sud entre honte et fatalité (Libération, 08.07.00) (1b) A la suite de cette attaque et du traité de Coruscant, Alderaan, ne pouvait pas retourner dans la République et était obligée de trouver un nouveau représentant succédant aux Sith. (Star Wars, fr.wikipedia.org/ wiki / Alderaan) L’objectif de cette étude est de fournir quelques clés pour l’analyse sémantique de ce type d’emplois, en contribuant ainsi à une théorie sémantique des noms propres. Ce travail se situe dans la continuité d’une démarche linguistique qui, d’une part, rompt partiellement avec l’héritage logico-philosophique pour s’intéresser au fonctionnement réel des noms propres en tant que « parties du discours » (Willems, 2000) ; en tant que formes dont la question n’est pas de savoir si elles font sens, mais comment elles font sens (Van Langendonck, 2007) et, d’autre part, s’éloigne de l’approche onomastique traditionnelle en situant la toponymie au sein des problématiques linguistiques. Ce dernier aspect est bien illustré en dernier lieu par l’exploitation des toponymes dans les enseignements linguistiques (cf. Sandness & Gammeltoft, 2004), que je pratique également dans une perspective sémantique. C’est une démarche sémantico-pragmatique dans un cadre fonctionnel que ce travail assume. Dans un premier temps, je justifierai l’identification des sous-catégories toponymiques tout en rappelant quelques héritages théoriques et méthodologiques. Je détaillerai ensuite l’analyse sémantique des toponymes en usage, en définissant la notion de « facette ». Pour finir, je tenterai une modélisation sémantique permettant de rendre compte de la spécificité des noms de lieux habités et d’apporter une pierre à l’édifice de l’analyse linguistique synchronique des toponymes. 4 Et, de ce fait, gouvernés ou administrés d'une manière ou d'une autre. On distinguera ainsi entre régions géographiques (dans la Drôme) et départements, les premières n'étant pas prises en compte ici. <?page no="101"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 101 101 1 Cadre théorique et méthodologique 1.1 Domaine de référence, domaine de définition, présupposition catégorielle Je considère, comme a pu le proposer Willems (2000), que les noms propres constituent une sous-catégorie linguistique ayant ses propres spécificités sémantiques. Mais, contrairement à lui, il me semble que la dimension catégorielle est cruciale dans une telle description sémantique. Comme tout nom propre, les toponymes sont soumis à une « typologie référentielle » (Leroy, 2004 : 33) identifiant des sous-classes de noms selon la nature des référents désignés ; on parlera de domaines de définition, dans la mesure où les catégories ainsi identifiées permettent de définir l’aire d’application des noms (noms de pays, de villes, de villages, de planètes, etc.). Cette particularité peut être déterminante pour la nature et le fonctionnement des noms propres : ainsi, Bosredon & Tamba (1995 : 123) soutiennent que les formats de dénomination constituent des familles identifiables autour de domaines de définition ; Van Langendonck (1997, 2007) défend l’idée d’une « présupposition catégorielle » assurant le lien entre un nom propre et une catégorie référentielle identifiée par un terme de base ; il n’est d’ailleurs pas rare qu’un toponyme soit accompagné d’un terme catégoriel (« rue », « ville », etc.) dans son usage (cf. Cislaru, 2006a & b ; Van Langendonck, 2007). Le domaine de référence, quant à lui, englobe l’ensemble des possibilités référentielles d’une classe de toponymes (ou autres noms propres) ; comme le suggère déjà l’exemple (1), le domaine de référence peut ne pas se superposer au domaine de définition. La schématisation ci-dessous illustre le cas des noms de pays, et s’applique dans les grandes lignes aux autres toponymes : Domaine de définition : [nom de] pays Présupposition catégorielle : l’individu désigné appartient à la catégorie des pays Domaine de référence : l’ensemble des référents pouvant être désignés par un nom de pays, tels que les états, peuples, territoires, équipes sportives, événements ; on constate une hétérogénéité significative à ce niveau, qui place la discussion qui suit sur le plan de l’usage. Ainsi, contrairement à ce que suggère Coates (2006 : 37), les constructions locatives (vivre à/ en) ne confèrent pas le statut de toponyme en terme de domaine de définition, mais spécifient un domaine de référence. Si l’on adopte la distinction entre catégorisation épistémique et catégorisation praxéologique (Fall & Simeoni, 1999), on peut formuler l’hypothèse suivante : le nom de pays opère une catégorisation épistémique englobante (intégrateur sémantique), alors que les différentes catégories qui l’accompagnent en discours (autant de « facettes » représentées, voir plus bas) sont l’expression d’une catégorisation praxéologique. La diversité des contextes d’usage des toponymes, et la possibilité de donner à cette diversité une lecture séman- <?page no="102"?> Georgeta Cislaru 102 102 102 tique cohérente compte tenu des régularités d’usage, est au cœur de cet article. 1.2 Définition des noms de lieux habités La sous-catégorie des noms de lieux habités - je partage cette catégorisation avec Michelle Lecolle (cf. Cislaru & Lecolle, 2009) - comprend les noms de communes, villes, régions, pays et continents, voire planètes dans certains discours de science-fiction. Cette sous-catégorie dispose d’une série de traits fonctionnels qui lui sont propres. Comme le souligne De Mulder (2000), les toponymes renvoient à des entités du monde qui, à la différence de la plupart des domaines de référence visés par d’autres types de noms propres, sont cognitivement complexes. En effet, la perception peut difficilement les appréhender dans leur globalité, et ce sont généralement des portions, des aspects particuliers (facettes ? ) du lieu qui sont saisis par la perception et la représentation. Les noms de lieux habités désignent de facto un lieu, un territoire, mais sont crédités d’un trait collectif qui subsume une unité référentielle indistincte des habitants, l’organisation institutionnelle allant de pair avec l’identification d’une population (ce qui semble exclure de la sous-catégorie des noms de lieux habités certains odonymes, renvoyant pourtant à des lieux habités, comme les rues). À partir de là, on pourrait presque dire que la réponse est dans la question-même, et que le domaine de référence d’un nom de lieu habité comprendra nécessairement des lieux, des populations et des institutions. Remarque intuitive tout à fait juste mais incomplète. On pourra représenter la sous-catégorie des noms de lieux habités sous la forme d’un continuum, dont on verra que le noyau bénéficie d’un fonctionnement « prototypique » et la périphérie d’un fonctionnement « sous condition ». Noms de voies (rues, places) -quartiers -communes - villes - capitales - pays - îles (habitées) - régions - continents - planètes Ainsi, les noms de communes, villes, capitales et pays constituent le noyau du continuum, sur lequel porte principalement cette étude. Les noms de voies, quartiers d’une part, les noms de régions, continents, planètes d’autre part, en constituent la périphérie. Selon le degré de granularité et de focalisation, il est toujours possible d’enrichir le continuum aux deux périphéries (avec des microtoponymes comme les noms de cafés, cinémas, etc., par exemple, cf. Bosredon & Guérin, 2005). Comme le montre le tableau 1, les périphéries de ce continuum sont plutôt marquées morphologiquement par la présence d’un article et/ ou d’un terme catégoriel (voir également Leroy ici-même), à l’inverse de l’hypothèse de Van Langendonck (2007 : 208) selon laquelle les noms de lieux intégrant un facteur (expérientiel) humain tels les noms de villes sont moins marqués que les autres (ex. : noms de mers) ; les <?page no="103"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 103 103 noms de rues sont intéressants à observer dans cette optique (cf. Bosredon & Tamba, 1999). On note, dans ce continuum, un certain nombre d’hétérogénéités. Premièrement, il n’est pas linéaire du fait de l’emboîtement des lieux, mais plutôt granulaire, tributaire de choix sociétaux ; cette observation confirme la part du conventionnel dans l’usage des toponymes. Le cas des noms de capitales illustre plus particulièrement ce cas de figure. Deuxièmement, il n’est pas formellement, mais plutôt référentiellement homogène (même si des différences peuvent être constatées au niveau référentiel également). Les critères formels choisis pour illustration concernent l’intégration d’un terme catégoriel, en tant que marqueur du domaine de définition, et l’usage de l’article qui, en français, est courant dans le cas des toponymes, à la différence des anthroponymes. Le tableau ci-dessous illustre donc le cas des noms de lieux habités en français, même si le caractère formellement non homogène de la sous-catégorie peut se vérifier dans d’autres langues également : NOMS DE Termes catégoriels Article Voies Très présents, catégorie odonymique Oui quartiers Peu présents Oui communes Généralement absents, mais actualisation toujours possible Non villes (et capitales) Généralement absents en synchronie (excepté les villes nouvelles), mais actualisation toujours possible Non Pays Présents dans les formes officielles, à référence institutionnelle très majoritairement Oui Iles Parfois présents Oui/ Non (dimensions de l’île, proximité) Régions Non obligatoires mais souvent actualisés Oui continents Peu actualisés Oui planètes Peu actualisés Non, excepté la Terre Tableau 1. Particularités formelles des noms de lieux habités. 1.3 Les « facettes », catégorie opératoire J’emprunterai à Alain Cruse la notion de facette (au sens de Cruse, 1996 notamment), qui permet de rendre compte de la diversité des emplois référentiels des toponymes tout en les structurant dans une construction sémantique ordonnée. Les facettes se définissent comme des éléments d’un « tout » ayant un haut degré d’autonomie et ne pouvant pas être subsumés sous un hypéronyme ; les facettes sont subsumées sous une Gestalt. <?page no="104"?> Georgeta Cislaru 104 104 104 Il est intéressant de préciser qu’Alan Cruse (Cruse, 1996 ; Croft & Cruse, 2004) commence par définir les traits sémantiques fondamentaux de trois concepts catégoriaux - country, nation, state - qu’il va mettre par la suite en regard avec le nom de pays Britain. Il distingue finalement 3 facettes pour Britain, qu’il soumet à des tests sémantiques classiques (nature des prédicats, coordination, etc.) : (2a) Britain today lies under one meter of snow (LAND) (2b) Britain is today mourning the death of the Royal corgi (PEOPLE) (2c) Britain declares war on North Korea (STATE) Je retiens ces facettes tout en les amendant compte tenu des données issues des corpus (1.4.). L’apport de la présente étude ne se situe pas tant au niveau de l’enrichissement des données concernant les facettes telles qu’identifiées par Alan Cruse, mais dans leur utilisation en vue d’une description sémantique généralisée des noms de lieux habités et d’une modélisation du mécanisme sémantique sous-tendant leur fonctionnement. L’intérêt de la notion de facette réside par ailleurs dans le fait qu’elle suggère la possibilité d’utiliser les toponymes pour faire émerger des aspects et des points de vue divers. 1.4 Données et méthode Les données sur lesquelles je travaille sont issues de quatre langues : le français, l’anglais, le roumain et le russe et relèvent principalement du discours de presse, qui donne accès à des emplois particulièrement réguliers et diversifiés des noms de lieux habités. Ces données sont complétées de manière non systématique par des occurrences issues des guides de voyage, de l’internet, de la littérature (cf. également Lecolle, ici-même), afin de donner un aperçu le plus complet possible du mécanisme sémantique sous-tendant l’interprétation des noms de lieux habités. En effet, les emplois des noms propres de lieux habités sont sensibles aux contraintes de genre (discours de science-fiction pour les noms de planètes) et de thématique (plus les médias sont « locaux », plus il y a de chances de voir la périphérie rejoindre le noyau en termes d’usages), tout comme la plupart des formes d’une langue. Les occurrences de noms de lieux habités sont analysées d’un point de vue sémantico-référentiel. L’analyse s’appuie sur un principe de base de la linguistique de corpus dans le sillage de Sinclair (1991) : chaque signification d’un lexème a sa propre grammaire, chaque sens est associé à un format spécifique. La méthode utilisée emprunte beaucoup à l’analyse sémantique des rôles et à l’analyse combinatoire/ distributionnelle (cf. Cislaru, 2005 ; Anderson, 2008), les deux étant parfois les versants d’une même démarche. La première approche s’attache à identifier la nature des rôles sémantiques (agent, patient, bénéficiaire, lieu, instrument,…) remplis pas les arguments d’un verbe. Dans l’exemple qui suit, la première occurrence de <?page no="105"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 105 105 « Italy » joue le rôle de « lieu », tandis que la deuxième joue le rôle d’ « agent » : (3a) Freed Christian convert offered asylum in Italy (title) (3b) Mr Rahman, who has been offered asylum by Italy, said he was fine and willing to die for his faith. (The Guardian, 29.03.06) La deuxième approche met plutôt en avant les contraintes ou préférences combinatoires de la forme linguistique étudiée. Ainsi, le prédicat « battre 2 : 1 » adossé à un nom de lieu habité permet de révéler le rôle sémantique d’agent et la référence à l’« équipe sportive de » du toponyme en question. Les catégories d’analyse sont donc les suivantes : Rôle sémantique assumé par le toponyme (ex. : AGENT vs LIEU) Nature du prédicat : concret, abstrait, etc. Traits sémantiques requis : humain, collectif, etc. Finalement, on peut considérer que c’est au sein de constructions (Croft, 2001 & 2004 ; Fried & Östman, 2004) - c’est-à-dire des formats stables et récurrents pouvant accueillir des groupes de formes linguistiques particuliers - que les noms de lieux habités activent des traits sémantiques identifiables (cf. aussi Van Langendonck, 2007 : 13-14). À l’inverse de Fried & Östman (2004), je considère que la construction prime et qu’aucune transformation n’est nécessaire lorsque deux noms propres appartenant à des domaines de définition différents intègrent la même construction 5 : c’est ce que l’usage donne à voir qui est mis en série, interprété et schématisé. La démarche n’est pas exclusivement intraphrastique pour autant. Ainsi, lorsque le contexte immédiat ne permet pas de créditer le toponyme d’un emploi spécifique, on vérifie si le contexte plus large (ex. rubriques, titres, etc.) apporte des informations en ce sens (cf. Cislaru, 2005 ; Lecolle, 2006). 2 Analyses J’ai cherché à décrire les facettes et leur place dans une schématisation sémantique des noms de lieux habités. D’une part, les facettes peuvent s’articuler les unes aux autres dans des énoncés ambivalents ou ambigus. D’autre part, des emplois spécifiques se situent en relation avec l’une ou l’autre des trois facettes évoquées. Un mécanisme cohérent semble se dessiner. 5 Les transformations proposées pour les exemples ci-dessous me semblent arbitraires, la dernière s’appuyant sur une pré-interprétation du toponyme en lui attribuant automatiquement et exclusivement le rôle sémantique de lieu : (4a) John Smith remembers nothing of years gone by. -> John Smith’s memory of years gone by is non-existent. (4b) England remembers nothing of years gone by. -> The memory of years gone by is nonexistent in England. (Fried & Östman, 2004 : 13) <?page no="106"?> Georgeta Cislaru 106 106 106 2.1 La facette LIEU Cette facette est caractéristique de l’emploi locatif, emploi canonique du toponyme - du moins, en théorie -, qui est un nom de lieu. Pour une majorité d’occurrences, cet emploi est grammaticalement marqué et s’actualise par l’intégration du toponyme à un Groupe prépositionnel (cf. aussi 3a), chaque langue sélectionnant des séries régulières de prépositions (cf. Cislaru 2010) : (5) Il peut revenir. D’ailleurs, il est revenu. Ici comme à Vienne. Adolf Hitler a réédité samedi matin, à Paris, la promenade qu’il avait effectuée au lendemain de l’étrange défaite de 1940. (Libération, 03.07.00) Les sous-catégories toponymiques disposent souvent de marquages spécifiques de leur facette LIEU ; cette particularité est plus prégnante en français, et relativement peu marquée en russe, où dans, à et en reçoivent sensiblement la même traduction : dans sur à en toponymes Noms de rues Noms de rues, de places, d’îles, de planètes Noms de villes, certains noms de pays Noms de pays, de régions, de continents termes catégoriels 6 rue, ville, pays, île, continent place, rue, continent, île, planète pays ville Tableau 2. Emploi locatif des toponymes et des termes catégoriels en français. Les regroupements sont assez intéressants, dans la mesure où le continuum de noms de lieux habités n’est représenté qu’en partie par l’usage des prépositions accompagnant l’actualisation de la facette LIEU. 2.2 La facette INSTITUTION (ETAT) Cette facette est caractérisée par l’activation d’un trait humain et, éventuellement, collectif, par un rôle sémantique d’agent dans beaucoup de contextes. Souvent, l’usage met en relation dans le même énoncé deux toponymes, dont au moins un seul a le statut d’agent (6a-b) : (6a) Les États-Unis et le Vietnam ont signé, jeudi 13 juillet, un accord commercial historique […]. (Le Monde, 15.07.00) 6 On peut rappeler que les noms de continents (cf. van Langendonck 2007 : 215-216), de villes, de pays ne sont pas introduits par les mêmes prépositions que le terme catégoriel correspondant. Lorsqu’un terme catégoriel accompagne un nom de lieu habité, la préposition sera choisie en conséquence. <?page no="107"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 107 107 (6b) France : Le Quai d’Orsay demande aux États-Unis « d’évaluer toutes les conséquences pour les Alliés et pour l’équilibre stratégique » de leur projet de bouclier antimissile (titre) (Le Monde, 21.07.00) (6c) Accord EELV/ PS : Mamère met en garde la rue de Solférino (France Soir, 16.11.11) La présence de verbes d’action et de parole constitue un critère fiable dans l’identification de cette facette. Il existe cependant des contextes dans lesquels seule l’interprétation sémantique des adjectifs ou adverbes permet de formuler des hypothèses quant à la facette à retenir, comme dans le cas des phrases averbales ou des prédicats descriptifs d’état Nlieu+être : la France est grande/ montagneuse vs la France est contente. Cette facette prend deux formes, l’une générique s’appliquant à l’ensemble des toponymes concernés (INSTITUTION), l’autre spécifique notamment aux noms de pays (ETAT), mais également aux noms de capitales (cf. Lecolle ici-même au sujet des noms de capitales). Ce clivage permet notamment de distinguer, pour une seule et même forme, entre le statut de nom de ville avec une facette INSTITUTION (7a) et le statut de nom de capitale actualisant la facette ETAT (7b-c) : (7a) Paris installe un comité de vigilance sur le logement ( www.gazettesante-social.fr , 06.06.08) (7b) Quand Paris installe « démocratiquement » les chefs d’Etat africains (http: / / www.planeteafrique.com/ Actualites/ congo/ , 24.06.11) (7c) Athènes et la « troïka » trouvent un accord sur les nouvelles mesures (Le Monde, 30.10.12) (7d) La Ville de Paris a le plaisir de vous annoncer l’arrivée d’une application gratuite Vélib' pour les smartphones Android. (blog.velib.paris.fr/ , 25.08.12) Il convient de signaler toutefois qu’en pratique, un terme catégoriel vient régulièrement accompagner une occurrence « ville » à facette INSTITUTION (cf. 7d). Il semblerait donc que la facette INSTITUTION est valide pour les noms de villes, bien que moins forte que la facette POPULATION. 2.3 La facette POPULATION La présence d’un trait humain et collectif assure l’activation de cette facette, réalisée souvent par le rôle sémantique d’agent. Le test de « tout » permet de confirmer son actualisation ainsi que de la distinguer plus nettement de la facette INSTITUTION, avec laquelle elle partage beaucoup de traits : toute la France est de gauche, par exemple. Comme pour confirmer l’interprétation de la facette POPULATION, l’enchaînement avec le nom des habitants n’est pas rare (cf. ex. 8e). Les prédicats collectifs (ex. 8c-e) fonctionnent en partie avec les noms de lieux habités et plus particulièrement les noms de villes et de pays. Mais, là encore, ce sont les frontières fixées par le prédicat qui per- <?page no="108"?> Georgeta Cislaru 108 108 108 mettent de choisir entre la facette POPULATION (8a) et la facette INSTITU- TION (Quand la France vote « non » au Parlement européen). (8a) « Quand la France vote Le Pen, c’est qu’elle va mal »: c’est le jugement d’Elisabeth […]. (Agence France Presse, 21.04.02) (8b) « La France est de gauche, au fond », remarque un ministre, pendant que la foule scande en chœur : « On va gagner les législatives. » (Libération, 06.05.02) (8c) Bertrand Delanoë, maire PS de Paris : « C’est le Paris des plus belles heures : quand Paris défend ses valeurs, quand Paris est uni. » (Le Parisien, 02.05.02) (8d) L’intérêt : montrer aux Alliés que la France est unie derrière de Gaulle. (Sujet de concours, http: / / cddp18.servehttp.com) (8e) En effet, s’il est un moment où la France est unie, c’est bien celui du lever de rideau des soirs d’élection. À 20 heures, qu’ils soient de droite, de gauche ou du centre, les Français découvrent ensemble la page de leur histoire qu’ils sont en train d’écrire. (Causeur.fr) (8f) Copé prêt à mobiliser « la rue » contre le gouvernement (Le Nouvel Obs temps réel, 28.10.12) Avec les noms de rues ou de quartiers le prédicat collectif n’a pas pu être attesté, mais il fonctionne avec le terme catégoriel (8f). Il semblerait que l’activation de cette facette par un odonyme soit limitée, d’une part, par l’ambiguïté du domaine de définition caractérisant beaucoup de noms de rues privés de leur terme catégoriel et, d’autre part, par la nécessité de réunir la population autour d’un projet ou d’un intérêt commun, qui dépasse la contrainte de la simple adresse postale. Il s’agit donc souvent soit de groupes réunis autour d’un événement précis, soit, dans des écrits littéraires notamment, de groupes qu’un trait commun caractérise en vertu de leur présence dans le lieu donné à un moment précis (ex. 9a-b) : (9a) 14h, la place de la Bastille tremble déjà au coup d’envoi de cette Love Life Parade […] (mazemag.fr, 06.10.12) (9b) ! "#$%"$% &'#() %*+,-. "/ 0"%1,-.. 2 , 3$+$4* 546"% / "7*+$8. 9#$: % 1#*; "<0$ 3 7"="/ 08">; 6"4'? 80 -64"@-3"#01( 6#*/ -+,"7 13-07 #$=+".? 07. (A. B. C".D$3. ! "#$% &' . (#)*"%+ , 1921, Ruscorpora) La poussière arrive, envahissante comme un nuage asiatique. Et vers le soir, l’Arbat [rue] est torturé. Les employé(e)s ravis dans les magasins ; les demoiselles se réjouissaient de la légèreté de leurs blouses. 2.4 Convergence et annulation de facettes La coordination de prédicats autorise des lectures polyvalentes des toponymes (cf. Cislaru, 2007 ; Lecolle, 2004), articulant par exemple une facette ETAT (fermer, attendre, lois) et une facette LIEU (frontières) : (10a) I have made very clear that the United States expects its laws to be respected, expects its borders to be respected […] (CBS News, 26.01.06) <?page no="109"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 109 109 (10b) Ukraina isi ermetizeaza frontierele (Flux, 07.03) L’Ukraine ferme ses frontières Un effet inattendu de l’interférence entre les facettes ETAT et LIEU est la possibilité de « déspatialisation » avec neutralisation de la facette LIEU d’un nom de lieu habité activant la facette ETAT, lorsqu’un autre toponyme - Mayotte en (11a), Novossibirsk en (11b) - sert de localisateur : (11a) […] il [Hory] dénonce le « manque d’ambition du gouvernement pour Mayotte » et agite sans y croire le spectre du largage. Il est vrai que toute l’histoire de l’île est profondément marquée par la hantise d’un départ de la France. (Libération, 01.07.00) (11b) Rossija i Kazakhstan vstretilis’ v Novossibirske (Izvestija, 13.07.03) La Russie et le Kazakhstan se sont rencontrés à Novossibirsk. La coordination des prédicats autorise également l’articulation des facettes ETAT ou INSTITUTION et POPULATION ; en l’occurrence : (12a) Aujourd’hui cependant, Le Caire, affaibli par les nombreux défis imposés par une démographie explosive, doit maintenant lutter pour maîtriser les exigences nées de la centralisation politique et économique du pays. (Let’s Go Egypte, Lonely Planet 2008, guide touristique) (12b) Privée d’eau potable, les aqueducs ayant été mis à mal lors des attaques des Barbares, et livrée aux épidémies, Rome avait grand besoin d’une prise en main. (Lonely Planet 2008, guide touristique) (12c) Norway, by contrast, which has stringent anti-drugs legislation, has the highest prevalence of acute drug-related deaths in Europe. (Times, 30.07.03) La Norvège, en revanche, qui a la législation anti-drogue la plus sévère, enregistre aussi le taux de mortalité liée à la drogue le plus élevé d’Europe. Dans d’autres contextes, il est pratiquement impossible cependant de distinguer entre la facette INSTITUTION et la facette POPULATION, et cela notamment pour les noms de pays : (13a) Iraq wakes up and demands to see the bodies of evidence (Times, 24.07.03) L’Irak se réveille et demande à voir les preuves (13b) Liberia calls (The Washington Post, 01.07.03) L’appel du Libéria / Libéria lance un appel D’une nature différente, mais non moins intéressante, est l’ambiguïté de, (14), où le LIEU est assorti d’une facette POPULATION ad hoc concernant davantage le passage que les habitants. (14) E-6"," 1-1%"40#"1(, -% 10#(8-=- 1$4@D$60$80F $. @"3"#0 3"#0@-#; ,-=@" G@*"4@ H40=-4($30+ 3'3-@0# $$ =*#F%( 8" @0,0. =4->-+*<0. ! "#$% , 1-6"," -% 1%4">" #-; 0#"1( 8" 64: >-. (5#$,1"8@4 I$4$>-3. ,%-%.' , 2003, Ruscorpora) Le chien était vieux, et on lui donnait des médicaments pour le cœur ; lorsqu’Edouard Grigor’evitch le sortait se promener sur le sauvagement bruyant Arbat [rue d’Arbat], le chien se couchait sur le ventre de peur. <?page no="110"?> Georgeta Cislaru 110 110 110 Des relations privilégiées s’établissent ainsi entre certaines facettes et pas d’autres. Surtout, il est surprenant de constater : ! la prégnance de la facette INSTITUTION, qui peut intervenir simultanément avec la facette LIEU ou avec la facette POPULATION ; ! le statut relativement affaibli de la facette LIEU. Ces données ne sont pas stéréotypiques a priori du domaine de définition des toponymes, et montrent - sans toutefois remettre en cause leur statut de toponymes - à quel point la définition d’une sous-catégorie de noms de lieux habités trouve sa justification, avec un trait « humain » qui intervient à plusieurs niveaux. 2.5 Emplois dérivés Au-delà des facettes, des emplois dérivés peuvent se développer. 2.5.1 EQUIPES L’utilisation des noms de lieux habités pour désigner des équipes sportives est un emploi particulièrement conventionnel attaché à un genre discursif particulier, le commentaire/ reportage sportif. Ces emplois sont caractérisés par l’activation des traits humain et collectif, et par la dominance du rôle sémantique d’agent. Il semble cependant difficile d’attribuer à ce type d’emploi le statut de facette, dans la mesure où il ne jouit pas de la même autonomie que les trois facettes déjà mentionnées Si les traits sémantiques de base restent les mêmes que pour les facettes INSTITUTION et POPULA- TION - ce qui ne facilite en rien l’analyse - les prédicats ne sont plus les mêmes et signalent d’emblée le domaine sportif : (15a) Comment la France s’est qualifiée (Libération, 01.07.00) (15b) Le Brésil a remporté la Ligue mondiale, hier à Madrid, après s’être imposé en finale à la Serbie-Monténégro 3 sets à 2. (Le Figaro, 14.07.03) Le trait collectif de cet emploi est parfois marqué, en anglais, par des reprises anaphoriques et des formes verbales plurielles non attestées avec la facette INSTITUTION (Cislaru, 2007) : (16a) A 14th straight victory for Barcelona has increased their lead at the top of the table to twelve points over Valencia, who were fortunate to pick up a point […]. (Think Spain, 30.01.06) (16b) Hockey: Great Britain moved four points clear at the top of the table after they beat Canada 2-1 in a three nations tournament in Vancouver. (Times, 07.07.03) Des adjectifs dérivés des toponymes accompagnent régulièrement ces emplois en soulignant ainsi l’attachement à la facette POPULATION (17a) : (17a) Au lendemain de leur élimination face à la France, mercredi 28 juin, les joueurs portugais étaient convaincus d’avoir été victimes d’une décision inique de l’arbitre de la première demi-finale. (Le Monde, 01.07.00) <?page no="111"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 111 111 2.5.2 EVENEMENT Les emplois événementiels sont caractérisés par l’association d’un trait temporel, et la possibilité pour le toponyme d’intégrer des Groupes prépositionnels à valeur temporelle (après X, 18a-b). La pluralisation constitue un marquage grammatical potentiel (cf. 18c), tandis que la prototypicalisation, via des constructions comme un nouveau X constitue un marquage sémantique ; la catégorisation événementielle peut également être transparente, comme en (18d), où les noms de pays listent des guerres, ou juste évoquée (18a-b). Le prédicat sélectionné est, lui, de nature événementielle. (18a) Après la Croatie, la Bosnie, le Kosovo, une nouvelle crise est désormais ouverte dans ce qui reste de la Yougoslavie : celle du Monténégro. (Le Monde, 26.07.00) (18b) La lutte sur Aargonar fut sanglante. […] Après Aargonar, Anakin Skywalker devint le Padawan de Ki-Adi-Mundi. Le Ceréen comprit que le jeune homme était tourmenté, incapable d’accepter la mort de son précédent Maître. (Clone Wars) (18c) Beaucoup de pays africains sont des Rwanda en puissance (Le Monde, exemple de Gary-Prieur 2001) (18d) The wars are more brutal: Liberia, Sierra Leone, the Congo. (Times, 24.07.03) Les cas de sous-détermination sémantique ne sont pas rares, lorsque l’interprétation laisse la place à des ambiguïtés ou à un vague sémantique : L’emploi événementiel s’attache à la facette LIEU des noms de lieux habités (cf. Cislaru, 2005 ; Cislaru & Lecolle, 2009). La localisation d’un événement par un toponyme permet d’attacher durablement le premier au deuxième au fil des discours relatant l’événement ; en passant de la localisation à la désignation de l’événement (Cislaru & Lecolle, 2009), on opère une focalisation par réduction; Leroy (2010) parle de « transcatégorisation ». Il n’est pas rare que, la facette LIEU soit activable en sus de l’emploi événementiel, comme en (19) : (19) Les leçons de Fukushima (titre, Arte) Une spécialisation désignative est développée par les différents types de noms de lieux habités, comme le montre le tableau ci-après (page 112). Celleci signale indirectement des capacités de localisation événementielle différentes pour chacun des types de noms de lieux habités. 3 Convergences sémantiques et divergences référentielles : tentative de modélisation Les facettes des toponymes constituent un noyau intégratif, à la fois garant d’une lecture unitaire, comme le montrent l’articulation des facettes en discours et l’ambiguïté sémantique, et productif au niveau sémantique. <?page no="112"?> Georgeta Cislaru 112 112 112 Noms evenements Rues, places … Communes Villes/ capitales Régions Pays Continents Pla nètes Guerres, conflits - - - - + - - Batailles - + + + - + + Révoltes + + - - - - - Massacres, génocides + + + + + - - Festivals - + + - - - - Jeux olympiques - - + - - - - Accidents, catastrophes + + + - - - - Tableau 3. Types d’événements par types de noms de lieux habités 3.1 Une lecture sémantique intégrative L’évolution sémantique donnant lieu à des emplois spécifiques s’appuie sur des mécanismes différents et néanmoins proches : la représentation exploitant la dimension collective rattache les équipes à la facette POPULATION ; tandis que la localisation permet de « représenter » l’événement par le lieu (et vice-versa). Ce qui semble donc caractéristique des noms de lieux habités, c’est le potentiel représentationnel qui renvoie à une double identification, lorsque le toponyme identifie un individu (équipe) par le biais d’un autre (population), lui-même rattaché à un lieu. Ce potentiel représentationnel est activé en rapport avec des référents divers, sur le même modèle que l’emploi en tant qu’équipe (même si le lieu reste important, car on ne peut pas négliger le renvoi à l’origine) : (20a) Il y a cinq ans seulement, la Turquie n’avait pas bonne presse chez les professionnels de la mode. […] La Turquie y a d’ailleurs un hall pour elle toute seule ! (Le Figaro, 19.07.00) Le principe de la focalisation par réduction, qui permet de désigner un événement par un toponyme, semble s’appliquer aux emplois « thématiques » (21b-c) ou « téliques » (21d) des toponymes. D’une part, (21a), sémantiquement très proche de (21b), active une valeur événementielle ; d’autre part, le cinéma et les romans développent toujours des événements, et utiliser un toponyme (Rome) pour évoquer l’intrigue (21c) ne manque pas de rapprocher cet usage de l’emploi événementiel. (21a) […] la création en 1999 d’une commission d’information sur le Rwanda est une initiative bien modeste. (Le Monde diplomatique, 07.00) (21b) Haider relance la polémique sur l’Autriche (Le Figaro, 04.07.00, titre) <?page no="113"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 113 113 (21c) Rome a été la protagoniste de nombreux films américains. […] Ces dernières années, Rome a de nouveau joué les stars. (Lonely Planet 2008) (21d) Rome gratuite (Lonely Planet 2008, guide touristique) Les traits sémantiques associés aux noms de lieux habités via leurs trois facettes donnent ainsi lieu à des emplois contextuels qui peuvent devenir réguliers et tendre à une stabilisation dans certains contextes et genres discursifs. Il en est ainsi de l’emploi en tant qu’agent économique. L’exploitation de l’agentivité ou encore le trait collectif inhérent à deux facettes sur trois constituent probablement les prémices de cet emploi ayant certaines implications idéologiques, comme « l’Etat est une entreprise ». ____________________ Evénement Equipes sportives Thème Tout potentiel représentationnel But (télicité) Figure 1. Facettes et emplois dérivés, une unité de sens (22a) La France fait boom boom (Le Point, 07.07.00, Laser Économie) (22b) The benefit was that, inside the euro, Britain would be able to “exploit a large single market more fully”. (Times, 01.07.03) Les relations et dérivés sémantiques susmentionnés peuvent être représentés par le schéma suivant, qui montre un « enchaînement » de facettes et le rattachement des emplois dérivés soit à la facette LIEU, soit à la facette POPU- LATION (voir figure 1). 3.2 Schéma des domaines de référence convergents et divergents des noms de pays et autres types de noms de lieux habités Un dernier point à rappeler avant de tenter un bilan de cette étude concerne les relations d’équivalence qui s’établissent en contexte entre diverses souscatégories de toponymes : noms de pays, noms de capitales, noms de rues ou de bâtiments institutionnels (qu’on ne peut pas véritablement considérer comme des noms d’institutions), cf. les exemples (6b), (7b-c) et (24) : (24) Les [de Tchétchénie] visant les forces russes ont plongé le Kremlin [ETAT] dans attentats-suicides le désarroi (Le Monde, 06.07.00) <?page no="114"?> Georgeta Cislaru 114 114 114 On voit se rejoindre autour d’un fonctionnement comparable des noms de lieux habités qui ont une forte dimension institutionnelle. Cette convergence en usage des toponymes semble donner de l’envergure à la facette ETAT et réduire la portée de la facette POPULATION ; on peut se demander si on a affaire à un effet contextuel ou à un trait sémantique pérenne. Le tableau 4 propose une synthèse des facettes et des emplois qui caractérisent chaque sous-catégorie de noms de lieux habités : Toponymes concernés Confusion référentielle LIEU Tous Non POPULA- TION tous [excepté les noms de bâtiments gouvernementaux] Non INSTITU- TION noms rues*, de communes, villes, régions, continents, planètes* Non ETAT noms de pays, de capitales, [noms de bâtiments gouvernementaux] oui, « superposition » Equipes et autres dérivés noms de communes, villes, pays (possibilité théorique pour la périphérie de droite, cf. 1.2.) Non Evénements et autres dérivés noms de communes/ villes et noms de pays principalement non ; pas les mêmes catégories d’événements Tableau 4. Facettes et sous-catégories de noms de lieux habités. Ainsi, au niveau des facettes, LIEU, POPULATION et INSTITUTION concernent tous les noms de lieux habités, avec impossibilité de confusion référentielle, et la facette POPULATION est renforcée par la présence de gentilés (adjectifs dérivés des toponymes). La facette INSTITUTION observe un fonctionnement particulier au niveau des odonymes (cf. 6c). La facette ETAT concerne les noms de pays, noms de capitales, et les noms de bâtiments gouvernementaux, qu’elle greffe sur le continuum des noms de lieux habités ; on note à ce niveau une « superposition » référentielle. Cette facette permet donc de niveler référentiellement au moins 3 sous-catégories de toponymes. Il s’agit d’une forme de généralisation qui met sur le même plan plusieurs types de noms, en mettant à mal le continuum tel que décrit plus haut. D’une part, elle montre le statut particulier de ces toponymes, qui se rapprochent de la catégorie des noms d’institutions. D’ailleurs, les noms de pays sont majoritairement dotés, dans leur forme complexe, d’un terme catégoriel de nature institutionnelle (république, royaume, pays, etc.), tandis que les noms de capitales représentent une catégorie administrativement instituée à partir d’une sous-catégorie de lieux habités, les villes. D’autre part, la facette ETAT souligne le poids de <?page no="115"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 115 115 l’idéologie et des représentations sociales sur l’usage des toponymes. Autrefois, elle a pu être actualisée par les noms de peuples, couramment utilisés dans les médias du début du 19 ème en référence aux pays (ETAT - les Anglais ont signé le traité…), mais considérés comme politiquement incorrects de nos jours et abusifs dans le contexte des prédicats « institutionnels ». Au niveau des emplois dérivés, EQUIPES concerne les noms de communes, villes, pays, avec une possibilité théorique pour les périphéries. L’emploi à valeur d’EVENEMENT s’applique à l’ensemble du continuum, mais sélectionne différentes catégories d’événements (tableau 3 ; cf. aussi Cislaru & Lecolle, 2009). Conclusion Au final, le bilan de ce travail est tout en nuances. D’abord, on constate que c’est moins au niveau formel qu’au niveau sémantique que se décide l’homogénéité - bien que non absolue - de la sous-catégorie des noms de lieux habités. Les facettes LIEU et POPULATION apparaissent comme les seules véritablement partagées par tous les noms de lieux habités étudiés ici. Elles constituent le socle du profil sémantique de ces toponymes ; elles sont à l’origine d’emplois divers, allant des plus stabilisés (équipes sportives pour la facette POPULATION et événement pour la facette LIEU) vers les plus occasionnels. Par ailleurs, si l’une des facettes est à l’origine d’un emploi spécifique, l’autre facette n’est pas exclue pour autant : ainsi, le fonctionnement événementiel est prévu par la facette POPULATION dans la mesure où les événements nécessitent la présence de l’humain (Cislaru & Lecolle, 2009), tandis que les emplois représentationnels (équipes, etc.) le sont par la facette LIEU, dans la mesure où l’origine entre toujours en ligne de compte. On constatera ici le caractère secondaire (voir également le schéma des facettes et des emplois), mais néanmoins très saillant pour certains toponymes, de la facette INSTITUTION. Ainsi, à la fois l’analyse formelle (cf. Cislaru, 2006a et b) et l’analyse sémantique montrent que certaines catégories, comme les noms de pays, par exemple, tendent à pencher davantage du côté de la facette INSTITUTION, tandis que les noms de villes tendent à privilégier la facette POPULATION. C’est par ailleurs autour de la facette ETAT que peuvent se rejoindre plusieurs sous-catégories de noms de lieux habités. Enfin, les noms de rue sont plutôt des noms de « lieux de passage », étant donné le caractère ad hoc sous-tendant l’activation de la facette POPU- LATION. Le continuum des noms de lieux habités s’appuie sur un noyau « prototypique », constitué de noms de villes et de pays qui, malgré les différences, vérifient et partagent une majorité de critères sémantiques. Il ne serait pas abusif de faire le lien entre la lourde charge sémantique des noms de lieux habités et leur sensibilité aux politiques linguistiques et <?page no="116"?> Georgeta Cislaru 116 116 116 autres influences socio-historiques. Et de rappeler que l’actualisation de n’importe quelle facette peut donner lieu à un emploi pragmatiquement orienté, voire à des manipulations discursives, lorsqu’il s’agit d’attacher des stéréotypes à des lieux, ou à des populations (cf. Cislaru, 2003 et 2007). 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Résumé Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques Cette étude se propose de fournir quelques clés pour l’analyse sémantique des toponymes, en contribuant ainsi à une théorie sémantique des noms propres. S’inscrivant dans une démarche référentialiste, elle assume l’hypothèse selon laquelle la nature de la référence impose des contraintes <?page no="118"?> Georgeta Cislaru 118 118 118 sémantiques. Les analyses portent sur la catégorie des noms de lieux habités - rues, villes, pays, etc. -, définie comme un continuum non homogène. En contexte, ces toponymes observent des positions et des combinatoires actualisant tour à tour ou conjointement les facettes LIEU, POPULATION, INSTI- TUTION/ ETAT et des emplois dérivés divers (événements, équipes sportives, etc.). Ce fonctionnement, régulier, révèle des mécanismes sémantiques sous-jacents qui permettent de rattacher chaque emploi dérivé à l’une ou l’autre facette, reconstituant ainsi le profil sémantique des noms de lieux habités. La description sémantique permet par ailleurs de mettre au jour toute une série de spécificités caractérisant chacune des sous-catégories de noms de lieux habités. Summary Toponymic facets : from contextual data to semantic models This paper aims at proposing some keys for the semantic analysis of toponyms, in line with a global semantic theory of proper names. The study is based on a referentialist approach and argues that the nature of the reference sets semantic constraints. The discussion is about the category of inhabited place-names (like names of streets, cities, countries, etc.) which is defined as non-homogenous continuum. Indeed, when used, these toponyms occupy specific syntactic positions and obey some combinatory rules that may focus all and separately the facets PLACE, PEOPLE, INSTITUTION/ STATE and derived values (events, sports teams, etc.). This functioning reveals semantic mechanisms sustaining the anchoring of each derived value to one of the facets, thus drawing the semantic profile of inhabited place-names. Last but not least, the semantic description brings into light particularities of each subcategory of inhabited place-names. Zusammenfassung Facetten der Toponyme : von kontextuellen Daten zu semantischen Modellen Ziel dieser Studie ist es, einige neue Aspekte zur semantischen Analyse von Toponymen zu liefern, womit ein Beitrag zur semantischen Theorie der Eigennamen geleistet wird. Ausgehend von einem referenziellen Ansatz, wird hier die Hypothese aufgestellt, dass die Natur der Referenz semantische Beschränkungen für semantische Beschränkungen verantwortlich ist. Schwerpunkt der Analyse bilden die Namen bewohnter Orte, wie Straßen, Städte, Länder etc., die als nicht-homogenes Kontinuum definiert werden. Im Kontext weisen diese Toponyme syntaktische Sonderstellungen auf und folgen bestimmten Kombinationsregeln, welche gemeinsam oder unabhängig voneinander die Facetten O RT , E INWOHNERSCHAFT , I NSTITUTION / S TAAT und deren verschiedene Derivate (Ereignisse, Sportmannschaften u.a.m.) aktualisieren/ zum Vorschein bringen. Diese (regelmäßige) Funktionsweise zeigt die der Semantik der Toponyme zugrunde liegenden Mechanismen <?page no="119"?> Les facettes des toponymes : des données contextuelles aux modèles sémantiques 119 119 auf, welche es erlauben, jeden derivierten Gebrauch mit der einen oder anderen Facette zu verknüpfen, wodurch das semantische Profil der Toponyme hergestellt wird. Die semantische Beschreibung ermöglicht es außerdem eine ganze Reihe an spezifischen Besonderheiten zu Tage zu fördern, welche jede Subkategorie dieser Wohnortsnamen charakterisiert. <?page no="121"?> Nebia Dadoua Hadria 1 & Belkacem Boumedini 2 L’algérianisation du territoire Algérie après l’indépendance. Cas des noms des quartiers à Oran Introduction La situation linguistique en Algérie se caractérise principalement par la coexistence de plusieurs langues : l’arabe classique, l’arabe algérien, le tamazight dans ses différentes variétés, et le français. L’actuelle Algérie a connu plusieurs colonisations qui ont facilité le contact entre la langue des Berbères, premiers habitants de cette région, et le français. Le tamazight, selon Salem Chaker : « peut être considérée comme la langue "autochtone" de l’Afrique du Nord […] la toponymie notamment n’a pas permis jusqu’ici d’identifier un quelconque sédiment pré-berbère » (Salem Chaker, 2003). La polémique autour de la langue en Algérie n’est accentuée qu’après l’indépendance du pays en 1962. Sous son aspect identitaire qui cache souvent un enjeu politique, les partisans de la langue arabe classique et ceux de la langue française continuent à s‘opposer laissant le peuple pratiquer librement son arabe dialectal et son berbère. Notre article tentera d’expliquer le phénomène de la pluralité linguistique chez une population qui a coexisté avec des occupants français de 1830 jusqu’à 1962 et qui s’est habituée à des appellations purement européennes des quartiers de leur ville et qui assiste ensuite à la redénomination des mêmes quartiers par des anthroponymes algériens. Quel est le degré d’acception ou de refus de ce changement ? Pourquoi certains noms algériens de quartiers ont fini par s’intégrer dans la langue des Oranais alors qu’ils préfèrent toujours garder les noms français pour d’autres quartiers? Le présent travail rendra compte de la politique française qui a voulu donner à la ville d’Oran (comme à toutes les villes algériennes) un paysage toponymique français et de la politique algérienne (après l’indépendance en 1962) qui a décidé de d’algérianiser les toponymes de la ville en choisissant 1 CRASC. Oran, Algérie dadouanebia@yahoo.fr 2 Université de Mascara et CRASC. Oran, Algérie bboumedini70@yahoo.fr <?page no="122"?> Nebia Dadoua Hadria & Belkacem Boumedini 122 soit des anthroponymes soit des noms de batailles, soit la traduction des noms lorsqu’il s’agit d’un lieu ou d’un relief à l’origine algérien. L’algérianisation des odonymes (du grec "odos" : rue), s’est concrétisée en 1963 par un décret 3 officialisant le remplacement des noms français des quartiers par d’autres, algériens. Notre réflexion va examiner le caractère historique de la désignation toponymique dans les deux périodes (période coloniale et post-coloniale) avec ce que cache comme idéologie ce choix toponymique. Nous commencerons par deux parties théoriques, où il sera question de présenter la situation linguistique de l’Algérie pour expliquer la présence du français comme langue co-officielle avec l’arabe classique qui est le symbole de la décolonisation. Nous parlerons également de la ville d’Oran, ville très liée à l’Espagne, andalouse et chrétienne, pour arriver enfin à l’analyse de notre corpus, composé des toponymes français et les toponymes algériens qui les ont remplacés. Pour vérifier ensuite (en nous reposant sur les quelques entretiens réalisés avec une population oranaise) par quels noms préfèrent-ils appeler ces quartiers et ces secteurs urbains. 1 Paysage linguistique de l’Algérie L’Algérie, pays du Maghreb, a connu plusieurs envahisseurs après l’arrivée des Arabes (Espagnols, Turcs) mais la polémique autour de la question de la langue n’a émergé qu’après la conquête française. Le retour officiel vers la langue arabe classique n’a pas pu changer le paysage linguistique algérien qui est caractérisé par la coexistence de plusieurs langues qui sont l’arabe classique, l’arabe algérien, le tamazight, et le français. L’Algérie est l’un des pays où le français est le plus utilisé, et malgré tout, l’État préfère rester un pays observateur dans l’organisation de la francophonie malgré la présence d’une presse francophone, d’une administration francophone, d’un enseignement dispensé en français et d’une production artistique qui recourt aussi au français. Pendant la période coloniale, la politique française consistait à remplacer l’arabe, langue des indigènes considérés comme « non civilisés », par la langue du peuple fort et civilisé, afin de former des « citoyens » capables de lire et écrire pour pouvoir par la suite exercer des métiers dont avaient besoin les colons, ou occuper des postes dans l’administration coloniale : 3 Décret n° 63-105 du 4 Avril 1963 relatif aux hommages publics. Article 3: Les changements de noms des wilayas, Dairas, Communes, Villages socialistes et autres agglomération, ainsi que les noms de quartiers, montagnes, oueds, sites touristiques et sites historiques s’effectuent dans le cadre de procédures établies par la réglementation en vigueur. <?page no="123"?> L’a lgérianisation du territoire Algérie après l’indépendance 123 « Progressivement le français s’étendra à tous les secteurs de la vie publique et, jusqu’à l’indépendance du pays, sera la langue officielle ». (Aziza Boucherit, 2002) Après l’indépendance, certes l’arabe littéraire a officiellement repris sa place puisqu’il : est lié aux deux sources de légitimité auxquelles puise le pouvoir : la lutte de libération nationale et la défense de l’islam (…) L’arabe était la langue nationale, le français celle du colonisateur (…) Par ailleurs, la langue arabe est étroitement liée à la naissance et au développement de l’islam. (Gilbert Granguillaume, 1997) Mais la réalité linguistique révèle une situation très compliquée dans le quotidien des Algériens : « Le langage utilisé par les “langues” au marché, sur les chemins et autres lieux populaires fréquentés par la masse ne peut pas être confondu avec le langage des plumes et du papier, des cahiers et des études, bref d’une élite.» (Mohamed Benrabah, 1999) Le français en Algérie nous amène à parler de son influence aussi sur le kabyle qui s’est enrichi lui-même au contact de plusieurs langues, notamment de l’arabe, et du français. Pour cette dernière, son impact est dû à une politique volontariste des autorités coloniales, mais aussi à une immigration massive des kabyles en France, depuis un siècle. En Algérie, les locuteurs francophones co-existent et communiquent sans difficulté avec des locuteurs arabophones et berbérophones car chez les trois types de locuteurs il y a un point commun, c’est la connaissance de l’arabe dialectal qui a précédé la présence du français en Algérie. Le Maghreb précolonial était un espace plurilingue, tout comme le Maghreb post-colonial. Dans le processus de libération, les élites (arabophones et francophones) ont joué un rôle fondamental. Dès le début de la colonisation du Maghreb (Algérie, 1830 ; Tunisie, 1881; Maroc, 1912), le français est devenu la langue officielle avec une présence de l’arabe classique dans l’enseignement « pour former l’encadrement nécessaire (imam pour les mosquées, c’est-à-dire pour les tribunaux et enseignants d’arabe) ». (Mohamed Benrabah, 1999) C'est en langue française qu'ont été mises en place toutes les institutions publiques modernes et en particulier l'école et l’administration. Parallèlement à l'imposition totale du français, la colonisation a donc été synonyme de marginalisation des langues et cultures locales. L'arabe classique, seule langue locale écrite a été déclassée par la colonisation : « L’arabe classique subit cet hégémonisme et connaît une véritable persécution au point d’être déclarée « langue étrangère » par un arrêté du 8 mars 1938 ». (Mohamed Benrabah, 1999) Néanmoins, après plus de 43 ans d'indépendance politique, la situation linguistique institutionnelle actuelle en Algérie est marquée par la cohabitation de deux grandes langues écrites, l'arabe par son statut juridique de <?page no="124"?> Nebia Dadoua Hadria & Belkacem Boumedini 124 langue officielle et le français par sa présence réelle dans plusieurs secteurs administratifs et économiques. Malgré la volonté de rendre à la langue arabe classique sa place comme langue officielle dans l’Algérie indépendante, la politique d'arabisation s'est néanmoins heurtée à de multiples difficultés matérielles et en particulier au manque d'enseignants. Le recrutement de milliers d'instituteurs du Moyen Orient (d’Egypte surtout) a permis d'entamer l'arabisation du système éducatif. Toutefois, dans l'enseignement supérieur le français cohabite encore avec l’arabe classique. De la même façon, l'arabisation de l'administration a rencontré des difficultés du même ordre. C'est-à-dire qu’en voulant arabiser il y a eu une résistance de l’élite francophone qui s’est opposée à une arabisation précipitée. 2 Oran la « wahran » des Algériens Les Algérien prénomment Oran el Bahia (la joyeuse ou la belle). L’histoire d’Oran est toujours liée à la présence espagnole en Algérie, dans sa création et dans son peuplement durant la période coloniale française (1830-1962). Oran : « La ville médiévale est fondée en 903 par des marins andalous. Le site, difficile à défendre, a été probablement choisi parce que c’était le seul site côtier de la région où l’eau douce était disponible. » (Tewfik Guerroudj, 2004) Même s’il ne reste que quelques monuments qui rappellent cette époque, comme le fort Santa crus et Mers-el-Kebir : « La ville a été occupée a deux reprises par les Espagnols (de 1509 à 1708 et de 1732 à 1791) et à part les monuments et forts, presque entièrement détruites une première fois par le séisme de 1791, qui a largement contribué à mettre fin à l’occupation espagnole. » (Tewfik Guerroudj, 2004) La population espagnole était fort présente pendant la période coloniale, ce qui a donné cette image d’une ville moins française que les autres villes algériennes : « Bien que considérée comme la plus européenne en même temps que la moins française des villes d’Algérie (à cause notamment de l’importance de sa population d’origine espagnole. » (Jean Pierre Frey, 2004) Contrairement à d’autres villes algériennes, la période arabo-islamique n’a pas laissé ses empreintes sur la ville d’Oran. Elle a plutôt gardé sa symbolique de ville méditerranéenne par excellence : Oran ne se donne pas à voir comme une ville fortement marquée par le cachet spécifiquement arabo-musulman propre aux autres villes traditionnelles algériennes, telles que Tlemcen, Mascara ou Mazouna par excellence. (Saddek Benkada, 2004) Le nom de Wahran est cité dans des écrits d’historiens arabes, bien avant sa désignation par les Espagnoles comme une forteresse. Elle figure dans les écrits d’El Bekri et Ibn Haoukal: « Le nom de wahran est cité pour la première fois par Ibn Haouqâl et El Bekri, le premier vers 971 et le deuxième en 1068. » (Farid Benramdan, 2004) <?page no="125"?> 125 Le nom d’Oran est très répandu dans le monde, tout comme sa chanson raï qui la fait connaître au monde entier: « Il existe au moins une dizaine de villes dans le monde qui portent le nom d’Oran. » (Amara Bekouche, 2004) Pour la plupart des oranais, le mot Oran est la prononciation française du mot arabe Wahran (du singulier Wahr) qui veut dire les deux lions et qui restent d’ailleurs le symbole de la ville jusqu’à nos jours. Hypothèse proposée par Pellegrin : L’hypothèse la plus plausible, reprise depuis dans toutes les explications, est celle formulée par Pellegrin en 1949 dans son livre Les noms de lieux d’Algérie et de Tunisie. Etymologie et interprétation. Oran ainsi que d’autres toponymes comme Tiaret, Tahert, Taher […]sont des formes dérivées d’un nom de souche berbère qui veut dire « lion ». (Farid Benramdan, 2004) 3 De la toponymie française à la toponymie algérienne Durant l’occupation française de l’Algérie, l’administration coloniale a décidé de rendre la ville européenne en donnant aux rues et aux quartiers des noms à consonance française. Nous retrouvons dans la nomenclature archivant les noms des quartiers sous leurs anciennes appellations et la nouvelle (après 1962), des noms de militaires : Georges Boulanger : ( 1837 - 1891) Ministre de la guerre ( 1886 -1887) ; hommes de lettres : Victor Hugo (Tirigou pour le locuteur algérien) ; de ministres : Léon Gambetta (1838 - 1882), ministre de l’intérieur dans le gouvernement de la défense nationale; de rois et reines : Albert 1 re (1815-1934), de saints : Saint Hubert et Saint Pierre , de batailles : Austerlitz et Sébastopol etc. Après l’indépendance les autorités algériennes décident à leur tour de redonner à la ville sa toponymie algérienne, elles ont alors renommé les rues et les quartiers (Tableau 1) et crée des secteurs urbains (Tableau 2) sous des noms de martyres, de personnalité politiques, des écrivains, des figures de la résistance face à l’occupation française, etc. Anciennes dénominations Nouvelles dénominations Boulevard Front de mer Rue Alsace Lorraine Rue d’Arzew Rue de Mostaganem Rue Cavaignac Rue Sébastopol Boulevard Lescure Rue Austerlitz Rue Bon accueil Jardin de L’étang Boulevard de l’A.L.N Rue Mohamed Khémisti Rue Larbi Ben Mhidi Rue de Mostaganem Rue Cheriat Ali Cherif Rue docteur Benzerdjab Boulevard Ziroud Youcef Rue Dahou Kada Rue Macta Jardin Ibn Badis L’a lgérianisation du territoire Algérie après l’indépendance <?page no="126"?> Nebia Dadoua Hadria & Belkacem Boumedini 126 Rue Magenta Rue Cavaignac Boulevard Saint Charles Rue Saint Pierre Delmonte Les Planteur Les Palmiers Saint Hubert Boulanger Abderrahmane Mira Bordj Abou El Hassan B.d. Ramdane Djamel Rue Ouled Moussa... El khaldia Essanaoubar Rue Ennakhil Rue Essalem Oussama Tableau 1 : rues et boulevards Anciennes dénominations Nouvelles dénominations Sid el Houari Centre ville Plateau Les castors Petit lac El Hamri Maraval Cité petit Le Rocher Canastel Gambetta Les Palmiers Saint Hubert Saint Eugene Sid el Houari el Amir Sid el Bachir el Makari Ibn Sina El Hamri el Outmania el Badr Bouamama el Manzah Essadikia Ennakhil Essalem Hamou Mokhtar Tableau 2 : Secteurs urbains 4 Que préférez-vous employer le toponyme français ou Algérie ? Nous avons posé deux questions à 200 personnes qui habitent Oran : - Utilisez-vous le toponyme français ou algérien dans l’appellation des quartiers, des rues et des secteurs urbains ? - Pourquoi ce choix (algérien ou français) ? Sur 200 personnes interviewées, 180 ont répondu qu’ils préfèrent utiliser le toponyme français pour la plupart des quartiers sauf pour les quartiers dont le nom algérien a bien été choisi. C’est le cas des rues Laarbi Ben Mhidi et khemisti (deux figures de la révolution algérienne), ou ceux qui ont gardé le même nom après l’indépendance comme la rue de Mostaganem, Sid El houari, El Hamri et dont la résonance est oranaise. Pour le reste des quartiers, toutes les personnes interviewées pensent que le mauvais choix des toponymes et le manque d’information (certains ne savent même pas que <?page no="127"?> 127 telle rue ou tel quartier ne porte plus le même toponyme français) a fait que beaucoup d’Oranais ne connaissent parfois même pas les noms nouveaux de ces quartiers, raison pour laquelle ils préfèrent toujours, en héritant de leurs parents et grands-parents, nommer les quartiers et les rues comme d’antan. Conclusion La toponymie algérienne en général et oranaise en particulier est un champ de recherche et d’investigation très riche, beaucoup de travail reste à faire par les chercheurs. Cette recherche nous a permis de comprendre que la fondation de la ville d’Oran remonte à l’époque andalouse même si le nom Wihran ou Wahran existait bien avant cette date. Durant la période coloniale française, Oran a connu l’immigration d’une forte population espagnole. Elle est dûe à son emplacement, et à son histoire marquée par la présence espagnole avant l’intervention turque. La politique de l’administration française, voulant franciser l’espace urbain oranais, a imposé aux quartiers des noms français qui seront remplacés par des noms algériens après l’indépendance. Aujourd’hui encore, jeunes et vieux utilisent le toponyme colonial au lieu des noms de l’Algérie indépendante. Cela est dû surtout au choix des noms, au manque d’information sur les nouvelles appellations et à l’attachement de certains au passé nostalgique. Bibliographie Bekkouche, Amara, 2004, Images d’Oran, in Oran une ville d’Algérie, Insaniyat, N° 23-24, Edition CRASC, Oran, 79-90. Benkada Saddek, , 2004, Savoirs militaires et modernité urbaine coloniale, in Oran une ville d’Algérie, Insaniyat, N° 23-24, Edition CRASC, Oran, 135-150. Benrabah, Mohamed, 1999(a), Algérie : les traumatismes de la langue et le raï, Revue Esprit, 22-47. Benrabah, Mohamed, 1999, Langue et pouvoir en Algérie, Paris, Editions Séguier. Benramdane, Farid, 2004, De l’étymologie de wahran: de ouadaharan à Oran, Oran,une ville d’Algérie, in Insaniyat, N° 23-24, Edition CRASC, Oran, 249-272. Boucherit, Aziza, L’arabe parlé à Alger, Paris, Editions Peeters, 2002, 253. Chaker, Salem, 2003, La langue berbère, in Les langues de France, sous la direction de Bernard Cerquiglini, Paris, PUF, 215-227. Frey, Jean-Pierre, 2004, figures et plans d’Oran 1931-1936, Oran une ville d’Algérie, in Insaniyat, N° 23-24, Edition CRASC, Oran, 111-134. Granguillaume, Gilbert, 1979, Langue, identité et culture nationale au Maghreb, Peuples méditerranéens N° 9, 3-28. Guerroudj, Tewfik 2004, les enjeux de l’organisation de l’agglomération oranaise, Oran une ville d’Algérie, in Insaniyat, N° 23-24, Edition CRASC, Oran, 45-61. L’a lgérianisation du territoire Algérie après l’indépendance <?page no="128"?> Nebia Dadoua Hadria & Belkacem Boumedini 128 Résumé L’algérianisation du territoire Algérie après l’indépendance. Cas des noms des quartiers à Oran La décolonisation en Algérie s’est accompagnée d’une réappropriation symbolique de l’espace toponymique. L’algérianisation des odonymes (du grec "odos" : rue), s’est concrétisée en 1963 par un décret officialisant le remplacement des noms français des quartiers par d’autres, algériens. Aujourd’hui encore dans des villes comme Oran, vieux et jeunes préfèrent encore nommer les quartiers par leurs toponymes français au lieu du toponyme algérien. Notre article tentera de s’approcher de ce phénomène. Summary The ‘Algerisation’ of the Algerian territory after the independence. Case of urban quarter names in the town of Oran The decolonization in Algeria was accompanied by a symbolic reappropriation of the toponymic space. The Algerianization of the odonyms (from Greek "odos": street), was concretized in 1963 by a decree officializing the replacement of the French names of the districts by other Algerian names. Still today, in cities like Oran, the old men like the young people prefer to call districts of the town by their French toponyms instead of the Algerian toponym. Our article will try to explain this phenomenon. Zusammenfassung Die ‚Algerisierung’ des algerischen Territoriums nach der Unabhängigkeit. Fall der Namen von Stadtvierteln Orans Die Entkolonialisierung in Algerien wurde durch eine symbolische Wiederaneignung des toponymischen Raums begleitet. Die algerischen Namen der Odonyme (von dem griechischen Wort "Odos": Straße), wird im Jahr 1963 durch ein Dekret verwirklicht, das offiziell den Ersatz der französischen Namen der verschiedenen Stadtteilen durch algerische vorsieht. Heute noch bevorzugen Alt und Jung in Städten wie Oran die Bezirke der Stadt durch ihre französischen Ortsnamen zu bezeichnen anstelle der algerischen Ortsnamen. Unser Artikel versucht, dieses Phänomen zu erklären. <?page no="129"?> Riham El Khamissy 1 La Révolution égyptienne a modifié Tahrir Introduction Avant le 25 Janvier 2011, beaucoup de personnes ne connaissaient pas à quoi renvoie Tahrir. Tahrir, ce Toponyme, dont la traduction littérale en français est bel et bien “Libération”, est devenu un haut lieu emblématique de ces jours de révolte qui ont jeté à bas le président Moubarak. Des milliers voire des millions de manifestants ont protesté, campé, se sont battus pendant 18 jours pour revendiquer la démocratie. La Révolution égyptienne de janvier 2011 a non seulement favorisé la notoriété de cette place du Caire, mais a donné au toponyme Tahrir des dimensions sémantico-pragmatiques particulières. Appeler les choses, les hommes, les lieux par leur nom n’est pas un acte anodin. Depuis la nuit des temps, depuis la création même, en donnant aux êtres leur juste nom, Adam leur assigne leur juste place dans la le discours à travers création, et par là-même s’installe à la sienne, dans l’ascendant que la parole lui donne sur tous les autres êtres animés. Cette scène mythique 2 use à des fins axiologiques et théologiques de la propriété première de la nomination qui, en même temps qu’elle catégorise l’objet nommé, positionne l’instance nommante à l’égard de ce dernier. (Siblot, 1997, 42) L’acte de nommer se réalise dans la langue et dans des éléments linguistiques tels que les noms propres et les noms communs dont le statut varie selon le point de vue linguistique à travers lequel ils sont appréhendés : dénomination, désignation, périphrase. Le Nom propre 3 est “une forme définie dans la langue et attribuée comme nom, dans le monde, à un individu” (Gary-Prieur, 2005, 59). Longuement abandonné à l’anthropologie et réservé aux pratiques lexicographiques, ce parent pauvre du nom commun, jusqu’à une époque récente, a été fortement négligé, voire “repoussé dans les marges, marges de la linguistique ou marges de la catégorie du nom commun” (Gary-Prieur, 1991a, 12). Dans les années 80 et avec la naissance de la linguistique historique et comparative se constitue une discipline au statut limitrophe et marginal, dans laquelle l’étude des noms propres va vivre d’une vie indépendante, l’onomastique qui étudie 1 Faculté des langues (AL ALSUN), Université Ain Shams rihamelkhamissy@yahoo.fr 2 Nous préférons à la qualification “mythique” celle de “religieuse”. 3 Désormais Np. <?page no="130"?> Riham El Khamissy 130 l’origine des noms propres, noms de personnes et noms de lieux”. (Molino, 1982, 5) Dès lors, appréhendé par des approches syntaxique et sémantique, le Np ne cesse de regagner de l’intérêt. En outre, le domaine de la linguistique informatique s’y intéresse et propose, à la fois, des outils de repérage et de traitement automatique correspondant à des besoins scientifiques ou industriels (Cf. Leroy, 2004a , 1-2). Les travaux de linguistique qui se sont réapproprié le Np ont tenté, dans un premier temps, de fixer les critères définitoires prototypiques du Np : du point de vue graphique, la majuscule; du point de vue morphologique, le nombre (singulier vs pluriel) ; sur le plan syntaxique, l’absence de détermination (hormis l’article au pluriel dans les noms de famille (patronyme ou anthroponyme)). Un des apports majeurs des approches linguistiques du Np consiste à examiner des constructions où le Np rompt avec les critères définitoires canoniques via des réalisations diverses. Leroy et Muni Toke (2007, 171) donnent une définition plus précise du Np modifié par opposition au Np typique : Les ‘noms propres modifiés’ sont des noms propres qui ne se présentent ni dans leur construction habituelle, sans article, ni avec leur fonction habituelle de désignation directe et immédiate d’un référent unique, mais au contraire se construisent avec un déterminant singulier ou pluriel, et/ ou des expansions diverses, peuvent aisément abandonner la position référentielle pour se trouver en position attributive et, de plus, rompent ou modifient parfois les liens qui les unissent à leur référent attitré, pour ne le désigner que partiellement ou de façon ‘oblique’, voire pour renvoyer à tout autre référent. C’est pour analyser ces emplois particuliers souvent décrits par Jonasson (1991 et 1994) - comme étant à cheval entre nom propre et nom commun - qu’apparaît la notion de modification du Np ou celle du Np modifié. Il s’agit d’emplois qui s’opposent, partiellement ou entièrement, selon le cas, aux emplois standards du Np. Dans cette étude, nous tâcherons de repérer et d’analyser les cas où le toponyme Tahrir a subi un changement référentiel et/ ou syntaxique dans le discours journalistique. Nous entendons montrer, via cette contribution, les valeurs discursives que le toponyme modifié Tahrir acquiert dans son contexte de réemploi 4 . Kleiber (1991, 83-84) - en renvoyant aux travaux des linguistes 5 qui se sont penchés sur le Np modifié - compte cinq emplois : dénominatif, fractionné (ou de fractionnement), exemplaire, métaphorique, métonymique. 4 Pour ce faire, nous envisageons de recourir aux notions développées dans le cadre théorique des Np modifiés. Les références aux travaux de Georges Kleiber, Krestin Jonasson, Marie-Noëlle Gary-Prieur, Nelly Flaux, Sarah Leroy, Michèle Noailly en témoignent. 5 Notamment Jonasson et Gary-Prieur. <?page no="131"?> La Révolution égyptienne a modifié Tahrir 131 Chaque emploi possède des structures morpho-syntaxiques qui lui sont propres et est doté de valeurs discursives qui varient selon le contexte. Dans ce qui suit, nous en examinerons deux emplois modifiés du toponyme “Tahrir”: l’emploi de fractionnement et l’emploi antonomasique. 1 L’emploi fractionné du toponyme Tahrir L’emploi de fractionnement du Np met en jeu une relation “partie-tout” entre le porteur du Np et le référent visé. Le référent du SN avec Nom propre modifié représente, quel que soit le nom qu’on lui donne et quelles que soient les sous distinctions que l’on peut faire, seulement une ‘partie’ du porteur du nom. (Kleiber, 1991, 98) Le Np adopte alors une construction relativement fixe : en général, le nom propre est précédé d’un article défini suivi d’une complémentation. Celle-ci est obligatoire, puisque le nom propre ne renvoyant pas à son référent tout entier, mais à une facette de ce référent, il est nécessaire de préciser laquelle par une complémentation. Le nom propre, dans cet emploi, s’inscrit généralement dans une opposition entre deux facettes du référent (…). On peut cependant le trouver en version ‘solo’ avec un déterminant indéfini. (Leroy, 2004a, 73) souvent suivi d’un adjectif qualificatif plus restrictif que descriptif, lequel ouvre un éventail d’interprétations vers un emploi modifié. Construit sur le patron syntaxique “Article défini + Np + Complément du Np”, l’emploi du Np de fractionnement l’Egypte de Tahrir a la particularité d’être composé de deux toponymes: “Egypte” et “Tahrir”. En nommant leur ouvrage L’Égypte de Tahrir, Claude Guibal et Tangui Salaün (2011) soulignent la nouvelle dimension que prend le Np “Tahrir”. “Tahrir” dépasse ici sa simple fonction de simple toponyme pour devenir un désignant événementiel (Laura Calabrèse, 2007, 63-71), et plus précisément d’un toponyme événementiel, sorte de dédoublement lieu-événement (Leroy, 2007, 299-306). Épicentre de la Révolution, “Tahrir” devient le Np de la Révolution elle-même. Par conséquent, l’Égypte de Tahrir devient synonyme de l’Égypte de la Révolution. Aussi lit-on : La place Tahrir d’avant n’était pas non plus celle dont on parle aujourd’hui (AVNERY, Uri, “Place Tahrir, Tel Aviv”, 25/ 4/ 2011/ source : http: / / www.france-palestine.org/ article17258.html, consulté 11/ 5/ 2011) Cet emploi fractionné met l’accent sur Tahrir en tant que lieu dont le statut varie : Tahrir d’avant la Révolution, la grande place sise au centre du Caire, et Tahrir d’après la Révolution, une tribune réservée au contestataires. <?page no="132"?> Riham El Khamissy 132 Jusqu’ici, la modification référentielle est partielle : pour peu que l’Égypte visée soit celle de Tahrir ou du futur, le référent reste l’Égypte même s’il s’agit de l’une de ses facettes. Or, il est des cas où la modification référentielle atteint son apogée, des cas où l’emploi modifié et l’emploi figuré s’entremêlent pour que le toponyme Tahrir se donne des appréciations nouvelles qui colorent sa représentation. Raison pour laquelle nous porterons dans ce qui suit un regard sur l’emploi dit “métaphorique” ou “antonomasique” 6 du toponyme Tahrir. 2 L’ Emploi métaphorique ou antonomasique du toponyme Tahrir Cet emploi s’appuie sur une relation de similarité entre le porteur initial du Np et le référent visé par l’énoncé. Ceci n’est possible qu’ “avec un Npr qui seul peut dénoter une propriété sans perdre la visée du référent, grâce au lien mémoriel qui le rattache à ce dernier” (Flaux, 1991, 35). Ainsi, sur le plan référentiel, “le caractère métaphorique de cet emploi du Np modifié réside dans la projection sur un référent discursif 7 des propriétés du référent originel” (Siblot et Leroy, 1994, 94). Sarah Leroy a tenu à détailler méticuleusement les critères syntaxiques et sémantico-référentiels qui permettent l’identification du Np en antonomase : Une antonomase, en discours, est un nom propre *obligatoirement précédé d’une détermination (déterminant défini, indéfini, possessif, démonstratif, numéral) ou dans une position syntaxique qui exclut la détermination : en apposition, objet d’un verbe comme ‘traiter de…’, ‘qualifier de…’, ‘traiter en…'; * optionnellement précédé (entre le déterminant et le nom propre : ce petit Mussolini) et/ ou suivi (un Godard de sous-préfecture) d’un ou de plusieurs (une sorte de Boris Vian du polar) compléments (adjectifs, complément de nom, proposition relative ET * associé à un référent (personne, lieu…) qui bénéficie d’une certaine notoriété : notoriété ‘historique’, très large (Homère, Aristote, Néron, Mozart…) notoriété ‘médiatique’, plus restreinte dans l’espace et le temps (Gabin, Mandela, Bill Gates, Bernard Tapie…) notoriété discursive locale (le référent du nom propre a été ou sera présenté au cours du discours précédant ou suivant l’antonomase 6 Si Kleiber, Jonasson et Gary-Prieur appelle cet emploi “Np modifié métaphorique” ou “emploi métaphorique du Np”, Flaux, Siblot et Leroy préfère s’en tenir à l’appellation d’“antonomase du Np” ou “Np antonomasique” (désormais Npa). 7 À ce propos, Jonasson (1994) parle de référent discursif. Or, l’adjectif “discursif” implique un référent mentionné en discours. Sarah Leroy (2003 : 166) propose l’appellation référent-cible qui n’exige pas une présence du référent dans le co-texte. <?page no="133"?> La Révolution égyptienne a modifié Tahrir 133 * Ne désignant pas, ou pas seulement, le référent qui y est habituellement associé. (Leroy, 2004b, 28-29) Revenons à la place Tahrir. Théâtre des affrontements et poumons de la Révolution, la place Tahrir est honorée dans la presse. On parle de « L’esprit de Tahrir » qui s’est propagé comme un feu de paille ranimant les assoiffés d’espoir, de bien-être, de liberté et de démocratie. Les journalistes font de Tahrir une source d’inspiration pour les insurgés. Sur ce, suite à la révolution égyptienne de janvier 2011, plusieurs places sont dénommées, occasionnellement, “Place Tahrir”. En mars 2011, la Place de l’indépendance au Sénégal est rebaptisée la place Tahrir, en référence à la Révolution égyptienne. (Cf. PENNETIER, Marine et FIÉVET, Jean-Loup, “Le Sénégal dénonce une tentative de coup d’Etat”, Le Nouvel Observteur, 19/ 3/ 2011. http: / / tempsreel.nouvelobs.com/ actualite/ monde/ 20110319.REU4848/ lesenegal-denonce-une-tentative-de-coup-d-etat.html, consulté le 10 mai 2011). De même, dans Word Press, on lit le titre suivant : La Place de l’indépendance est à deux doigts de devenir la Place Tahrir. (19/ 3/ 2011. http: / / wadedegage.wordpress.com/ 2011/ 03/ 19/ senegal-laplace-de-lindependance -a-deux-doigts-de-devenir-la-place-tahrir, consulté le 5 mai 2011) Au Sénégal, les marches des contestataires sont annoncées contre le régime du président Abdoulaye Wade, le 19 mars, date qui rappelle son arrivée au pouvoir. Si les manifestations à Dakar n’ont pas la même ampleur que celles du Caire, la référence à Tahrir est inéluctable, un mois après la Révolution de la jeunesse égyptienne, d’autant plus que les revendications des Sénégalais rejoignent celles des Égyptiens : promotion et bien-être social, lutte pour sauvegarder les libertés individuelles. Le contexte politique est analogue : Wade est sur le seuil de briguer un troisième mandat ou de faire de son fils, Karim, un héritier politique, un successeur, c’est-à-dire un autre Gamal Moubarak. Les airs de la Révolution traversent la méditerranée jusqu’au cœur de Madrid, à la Place Puerta del Sol. Ainsi, dans le Journal du dimanche du 20 mai 2011, Ivan Valério a choisi pour titre à son article l’interrogation suivante: La Puerta del Sol, nouvelle Place Tahrir ? (Le journal du dimanche, 20/ 5/ 2011, Source : http: / / www.lejdd.fr/ International/ Europe/ Actualite/ Madrid-des-milliersde-jeunes-espagnols-ont-brave-l-interdiction-de-manifester-a-la-Puerta-del- Sol-317327/ , consulté le 26 juin 2011) La structure appositive est bien claire : “La Puerta del Sol” (support de l’apposition) est appelée, via l’antonomase, la “nouvelle Place Tahrir”. <?page no="134"?> Riham El Khamissy 134 Survolant l’Atlantique, le toponyme “Tahrir” sert à désigner, à Washington, le campement prévu sur Freedom Plaza le 6 octobre 2011 à l’occasion du 10 ème anniversaire de l’attaque américaine contre l’Afghanistan) : Freedom Plaza, la future Place Tahrir américaine? (BASQUIAST, Jean-Paul, le blog du journal Média part, 8/ 6/ 2011, http: / / blogs.mediapart.fr/ blog/ jean-paul-baquiast/ 080611/ freedom-plazala-future-place-tahrir-americaine) Même si les populations espagnole et américaine ne se battent pas contre la dictature policière, ni pour déchoir un président en exercice, elles dénoncent l’abus du pouvoir, l’injustice sociale et la corruption des hommes politiques. Les revendications des contestataires, leur campement dans les places publiques, tout concourt pour suggérer l’image de Tahrir. Conclusion Somme toute, par ses configurations syntaxiques et ses jeux référentiels, le toponyme modifié Tahrir rejoint les phénomènes de construction du sens tout en rappelant que telle ou telle dénomination occasionnelle d’un lieu dans les textes médiatiques, n’est ni arbitraire ni objective. Nous avons tenu à montrer, pour les exemples étudiés, la motivation des emplois modifiés par rapport au référent originel ainsi que les valeurs discursives que le toponyme modifié acquiert dans son contexte de réemploi. Que la modification soit syntaxique, référentielle, ou syntaxico-référentielle, nous avons constaté que les textes de presse centrés sur la Révolution égyptienne ne manquent pas de créativité quant à l’usage du toponyme “Tahrir”. La presse fait souvent appel au Np pour éveiller des images qui servent à mieux interpréter notre quotidien, en mesurant un événement ou un lieu à l’aune d’un autre. Cette dénomination façonne, par sa capacité évocatrice, la manière dont le lecteur regarde l’actualité, va même, parfois, jusqu’à tester ses compétences encyclopédiques. De même, les textes médiatiques convoquent un lecteur complice, à la fois actif et coopératif, prêt à se mêler au jeu d’importation/ exportation qu’opère le Toponyme modifié Tahrir afin de trouver les points d’analogie entre le référent initial et celui visé. Au dialogisme interlocutif entre l’instance émettrice et l’instance réceptrice s’ajoute donc un brassage culturel assez fourni qui résulte de l’emploi du Toponyme modifié Tahrir. <?page no="135"?> La Révolution égyptienne a modifié Tahrir 135 Bibliographie I Sur le nom propre 1. Ouvrages GARY-PRIEUR, Marie-Noëlle, (1994), Grammaire du nom propre, presses universitaires de France, Paris. GARY-PRIEUR, Marie-Noëlle, (2001), L’individu pluriel. Les Noms propres et le nombre, CNRS, Paris JONASSON, Krestin (1994), Le Nom propre, Construction et Interprétation, Duculot, Louvain-la-Neuve. KLEIBER Georges, (1981) Problèmes de référence : descriptions définies et noms propres, Université de Metz, Metz. LEROY, Sarah, (2004a), Le Nom propre en français, éd. Ophrys, Paris. 2. Chapitres d’ouvrages collectifs BUCHI, Eva, (1996), Les structures du ‘Französisches Etymologisches Wörterbuch’. Recherches métalexicographiques et métalexicologiques, éd. Niemeyer, Tübingen. MONTSERRAT RANGEL, Vincente, (2004) “Le nom propre en discours : statut et fonctionnement des informations référentielles”, in La nomination : quelles problématiques, quelles orientations, quelles a lications ? , ouvrage collectif sous la dir de Françoise Dufour, Elise Dutilleul-Guerroudy, Bénedicte Laurent, éd. Praxiling CNRS, Université Paul Valéry-Montpellier 3, 2004, Montpellier, .129-139. 3. Articles de revues scientifiques BACO, Paul, DOUZOU, Laurent, et HONORÉ, Jean-Paul, (2008) “Chrononymes. La politisation du temps”, in Mots. Les langages du politique, n°87, 5-12. BALAYN, Jean-Daniel et MEYER, Bernard (1981), “Autour de l’antonomase du Nom propre”, in, Poétique n° 46, 1981, 183-199. 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GARY-PRIEUR, Marie-Noëlle, (1991a), “Le nom propre constitue-t-il une catégorie linguistique ? ”, in Langue française, n° 92, (“Syntaxe et Sémantique du nom propre”), 4-25. GARY-PRIEUR, Marie-Noëlle, (1991b)”La modalisation du Np”, Langue française, n°92, (“Syntaxe et Sémantique du nom propre”) 46-63. GRANGER, Gilles, (1982),”A quoi servent les noms propres? ”, in Langages n° 66 (“Le Nom propre”), 21-36 <?page no="136"?> Riham El Khamissy 136 KLEIBER Georges, (1991) “Du nom propre non modifié au nom propre modifié : le cas de la détermination des noms propres par l’adjectif démonstratif”, in Langue française, n°92, (« Syntaxe et sémantique du Np »), 82-103. LEROY, Sarah et MUNI TOKE, Valelia (2007), “Une date dans la description linguistique du Nom propre : L’Essai de la grammaire de la langue de Damourette et Pinchon”, in Lalies , n°27, ENS, Paris, 115-190. 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Ce Toponyme, dont la traduction littérale en français est bel et bien “Libération”, est devenu un haut lieu emblématique de ces jours de révolte qui ont jeté à bas le président Moubarak. En nous basant sur la théorie de la modification des noms propres, nous tâcherons de repérer et d’analyser les cas où le toponyme Tahrir a subi un changement référentiel et/ ou syntaxique dans le discours journalistique. Nous entendons montrer via cette contribution, les valeurs discursives que le toponyme modifié Tahrir acquiert dans son contexte de réemploi pour éveiller des images qui servent à mieux interpréter notre quotidien, en mesurant un événement ou un lieu à l’aune d’un autre. Summary The Egyptian revolution modified Tahrir Before the 25th of January 2011, many people did not know what Tahrir refers to. This place name, whose literal translation in French is actually “Liberation”, became a symbol of these days of revolt that threw down with Mubarak. Based on the modification of proper names theory, we will try to identify and analyse where the toponym Tahrir has undergone a referential and / or syntactic change in the journalistic discourse. We intend to show, through this paper, discursive values that the modified toponym Tahrir acquired in its context of re-use to better interpret our topicality, measuring an event or place in the light of another. Zusammenfassung Die ägyptische Revolution hat den Namen Tahrir modifiziert Vor dem 25. Januar 2011 haben viele Menschen nicht gewusst, auf was sich ‘Tahrir’ bezieht. Dieser Ortsname, dessen wörtliche Übersetzung ins Französische eigentlich “Libération (Befreiung)” bedeutet, wurde zum Symbol dieser Tage der Revolte, in denen der ägyptische Präsident Mubarak gestürzt wurde. Wir werden versuchen, die Fälle zu identifizieren und zu analysieren, wo der Ortsname Tahrir einen referentielle und/ oder syntaktischen Wandel in dem journalistischen Diskurs durchlaufen hat, indem wir uns auf die Theorie der Modifizierung von Eigennamen stützen. Wir wollen mit diesem Beitrag zeigen, welchen diskursiven Wert der modifizierte Ortsname Tahrir in seinem Kontext der Wiederverwendung erlangt hat. Wie er Bilder weckt, die dazu dienen, unseren Alltag besser deuten zu können, indem ein Ereignis oder ein Ort an der Entstehung eines anderen gemessen wird. <?page no="139"?> Marie-Noëlle Gary-Prieur 1 & Michèle Noailly 2 Les noms de ville, noms de lieu par excellence Contrairement aux noms propres de personne (Npp), qui ont tous uniformément pour référents des êtres humains, les noms propres de lieux (Npl) renvoient à des types de référents d’une grande variété : ainsi, on donne un Np aux villes (Paris), aux fleuves (le Danube), aux régions (la Provence), aux montagnes (le Mont-Blanc), mais aussi à un cinéma (le Rex), à un parc (le Jardin des Plantes, le Thabor), à un lieu culturel (la fondation Cartier, Beaubourg), etc… On peut donc s’attendre à ce que l’hétérogénéité des référents de ce qu’on appelle couramment « noms propres de lieu » ait une incidence sur le fonctionnement linguistique de ces noms. Nous souhaitons montrer ici que l’appellation intuitive « noms de lieu » n’est pas assez précise, et qu’il convient d'établir une sous-catégorisation des noms propres de lieu sur la base de leurs propriétés linguistiques. Pour cela, on s’intéressera au cas des noms de villes (Npv) dans la mesure où, comme on le montrera, ils tiennent une sorte de position intermédiaire entre les Npp et les autres Npl. 1 Propriétés partagées par les Npv et les Npp 1.1 Propriétés morphosyntaxiques 1.1.1 Unités lexicales morphologiquement simples Les Npv sont des unités lexicales morphologiquement simples. Alors que tous les autres Npl sont construits avec article, les Npv sont sans article et partagent cette propriété avec les Npp : Vienne, comme Balzac vs la France, le Rhin. On peut penser que l’absence d’article a la même cause dans les deux cas : dans Noailly (1995), il a été formulé l’hypothèse que cette absence d’article correspondrait à une perception directe du référent comme une totalité. C’est une évidence pour les Npp ; quant aux villes, du moins dans leur état ancien, c’étaient des espaces restreints et clos (par des murs d’en- 1 Professeur Honoraire, Université de Lille III mnprieur9onlinefr@gmail 2 Professeur Honoraire, Université de Bretagne Occidentale michele.noailly@orange.fr <?page no="140"?> 140 Marie-Noëlle Gary-Prieur & Michèle Noailly ceinte, des fossés, etc…), donc susceptibles d’une saisie globale 3 . On ne peut au contraire percevoir les fleuves, les pays, etc… que partiellement. L’article défini qui est apparu en moyen français devant les noms d’entités géographiques étendues servirait alors à signaler une unicité référentielle qui ne s’impose pas d’elle-même à la perception. 4 On pourrait objecter que certains Npv, comme certains Npp, semblent malgré tout contenir un article incorporé : par exemple Le Mans, Le Havre, pour les villes, Le Clézio, Le Corbusier, pour les personnes. Dans la tradition, l’article masculin des Npv donnait lieu aux contractions habituelles après les prépositions à et de, à la différence de celui des Npp : la ville du Mans, un voyage au Havre vs la femme de Le Clézio, un dessin attribué à Le Corbusier (*la femme du Clézio, *un dessin attribué au Corbusier). Mais l’usage de cette contraction n’est pas constant, et dans des circonstances exigeant une reconnaissance plus immédiate (ou plus officielle) du nom de ville, on peut lire ou entendre, sans contraction: 1. « X, décédé à Le Relecq Kerhuon, Finistère, le 23 juin 1979… » (sur un registre d’état-civil, en face de l’acte de naissance de la personne en question) 2. « Mesdames et Messieurs, dans quelques instants, nous arriverons en gare de Le Mans ». ( annonce SNCF, le 26/ 12/ 2011, 19h35) Par ailleurs, dans des constructions où le Np est précédé d’un article et suivi d’une expansion, on constate que l’article lexical se maintient aussi bien pour les Npv que pour les Npp; on dit Le Le Havre des années trente comme Le Le Corbusier de la Cité radieuse. Donc l’article constitutif de ces Npv est peutêtre en train de devenir, comme pour les Npp, un article intégré à la forme lexicale du nom. Ce qui rangerait les N de ville, quels qu’ils soient, dans le groupe des Np morphologiquement simples. 1.1.2 La construction Np le [adj/ N] De l’absence d’article découle une propriété syntaxique commune aux Npv et aux Npp : c’est la construction Np le [adj / N]. Comme on a, avec adjectif, Pierre Le Grand, Philippe le Bel et, avec nom, Mendès la rigueur (Orsenna), Gisi la gardeuse d’oies (A. Desai), Tapie le sale gosse (Nouvel Observateur), on a d’un côté Collonges-la-rouge, Annecy-le-vieux 5 , de l’autre Signy l’Abbaye, Neauphle le Château, Bourg la Reine, Pont l’Evêque 6 . Ces associations sont tantôt 3 Témoigne de cette différence l’usage de représenter les villes par de simples points sur les cartes géographiques, tandis que les pays sont représentés par des surfaces et les fleuves par des lignes. 4 C’est à la même époque qu’est apparu l’article devant les noms abstraits, et pour la même raison : leurs référents ne s’imposent pas directement à la perception. 5 On négligera ici la question de savoir si la présence ou l’absence de traits d’union se justifie. 6 Pour les quatre derniers exemples, une même morphologie recouvre des relations logiques différentes (cf. ci-dessous 1.2.) <?page no="141"?> Les noms de ville, noms de lieu par excellence 141 stables, tantôt occasionnelles. Pour les Npl, il s’agit le plus souvent de désignations stabilisées, qui constituent le nom même de la ville, permettant parfois de distinguer deux villes voisines (Malay-le-grand vs Malay-le-petit, dans l’Yonne). Mais on rencontre aussi des formations éphémères, qui mettent l’accent sur telle propriété en fonction des exigences d’un discours : Oléron la lumineuse, dans un dépliant touristique de Charente Maritime, Sienne la sanglante (Beauvoir), Moscou le fou, Maubeuge la discrète, Avesnes l’historique (titres d’articles de journaux). Pour les Npp, c’est un peu l’inverse : on a surtout des formations discursives, et seules certaines d’entre elles se sont stabilisées jusqu’à devenir le nom officiel de leur référent, notamment quand il s’agit d’un roi, puisqu’elles peuvent alors prendre une valeur distinctive (Philippe le Hardi / Philippe le Bon / Philippe le Bel…). Cette ressource syntaxique est inaccessible aux Npl à article défini, comme elle l’est aux noms communs, et c’est certainement dans les deux cas la présence de l’article initial qui la bloque : *la Loire la paresseuse, *la France la douce, *le roi le chauve, *la ville la rouge. 1.1.3 Association par contiguïté référentielle D’autre part, dans les deux domaines de désignation, villes et personnes, on observe la même possibilité de nommer un référent nouveau par coordination directe de deux unités initiales en relation de contiguïté référentielle : pour les noms de personnes, on peut construire de nouveaux désignateurs pour baptiser des associations (généralement professionnelles) de deux individus, comme Simon et Garfunkel, Stone et Charden, Pills et Tabet (duos de chanteurs) ou Villeroy et Boch, Bang et Olufsen, Rivoire et Carret (noms de marques) ; on trouve de même des noms d’agglomérations qui sont formés par coordination de deux noms de villages antérieurement distincts : Beauregard et Bassac, Nojals et Clottes (Dordogne), Suc et Santenac (Ariège), Ployart et Vaurseine (Aisne), etc. On obtient dans les deux cas une entité de même nature que les deux constituants initiaux. Parallèlement à ces formations où la coordination est marquée par et, on en trouve d’autres qui procèdent par juxtaposition immédiate, les deux unités initiales étant alors souvent reliées par un trait d’union : Charleville- Mézières, Boileau-Narcejac, Erckmann-Chatrian, Roux-Combaluzier ou, plus récent, Arcelor-Mittal 7 . Il s agit là encore d'associations par contiguïté, une contiguïté sans doute plus étroite que dans le cas précédent. Notons que, pour ce qui concerne les accords, ils se feront bien au singulier la plupart du temps, en dépit de la dualité initiale de l objet constitué. Ainsi on dira : 7 On trouve fréquemment dans la presse la graphie ArcelorMittal, en un seul mot, ce qui rappelle la forme Budapest, nom d’une ville constituée de Buda et de Pest. ’ ’ <?page no="142"?> 142 Marie-Noëlle Gary-Prieur & Michèle Noailly 3. Charleville-Mézières a vu sa population augmenter dans les dix dernières années. 4. Arcelor-Mittal prépare sa fusion avec une groupe concurrent. Avec et, il en va de même : 5. Beauregard et Bassac organise un marché à la ferme mercredi. 6. Villeroy et Boch propose de très jolis plats à baeckeofe. Seuls résistent les noms de personnes associées, quand elles ne forment pas un trust, comme ci-dessus, mais une vraie association de deux talents. On dira plutôt : 7. Simon et Garfunkel ont sorti (vs *a sorti) leur dernier disque il y a bien longtemps. Malgré leur association, les deux individus restent distincts, en tant que personnes physiques (et morales). Comment la langue procède-t-elle avec les autres Npl ? On n’a aucune formation par coordination. Certes il existe bien des coordinations lexicalisées sur la base de deux noms de fleuves, mais c’est pour nommer une entité qui n’est pas l’ensemble constitué par les deux fleuves : l’Indre et Loire, l’Ille et Vilaine, la Seine et Marne, etc. désignent des départements. La formation par juxtaposition, quant à elle, est possible, moyennant toutefois la mise en facteur commun de l’article défini : c’est le cas de l’Alsace-Lorraine, le Poitou-Charentes (vs*l’Alsace et Lorraine *le Poitou et Charentes). 1.2 L’ambiguïté référentielle Npp et Npv partagent la propriété de renvoyer, selon l’énonciation, à des individus différents, Pierre, Juliette, Dorval, Chevalier, d’un côté, Clermont, Chazelles, Mareuil, de l’autre. Ce n’est pas le cas pour les autres Npl, dont le référent est strictement unique : le Rhône, la Bourgogne, l’Italie 8 . On se rappelle le tollé qu’a provoqué en Grèce le choix du nom la Macédoine pour nommer un pays nouveau, alors que le nom en question était déjà “pris” pour désigner une région du nord de la Grèce. L’homonymie (au sens étymologique du terme) est de fait interdite dans ces cas-là, alors qu’elle est fréquente pour les Npp et, dans une moindre mesure, pour les Npv, le phénomène tenant à la multiplicité (infinie) des personnes et (relative) des villes, par opposition avec le nombre plus restreint des autres entités géographiques que les sociétés jugent utiles de dénommer. Pour lever les ambiguïtés consécutives à ce phénomène, on a élaboré des stratégies de combinaisons à vocation distinctive. Les associations qui en résultent ne reposent pas sur la contiguïté mais donnent à ce qui suit le Np initial une vocation d’épithète distinctive. De même que pour les personnes, on associe en discours un prénom à un nom de famille, ou l’inverse, de même pour distinguer une agglomération d’une autre, on combine deux noms : on 8 Y aurait-il une corrélation entre la présence de l’article défini et cette unicité du référent ? Nous laisserons ici cette question en suspens. <?page no="143"?> Les noms de ville, noms de lieu par excellence 143 a par exemple, à coté de Château (Saône et Loire), Château Bernard (Charente), Château Chalon (Jura), Château Chinon (Nièvre), Château Gontier (Mayenne) , Château Guibert (Vendée), etc. On peut aussi recourir à d’autres procédés, assez divers (Np de Np, Np le Nc, Np à le Nc) : ainsi un Royère de Vassivière, ou un Sommières du Clain, noms de villages qui pourraient tout aussi bien être un nom de famille « à particule », comme le sont Dunoyer de Segonzac ou Ponson du Terrail. Ou encore Neuvicq le Château, sur le même modèle que Luke la main froide ou Pierrot les gros bras (Neuvicq a un château, comme Luke a la main froide, et Pierrot de gros bras) ; ou encore Neuville aux bois, comme Yseult aux blanches mains (pour distinguer le premier de Neuville au cornet, ou de Neuville Bourjonval, et la seconde de Yseult la Blonde). 9 En synchronie, ces constructions gardent leur valeur distinctive, mais ont assez souvent perdu tout caractère descriptif. Il faut tout de même noter que les Npv disposent de ressources morphosyntaxiques supplémentaires, car à celles qu’on vient de citer s’ajoutent des constructions faisant intervenir des prépositions de lieu, sur, sous, lès (lez), en : St-Sylvestre sur Lot, Mussey sous Dun, Ste-Foy lès Lyon, Clermont en Argonne. Ces assemblages spécifiques tiennent évidemment au fait qu’une ville est localisable par rapport à son environnement géographique (fleuve, région, autre ville), alors que l’identification d’une personne est indépendante de toute localisation dans l’espace. De ces observations sur la proximité avec les Npp, on retiendra que ce qui caractérise les Npv, c’est, paradoxalement, l’absence d’étendue, propriété qui les oppose aux autres Npl. On peut donc soutenir que l’inévitable étendue des villes dans le monde n’est pas un critère pertinent pour leur représentation dans la langue. Est-ce à dire que la ville n’a rien à voir (linguistiquement parlant) avec une entité géographique ? Ce n’est pas si simple, comme on va le constater dans la suite. 2 Npv et autres Np de lieu En effet, le comportement des Npv et des Npp s’oppose à d’autres égards, et on voit alors les Npv partager certaines propriétés avec d’autres Npl. Certes, les villes, dans les dictionnaires, sont d’abord définies par le nombre de leurs habitants, et non par leur étendue, alors qu'on indique en premier lieu pour les pays, leur surface, pour les fleuves leur longueur, pour les montagnes leur point culminant. : en cela, les villes s’opposent bien aux autres entités géographiques. Mais malgré tout, elles se comportent plus ou moins comme elles dans certaines situations : les phénomènes d’anaphore associative et de 9 On a décrit sous 1.1.2 des constructions à effet principalement descriptif mais susceptibles parfois, comme celles-ci, d’une valeur distinctive. <?page no="144"?> 144 Marie-Noëlle Gary-Prieur & Michèle Noailly possession inaliénable (2.1.)., la multiréférentialité (2.2.), une relative incapacité à l'interprétation exemplaire (2.3.). 2.1 Le rapport de la partie au tout 2.1.1 Relation d’anaphore associative La relation d’anaphore associative 10 semble concerner l’ensemble des noms propres de lieux, et parmi eux, les Npv. (8, 9, 10) . En revanche, elle ne fonctionne pas avec les Npp (11) : 8. Nous arrivâmes à Périgueux. Les vieilles maisons se teintaient d’ocre au soleil couchant. 9. La barque glissait sur le Gange. L’eau charriait les pétales des fleurs offertes aux morts. 10. L’Italie est d’une beauté inépuisable. Même les plus petites villes ont un charme fou. 11. *Franz Liszt était un pianiste prodigieux. Les mains semblaient voler sur le clavier. (vs Ses mains semblaient voler sur le clavier) On sait que le fonctionnement de l’anaphore associative implique que la partie puisse être conçue comme détachable du tout. Or un individu humain est pensé comme une unité indivisible (cf. Noailly, 2000 et Gary-Prieur, 2001). Et de ce fait, tout ce qui concerne une partie concerne ipso facto la personne dans son ensemble. Les Npv s’opposent donc ici aux Npp en ce qu’ils ne renvoient pas à un individu humain 11 . C’est cette spécificité de l’humain qui est en cause, et on retrouverait le même effet de contraste avec des noms communs : 12. Nous arrivâmes à la ville d’étape. Les vieilles maisons se teintaient d’ocre au soleil couchant. 13. *Le pianiste était prodigieux. Les mains ( vs ses mains ) semblaient voler sur le clavier. 2.1.2 Construction de possession inaliénable Pour la même raison, le comportement des Npp et celui des Npv s’opposent dans les constructions dites de possession inaliénable 12 . La relation partie/ tout d’un SN de la forme N1deN2 peut se réécrire sous la forme d’ 10 Rappelons qu’il s’agit de la relation anaphorique qui s’établit entre un nom N1 et un nom N2 référant à une partie de N1 (par exemple : Un village se détachait dans le lointain. L’église avait un mur clocher) ; pour une présentation de cette notion, on peut se reporter à Kleiber, 2001. 11 Certes les Npv peuvent viser des collectifs humains, comme quand on dit Paris est dans la rue, mais les noms collectifs humains ne sont pas visés par cette règle : cf Le groupe se dispersa, les voix s'éloignèrent. 12 On appelle possession inaliénable la relation entre une personne et une partie considérée comme constitutive d’elle même, généralement une partie du corps, mais pas seulement (Paul a les yeux verts / la cravate de travers). <?page no="145"?> Les noms de ville, noms de lieu par excellence 145 une phrase à verbe avoir quand il s’agit d’un possesseur humain. Les Npv, eux, comme les autres Npl, interdisent cette. réécriture. La relation partie/ tout ne répond donc pas aux mêmes contraintes selon qu’on a affaire à un Npp ou à un N de lieu, villes incluses. Cf. 14 vs 15 et 16 : 14. Les yeux de Lorenzo sont d’un vert changeant. / Lorenzo a les yeux d’un vert changeant. 15. Les canaux de Venise sont d’un vert changeant. / *Venise a les canaux d’un vert changeant. 16. Les paysages d’Italie sont enchanteurs. / *L’Italie a les paysages enchanteurs. 2.2 La multiréférentialité des Np de lieux habités Les Npv et les N de pays ont en commun de renvoyer à des « lieux habités ». Il s’ensuit que, selon les contextes, ils sont compatibles avec des prédicats soit portant sur une entité physique, soit renvoyant à des activités ou des sentiments humains : 17. Paris est en travaux. La Grèce est montagneuse. 18. Paris est en colère. La Grèce est en colère. Dans un cas, le Np renvoie à une ville / un pays en tant que réalité physique ; on évoque les rues de Paris, les paysages de Grèce ; tandis que dans l’autre cas, ces mêmes noms renvoient à ces villes ou pays en tant qu’ils constituent des lieux de regroupements humains. Il ne s’agit évidemment pas d’un phénomène de « polysémie », puisqu’un Np n’a pas de sens à proprement parler, mais de la possibilité qu’ont ces noms propres de renvoyer à différentes facettes 13 de leur référent. Voici une illustration récente de ce phénomène, dans deux énoncés du même article de journal : 19. Athènes réduit ses dépenses militaires sous la pression du FMI et de l’Europe. Des avions militaires sont tranquillement posés au cœur d’Athènes, à côté de chars et de canons, dans le quartier des ambassades. (Le Monde, 7/ 2/ 12) Dans la première phrase, Athènes désigne le gouvernement grec, tandis que dans la seconde, ce même nom désigne l’espace urbain. C’est évidemment le sens des prédicats associés au nom qui décide à chaque fois de l’interprétation ; hors contexte, le type de référent à affecter à un Npv reste indéterminé. Le contexte étroit de l’énoncé peut même être insuffisant à le préciser : à un jugement comme Lyon, c’est formidable ! , on peut rétorquer A quel point de 13 Certains noms renvoient, selon le contexte, à des contenus différents, sans qu’il s’agisse d’un phénomène de polysémie. Par exemple le nom livre ne vise pas le même type de référence dans Ce livre est lourd et Ce livre est intéressant. Pour la mise en place de cette notion de facette, on peut se reporter à Cruse (1996). <?page no="146"?> 146 Marie-Noëlle Gary-Prieur & Michèle Noailly vue? La vie culturelle? La beauté des lieux ? L’équipe de foot? La municipalité? etc. Certes l’individu humain est aussi, de fait, une entité physique, mais cette dernière est conçue comme indissociable de l’unité que constitue la personne. Alors qu’une proposition comme Paris est sens dessus dessous peut signifier ou bien qu’il y a des travaux partout, ou bien que les habitants sont en insurrection, l’interprétation de Paul est sens dessus dessous, à l’inverse, est univoque et concerne l’état psychologique de la personne. Ces faits, comme ceux qui ont été présentés dans les deux paragraphes précédents, montrent bien que les Npv renvoient à des référents plus complexes que les Npp. Une personne est conçue comme un individu au sens étymologique du terme : elle est « simple », c’est-à-dire indivisible. 2.3 L’interprétation exemplaire Les Npp (surtout de personnes connues, mais pas seulement) sont susceptibles, précédés d’un article indéfini, de donner lieu à une interprétation dite “exemplaire”, comme dans: 20. « Contrairement au jeu fataliste d’une Edwige Feuillère, par exemple, Martine [Carol] se conduit comme une jeune femme de 1950. » (Libération) 21. « Il n’y a pas d’école philosophique latino-américaine, mais une référence constante à l’existentialisme d’un Sartre ou, surtout, à l’ontologisme d’un Heidegger. » (Libération, 13/ 02/ 92) 22. Jadis, les grands voyageurs ne témoignaient que de la splendeur du monde, voyez un Nicolas Bouvier…(Libération, 1/ 2/ 12) 23. La légitimité de François Hollande sera beaucoup plus forte que celle d’un Nicolas Sarkozy aujourd’hui (député PS, sur France-Inter, 7/ 2/ 12) Dans un énoncé de ce genre, un Npp paraît renvoyer au même référent que Npp seul, et l’article un donne à ce référent le statut d’un modèle : un Npp vaut pour « Np, en tant qu’il constitue un exemple » (d’où l’effet souvent mélioratif, et plus rarement péjoratif de telles tournures). Or il se trouve que pour une ville, cette interprétation, quoique concevable, est beaucoup moins naturelle. On peut certes imaginer « ? Une Athènes, c’est un miracle qui ne se renouvellera jamais. » (à propos de la philosophie antique) pour dire « le modèle démocratique athénien du Vème siècle ne se renouvellera jamais », ou, plus difficile encore, « ? ? Un Lyon, un Bordeaux auraient pu devenir des villes capitales », mais de fait, on ne dispose d’aucun exemple attesté. Et cette interprétation exemplaire semble encore plus improbable avec les noms de pays : même si la Suisse est un modèle connu de pays riche, on ne dira pas aussi bien *Puisqu’il faut de l’argent, une Suisse, un Luxembourg pourraient être sollicités que Puisqu’il faut de l’argent, un Lagardère, un Bolloré pourraient être sollicités. Pourquoi ? C’est peut-être la multiréférentialité commune aux noms de villes et de pays qui explique les différences observées : pour qu’un individu soit érigé en modèle, il faut qu’on puisse avoir de lui une représentation simple. Une ville ou un pays comportent trop de facettes pour qu’on sache de quel point <?page no="147"?> Les noms de ville, noms de lieu par excellence 147 de vue les désigner comme modèle. Mais il se peut aussi que l’interprétation exemplaire soit réservée aux humains parce qu’elle implique un jugement de valeur (d’ordre moral ? ) que les villes en principe ne suscitent pas. Ce point reste pour l’instant sans explication décisive. 2.4 Npv et noms d’événements Jusqu'ici, on a pu examiner un certain nombre de propriétés qui rapprochent les Npv des autres noms de lieux habités, mais sans toutefois qu'ils puissent être exactement assimilés à eux. Or précisément, ce statut, au sein des autres Npl mais un peu à part, pourrait être confirmé par une propriété qui semble appartenir en propre aux Npv : c’est l’usage qu'on fait d'eux pour désigner un événement rattaché au lieu qui en a été le théâtre, comme dans: 24. « Karachi : le combat des survivants contre l’Etat » (titre, M. 04/ 01/ 2012, p. 12) Dans cet énoncé, le Npv Karachi ne renvoie pas à la ville, mais à cet attentat qui l’a rendue tristement célèbre. Et si cette affaire prend un pouvoir symbolique suffisant, il se peut que le Npv Karachi devienne la désignation de tout attentat du même ordre (cf. Outreau, Tchernobyl, Fukushima). Cet emploi du Npv est extrêmement régulier, comme l’ont montré les travaux récents de M. Lecolle (cf. Lecolle, 2006 et 2007). Mais il faut préciser qu'il concerne des Npv peu connus par ailleurs et qu’un événement (en général dramatique) a fait accéder brutalement à la notoriété. La ville n’est connue du grand public que par (et depuis) cet événement et, dans la mémoire collective, elle se confond avec lui. Curieusement, les Np de pays ne donnent guère lieu à ce type d’interprétation. Dirait-on le Darfour ou la Tchétchénie pour désigner les drames qui s’y sont déroulés ? C'est peu probable. Sans doute parce qu'un pays, même peu connu par avance, ne saurait se réduire à un seul événement. Quant aux Npp, ils sont plus radicalement encore exclus de ce genre d’interprétation. On ne dit pas Dreyfus, ni Bettencourt pour désigner les affaires associées à ces noms, probablement parce que les Npp ont des référents trop simples : un événement implique des péripéties et un multiple d’acteurs, et ne saurait se résumer au nom de l’un d’entre eux, en fût-il le protagoniste. Il y a ainsi une relation très privilégiée entre Npv et événement. En conclusion, nous pouvons maintenant préciser à quoi tient la « position intermédiaire » des Npv, entre Npp et Npl. Ce qui rapproche les Npv des Npp, c’est que les deux types de noms renvoient à un référent saisi comme une unité ponctuelle, indépendamment de toute considération d’étendue dans l’espace. A l’opposé, ce qui rapproche les Npv des noms de pays, c’est leur multiréférentialité, la multiplicité de leurs facettes, leur compatibilité avec des prédicats renvoyant soit à leur population, soit à leurs instances dirigeantes, soit à leur configuration matérielle. Nous aimerions maintenant proposer une hypothèse sur la spécificité des <?page no="148"?> 148 Marie-Noëlle Gary-Prieur & Michèle Noailly Npv dans l’ensemble hétérogène de ce qu’on appelle habituellement « noms de lieu ». Cette hypothèse s’appuie sur l’étude menée dans Huygue (2009) sur les noms généraux qui renvoient à l’espace : lieu, endroit, place. Au terme d’une description très minutieuse du sens de chacun de ces noms, Huygue arrive à la conclusion que le nom lieu se distingue des deux autres par deux propriétés : 1. Il n’implique pas la spécification d’une étendue ; 2. Il indique la localisation d’un procès. Il semble que cette définition s’applique parfaitement aux Npv : on a vu en effet dans la première partie que, comme les Npp, les Npv sont conçus sans considération de l’étendue de leur référent. Et on vient d’observer que leur aptitude à localiser les événements va jusqu’à leur permettre de les désigner par métonymie. Les Npv seraient ainsi le prototype des Npl, les seuls auxquels s’applique à juste titre la définition particulière du nom lieu, les seuls qui justifient l’usage métalinguistique de ce nom pour les catégoriser. Tous les autres noms trop rapidement dits « de lieu » gagneraient sans doute à être appelés autrement, et peut-être serait-il plus judicieux de les rebaptiser « noms d’espace ». Bibliographie CRUSE A. (1996) : “La signification des noms propres de pays en anglais”, dans Les mots de la nation (S. Remi-Giraud et P. Rétat éds), Presses Universitaires de Lyon, 93-103. DAUZAT A. ET ROSTAING Ch. (1978) : Dictionnaire étymologique des noms de lieux en France, Librairie Guénégaud, Paris. GARY-PRIEUR M.N. (1994) : Grammaire du nom propre, PUF, Paris. GARY-PRIEUR M.N. (2001a) : L’individu pluriel, Editions du CNRS, Paris. GARY-PRIEUR M.N. (2001b) : “Les individus humains et les autres : quelques différences entre noms propres de personnes et noms propres de lieux dans certaines interprétations figurées”, dans Langage et référence, Mélanges offerts à K. Jonasson, Acta Universitatis Upsaliensis, Uppsala, 237-245. HUYGHE R. (2009) : Les noms généraux d’espace en français, De Boeck-Duculot, Bruxelles. KLEIBER G. (2001) : L’anaphore associative, PUF, Paris. LECOLLE M. (2006) : ”Polyvalence des toponymes et interprétation en contexte”, dans “Texte-Contexte”, Pratiques 129-130 (G. Achard-Bayle, éd.), Université de Metz, 107-122. LECOLLE M. (2007) : ”Polysignifiance du toponyme, historicité du sens et interprétation en corpus. Le cas de Outreau”, dans Corpus 6, Université de Nice, 101-125. NOAILLY M. (1995) : “Un nom propre, deux morphologies : pour quoi dire ? ”, dans Nom propre et nomination, Actes du colloque de Brest (M. Noailly éd.), Klincksieck, Paris, 75-84. NOAILLY M. (2000) : “La spécificité linguistique de l’humain”, dans Apples of God. Mélanges en l’honneur de Daniel Le Gall, Presses Universitaires de Brest, 173-181. NOAILLY M. (2000) : « Ce même Bajazet : nom propre et principe d'identité », dans Lexique 15, 21-34. <?page no="149"?> Les noms de ville, noms de lieu par excellence 149 RIEGEL M. (1998) : “De il a les yeux bleus à je n’ai pas le cinq à sept facile : les avatars de la construction attributive de avoir”, dans Travaux et recherches de Linguistique appliquée, série B, 99-108. Résumé Les noms de ville, noms de lieu par excellence Cet article pose le problème de la pertinence de l’étiquette intuitive « noms de lieu » pour désigner un ensemble assez hétérogène de noms propres. Ce problème est posé à partir de l’étude d’une sous-catégorie : celle des noms propres de villes. L’observation des propriétés morphosyntaxiques et sémantiques de ces noms montre que les noms de villes constituent une classe caractérisée par sa position intermédiaire entre les noms de personnes et les autres noms généralement étiquetés comme « noms de lieux ». Avec les noms de personnes, ils ont en commun de ne pas impliquer d’étendue et de pouvoir renvoyer à plusieurs référents. Avec les autres « noms de lieu » (les noms de fleuves, de pays, de région,…), ils ont en commun de désigner un référent non humain et complexe, à plusieurs « facettes ». Les noms de villes constituent donc une catégorie qu’il faut distinguer des autres noms dits « de lieu ». Notre hypothèse est que, si on se donne une définition linguistiquement fondée du terme lieu (vs espace ou place), ce terme ne convient précisément qu’à eux. Summary Cities’ names, place names par excellence This paper aims at questionning the relevance of the metalinguistic term « noms de lieu » to a set of rather heterogeneous proper names (Npl). This problem is set through a study of a particular subclass: « cities proper names » (Npv). Observing the morphosyntactic and semantic properties of those names shows that Npv form a class which is characterized by its position between persons names and the other names generally labelled « Npl ». They share with persons names the properties of not implying any expanse, and of being able to name many different objects. On the other hand, they have two main properties in common with the other Npl : they refer to non human objects, and they are multi-faceted. Our conclusion is that the Npv form a class, which must be distinguished from the other Npl. We assume that if a linguistically based definition is given to the word lieu (vs espace or place), this word does not correctly suit but cities proper names. <?page no="150"?> 150 Marie-Noëlle Gary-Prieur & Michèle Noailly Zusammenfassung Städtenamen, Ortsnamen par excellence In diesem Aufsatz wird die Frage gestellt, ob die intuitive Bezeichnung „Ortsname“ als Charakterisierung einer ziemlich heterogenen Menge von Eigennamen relevant ist. Diese Frage wird von einer Studie ausgehend aufgeworfen, die die Kategorie „Städtenamen“ als Unterkategorie der Toponyme untersucht. Die Untersuchung ihrer morpho-syntaktischen und semantischen Eigenschaften zeigt, dass sie durch ihre Zwischenposition zwischen Personennamen und anderen Eigennamen die gewöhnlich als Ortsnamen betrachtet sind, eine besondere Klasse bilden. Mit den Personennamen haben sie gemeinsam, dass sie keine räumliche Ausdehnung implizieren, und dass sie auf mehrere Referenten verweisen können. Mit den anderen Ortsnamen (d.h. Namen von Flüssen, Ländern, Gegenden, usw.) haben sie gemein, dass sie auf einen nicht-menschlichen und vielseitigen Referenten (mit mehreren „Facetten“) verweisen. Die Städtenamen bilden also eine spezielle Kategorie, die von den anderen sogenannten „Ortsnamen“ zu unterscheiden ist. Ihnen kann erst dann genau die Bezeichnung lieu (vs espace oder place) entsprechen, so meinen wir, nachdem für sie eine linguistisch fundierte Definition etabliert wurde. <?page no="151"?> Pierre Jaillard 1 Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie Le raisonnement scientifique cherche volontiers à distinguer des notions strictement complémentaires, mais ce mode de raisonnement s’applique mieux aux sciences exactes qu’aux sciences humaines. Dans une linguistique un peu abstraite, les études se répartiraient entre quatre compartiments nettement délimités selon deux distinctions : entre les noms propres et les noms communs d’une part, entre la synchronie et la diachronie d’autre part. Mais, d’une part, l’usage observé s’insère mal dans ce schéma pur et parfait, d’autre part, le compartiment des études synchroniques en toponymie reste moins fourni qu’il ne devrait, les noms propres étant encore trop souvent perçus comme extérieurs à la langue. 1 Des frontières zones 1.1 La frontière entre synchronie et diachronie La distinction entre synchronie et diachronie a été posée de façon excessivement rigide quand il s’est agi de fonder la synchronie comme approche spécifique. Il est maintenant admis que « la diachronie ne peut ignorer la synchronie 2 . » Inversement, « l’histoire de la langue se révèle essentielle pour faciliter aux étudiants l’accès au fonctionnement des langues actuelles 3 . » De même, le locuteur cultivé qui emploie un mot n’est insensible ni à ses connotations ni à son étymologie, qu’il les perçoive en énonçant ce mot ou même qu’il choisisse celui-ci en fonction d’elles, comme l’écrivain dénomme ses lieux et ses personnages de façon à orienter leur perception par son lecteur. 1 Président de la Commission nationale de toponymie pierre@jaillard.net 2 Eugenio C OSERIU , Synchronie, diachronie et histoire, Madrid, 1973, traduction française de Thomas Verjans, Texto ! , Textes et cultures, http: / / www.revue-texto.net/ 1996- 2007/ Parutions/ Parutions.html, chapitre VII, 3.3.4. 3 Astrid G UILLAUME , « Diachronie et synchronie : passerelles (étymo)logiques », revue Texto ! , Textes et cultures, volume XV, n° 2, 2010, coordonné par Carine Duteil-Mougel, http: / / www.revue-texto.net/ index.php? id=2557. <?page no="152"?> Pierre Jaillard 152 1.2 La frontière entre noms propres et noms communs Certains toponymes comprennent ainsi des éléments chargés de sens, mettant parallèlement en cause la frontière entre noms propres et noms communs, qu’une certaine théorie voudrait fonder sur la notion de sens. Beaucoup sont directement issus d’appellations formées de noms communs, qui peuvent y subsister dans leur plein sens usuel, sous la forme d’un nom générique ou même d’un terme spécifique transparent (Moulins, Le Havre, le Palatinat), voire des deux (le mont Blanc). Les fréquentes « remotivations », formes d’analogie consistant à rendre un sens perceptible à un toponyme dont l’étymologie est devenue incompréhensible (Raon-l’Étape, olim Raon les Tappes) ou à une partie d’un tel toponyme (Le Mans, Saint-Boingt), ramènent même des noms propres caractérisés dans cette zone frontalière avec les noms communs. 1.3 La combinaison de ces deux frontières Ainsi, ces deux frontières se mêlent. Celle entre noms propres et noms communs apparaît non seulement floue, mais aussi mouvante. Elle est perméable en diachronie aux cas de métonymie (un bolduc, du bordeaux) et en synchronie aux toponymes devenant les termes spécifiques d’autres noms propres (le massif du Mont-Blanc). Elle se dissout entre synchronie et diachronie lorsqu’un nom commun est parallèlement employé comme nom propre, qu’il reste en usage (les Landes pour celles de Gascogne, la Limagne pour celle d’Auvergne, l’Acropole pour celle d’Athènes, la Lagune pour celle de Venise) ou qu’il tombe en désuétude (la Hanse, le Piémont). Elle apparaît ainsi moins comme une ligne de séparation que comme une zone de transition 4 . 2 Une continuité syntaxique entre noms propres et noms communs La continuité qui en résulte se manifeste bien dans les questions syntaxiques, étroitement liées, de l’actualisation et du genre. Celles-ci séparent moins les toponymes des noms communs que, parmi les toponymes, ceux qui fonctionnent comme la langue courante et ceux qui sont normalement dépourvus à la fois d’article et de genre. 2.1 L‘actualisation par un déterminant La syntaxe de l’article est similaire entre les toponymes qui en sont pourvus et les noms communs. Dans la langue courante, l’article défini masculin singulier ou pluriel des deux genres se contracte avec à ou de le précédant, et l’article défini singulier des deux genres s’élide devant une voyelle ou un h 4 Pierre J AILLARD , « Le nom propre a-t-il un sens ? », introduction du colloque international Le nom propre a-t-il un sens ? de juin 2010 à Aix-en-Provence, collection Langues et langage, Université de Provence, Aix-en-Provence, 2013. <?page no="153"?> Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie 153 muet. Il peut être omis après la préposition de lorsqu’il ne se contracte pas avec elle, c’est-à-dire si, toujours au singulier, il est féminin ou précède une voyelle ou un h muet. Dans ce dernier cas, la préposition de s’élide à son tour. L’article des toponymes, même constitutif du nom, suit ces mêmes règles d’accord, de morphologie et d’omission que celui des noms communs (la municipalité du Touquet et non de Le Touquet, aller au Mans et non à Le Mans 5 ), à la différence de celui des anthroponymes (un palais de Le Vau, une toile de Le Nain). La distinction pertinente concerne la présence ou non de l’article. En français, l’article sert fondamentalement à préciser la valeur (définie ou indéfinie, voire partitive) du substantif qu’il précède. Mais les noms propres désignent par nature des objets uniques, dont la valeur est donc toujours définie et le nombre presque toujours singulier (sauf si deux ou plusieurs objets uniques différents portent le même nom : les deux Sèvres pour la Sèvre nantaise et la Sèvre niortaise, Les Andelys pour le Grand-Andely et le Petit- Andely). Aussi, les toponymes prennent un déterminant à caractère sémantique lorsque leur sens est modifié, et un article syntaxique, toujours défini, lorsqu’ils présentent certaines formes de proximité avec les noms communs ou lorsqu’ils dénomment des territoires généralement perçus ou ayant été perçus comme plus ou moins étendus 6 . Ainsi, la présence ou non de l’article devant un même toponyme permet d’indiquer l’appartenance du lieu désigné à telle ou telle catégorie d’entités géographiques (Luxembourg pour la ville, le Luxembourg pour le grand-duché ; Québec pour la ville, le Québec pour la province). Subsidiairement, comme l’article s’accorde en genre et en nombre avec le substantif qu’il précède, il permet de marquer le genre s’il est au singulier et non élidé, et le nombre dans tous les cas (sauf oralement s’il est contracté avec à). 2.2 La question du genre Or, cette question du genre divise les toponymes selon la même summa divisio que la présence ou non d’article syntaxique. Les propriétés morphologiques d’accord avec eux présentent en effet des particularités qui ne permettent pas de tous les répartir entre les deux genres du français. Cette question distingue donc parmi eux une catégorie de toponymes qui n’adoptent pas le même type de genre que les noms communs. Les toponymes prenant un article syntaxique ont bien en propre l’un des deux genres (le Caucase, la Seine, le Mississipi, la Méditerranée, le Nouveau- 5 Cet exemple et la plupart des suivants sont tirés du Dictionnaire de l’Académie française, 9 e édition. 6 Michèle N OAILLY , « Un nom propre, deux morphologies : pour quoi dire ? », in Nom propre et nomination, Presses universitaires de l’université de Toulouse-Le Mirail, Toulouse, 1995, p. 75-83. <?page no="154"?> Pierre Jaillard 154 Mexique, la Bérézina). En particulier, les noms d’île prenant un article syntaxique sont généralement féminins (la Corse, la Crète, la Sardaigne, la Nouvelle-Calédonie, la Guadeloupe, la Martinique, la Grande-Bretagne, la Nouvelle- Calédonie, la Nouvelle-Zélande, mais le Groenland, le Grand-Bé, le Spitzberg). Mais les autres toponymes ne peuvent que prendre à titre syntaxique un genre apparent, variable selon leur emploi, déterminé par diverses tendances concurrentes selon le contexte 7 . Parmi elles, à la différence des autres noms, les tendances intrinsèques au toponyme lui-même sont les plus faibles. Ces diverses tendances peuvent être : Terminaison Masculin Féminin Voyelle + -e (ou -es) Consonne double + -e (ou -es) -sion, -tion, -xion, -cion ou -cyon Presque exclusif -age -isme -eux Presque exclusif Autre terminaison en -e À 65 % pour le lexique, à 62 % pour les noms de ville précédés d’un article indéfini, à 75 % pour les noms de ville précédés d’un adjectif démonstratif, à 71 % pour les noms de ville suivis d’un déterminatif temporel (p. 274, 300, 302, 304). Autre terminaison À 88 % pour les noms de ville précédés d’un article indéfini, à 83 % pour les noms de ville précédés d’un adjectif démonstratif (p. 302 et 304). quelquefois un usage issu du féminin des noms de ville en latin et dans les langues sémitiques (la Rome antique et la Rome moderne, la Jérusalem céleste, la Babylone moderne, une Tanger rustique, une Addis-Abeba qui a été libérée du colonialisme mussolinien par des troupes sud-africaines) ; plus souvent la forme du toponyme : le genre de son éventuel article constitutif (Le Puy, Le Havre, Le Creusot, Le Caire au masculin, La Rochelle, La Nouvelle-Orléans, La Réunion, La Haye, La Havane au féminin), 7 Les interactions entre ces tendances justifieraient d’études encore insuffisantes. Les statistiques citées dans la note suivante et certains exemples repris dans le texte sont tirés de Roland E DWARDSSON , « Le genre des noms de villes en français », Studia neophilologica, volume XV, n° 2, 1968. <?page no="155"?> Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie 155 le genre associé à sa terminaison dans le lexique : féminin presque exclusif des mots se terminant par -e (ou par -es) précédés d’une voyelle (Die, Varsovie, Troie, Sées, Troyes) ou d’une consonne double (Lille, Marseille, Tulle, Auxerre, Nanterre, Lisbonne, Vienne, Cannes, Vannes, Versailles, Bruxelles) ou par -sion, -tion, -xion, -cion ou -cyon (Brancion, Haution, Sion), masculin presque exclusif des mots se terminant par -age, par -isme ou par -eux (L’Hermitage, Sassenage, Carthage, Jarnages ; Fismes, Wismes ; Évreux, Périgueux), féminin majoritaire des autres noms se terminant par -e (la petite Venise de l’Alsace, la Rome antique et la Rome moderne, Toulouse, Florence, Vienne, Malte, Chypre ; Naples, Rhodes), masculin majoritaire des noms se terminant autrement (Paris, Lyon ; un seul Berlin ; un Bordeaux étouffant et désert, un Bombay imbibé des moiteurs de l’été qui approche, un Saïgon en état de demi-guerre, mais une Leningrad déserte et figée dans la faim, une Johannesbourg vibrante d’activité) 8 , le genre opposé à celui d’un substantif homonyme (la gracieuse Menton, Belleville est sacrifié, mais Belleville est devenue une communauté cosmopolite). Mais les tendances les plus fortes sont liées à l’emploi du toponyme. Celui-ci prend systématiquement le masculin non marqué lorsque son sens est modifié. Sinon, il peut aussi prendre le genre d’un nom sous-entendu ([le club sportif de] Valenciennes rejoint par [celui de] Lyon, [l’État d’]Israël confronté à son passé. [Les gouvernements de] Rome et La Haye sont plus réticents. Audit [lieu de] Genève, habitants dudit [lieu de] Genève. [Le port de] Cherbourg est situé en plein cœur du trafic maritime. Aussi [le port de] Marseille attache-t-il la plus grande importance à l’aménagement du Rhône. [Le sultanat d’]Oman, un [village de] Chavignolles idéal. [Le village de] Sainte-Livière était compris, [le village de] Ville-en-Selve était compris. [La bourse de] Paris irrégulière. [La bourse de] Milan s’est reprise. [L’île] Maurice) — ou le genre cohérent avec une métaphore (Lausanne se sentira veuf de l’Exposition nationale. Dakar est amoureux de la gazelle). En particulier, les noms de villes et d’îles prennent plutôt le féminin par ellipse des formules explétives la ville de, l’île ou les îles de. 3 Une influence diachronique sur la syntaxe actuelle Le critère de perception actuelle ou ancienne des territoires comme plus ou moins étendus marque aussi une influence diachronique sur la syntaxe actuelle. Il contribue à commander la prise de l’article et donc la fixation du genre, mais aussi la syntaxe des toponymes en fonction locative. 8 Cf. E DWARDSSON , op. cit. <?page no="156"?> Pierre Jaillard 156 3.1 De nombreuses prépositions et locutions locatives De nombreuses prépositions et locutions peuvent introduire un toponyme pour lui donner une fonction de complément de lieu, même si certains toponymes commençant par Chez, par attraction syntaxique de la préposition homonyme, peuvent être employés en complément de lieu sans préposition (on va à Chez-Redon, à Chez-Grosjean, à Chez-Renard, à Chez-Palant, ou Chez- Redon, Chez-Grosjean, Chez-Renard, mais pas Chez-Palant, probablement pour des raisons diachroniques, soit que Chez n’ait dans ce cas jamais représenté la préposition homonyme mais seulement le sens « maison » du latin casa, soit que Palant ne soit plus associé à un habitant du lieu) 9 . Du reste, quelques prépositions locatives ne se retrouvent plus guère que figées au sein de certains noms de lieux : ès (Riom-ès-Montagnes), lez ou lès (Plessis-lez-Tours, Saint- Hilaire-lez-Cambrai. Saint-Rémy-lès-Chevreuse, Villeneuve-lès-Avignon). Dans un mouvement, de, depuis, dès indiquent un point de départ (Il arrive de Londres. Depuis Lyon, nous avons roulé sous la pluie. Dès la frontière, on se sent dépaysé), par un lieu de passage (passer par Paris, Paris-Milan par Lausanne, ou, autrefois, Les Roches par Verneuil-sur-Avre), autour de un centre (La Terre tourne autour du Soleil), à destination de, en direction de, du côté de et pour une destination (Le train à destination de Paris. Un colis, une lettre à destination de Marseille. Train en direction de Marseille. Il est parti du côté de la gare. Il est parti pour Londres, pour Naples, pour la Chine). Différentes formes de proximité peuvent être marquées par les locutions près de, du côté de (Il habite du côté de la préfecture), aux environs de (L’accident a eu lieu aux environs de Chartres), à l’entour de (littéraire ; Les rues à l’entour de la cathédrale) et auprès de (La rivière passe auprès de cette ville), et par les prépositions vieillies devers (Il est allé quelque part devers Lyon) et jouxte (jouxte le palais), ainsi que, selon un emploi critiqué, par sur. D’autres situations peuvent être marquées : par référence à d’autres lieux, par entre (Nous étions entre Orléans et Tours. Entre Rhône et Saône), par à mi-chemin (de) (Cette maison se trouve à mi-chemin entre la forêt et la ville. À mi-chemin des deux villages), par au milieu de (Cette ville est située au milieu de la France), par de par (de par le monde), par au large de (au large de la Corse), par autour de (Le département de Seine-et-Oise était situé autour de celui de la Seine) ; par opposition à d’autres lieux, par vis-à-vis (de) (Vis-à-vis l’église), par en face de (Sa maison est en face de la mairie), par à l’opposite de (Leurs maisons sont situées l’une à l’opposite de l’autre), par à l’écart de (L’église est à l’écart du village), par loin de (Ces deux villes ne sont pas loin l’une de l’autre) ; 9 D E LA T RAMBLAIS , « De la signification et de la convenance des noms de lieux en Berry, et particulièrement dans le département de l’Indre », mémoire lu dans la séance de juillet 1866, Compte rendu des travaux de la Société du Berry, Paris, 1866. <?page no="157"?> Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie 157 par rapport à des limites, par en deçà de, en delà de, au-delà de, par-delà et de delà (vieilli) (Il habite en deçà de la rivière. En deçà, au-delà de la frontière. N’allez pas en delà de la ligne. Il habite au-delà de la frontière. Par-delà les montagnes, le climat est plus doux), par jusque (de Paris jusqu’à Rome), par aux confins de (L’Alsace est aux confins de l’Allemagne et de la Suisse. Un château aux confins du Périgord et du Quercy), par à partir de (Les degrés de longitude se comptent à partir de Greenwich) et, actuellement surtout en composition, par outre (outre-Manche, outre-Rhin, outre-Quiévrain, outre-Atlantique) ; par rapport à des espaces donnés, par hors (hors de la maison, hors de la ville), par dehors (vieilli) et en dehors de (Il se trouvait dehors la ville. En dehors du terrain), par à l’extérieur de (Leur maison est située à l’extérieur du village). Mais ce sont les prépositions à, en et dans qui marquent par excellence une localisation ou une direction. Selon l’Académie française, à désigne notamment « le lieu vers lequel il y a mouvement, vers lequel on va », ou « une direction avec ou sans mouvement », tandis que en « sert à marquer une localisation ou une direction vers un lieu », selon une nuance rappelant celle entre les prépositions originelles du latin classique ad, marquant la direction, et in, marquant l’inclusion. Enfin, dans « indique le rapport d’une personne ou d’une chose à ce qui la contient. À l’intérieur de. » Il peut remplacer en ou surtout à pour insister sur l’inclusion dans un espace délimité (Le baron Haussmann entreprit de grands travaux dans Paris lorsqu’il était préfet de la Seine. Les débouquements sont nombreux dans les Antilles. Les eaux de ce fleuve vont dans la Méditerranée). 3.2 Des critères formels influencés par la sémantique et par la diachronie La plupart de ces prépositions et locutions locatives peuvent introduire tous les toponymes, avec différentes nuances de sens. Toutefois, pour certains toponymes, à et en sont synonymes mais se répartissent entre eux selon des critères purement formels, qui s’expliquent en diachronie par une confusion phonétique mais dans lesquels on peut aussi déceler une influence de la distinction sémantique fondée sur la perception actuelle ou ancienne des territoires comme plus ou moins étendus. En effet, ni à ni en ne peuvent d’abord introduire certains toponymes présentant une forme de proximité avec les noms communs, ni les noms de départements et de régions composés par coordination et au masculin, ou normalement ceux qui ne sont pas composés par coordination. Toutefois, une exception apparaît justement fondée sur une rémanence diachronique : celui du Maine-et-Loire (en Maine-et-Loire), anciennement féminin du fait que son premier élément désigne la rivière de la Maine et non la province du Maine, conformément au principe révolutionnaire « d’abolition » de toute référence aux provinces d’Ancien Régime, remplacées par des références géographiques et de préférence hydronymiques. <?page no="158"?> Pierre Jaillard 158 Hormis ces cas, on retrouve la summa divisio d’origine sémantique et diachronique entre toponymes prenant ou non l’article syntaxique, assouplie en fonction de critères apparemment formels. En effet, en fonction de complément de lieu : tous les toponymes prenant normalement un déterminant syntaxique peuvent être introduits par en seul (sans article) (Être, aller en Chine, en France, en Indonésie, en Algérie. En Corse, en Crète, en Sardaigne, en Irlande, en Islande, en Nouvelle-Calédonie. En Auvergne, en Anjou, en Lombardie, en Bavière. En Guyane. En Languedoc. En Afghanistan. En Irak, en Iran. En Ouzbékistan. En Île-de-France et en Orléanais. En Poitou. Le bar est appelé loup en Méditerranée. La concession de recherches pétrolières en mer du Nord), sauf, introduits par à (avec article) : les noms de pays et d’îles au pluriel (aux Pays-Bas, aux États-Unis, aux Comores, aux îles Fidji, aux Açores, aux Antilles), les noms de pays au masculin et commençant par une consonne (au Danemark, au Japon, au Maroc, au Canada, au Brésil, au Cambodge), souvent les noms d’îles petites et lointaines (à la Martinique, mais L’éruption du volcan de la montagne Pelée, en Martinique, fut précédée de plusieurs éruptions phréatiques) ; tous les toponymes ne prenant normalement pas de déterminant autre que l’éventuel article constitutif peuvent être introduits par à (à Orléans, au Havre, aux Baux. À Oléron, à Chypre, à Cuba, à Madagascar, à Tahiti, à Terre-Neuve. À Aix-en-Provence, à Aix-les-Bains, à Aix-la-Chapelle, à Angers, à Arles, à Avignon), sauf, introduits par en : - Israël (en Israël), à titre littéraire ou régional : certains noms de villes provençales commençant par le son a (en Arles, en Avignon), les noms de paroisses bretonnes (tel lieudit en telle paroisse). Mais ces exceptions peuvent elles-mêmes déceler une influence diachronique, comme pour les noms d’îles. C’est même bien le cas de la plus formelle d’entre elles : celle des noms masculins singuliers commençant par une consonne, qui s’applique comme règle aux noms de pays et comme tendance aux noms communs (au bois, au paradis, contre en enfer, en forêt, mais être blessé à la tête et avoir une affaire en tête). En effet, l’ancien français contractait *en le sous les formes el, eu, ou, laquelle s’est confondue avec au, contraction de *à le. Aussi, l’opposition actuelle entre à avec article et en sans article reflète en réalité une opposition ancienne entre maintien et omission de l’article après la même préposition en. Or, cette dernière opposition repose sur le critère de perception des territoires, qui justifie aussi sémantiquement la préposition à, non seulement devant les toponymes sans articles, mais aussi devant les noms de pays masculins singuliers à initiale consonan- <?page no="159"?> Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie 159 tique : ceux-ci désignent en effet des pays qui, dans l’horizon culturel de l’ancienne France, apparaissent tous petits ou lointains (Danemark, Luxembourg, Portugal, Maroc). On peut même se demander inversement si ce n’est pas la syntaxe de ces noms qui les aurait attirés vers le masculin. 4 Conclusion Ainsi, la syntaxe ne connaît guère de solution de continuité entre noms propres et noms communs, comme le montrent les questions d’actualisation et de genre, mais plutôt une transition entre la langue courante et certains noms propres par une zone comprenant de nombreux toponymes. On peut cependant observer au sujet du locatif que la régularisation par analogie fonctionne de façon atténuée sur la syntaxe des noms de lieux, dont les particularités peuvent résulter d’une rémanence spécifique d’effets diachroniques communs à la langue courante, et non de leur nature même de noms propres. Ces particularités ne discréditent donc en rien une approche synchronique de la toponymie fondée, sous cette réserve, sur les constats dégagés de la langue courante. Cette leçon ne peut cependant pas être étendue sans précaution à l’ensemble des noms propres. En effet, les anthroponymes ont davantage de particularités que les toponymes (une toile de Le Nain), bien que partageant certaines des caractéristiques qui les distinguent des noms communs (cf. le général de Gaulle contre la ville de Luxembourg). Certaines de leurs spécificités peuvent même se propager aux noms de lieux formés d’après eux, comme les deux noms de pays formés d’après des noms de personnes (Oman, Israël), qui sont les seuls noms de pays continentaux à ne pas prendre d’article. Mais si les anthroponymes apparaissent ainsi plus éloignés des noms communs que les toponymes, ces deux ensembles n’apparaissent pas suffisamment homogènes pour permettre de se contenter d’un constat aussi global. Celui-ci devrait encore être affiné grâce à une typologie restant à établir parmi les premiers comme la grammaire en a désormais dégagé de la syntaxe parmi les seconds. Résumé Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie Le raisonnement scientifique cherche volontiers à distinguer des notions strictement complémentaires, mais ce mode de raisonnement s’applique mieux aux sciences exactes qu’aux sciences humaines. Dans une linguistique un peu abstraite, les études se répartiraient entre quatre compartiments nettement délimités selon deux distinctions : entre les noms propres et les noms communs d’une part, entre la synchronie et la diachronie d’autre part. Mais, d’une part, l’usage observé s’insère mal dans ce schéma pur et parfait, <?page no="160"?> Pierre Jaillard 160 d’autre part, le compartiment des études synchroniques en toponymie reste moins fourni qu’il ne devrait, les noms propres étant encore trop souvent perçus comme extérieurs à la langue. Au contraire, la syntaxe ne connaît guère de solution de continuité entre noms propres et noms communs, mais plutôt une transition entre la langue courante et les anthroponymes par une zone peuplée de nombreux toponymes. Simplement, la régularisation par analogie fonctionne moins bien sur les noms de lieux, même si leurs particularités syntaxiques peuvent résulter moins de leur nature de noms propres que d’effets diachroniques communs à la langue courante. Mais ces particularités ne discréditent en rien une approche synchronique fondée sur les constats dégagés de la langue courante. Summary Notes on the confines of synchrony and diachrony in toponymy Scientific reasoning wants often to distinguish strictly complementary notions, but this mode of reasoning applies better to the exact sciences than to human sciences. In abstract linguistics, studies would be divided between four compartments by two clearly defined distinctions between proper names and common names on the one hand, between synchrony and diachrony on the other one. But on the one hand, the observed use fits poorly in this pure and perfect scheme; on the other hand, the collection of studies in synchronic toponymy is less extensive than it should, because the proper names are too often perceived as alien to the language. In contrast, the syntax doesn’t show a strong discontinuity between proper names and common names, but rather a transition from the current language and anthroponyms through an area populated by many place names. Simply, regularization by analogy works less well on place names, even if their syntactic particularities may arise not from their proper names nature but from diachronic effects that are common to the current language. But these particularities do nothing to discredit a synchronic approach based on the findings emerged from the current language. Zusammenfassung Hinweise zu den Grenzen von Synchronie und Diachronie in Toponymie Wissenschaftliche Überlegungen versuchen gerne komplementäre Vorstellungen zu unterscheiden, aber diese Art der Argumentation trifft besser auf die Naturwissenschaften als auf die Geisteswissenschaften zu. In einer etwas abstrakteren Sprachwissenschaft würden sich die Untersuchungen durch zwei klar definierte Grenzen auf vier Bereiche zwischen Eigennamen und gebräuchlichen Namen auf der einen Seite und zwischen Synchronie und Diachronie auf der anderen aufteilen. Aber einerseits passt der beobachtete Gebrauch schlecht in dieses schlichte und vollkommene Schema, auf der anderen Seite ist der Bereich der synchronen und diachronen Toponymy <?page no="161"?> Remarques sur les confins de la synchronie et de la diachronie en toponymie 161 weniger gut bestückt als er es sein sollte, da die Eigennamenamen noch allzu oft als außerhalb der Sprache stehend wahrgenommen werden. Ganz im Gegenteil, die Syntax kennt kaum Lösungsansätze für eine Kontinuität zwischen Eigennamen und Appellativen, sondern eher einen durch eine von zahlreichen Toponymen bevölkerte Zone definierten Übergang zwischen Umgangssprache und Anthroponyme. Nur funktioniert die Regularisierung per Analogie weniger gut bei Ortsnamen, auch wenn ihre syntaktischen Eigenheiten weniger von ihrer eigenen Natur als Eigenamen herrührt, als von diachronen Entwicklungen, die sie mit der gängigen Sprache gemein haben. Aber diese Besonderheiten stellen in keiner Weise einen synchronen Ansatz, der auf den Erkenntnissen aus der aktuellen Sprache basiert, in Frage. <?page no="163"?> Peter Jordan 1 The Endonym/ exonym Divide from a Culturalgeographical Point of View 1 Introduction This paper presents a view on place names from a cultural-geographical perspective through the example of the endonym/ exonym divide. This divide is indeed very indicative for the role of place names in a cultural-geographical context and may therefore be most useful and telling to explain this role. Apart from all institutional definitions of the endonym and the exonym as, e.g., the latest definitions given by the UNGEGN Glossary of Toponymic Terms in 2007 (United Nations Group of Experts on Geographical Names, 2007), the endonym/ exonym divide is basically and most generally speaking a divide between : • Names applied by a community to geographical features conceived to be part of the area where that community lives and which it feels to be emotionally attached to (= endonyms) and • Names applied to features of the same area by other communities, these names being different from the endonyms (= exonyms). Endonyms are (in the word’s proper meaning) names from within, i.e. names used by a community for features on its own territory. Exonyms are names used by a community, but received from other communities for features on their territory. They are sometimes adapted to the receiver language by translation or morphological or phonetic adaptation. Rather frequently, they simply correspond to a historical endonym. In other words : for the endonym/ exonym divide, it is essential, whether or inhowfar a community refers to a feature as part of its “place” in the meaning of Yi-Fu Tuan (1977). This divide is particularly delicate concerning transboundary features in the sense of geographical features extending across community and linguistic boundaries or beyond any sovereignty. With transboundary features the following questions arise: • Where is, for example, the line drawn between “one’s own” and ”the other’s” on the sea? 1 Austrian Academy of Sciences, Institute of Urban and Regional Research Peter.Jordan@oeaw.ac.at <?page no="164"?> 164 Peter Jordan • Do people living on one side or in a part of a higher and larger mountain range feel emotionally attached to the whole feature? • Is the (of course) unpopulated lake nearby the residence area of a linguistic minority still part of its territory? • Can the capital city of a country (e.g. Paris), to which a linguistic minority residing somewhere else in the country (e.g. Bretons in Brittany) has certainly a functional, perhaps also an emotional relation, still be regarded as the minority’s own city? These are a few examples out of many cases. Other questions evolve : what are exactly the consequences for the endonym/ exonym divide in these cases? Up to where has a place name the status of an endonym? At which point does it change status and become an exonym ? This paper will try to find answers to these questions. But before doing so, it will highlight briefly the naming process and the functions of place names in relating man to territory departing from Yi-Fu Tuan’s “Topophilia” (1990) and his later works as well as from Carl Sauer’s (1941) earlier considerations. 2 The naming process Three factors are involved in the place naming process (see also Figure 1): • A human community in the sense of a group of people sharing a common identity (identity group). It can vary in size from family/ partnership to a nation and language community; • Its culture 2 including language; • Geographical space 3 subdivided into geographical features. The only actor in this process is the human community inhabiting a certain section of geographical space, having developed its culture and language, mentally structuring complex geographical space into features on the background of its culture and led by its specific interests and marking these features by place names. Naming is done either by convention between the members of the group or by an institution charged and legitimized by the group for this purpose. An individual can also, of course, attribute a name to a feature, but such a name will not get into use, assume communicative value and persist if it is not accepted by the community. So it is always the community, in the end, that acts in the process. 2 Culture understood in the most comprehensive sense as the totality of all human expressions (see Kroeber & Kluckhohn, 1963, Lévi-Strauss, 1946 and 1949). 3 Geographical space understood, according to Wilhelm Leibniz, as the totality of all relations between physical-material features. <?page no="165"?> T he Endonym/ exonym Divide from a Cultural-geographical Point of View 165 Let us proceed now to the functions of place names in relating man to territory : place names (can) have four main functions in relating man to territory (or human communities to geographical space): Figure 1 : Factors in the naming process 2.1 They often reflect characteristics of space They often describe location, morphology, waters, vegetation, soils of a certain place or functions of a place within geographical space (bridge function, port function, pass function). They highlight in this way characteristics that seemed important to the people who named the place on the background of their culture and their specific interests. Farmers had naming motives different from herdsmen, seafarers different from mountain dwellers. For people living today the meaning may have lost its transparency, e.g., when the name originates from a language that is no more spoken. The meaning attributed to the feature may not have the same importance for us current inhabitants, since our culture and interests have changed since the feature was named. But it can be assumed that no name was meaningless for the people who were the first to apply it. <?page no="166"?> 166 Peter Jordan 2.2 They mark the territory of a human community Place names in a community’s own language (= endonyms) are (among other means) markers of the community’s own territory, since names are also symbols for appropriation. Who owns a feature usually has the right to name it. Who has the power to attribute the name usually also has the power over this feature or at least responsibility for it. This function of proper names in general, but of place names in particular, is also expressed in Genesis 2: 20 : Adam gave names to all cattle, and to the fowl of the air, and to every beast of the field ; So names in general, and place names in particular, always and inevitably have a political dimension. Under normal circumstances, a community would never claim the right to attribute the primary name to features outside its own territory. It does so only when it is aggressive and expansive. Concerning geographical features outside its territory, a community usually simply adopts existing names, or translates them into its own language or adapts them morphologically or phonetically. In contrast to names for features of its own territory (endonyms), these are exonyms, needed by every community to mark features outside its own territory sufficiently important to it in a comfortable way (easy to be pronounced, to be communicated). In contrast to endonyms, exonyms are not symbols for appropriation and do not express claims, but indicate the importance of a feature for the naming community and the relations it has with it. Exonyms merely help to integrate that foreign feature into the cultural sphere of a community and help to avoid exclusion and alienation. But it must be acknowledged that the use of exonyms is sometimes understood as expressing claims, especially when exonyms correspond to historical endonyms. But this is a misunderstanding which should be erradicated, also by a politically sensitive use of exonyms. 2.3 Place names structure geographical space mentally Place names help to subdivide complex spatial reality into features. Every geographical feature (in the sense of the subunit of a geographical space) is a mental construct. Even, from our point of view, very obvious and easily distinguishable features like a significant mountain or an island are no features “by nature”, but exist as subunits of space simply on a certain cultural background. Would the distinction between water and land not be important for us, we would not highlight islands as geographical features. That geographical features are mental constructs is especially obvious with landscapes, cultural regions or macro-regions lacking concrete or clear limits like current administrative boundaries, or “natural boundaries” like mountain ranges or rivers. Up to where Europe extends East is obviously <?page no="167"?> The E ndonym/ exonym D ivide from a C ultural-geographical P oint of V iew 167 just a convention. It is impossible in fact to set clear boundaries of Central or Western Europe. A place name is the vehicle, the instrument in the process of mental structuring of space. Without place names, people would not be able to establish a system of space-related identities, to communicate it, to maintain it. In many cases (e.g. cultural regions, landscapes) the place name is in fact the only identifier of a geographical feature. Artois or Gascogne are French cases in point. They have been historical units, but are not political entities anymore, they exist just by virtue of their names, which, nonetheless, mark concepts that are rich in contents. 2.4 Place names support emotional ties between man and place, and thus promote space-related identity building If somebody acquainted to a place reads, mentions or memorizes a place name, this recalls all the contents of a space-related concept with him/ her, reminds him/ her of sights, persons, events, smells, sounds associated with that place and lets, as Yi-Fu Tuan calls it, “the feel of a place” arise. Figure 2 : Ukrainian name in Cyrillic letters on a signpost in Maramureş (Romania) Therefore it is important to render place names of minorities on signposts. Because they give these communities the feeling of belonging, of being at <?page no="168"?> 168 Peter Jordan home. It is also a kind of an affirmative action, since non-dominant groups (like Bretons in Brittany) are in special need of being affirmed. For them, group identity (including space-related identity as a prominent part of it) means a daily challenge - much more than for a dominant group. Therefore it is also important that the endonym figures on the signpost as it is used and written by the minority group as, for instance, the Ukrainian name in Cyrillic letters in the Romanian case shown in Figure 2. How important place names are for identity and emotional ties can also be seen from emigrants (to overseas), who frequently took the name of their home place with them - as a last tie to their former home or to make the new place more familiar. New Amsterdam, New York are prominent examples. But there are also less prominent like in western Ontario, Canada, where in the surroundings of Kitchener (earlier called Berlin) many German-speakers had settled (see Figure 3). Figure 3 : Signpost in western Ontario (Canada) 3 The endonym/ exonym divide by examples Let us now turn to answering the questions : Where is the line drawn between “one's own” and “the other’s”? What are the consequences for the endonym/ exonym divide? <?page no="169"?> The E ndonym/ exonym D ivide from a C ultural-geographical P oint of V iew 169 The answer is quite easy and clear-cut, when administrative and linguistic boundaries in a continuously settled area coincide. The administrative boundary on land (e.g. a country border) draws the line between “one's own” and “the other’s” clearly enough (see Figure 4) : names in the community’s own language for features located exclusively on their own territory are endonyms, names in their own language for features located exclusively outside are exonyms. Figure 4 : Features located exclusively within linguistic and administrative boundaries If transboundary features like a mountain range are affected, a name is (of course) valid for the whole feature, but has endonym status only up to the boundary and assumes exonym status on the other side (see Figure 5). The problem is much more complex with seas. In this case" it is rather difficult to say where exactly a community’s attitude of feeling responsible and emotionally attached ends. From my experience with the Adriatic Sea, I know that coastal dwellers have a profound emotional relation to their coastal waters - coastal waters not in the juridical sense, but in the sense of waters between the islands and within visible distance from the coast, where fisher boats and tourist vessels are cruising. They are as much part of their living space as land is. They are resources of food, areas for transportation, and function nowadays also as <?page no="170"?> 170 Peter Jordan tourist attractions. In Opatija, on the Croatian coast, for example, people have a tradition that, at the Corpus Christi holiday, the priest, standing on a fishing boat surrounded by a whole procession of vessels, blesses the sea “and all that lives in it.” Figure 5 : Transboundary feature on land It is certainly justified to say that the coastal dweller community regards coastal waters as their own. But it is certainly different with the high sea - the sea beyond the horizon. In that case, it is necessary to differentiate between the cognitive and the emotional levels. Emotionally, the high sea is conceived as endless - even a narrow sea like the Adriatic, where you can see from coast to coast from a mountain top when skies are clear (Figure 6). This is expressed by folk or also pop songs, which frequently use sea as a metaphor for the unlimited, the indefinite, the unconceivable, as, e.g., Charles Trenet in his famous song “La mer” : La mer Au ciel d'été confond Ses blancs moutons Avec les anges si purs La mer bergère d'azur Infinie <?page no="171"?> The E ndonym/ exonym D ivide from a C ultural-geographical P oint of V iew 171 The Sea In the summer sky merge Its white sheep With such pure angels The sea, shepherdess of azure Infinite or Gianna Nannini in her song “Alla fine” Davanti a me si perde il mare io sto con te senza lacrime tu come fai a darti pace in questa immensità in questa solitudine. In front of me the sea gets lost I stay with you without tears How can peace be added To this immensity, to this solitude? Figure 6 : A coastal dweller’s relation to the sea - emotional level In Dalmatia they have a tradition of small choirs [klapa, klape], who present traditional folk songs a capella. Many of them deal with the sea, such as this one : <?page no="172"?> 172 Peter Jordan Moje si more Moje si morejoš pamtim nebo u o č ima moje si more more bez kraja i obala more bistro ka dan i jedino njim plovit znamZauvik moje si more još pamtim nebo u o imamoje si more duša ti svitli pod zvizdama ispod tvog miseca jedino plovit znam Moje si more You are my sea You are my sea Still do I have heaven in my eyes You are my sea The sea without end and coast The sea clear like the day And I am the only one who knows to sail on you. You are my sea forever Still do I have heaven in my eyes You are my sea Gently you shine under the stars Under your moon And I am the only one who knows to sail on you. You are my sea Endlessness is also expressed by special words for the high sea, e.g., pučina instead of more in Croatian, which means something like ‘wilderness, where the winds blow’, etc. It can be concluded from that attitude that, emotionally, coastal dwellers recognize no opposite coast, no counterpart beyond the horizon and would consequently also not draw a strict line between “one's own” and “the other’s” somewhere out at sea, would also not feel the necessity to confine the endonym status of their own name to some part of the sea, would possibly extend it to the sea in its entirety - because they feel that that status is not contested by anybody else. <?page no="173"?> The E ndonym/ exonym D ivide from a C ultural-geographical P oint of V iew 173 Figure 7 : A coastal dweller’s relation to the sea - cognitive level But it is also very likely that the intensity of this feeling fades away more or less as a function of distance, the feeling of being the owner of the sea is relative insofar as it is combined with the other feeling that the sea is endless and unconceivable. (It is in the nature of the endless and the unconceivable that it can never be completely owned, that it is impossible to achieve full command of it.) At the cognitive level, people are anyway aware of the fact that the sea ends somewhere, that there exists an opposite coast, inhabited by other people, who speak a different language and have another name for the same feature. They have learned it at school, from maps and charts and through the media. Based on that knowledge, these people would usually (with the only exception of a politically aggressive and expansive attitude) be ready to acknowledge and accept that their own name loses its endonym status somewhere in between the opposite coast and their own coast, have no problem with accepting regulations ruling that there is some “artificial” line between where their name has endonym status and where the name of the others is valid as endonym (see Figure 7). They will usually - as in many other fields of social interaction - accept that their right ends where the right of others begins, if this avoids dispute and conflict. But there are also difficult cases on land, e.g., within a country with a dominant language and inhabited, spatially concentrated by a linguistic <?page no="174"?> 174 Peter Jordan minority. There may, for instance, be an unpopulated mountain (range) located adjacent to the minority region (see Figure 8). It is not inhabited by the minority group. It is also not administratively incorporated into their territory. So it is not officially attributed to them. But they see it day after day; it is perhaps an area of recreation for these people or perhaps also an economic resource; and they have developed emotional ties to it, so it is a part of their place (in the sense of Tuan). All the same is true for the majority community on the other side of the mountain. It must be added that mountains and mountain ranges mostly look different from each side. Dwellers on one side would sometimes not even recognize it from the other side. This all makes it reasonable to say that the mountain is a divided property between the two communities. The minority can regard it as a part of its own territory only on its own side; the minority’s name for it enjoys endonym status only on its own side (but is valid for the whole feature, of course) and becomes an exonym on the other. Figure 8 : Unpopulated mountain range near to but outside a minority region An unpopulated mountain (range) outside the minority region, but still within visible distance, is a different case (see again Figure 8). The minority community may see it day after day and also have emotional ties to it, but it <?page no="175"?> The E ndonym/ exonym D ivide from a C ultural-geographical P oint of V iew 175 does not exploit it economically and (what is the salient point) - how strong the relations of the minority community to this feature may ever be - the other community is closer to the feature and has (very likely) also a stronger relations to it. This makes it reasonable to say that the name of the minority community for this feature is only the exonym there. But what if the feature on the boundary between the two communities is a lake (see Figure 9) ? A lake has all the characteristics relevant for the local community as mentioned earlier with the mountain, except that its surface is flat and that it is mostly possible to see the opposite coast. So the lake is much less divisible in terms of ownership and emotional terms than a motain. Wouldn’t it be appropriate to decide that it is owned by both groups likewise and that the name of both groups for the lake has endonym status at every spot of the lake - even on the opposite bank? I would rather say “no”, since on the opposite bank the other group is nearer to the spot in question. So it has in a competitive situation between two claims (as it is) the stronger title on attributing the endonym, the primary name. This is just in accordance with many other juridical issues. So an imaginary line has to be drawn on the lake dividing it into the endonym areas of the two groups. Figure 9 : Lake located near to a minority region The last (of many other cases) to be mentioned here is a capital city which is far from the minority region, but administratively responsible for it (e.g. <?page no="176"?> 176 Peter Jordan Paris for Bretons; see Figure 10). This establishes a functional relation between the minority and that city, perhaps also an emotional tie. The minority will rightly say: “This is also our capital.” “The events there affect also us.” “The landmarks of that city also have a symbolic meaning for us.” Nevertheless, if the minority is not part of the autochtonous population there, the same argument as before applies also in this case: there is another community in place (or closer to this place) and only the name of this other community has endonym status. Figure 10 : Capital city located far away from a minority region 4 Conclusion From a cultural-geographical point of view, place names support space-related identity building of human individuals and communities, contribute in this way to human territoriality, help to distinguish between “our own” and “theirs” and have for this reason always and unavoidably sociological, political and juridical implications. The endonym/ exonym divide reflects the difference between “our own” and “theirs”: endonyms in the sense of names given by the community in <?page no="177"?> The E ndonym/ exonym D ivide from a C ultural-geographical P oint of V iew 177 place mark features which are owned by the community or which this community feels responsible for. Exonyms in the sense of names adopted by other communities reflect the network of a community’s external relations. References Kroeber A.L., Kluckhohn C. (1963), Culture, a critical review of concepts and definitions. New York, Vintage Books. Lévi-Strauss C. (1946), Natur und Kultur. In: Wilhelm E., Mühlmann W. (eds), Kulturanthropologie, pp. 80-107. Köln - Berlin, Kiepenheuer & Witsch. Lévi-Strauss C. (1949), Les structures élémentaires de la parenté. Paris, Mouton. Mitchell D. (2000), Cultural Geography. A Critical Introduction. Malden - Oxford - Carlton, Blackwell. Sauer C. (1941), Foreword to historical geography. In: Annals of the Association of American Geographers, 31, pp. 1-24. Tuan Y-F. (1977), Space and place: The perspectives of experience. Minneapolis, University of Minnesota Press. Tuan Y-F. (1990 [1974]), Topophilia. A study of environmental perception, attitudes, and values. New York, Columbia University Press. United Nations Group of Experts on Geographical Names (UNGEGN) (ed.) (2002), Glossary of Terms for the Standardization of Geographical Names. New York, United Nations, ST/ ESA/ STAT/ SER.M/ 85. United Nations Group of Experts on Geographical Names (UNGEGN) (ed.) (2007), Glossary of Terms for the Standardization of Geographical Names. New York, United Nations, ST/ ESA/ STAT/ SER.M/ 85/ Add. 1. <?page no="178"?> 178 Peter Jordan Résumé La distinction endonyme/ exonyme d’un point de vue culturel et géographique L’article présente une conception des noms géographiques d’un point de vue géo-culturel par le biais de l’exemple de la différenciation terminologique entre endonyme et exonyme, qui en dit long sur le rôle des noms de lieu dans un contexte géographique et culturel. Les endonymes sont, dans ce contexte, les noms de lieu utilisés par une communauté pour des objets topographiques qui sont considérés comme faisant partie de la région dans laquelle ce groupe vit et avec laquelle il sont liés émotionnellement ; les exonymes sont les noms de lieu utilisés par d’autres communautés pour les objets topographiques de cette même région mais dont la forme se distingue de l’endonyme. Après un aperçu du processus de dénomination et les rôles que peuvent avoir les noms de lieu pour créer une relation entre homme et territoire, la différenciation endonyme / exonyme est illustrée par des exemples d’objets transfrontaliers qui s’étendent au-delà des frontières de communautés et de langues ou qui se situent au-delà de toute souveraineté : de tels objets, dans ce sens-là, constituent les cas les plus litigieux. Summary The Endonym/ exonym Divide from a Cultural-geographical Point of View The paper presents a view on place names from a cultural-geographical perspective through the example of the endonym/ exonym divide, which is conceived as very indicative for the role of place names in a cultural-geographical context. Endonyms are in this context names applied by a community for geographical features conceived to be part of the area where this group lives and which it feels to be emotionally attached to; exonyms are names applied by other communities for features in this same area and differing in its form from the respective endonym(s). After a view on the naming process and the roles of geographical names in relating man to territory, the endonym/ exonym divide is exemplified by transboundary features in the sense of geographical features extending across community. and linguistic boundaries or beyond any sovereignty, since they are the most delicate cases in this respect. Zusammenfassung Die Endonym/ Exonym Unterscheidung aus einer kulturell-geografischen Perspektive Der Beitrag betrachtet geographische Namen aus einer kulturgeographischen Perspektive und am Beispiel der begrifflichen Unterscheidung zwischen Endonym und Exonym, die besonders viel über die Rolle geographischer Namen im kulturgeographischen Zusammenhang aussagt. Endonyme wären in diesem Zusammenhang Namen, die eine Gemeinschaft auf geographische Objekte bezieht, die ihrer Ansicht nach Teil ihres Territoriums <?page no="179"?> The E ndonym/ exonym D ivide from a C ultural-geographical P oint of V iew 179 sind, auf dem diese Gemeinschaft lebt und zu denen sie eine emotionale Bindung hat; Exonyme wären dann Namen, die andere Gemeinschaften für geographische Objekte auf eben diesem Territorium verwenden und die sich ihrer Form nach vom entsprechenden Endonym bzw. von den entsprechenden Endonymen unterscheiden. Nach einem Blick auf den Prozess der Namengebung und die Rolle geographischer Namen für die Beziehung zwischen Mensch und Territorium wird die begriffliche Unterscheidung zwischen Endonym und Exonym am Beispiel von geographischen Objekten verdeutlicht, die Grenzen von Gemeinschaften (und zumeist auch Sprachen) überschreiten oder jenseits der Souveränität von Gemeinschaften liegen, weil solche Objekte in dieser Hinsicht die schwierigsten Fälle sind. <?page no="181"?> Pierre de la Robertie 1 ! De l’exonymisation en chinois ! Introduction ! La question de la « traduction » des toponymes étrangers dans une langue cible se pose pour toutes les langues, mais elle joue un rôle particulièrement important lorsque les écritures des langues source et cible sont différentes. ! Si l’on s’en tient au principe posé par l’organisme des Nations unies chargé de la politique toponymique (GENUNG), tout le monde devrait utiliser la forme originelle du toponyme dans ses publications, il n’y aurait plus de « traduction ». Reste, bien sûr, la question insoluble de la prononciation. Le Français moyen ne saura pas prononcer la quasi-totalité des toponymes de langues anglaise, portugaise ou indonésienne, pour ne citer que quelques langues qui utilisent l’écriture latine comme medium graphique. ! Revenons à cette situation de la différence graphique. Deux cas de figure se présentent, au moins. Le passage d’un alphabet à un autre alphabet ; il s’agit alors le plus souvent de translittération, une lettre ou un groupe de lettres de la langue source « équivaut » à une lettre ou un groupe de lettres de la langue cible. Nous pensons ici aux écritures latine, arabe, grecque ou cyrillique, par exemple. Si une écriture n’est pas alphabétique, il faut alors transcrire phonétiquement et graphiquement les sons du toponyme considéré ; en japonais moderne, le syllabaire katakana est employé pour la transcription des mots d’origine étrangère (sauf le chinois et le coréen). On peut aussi imaginer, si la signification du mot source est connue (si celui-ci est en quelque sorte transparent), le traduire dans la langue cible. Exemple de traduction : le [col du] Grand Saint-Bernard, en Suisse : Grosser Sankt Bernhard (allemand), Great Saint Bernard Pass (anglais), Gran San Bernardo (espagnol), Grande S-o Bernardo (portugais), colle del Gran San Bernardo (italien), Bernarda (polonais), Большой Сен-Бернар (russe). Le terme générique (col) n’est pas toujours présent dans les exonymes européens, alors que tous les éléments du terme spécifique (le nom du saint, le mot “saint” lui-même, l’adjectif “grand”) sont traduits. Quelle est la position du chinois face à ce problème ? L’écriture chinoise n’est pas alphabétique, elle ne peut translittérer ; ce n’est pas non plus un syllabaire, même si - puisque chaque sinogramme correspond à une syllabe sur le plan phonique - on pourrait imaginer de transcrire un mot étranger ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 1 Université Rennes 2, EA 3874, LIDILE pierre.delarobertie@univ-rennes2.fr ! 2 Cette notion est empruntée à Peter Päll, Estonien, membre du GENUNG. ! - ! Wielka PrzeÙ¿cz gwi¿tego <?page no="182"?> Pierre de La Robertie 182 dans des caractères chinois correspondant, assez mal d’ailleurs, à sa prononciation d’origine. C’est ce qui est fait pour les noms de personne, le résultat est phonétiquement comme graphiquement étrange, car étranger à la langue chinoise. Ne resterait alors que la traduction. Elle est certes possible dans certains cas, mais, le plus souvent la signification du toponyme est opaque, totalement ou partiellement. Deux grandes stratégies sont, comme pour toute langue, possibles : ! 1) Traduction de l’endonyme étranger lorsque sa signification est suffisamment transparente, ce qui pose le problème de connaissance de la langue source par le traducteur ; d’autre part, la plupart des toponymes actuels ont perdu - apparemment - toute signification, ils ne sont plus transparents, même aux yeux de la plupart des locuteurs de la langue en question. ! 2) Transcription phonétique, nécessairement approximative, du toponyme étranger. Cette option est toujours possible, même si elle « sonne » étrange aux yeux et aux oreilles de tout Chinois. ! Quelle est alors la stratégie de conversion 2 des toponymes étrangers en chinois ? C’est ce que nous nous proposons d’étudier. Nous verrons qu’il n’y a pas une stratégie unique, mais plusieurs, obéissant à des rationalités différentes, parfois contradictoires. ! 1 Présentation minimale de l’écriture chinoise pour lecteurs non sinisants : ! Quelques exemples de graphies chinoises, dites « caractères chinois» (« Chinese characters ») ou sinogrammes : < ý ! Chacun d’entre eux est doté de trois faces : ! graphique : les sinogrammes, qui peuvent être simples (c’est-à-dire non décomposables en éléments) ou composés d’éléments graphiques à valeur soit phonique 3 (ex.  bái) soit sémantique (ex. “arbre, bois”), ou neutre (ex. Ô ) ! sémantique : chaque sinogramme a (au moins) un sens ! sonore (variable dans le temps comme dans l’espace) : à chaque sinogramme correspond une syllabe. ! ! < signifie « nord, du nord, septentrional » signifie « capitale » ; < signifie ainsi « capitale septentrionale » ; ! ! est le nom d’une espèce d’arbre signifie « bois, forêt » ; ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 2 Cette notion est empruntée à Peter Päll, Estonien, membre du GENUNG. ! 3 N’oublions pas que la valeur phonique ne peut être que relative, la langue orale ayant - bien sûr - beaucoup évolué avec le temps. ! <?page no="183"?> De l’exonymisation en chinois 183 ! ý peut signifier « capitale » s’il est employé comme substantif, « tout » s’il est en fonction d’adverbe ; ! " < se prononce « b ĕ i » se prononce « j ī ng » ; ! " se prononce « bó » se prononce « lín » ; ! " ý se prononce soit « d ū » (substantif) soit « d ō u » (adverbe) 4 . ! La syllabe chinoise est normalement constituée sous la forme C V (consonnevoyelle), parfois sans C initiale, parfois avec une finale nasale (/ n/ ou / ŋ / ). Il n’y a jamais de double consonne. ! D’une façon générale, en chinois, les noms sont en fin d’expression complexe, tandis que tous les mots qui déterminent le nom (adjectif, démonstratif, classificateur, nom génitif …) sont placés avant ce nom. ! 1.1 Le cas particulier du Japon, de la Corée et du Vietnam! Pendant des siècles la Chine a exercé non seulement une influence politique directe sur une partie de l’Asie orientale. Les emprunts lexicaux sont bien sûr importants, mais il y a plus encore : l’écriture chinoise fut pendant très longtemps l’écriture unique utilisée. Dans une deuxième étape, la reconnaissance de l’altérité linguistique provoqua l’apparition de systèmes d’écriture mixtes : une partie des sinogrammes étaient à prononcer « à la chinoise » et à comprendre comme en chinois (le caractère qui signifie « montagne » pour les locuteurs chinois t signifie également « montagne » pour les locuteurs japonais, coréens et vietnamiens, par exemple), mais une autre partie était à lire phoniquement sans s’attacher à la signification qu’ils avaient pour les locuteurs chinois (une transcription phonétique avant l’heure). On comprend aisément que certains lettrés aient préféré continuer à écrire en chinois classique « pur ». Le Japon inventa une voie nouvelle : la création, à deux moments différents de son histoire et pour des raisons différentes, de syllabaires créés à partir de sinogrammes modifiés, que l’on appelle hiragana et katakana. Aujourd’hui, on peut ainsi trouver dans un texte japonais trois types de graphies employées simultanément : des sinogrammes, des hiragana et des katakana (servant en particulier pour la transcription des mots d’origine étrangère. Quelles sont les conséquences de cette histoire sur les toponymes ? Les endonymes sont bien évidemment prononcés dans les langues coréenne, japonaise et vietnamienne, même si les emprunts lexicaux au chinois ne sont pas rares. Pour ce qui est de l’écriture endonymique, le Vietnam emploie maintenant uniquement l’alphabet latin adapté par ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 4 Prononciation indiquée selon la langue commune (mandarin) du XXe s. et transcrite selon l’alphabet dit pinyin. ! <?page no="184"?> Pierre de La Robertie 184 Alexandre de Rhodes ; la Corée du Nord n’utilise que l’alphabet hangul, créé au XVe s., la Corée du Sud a quasiment remplacé les sinogrammes par le hangul également. Au Japon, tous les toponymes, comme les anthroponymes, sont écrits en sinogrammes, mais leur prononciation japonaise moderne est différente de celle en chinois moderne, à tel point qu’il existe un dictionnaire des toponymes japonais à l’usage du lecteur chinois qui apprend le japonais, dont le but est de donner la prononciation japonaise (en kana) des noms de lieux que tout Chinois sait lire mais en les prononçant selon la lecture chinoise actuelle. Quelques exemples de toponymes : 1) Japon : d ō ngj ī ng = Tōkyō ! J xiāntái = Sendai ! 2) Corée(s) : ^ pīngrang = Pyongyang ! ¥ liăngjiāng = Ryanggang x renchuān = Incheon ¥G jiāngyuán = Gangwon ! 3) Vietnam : ôA yuènán = Viêt Nam ! ¨0 hénèi = Hà Nôi ! Dans les pays d’Asie du Sud-Est, il est parfois difficile de savoir si certains noms de lieux ont subi une influence chinoise ou si la ressemblance vient de la conversion. ! 2 Stratégie première : la conversion par traduction ! Traduction complète : terme spécifique et terme générique. Ce phénomène est très rare : env. 250 sur plus de 25 000 toponymes étudiés. La rareté de ce type de conversion s’explique aisément, il faut en effet que les deux termes, spécifique et générique, soient compréhensibles, et donc traduisibles; or, les termes spécifiques sont souvent opaques sémantiquement même pour les locuteurs dits “natifs”. Dans les exemples ci-après, nous avons marqué le terme générique en caractères gras, aussi bien dans la langue source (endonyme) que dans la langue cible, le chinois (exonyme) : ! > Q± Thirty-one Mile Lake (Canada, Québec) ! t? v Tres Montes Peninsula (Chili) ! ,¯w Eight Degree Channel (Maldives) "Courant de Maliku" (exonyme français) = « Mamale Kandu » Dans ce dernier cas, remarquons que l’exonyme chinois est une traduction de l’exonyme en anglais et non de la langue locale. ! <t Sierra do Norte (Bresil) ! <?page no="185"?> De l’exonymisation en chinois 185 <üÅ El Mudiriyat esh Shamaliya (= la province du Nord) (Liban) ! Ēè{ Pointe-Noire (Congo Brazza.) ! La conversion chinoise a ajouté à droite un terme générique (signifiant « ville ») à la traduction mot à mot de Pointe-Noire. Dans le cas suivant, ! X Uusimaa (en finnois)/ Nyland (en suédois) (Finlande) , les deux endoymes, finnois et suédois, ont la même structure et la même signification. L’exonyme chinois est donc une parfaite traduction de l’un et de l’autre. ! 3 Stratégie seconde : la traduction du seul terme générique 5 ! 3.1 Avec terme générique L’endonyme étranger possède un terme générique, celui-ci est traduit (c’est un nom commun, il a un sens), tandis que le terme spécifique est transcrit phoniquement. ! Jebel Aamel (Liban) Ąö; t āmàilè sh ā n ! Holderness District (UK) Ċr0X= huò ĕ rdénèisī dìq ū ! 3.2 Sans terme générique L’endonyme étranger est énoncé sans terme générique, la conversion chinoise ajoute un terme générique (traduit), tandis que le terme spécifique est transcrit phonétiquement. Le but de cet ajout est d’informer le locuteur chinois de la nature géographique réelle de l’objet ainsi nommé. ! Naf (Birmanie) Èb¨ nàfū hé ! Nahe (Allemagne, Rhénanie-Palatinat) ÌF¨ nàè hé ! Nupani (Îles Salomon) : ~su nŭpàní dăo ! Dans ces exemples, l’endonyme étranger n’est composé que du seul terme spécifique, la conversion chinoise a jouté le terme générique ¨ hé, qui signifie « cours d’eau, fleuve, rivière », ou le terme générique u d o, qui a pour sens « île ». ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 5 Dans nos exemples ci-après, le terme générique est écrit en gras. En outre, nous avons choisi de ne pas écrire la marque tonale, car le ton ne joue aucun rôle dans l’exonymisation. ! ă <?page no="186"?> Pierre de La Robertie 186 4 Stratégie tierce : la transcription phonique du seul terme spécifique! Ici, il n’est pas considéré comme essentiel que le toponyme soit accompagné de son terme générique. Bien entendu, en contexte, il est toujours possible d’ajouter celui-ci, s’il apparaît nécessaire, ou simplement utile, aux yeux du rédacteur ou du locuteur. Comme nous l’avons dit plus haut, les contraintes phonétiques du chinois ne permettent qu’une phonétisation approximative par rapport à la langue source, en particulier l’ajout d’une voyelle après chaque consonne. ! Aachen (Allemagne) ¼ yàchēn ! Aalsmeer (Pays-Bas) Ąrr ! Abbah Quşūr (Tunisie) ÚIÜr ! Bäckefors (Suède) +Æ bàikèfúshí ! Cabrobó (Brésil) |đB Dair'Ajlūn (Jordanie) rĄĆ ! Faizābād (Afghanistan & Inde) ªz ! Nadadores (Mexique) Èùĉ nàdáléisī ! Nadvoicy (Russie) Ȧ Ĕ nàdéwòyīqí ! 5 Stratégie quarte : les toponymes complexes, traduction et transcription mêlées ! 5.1 Les directions de l’espace 6 sont traduites, qu’il s’agisse d’objet naturels ou de lieux habités. East Brewton (USA) |đČ dong bulutun ! North Adams (USA, Mass.) < bei yadan ! Nordfjord (Norvège) <wµ bei xiawan ! Sierra de Norte (Argentine) <t bei shan ! Uttar Pradesh (= province orientale) (Inde) <ú beifang bang ! Ostfriesische Inseln (Allemagne) ÿç Ñu dong fulixiya qundao ! Western Province (Zambie) çÅ xifang sheng ! Nusa Tenggara Barat, Propinsi (Indonesie) ç: §Á9Å xi nusha dengjiala sheng ! Dans ces exemples, les génériques Å sheng, y qundao traduisent respectivement les génériques “province, département” et “archipel, îles”. Le générique chinois ú bang traduit ici le terme indien (hindi ? ) « pradesh », ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! 6 Dans ce paragraphe, comme dans les suivants, le sujet traité est écrit en gras. ! -¼rsÎméi¼r àibàigýs¼r k©bùlýbó dài¼r’-jiélóng f©z-b-dé <?page no="187"?> De l’exonymisation en chinois 187 qui signifie « province » et désigne l’un des états qui composent l’Union indienne ; il est utilisé en réalité comme terme générique pour tous les états de ce pays, quelle que soit la forme de leur endonyme. 5.2 Les mots qui désignent l’amont ou l’aval dans le terme spécifique sont traduits, quelle que soit la langue considérée, par les mots shang (supérieur) ou xia (inférieur). ! Upper Arrow Lake (Canada) ϱ shang yaluo hu ! Haute Egypte (Egypte) YH shang eiji ! Oberammergau (Allemagne) Ąēď shang amogao ! Cachoeira Alta (Brésil) CÙY shang kashueila ! Niederbieber (Allemagne) £ xia bibo ! Nizke Tatry (Slovaquie) \¹t xia tatela shan ! Baja California (Mexique) 97Æs xia jialifuniya ! 5.3 Les mots signifiant la nouveauté ou l’ancienneté sont traduits par les mots xin (nouveau) et lao ou jiu (qui tous deux signifient « vieux, ancien ») ! Nea Dimmata (Chypre) kč\ xin jimata ! Neubrunn (Allemagne) ! & xin bulun ! Neuf-Brisach(France) ! æä+ xin bulisake ! New Delhi (Inde) ÿ xin deli ! Novosibirskie O-va (Russie) ç 7 Ñv xin xiboliya qundao ! Old Faithful (USA) Óo© lao shiquan ! Old Rhodes Key (USA) Ø(v jiu luode dao ! Old Wives Lake (Canada) Óg± laoqi hu ! 5.4 Les mots « saint » « sainte » sont traduits, quelle que soit la langue source, par sheng ; « Notre-Dame » est traduit par shengmu. ! Nossa Senhora das Dores (Brésil) `7Õ¢Z duolisi shengmu cheng ! Nossa Senhora do O (Brésil) eW¢= ao shengmu qu ! Saint Albert (Canada) ÕÚ ¹ sheng aibote ! Saint Amand-les-Eaux (France) ÕĄÛ-Ê sheng amanglaisuo ! Isla de San Ambrosio (Chili) Wl|Îçeu sheng anbuluoxiao dao ! San Andreas (USA) Õl¶ sheng andelieyasi ! San Casciano in Val di Pesa (Italie) #ä¨ðÕC ë peisa hegu sheng kaxianuo ! Sankt Nikola (Autriche) Õs+ sheng nikela ! <?page no="188"?> Pierre de La Robertie 188 Sankt Olof (Suède) Õ·® sheng wuluofu ! Santa Cruz (Angola, Portugal) Õ+Đ sheng kelushi ! S-o Paulo (Brésil) Õ%Ï sheng baoluo ! 5.5 Les mots « bourg » et «fort» et leurs équivalents dans les autres langues sont généralement traduits par le même terme chinois [ băo ! Bourg-des-Comptes (France) j¹[ kongtebao ! Dahlenburg (Allemagne) õ [ dalunbao ! Falkenburg (Canada) ÆrÖ[ fuerkenbao ! Geluksburg (Afrique du Sud) ó; +[ helekesibao ! Hollidaysburg (USA) Ċ7ø[ huolidisibao ! Holsteinborg (Danemark) Þr-R[ heersitaiyinbao ! Fort Worth (USA) ¦[ wosi bao ! Freiburg (Allemagne) ò[ fulaibao ! Qal'at Saman (Syrie) §[ shaman bao ! 5.6 Le mot « -shire », dans les toponymes anglais, et ayant le sens de « county », est généralement traduit par jun, qui désigne une entité administrative. ! Leicestershire UK) à¹û laisitejun ! Merionethshire(UK) ÿesû meiliaonisijun ! 5.7 Les termes signifiant « grand » ou « petit » sont souvent traduits ! Grande Prairie Canada (Alberta) aÝGZ da caoyuan cheng ! Great Abaco Islands (Bahamas) a zÇÑv da yabake qundao ! Little Sioux River (USA) q¨ xiao su he ! Dans ces exemples, la conversion est constituée de trois éléments : la traduction de “grande, great, little”, la transcription phonétique (ou la traduction) du terme principal de l’endonyme étranger complexe (« Prairie » est traduit, « Abaco » et « Sioux » sont transcrits, et - la plupart du temps - la traduction ou l’ajout du terme générique ( ¨ he « River », Ñv qundao “Islands”, Z cheng “ville”; dans ce dernier cas, le générique permet d’informer le lecteur chinois que cette “prairie” est en réalité une agglomération et non un espace naturel). ! 5.8 Les termes signifiant « ville » ou « port » sont généralement traduits ! Beaver city (USA) £"Z bifo cheng ! Edgeworthstown (Irlande) FĔ¦Ă eqiwosizhen ! Port Klang (Malaisie) +° kelang gang ! <?page no="189"?> De l’exonymisation en chinois 189 Porto Amboim (Angola) l«R° anboyin gang ! Puerto Bolivar (Equateur) »7¾r° boliwaer gang ! Bandar-e Deylam (Iran) Jå° tailan gang ! Trois mots, en chinois, peuvent servir à désigner des lieux habités importants, correspondant au terme de « ville » en français ; ce sont Z cheng, { shi et Ă zhen. Z cheng, étymologiquement, désignait la muraille protégeant les agglomérations humaines et a de ce fait aussi servi à designer les lieux habités enclos dans ces murailles; { shi, désignait d’abord le marché, puis les lieux habités abritant ces marches; Ă zhen est employé pour designer des agglomerations moins importantes que les shi, il est utilisé dans l’exonymisation pour traduire l’anglais “town” plutôt que “city”, qui est - lui - rendu par les mots shi ou cheng. Gang ° signifie “port“ en chinois. ! 5.9 Les anthroponymes et les titres, dans les toponymes créés en hommage à une personne, sont généralement traduits ! General Alvear (Argentine) ĄrÍ rp2ă aerweiyaer jiangjun zhen ! Generalisimul Suverov(ex-URSS) ÜċÎba*}ă suweiluofu dayuanshuai zhen ! Princess Charlotte Bay (Australie) §®¹- µ shaluote gongzhu wan ! Île du Prince Edouard (Canada) áºiv aidehua wangzi dao ! Comme nous l’avons déjà vu plus haut, les traducteurs chinois ont ajouté au toponyme étranger un terme générique rendant manifeste auprès de leurs lecteurs que l’objet désigné par ce terme est une ville (dans les deux premiers exemples) d’importance moyenne, et non un personnage historique. ! 6 Modifications de la structure de l’endonyme étranger lors de la conversion ! 6.1 Modification de la structure syntaxique ! Lorsque la langue source est de type latin avec de nombreuses déterminations placées après le nom (épithète, complément du nom, etc.), il y a modification de la structure syntaxique lors de la conversion, car, en chinois, toutes ces déterminations doivent être placées avant le nom. Il y a donc inversion des parties du terme spécifique complexe. La morphologie du chinois ne connaît pas de différence de genre ni de nombre. ! <?page no="190"?> Pierre de La Robertie 190 6.2 L’article est soit élidé, soit transcrit phoniquement ! 6.2.1 Elision ! el Aachara (Syrie) Ą§ ashala ! Jabêl ad Daghm (Arabie saoudite) ht daigemu shan ! Rahad an Nabaq (Soudan) d± naibaige hu ! Le terme générique est traduit lorsqu’il est déjà présent dans l’endonyme étranger, le terme spécifique fait l’objet d’une simple transcription phonique. ! 6.2.2 Transcription ! Nogent-le-Roi (France) ëì; Đ¾ nuorangleluwa ! Neuville-les-Dames (France) ê˸ -ùh neweier-laidamu ! Neuilly-la-forêt (France) í Æĉ neyilafulei ! L’article est intégré à la transcription phonique du toponyme. Mais, deux cas de figure se rencontrent : soit l’ensemble est écrit sans aucun espace en chinois, alors que le français utilise des traits d’union pour marquer la différence de mots dans le mot composé ; soit, le chinois insère un signe équivalent au trait d’union français, mais un seul et non deux. Autrement dit, la complexité du toponyme étranger n’est pas rendue en chinois. ! 6.2.3 L’article intégré dans le spécifique est toujours transcrit et perd alors sa visibilité ! Le Mans (France) ; Û lemang ! Las Palmas (Argentine) ~)Ď lasipaermasi ! Los Alamos (USA & Chili) ®Ąß luosialamosi ! L’Asuncion (Venezuela) layasongsen ! 6.3 Les prépositions sont parfois élidées, parfois transcrites phoniquement ! 6.3.1 Elision ! Sierra do Cachimbo (Brésil) C¡|t kaxinbu shan ! Baia de Cádiz (Espagne) 9ò jiadesi wan ! Plaine des Cafres (la Réunion) CbrG kafuer pingyuan ! Falso Cabo de Hornos (Chili) 'K
è jia heen jiao ! 6.3.2 Transcription ! Neuilly-en-Thelle (France) ê -; neyiangtaile ! Neustadt bei Coburg (Allemagne) Ç[ą÷ë \ kebaofujinnuoyishitade ! Neuville-de-Poitou (France) ê˸ - ¾U neweier-depuwatu ! <?page no="191"?> De l’exonymisation en chinois 191 Newcastle-under-Lyme(GB) ÉC¸l-h niukasierandelaimu ! Comme dans le cas de l’article, la préposition étrangère devient invisible, en raison de la juxtaposition de tous les éléments du toponyme complexe. Dans certains cas, néanmoins, la complexité du terme étranger est marquée par un (seul) signe typographique, montrant - dans notre exemple - que Neuville et Poitou (la transcription transforme « de Poitou » en « dePoitou » comme s’il n’y avait là qu’un mot unique ! ) sont deux mots simples qui forment ensemble un terme complexe. ! 6.3.3 Cas particulier des lieux situés près de cours d’eau ou de mer ! L’équivalent chinois de la préposition française « sur » (ou ses synonymes en d’autres langues) est ¨À hépàn , qui signifie « la rive, le bord de la rivière (du fleuve) ; au bord de la rivière ». Le nom du fleuve (du lac, de la mer) est suivi de cette expression signifiant la proximité, enfin le « proprial » du lieu. Pour les réalités géographiques situées au bord d’un lac ou d’une mer, c’est ´ bin qui est employé, avec le même sens. ! San Felice sul Panaro (Italie) ~È(¨ÀÕñ75 panaluohepan shengfeiliqie ! San Antonio del Mar (Mexique) ´¯Õlsf binhai shengandongniao ! Noyal-sur-Vilaine (France) Íàí¨À: ¾ ; weilainehepan nuwayale ! Newbiggin by the Sea (GB) ´¯É£Ā binhai niubijin ! Neustadt an der Donau (Allemagne) `½¨Àë \ duonaohepan nuoyishitade ! Neusiedl am See (Autriche) ´±ā¸ binhu xinxideer ! 7 Des traductions possibles, mais non réalisées ! Dans de nombreux toponymes composés, l’une des composantes ressemble à un terme générique, a un sens et pourrait être traduite, et pourtant… ! Cactus Lake (Canada, Saskatchewan) C+¹à+ ! ! kaketesi laike ! Fall Brook (USA, California) Ær|đ+ fuer buluke ! Newark Valley (USA, New York) ɾ+¾7 niuwake wali ! Warm Beach (USA, Washington) ¾h£c wamu biqi ! Innsbruck (Autriche) D|Đ+ yinsibuluke ! Huntsville (USA & Canada) -Ë hengciwei ! Flekkefjord (Norvège) bĉ+â³ fuleikefeiao ! Eastport (USA, Maine) ¹«¹ yisitebote ! <?page no="192"?> Pierre de La Robertie 192 Sault aux Cochons (Canada, Québec) ÊÇĈ¨ suotuokexiong he ! Bahia Blanca (Argentine) ÂCµ bailangka wan ! Ces toponymes désignent non ce qu’ils semblent être (lac, cours d’eau, vallée, plage, pont, etc.), mais des villes. Les mots simples qui forment ces mots composés sont considérés comme ayant perdu leur signification première, mais rien n’empêchait qu’il en fût autrement. Pour Huntsville et d’autres toponymes similaires, le mot français « ville » aurait-il perdu sens en faisant partie d’un mot anglais? ! Conclusion ! Ce survol du monde à travers le regard de l’écriture chinoise nous a permis de constater la grande diversité des situations exonymiques en chinois. Certes, nous nous doutions que les termes géographiques ne pouvaient être traduits de manière complète que très rarement, ne serait-ce qu’en raison de la nécessité de connaître la signification de ces mots. Les termes génériques sont, de par leur rapport direct avec la nature même de l’objet désigné, aisément traduisibles d’une langue à l’autre, même si ce n’est pas toujours terme à terme ; en effet, le découpage du monde dans les différentes langues n’est pas toujours identique ; le mot anglais « river » peut se traduire aussi bien par « fleuve » que par « rivière » en français, pour donner ici un exemple que tout le monde connaît. L’exonyme en chinois traduit donc souvent le terme générique étranger, parfois même il l’ajoute, alors que celui-ci est absent de la langue source. Mais, le terme spécifique, lui, ne peut que faire l’objet d’une transcription phonétique approximative, qui sera écrite en sinogrammes dont le sens est alors opacifié, rendu invisible. L’inconvénient de ce système se révèle dans un texte quelconque, mêlant des toponymes au milieu de mille autres mots : la plupart des sinogrammes sont signifiants, arrangés en mots souvent dissyllabiques ou plurisyllabiques, mais certains (les noms propres, toponymes ou autres) ne sont à lire que phonétiquement. Dans ce cas, l’existence du terme générique est d’une grande aide à la compréhension. Prenons un exemple (il s’agit d’une phrase extraite de l’article sur la géographie des Etats-Unis dans l’encyclopédie en ligne Wikipedia) : ÐTV46×9aN]çPÄþ ć¯×$Ï Iz zOč Les toponymes ne sont pas visibles, marquons les en gras : ÐTV46×9aN]çPÄþ ć¯×$Ï Iz zOč Dans cet exemple, le contexte met déjà sur la voie de la reconnaissance de certains mots comme termes géographiques, et la syntaxe et les autres mots de la phrase complètent l’information du lecteur. La conversion des toponymes étrangers en chinois est un processus assez complexe, puisque d’une part elle suppose une certaine connaissance de la prononciation de l’endonyme en question, mais aussi de sa nature <?page no="193"?> De l’exonymisation en chinois 193 géographique (on se doit parfois d’ajouter un terme générique) ; en outre, la structure morphosyntaxique étrangère fait l’objet de modifications, sinisant en quelque sorte la forme même du toponyme (voir ci-dessus le cas des prépositions et articles). A ces phénomènes somme toute ordinaires et anciens, s’ajoute la volonté, en Chine populaire, de normaliser l’écriture, ce qui se traduit par l’instauration de normes officielles publiées sous l’égide d’organismes gouvernementaux. Ces normes existent actuellement pour plusieurs langues, elles imposent d’employer tel ou tel sinogramme pour la conversion de telle ou telle syllabe (ou lettre) étrangère. On pourrait imaginer un avenir où les termes spécifiques ne seraient plus que transcrits phoniquement, sans place aucune pour d’éventuelles différences individuelles dues au scripteur, et où le terme générique seul serait traduit. Cette situation faciliterait sans doute la traduction automatique. En attendant ce jour, que personnellement nous ne souhaitons pas, la situation des exonymes en chinois reste un phénomène complexe, mêlant traduction et transcription phonique. ! ! Références : ! • le site officiel http: / / www.xzqh.org/ html/ • et sa partie consacrée aux exonymes administratifs (pays et unités administratives, villes principales) http: / / www.xzqh.org/ old/ waiguo/ index.htm Commission chinoise de toponymie (1993) : _SXLïL1 (Manuel de traduction de toponymes étrangers), Beijing, Shangwu yinshuguan, 910. L A R OBERTIE (de) Pierre (2005) « La morphosyntaxe des noms propres en chinois », in Corela. http: / / edel.univ-poitiers.fr/ corela/ document.php? id=366 Minzhengbu diming yanjiusuo/ Quanguo diming biaozhunhua jishu weiyuanhui (2000) : @ ¤.NSSn3 XLE 1 (Normes nationales de la République populaire de Chine. Volume « Toponymes » (1), Beijing, Zhongguo biaozhuan chubanshe. ZHANG Li 8 (sous la direction de) (2009) : ¿ LXLïL-é1 (Manuel de traduction avec explication d’anthroponymes et de toponymes du monde), Beijing, Luyou jiaoyu chubanshe, 653. ZHOU Dingguo MmS (sous la direction de) (2008) : ¿XLÒïaî/ (Place names of the world. A comprehensive dictionary of place names in Roman Chinese) , Beijing, Zhongguo chuban jituan / Zhongguo duiwai fanyi chuban gongsi, 1281. Résumé De l’exonymisation en chinois La question de l’exonymisation des toponymes en chinois est relativement complexe en raison de l’absence d’alphabet, qui permet la translittération, ou de syllabaire (comme les kana japonais, qui autorisent une sorte de translittération syllabique). Soit l’on traduit les termes générique et spécifique, ce qui est rare (1% de notre corpus), soit l’on traduit le générique <?page no="194"?> Pierre de La Robertie 194 (voire l’ajouter, pour une meilleure compréhension) et transcrit phonétiquement le spécifique en utilisant les caractères chinois pour leur seule valeur phonétique (cas le plus fréquent), soit même une totale transcription phonétique. Dans ces deux cas, la structure morpho-syntaxique du chinois peut obliger à des modifications dans l’ordre des mots du toponyme composé étranger ou dans l’élision de certains éléments (comme l’article). Summary On exynomization in Chinese How to write in Chinese the place-names of the world? This is quite a question, because of the specificity of Chinese writing : no alphabet, (which allows any letter to be transliterated), no syllabic alphabet (as the Japanese kana, which permit any phonetic transcription). The answer is not the same if we consider the generic term, which is translated or may be translated, even added for the sake of better understanding, and the specific term. Very few specific terms have their meaning understood, even by native speakers; in our corpus, this translation concern about 1% of the toponyms; so, the main way of toponymization in Chinese is a phonetic rendering, using the Chinese characters nor for their meaning, but for their prononciation. Even that kind of conversion may change the name-order of the Foreign name, or the elision of some parts (article, for example), to make the result more “Chineselike”. Zusammenfassung Zur Exonymisation im Chinesischen Aufgrund der Abwesenheit eines Alphabets oder eines Silbeninventars (wie im Japanischen), das für die Transliteration herangezogen werden könnte, ist die Frage der Exonymisation von Toponymen im Chinesischen ziemlich komplex. Entweder werden sowohl der generische als auch die spezifische Konstituente übersetzt, was eher selten der Fall ist (1% unseres Korpus), oder die generische Konstituente wird übersetzt (oder für das bessere Verständnis sogar hinzugefügt), und die spezifische Konstituente wird phonetisch transkribiert, indem die chinesischen Schriftzeichen für ihren phonetischen Gehalt verwendet werden (was am häufigsten der Fall ist), oder das ganze Toponym wird phonetisch transkribiert. In beiden Fällen kann die morphosyntaktische Struktur des Chinesischen zu Modifikationen und Elisionen führen, z.B. in der Reihenfolge der Konstituenten im ursprünglichen Kompositum oder beim Artikel. <?page no="195"?> H rv e Le Bihan 1 The grammatical status and syntax of toponyms and anthroponyms. The case of Breton and Welsh 1 Introduction Breton toponyms have been the object of numerous studies by etymologists and historians since the mid 19th century. For the first category the approach was based uniquely on the understanding of the name and the point was merely to isolate its different components. Those were the days of linguistic archeology. As for the second category, replacing the toponyms in their historical context helps make them useful auxiliary sources; in the case of the Breton language, they were indeed frequently used as a tool in the study of territorial organisation 2 However the studies on the toponyms has recently begun to investigate new fields such as dialectology. 3 Breton toponyms for instance appear to follow the same syntactic rules as all the other names. In this paper I offer to examine some of these toponyms as well as some anthroponyms in the light of their relation to syntax. The Breton language is a part of the Brittonic Celtic languages group, like the Welsh and Cornish languages. One of the main features of the Modern Brittonic Languages is the lenition of initial consonants, which follows a series of grammatical or syntactic principles. This lenition is described in synchrony as a “morphophonemic” or “phonomorphemic” phenomenon 4 . It has an effect on plosive, nasal and liquid consonants: / p t k b d g m n l r/ > / b d g β δ γ µ λ ρ/ The realization of this lenition, together with its marking, slightly diverges in Modern Breton, Welsh and Cornish. But as the main principles remain, I need not insist and give more details that would not serve the purpose of this demonstration. 1 Université Rennes 2, UMR 8546 AOROC, ENS, 45, rue d’Ulm, 75230 Paris Cedex 05 herve.lebihan@uhb.fr 2 Reference here is to various toponyms formed in plou-, lan-, tre(v)-, log-, etc; in this case identifying the eponym is of paramount importance. 3 Cf. Vallerie (1995). 4 Ternes (1970, 81), Pennaod (1995, 81). é <?page no="196"?> Hervé Le Bihan 196 2 The case of the syntagm determined + determiner The general principle of one of the phonomorphemic rules shows that in the case of a syntagm of the type determined + determinant, whatever the determinant - be it an adjective or a substantive in genitive function - lenition - or its absence - in the determinant after the determined depends on gender. For example: W, C 5 mam, B mamm “mother” (feminine substantive in the singular) & W, B, tad, C tas “father” (masculine substantive in the singular). C coth, B kozh “old” & W cu “dear” give the following syntagma: W mam-gu, C mam-goth, B mamm-gozh “grand-mother”, in which lenition is marked in the three languages (c-, k- > g-) 6. In W tad-cu, C tas-coth & B tadkozh “grand-father”, lenition is not marked. The case I propose to examine here is the syntagm determined + determiner, with the determined being an anthroponym. The rule mentioned above shows a phenomenon which was previously considered as an exception: a masculine substantive determined by an anthroponym or a masculine anthroponym determined by an adjective can, in some cases, produce the lenition of the determiner. This phenomenon is well known and has been so from the oldest period of the Brittonic languages, at least since the first written documents (since the VII th century or circa). In Old Breton numerous examples can be found 7 : in personal names: Iarn-gucol (iarn “iron” + cugol “cap”), Cat-uuaran (cat “fight” + baran “fury”), etc. 8 in place-names: an Manac-di “the house of the monk”, Maer-di “maiorem uillam” “major house” (= French “mairie” in the modern language), in which di is the lenition of ti “house”. 9 One can also mention the Old Breton patronyms in ab-, ap- (only in the 5 From now on: W = Welsh, C = Cornish, B = Breton. 6 Other phonetic phenomena create some divergences in the systematic generalization (or absence of ) of that type of lenition. The Breton language in particular does not show a lenition of determiners beginning with / k/ when the determined feminine singular ends with / s, z, zh c’h (= [x])/ . The reasons for it are purely phonetic. For exemple: merc’h [mεrx] “daughter” (feminine) + kaer “beautiful” > merc’h-kaer “daughter in law” (cf. French belle-fille; but there is another native word with the same meaning: merc’heg). Or else: yezh (feminine) “language” + kozh “old” > yezh kozh “old language” vs W iaith Gymraeg “Welsh Language” from iaith “language” and Cymraeg “Welsh”. 7 In common names lenition also exists, for exemple: aval-gor “apples” + “orchard” from aval + cor (cf. W afallgyr with the same meaning), in which aval is a masculine word. It is the same in syngtama with an adjective as determiner, for exemple: dar goth “old oak” (dar = “oak” is feminine), etc. 8 In this case a different - older - order, prevails, in which the determiner precedes the determined. 9 See Fleuriot (1964, 214-215) for details. <?page no="197"?> The grammatical status and syntax of toponyms and anthroponyms 197 Bas-Léon area, id est the North-West of the present-day Département of Finistère). One can find these forms in patronymics like Abernot, Abeguilé, Abjean, Appriou, etc. The first element comes from he word mab “son”; the latter, when in determining position, came to bear the lenition mab > vab and transformed into ab, even though the determined was masculine. The same phenomenon can be observed in Welsh as well. In the modern period all Brittonic languages have known the same phenomenon. For exemple, in Cornish: Wella Goth “Old Will”, Jowan Verra “John (the) Shorter” 10 . In Welsh one can find Hywel Dda “Hoel the Good” (in which dda [δa] derives from da “good”), Llywelyn Fawr “Llywelyn the Great” (from mawr “great”), Iolo Goch “Iolo the Red” (from coch “red”). In Breton this phenomenon is very common: today Youenn vras “Yves the Tall” (from bras “tall”), or, if we consider the family name of the author of this paper: Herve Bihan = “Herve whose family name is Bihan”, Herve Vihan “Little Herve” (bihan “little, small”); lenition here is a token of affection 11 . Generally the system reads first name + family name in which the latter is marked by the lenition affecting a masculine name. In Modern Breton: Erwan Gonan (from Konan), Divi Gervella (from Kervella). In Welsh and in Breton the syntagm determined + determiner is extremely frequent: in it the determined often proves a toponymic term while the determiner is an anthroponym, namely -in many a casethe owner’s family name, whether under its current or old form. As evidence of it, Welsh has Tyddyn Fadog “Madoc’s small farm” (tyddyn “small farm” being a masculine word”; Fadog / mhadog/ 12 coming from Madog), Tyddyn Ronw “Gronw’s small farm” (Ronw from Gronw); Cae Ddewi “Dewi’s yard” (cae is a masculine word); Llety Domos “Tomos inn” (llety is a masculine word). In Breton too a similar phenomenon can be noticed, like in Ti Vatriona “Matriona’s house” (from Matriona; this the translation of Solzhenitsyn’s novel), Ti Bedro (from Pedro, the name of a pub in Rennes). That lenition is the mark of the genitive form. In Brittany the first element in many toponyms (in terms of construction determined or determiner) can easily be identified and has a corresponding word in the modern language. Indeed, usage often gives these words a masculine or feminine status, at least in appearance. Among identifiable terms let us mention: kêr “town, village, farm” (feminine), ti “house” (masculine), stêr “river” (feminine), gwazh “watercourse” (feminine), etc. 10 Brown (1984, 17). 11 In Archaic Middle Breton we can find similar constructions: Gueguon Vatt “Gwegen le Bon” (but the same record dated from the XII th century also gives Guegon Mat “Gwegan le Bon” which doesn’t include the lenition; both were pronounced / gwegon mhat/ ) though. Another example is: Petrus dictus Davodec for *Petr Davodec “Peter the Talkative” (from tavotec, < tavot “tongue”, cf. Modern Breton teod, Modern Welsh tafod). 12 The letter f is / v/ in the Welsh orthographic system, while ff is meant for / f/ . <?page no="198"?> Hervé Le Bihan 198 According to these rules, lenition will be marked after compounds in kêr, stêr, gwazh, but not after compounds in ti. However, lenition will occur when the term is identified as masculine, like Kemper “Quimper”, a town in the South-West of Brittany (from kember “confluent”, a masculine term). One says Kemper Vras “the Great Quimper” (from bras “great”) 13 . Similarly, Breizh “Bretagne” is considered as a feminine toponym: Breizh-Vihan “Britannia Minor” “Continental Britain” 14 is contrasted with versus Breizh-Veur “Great Britain” (from bihan “small” and meur “great”). This seems to be confirmed by a certain number of occurrences of the syntagm article + Breizh, in which Breizh is lenified: ar Vreizh which, for my part, I believe to be a usage derived from the syntagm Breizh-Vihan and Breizh-Veur. One comes upon the same phenomenon of lenition in Treger Vras “Great Trégor” 15 and in Treger Vihan “Small Trégor”. If in the case of Breizh one can take for granted the influence of the word Bretagne, which in French is feminine (we say la Bretagne est petite, etc), in the case of Treger the argument doesn’t hold for the French equivalent, Trégor, is masculine 16 . Provisionally, I will conclude as follows on the couple determined + determiner: when the first element in them is identified, minor 17 toponyms bear the lenition according to the -knowngender of the said first element. Conversely, major toponyms systematically 18 bear the lenition, regardless of the gender of the term concerned. For instance, one can say Kastellin “Châteaulin” 19 or Ar C’hastellin (with the phonetic mutation / k > c’h/ ; indeed Breton excludes the possiblity of the couple / r + k / , a characteristic feature of masculine nouns). That is the reason why one may hear Kastellin Vras “the Great Châteaulin”. In Welsh the same phenomenon occurs in toponyms such as Llanbadarn Fawr (= Llanbadarn + Mawr “Great Llanbadarn”) 20 . 3 The case of the syntagm determiner + determined This combination evidences the same lenition in Breton and Welsh. One finds in Breton Hengoad (hen “old” + koad “wood”), in Welsh Hengoed 13 Kemper is a major toponym while ti, for example, is a minor one. 14 In French “Bretagne Continentale”, Bretagne occurs both for Britain and Brittany. 15 Trégor (B Treger) is a Breton speaking area around Tréguier and Lannion in the Northern part of West Brittany. 16 Cf. Le Trégor, the title of a weekly magazine. 17 For the distinction between minor and major see note 12 above. 18 So far, occurrences showing the opposite haven’t been found. 19 A small town in central Finistère. 20 Llanbadarn Fawr is located near Aberystwyth. <?page no="199"?> The grammatical status and syntax of toponyms and anthroponyms 199 (hen “old” + coed “wood”), in Breton and Welsh Henbont (hen “old” + pont “bridge”). In the latter case, pont is masculine in Breton and feminine in Welsh (B ar pont, W y bont “the bridge”), but the difference in gender doesn’t change the result of the combination determinant-determined. In Breton one also finds two comaparable toponyms in which the same determiner can be found either in ante or in post-position, and with the same determined too: ar Gozhkêr (kozh + kêr) and ar Gêrgozh (kêr + kozh). In the first case translatation reads “ruined, lost village”, with the determiner in anteposition being showing pejorative use; in the second case it reads “the old village”, in which the determiner in post-position keeps its first meaning. One can compare also with idiomatic Modern Breton: ur c’hi kozh “an old dog” (first meaning), ur c’hozh ki “(a) fucking dog” (pejorative connotation). In the last two occurrences kêr and ki are respectively feminine and masculine words. 4 Appendix: Syntax of Breton toponymic derivatives in -iz Modern Breton retains a characteristic, which is otherwise obsolete in the rest of the Brittonic Languages: I am referring here to the derivation in -iz in some toponyms, which helps create the names of the inhabitants of a given place. For instance: Roazhon “Rennes” gives Roazhoniz “the inhabitants of Rennes”. This derivation allows in some cases to distinguish between several categories. Thus, Breizhiz (from Breizh “Brittany”) refers to “all the inhabitants of Brittany”, whereas Bretoned is for “the Breton people, including those living outside Brittany”; one must also distinguish between Gwenediz “the inhabitants of the city of Vannes” and Gwenedourion “the inhabitants of the Vannes country” (both from Gwened “city of Vannes” and “country of Vannes”). The origin of this suffix has often been discussed. It was ascribed an origin coming from Old French 21 . In this case however, the sources of the other Brittonic languages were overlooked, in the case of Welsh in particular, both in terms of morphology and syntax. In actual fact, the oldest Welsh sources (VII th -IX th centuries) show an identical formation in -wys, which excludes any loan whatsoever from Old French or any other Roman dialect (for instance: Lloegrwys “the inhabitants of Lloegr” id est “the English people”). A connexion with Latin - -ensis is not excluded, but this is not the place to discuss such a question. In terms of syntax, Modern Breton and Old Welsh proceed in the same way as far as this suffix is concerned. Neither -iz nor -wys can boast of examples using the definite article. Truly so, in the oldest period of the Brittonic languages, the definite 21 Hemon (1975, 32). <?page no="200"?> Hervé Le Bihan 200 article was used as a demonstrative, which made it less frequent. Today, in Modern Breton, the article has kept its demonstrative value: one says “Herve Bihan” but “Teus ket gwelet ar Bihan ? ” (“have you seen this Bihan”). One must add that the generalised use of the definite article in Modern Breton renders its omission before terms in -iz all the more remarkable. This omission creates morphosyntactic and syntactic specificities: Kemper “city of Quimper” gives Kemperiz “the inhabitants of Quimper” but also “some inhabitants of Quimper”. For instance one can say Kemperiz zo lorc’h enne gant o c’hoariva nevez “the inhabitants of Quimper are very proud of their new theater”. If one wants to use Kemperiz in its indefinite value (“some people from Quimper”) two constructions are possible: one is Lod Kemperiz, in which the word lod is a partitive; it can then translate literally “some people from Quimper, some inhabitants from Quimper”. another is a verbal construction with a form of the verb to be, zo (W sydd, sy). This form, which corresponds to the third person, is always postposed and can never mark the plural. For instance, Kemperiz zo “some people from Quimper” stands for “there are some people from Quimper who...”. One can say: Kemperiz zo zo o c’houlenn busoù nevez “some people in Quimper are asking for new buses” (the second zo being part of the second syngtam: zo o c’houlenn “...are asking for”). Bibliography Ball, Martin J. Ball & Müller, Nicole (1992), Mutation in Welsh, Routledge. Brown, W. 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Résumé Statut grammatical et syntaxe des toponymes et des noms propres. Le cas du breton et du gallois Les toponymes et les anthroponymes sont plus souvent l’objet d’études de la part des étymologistes que des linguistes travaillant sur la syntaxe. Ceci est particulièrement vrai des toponymes et antroponymes bretons ou gallois. Dans cette petite étude nous montrons un aspect particulier de la syntaxe de ces catégories de noms: la mutation consonantique. Cette mutation qui est le marqueur du génitif est analysée dans les rapports déterminants-déterminés. En appendice nous donnons quelques éléments sur la syntaxe des dérivés en -iz. Summary Grammatical status and syntax of toponyms and proper names. The case of Breton and Welsh Most of the time, toponyms and anthroponyms have been studied from an etymological point of view rather than from a linguistic - syntactically oriented - one. This is particularly true for Breton and Welsh toponyms and anthroponyms. In this brief study, we will focus on one singularity of the syntax of the aforementioned categories: the lenition of initial consonants. As marker of the genitive case, the lenition is here analysed in terms of the relationship between determiner and determined. Finally we will provide the reader with some elements concerning the syntax of derivatives in -iz. Zusammenfassung Grammatischer Status und Syntax von Toponymen und Eigennamen im Bretonischen und Walisischen Toponyme und Anhroponyme werden und wurden meistens eher unter einem diachronischen Aspekt untersucht als unter einem linguistischen, syntaktisch orientierten. Dies kann man besonders bei bretonischen und walisischen Toponymen beobachten. Diese kurze Studie konzentriert sich auf die Lenition von Konsonanten im Anlaut für die oben angeführten Kategorien. Die Lenition wird hier als Genitivmarker betrachtet und mit Hilfe der Beziehung zwischen Determinant und Determinatus analysiert. Im Anhang findet der Leser einige Elemente, die die Syntax von in -iz Derivationen betreffen. <?page no="203"?> Marie-Claude Le Bot 1 & Martine Schuwer 2 Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français Introduction La réflexion que nous proposons autour du toponyme complexe prend comme point d’appui une réflexion plus large sur le Nom Propre qui a engendré ces dernières années de nombreuses recherches - innovantes - sur le sujet. Nous voulons parler ici des travaux qui envisagent le Nom Propre d’un point de vue essentiellement linguistique et qui ont pour projet d’en définir les spécificités à tous les niveaux d’analyse de la langue (morphologique et syntaxique, ainsi que les constructions du sens auxquelles le NPr participe). Parmi les travaux les plus significatifs, nous retenons, entre autres, les travaux de Kerstin Jonasson 3 , ou encore ceux de Marie-Noëlle Gary-Prieur 4 ou de Michèle Noailly 5 qui a été l’une des premières à s’intéresser au Nom Propre. Nous solliciterons, en outre, les analyses très éclairantes de Betina Schnabel et Jonas Löfström 6 qui ont inspiré ce volume. Nous ne prendrons donc pas en compte tous les débats des logiciens et des philosophes - qui sont loin d’être clos - et qui, à l’instar de Frege, Wittgenstein ou encore Kripke questionnent le problème de la valeur référentielle des noms propres et de l’acte de200 nomination. Bien que ces questions soient essentielles ? , nos remarques se situent dans un « préalable » à la question de savoir si les noms propres ont un sens. Il s’agira, en effet, d’observer quelles ressources de la langue sont mobilisées lorsqu’il s’agit de construire du Nom Propre et plus précisément du Toponyme complexe. Dans tous les travaux, « à orientation linguistique », sur le Nom Propre, le toponyme est très souvent cité à paraître pour servir d’exemple ou d’illustration, mais il ne nous semble pas qu’il ait fait l’objet d’une étude spécifique qui permettrait d’en résumer les particularités. C’est pourquoi, nous nous 1 Université Rennes 2, EA 3874 LIDILE marie-claude.lebot@univ-rennes2.fr 2 Université Rennes 2, EA 3874 LIDILE martine.schuwer@univ-rennes2.fr 3 Jonasson, K., 1994, Le Nom Propre - Constructions et interprétations 4 Gary-Prieur, M.-N., 1994 Grammaire du Nom Propre 5 Noailly, M.(dir.), 1995, Nom propre et nomination. 6 Schnabel, B. ; Löfström, J.(2011), “Comment analyser et comparer les toponymes de différentes langues dans une perspective synchronique” in NRO 52. <?page no="204"?> Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer 204 proposons de reprendre les remarques de Jonasson ou de Gary-Prieur pour envisager ce cas particulier du Nom propre qu’est le toponyme - et plus particulièrement le toponyme complexe -. On verra comment les travaux de Noailly sur l’adjectif sont, eux aussi, sur ce point, particulièrement utiles. Les toponymes qui nous intéressent ici sont ceux du type le lac Léman, l’Ile de La Réunion, la mer de Chine. Nous avons choisi d’observer et de décrire la dénomination des objets géographiques tels que les lacs, les mers, les océans, les îles, les baies, les montagnes, les monts, les caps, avec, pour hypothèse, que les règles de formation et de fonctionnement que nous aurons identifiées puissent être appliquées à la plus grande majorité des toponymes complexes. L’intérêt se trouve ici dans la forme de ces toponymes complexes dans la mesure où leur mode de composition permet d’identifier très facilement deux termes. Le premier terme, à l’initiale du toponyme, est identifiable comme relevant de la catégorie des noms communs (lac, îles, baie) et c’est lui qui assume sémantiquement le rôle d’appellatif 7 et l’ajout du second terme fait de l’ensemble un Nom Propre : Le Lac de Genève, L’Océan Pacifique. Cette organisation sémantique s’appuie sur un syntagme nominal qui peut prendre deux formes, soit une forme prépositionnelle de type le Lac de La Plagne, la Mer des Sargasses soit une forme « non prépositionnelle » : Les Iles Britanniques, L’Océan Atlantique, le Lac Victoria. Notre étude se donne comme double objectif de décrire, tout d’abord la structure morphologique et syntaxique des toponymes complexes, puis, dans un second temps, d’observer ce que deviennent ces toponymes lorsqu’ils sont actualisés dans les discours. Le corpus d’étude a été constitué à partir de la base lexicographique multilingue DINOPRO 8 . 1 Le Toponyme Complexe est-il un NP comme un autre ? Pour répondre à cette question, on examinera tout d’abord rapidement les deux critères qui sont généralement convoqués, dans les grammaires, pour identifier un NP. Le premier est d’ordre orthographique, qui impose la présence d’une majuscule à l’initiale du NP, le second critère est d’ordre formel, qui porte sur l’absence de déterminant et l’invariabilité flexionnelle du NP. . 7 “Le second terme du toponyme supporte, quant à lui, la charge sémantique du proprial”. 8 Jonas Löfström, Bettina Schnabel-Le Corre (2005). “Description linguistique en toponymie contrastive dans une base de données multilingue”. CORELA - Numéros thématiques | Le traitement lexicographique des noms propres. [En ligne] Publié en ligne le 02 décembre 2005. <?page no="205"?> Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français 205 1.1 Les majuscules En français, on note une indécision dans la manière d’orthographier - avec une majuscule ou non - le toponyme complexe lorsque le premier élément est un nom commun et on trouve indifféremment les deux orthographes l’Océan ou l’océan Pacifique, la Mer ou la mer de Chine. Comme le précise Jonasson, cette remarque vaut pour tous les cas où les lieux sont introduits par un nom qui « dénote la catégorie dans laquelle s’inscrit le particulier » (Jonasson : 31) Nous reprendrons la classification de Löfström et Schnabel- Le Corre 9 en comprenant la catégorie comme synonyme d’appellatif (cap, océan, pont) et le particulier comme synonyme de proprial (Chine, Genève). En français, le caractère aléatoire de l’apparition de la majuscule dans les discours écrits - sur les deux éléments du toponyme ou seulement sur le second - montre que dans océan Pacifique l’identification de ce qui fait nom propre 10 - et plus précisément la borne gauche - n’est pas fixé. La même hésitation orthographique se retrouve, d’ailleurs, lorsqu’il s’agit de graphier, par exemple le Pont/ pont d’Avignon. Il est aussi à noter que l’indécision de ce qui fait borne initiale du NP affecte plus rarement le déterminant. Cependant les orthographes, les graphies (? ), de Toponymes Complexes sur le modèle de L’Océan Pacifique ne sont pas rares bien que, toutefois, relativement peu exploitées. 1.2 Le « déterminant » du toponyme L’absence de déterminant est un second critère par lequel on distingue le NP du nom dit « commun ». Bien que « l’absence d’article en position référentielle soit un trait souvent invoqué pour définir le NP » (Jonasson : 38), la confrontation de cette règle avec l’observation des NP en discours montre que cette première approche mérite d’être précisée. En contexte, les toponymes, comme les anthroponymes, actualisent des déterminants dont il convient de définir le statut morphologique. Par déterminant du toponyme nous désignons celui qui vient se placer sur le premier terme de la combinaison N1 + N2: L’Océan Pacifique, la Mer de Chine. La présence, en discours, de l’article devant France, ou mer de Chine pose, en effet, la question de savoir quel est le statut morphologique de la dans l’énoncé : il visite la France. 9 Löfström & Schnabel-Le Corre, op.cit. 10 Jonasson note, à cet égard, que dans les langues germaniques, la question de savoir « où commence le nom propre » ne se pose pas, car le catégorisateur est relégué à la fin des mots composés. <?page no="206"?> Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer 206 2 Questions de morphologie 2.1 Les NP à article défini lexical Gary-Prieur rappelle que l’apparition d’un article devant les noms géographiques est un phénomène relativement récent dans l’histoire de la langue. En ancien français et jusqu’au XVIIe siècle, l’article n’était pas présent devant les noms de province et les noms de pays, comme le montrent les exemples suivants (cités par Gary-Prieur): (1) Madame de Sévigné : « Ma fille est partie pour Provence ». (2) Bossuet : « la puissance d’Autriche ». En français actuel on distingue deux situations, selon que le toponyme est employé en désignation seule ou qu’il est inscrit dans une phrase. Sur les cartes géographiques les toponymes complexes ne se distinguent pas des toponymes simples, parfois appelés « toponymes purs ». En effet, dans cet emploi, les toponymes complexes apparaissent toujours sans déterminant : Mer de Chine, Océan Atlantique, Baie du Mont-Saint-Michel, de la même manière que le sont France et Brésil. Si l’on revient à la question de la borne à gauche du NP, il est intéressant de constater qu’en situation de désignation pure, le problème de savoir « où commence le NP » ne se pose pas : Mer de Chine est le toponyme, ce qui signifie que Mer est identifié comme « faisant partie » du toponyme. On observe d’ailleurs que, dans ces emplois, l’absence de déterminant est corrélée avec l’emploi de la majuscule à l’initiale du premier terme et sur les cartes géographiques, on trouve plus fréquemment Mer de Chine que mer de Chine. En dehors de cet emploi - que l’on peut nommer « emploi d’étiquetage » identique à celui qui prévaut lorsqu’on écrit « confiture » ou « cornichon » sur des bocaux - ces toponymes apparaissent avec un déterminant dès lorsqu’ils sont insérés dans un texte. En cela, ils s’inscrivent, au sein de la catégorie générale des toponymes, dans un groupe à part, le groupe des toponymes avec article défini (pays (? ), toponymes complexes) : (3) Le Lac Léman est plus froid que la Mer des Caraïbes (4) J’ai fait le tour du Mont-Blanc Ils se distinguent ainsi de tous les autres toponymes, qui forment le groupe des toponymes sans article défini (villes, certaines îles). Ce second groupe fonctionne, d’ailleurs, comme les NP de personnes et ce, quelle que soit leur position syntaxique : (5) X Alfred apprécie beaucoup X Rennes (6) X Rennes construit un nouveau métro (7) X Alfred a passé ses vacances à X Madagascar <?page no="207"?> Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français 207 Gary-Prieur formalise la distinction de ces deux groupes de NPr en identifiant deux sous-catégories de NPr opposant ainsi les NPr en Np aux Npr en le Np. Cette dernière catégorie des le Np nous intéresse particulièrement car, selon Gary-Prieur, elle comprend essentiellement des toponymes de pays qu’elle désigne par la formule suivante : Np à article défini lexical. Elle signifie par là que l’article défini est associé au nom dans le système de la langue lui-même (Gary-Prieur : 229), ce qu’elle explique par la spécificité référentielle des noms de pays qui ne connaissent pas d’ambiguïté de cette nature. Pourtant, nous observons que ce principe s’applique totalement aux toponymes complexes : L’Océan Atlantique, la Baie Victoria et la Montagne Pelée désignent en effet, eux aussi, des objets géographiques uniques, et l’article qui apparaît en discours aurait pour effet de signaler la connaissance préalable d’un référent, qui plus est, repéré comme unique. Pour autant, ces toponymes à article défini lexical ne sont pas à confondre avec ceux du type La Hague, La Plagne ou Le Mans qui, eux, n’apparaissent jamais sans l’article défini, que ce soit sur les cartes géographiques, ou quels que soient les contextes syntaxiques dans lesquels ils sont utilisés. Dans La Plagne, il faut considérer que c’est le segment « La-Plagne » qui constitue la base du nom et que l’article est, d’une certaine manière, « soudé » à la base et qu’il en fait partie de façon indissociable. Les exemples ci-dessous l’attestent, qui montrent la nécessité d’actualiser un article défini lorsqu’on insère le toponyme dans un texte : (8) Nous avons du mal à reconnaître le La Plagne de nos souvenirs (9) *Nous avons du mal à reconnaître La Plagne de nos souvenirs (10) On visite le vieux La Plagne (11) * on visite La vieille Plagne Cette première analyse de la morphologie des toponymes complexes semble répondre de manière nuancée à la question de savoir si le Toponyme est un NPr comme un autre. Tant du point de vue de l’orthographe, que de la présence ou non d’un article, les observations montrent, en apparence tout du moins, une certaine hétérogénéité. Une observation plus précise de la syntaxe de ces toponymes nous permettra d’affiner nos remarques. 2.2 Le système morphologique de la langue ne prévoit pas le Npr Une seconde hypothèse serait qu’il n’existe qu’un seul modèle d’engendrement du Nom en français, qui a, rappelons-le, pour particularité d’imposer en discours la présence du déterminant, sauf contrainte formelle. Conformément à la morphologie, l’actualisation du toponyme se règlerait donc sur l’actualisation de tous les noms en français, sauf à faire du NPr une <?page no="208"?> Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer 208 catégorie morphologique a priori formellement distincte - et ce n’est pas notre option. C’est pourquoi, la structure morphologique du français ayant prévu la présence d’un déterminant du nom, et sachant que cette contrainte est très forte, il n’y aurait là rien de remarquable à ce que tous les noms, quel que soit ce qu’ils désignent, relèvent de la même règle et soient donc actualisés avec un déterminant. Que ce déterminant soit un article défini singulier s’accorde avec les opérations de référenciation que cet article défini engage, et sa valeur lexicale participe à construire du référent unique dans des univers connus. Cependant, il faut souligner que pour le toponyme le déterminant ne peut faire l’objet d’aucun choix de la part du locuteur puisqu’il a pour caractéristique d’être bloqué. Ce ne peut être que l’article défini (le ou la), et il n’entre donc en opposition avec aucun des autres déterminants du paradigme. Autrement dit, sa variabilité morphologique est annulée et cette caractéristique neutralise, de fait, le rôle de déterminant du nom auquel il est dévolu. Ces deux modes d’approche - celle de Gary-Prieur et cette deuxième analyse - ne sont pas contradictoires et sont compatibles lorsqu’il s’agit d’identifier l’opération de référenciation qu’engage la présence de l’article défini devant le toponyme, que l’on peut assimiler, pour partie, à celle qui s’opère pour le soleil ou la lune. Cependant, en dépit de cette similitude, l’interprétation de la France comme un toponyme (c’est à dire un Npr) ne devrait jamais être l’objet de conjectures, alors que l’interprétation de le Soleil et la Lune comme des toponymes (c’est-à-dire comme des Npr) ne pourra se faire que sous certaines conditions discursives. On posera donc l’hypothèse que les articles définis qui apparaissent en discours devant un grand nombre de toponymes sont motivés par des contraintes de nature morphologique, ce qui confirme qu’ils sont traités comme des noms. Dans le même temps et fort paradoxalement, c’est la neutralisation même de l’article comme déterminant dans la construction référentielle qui participe à donner aux toponymes un statut de Npr. L’analyse de la construction syntaxique de ces toponymes complexes nous permet de conforter notre hypothèse. 3 Description syntaxique des toponymes complexes 3.1 Les toponymes à « forme prépositionnelle » D’un strict point de vue syntaxique, ce type de toponyme complexe prend appui sur un syntagme prépositionnel dit de « complémentation de nom N1 + N2 » qui s’opère à l’aide de la préposition de présente sur N2. <?page no="209"?> Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français 209 En cartographie, ces Toponymes complexes, suivent la règle générale et figurent sans article initial sur le N1 : Mer de Chine, Ile du Vent. Mais tout aussi conformément à la règle générale, insérés dans un discours, ils requièrent la présence de l’article sur le N1. Pour ce qui est de N2, l’observation montre deux cas de figure : une série sans article sur le N2, une seconde série avec article sur le N2, en apparence tout du moins : SERIE 1 SERIE 2 Mer de Ø Chine Cap de la Chèvre Lac de Ø Guerlédan Piton de La Fournaise Cap de Ø Bonne-Espérance Ile du Vent Mer du Nord Cap de Ø La Hague Mont des Oliviers Ile de Ø La Réunion Lac des Esclaves Ces deux séries se construisent en réalité sur le même schéma. 3.1.1 N2 ne porte pas d’article : N1 + de Ø N2 Dans cette première série, (Mer de Chine, Lac de Guerlédan…), N2 est un Npr, au sens conventionnel du terme, et il en porte les caractéristiques. Premièrement il peut être autonomisé comme tel et, d’un point de vue sémantique, cette autonomisation n’entraîne pas, dans la majorité des cas, d’ambiguïté référentielle: (12) je vais en vacances à La Réunion = je vais en vacances à l’Ile de la Réunion (13) Les rameurs sont attendus à 11 h à la Base Départementale de Guerlédan http: / / avironcd22.free.fr/ formulaire-stage2.php (14) Six siècles plus tard, l’évocation de Bonne-Espérance […] l’autre cap mythique, situé à l’extrémité du continent américain, enflamme encore … » cristobal-colon.blogspot.com/ Deuxièmement, du point de vue morphologique, N2 ne porte pas d’article, que ce soit pour Mer de Chine et Lac de Guerlédan, ou pour Ile de La Réunion, et Lac du Bourget comme il a déjà été montré. Troisièmement, tous ces N2, conformément aux règles d’écriture des NPr, sont écrits avec une majuscule. 3.1.2 N2 porte un article : N1 + de (+art) N2 Dans la deuxième série, N2 est porteur d’un article défini : cet article défini apparaît tel quel au féminin : Cap de La Chèvre, Piton de La Fournaise, Montagne de La Table <?page no="210"?> Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer 210 ou bien sous la forme amalgamée du (prép. de + article défini masculin le) : Ile du Vent, Mer du Nord ou bien encore sous la forme amalgamée des (prép. de + article défini pluriel les) : Cap des Aiguilles, Mont des Oliviers, Lac des Esclaves. La principale différence entre la SÉRIE 2 et la SÉRIE 1, c’est que N2 peut, par ailleurs, être exploité comme un NCommun et donc identifiable comme tel : les esclaves, les oliviers, les aiguilles, la fournaise. C’est grâce à son insertion dans un syntagme de complémentation d’un N1 (qui construit sémantiquement la valeur d’appellatif générique) que se lève l’ambiguïté, parce qu’il perd, alors, son statut de NCommun pour devenir un Npr. L’écrit enregistre d’ailleurs ce changement de statut par le truchement des majuscules, dont on notera qu’elles se portent aussi sur l’article lorsque celui-ci n’est pas amalgamé Piton de La Fournaise, Cap de La Chèvre. Ceci confirme que l’article est effectivement analysé comme partie intégrante du Npr. Cependant, à la différence de la SERIE 1, l’autonomisation de ce N2 hors du syntagme prépositionnel rend plus fragile sa qualité de Npr. Il semble, en effet, moins utilisé sous cette forme, comme l’équivalent du toponyme complexe dont il est issu. Sans doute que, tel quel (les Esclaves, La Table, La Fournaise), et sans le support d’un contexte énonciatif bien identifié, N2 peine à construire l’identité référentielle du toponyme, et à maintenir sa valeur d’appellatif spécifique. Pour autant, l’emploi du seul N2 en lieu et place du toponyme complexe n’est pas à exclure, comme le montre l’exemple suivant : les marins, l’Afrique du Sud c’est le cap de Bonne-Espérance, les Aiguilles et Cape Town, ville étape des courses autour du monde. www.robertsonandcaine.com/ images/ news/ frencharticle.pdf Ce dont témoigne cet emploi, c’est que l’article présent devant N2 (les Aiguilles) est identifié comme partie prenante du nom et que le toponyme est bien « Les Aiguilles » et non « Aiguilles ». Ainsi, lorsque ces ex-NCommuns sont utilisés en discours de manière autonome, ils fonctionnent comme des le NPr, c’est-à-dire des NPr à article lexical défini, du type la France. Cette démonstration a pour avantage d’aligner tous « ces toponymes à forme prépositionnelle » sur un même modèle, dans lequel N2 est toujours dépourvu de déterminant, quand bien même il est précédé de le ou la. <?page no="211"?> Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français 211 3.2 Les toponymes complexes « non prépositionnels» On désigne ainsi les toponymes complexes qui s’organisent en syntagme substantif épithète (Noailly : 16). On ne s’attardera pas dans le détail des discussions qui se sont ouvertes autour de cette notion (Jonasson, Kleiber) et on retiendra que la formalisation de cette suite N1+N2 en tant que syntagme est particulièrement opérante à décrire des phénomènes de construction du NPr en français, et particulièrement en français actuel. Pour les toponymes complexes, deux types relèvent de cette même construction : TYPE 1 TYPE 2 Baie James Iles Anglo-Normandes Lac Victoria Mer Morte Cap Horn Océan Indien Mont- Blanc 3.2.1 TYPE 1 On retrouve ici une des caractéristiques du syntagme prépositionnel décrit précédemment, à savoir que N2 est, déjà, un Npr : NCommun+NPr. Selon Noailly, il s’agit donc là d’une construction à substantif épithète où N2 est un Npr en position épithète : le Lac Victoria, la Baie James répondent ainsi au même modèle que le Président Obama. Dans ce syntagme, le second élément, le NPr (Victoria, James), contribue à délimiter le référent de N1, qui est un Nom commun. La structure syntaxique permet ainsi de répondre à la question : (16) Quelle baie ? « La Baie James » (17) Quel lac ? « Le Lac Victoria » Le N2, toujours selon Noailly, permet d’instaurer une relation d’identification, et dans ces constructions, ce N2 (un NPr) sert à identifier le N1 (baie, lac) dont il est question. Il a donc pour effet d’actualiser N1. En réalité, c’est le N1 qui caractérise le N2 (NPropre) et non l’inverse. Ce qui peut se formuler de la manière suivante : « James est une baie » « Victoria est un lac ». Selon Jonasson (98), « il y a un rapport d’inclusion du N2 dans la classe dénotée par N1 » : dans la catégorie lac, l’un d’entre eux se nomme Victoria. Cette opération d’inclusion est rendue possible quand la catégorie désigne des réalités (ici des réalités géographiques) qui, selon la formule de Kleiber, sont « nommables » 11 . 11 N1 le nom d’une catégorie, c’est à dire que pour Kleiber il s’agit de réalités qui peuvent recevoir un nom (ici les réalités géographiques: Lac île région etc sont nommables) <?page no="212"?> Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer 212 C’est ce que Jonasson précise en disant que « deux modes de référence sont à l’œuvre pour désigner un seul particulier : la référence descriptive (baie, lac) et la référence propriale James, Victoria». Ce qu’il faut retenir, c’est que les deux N (N1 et N2) entrent conjointement dans le processus de dénomination. Le rapport de solidarité syntaxique participe, de cette manière, à la construction référentielle du toponyme. 3.2.2 TYPE 2 les Iles Anglo-Normandes la Mer Morte l’Océan Indien le Mont Blanc / le Mont-Blanc Ces occurrences diffèrent apparemment des précédentes, puisque N2 ne peut être identifié a priori comme un NPr. La relation syntaxique entre les deux termes est marquée par: l’absence de déterminant devant le N2 l’accord en genre et nombre entre les deux termes ce qui amène à faire de N2 ce que l’on appelle traditionnellement un « adjectif », comme dans la voiture rouge / un restaurant indien. Mais N2 n’est pas un adjectif ordinaire et il possède des propriétés spécifiques. En effet, sauf à changer de référent : - N2 n’admet pas d’adverbe d’intensité (18) *Les Iles très Anglo-Normandes - N2 ne peut se coordonner avec un autre adjectif (19) * il navigue sur l’Océan Indien et dangereux Ces N2 adjectifs sont donc tout à fait comparables aux adjectifs dits « relationnels » qui connaissent les mêmes restrictions dans la construction référentielle. Parmi ces restrictions, il faut noter que N2 ne joue pas de rôle sémantique de qualification de N1 puisque, sauf à construire une autre référence : (20) L’Océan Indien n’est pas l’Océan de l’Inde (21) La Mer Rouge n’est pas rouge (22) Les Iles Britanniques ne sont pas les Iles de la Grande-Bretagne (ou alors on ne désigne pas les mêmes îles). Le NC dénote ici une classe de référents nommables, c’est-à-dire des entités auxquelles on attribue généralement un NPr. <?page no="213"?> Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français 213 En fait, ce N2, bien qu’il se présente comme un adjectif fonctionne exactement comme le N2 du type 1 (le Lac Victoria). L’association de cet « adjectif » à un NC catégorisant qui désigne des éléments nommables a pour effet de suspendre le processus référentiel de l’adjectivation et de modifier, par là-même, la construction référentielle attendue pour ce type de syntagme. Ainsi, dans cette série, comme dans la précédente, Britannique , Rouge , Morte ou Pelée jouent le même rôle d’identificateur que le NPr Victoria dans le « Lac Victoria ». Cette construction syntaxique a donc pour effet de construire une nouvelle référence. Deux options sont donc ouvertes pour la description des toponymes du type Mer Morte, Iles Anglo-Normandes, Mont-Blanc : soit on fait de Anglo-Normandes , Morte , des NPr et en attesterait leur possible autonomisation, à condition que les situations de communication lèvent les ambiguïtés d’interprétation : (23) L’évolution vers la finance et le tourisme est moins avancée dans l’île de Man que dans les Anglo-Normandes (Norois, Poitiers, n°117, janvier-mars 1983). Cette hypothèse n’est certes pas applicable à tous les toponymes, et il faudrait imaginer des conditions de communication très particulières pour que « L’Indien » puisse être immédiatement référé à l’Océan Indien. Mais ce n’est pas exclu et, en tous cas, la langue française le prévoit, comme en témoignent les extraits suivants : (24) Le magma de la Pelée a une forte teneur en silice, qui forme lors de l’éruption une lave peu liquide. http: / / www.entre2voyages.com/ martinique/ montagne-pelee.html (25) De retour d’une journée sur le Blanc, il reste le regret de l’avoir sali. De Lucca, E. (2006) Sur la trace de Nives, Gallimard. soit on considère que le processus de lexicalisation fait de Montagne Pelée ou de Mont-Blanc un Npr composé / un Npr soudé (sur le modèle : un chou-fleur). L’orthographe assez fréquente de Mont-Blanc avec un tiret pourrait être un indice qui nous conforterait dans cette voie qui resterait prioritairement valable pour les toponymes qui incluent un N2 que l’on dit « qualificatif ». Mais peut-être n’est-il pas nécessaire de choisir entre ces deux options, et nous suggérons de considérer qu’il s’agit ici de deux variantes, contraintes par les conditions de réception des messages, selon que l’opération de référenciation se révèle plus ou moins aisée et/ ou plus ou moins opaque. <?page no="214"?> Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer 214 3.3 Retour sur « l’article » du Toponyme Complexe L’examen de la syntaxe du Toponyme Complexe suggère quelques pistes susceptibles d’apporter des éléments complémentaires à la question du déterminant. Le problème est, en effet, de savoir si cet article qui apparaît à l’initiale est à considérer comme l’article déjà examiné pour la France, ou bien si, dans le cas du toponyme complexe, il joue un rôle particulier. La réponse doit se faire à deux niveaux. Il faut dissocier ce qui tient à la structure syntaxique du Toponyme complexe, d’une part, de ce qui relève, d’autre part de son opération référentielle associée. Pour ce qui est de la structure syntaxique, l’article est motivé par la contrainte du syntagme qui oblige à construire ce syntagme - prépositionnel ou épithète - avec un déterminant sur le N1. Nous avons vu qu’il s’agit d’une contrainte interne à la langue. C’est pourquoi nous faisons l’hypothèse que cet article qui apparaît à l’initiale du Toponyme complexe est là en tant que marque de la construction syntaxique, comme l’est, de la même manière l’accord de N2 dans les cas où il y a une flexion possible comme dans La Mer Morte, ou l’Océan Indien. Conformément à qui a été décrit plus haut, cet article ne joue pas de rôle spécifique dans la référenciation du toponyme, il n’est pas utile à l’identification de la séquence comme étant un NPr. Il serait simplement la trace morphosyntaxique de la construction du Toponyme Complexe. Cette neutralisation du déterminant qui participe, paradoxalement, à faire du toponyme un NPr, nous permet de compléter la description des emplois dans lesquels le TC est modifié. (26) Le Cap Fréhel est le « Cap Horn » de mon enfance. http: / / www.linternaute.com/ mervoile/ temoignage/ temoignage/ 178740/ cote-d-emeraude/ (26’) le Cap Fréhel est le « Cap Horn » de mon enfance. http: / / www.linternaute.com/ mervoile/ temoignage/ temoignage/ 178740/ cote-d-emeraude/ (27) J’ai revu le Cap de La Chèvre (28) J’ai revu le Cap de La Chèvre de mon enfance Dans ces énoncés, le a deux statuts différents : - (26), le (Cap Fréhel) est la marque de l’opération syntaxique de construction du TC. On pourrait le considérer comme un article défini lexical. Mais il ne joue pas le rôle de déterminant. - (26’), (27), (28), l’article le retrouve son statut de déterminant, ce dont témoigne la post-modification (de mon enfance) ainsi que la possibilité (29) de lever le blocage de sa variabilité, rendant disponible l’actualisation d’un déterminant autre qu’un article défini (mon Cap Horn ) <?page no="215"?> Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français 215 (29) Ils me volent mon Cap Horn ! http: / / blogs.lexpress.fr/ aularge/ 2011/ 03/ 09/ le-fameux-caphorn/ . D’une certaine manière, on peut dire que le toponyme perd alors sa qualité de NPr ; il se règle sur le système général de la langue, et devient un nom « comme un autre ». Dans cette perspective, l’article le dans : (30) J’ai revu le Cap de La Chèvre de mon enfance pourrait être analysé comme présentant une sorte de cumul de valeurs. Le amalgamerait d’une part la marque de l’article comme trace fossile de la structure syntaxique du toponyme complexe et d’autre part la marque de l’article comme déterminant, du toponyme qu’il participe à modifier. Cette proposition peut être paraphrasée de la manière suivante : (31) Le Cap Fréhel est le « Cap Horn » de mon enfance. équivaut (avec l’opération de dé-cumul de valeurs) à : (32) Le Cap Fréhel est le le « Cap Horn » de mon enfance. Conclusion L’intérêt de cette description est de ramener à un seul modèle d’organisation morphosyntaxique le format de tous ces toponymes complexes. Au-delà de leurs différences, qui ne sont que de surface, les deux types de syntagmes mobilisés dans la construction des Toponymes complexes - qu’ils soient prépositionnels ou non prépositionnels - relèvent en réalité d’un même schéma. Du point de vue syntaxique, les toponymes complexes lient deux Noms : N1 et N2 sur le modèle de la complémentation de nom ou de l’adjectivation. Du point de vue référentiel, N2, qui se présente toujours sans déterminant, est à considérer comme un NPr qui joue un rôle d’identificateur de N1 qui a valeur catégorisante. Éléments de bibliographie Gary-Prieur, Marie-Noëlle, 1994. Grammaire du nom propre, P.U.F Paris. Jonasson, Kerstin, 1994 Le Nom propre. Constructions et interprétations. Duculot, Belgique, Louvain-la-Neuve. Löfström, Jonas et Schnabel-Le Corre, Betina, 2005. “Description linguistique en toponymie contrastive dans une base de données multilingue ”. Corela , Numéros spéciaux, Le traitement lexicographique des noms propres. Accessible en ligne à l'URL : http: / / edel.univ-poitiers.fr/ corela/ document.php? id=366 (consulté le 5/ 11/ 2013). Löfström, Jonas et Schnabel-Le Corre, Betina, 2011. “Comment analyser et comparer les toponymes de différentes langues dans une perspective synchronique” in NRO 52. <?page no="216"?> Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer 216 Noailly, Michèle (dir.), 1995. Nom propre et nomination, Klincksieck, Paris. Noailly, Michèle, 1999. L’adjectif en français, Ophrys, Paris. Résumé Remarques sur la propriétés morphosyntaxe des toponymes complexes en français Cette analyse sur le toponyme complexe en français s’inscrit dans une réflexion plus large sur le Nom Propre qui a engendré ces dernières années de nombreuses recherches - innovantes - sur le sujet. Ces travaux envisagent en effet le Nom Propre d’un point de vue essentiellement linguistique et ont pour projet d’en définir les spécificités à tous les niveaux d’analyse de la langue : morphologique et syntaxique, ainsi que les constructions du sens auxquelles le NPr participe. Dans toutes les analyses, « à orientation linguistique », sur le Nom Propre, le toponyme est très souvent cité à paraître pour servir d’exemple ou d’illustration, mais il ne nous semble pas qu’il ait fait l’objet d’une étude spécifique qui permettrait d’en définir les propriétés ? Cette analyse s’appuie sur les conclusions de Jonasson ou de Gary-Prieur pour étudier ce cas particulier du Nom propre qu’est le toponyme - et plus particulièrement le toponyme complexe -. On verra comment les travaux de Noailly sur l’adjectif sont, eux aussi, particulièrement utiles. Il s’agira d’observer quelles ressources de la langue sont mobilisées lorsqu’il s’agit de construire du Nom Propre et plus précisément du Toponyme complexe. Les toponymes qui nous intéressent ici sont ceux du type le lac Léman, l’Ile de La Réunion, la mer de Chine et nous nous sommes donné deux objectifs : décrire la structure morphosyntaxique des toponymes complexes et d’en préciser leurs particularités. examiner ce que deviennent ces toponymes lorsqu’ils sont actualisés dans les discours. L’intérêt de cette description est de ramener à un seul modèle d’organisation morphosyntaxique le format de tous les toponymes complexes. Au delà de leurs différences, qui ne sont que de surface, les deux types de syntagmes, prépositionnels ou non prépositionnels, relèvent en réalité d’un même schéma : les toponymes complexes lient deux Noms : N1 et N2 dans tous les cas, N2 se présente sans déterminant et il est à considérer comme un NPr qui joue un rôle d’identificateur de N1 qui, lui, a valeur catégorisante. <?page no="217"?> Remarques sur la morphosyntaxe des toponymes complexes en français 217 Summary Remarks on morphosyntactic properties of French complex toponyms This analysis of the complex toponym in French is part of a larger reflexion on the Proper Noun, which has in recent years initiated numerous - and innovative research projects on the subject. These research projects adopt a mainly linguistic approach and aim at defining the specific characteristics on all levels of speech analysis: morphology and syntax as well as semantic constructions in which the PrN participates. In all linguistic orientated analyses of the Proper Noun, the toponym is mentioned in order to serve as an example or illustration, but theses studies do not seem to look for a definition of its properties. The present analysis is based on the conclusions established by Jonasson and Gary-Prieur in order to study the particular case of Proper Name that the toponym - and especially the complex toponym -constitutes. Noailly’s research on adjectives will prove particularly useful in that respect. The study will observe which language resources are activated in constructing the Proper Noun and especially the complex toponym. The types of toponyms studied here are le lac Léman, l’Ile de la Réunion, la mer de Chine and two objectives have been established for their analysis: describing the morphosyntactic structure of complex toponyms and pointing out their specificities, examining what becomes of toponyms when being actualised in discourse. What is interesting in this description is to reduce the structure of all complex toponyms to one unique morphosyntactic organisation model. Beyond their differences, which are only superficial, the two types of phrases, prepositional or non prepositional, actually belong to a unique scheme: complex toponyms link two nouns : N1 and N2, in every case, N2 is without a determiner and is to be considered as a PrN playing the role of the identifier of N1, which, in turn, has a categorising value. Zusammenfassung Anmerkungen zu den morphosyntaktischen Eigenschaften komplexer Toponyme im Französischen Die Untersuchung komplexer Toponyme im Französischen ist Bestandteil einer eher übergreifenden Überlegung zu Eigennamen, die in den letzten Jahren zahlreiche innovative Forschungsarbeiten zu diesem Thema hervorgebracht hat. Diese Arbeiten betrachten Eigennamen unter einem vor allem linguistischen Standpunkt, und haben es sich zum Ziel gesetzt, die Besonderheiten dieser Wortart auf allen Niveaus der Sprachanalyse zu definieren: <?page no="218"?> Marie-Claude Le Bot & Martine Schuwer 218 Morphologie und Syntax, ebenso wie auf der semantischen Konstruktionsebene, an denen der Eigenname beteiligt ist. In allen “linguistisch orientierten” Untersuchungen zu Eigennamen werden Toponyme häufig als Illustrationsbeispiel herangezogen, aber es scheint, dass sie nie Gegenstand von spezifischen Analysen waren, die ihre besonderen Eigenschaften definieren könnten. Diese Analyse stützt sich auf die Schlussfolgerungen von Jonasson und Gary-Prieur, die sie in der Analyse spezifischer Eigennamen, den Toponymen - und vor allem komplexer Toponyme - darstellen. Wir werden im Weiteren sehen, wie in diesem Rahmen die Arbeiten von Noailly zum Adjektiv ebenfalls sehr nützlich sind. Dabei geht es darum zu beobachten, welche Sprachmittel mobilisiert werden, wenn es um die Konstruktion von Eigennamen und im Besonderen von komplexen Toponymen geht. Dabei interessieren uns Toponyme von dem Typ le lac Léman, l’Ile de La Réunion, la mer de Chine und zwar unter folgender Zielsetzung: - Beschreibung der morphosyntaktischen Struktur komplexer Toponyme und Festlegung ihrer Besonderheiten, und - Untersuchung der Charakteristiken des Toponyms im Textkontext. Das besondere Anliegen dieser Untersuchung ist dabei, den Aufbau aller komplexer Toponyme im Französischen auf ein einziges Modell für die morphosyntaktische Organisation zusammenzufassen. Über die Unterschiede hinaus, die nur oberflächlicher Natur sind, greifen nämlich präpositionelle und nicht-präpositionelle Syntagmen im Grunde auf dasselbe Schema zurück: komplexe Toponyme verbinden zwei Nomen : N1 und N2 in jedem Fall tritt dabei im Französischen das zweite Nomen N2 ohne Determinant auf und wird als Eigenname eingestuft, der der Identifikation von N1 dient, wobei N1 wiederum die Kategorie bestimmt. <?page no="219"?> Michelle Lecolle 1 Nom propre de lieu habité : polyvalence et polysignifiance * On se propose dans cet article d’aborder les toponymes d’un point de vue sémantique et discursif, à partir de l’usage qu’en font les médias en particulier. Différentes études sur les toponymes, essentiellement les noms de lieux habités (villes et pays 2 ), dans des discours publics (presse, mais aussi discours de partis politiques) ont en effet montré que, loin d’être de simples étiquettes dénominatives univoques, ceux-ci se caractérisent par leur « épaisseur sémantique » et, corollairement, leur « complexité interprétative » (Michelle Lecolle, 2006). Tout en faisant le point sur les différentes valeurs sémantico-référentielles que présente le toponyme dans les textes, je chercherai à démêler ce qui, dans ces valeurs, relève d’une part de son statut de Npr et de nom de lieu, d’autre part des pratiques discursives, en envisageant l’interaction entre ces dimensions. Pour ce faire, je chercherai à contraster les pratiques médiatiques avec d’autres pratiques discursives. À partir de l’observation du toponyme dans les textes, je chercherai à montrer que ses valeurs sémanticoréférentielles contextuelles renvoient à ce que sa signification complexe (en langue) rend possible, et que ces valeurs sont également réglées par des « normes », i.e. des régularités qui, ne relèvant pas à proprement parler du système, n’en sont pas moins prégnantes, se réalisant diversement selon les types de discours. Dans une première partie (« polyvalence »), je développerai ces potentialités signifiantes, et observerai leurs réalisations dans différents types de discours (au sens de pratiques sociales situées). Dans une deuxième partie, je me centrerai sur l’emploi du toponyme dans le discours de presse généraliste d’information. Dans une troisième partie, j’aborderai la question du sens du toponyme, avant de décrire la « polysignifiance » qui le caractérise dans la presse. Ces descriptions trouveront un prolongement dans l’observation des adjectifs ethniques dérivés de toponymes, que je présenterai rapidement pour appuyer et conclure le propos. 1 Université de Lorraine, Metz, CREM michelle.lecolle@univ-lorraine.fr * Merci à Julie Lefebvre, Marie-Noëlle Gary-Prieur et à Georgeta Cislaru pour leur relecture de versions antérieures de cet article. 2 Voir G. Cislaru (2005), M. Lecolle (2006 et 2009b), G. Cislaru et M. Lecolle (2009). <?page no="220"?> Michelle Lecolle 220 1 Polyvalence du nom propre de lieu habité En tant que signe, le toponyme (et principalement le nom de lieu habité) est fortement polyvalent, ce qui signifie, d’un point de vue sémantique, qu’il a plusieurs valeurs 3 , mais aussi, d’un point de vue discursif, qu’il est employé diversement selon les discours et les genres. Selon moi, une diversité de significations potentielles, de valeurs latentes du toponyme est ou n’est pas exploitée, et l’est diversement selon les pratiques discursives. C’est à cette question qu’est consacrée la première section. 1.1 Différentes valeurs du nom de lieu Commençons par rappeler quelques faits simples, voire triviaux. Par définition, le toponyme est un nom de lieu. Le lieu, auquel il réfère en discours, peut être vu, dans sa dimension spatiale, comme un point, ou comme une étendue, un territoire. Comme point et comme territoire, il peut être la destination vers laquelle on se dirige, le lieu que l’on traverse ou que l’on franchit, celui que l’on quitte. Il peut être un repère, un jalon sur un itinéraire. Comme territoire, il présente une topologie et des limites perceptibles (quartier, village, bourg ou ville) ou non perceptibles (région, pays, continent). Comme territoire (ville, village, pays, région, continent), le lieu est aussi un « contenant », celui, principalement, de ses habitants - j’en parlerai plus loin en termes de trait / collectif/ du Npr de lieu. Du point de vue de ceuxci, il est un milieu, un habitat, une base concrète de relations. Comme territoire également et en lien avec l’habitat, les habitants et leurs relations, il est l’objet d’une administration (trait / politique/ ) - les deux, administration et territoire, ne coïncidant pas toujours. Comme point enfin, et de manière plus abstraite et symbolique, il peut alors être le lieu de la gestion politique. À ces observations tenant à la signification des noms de lieux habités s’adjoint une autre, présentée par plusieurs des interventions au colloque « toponymie » 4 : le toponyme, par son référent, est étroitement lié à l’humain, que ce soit dans la dimension spatiale du référent - lieu qu’on habite, d’où l’on vient, qu’on visite, qu’on parcourt, qu’on connaît, qu’on imagine, qu’on décrit, qu’on recherche ; dans son rapport au temps - lieu dont on se souvient, où il se passe ou s’est passé quelque chose (événement personnel ou historique), servant de jalon à la mémoire et à l’expérience 5 ; dans sa dimension collective et politique - lieu d’exercice du pouvoir, lieu administré, lieu partagé et départagé, lieu nommé et renommé ; dans sa 3 Le mot valeur, ici délibérément générique, renvoie, pour le Npr, aux éléments de « contenu » reflétés par la manière dont il est employé. 4 « Défis de la toponymie synchronique : structures, contextes, usages », colloque organisé à Rennes par le laboratoire LIDILE les 22 et 23 mars 2012. 5 Voir M.-A. Paveau (2008). <?page no="221"?> Nom propre et lieu habité : polyvalence et polysignifiance 221 dimension symbolique - lieu chargé de valeurs et de représentations identitaires 6 . Ces valeurs et fonctions sont potentiellement présentes dans l’emploi du toponyme. 1.2 Emplois du toponyme dans les discours En discours, les différents emplois du toponyme exploitent ou, au contraire, laissent de côté ces caractéristiques. Je mentionnerai ici plusieurs relevés, dans leurs ressemblances et différences, sans rechercher l’exhaustivité, mais plutôt la présentation d’une palette d’emplois, mon but étant in fine de mettre au jour par ce biais les facettes sémantiques du toponyme. Ont été explorés des textes relevant de plusieurs types de discours : presse d’information générale (presse écrite principalement) qui sera l’objet de la deuxième section, récits de voyage, textes de géographes, guides touristiques. Comme signe linguistique, le Npr, et donc le toponyme, possède un signifiant, ce qui est indiscutable, et un signifié, ce qui est plus discuté (cf. § 3.1). À ce titre le toponyme est susceptible, comme tout signe, d’être l’objet d’une référence autonymique : c’est alors le signe lui-même qui est en jeu, en particulier dans la recherche onomastique. Mais l’attention au signe luimême est également présente dans les productions non savantes et quotidiennes, dès lors que la motivation du toponyme est invoquée ou discutée (étymologie, populaire ou savante 7 ), lorsqu’il entre dans des jeux de mots ou des poèmes 8 . Le toponyme comme signe, objet ludique ou objet du discours, n’est pourtant pas isolé de ce à quoi il renvoie, et le lien entre le nom, dans sa forme sonore, et le référent est souvent établi, dans une appréhension ludique ou polémique (comme, par exemple, dans les titres de presse satirique), réaliste ou fantasmée (cf. la réflexion et la rêverie de Proust à propos de Parme, dans Roland Barthes, 1972). Ce lien forme signifiante/ référent est central dans le choix par les écrivains des Npr en général, et des toponymes en particulier, et il peut être crucial dans le rapport entre toponymie et description ou récit littéraires. En littérature, le lien entre récit et toponymie est souvent souligné, dans la mesure du « lien constitutif qu'entretient le récit avec l'espace. [...] Il existe peu de récits, et quel que soit leur genre, sans toponyme, sans inscription 6 Ces considérations sous-tendent plusieurs travaux cités en bibliographie, et notamment ceux de G. Cislaru ainsi que l’article de F. Cheriguen (1994). 7 Voir, parmi les communications du colloque, G. Agresti et S. Pallini, « Vers une toponymie narrative : récits autobiographiques et ancrages géographiques dans deux villages de la Haute Vallée du Vomano (Italie) ». Voir J.-N. Pelen (2002), « Introduction », et A. M. Kristol (2002). 8 Pour les toponymes dans les comptines, voir J.-Cl. Bouvier (2002). <?page no="222"?> Michelle Lecolle 222 spatiale 9 [...]. Bien des récits [...] apparaissent comme des relations d'itinérance » (Jean-Noël Pelen, 2002, « Introduction »). Les lieux, même correspondant à une réalité, y sont investis de représentations, d’imaginaire, d’événements inventés ; leurs contours sont parfois déformés 10 . C’est ainsi que le toponyme peut se charger d’une « hypersémanticité » (Roland Barthes, 1972) qu’il n’a pas, ou qu’il a peut-être moins en dehors de la littérature 11 . Cependant, le toponyme est usuellement employé pour référer, et son référent peut alors être l’objet du discours ou le fond signifiant sur lequel se déploie un récit. On trouve les deux usages, mêlés, dans des passages du roman Jean-Christophe : La Nouvelle Journée de Romain Rolland 12 , où Rome est décrite, parcourue, vécue par le personnage. Ici, la ville (désignée par son nom, ou par un dérivé : romain-e) n’est pas envisagée comme un point, mais comme un espace, chargé de culture et d’histoire : (1) Quelles que soient les couleurs broyées sur la palette de Rome, la couleur qui ressort est toujours le romain. Christophe, sans pouvoir analyser son impression, admirait le parfum de culture séculaire, de vieille civilisation. (pp. 1447-1448) (2) Il flâna dans Rome, et autour. La lumière romaine, les jardins suspendus, la campagne, que ceint, comme une écharpe d’or, la mer ensoleillée, lui révélèrent peu à peu le secret de la terre enchantée. (pp. 1449-1450) Toute autre est l’impression qui se dégage de l’emploi des toponymes dans Voyage au Congo d’André Gide, « relation d'itinérance », récit de voyage à la première personne dans lequel les lieux sont décrits et parfois comparés, certes, mais figurent surtout des points sur un itinéraire, des jalons spatiotemporels : on peut le voir par l’emploi conjoint, comme étiquettes, de toponymes et de dates (exemples (3) et (4)), par l’emploi de groupes prépositionnels et prépositions (peu de temps avant Bambio, depuis Bosoum). Dans ce voyage, les villes et villages sont décrits succinctement ; ils figurent aussi comme les lieux d’événements et de micro-événements personnels (4). (3) Libreville, 6 août. - Port-Gentil, 7 août. À Libreville, dans ce pays enchanteur, où la nature donne des arbres singuliers et des fruits savoureux, l'on meurt de faim. (pp. 687-688) 9 « Inscription spatiale » ne signifie pas nécessairement emploi de toponyme. Un exemple remarquable de récit sans toponyme, mais non sans spatialité, est le roman La route de Cormac McCarthy (Éditions de l’Olivier pour la version française), dont l’univers se situe précisément dans une sorte de no man’s land post apocalyptique où errent les deux protagonistes. Spatialité, donc, mais sans ancrage. 10 Voir F. Bayard (2012) pour différents cas d’« aménagements » du réel concernant les lieux supposés visités, parcourus, découverts par différents auteurs, du champ littéraire ou d’autres champs (journaliste, anthropologue, etc.). 11 Voir J.-M. Gouvard (2000) pour une discussion sur ce point. 12 Ce corpus a été sélectionné dans Frantext sur la base des occurrences de Rome. <?page no="223"?> Nom propre et lieu habité : polyvalence et polysignifiance 223 (4) Cotonou, 2 août. Combat d'un lézard et d'un serpent d'un mètre de long, noir lamé de blanc, très mince et agile [...] (pp. 687-688). Dans des textes de géographes (cf. ci-dessous), le lieu (Rome, dans les exemples sélectionnés 13 ), point dans l’espace, et surtout lieu de pouvoir et de civilisation, est l’objet du discours ; il est envisagé historiquement et dans sa dimension politique, ce qui apparaît par le fait que Rome est fréquemment employé en fonction agentive et dans des phrases au passé. Dans la description, un enthousiasme manifeste s’équilibre avec une certaine distance rétrospective et didactique : (5) Élaborée, agrandie par Rome, la notion de cité devint une forme de civilisation capable de se communiquer et de se transmettre à des groupes de plus en plus nombreux. (Principes de géographie humaine, 1921, pp. 206-207) Dans les guides touristiques explorés 14 , comme dans les textes de géographes, le référent du toponyme est l’objet du discours (le toponyme est le plus souvent en fonction sujet, thématisé) ; on trouve des exemples similaires à ceux de Vidal de la Blache dans les parties historiques des guides (« Histoire » ; « Vie politique et économique »), et des descriptions d’itinéraires comme chez Gide (itinéraires à accomplir, ici), mais le toponyme est aussi employé, dans certains exemples, avec toutes les valeurs présentées précédemment : le lieu est celui d’une architecture et d’une culture, d’une vie sociale, artisanale et commerçante ; ces valeurs sémantiques se mêlent dans les occurrences, sans qu’il paraisse pertinent d’isoler des autres une dimension purement spatiale. Comme dans les exemples de (6), l’histoire, la culture et l’humain s’associent à la spatialité, une spatialité découpée en parties (une spatialité découpée en « parties »), puisque les lieux délimitent également des époques et/ ou des modes de vie (voir les modifieurs, adjectifs et compléments de nom), parfois associés pour le seul bénéfice supposé du visiteur : (6) Le Caire musulman historique/ Forum romain. Une gloire passée émane encore du cœur de la Rome impériale/ L’Égypte des dieux, des pharaons et des momies/ L’Égypte des mosquées, des souks et de la chicha. Fait remarquable, donc : on a ici une description extérieure à l’énonciateur, mais construite en empathie avec le lecteur. C’est ici le genre fonctionnel « guide » qui prescrit une certaine vision du lieu : (7) L’Égypte peut être un paradis pour les voyageurs à petit budget/ Destination États-Unis/ Rome s’est affirmée comme une destination touristique majeure/ Rome gratuite/ Rome gourmande. 13 Principes de géographie humaine de P. Vidal de la Blache, 1921, dans Frantext. 14 « Let’s Go Egypte », « Rome, le guide », Lonely Planet 2008 ; « Ouest américain », Lonely Planet 2008. Relevé fait par Georgeta Cislaru pour un travail commun. <?page no="224"?> Michelle Lecolle 224 Je termine ce rapide tour d’horizon par des relevés issus du discours politique, avec l’exemple de la France. Comme on peut s’y attendre, les noms de lieux habités renvoient surtout à des valeurs politiques et collectives, hautement symboliques. On repère ces valeurs dans l’emploi du nom en fonction agentive (le président s’exprime au nom du pays - (8)), ou en position thématique dans des phrases averbales - (9) : (8) « La France prend acte de la transition constitutionnelle annoncée par le Premier ministre Ghannouchi. La France souhaite l'apaisement et la fin des violences. [...] La France se tient aux côtés du peuple tunisien dans cette période décisive. » (Site de l’Elysée, 14/ 01/ 11) (9) La France forte (Slogan de campagne Nicolas Sarkozy, 2012)/ La France ensemble (slogan de Jacques Chirac) De fait, les slogans de campagne de (9), répondant à une fonction d’appel, ne sont pas tellement éloignés d’énoncés publicitaires - voir (10) avec un Npr de ville : (10) Metz proche de ses seniors (affiche novembre 2012, annonçant Les Assises seniors 2012 à Metz) ou encore de titres d’ouvrages répondant à cette même fonction, et où le sens collectif est également engagé : (11) La France paresseuse (titre d’un ouvrage de Victor Scherrer, 1987) (12) La France qui tombe (titre d’un ouvrage de Nicolas Baverez, 2003). 1.3 Bilan Cette description donne à voir les partis que différents discours tirent d’un signe : un type, le Npr de lieu (habité), qu’on peut qualifier d’« omnisignifiant » (Georgeta Cislaru, 2005) ou de « polysignifiant » (Michelle Lecolle, 2009a), ne donne à voir, à travers ses occurrences dans les textes, que certaines de ses valeurs, envisagées diversement. J’ai cherché à décrire la polyvalence du toponyme à partir de ses potentialités, afin de délimiter ce qui tient aux discours qui emploient le toponyme et ce qui tient au type de signe lui-même (Npr, et Npr de lieu habité). On a vu s’illustrer les dimensions spatiale, collective, politique. La dimension événementielle est apparue uniquement à la faveur de l’association syntagmatique lieu-date (Gide). On verra que cette dimension, qui associe lieu et temps, est davantage présente dans le discours journalistique : au type de discours, qui se doit de classer les faits et les événements en nommant avec une économie de moyens, s’accorde un outil linguistique efficace, le Npr de lieu habité. <?page no="225"?> Nom propre et lieu habité : polyvalence et polysignifiance 225 2 Polyvalence du toponyme dans la presse Les discours médiatiques font des toponymes un usage prolifique, mais un usage sensiblement différent de ceux repérés précédemment. Une impression générale qui se dégage des emplois de toponymes est que les lieux référés, dans toutes leurs dimensions, spatiale, collective, politique, mais aussi, par métonymie, événementielle, paraissent davantage pointés, et même « pointeurs », que « vécus » de l’intérieur 15 . Je présenterai dans un premier temps quelques caractéristiques de la pratique journalistique (§ 2.1), susceptibles d’éclairer les fonctions qu’ont les Npr en général et les toponymes en particulier dans le discours médiatique : ils y font office de points de repères, de catégoriseurs, et sont fortement polyvalents (§ 2.2). 2.1 Discours de presse et toponyme Tout d’abord, l’emploi des toponymes, répondant au souci de didacticité qui est la définition même de la profession, sert d’ancrage aux événements présentés 16 - événements qui sont la raison d’être du discours d’information. Ensuite, comme le signale A. Krieg-Planque (2009) à propos des Npr d’événements (mais la remarque peut être étendue aux toponymes), ces noms répondent, pour les journalistes dans leurs écrits et dans l’ensemble de leurs pratiques, à un besoin de rapidité et d’efficacité dans la catégorisation des événements. Enfin, dans les écrits eux-mêmes, les toponymes entrent dans des routines discursives, qui exploitent des Npr ainsi que des systèmes seconds de dénomination à base de Npr : métonymies institutionnelles (Matignon en France pour le premier ministre et ses services), métonymies événementielles (Fukushima ou Tchernobyl comme accident nucléaire ; Cannes ou Berlin comme festival cinématographique ; Bamako ou Porto Alegre comme Forum social mondial 17 ). Que le Npr (tel Npr) ait, à l’issue de ce processus métonymique, une dénotation connue, partagée et stabilisée dans la mémoire collective (Matignon, Tchernobyl, Cannes), ou que le rapport dénominatif, parfois plus instable ou spécifique, soit instauré (par métonymie, toujours) dans les textes mêmes (Bamako), les « matrices » métonymiques de ces routines sont bien là, fonctionnant, dans le discours de presse plus qu’ailleurs, comme des normes discursives régulières et productives. 15 À l’exception notable des réalisations du genre « reportage », qui, au contraire, présentent une « plongée » dans un lieu. 16 Cette nécessité d’ancrage et de catégorisation se traduit par des configurations discursives qui ont bien été décrites par G. Cislaru (2005), pour les Npr de pays. 17 Pour les métonymies institutionnelles et les routines afférentes, voir Lecolle (2003). Pour les Npr événementiels, voir A. Krieg-Planque (op. cit.), M. Lecolle (2006, 2009b), G. Cislaru et M. Lecolle (op. cit.). <?page no="226"?> Michelle Lecolle 226 2.2 Polyvalence des toponymes dans la presse Dans la presse, les occurrences de toponymes sont susceptibles de prendre les différentes valeurs sémantico-référentielles issues de leur signification : / spatial/ , / collectif/ , / politique/ (voir § 3.1) 18 . À ces valeurs s’ajoutent d’autres (métonymiques), relevant de la représentation des instances 19 : l’équipe sportive d’une ville, d’une région, d’un pays - émanation identitaire et symbolique des valeurs attachées par les humains à leur lieu de vie et de communauté - est nommée par le nom de ce lieu (La France/ Paris a gagné) ; la référence à la production culturelle ou industrielle relève de la même description métonymique : (13) La Turquie à la reconquête des Balkans [à propos de la diffusion en Grèce d’une série turque sur Soliman le magnifique]. (titre de Courrier international, octobre 2012) Et d’autres encore, pour certains Npr de lieu : un lieu institutionnel (Matignon) représente les personnes ou instances institutionnelles qui l’occupent, une capitale (Washington), l’état (les États-Unis) ou le gouvernement ; le Npr (Washington) sert alors à désigner ces instances : (14) Washington annonce une intensification des bombardements. (Le Figaro, 26/ 03/ 1999) J’ai parlé plus haut de la régularité de cette norme métonymique, qui relève, selon moi, tout à la fois de caractéristiques sémantiques (la métonymie à base de Npr de lieu), encyclopédiques (telle ville représente le pays, et non telle autre) et discursives : elle s’exerce en production plus fréquemment dans le discours de presse d’information - en discours diplomatique, également. D’un point de vue discursif, particulièrement dans le discours de presse, on remarquera également la fonction de « pointeur » du Npr, qui peut servir à démarquer un individu (e. g. l’équipe de telle ville/ pays) dans un ensemble (d’équipes), comme d’autres Npr de lieu permettent de spécifier, dans un ensemble de films d’un festival, ceux issus d’un pays (l’Italie en (15)), un festival de cinéma (Cannes) parmi d’autres festivals, une centrale nucléaire parmi d’autres - celle de Fessenheim en (16). (15) Un peu plus d'Italie ([festival de Cannes 2001], en titre) (16) À quand la fermeture de Fessenheim ? (titre Politis, 6/ 9/ 2012) De fait, si cette fonction dénominative discriminante n’est pas spécifique au Npr (toute nomination d’une qualité particulière d’un référent, sa couleur par exemple, peut faire l’affaire - les Bleus pour l’équipe de France), le Npr est particulièrement adapté : en discours de presse, les caractéristiques sé- 18 Voir G. Cislaru (ici-même), qui utilise le terme de « facettes ». 19 Cf. G. Cislaru (2005, 2006b), M. Lecolle (2003). <?page no="227"?> Nom propre et lieu habité : polyvalence et polysignifiance 227 mantiques du toponyme rencontrent le besoin de nommer de manière condensée. En résumé, on constate une polyvalence remarquable des toponymes dans la presse, à laquelle s’ajoute la souplesse avec laquelle ils peuvent changer de valeur sémantico-référentielle, parfois dans une même phrase, et superposer différentes valeurs : c’est ce que je nomme « polysignifiance ». 3 Signifiance et polysignifiance du nom propre de lieu habité Pour envisager la polysignifiance du toponyme (§ 3.2), il faut bien parler de sa « signifiance » (§ 3.1). On verra en § 3.3 que la polysignifiance se retrouve dans les adjectifs relationnels dérivés des toponymes. 3.1 Signifiance du nom propre de lieu habité De nombreux chercheurs ont déjà abordé la question du sens du Npr (Georges Kleiber, 1981 ; Marie-Noëlle Gary-Prieur, 1994 ; Kerstin Jonasson, 1994 ; Louis Hébert, 1996 ; Sarah Leroy, 2011 ; Jean-Michel Gouvard, 2000 ; Georgeta Cislaru, 2005 et 2006a pour les Npr de pays ; Michelle Lecolle, 2009a pour les Npr de lieux habités). Je situerai donc très brièvement ma position, qui diffère, d’une part des approches centrées sur l’anthroponyme, d’autre part des approches phrastiques ou décontextualisées. Pour ma part, en me basant sur l’observation du Npr de lieu dans les textes, je cherche à départager ce qui, d’un point de vue sémantique, relève de la catégorie Npr et Npr de lieu, et ce qui relève de faits discursifs et encyclopédiques dans les phénomènes présentés précédemment et en § 3.2 infra. Pour cette présentation, je partirai de la distinction type/ occurrence, et j’envisagerai la possibilité d’une diachronie, celle touchant le Npr au sein du texte, ou, pour les discours de presse notamment, de l’intertexte. La distinction type/ occurrence renvoie, dans d’autres termes, à la distinction signification (hors texte)/ sens (en contexte). Le Npr de lieu habité est « nom propre », « de lieu » et « de lieu habité », et c’est à la conjonction de ces trois caractéristiques qu’il doit sa signification. Au titre de Npr, il fournit une « instruction » d’unicité de l’être dénoté. Au titre de nom de lieu habité, il entre dans des classes sémantiques de noms : Npr de lieu, mais aussi noms communs (ville, village, pays, province, banlieue, département, région), avec lesquels il partage des traits sémantiques. Ces traits sémantiques : / spatial/ , / collectif/ , / politique/ appartiennent à la signification des Npr de lieux habités, à leur potentiel, lequel est, ou non, réalisé dans les occurrences, parfois conjointement, comme on l’a vu avec les exemples de Npr des guides touristiques. Selon moi, le type (la signification) se réduit à ces traits (sèmes macro-génériques chez L. Hébert, op. cit.), en tant qu’ils sont susceptibles d’avoir des contre-parties distributionnelles stables : cooccurence de prépositions spatiales, de verbes tels que habiter (en), vivre <?page no="228"?> Michelle Lecolle 228 à/ en, administrer, lesquels sélectionnent un ou plusieurs traits (habiter sélectionne le trait locatif, administrer le trait politique, mais vivre à/ en engage, selon moi, les traits locatif et collectif : vivre à Paris, c’est aussi vivre avec les Parisiens). Le type comprend également une sous-catégorisation (nom de ville, de pays, de région), parfois apprise avec le Npr et qui est, ou non, pertinente dans ses emplois. À la différence des autres noms, les noms de villes ne prennent jamais d’article, ce qui permet de les différencier des autres dans les énoncés ; pour les noms de pays ou de régions, cette sous-catégorisation ne connait pas, en revanche, de spécificités distributionnelles, et c’est la dimension de l’énoncé ou du texte qui permet (parfois) de faire la différence, par le biais des occurrences. Dans les textes, ce sont les occurrences qui se manifestent (occurrence de tel Npr et non pas du Npr) : ce sont donc elles qui, d’une part, peuvent être rapportées au type, de manière plus ou moins directe, et qui, d’autre part, accèdent éventuellement à l’« hypersémanticité » dont parle Barthes (op. cit.). À ce titre, les Npr employés dans les textes sont, effectivement, dotés de sens, et même chargés de sens, par la manière dont ils sont employés et par les représentations (les connaissances, les qualifications) qui sont données de leur référent 20 . Lorsque le Npr (tel Npr) est notoire, c’est bien dans les textes qu’il est reconnu, donnant alors lieu à des inférences. Et c’est parce qu’il est Npr (« instruction » d’unicité) qu’il peut rassembler, de manière plus ou moins stable, les traits acquis, qui lui sont spécifiques - on verra (§ 3.3) que ces traits se retrouvent aussi dans les adjectifs dérivés, la « langue » se saisissant, dans ce cas, des traits encyclopédiques acquis. Parce qu’il possède cette instruction d’unicité, le Npr de lieu peut changer, par le biais de ses occurrences, de valeur sémantique au niveau du type et devenir, par exemple, Npr d’événement (les Npr Outreau ou Tchernobyl en sont des exemples) : autrement dit, les occurrences ne reflètent pas toujours le type, et vont jusqu’à le transformer. Toutefois, même si le Npr de lieu est particulièrement accueillant pour la signification événementielle (lieu où il s’est passé quelque chose 21 ), notons que d’autres Npr (e. g. le 11 septembre ; AZF 22 ), et même des noms communs employés en description définie, peuvent aussi prendre ce sens (Le Chikungunya en (17)) : (17) Le Chikungunya : La médiatisation d’une crise. Plus généralement, les occurrences de Npr de lieu habité ne mobilisent pas nécessairement toutes les traits sémantiques du type : c’est bien de potentialités qu’il s’agit. Mais elles peuvent aussi mobiliser plusieurs de ces potentialités et les superposer. Dans la presse, ces caractéristiques sont particulièrement présentes. 20 Voir sur ce point M. Lecolle (2009a), à propos du Npr de ville Outreau. 21 Voir G. Cislaru et M. Lecolle (2009). 22 Catastrophe industrielle en 2001 à Toulouse, France. AZF est le nom de l’usine. <?page no="229"?> Nom propre et lieu habité : polyvalence et polysignifiance 229 3.2 Polysignifiance des toponymes dans la presse Les besoins dénominatifs du discours de presse, son besoin de rapidité, les routines discursives que la presse adopte ont pour conséquences, dans les textes, des emplois ambigus, de fréquentes ambivalences (superposition de deux ou plusieurs valeurs sémantico-référentielles), des dénotations floues 23 . Figure 1: Représentation de la polysignifiance : Npr de capitales La figure 1 présente de manière synthétique les valeurs sémantico-référentielles possibles des toponymes mentionnées jusqu’à présent. Ces valeurs sont représentées ici avec le seul exemple des noms de ville (Washington et Bamako), mais la description est transposable aux Npr de pays. Elle est destinée à faire figurer les « rencontres » et « chevauchements » observés et prédictibles des occurrences (leur polysignifiance). Cette polysignifiance a pour fondement le caractère composite de la signification (le type), auquel s’ajoutent les métonymies (représentées en ellipse dans la figure), que cellesci soient régulières (métonymie institutionnelle ; représentation culturelle ou d’équipe sportive) ou possibles (événementielle). Ainsi, Bamako est le nom d’une ville ; cette ville est aussi une capitale (métonymie institutionnelle), et le lieu d’un événement (le Forum Social Mondial en 2006). Enfin, figurent en italique les différentes possibilités dénotatives découlant, selon les textes, d’une même métonymie : représentation culturelle ou sportive (e. g. sport1 : football, sport2 : handball par exemple), et métonymie institutionnelle : par le biais de cette métonymie, Bamako, par exemple, renvoie au pays, au gouvernement, et potentiellement au président, ou encore à tous sans distinction possible. En effet, alors que la métonymie de « repré- 23 Voir M. Lecolle (2003, 2004 et 2006) pour une présentation des types de polysignifiance. <?page no="230"?> Michelle Lecolle 230 sentation culturelle » (sportive) renvoie à un référent simple (l’équipe sportive), la métonymie institutionnelle renvoie à un référent dont la délimitation et la composition sont fondamentalement floues (Michelle Lecolle, 2003, 2006). 3.3 Adjectifs ethniques : ambigüité sur ambigüité À la suite de I. Bartning (1984 et 1986), j’appelle « adjectifs ethniques » des adjectifs de nationalité ou d’origine qui, d’un point de vue morphologique sont des dérivés ou des conversions des noms correspondants (noms de pays, de villes, de continents, et parfois noms de peuples ou d’ethnie, voir Michel Roché, 2008). Les adjectifs ethniques sont des adjectifs relationnels, ce qui signifie qu’ils expriment une relation entre le nom tête d’un syntagme et le nom dont ils sont dérivés : une ville syrienne = une ville de Syrie. Il est généralement admis que la relation qui s’exprime par ces adjectifs peut, selon le sens du nom tête, être imprécise et ambiguë. Un exemple de Bartning (1986) illustrera cette ambigüité - voir aussi (26) infra. (18) La défense allemande = la défense de l’Allemagne Dans cet exemple, l’Allemagne est agent (elle se défend) ou patient (elle est défendue). L’ambigüité de l’adjectif reflète l’ambigüité de la structure ellemême. Dans ce qui suit, je livre quelques exemples, que je commente peu, faute de place. Ces exemples sont issus de la presse écrite ou orale, où l’emploi d’adjectifs ethniques est particulièrement abondant, répondant à la nécessité de brièveté déjà mentionnée. Les adjectifs révèlent certaines des valeurs isolées précédemment, adaptant leur sens aux potentialités des toponymes, y compris à celles que j’ai qualifiées de métonymiques : valeur / spatiale/ : (19) et (25) a) ; / collective/ : (20) a) et (25) b) ; / politique/ : (20) b) et (21); métonymies institutionnelles : (22) ; événementielles : (23), (24) : (19) les vacances tunisiennes de MAM [Michèle Alliot-Marie, ministre] (radio, le 6/ 2/ 11) (20) les colères égyptiennes (radio, 2/ 11) : a) des Égyptiens ; b) de l’Égypte (21) La politique israélienne (22) Les pressions vaticanes (radio)/ La proposition élyséenne (le Figaro) (23) le peuple [égyptien] a compris la leçon tunisienne (radio, 6/ 2/ 11). (24) Libye: le syndrome irakien (SlateAfrique, 24/ 08/ 11) (25) les migrations africaines (radio, 2011) : a) « vers ou de l’Afrique » ; b) « des Africains » ; c) « concernant l’Afrique » Comme ces quelques exemples le montrent, dans le discours de presse, l’ambigüité qu’ont en propre les adjectifs relationnels s’ajoute à celle qui est <?page no="231"?> Nom propre et lieu habité : polyvalence et polysignifiance 231 due à la polyvalence des toponymes bases - illustrant ici aussi, de manière décuplée, la polysignifiance des toponymes. Conclusion J’ai cherché à montrer dans cet article la richesse signifiante des noms de lieux habités, en décrivant l’articulation entre des potentialités, celles du toponyme en tant que Npr et nom de lieu (habité, ici), et les conditions (discursives, extra-linguistiques) de ses réalisations en contexte : les Npr de lieux habités peuvent désigner des lieux, de passage ou d’habitat, et les personnes qui les occupent, les instances qui les gouvernent ; par métonymie, ils représentent et catégorisent des entités qui leur sont liées. Ils peuvent évoquer des jalons spatiaux ou temporels et des lieux de mémoire, personnelle ou collective. Ils peuvent être envisagés, de l’intérieur, vécus, ou encore décrits ou pointés, de l’extérieur. La description de la polysignifiance pourrait être complétée en termes de rapport partie/ tout (« le tout pour la partie », e. g. l’Amérique pour « les États-Unis ») : cette synecdoque très courante, notamment en discours journalistique et politique, est, comme dans cet exemple, parfois lexicalisée (voir aussi l’Europe pour « l’Union Européenne »). On toucherait ici à un autre fondement de la polyvalence des Npr de lieux habités, lequel se joint ou se superpose aux aspects décrits ici (voir par exemple l’emploi de l’Amérique pour le gouvernement des États-Unis ou pour ses habitants). La polysignifiance décrite pourrait être également envisagée à propos des noms de peuples (les Grecs, les Français, les Parisiens), dans leurs dimensions collective et politique : si la signification de ces noms ne couvre pas toute l’étendue de celle des toponymes (ils n’en ont pas le trait / spatial/ ), ces noms manifestent, dans leurs emplois, nombre des caractéristiques de ceux-ci et ils leur sont sont parfois substitués 24 . Cette richesse et cette souplesse en font aussi des lieux potentiels d’ambigüité et de glissement de sens, en discours médiatique ou politique. Références Barthes R. (1972 [1967]): « Proust et les noms », dans Le degré zéro de l’écriture. Paris, Éditions du Seuil. Bartning I. (1984): « Aspects syntaxiques et sémantiques des adjectifs ethniques en français », Revue Romane Bind 19, 177-216. Bartning I. 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À partir de l’usage qu’en font différents types de discours, notamment les médias d’information, on décrit les particularités de ce signe linguistique et sa polyvalence. Le type « nom propre de lieu habité » est caractérisé par trois traits principaux : ‘spatial’, ‘collectif’, ‘politique’ qui sont, ou non, réalisés dans les occurrences. À ces traits s’ajoutent en discours journalistique des dénominations dérivées relevant de routines discursives régulières (métonymie institutionnelle, métonymie événementielle) et dépendant de conditions extra-linguistiques. Ces différentes sources de sens expliquent la rencontre et le chevauchement en contexte des valeurs des noms propres de lieux, ce qu’on appelle leur « polysignifiance ». Summary Names of inhabited places: polyvalence and “polysignifiance” This paper focuses on names of inhabited places in French, adopting a semantic and discursive perspective. Through examples of the use made of these toponyms in different types of discourse, particularly those that characterize the media, we identify the special features of this type of linguistic sign and its polyvalence. The type “name of an inhabited place” possesses three principal dimensions: ‘spatial’, ‘collective’ (inhabitants), ‘political’, which may or may not be expressed in the occurrences. In media discourse, additional denominations produced through regular discursive practices (institutional metonymies, event metonymies) and depending on extra-linguistic conditions can be found. These different sources of meaning account for the meeting and overlapping in specific contexts of the semantic values attached to place names; we designate this feature as their “polysignifiance”. Zusammenfassung Eigennamnen bewohnter Orte: Vielseitigkeit und „polysignifiance“ Der vorliegende Artikel befasst sich aus semantischer und diskursiver Sicht mit Namen bewohnter Orte im Französischen. Die Merkmale dieser linguistischen Form sowie die Vielseitigkeit ihres Gebrauchs werden in verschiedenen Sprachfeldern, insbesondere in der Mediensprache beschrieben. Die Grundform „Eigenname eines bewohnten Ortes“ wird <?page no="234"?> Michelle Lecolle 234 durch drei Hauptmerkmale charakterisiert, die jeweils den Raum, das Kollektive und das Politische betreffen. Diese Hauptmerkmale kommen in den Gebrauchsfällen vor oder nicht. Im Mediendiskurs kommen zu diesen Hauptzügen hergeleitete Benennungen („institutionelle Metonymien“, „ereignisabhängige Metonymien“) hinzu, die von regelmässigen, diskursiven Routinen und extralinguistischen Bedingungen abhängen. Jene verschiedenen Benennungsgründe erklären im Kontext das Zusammentreffen und Überschneiden der beschriebenen Werte, was wir „die Bedeutungsvielfalt“ der Eigennamen bewohnter Orte nennen. <?page no="235"?> Émeline Lecuit 1 , Denis Maurel 2 & Duško Vitas 3 A Multilingual Corpus for the Study of Toponyms in Translation 1 Introduction It is often argued that proper names (including toponyms) should never be translated. This idea is not new. Ballard (2001) quotes Moore for whom all the proper names “have to be rigorously respected” 4 . Other defenders of the untranslatability of proper names include Vendler (1978), Mańczak (1968) or Delisle (1993), among others. However, when opening the Oxford Visual Dictionary: English-French-German-Spanish (Corbeil & Archambault, 1996) on the pages dedicated to “Geography”(see Figure 1 below), it becomes evident that toponyms are translated. In fact, one just has to open two atlases in two different languages on the same page to understand the importance of the phenomenon of toponym translation. This first figure shows that toponyms are not spared when translating a source-text into a target-text, and that they seem to undergo different translation procedures 5 . In this paper, we propose the observation of this phenomenon thanks to a multilingual corpus of our composition. This corpus comprises eleven versions, in ten different European languages of Jules Verne’s novel, Le Tour du monde en quatre-vingts jours (1872). The languages gathered in our corpus are quite representative of the European linguistic landscape, as they belong to different families of Indo-European languages: Romance languages (French, Italian, Portuguese and Spanish), Germanic languages (German and 1 Université de Tours emeline.lecuit@univ-tours.fr 2 Université de Tours denis.maurel@univ-tours.fr 3 University of Belgrade vitas@matf.bg.ac.rs 4 Our translation. Ballard quote goes: “Tous les noms propres […] doivent être rigoureusement respectés.” (George Moore, as quoted by Ballard, 2001: 15) 5 The idea that toponyms and proper names in general should be regarded as true translation units also has its defenders, and among others, Ballard (2001), Grass (2002), Vermes (2003), Agafonov et al. (2006) or Maurel et al. (2007). <?page no="236"?> Émeline Lecuit, Denis Maurel & Duško Vitas 236 English), Slavic languages (Polish, Serbian (using a Latin alphabet) and Bulgarian) and Greek 6 . Figure 1: Extract from the Oxford Visual Dictionary: English-French-German- Spanish In the second part, we introduce the different NLP tools used for the creation of our parallel and annotated corpus. In the third part, we present observations regarding toponyms behaviour in translation. 2 Creation of the corpus 2.1 Choice of the novel and gathering of the versions As stated earlier, our corpus comprises eleven versions of Verne’s novel Le Tour du monde en quatre-vingts jours. There are many reasons which explain the choice of this novel against others, and especially two important ones: 6 Though we are conscious of the fact that not all families of languages spoken in continental Europe are represented. <?page no="237"?> A M ultilingual C orpus for the S tudy of T oponyms in T ranslation 237 firstly, this novel is available in many different languages (more than 60); secondly, it contains a large number of toponyms, nearly 1 150 altogether 7 . We began by gathering the different versions of the text, starting with the original one, i.e. the French text. All these texts underwent a pre-treatment phase, during which they were divided into smaller sections (corresponding to divisions, paragraphs and sentences). Dictionaries were also applied to the texts. The next two operations consisted in the annotation of all the proper names in the French text and the alignment of all the texts with the French one. 2.2 Annotation of the French text In order to make the toponyms more visible in the corpus and therefore have a clearer view of the items we want to study, we decided to annotate them automatically. To do so, we used the CasSys system (Friburger & Maurel, 2004) to apply a series of finite-state transducers to the text. These transducers (a selection of transducers known under the name CasEN (Maurel et al., 2011)) contain local grammars describing the different contexts of appearance of toponyms, based on the recognition of internal and/ or external proof or on the presence of the toponyms inside the dictionaries used for the annotation. Below are two examples of local grammars. The first one (Figure 2) allows the recognition of a toponym thanks to the use of the dictionary. The second one (Figure 3) uses external proof (prepositions and cardinal points in that case) to recognise toponyms. As a result of the annotation process, all the toponyms in the original version of the text were labelled within the text. Table 1 presents the kinds of items we recognised as toponyms, the labels given to the occurrences in the text as well as examples extracted from the text. A quick look at the examples below shows that these names can be of different sorts (Jonasson, 1994): “pure” toponyms (i.e. made of names wich are only used as proper names), “mixed” (i.e. composed of proper names and names which are taken from the lexicon) and “descriptive” (i.e. composed exclusively of names and adjectives which are taken from the lexicon). 7 In fact, the novel contains 3 415 proper names, belonging to all categories of proper names: anthroponyms (referring to human beings and associated entities), toponyms (referring to place names), ergonyms (referring to human productions) and pragmonyms (referring to natural and historical events). Observations about the translation of all the proper names in the novel have been presented in other papers and report (see, for example, Lecuit et al. (2011)). <?page no="238"?> Émeline Lecuit, Denis Maurel & Duško Vitas 238 Figure 2: Local grammar for the recognition of toponyms thanks to dictionaries 8 Figure 3: Local grammar for the recognition of toponyms thanks to external proofs 8 The reader can visit http: / / tln.li.univ-tours.fr/ Tln_CasEN.html, for a presentation of CasEN and a complete list of the transducers. <?page no="239"?> 239 Recognised entity Label assigned • Hydronyms (bodies of water) • Geonyms (natural sites) • Astronyms (celestial objects) <NP type=“loc.geo”> Examples: des steamboats parcourent à grande vitesse <NP type’“loc.geo”> l’ Indus </ NP>, <NP type’“loc.geo”> le Gange < NP> il s’engagea dans les montagnes très ramifiées des <NP type’“loc.geo”> Ghâtes-Occidentales </ NP> plus difficiles à calculer que celles d’ <NP type’“loc.geo”> Uranus </ NP> • Supranational bodies • Countries • Country subdivisions (islands, counties, regions, etc.) • Towns, villages, etc. <NP type=“loc.admi”> Examples: il s’était établi en <NP type’“loc.admi”>Europe</ NP> La plupart des passagers (…) avaient presque tous <NP type’“loc.admi”> l’Inde </ NP> pour destination une des cités commerçantes des comtés de <NP type’“loc.admi”> Kent </ NP> ou de <NP type’“loc.admi”> Surrey </ NP> <NP type’“loc.admi”> Hong-Kong </ NP> devait nécessairement vaincre <NP type’“loc.admi”> Macao </ NP> • Roads, lines and other paths <NP type=“loc.line”> Example: depuis <NP type’“loc.line”>le promontoire du Traité</ NP> jusqu’à la rivière • Buildings, bridges, parks, etc. <NP type=“loc.fac”> Example: A <NP type’“loc.fac”>la pagode de Pillaji</ NP>, à deux milles d’ici. Table 1: Toponyms and labels A M ultilingual C orpus for the S tudy of T oponyms in T ranslation <?page no="240"?> Émeline Lecuit, Denis Maurel & Du! ko Vitas 240 These toponyms are distributed as follows (Figure 4): Figure 4: Toponyms distribution 2.3 Alignment of the different versions with the French text Continuing to ensure the visibility of the studied items (i.e. the toponyms), we created alignments of the different versions of our text with the French text. This done, it was easy to locate the desired items in the French text and locate their translation in the other versions. To carry on the alignments, we used an automatic alignment system, XAlign 9 , available on the Unitex platform (Paumier, 2011). XAlign allows the alignment of bi-texts only (two texts at a time). We therefore created 10 bi-texts (each of them made of the French text and one of the other texts). Prior to the alignments, texts are automatically divided into divisions, paragraphs and sentences, and each of these segments receives an identification number. The recognition of these explicit anchor points, as well as the recognition of other implicit anchor points (such as proper names, numbers, etc.) in the texts allows the system to create an alignment, based both on the structure and on the content. This alignment puts on the same line two sentences which are considered as translation equivalents. Figure 5 is an illustration of what an alignment looks like. 9 http: / / led.loria.fr/ outils/ ALIGN/ align.html ! "#$%&'() *+,-./ 0$() '12()134) ! "#$%&'() *+,-5.,()62() ''4) ! "#$%&'() *+,-7%+()89() 6: 4) ! "#$%&'() *+,-*$; %()1'() '64) Distribution of the toponyms in the French text: loc.admi loc.fac loc.geo loc.line <?page no="241"?> 241 The ten created bi-texts were manually corrected and then gathered in a big multitext. Figure 5: Extract of a bi-text (French-English) 3 Results 3.1 Methodology The work described here is part of a larger work on translation of proper names in general (i.e. not only toponyms). We created tables in which all the used translation processes were counted as they appeared. Below (Table 2) is an example of what our tables look like. Table 2: extract of a results table total equivalent close equivalent construction equivalent transposition opaque translation use of a different name A partir de <NP type'"loc.admi"> Bénarès </ NP>, la voie ferrée suivait en partie la <NP type'"loc.geo"> vallée du Gange </ NP>. 11 1 1 Von Benares aus läuft die Eisenbahn noch eine Zeit lang im Gangesthal. DIRECT TRANSLATION OBLIQUE FRA GER ABSENCE OF TRANSLATION COMMENTS A M ultilingual C orpus for the S tudy of T oponyms in T ranslation <?page no="242"?> Émeline Lecuit, Denis Maurel & Duško Vitas 242 The tagged French text appears in the left-hand column, while the translation (here in German) is in the right-hand column. Between these two columns, other ones, labelled with the names of translation procedures, contain a number “1” each time the translation procedure is used. We now present some observations made on toponyms facing translation. 3.2 Observations: direct translation procedures The first thing we noticed concerning the toponyms of the text is that they are all real toponyms, i.e. not invented. We also noticed that many of the toponyms employed corresponded to places located outside France. This shows the author’s great knowledge about the geography of the world. Nevertheless, we noted a number of mistakes, in the spelling of the names or in the order of the components of the names (Saville-Row instead of Savile- Row, Lake-Salt-City instead of Salt-Lake-City, etc.), which some of the translators (only) decided to correct. As for the correct names, we noticed that they either had an official translation, which was most of the time used by the translators, or not, and were therefore borrowed from the source-text to the target-text. As for the official translations, they follow different patterns. As we already mentioned, the toponyms in the original text all refer to existing location. A toponym can either be an endonym or an exonym, the former being the name of the location in the language used in that very location, and the latter another form of that name used in another place where another language is used. For example, we can say that the English toponym Germany is an exonym and that the German toponym Deutschland is an endonym. In the case of borrowings, the endonym is used in another language. FRA: il n’allait pas directement à <NP type’“loc.admi”>Liverpool</ NP> GER: Und zudem fuhr er nicht nach Liverpool 10 The exonyms can be very close to the endonyms. Indeed, some exonyms only differ in the use of accents or diacritical marks. These exonyms are quite transparent, and therefore easily recognized. FRA: ni les chefs-d’oeuvre d’ <NP type’“loc.geo”>Éléphanta</ NP>, ni ses mystérieux hypogées ENG1: even the masterpieces of Elephanta, or the mysterious hypogea Some exonyms only differ from the endonyms by one or more letters, but remain transparent. EX FRA: il avait compris que ce coquin allait quitter <NP type’“loc.admi”>Bombay</ NP> 10 In this example, the English endonym is used in other languages, in that case, French and German, we use the code for language names ISO 639-3. <?page no="243"?> 243 SRP: shvatio je da cxe taj lupezx napustiti Bombaj In the case when the alphabet used in the target-language is different from the one used in the source-language, there are obviously transliteration phenomena. These can be observed in the versions in Greek and Bulgarian, languages using respectively a Greek and a Cyrillic alphabet. FRA: Ces lettres sont emportées à <NP type’“loc.admi”>Dublin</ NP> par des express ELL: Αυτοί οι ταχυδροµικοί σάκοι µεταφέρονται στο Δουβλίνο µε τρένο BUL: Тези писма са пренасяни в Дъблин от Other exonyms, basically the mixed and descriptive ones, are often made of equivalents in the target-language of the lexical terms which compose them and (for the mixed ones) equivalents (when they exist) of the proper names entering their composition. FRA: Avant leur départ pour les <NP type’“loc.admi”>États-Unis d’Amérique</ NP> POL: przed odjazdem do Stanów Zjednoczonych Ameryki FRA: il mettait le pied sur le sol du <NP type’“loc.admi”>Royaume-Uni</ NP> POR: no momento em que punha o pé no solo do Reino Unido Once again, these equivalents are quite transparent and easy to locate. Though, nothing seems to be systematic. Indeed, in the French text, the endonym New York is used (and not “Nouvelle York”, which does not exist in French), whereas it is the exonym Nouvelle-Hollande which is the equivalent for the endonym New-Holland. There are other exonyms which, on the other hand, are completely opaque, in the fact that they show no resemblance at all with the endonym they are the equivalents of. For example, all the languages in the corpus use the name Neptune (or a name very close and with the same etymological origin, i.e. the name of the Roman God of seas and oceans, Neptunus), except for the Greek, which uses a name derived from the name of the Greek god of seas and oceans, Poseidon. FRA: la découverte de <NP type’“loc.geo”>Neptune</ NP> ELL: στην ανακάλυψη του Ποσειδώνα All these findings are not surprising. They correspond to the use of what Vinay and Darbelnet (Vinay&Darbelnet, 1958) referred to as “direct translation procedures”. But, we also noted cases where the official translation existed but was not the choice made by the translators. We can therefore speak of “oblique translation procedures”. A M ultilingual C orpus for the S tudy of T oponyms in T ranslation <?page no="244"?> Émeline Lecuit, Denis Maurel & Duško Vitas 244 3.3 Observations: oblique translation procedures We observed cases of transpositions (when the category of the name changed for another category, usually an adjective), as well as cases of expansions and omissions (when the essence of the toponym was either explained through the use of a name, or omitted for no reason or when obvious or unnecessary). FRA: Quand le vent soufflait soit de la côte d’<NP type’“loc.geo”> Asie </ NP>, soit de la côte d’<NP type’“loc.geo”> Afrique </ NP> ENG2: When the wind blew from the Asian or the African coasts FRA: De <NP type’“loc.admi”> Londres </ NP> à <NP type’“loc.admi”> Suez </ NP> par <NP type’“loc.geo”> le Mont-Cenis </ NP> ENG2: London to Suez via the Mont Cenis Tunnel FRA: depuis cinq ans qu’il habitait <NP type’“loc.admi”> l’Angleterre </ NP> et y faisait à <NP type’“loc.admi”> Londres </ NP> le métier de valet de chambre SPA: durante los cinco años que había habitado en Inglaterra desempeñando la profesión de ayuda de cámara There were other cases where the name used by the translator was a diachronic or diaphasic equivalent (i.e. an equivalent of another time or for another effect). FRA: pousser jusqu’à <NP type’“loc.admi”>Yeddo</ NP> SRP: ide sve do Tokija FRA: n’était point encore arrivé dans la capitale de <NP type’“loc.admi”> l’ Inde </ NP> GER: sei noch gar nicht zu Calcutta angekommen In the English version, the translator also uses many meronyms (quite often to refer to Great-Britain, maybe a “politically correct” choice? ). FRA: mon mandat n’est plus bon ici, il le sera en <NP type’“loc.admi”> Angleterre </ NP> ENG2: My warrant is no longer any use here, but it will come back into its own in Britain We can also mention all the toponyms which have not been translated by the different translators, and which have either simply been omitted or replaced with pronouns, circumlocutions, etc. FRA: furent envoyés dans les principaux ports, à <NP type’“loc.admi”> Liverpool </ NP>, à <NP type’“loc.admi”> Glasgow </ NP>, au <NP type’“loc.admi”> Havre </ NP>, à <NP type’“loc.admi”> Suez </ NP>, à <NP type’“loc.admi”> Brindisi </ NP>, à <NP type’“loc.admi”> New York </ NP>, etc. <?page no="245"?> 245 SPA: fueron enviados a las puertos principales, a Liverpool a Glasgow, a Brindisi, a Nueva York, etc. 3.4. Observations: other phenomena We also observed other characteristics of the adaptation of the toponyms to each of the languages studied, such as a different use of capitalisation, dashes or quotation marks (for example, in Bulgarian, all line names appear between quotation marks). The use of the definite article with the toponyms is also quite different from one language to the next (it appears with all the toponyms in Greek, it only appears with some kinds of toponyms in other languages, it is attached at the end of the toponyms in Bulgarian, etc.). Regarding morphology, the gender and number of the toponyms can change from one language to another (for example, the French Inde, India, is singular, while the Polish equivalent Indie is plural, etc.). Five of the languages in our corpus are inflectional (German, Bulgarian, Greek, Polish and Serbian). This is an important factor to consider when translating the toponyms, to avoid translation errors. 4. Conclusion The creation of our multilingual parallel corpus allowed us to bring proof to contradict the commonly held belief that proper names in general and therefore toponyms should not be translated. Literature Oxford Visual Dictionary: English-French-German-Spanish (1996). Corbeil, Jean-Claude & Archambault, Ariane, Oxford. Agafonov, Claire, Grass, Thierry, Maurel, Denis, Rossi-Gensane, Nathalie & Savary, Agata (2006). “La traduction multilingue des noms propres dans PROLEX”. Meta 51(4): 622-636. Ballard, Michel (2001). Le nom propre en traduction. Paris, France: Ophrys. Delisle, Jean (1993). Manuel d’initiation à la traduction professionnelle de l’anglais vers le français, Les Presses de l’université d’Ottawa. Friburger, Nathalie & Maurel, Denis (2004). “Finite-state transducer cascades to extract named entities in texts”, Theoretical Computer Science 313(1): 93-104. Grass, Thierry (2002). Quoi! Vous voulez traduire “Goethe”? Essai sur la traduction des noms propres allemands-français. Berne: Peter Lang. Jonasson, Kerstin (1994). Le Nom propre. Constructions et interprétations. Paris, Louvainla-Neuve, Duculot. Lecuit, Emeline, Maurel, Denis & Vitas, Duško (2011). “La traduction des noms: une étude en corpus”, Translationes 3: 121-134 Mańczak, Witold (1968). “Le nom propre et le nom commun”, Revue internationale d’onomastique, 1968, 20 : 205-218 A M ultilingual C orpus for the S tudy of T oponyms in T ranslation <?page no="246"?> Émeline Lecuit, Denis Maurel & Duško Vitas 246 Maurel, Denis, Vitas, Duško, Krstev, Cvetana & Koeava, Svetla (2007). “Prolex: a lexical model for translation of proper names. Application to French, Serbian and Bulgarian”, Bulag 32: 55-72. Maurel, Denis, Friburger, Nathalie & Antoine, Jean-Yves (2011). “Cascades de transducteurs autour de la reconnaissance des entités nommées”, TAL 52(1): 69-96. Paumier, Sébastien (2011). Unitex 2.1 User Manual http: / / www-igm.univ-mlv.fr/ ~unitex/ index.php? page=4 Vendler, Zeno (1978). Singular Terms. In: Steinberg, D. et Jakobovits, L. (ed.) Semantics: an interdisciplinary reader in philosophy, linguistics, and psychology, Cambridge: Cambridge University Press: 115-133. Vermes,Albert Péter (2003). “Proper Names in Translation: An Explanatory Attempt”, Across Languages and Cultures 4(1): 89-108. Vinay, Jean-Paul & Darbelnet, Jean (1958). Stylistique comparée du français et de l’anglais. Méthode de traduction. Paris, Didier. Résumé Un corpus multilingue pour l’étude des toponymes en traduction Dans cet article, nous proposons une étude du comportement traductionnel des toponymes. Nous commençons par décrire les différentes étapes de constitution de notre corpus, un corpus parallèle composé de onze versions différentes (en dix langues européennes), du roman de Jules Verne, Le Tour du monde en quatre-vingts jours. Nous présentons ensuite les résultats issus de notre observation. Summary A Multilingual Corpus for the Study of Toponyms in Translation In this paper, we propose to study the behaviour of toponyms in translation. We begin by presenting the different phases in the process of constitution of our corpus, a parallel corpus composed of eleven versions (in ten European languages) of Jules Verne’s Le Tour du monde en quatre-vingts jours. We then present the results obtained from the observation of toponyms behaviour in translation. Zusammenfassung Ein multilingualer Korpus zur Untersuchung von Toponymen in der Übersetzung In diesem Dokument schlagen wir die Untersuchung des Verhaltens der “Ortsnamen” in der Übersetzung vor. Wir beginnen damit, die unterschiedlichen Phasen der Konstitution unseres Korpus zu beschreiben, der parallel aus den 11 Versionen (in den 10 europäischen Sprachen) des Werks Le Tour du monde en quatre-vingts jours von Jules Verne zusammengestellt wurde. Danach präsentieren wir die bei unseren Beobachtungen erzielten Ergebnisse. <?page no="247"?> Sarah Leroy 1 Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 1 De l’onomastique aux grammaires de construction L’intégration du nom propre dans la description linguistique du français peut être datée des années 1970 et 1980 2 ; cette intégration se confirme avec les nombreux travaux des années 1990 3 et se poursuit par la suite. Encore faut-il, pour être exact, bien distinguer cette « linguistique du nom propre », relativement récente, de l’onomastique, qui s’occupe des noms propres depuis bien longtemps, l’une et l’autre s’ignorant et n’entretenant guère de contacts. L’une des priorités dans ce domaine reste bien de « renouer le dialogue entre onomastique historique et théorie du nom propre, deux disciplines dont le divorce est déjà ancien » (Buchi & Wirth, 2005: 234). La perspective onomastique, première à aborder le nom propre, est foncièrement linguistique, puisqu’une des premières étapes de sa méthode est le rattachement d’une forme à une langue, connue ou inconnue, et que les évolutions retracées pour cette forme doivent nécessairement obéir aux règles de la phonétique historique de cette langue. L’onomastique est également fondamentalement pratique, et concrète: les études onomastiques ne se conçoivent pas sans un matériau de départ, les formes relevées sur le terrain ou d’après des sources diverses, et sans une méthode rigoureuse visant à retracer l’histoire du nom propre dans son environnement et à établir différents modes de création onomastique. Mais l’approche linguistique du nom propre qui émerge dans les dernières décennies du XX e siècle l’ignore, plutôt influencée par la logique et la philosophie du langage. Alors que dans le cadre structuraliste de l’analyse du lexique, aucune approche synchronique du nom propre n’avait été menée 5 , un certain - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 1 UMR 7114 MoDyCo, CNRS - Université Paris Ouest Nanterre La Défense 2 Avec les travaux précurseurs de Le Bihan (1974) puis Noailly (1983) et de Kleiber (1981). 3 Dont les deux ouvrages de référence de Gary-Prieur (1994) et Jonasson (1994). 4 Qui reprennent la mise en garde de Chambon (1988: 177), rendant compte de la parution de Langages 66: « L’onomastique française serait-elle en passe de se laisser évincer — sans même, peut-être, s’en apercevoir — de son propre domaine ? » 5 Rappelons que chez Saussure (1976: 237) les noms propres sont exclus du lexique (il s’agit de « mots isolés ») en tant qu’ils « ne permettent aucune analyse et par conséquent aucune interprétation de leurs éléments » ; de même, Coseriu (2001: 216-217) propose de ne pas traiter « des noms propres, qui […] n’entrent pas dans des oppositions lexématiques ». <?page no="248"?> Sarah Leroy 248 nombre de tournants épistémologiques du milieu du XX e siècle, en particulier la grammaire générative et le souci de rendre compte des aspects cognitifs du langage, que ce soit par des théories de l’énonciation ou par les linguistiques cognitives anglo-saxonnes, conduisent à l’analyse d’énoncés réels et donc à la prise en compte des noms propres qui s’y rencontrent fréquemment. La coupure avec l’onomastique est totale 6 : bien que l’objet soit a priori le même, on a le sentiment d’un domaine entièrement vierge (pour ce qui est des analyses linguistiques), qu’il s’agit de défricher. L’orientation synchronique et discursive se distingue bien entendu nettement de celle, diachronique, dialectologique et lexicale, de l’onomastique. De plus, l’onomastique privilégiant la pratique sur la théorie, il n’est pas facile d’en transposer les principes. On peut néanmoins s’étonner que certains aspects, comme le caractère toujours délexématique (au sens large) du nom propre, ou ses spécificités morphologiques, n’aient suscité qu’un faible intérêt. Si l’onomastique a ainsi pu être mise à l’écart au sein de sa propre discipline, c’est en partie parce que d’autres conceptions du même objet, de nature essentiellement philosophique et logique, ont momentanément pris le pas dans ce domaine: depuis Frege, qui conçoit le nom propre comme n’importe quelle description définie (unicité du référent) jusqu’à Kripke qui élabore la notion de désignateur rigide (absence de sens), la philosophie, et plus spécifiquement la philosophie du langage, s’est intéressée de très près au nom propre. En effet, les emprunts et les références à la philosophie du langage et aux éléments théoriques qu’on vient de rappeler occupent une place importante dans les « nouvelles » approches du nom propre. Comme le note Jonasson (1994: 7), « si les philologues [= les onomasticiens] voient dans le nom propre avant tout une forme et l’évolution de cette forme, les logiciens [= les philosophes] y voient une fonction, celle de référer ». Il semble donc que ces approches synchroniques du nom propre se soient donné pour but de décrire la fonction plutôt que la forme. Une des raisons de ce penchant est sans doute liée à l’approche discursive 7 qui est généralement adoptée dans cette « nouvelle » linguistique du nom propre: il s’agit en effet d’introduire ce dernier dans la grammaire (au sens de description générale) d’une langue donnée, puisqu’il figure en tant qu’élément linguistique dans des énoncés de cette langue 8 . Tous les niveaux - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 6 Il n’y est d’ailleurs guère fait référence dans ces approches linguistiques synchroniques ; à titre d’exemple, Jonasson (1994: 7) ne mentionne l’onomastique (rapportée à la philologie) que dans le premier paragraphe de son introduction, en parallèle avec la philosophie. Si elle revient ensuite sur cette dernière à propos des « théories du sens du Npr », l’onomastique n’est plus évoquée. 7 Ce syntagme n’est pas à prendre dans un sens spécialisé, celui de l’analyse de discours par exemple, mais indique simplement que les noms propres sont considérés dans des énoncés (généralement attestés d’ailleurs) et non en eux-mêmes. 8 Le nom propre des philosophes se signale sur ce point, car contrairement à celui de l’onomastique, il peut se trouver dans des énoncés, même si la variété de ceux-ci est très restreinte. <?page no="249"?> Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 249 de la description linguistique, de la phonétique à la sémantique, sont donc a priori concernés, et il n’y a pas de raison de détacher la forme de la fonction. Mais les différents niveaux de description n’ont pas suscité le même intérêt, et il s’avère que c’est essentiellement au niveau sémantique, ainsi que pour la question plus large de la définition du nom propre, qu’il est fait appel aux théories philosophiques. Or une reconduction non critique de ces théories philosophiques dans le champ linguistique ne peut qu’avoir des conséquences importantes, dans la mesure où leur objectif initial est d’abord un objectif métaphysique et épistémologique. Ces effets peuvent être positifs (intérêt pour le fonctionnement du nom propre en synchronie, pour la question du sens) ou négatifs (centrage sur la référence unique, par exemple), mais il importe de les connaître et de les dépasser pour poursuivre l’étude linguistique des noms propres dans la perspective d’une « onomastique linguistique ». Depuis environ une décennie, un élargissement des approches dans une large interdisciplinarité (comme en témoigne l’apparition de la socio-onomastique 9 ou de l’onomastique interactionnelle 10 ), mêlant onomastique « des usages » (usage-based) et analyses du nom propre dans des énoncés écrits et oraux, va dans le sens d’un mouvement de « réunification » de l’onomastique historique et des théories sur le nom propre. Cette « onomastique linguistique » dépassant naturellement la description d’une langue donnée et d’une catégorie donnée, peut s’inscrire dans des cadres théoriques plus généraux. C’est ainsi que l’une des propositions théoriques récentes les plus stimulantes sur le sujet, celle de Van Langendonck (2007), se détache d’un arrière-plan typologique 11 et se situe dans le cadre théorique large des grammaires de construction (en particulier Croft, 2001). Dans cette approche théorique, selon laquelle les séquences linguistiques linéaires de la communication verbale finissent par faire émerger des schémas langagiers réguliers plus ou moins figés qui prennent la forme de constructions grammaticales, assemblages symboliques de forme et de sens, les constructions sont des formes idiomatiques schématiques, des structures grammaticales et formelles qui ont les mêmes propriétés que les éléments du lexique (appariement de la forme et de la signification, stockage en mémoire) mais qui s’en distinguent par leur nature « structurelle », non saturée. Ainsi, l’un des apports principaux, à mes yeux, de Van Langendonck (2007: 7-8) est la distinction qu’il établit fermement entre lemme nom propre (nom propre en tant qu’unité lexicale) et construction nom propre (nom propre dans ses fonctions discursives). Cette distinction permet d’envisager, d’une - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 9 Cf. Ainiala (2008). 10 Cf. De Stefani (2009). 11 Van Langendonck (2007) traite en effet du nom propre à travers quatre langues (allemand, anglais, flamand, français) et s’intéresse par ailleurs à d’éventuels critères formels identifiant la catégorie des noms propres, tels que ceux mis en évidence par Van de Velde (2003, 2009) et Van de Velde & Ambouroue (2011) pour les langues bantoues. <?page no="250"?> Sarah Leroy 250 part, la « construction nom propre » (proper name chez Van Langendonck), c’est-à-dire le nom propre considéré du point de vue grammatical de ses constructions, et caractérisé par une construction définitoire (la construction dite « appositive »: la ville de Paris) et, d’autre part, le « lemme nom propre » (proprial lemma chez Van Langendonck), c’est-à-dire le nom propre considéré du point de vue lexical, comme un lemme, ce qui peut être représenté comme une entrée de dictionnaire 12 . Dans le premier cas, ce qui est central, ce sont les fonctions discursives liées au nom propre (identification, référence individuelle etc.) et les constructions grammaticales qui les permettent (fonctions et constructions qui peuvent éventuellement concerner d’autres éléments du lexique) ; dans le second cas, il s’agit du répertoire des noms propres d’une langue, toujours susceptibles d’être employés dans d’autres fonctions et constructions que celles de nom propre. Sur le plan strictement lexical, on remarquera tout d’abord que les noms propres envisagés en tant que formes de la langue, et donc considérés comme désincarnés 13 , répondent parfaitement à la conception du lexème telle qu’elle est présentée par Fradin (2003: 80-106) et couramment utilisée en morphologie lexématique. Dans cette conception, un lexème est une unité à plusieurs plans, un plan phonique/ graphique, un plan catégoriel et un plan sémantique. (graphie (G) carton) phonologie (F) [kaʁtɔ̃] syntactique (C) cat: N sémantique (S) ‘feuille épaisse’ Les noms propres, quels qu’ils soient, ont bien évidemment une forme phonique, parfois graphiée, qui constitue leur aspect matériel, mais aussi, d’un point de vue plus abstrait, une catégorie et un sens. La catégorie (qui constitue le plan syntactique indiquant les informations nécessaires pour rendre compte de la combinaison de l’unité avec d’autres unités en syntaxe et/ ou des variations de forme de l’unité régies par la morphologie) est nécessairement celle du nom propre (Npr), non subsumée sous la catégorie du nom, car les noms propres ont des combinaisons syntaxiques et des constructions morphologiques particulières, sur lesquelles nous reviendrons 14 . Enfin, le sens se limite, à ce niveau lemmatique ou lexical, au sens catégoriel présupposé exposé par Van Langendonck (2007: 71-81): il s’agit d’un sens conventionnel correspondant aux « catégories de base » de la psycholinguistique: ville pour Tokyo, chien pour Fido. Ce sont les noms de ces catégories qui appa- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 12 Dans l’hypothèse de l’existence de dictionnaires de noms propres linguistiques et non encyclopédiques, comme c’est le cas de la plupart des « dictionnaires de noms propres » actuels. 13 Disembodied, selon la distinction de Gardiner (1954) entre nom propre incarné (embodied) et désincarné, distinction que Jonasson (1994: 72) poursuit en la considérant plutôt comme l’expression de deux points de vue différents. 14 Cf. Leroy (2008). <?page no="251"?> Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 251 raissent 15 dans la construction « appositive » Det-Nc-(de-)Npr (la ville de Paris) ou Npr-Det-Nc (Pif le chien) 16 . (graphie => Sarkozy) (graphie => Pif) phonologie => [saʁkozi] phonologie => [pif] syntactique => cat: Npr syntactique => cat: Npr sémantique => ‘homme’ sémantique => ‘chien’ (le président Sarkozy) (Pif le chien) (graphie => Rennes) (graphie => Hôtel de ville) phonologie => [ʁɛn] phonologie => [otɛldəәvil] syntactique => cat: Npr syntactique => cat: Npr sémantique => ‘ville’ sémantique => ‘station’ (la ville de Rennes) (la station Hôtel de ville) Sur le plan des constructions et emplois en discours (écrit ou oral) des noms propres, les constructions les plus fréquentes sont des constructions référentielles ou dénominatives, même si le nom propre peut en assumer d’autres, prédication ou modification, qui sont habituellement dévolues aux catégories du verbe et de l’adjectif 17 . Au niveau syntagmatique, la construction appositive reste définitoire, même si elle n’est pas nécessairement la plus fréquente en discours, puisqu’elle reste implicite pour de nombreux toponymes dont le statut de lemme nom propre est bien assuré. Elle joue cependant un rôle dans le processus de « figement onomastique » de certains lexèmes ou syntagmes et peut être exploitée dans une perspective socioonomastique. On peut aborder les toponymes en tant qu’unités lexicales, et donc comme lemmes nom propre, ou en tant que noms propres en usage, et donc comme constructions noms propres, et tenter de les caractériser sur ces deux plans. 2 Les toponymes en tant que lemmes, aspects sémantiques Comme on l’a signalé ci-dessus, c’est bien, dans le cas des toponymes, la catégorie de base de la psycholinguistique qui constitue le sens catégoriel présupposé (et apparaît dans les constructions appositives prototypiques). Ainsi, ce n’est pas ‘animal’ (catégorie englobante) ni ‘épagneul’ (catégorie spécifique), mais ‘chien’ (catégorie de base) qui apparaît dans la construction - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 15 Sauf dans le cas des anthroponymes, comme on le verra ci-dessous. 16 On peut noter que des représentations du même genre ont également été proposées dans la perspective, fort différente, de la sémantique interprétative (Rastier, 1987). Selon Hébert (1996), le sémème-type du nom propre, c’est-à-dire sa signification en langue, serait généralement limité à un sème macrogénérique inhérent du type / humain/ ou / ville/ . 17 Les nombreux travaux sur les emplois dits « modifiés » du nom propre ont montré la facilité avec laquelle le lemme nom propre peut s’intégrer dans des constructions autres que la construction nom propre. Cf. Jonasson (1994: 171-238), Leroy (éd.) (2005). <?page no="252"?> Sarah Leroy 252 Pif le chien / le chien Pif. Van Langendonck (2007: 80-81) souligne une spécificité des anthroponymes: dans leur cas, ce n’est bien sûr pas la catégorie englobante ‘personne/ être humain’ qui apparaît dans les constructions appositives, mais ce n’est pas non plus, comme attendu, ce qui pourrait être considéré comme la catégorie de base (‘homme’, ‘femme’). On trouve certes des exemples de l’homme Npr ou la femme Npr, mais leur sens est toujours particulier, non strictement appositif: épouse pour la femme Npr, image 18 ou « manifestation » 19 pour l’homme Npr. C’est donc une catégorie plus spécifique (président, sœur, camarade, anglais, etc.) qui émerge des constructions appositives, même si le sens catégoriel présupposé revient bien à la catégorie de base. 1) […] comme il n’était pas sûr que, d’ici le soir, il bénéficierait d’une autre aubaine, il pria la femme Boulch d’entrer chez les Marzin de sa part et de leur demander la moitié du mulet. (Queffelec, Un recteur de l’île de Sein, 1944) 2) L’homme Beethoven ne nous apparaît plus d’une seule coulée, comme un héros imaginaire d’un caractère inflexible, forgé d’un métal incorruptible. (Barth, Misère et Grandeur de l’église évangélique, 1932) En revanche, pour les toponymes, la situation est différente: si la catégorie englobante (lieu, endroit) n’apparaît pas dans les constructions appositives, la catégorie de base est bien représentée, par des noms comme pays, nation, état, royaume, océan, fleuve, etc. 3) Au-delà du lac sacré, s’étendait le pays de Kachgarie que Gengis avait soumis et pillé. (Lanzmann, La Horde d’or, 1994) 4) C’est vrai cela ! il a donné ma place dans la nation de Normandie au petit Ascanio Falzaspada, qui est de la province de Bourges, puisqu’il est italien. (Hugo, Notre-Dame de Paris, 1832) 5) Au Mexique, une fuite de gaz, survenue aux réservoirs de l’important centre pétrolier de Poza-Rica, dans l’état de Veracruz, a provoqué lundi une violente explosion entraînant la mort de treize personnes. (Bayon, Le Lycéen, 1987) 6) Mais dans les pays de vieille civilisation, les gouvernements avaient à cœur de maintenir un réseau routier et dans ce domaine le royaume de France l’emportait sur tous ses voisins. (Lesourd-Gérard, Histoire économique des 19 e et 20 e siècles, 1968) 7) On en trouve dans tout l’est de l’océan Atlantique et ses mers adjacentes […]. (Boyer, Les Pêches maritimes, 1967) 8) Le fleuve Kadisha roule au pied de ce rocher ; son lit n’est qu’une ligne d’écume ; mais je suis si haut, que le bruit ne monte pas jusqu’à moi. (Lamartine, Souvenirs d’un voyage en Orient, 1835) - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 18 Gary-Prieur (1994: 36). 19 Jonasson (1994: 173). <?page no="253"?> Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 253 Cependant, le niveau spécifique n’est pas absent, puisqu’on peut aussi avoir des toponymes faisant apparaître dans les constructions appositives, et vraisemblablement véhiculant comme sens catégoriel présupposé, des catégories spatiales plus spécifiques, comme quartier, place, champ, station, mont, etc. 9) Diverses raisons avaient ramené les Richard dans Paris: l’élévation des l oyers dans le quartier de Passy ; le désir de se rapprocher d’un lycée où le petit Blaise pût commencer ses études ; l’espoir des répétitions aux élèves de ce lycée. (Gide, Si le grain ne meurt, 1924) 10) La police lançait des notes de plus en plus inquiétantes ; on finissait par dire que tout le quartier Montmartre était miné. (Zola, Le Ventre de Paris, 1873) 11) Douze ans ! Et puis, un jour, dans le métro - à la station Châtelet ! (Montherlant, Fils de personne, 1943) 12) J’étais sorti du métro à la station de Montparnasse. (Yourcenar, La Nouvelle Eurydice, 1931) 13) Une fois passée une brillante revue, je m’adressai à la marée humaine qui couvrait la place Lyautey. (De Gaulle, Mémoire de guerre: l’unité, 1956) 14) La semaine passée, Mademoiselle Deniseau a dit: « il y a un trésor caché dans le champ Faifeu, à Noiselles ». (France, L’Orme du mail, 1897) 15) Pendant le siège du capitole, un Fabius traverse le camp des barbares pour accomplir un sacrifice sur le mont Quirinal. (Michelet, Histoire romaine, 1831) Quelles que soient les différences de forme de ces exemples, ils permettent de mettre en évidence le fait que ces divers toponymes, d’importance référentielle variable, relèvent du lexique du français et de ses locuteurs ; le sens (catégoriel présupposé) qui leur est associé peut ainsi se situer à différents niveaux de généralité: le lexique des toponymes du français ne comporte pas uniquement des noms de pays comme (la) France ou (l’)Italie mais aussi de nombreux microtoponymes, noms de quartiers, de ruisseaux ou d’arrêts de bus. Les lemmes toponymes ainsi définis se distinguent des lemmes anthroponymes, par deux caractéristiques. D’une part, le toponyme peut faire l’objet d’un déplacement, qui s’effectue lorsque le sens catégoriel n’est plus ou plus seulement toponymique mais autre (par exemple événementiel, comme dans Stalingrad dans son emploi dérivé ÉVÉNEMENT 20 que fait apparaître la construction appositive la bataille de Stalingrad) 21 . D’autre part, il peut se trouver dans un « empilement », phénomène auquel on assiste lorsqu’un toponyme, et particulièrement un microtoponyme, est réutilisé, que ce soit par baptême mémoriel (le paquebot France, la rue du Maroc) ou par usage. Ainsi, l’utilisation de toponymes est courante dans l’odonymie et la microtoponymie officielles (la place de Stalingrad, la station / le métro Stalingrad, la place des Antilles, le métro Danube). On a alors affaire à plusieurs lexèmes, de - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 20 Cf. Cislaru (ici même). 21 Sur les emplois référentiels des toponymes, cf. Lecolle (2009 et ici même). <?page no="254"?> Sarah Leroy 254 sens catégoriel présupposé différent. On peut d’ailleurs noter que, dans ce type de toponymie officielle à fonction mémorielle, les toponymes réutilisés le sont souvent en tant que toponymes événementiels (Stalingrad), bien que ce ne soit pas systématique (Pyrénées). Il est intéressant de noter que dans une microtoponymie populaire et orale 22 le phénomène est le même. Il en va ainsi par exemple pour les arrêts de bus d’une ville algérienne, qui sont nommés d’après le toponyme existant le plus proche: on aura ainsi un arrêt Amirouche sur le Boulevard Amirouche et un arrêt Ihdadden dans le quartier Ihdadden. Plus encore, n’importe quel point de repère topographique peut être utilisé comme nom d’arrêt (on aura ainsi des arrêts poteau, virage) ; le lexème utilisé se trouve de ce fait « toponymisé », comme le montre la possibilité, et l’usage, de la construction appositive l’arrêt poteau, l’arrêt virage. On a donc là une différence assez nette avec les anthroponymes: pour ces derniers, les catégories spécifiques qui peuvent apparaître dans des constructions appositives ne constituent pas le sens catégoriel lexical, mais font apparaître des images d’un même référent: si Beethoven peut-être envisagé comme un musicien, un artiste, une personne privée, ou toute autre chose, le sens catégoriel de ce nom propre en langue reste / homme/ . Par contre pour les toponymes, les choses sont différentes: les catégories spécifiques qui peuvent apparaître dans des constructions appositives constituent bien le sens catégoriel et lexical de lexèmes distincts, et il y a bien plusieurs lemmes noms propres de forme Danube, l’un ayant pour sens / fleuve/ , l’autre / station/ , voire / quartier/ , etc. Toujours sur le plan sémantique, on peut faire quelques observations sur les dérivés issus de ces bases noms propres et sur le sens qui est utilisé dans la règle de construction morphologique. Lorsque la règle prend pour base le toponyme en tant que tel (c’est-à-dire en tant que nom de lieu, pas sous une autre facette ou dans un sens dérivé), c’est ce sens catégoriel présupposé qui se retrouve dans le dérivé. Il existe des règles de construction spécifiques, voire des suffixes dédiés à ces règles, pour ces dérivations sur bases toponymes. L XM 1 => L XM 2 […] => […E] N PR => A DJ ‘ VILLE ’ => ‘ HABITANT DE VILLE ’ => nantais, lyonnais, rennais. En revanche lorsque la règle prend pour base le toponyme sous une autre facette ou dans un sens dérivé, par exemple sous la facette INSTITUTION 23 , on a affaire à d’autres constructions morphologiques (non strictement relation- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 22 C’est-à-dire lorsque les microtoponymes (noms de quartiers, d’arrêts de bus, etc.) en usage ne sont pas ceux d’une toponymie officielle écrite (inexistante ou ignorée) mais relèvent de la nomination spontanée par les usagers et habitants. 23 Cf. Cislaru (ici même). <?page no="255"?> Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 255 nelles pour les adjectifs par exemple), qui ne sont pas spécifiques aux toponymes, ni d’ailleurs aux noms propres. L XM 1 => L XM 2 […] => […ɛsk] N => Adj ‘Nb’ => ‘propre à Nb’ => mirlitonesque, dantesque, matignonesque. 3 Les toponymes en tant que lemmes, aspects formels Sur le plan de la forme maintenant, on remarque que la construction appositive est plus ou moins nécessaire et présente selon les toponymes. Sur cette base, on peut proposer un classement des toponymes, selon qu’ils incluent ou non dans leur forme lemmatisée le nom catégorisant qui correspond à leur sens catégoriel présupposé. Parmi les exemples ci-dessus, certains permettent d’omettre la séquence Det-Nc-(de-) ou Det-Nc: 9’) Diverses raisons avaient ramené les Richard dans Paris: l’élévation des loyers dans Passy ; le désir de se rapprocher d’un lycée où le petit Blaise pût commencer ses études ; l’espoir des répétitions aux élèves de ce lycée. 10’) La police lançait des notes de plus en plus inquiétantes ; on finissait par dire que tout Montmartre était miné. 11’) Douze ans ! Et puis, un jour, dans le métro - à Châtelet ! 12’) J’étais sorti du métro à Montparnasse. Dans d’autres cas cette séquence n’est pas suppressible, elle fait partie de la forme même du toponyme: 13’) Une fois passée une brillante revue, je m’adressai à la marée humaine qui couvrait *Lyautey. Enfin, la troisième possibilité est celle de la suppression du nom catégorisant mais de l’apparition d’un article (qui n’est pas celui de la construction appositive comme le montre l’éventuel changement de genre), avec éventuellement une modification de la préposition: 3’) Au-delà du lac sacré, s’étendait la Kachgarie que Gengis avait soumise et pillée. 4’) C’est vrai cela ! il a donné ma place [en] Normandie au petit Ascanio Falzaspada, qui est de la province de Bourges, puisqu’il est italien. 5’) Au Mexique, une fuite de gaz, survenue aux réservoirs de l’important centre pétrolier de Poza-Rica, [au] Veracruz, a provoqué lundi une violente explosion entraînant la mort de treize personnes. 6’) Mais dans les pays de vieille civilisation, les gouvernements avaient à cœur de maintenir un réseau routier et dans ce domaine la France l’emportait sur tous ses voisins. <?page no="256"?> Sarah Leroy 256 7’) On en trouve dans tout l’est de l’Atlantique et ses mers adjacentes […]. 8’) Le Kadisha roule au pied de ce rocher ; son lit n’est qu’une ligne d’écume ; mais je suis si haut, que le bruit ne monte pas jusqu’à moi. 14’) La semaine passée, Mademoiselle Deniseau a dit: « il y a un trésor caché dans ? le Faifeu, à Noiselles ». 24 15’) Pendant le siège du capitole, un Fabius traverse le camp des barbares pour accomplir un sacrifice sur le Quirinal. Ces différences formelles peuvent être associées à des caractéristiques référentielles, ce qui permet une répartition des formes en trois catégories. des toponymes n’incluant pas le nom commun catégoriel et ne le faisant pas, ou peu, apparaître dans ses constructions. Il s’agit de noms de pays, de rivières, de mers, de régions (France, Seine, Méditerranée, Aquitaine), dont la forme lexicale est simple - même si leur construction en discours réclame un article, celui-ci n’est pas celui du Nc catégoriel. des toponymes n’incluant pas le nom commun catégoriel mais pouvant facilement le faire apparaître dans ses constructions. Il s’agit de noms de quartiers, de villages, de stations (Pigalle, Saint-Martin, Lourmel). des toponymes incluant nécessairement le nom commun catégoriel, sauf usages particulier. Il s’agit essentiellement de l’odonymie (rue des petits-champs, boulevard Saint-Martin, place de la Bastille). On remarque que cette typologie suit une certaine répartition référentielle des lieux dénommés, allant de vastes lieux, perçus comme englobants par le locuteur (on est en France, dans ou sur l’Atlantique, etc.), à des lieux dont les limites sont très perceptibles (on est à Pigalle, rue des petits-champs). Cette différence a déjà été notée par Noailly (1995), qui soulignait que l’unicité référentielle ne s’imposait pas d’elle-même pour des noms comme les noms de pays, désignant des entités qu’on appréhende mal, et que le rôle de l’article défini était de renforcer « l’idée globalisante d’un tout clos et homogène ». Cette classification plutôt référentielle peut aussi être réinterprétée en une classification lexicale, présentant toujours trois catégories. des toponymes de forme simple (France, Seine, Méditerranée, Aquitaine), bien fixés et installés dans le lexique et généralement connus de tout locuteur (figurant dans les dictionnaires encyclopédiques de noms propres), n’ayant pas d’homonymes pouvant entraîner des confusions. Il s’agit généralement de noms propres « purs », selon la terminologie de Jonasson (1994: 35-36), de formes lexicales spécialisées dans cette catégorie du nom propre. De ce fait, le nom commun catégorisant ne leur est que peu nécessaire, en tout cas pour indiquer leur désignation toponymique: il est inutile de parler du pays France ou de la rivière Durance ; on peut ce- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 24 Pour ce toponyme, l’acceptabilité de la suppression reste, en l’absence de toute intuition liée à l’usage, difficilement décidable. <?page no="257"?> Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 257 pendant évoquer la région Aquitaine, le nom commun région venant alors souligner l’entité administrative, et non préciser l’entité spatiale. des toponymes de forme simple, noms de quartiers ou de stations de transports en commun (Pigalle, Argentine, Assemblée Nationale, Stade, Taureau), mais relevant de lexiques moins partagés, et pouvant entretenir des relations d’homonymie avec d’autres toponymes, noms de pays ou de villes (Argentine, Liège) mais aussi avec d’autres lexèmes (Hôtel de ville, Bourse, Taureau, Château d’eau). Il peut s’agir de noms propres « purs » réutilisés mais aussi de noms propres « descriptifs » dont le « matériau lexical constitutif […] peut être un ou plusieurs Nc, éventuellement accompagnés de modifieurs adjectivaux ou prépositionnels » (Jonasson, 1994: 36). Le risque de confusion avec les uns ou les autres existe donc, ce qui explique la disponibilité du nom commun catégoriel, le sens catégoriel devant parfois être exhibé pour résoudre l’ambiguïté. des toponymes de forme complexe, car incluant nécessairement le nom commun catégoriel (rue de la Paix, place des Oliviers, stade de France, gare du Nord, porte de Clichy), relevant de lexiques peu partagés et susceptibles d’homonymie 25 . Leur sens est compositionnel et c’est essentiellement le nom commun catégoriel qui véhicule le sens toponymique (s’il est supprimé, on n’obtient pas un toponyme mais un syntagme à tête nom commun - la paix, les oliviers, sauf bien sûr dans le cas des toponymes complexes réutilisant un toponyme, auquel on aboutit à un toponyme différent du premier - France, Nord, Clichy). Il s’agit donc toujours de noms propres « descriptifs », que l’absence du nom commun catégoriel entraînerait dans une homonymie difficile à résoudre. Cette structuration concerne spécifiquement les lemmes toponymes et n’a ni correspondant ni équivalent en ce qui concerne les anthroponymes. Ces derniers se laissent essentiellement répartir en patronymes (qui peuvent être notoires ou pas, sans que cela change leur statut lexical) et prénoms ; les anthroponymes constituent un stock donné, relativement limité, et sont tous des noms propres purs (à l’exception de quelques mixtes, comme Pépin le bref ou Louis le Grand). Par ailleurs les anthroponymes n’intègrent pas, au niveau formel, de nom commun catégoriel, leur forme est toujours simple de ce point de vue. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 25 Il existe ainsi une rue de l’Église dans de nombreuses agglomérations. <?page no="258"?> Sarah Leroy 258 Forme Type « pur » ou « descriptif » Expression du nom commun correspondant au sens catégoriel présupposé dans une construction appositive Place dans le lexique France, Seine, Méditerranée, Aquitaine Simple Npr « purs » Rare Très courants, peu d’homonymie Pigalle, Argentine, Assemblée Nationale, Stade, Taureau Simple Npr « purs » Npr « descriptifs » Possible Moins courants, plus d’homonymie rue de la Paix, place des Armes, stade de France, gare du Nord, porte de Clichy Complexe Npr « descriptifs » Obligatoire Peu courants, fréquente homonymie Enfin, un dernier aspect formel, quelque peu différent, relatif à ces lemmes toponymiques, vient renforcer la conception des noms propres en général et des toponymes en particulier comme des lexèmes d’une langue ; il s’agit d’un aspect de leur étymologie, ce qui permet de renouer avec la perspective de l’onomastique historique. On sait, par les résultats de l’onomastique générale, que les noms propres sont essentiellement délexématiques ; ce processus de translation d’un lexème nominal ou adjectival vers la catégorie du nom propre se fait bien entendu dans une langue donnée. Mais un nom propre peut également résulter d’un transfert linguistique, être emprunté, en tant que tel, à une autre langue, ou plutôt être imité, pour reprendre les principes descriptifs de l’emprunt linguistique exposés par Thibault (2010: 12), d’une langue dans une autre. Un nom propre imité, comme tout autre lexème dans ce cas, est tout d’abord phonologiquement et morphologiquement adapté au français. En témoignent les fortes déformations phoniques ou graphiques de Berlin, Édinbourg, Naples ou Londres et l’existence d’adjectifs ethniques réguliers en français comme berlinois ou édimbourgeois. L’intégration d’un emprunt dans une langue d’accueil peut habituellement être mesurée par des indices comme la lexicographisation (qui n’est pas ou peu utile dans le cas des toponymes) ou l’existence de formations secondaires, morphologiques ou sémantiques. Or c’est souvent ce qu’il se passe avec des toponymes imités de langues étrangères et utilisés dans une odonymie mémorielle et réutilisatrice: ainsi le square d’Anvers, d’après la ville belge dont le nom flamand a été imité et considérablement modifié en français, a donné son nom à la station de métro <?page no="259"?> Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 259 Anvers, qui est donc un microtoponyme du français doté d’un sens catégoriel ‘station’ n’ayant plus grand-chose de commun, ni au plan de la forme ni au plan sémantique, avec son lointain étymon néerlandais. Il en va de même pour Austerlitz ou Stalingrad, à ceci près que c’est sur la base du sens dérivé ÉVÉNEMENT du toponyme que se sont formés les microtoponymes (noms de quartiers ou de stations). Dans ces différents cas, l’intégration s’est faite en plusieurs temps, plusieurs lexèmes, et c’est justement la possibilité d’un lexème de sens microtoponymique qui apporte un témoignage de l’intégration de ces toponymes en français. 4 Les toponymes en usage, constructions et ambiguïtés L’une des caractéristiques du nom propre, que l’on peut observer en diachronie et que retrace l’étymologie, est que son sens ne peut être rapporté à celui de son étymon lexématique 26 : l’anthroponyme Dupont n’a pas à être interprété en référence à un quelconque pont, par exemple. Le nom propre, pour advenir, doit en effet passer par un processus de figement et d’opacification du sens lexématique. L’une des marques de l’achèvement de ce processus est la possibilité d’emploi de la construction appositive, construction prototypique du nom propre: le président Dupont, le fleuve Amour. Dans le cas des toponymes, et plus particulièrement des micro-toponymes, le processus de figement s’appuie précisément sur cette construction, confirmant en cela la perspective constructionnelle, selon laquelle c’est la répétition de séquences linguistiques qui fait émerger et se figer des schémas langagiers réguliers. En effet, les microtoponymes sont plus souvent descriptifs (au sens de Jonasson 1994: 36-38) que d’autres noms propres et leur création, officielle ou spontanée, est permanente. Ceci pose donc la question de la relation entre le toponyme et le(s) lexème(s) non toponymique(s) étymon(s): sur la base de quels critères peuton considérer qu’un toponyme existe de façon indépendante ? Les constructions en discours font apparaître ces cohabitations. Si l’on observe des microtoponymes complexes, où le nom commun catégoriel est partie intégrante du nom propre (rue de la Paix, porte d’Orléans, place Lyautey, gare de l’Est, stade de France), on peut distinguer deux constructions. La première est celle d’un syntagme à tête nom commun, accompagné d’un élément jouant un rôle de spécifieur en précisant de quelle rue, place, porte, gare, etc. il s’agit. La seconde est celle d’un nom propre complexe. Dans le premier cas, le syntagme complet, pourvu d’un déterminant, s’intègrera à l’énoncé comme tout syntagme du même type. 16) Pourriez-vous m’indiquer où se trouve la rue de la Paix ? 17) La place Lyautey est généralement calme, sauf les jours de manifestation. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 26 Les choses sont bien sûr différentes lorsque le nom propre est un déonomastique. <?page no="260"?> Sarah Leroy 260 18) Nous sommes sortis de Paris par la porte d’Orléans. 19) Il va aller voir le match au stade de France. 20) Le train pour Nancy part de la gare de l’Est. Si le syntagme s’intègre à l’énoncé sans déterminant, on a alors affaire à un toponyme complexe. Cependant, seuls les odonymes semblent disposer de façon égale des deux constructions, l’emploi sans déterminant paraissant étrange lorsque le nom commun catégoriel n’est pas lui-même toponymique, comme dans le cas de porte de, de stade de et, dans une moindre mesure, de gare de: si une rue et une place sont des lieux, cet aspect est secondaire dans le cas des portes, des stades et des gares. Ce sont néanmoins ces formes qui servent pour la fonction dénominative spécifique au nom propre, que ce soit sous forme écrite (panneaux indiquant le nom des voies urbaines) ou orale (annonce des stations de transports en commun). 16)’ L’appartement se situe rue de la Paix. 17)’ Place Lyautey, tout est calme aujourd’hui. 18)’ ? ? Nous sommes sortis de Paris par porte d’Orléans. 19)’ ? ? Il va aller voir le match stade de France. 20)’ ? Le train pour Nancy part de gare de l’Est. Dans une seconde étape, certains de ces syntagmes peuvent se figer comme noms propres (ce qui est marqué par la majuscule que comporte alors le nom commun, désormais inclus dans le nom propre). Cela suppose alors un changement de référence, le nom propre désignant alors un autre lieu que celui dénoté par le nom commun: Stade de France n’est pas le nom d’un stade, mais celui d’une station de RER. La construction appositive dédiée fait bien apparaître ce caractère toponymique: ce n’est pas le stade de France ou la porte d’Orléans mais bien la station Stade de France ou la station Porte d’Orléans. 18)’’ Il y a eu un incident voyageurs à Porte d’Orléans. 19)’’ Depuis que le RER s’arrête à Stade de France, le quartier est mieux desservi. 20)’’ Qu’est-ce qu’on va faire à Gare de l’Est ? Dans certains cas, le nom propre peut évoluer jusqu’à une forme simple, comme par exemple place de la Bastille ou place de la Nation devenant respectivement Bastille et Nation, avec cependant un certain flou sur le type de toponyme: s’agit-il encore d’un odonyme ou plutôt d’un microtoponyme, nom de station ou nom de quartier ? Cette réduction / simplification du nom connaît cependant des contraintes, en particulier lorsque l’élément spécifieur est lui-même un nom propre. Dans le cas des noms des six gares parisiennes, on note que trois seulement peuvent faire l’économie du nom commun catégoriel (les gares Montparnasse, d’Austerlitz, St Lazare, peuvent être désignées par les seuls Montparnasse, Austerlitz, St Lazare, avec toujours une ambiguïté possible sur le lieu - gare, station, quartier - dénommé), tandis que les trois autres (gare de l’Est, du Nord, de Lyon) ne le peuvent pas: il en résulterait une ambiguïté insoluble avec des lieux d’une toute autre na- <?page no="261"?> Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 261 ture et d’une toute autre importance, avec lesquels ces gares n’entretiennent aucune contiguïté. De même, le pont de Neuilly ne peut être résumé en Neuilly, ni le stade de France en France. Si l’on s’intéresse maintenant à des microtoponymes simples, strictement homonymes de noms communs non toponymiques mais ayant servi de point de repère pour nommer le lieu (essentiellement dans une toponymie populaire et spontanée), le figement est également marqué par l’emploi de la construction appositive. C’est le cas par exemple de noms d’arrêts de bus de petites localités, dénommés Stade, Taureau ou Citerne (qui a un équivalent parisien, Château d’Eau) en référence à un édifice (une statue, dans le cas de Taureau) voisin. Pour ces microtoponymes, l’expression de l’apposition indiquant le nom commun catégoriel et donc le sens du nom propre semble, en fonction référentielle, la seule apte à éviter l’ambiguïté avec un syntagme nom commun de même forme. 21) Tu prends le bus à la station Stade, Citerne. 22) Tu descends à l’arrêt Taureau. 21)’ ? ? Tu prends le bus à Stade, à Citerne. 22)’ ? ? Tu descends à Taureau. En l’absence de cette apposition et donc du nom commun catégoriel, c’est la référence toponymique par le syntagme nom commun qui est plus naturelle: 21)’’ Tu prends le bus au stade, à la citerne. 22)’’ Tu descends au taureau. Cependant, lorsque c’est la fonction dénominative qui est en œuvre (annonce des stations à l’écrit ou à l’oral), la forme dénuée d’apposition (Stade, Taureau, Citerne) est employée sans ambiguïté, parallèlement à une forme avec apposition (arrêt Stade, station Taureau, Citerne). Dès lors que l’usage a validé la construction station/ métro X et que le sens instructionnel ainsi exprimé a été enregistré, le microtoponyme s’installe en tant que tel, avec une ambiguïté si le point de repère non toponymique demeure, sans ambiguïté s’il a disparu. C’est le cas du parisien Château d’Eau, qui survit au réel château d’eau servant de point de repère et pour lequel des énoncés utilisant directement le toponyme sont naturels 27 . 21)’’’ Tu prends le métro à Château d’Eau. 22)’’’ Tu descends à la station Château d’Eau. 5 Une exploitation socio-onomastique L’approche constructionnelle peut aussi être exploitée pour décrire les usages du nom propre en discours dans une perspective socio-onomastique. - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 27 C’est aussi le cas d’autres stations pour lesquelles l’édifice-repère n’a pas disparu mais est passé au second plan de l’usage, comme Opéra ou Ecole Militaire. <?page no="262"?> Sarah Leroy 262 Là encore, c’est la réalité de la vivacité de la construction prototypique appositive qui peut être exploitée pour mettre à jour des emplois significatifs. L’exemple présenté est tiré d’un corpus issu d’un ensemble d’entretiens oraux enregistrés en Algérie dans le but d’analyser la répartition linguistique des trois noms d’une même ville, Bejaia, Bougie et Bgayet, dans des discours linguistiquement et pragmatiquement divers 28 . L’analyse des occurrences de ces trois différentes formes en concurrence fait apparaître que si le nom « endonyme », Bgayet, est étroitement lié aux discours « kabyles » 29 , les deux noms « exonymes » (le nom considéré comme français, Bougie et le nom considéré comme arabe, Bejaia) étaient utilisés, dans les discours en français, de façon à première vue indifférenciée. L’examen des occurrences de ces deux formes montre qu’un des paramètres permettant de les opposer est celui de la structure appositive Det-Nc- (de-)Npr. En effet, sur 134 occurrences des 2 toponymes, 43, soit 32,5%, présentent cette construction, soit essentiellement la ville de B, parfois la wilaya / la commune de B. Mais ce poids est essentiellement supporté par l’un des toponymes, Bejaia, pour lequel la construction la ville de Bejaia 30 représente 43% des occurrences ; l’autre toponyme, Bougie, ne présente que 11% de ses occurrences dans cette construction. Total occurrences Det-Nc-(de-)Npr Bejaia + Bougie 134 32,5% Bejaia 88 43% Bougie 46 11% Ainsi, la forme Bejaia est étroitement liée à cette construction, et par ailleurs est principalement utilisée dans un registre relativement officiel, historique ou touristique, au minimum dans le cadre d’un discours surveillé, soigné, qui vise à donner une vision objective des choses. 23) c’est le côté ouest de la ville de bejaia 24) mais si on prend le relief montagneux de la ville de bejaia, on peut le dessiner 25) voilà c'est le centre, de la v/ , de la soi-disant de toute la, du chef-lieu de la wilaya de bejaia, L’une des raisons de l’emploi majoritaire de la construction Det-Nc-(de-)Npr avec le toponyme Bejaia est l’ambiguïté qui lui est propre. En effet, alors que Bougie ne peut désigner que la ville, voire la seule ancienne ville, Bejaia est le nom de la ville, y compris éventuellement la périphérie et les localités alentour, mais aussi le nom de la wilaya 31 comme c’est l’usage en Algérie (où les wilayas sont nommées d’après le nom de la ville principale). Le toponyme Bejaia étant utilisé pour la région comme pour la ville, avec un certain flou - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 28 Cf. Leroy (2009). 29 C’est-à-dire tenus en kabyle et entre kabylophones natifs. 30 Ou, parfois, la wilaya / commune de Bejaia. 31 Entité administrative correspondant à peu près au département français. <?page no="263"?> Toponymes et microtoponymes du français, une approche constructionnelle 263 référentiel, on peut voir dans cet usage de la construction une désambiguïsation entre différents toponymes de même forme mais de sens catégoriel différent. Mais c’est aussi une sorte de formule magistrale, un peu pompeuse, la ville de Bejaia, qu’on peut opposer à une autre. Parmi les occurrences de la forme Bougie, on trouve une autre formule répétée, ici à Bougie (avec une variante là à Bougie), qui représente 15% des occurrences de ce toponyme. Or cette tournure est très rare pour Bejaia (3,5% des occurrences). Total occurrences Ici/ là à Npr Bejaia + Bougie 134 ≈ 7% Bejaia 88 3,5% Bougie 46 15% Cette formule inscrit la forme Bougie dans un tout autre contexte, un contexte d’enracinement, de proximité et de vécu, et installe également l’interaction dans un mode relativement intime et familier. 26) oui, ils ont changé juste, euh, juste la maison, mais, mais dès, dès l’époque euh, qu’ils sont là à bougie, même mon grand-père il est, est, il est né là euh, ici, ma grand-mère, euh, le grand-père à mon papa, euh à mon p/ , à mon papa aussi, donc on peut dire euh 27) elle est née ici à bougie elle a cohabité avec les Français On a donc une répartition tendancielle entre Bejaia, avec l’expression de la construction appositive, pour un discours plutôt formel, précis, sans implication personnelle très forte du locuteur, et Bougie pour un discours plus personnel: s’il s’agit de faire un exposé documenté et argumenté, c’est Bejaia qui sera choisi, au détriment de Bougie, plus naturel et plus intime. On voit ainsi, avec ce court exemple, que, même dans des emplois référentiels standards, l’utilisation de telle ou telle forme du toponyme, la mise en avant ou pas de son sens catégoriel, peut être exploitée en discours, dans une visée communicative ou identitaire. 6 Conclusion Ainsi, dans la perspective qui est aujourd’hui celle des recherches linguistiques sur le nom propre, qui visent à exploiter et à faire dialoguer l’ensemble des études du nom propre, la perspective constructionnaliste semble prometteuse. Elle permet, en distinguant lemme et construction, d’aborder le nom propre en tant qu’unité linguistique et en tant qu’unité de discours, surmontant ainsi la confusion héritée d’une tradition grammaticale ignorant cette catégorie. Elle ouvre également sur une grande interdisciplinarité, étant exploitable, comme on l’a vu, tant dans une perspective strictement lexicale qu’en analyse du discours voire dans des contextes sociolinguistiquement significatifs. <?page no="264"?> Sarah Leroy 264 Références bibliographiques Ainiala, Terhi. (2008): « Socio-onomastics », in: Östman, Jan-Ola & Verschueren Jef (éd.), Handbook of Pragmatics. 2008 Installment. Amsterdam, John Benjamins. Croft, William. (2001): Radical Construction Grammar. Syntactic Theory in Typological Perspective. Oxford, Oxford University Press. De Stefani, Elwys. (2009): « Per un’onomastica interazionale. I nomi propri nella conversazione », Rivista Italiana di Onomastica 15/ 1, 9-40. Fradin, Bernard. (2003): Nouvelles approches en morphologie. Paris, Presses Universitaires de France. Gardiner, Alan Henderson. (1954): The Theory of Proper Names. A Controversial Essay. Londres, Oxford University Press. Gary-Prieur, Marie-Noëlle. 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Cette approche permet de caractériser les toponymes vis-à-vis d’autres noms propres comme d’autres lexèmes, toponymiques ou non. La construction appositive semble centrale dans ces analyses: elle détermine des sous-catégories de lemmes toponymes, et joue un rôle majeur dans le processus de figement onomastique. Summary French toponyms and microtoponyms, a constructional approach In spite of the extensive research that has been conducted for several decades into proper names in the field of French linguistics, there is still no link with historical onomastics. Following Van Langendonck (2007), this article aims to use the theoretical framework of construction grammar. This framework, applied to proper names, makes it possible to consider the proper name either as a proprial lemma (from a lexicalist point of view), or as a construction in use (from a discursive point of view). It characterizes place-names with respect to other proper names and other lexemes, whether they refer to places or not. The appositive construction seems central in these analyses: it helps to subcategorize place-name lemmas, and plays a role in the process of onomastic fixation. Zusammenfassung Französische Toponyme und Mikrotoponyme in einem konstruktionnellen Ansatz Trotz ausgedehnter Forschungen zum Thema Eigennamen seit einigen Jahrzehnten bleibt die Trennung mit der historischen Onomastik nach wie vor bestehen. In diesem Artikel schlagen wir vor, in Anschluss an Van Langendonck (2007), eine konstruktionelle Perspektive einzunehmen, durch die eine lexikalistische Ansicht des Eigennamens, der als Lemma der Sprache angesehen wird, mit einer diskursiven Ansicht, die den Akzent auf den Gebrauch legt, verbunden werden kann. Mit Hilfe dieses Ansatzes können Toponyme bezüglich anderer Eigennamen, sowie anderer Lexeme, toponymischer Natur oder nicht, charakterisiert werden. Die appositive Konstruktion scheint in diesen Analysen ein zentraler Punkt zu sein: sie legen die Subkategorien der toponymischen Lemma fest, und spielen eine bedeutende Rolle in der onomastischen Lexikalisierung. <?page no="267"?> Ma ł gorzata Mandola 1 Statut du toponyme dans la perspective d une analyse synchronique contrastive Introduction L'approche synchronique dans l'étude de la toponymie est assez récente, et se distingue de l'approche diachronique de l'étymologie en étudiant par exemple la structure interne des toponymes, leurs propriétés syntaxiques ou la normalisation internationale des noms géographiques. Ce dernier objectif a pour but d’uniformiser les noms de pays, des capitales et d’autres objets géographiques qui ont parfois plusieurs versions au sein d’une même langue. On privilégie parmi toutes les formes étrangères celles qui ressemblent le plus aux formes originales écrites ou orales. Ce projet a été commencé dans les années ’60, c’est-à-dire après la première conférence des Nations Unies sur la normalisation des noms géographiques. De nombreux chercheurs se sont intéressés à la toponymie synchronique et au fonctionnement des toponymes dans différentes langues. Mon approche linguistique s'inspire des travaux du laboratoire LIDILE EA 3874 de l'Université Rennes 2 dans lequel les linguistes travaillent sur la description des structures des toponymes d'une dizaine de langues et en établissent une base de données. Nous allons appeler cette approche la toponymie synchronique contrastive. Le présent travail s’inscrit dans cette approche et a pour objet d'étude la description des exonymes dans le cadre de la standardisation internationale des noms géographiques. 1 Analyse linguistique et normalisation des toponymes Un corpus contenant environ 300 exemples d’exonymes français correspondant aux noms géographiques de la Pologne issus des textes les plus représentatifs et les plus officiels possible, comme l’Organisation polonaise du tourisme (POT), a été soumis à l’analyse fonctionnelle (AF) (Mandola 2012 a). C'est une analyse contrastive qui contient plusieurs informations sur des endonymes polonais et sur leurs équivalents français. On divise les toponymes en simples et composés ; et dans les derniers, on distingue les éléments déterminants (spécifiques, selon AF) et déterminés (génériques, selon AF), du point de vue de la morphologie et transparents (appellatifs selon - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 1 Institut d’Etudes Romanes - Université de Varsovie et Université Rennes 2, EA 3874 LIDILE mandolag@gmail.com ’ <?page no="268"?> Ma ł gorzata Mandola 268 AF) et opaques (propriaux, selon AF) du point de vue de la sémantique. Ces informations nous permettent de les mettre en contraste et de les analyser indépendamment de la langue. 2 Défis de l'analyse linguistique des toponymes D'après l'étude de notre corpus, et selon les recommandations quant à la normalisation internationale, les trois questions les plus problématiques qui se sont révélées sont: l’exonymisation, les allonymes, ainsi que les endonymes et exonymes historiques. Nous allons présenter un par un ces trois points, fondamentaux en ce qui concerne la normalisation internationale de la toponymie, et en même temps problématiques à cause de l'enjeu politique, en ce qui concerne l'analyse des toponymes selon la toponymie synchronique-contrastive. 3 Exonymisation L’exonymisation est le procédé de création des exonymes dans une langue étrangère. L’exonyme est un nom propre de lieu dans une langue étrangère. L’endonyme est le nom propre de lieu dans la langue d’origine, parlée dans le territoire où le lieu en question se trouve 2 . Les critères pour distinguer un exonyme d’un endonyme sont assez controversés. Dirait-on que Paris prononcé par un anglophone est un exonyme ? Dans le travail ci-présent, la réponse sera oui. « Toute différence par rapport à l’endonyme en ce qui concerne l’orthographe sera traitée comme un exographe, et toute différence de la prononciation sera envisagée comme exophone » (d’après Wolnicz-Pawlowska). Selon ce critère, nous avons pu distinguer quelques procédés de formation des exonymes français. Il faut souligner que la classification dans notre corpus n’a pas été faite selon les catégories de toponymes ou de noms géographiques, mais selon leurs modes de transfert dans la langue française. 3.1 Exonymisation opérant sur le signifiant Selon les théories de traduction, les noms propres sont les plus faciles à faire passer d’une langue à l’autre, car on ne les traduit pas ; ils passent d’une langue à l’autre, tels qu’ils sont. Il est vrai que la façon la plus simple et la plus populaire d’intégrer les toponymes d’une langue à l’autre est de garder leur forme originale autant que possible (leur écriture pour les noms de l’alphabet latin, et leur prononciation pour les noms en alphabet non latin: - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2 Nous utilisons ici nos propres définitions. Il existe des définitions officielles, qui sont beaucoup plus complexes, crées par l’ONU, notamment UNGEGN, à l’usage dans le projet de la normalisation des noms géographiques. <?page no="269"?> Statut du toponyme dans une analyse synchronique contrastive - 269 par transcription et/ ou translittération). C’est la façon d’exonymiser les toponymes qui modifie le moins la forme originale, et elle est bien conforme aux recommandations du GENUNG. Ainsi, nous pouvons observer les tendances suivantes: 3.1.1 La majorité des oïkonymes sont écrits dans leur forme originale. Ce sont surtout les noms de villes peu connus, mais pas uniquement. Les autres toponymes, qui ont une écriture et prononciation relativement facile pour les francophones, gardent aussi la forme écrite originale. (1) Bydgoszcz polonais: / bɨdgɔʃʧ/ -> français: / bidgɔʧ/ (ou autres prononciations) (2) Bytom - polonais: / bɨtɔm/ -> français: / bitɔm/ ou / bitõ/ (3) Rysy - polonais: / rɨsɨ/ -> français: / rizi/ En prenant en considération la prononciation, nous ne pouvons pas dire que ce sont des endonymes originaux. Ils ne seront jamais prononcés comme les originaux, ne serait-ce que par la différence d’accentuation dans les deux langues. Ainsi, ce sont des exophones. Néanmoins, ce mode d’exonymisation est le plus recommandé. 3.1.2 Le procédé qui consiste à écrire les toponymes sans les signes diacritiques originaux peut être appelé dans ce travail « translittération », puisqu’il ne s’agit pas uniquement de la suppression de ces signes, mais d’une substitution des lettres polonaises par les lettres de l’alphabet français. (4) Chorzόw → Chorzow, Jasna Gόra → Jasna Gora, Krόlewiec → Krolewiec (5) Łόdź → Lodz Nous pouvons constater que des lettres comme: ό, ń, ś, ć, ż, ź sont remplacées respectivement par: o, n, s, c, z, z. Même si l'on parle ici des deux alphabets latins, l'absence des signes diacritiques est en effet une substitution d’une lettre par une autre, ce qui amène dans la langue originale, ici le polonais, à un changement radical de la prononciation: (6) Kąty / ko˜ty/ → Katy / kati/ (7) Lubiąż / lubjo˜ʒ/ → Lubiaz / lubjaz/ Les recommandations du GENUNG ainsi que des commissions nationales des noms géographiques déconseillent cette forme d’exonymisation. Elle résulte probablement d’incommodités d’écriture, et de tels exemples sont presque absents des textes officiels, mais fréquents dans les textes officieux. Selon les organisations officielles, il faut écrire les toponymes avec tous les signes diacritiques. - <?page no="270"?> Ma ł gorzata Mandola 270 3.1.3 Il y a très peu de cas dans lesquels c’est la prononciation qui est prise en considération, et dans lesquels les toponymes sont transcrits pour garder la forme orale originale. Ces quelques exemples méritent tout de même qu’on y prête attention: Bug prononcé en polonais: / buk/ , et écrit Boug en français se prononce de la même façon: / bug/ . Les noms de Kaszuby et Kujawy ont été transcrits (et en plus assimilés par le suffixe) selon les règles: sz → sh, u → ou, k → c, ainsi nous avons Cachoubie et Couïavie, ils sont prononcés en polonais de la façon suivante: / kaʃubɨ/ et / kujavɨ/ et en français / kaʃubi/ et / kujavi/ . Pour le dernier nom, il existe une autre forme, plus fréquente, mais qui est moins transcrite: Cujavie / kyʒavi/ . Puisque la forme graphique change, les versions françaises sont des exographes. 3.1.4 Nous pouvons appeler « emprunt » ou « réemprunt » des toponymes polonais opaques pour cette langue, qui sont des noms communs en français. Tout cela nous amène à constater que la langue polonaise a emprunté les noms des objets architecturaux, en changeant leur orthographe pour les écrire selon l’orthographe polonaise, mais en français, ils ont repris leur orthographe d’origine. (8) belvédère (nom commun français): / bɛlvedɛʀ/ → Belweder (toponyme polonais) / bɛlvɛdɛr/ -> Belvédère (exonyme français actuel) (9) barbacane (nom commun français): / baʀbakan/ → Barbakan (toponyme polonais) / barbakan/ -> Barbacane (exonyme français actuel) (10) corps de garde (nom commun composé français): / kɔʀdəәgaʀd/ → Kordegarda (toponyme polonais) / kɔrdegarda/ -> Corps de Garde (exonyme français actuel) 3.1.5 L’assimilation des toponymes polonais dans la langue française par la morphologie (et la syntaxe en ce qui concerne les toponymes composés) et un phénomène très fréquent. Warmia, Mazury, Podole, Śląsk, Pomorze, etc., qui sont des formes originales de toponymes polonais, ont reçu la même terminaison en -ie: Warmie, Mazurie, Podolie, Silésie, Poméranie, etc. Les noms des régions administratives, correspondant aux régions géographiques mentionnées ci-dessus, ont en polonais une terminaison bien distincte et caractéristique pour: -skie: Śląskie, Pomorskie, Mazurskie, etc. Ils ont également tous reçu la même terminaison en français: -ie. La terminaison adjectivale polonaise -skie dans les noms des unités administratives polonaises, implique la notion de voïvodie (équivalent de région en français). Ainsi, par Pomorskie on sous-entend: voïvodie de Poméranie, etc. <?page no="271"?> Statut du toponyme dans une analyse synchronique contrastive - 271 3.1.6 Sans avoir recours à l’étymologie, nous pouvons constater que certains exonymes français de noms géographiques de la Pologne ne sont pas tirés du polonais, mais bien d’autres langues. Il y a des formes ressemblant plus à l’allemand qu’au polonais: (11) Brzezinka → Birkenau, Oświęcim → Auschwitz, Gdańsk → Dantzig, Wrocław → Breslau (12) Karkonosze → Monts des Géants Observons l’exemple de Monts des Géants qui devrait également être classé dans la sous-catégorie « fausse traduction ». Le nom Karkonosze est opaque pour les locuteurs polonais et ne signifie certainement pas « monts des géants ». C’est justement la particularité d’une telle traduction qui nécessite de rechercher sa source. Même s’il ne présente pas de forme ressemblant à l’allemand, il est une traduction du nom allemand: Riesengebirge. Nous pouvons observer la même traduction en anglais: Giant Mountains. En ce qui concerne les toponymes issus directement de l’allemand, ce sont des formes aussi correctes que les exonymes historiques, qui se réfèrent au passé. Selon les recommandations des institutions officielles comme le GENUNG et les commissions nationales de toponymie, il est fortement déconseillé de les utiliser dans le contexte actuel. 3.1.7 Parfois, pour expliquer les procédés d'exonymisation, la toponymie synchronique doit avoir recours à l'étymologie des formes étrangères. Les noms des deux villes les plus connues de Pologne depuis le XVIe siècle, Warszawa et Krakόw, malgré leurs terminaisons différentes et le genre différent (féminin et masculin en polonais) se terminent tous deux en -ie en français: Varsovie, Cracovie et -ia en espagnol: Varsovia, Cracovia et en italien Varsavia, Cracovia. Cela nous permet de penser qu’ils sont issus des mêmes formes latines. Quant à ce type d’exonymisation, j’aimerais évoquer ici les différentes formes de création des exonymes présentées par la France lors du 3e Congrès du GENUNG en 1977 3 . On n’y distingue que trois grands groupes d’exonymes: « exonymes composés uniquement des noms communs (qui sont traduits) exonymes composés d’au moins un nom propre (le nom commun est traduit) exonymes composés exclusivement des noms propres » (et quelques sous-groupes). Sans voir dans le détail les exemples de chaque groupe d'exonymes, nous allons nous arrêter sur les exemples de Varsovie et Cracovie, qui sont présen- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 3 3ème Conférence III/ 17 - ONU, 1977 <?page no="272"?> Ma ł gorzata Mandola 272 tés ci-haut dans notre corpus comme assimilés à travers le latin, et Prague, qui ne fait pas partie de notre corpus, mais qui figure avec les deux précédents dans le troisième groupe de la classification des exonymes proposée par le GENUNG en tant que déformation des noms originaux. Ceci est d'autant plus surprenant que dans la classification du GENUNG, il existe une catégorie d'exonymes provenant des langues tierces. Le fait que ces villes, Cracovie et Varsovie, aient des formes presque similaires dans les autres langues romanes (italien, espagnol, portugais) prouve que les exonymes sont issus du latin. Ce qui paraît logique, car au Moyen Âge, époque pendant laquelle la communication internationale et l'écriture se faisaient en latin, ces villes étaient de grands centres de commerce, de culture, etc. Dans le cas de Prague, dans la langue tchèque, à la différence des autres langues slaves et même des langues slaves occidentales, on observe, au cours de XVe et XVIe siècles ou, comme le disent certains, de XIIe ou XIIIe siècles, un phénomène de mutation consonantique de la consonne occlusive vélaire voisée [g] en consonne fricative vélaire sourde [x], qu’on retrouve dans Praha / *praxa/ . Ainsi l’hypothèse la plus probable est que ce nom est issu d'une vieille racine slave, praga, qui veut dire « gué » et que l'on retrouve dans certains toponymes (un quartier de Varsovie porte le nom de Praga). Ainsi, le nom Prague a été probablement cristallisé dans cette forme en latin et dans les autres langues. Comme autre exemple d’exonymisation à travers le latin, nous pouvons présenter le nom de la mer Baltique, qui avait deux équivalents en latin: Mare Balticum (de pays Baltes) et Mare Suebicum (mer des Suèves). C’est le premier nom qui a persisté et qui est la source du nom français. Le transfert s'est fait naturellement: en latin Balticum est une forme neutre de Balticus, accordée avec le nom neutre Mare et en français Baltique est une forme féminine, accordée au nom féminin mer. 3.2 Exonymisation opérant sur le signifié Pendant longtemps, de nombreux linguistes et philosophes de la langue ont considéré que les noms propres sont des unités privées de sémantisme, donc des unités non significatives, voire non linguistiques. Le logicien Kripke les décrit comme des désignateurs rigides, des unités non linguistiques privées de sens, tandis que Bréal exclut le nom propre du lexique, mais pour une raison complètement opposée, en le considérant comme surchargé de sens. En ce qui concerne les noms propres, cette surcharge de sens est liée au fait que ce sont des unités qui nomment avec une telle précision, qu’elles renvoient directement à l’objet en question. Tout de même, dire que les noms propres n’ont aucun sens ne peut plus être valable: grâce aux premières études en toponymie traditionnelle (diachronique, il faut que je le précise) on a découvert que les toponymes sont de riches sources d’histoire de la langue et d’histoire des civilisations, dans <?page no="273"?> Statut du toponyme dans une analyse synchronique contrastive - 273 lesquels on peut déchiffrer les supra et superstrats. Mais l’interprétation sémantique constitue ce que l’on appelle le sens premier des noms propres, par opposition au sens second qui est leur référence. Le sens premier est et doit être en retrait voire oublié lorsque le nom devient un nom propre, et c’est ainsi le référent du nom propre qui domine. Certes, l’étymologie des toponymes n’est le centre d’intérêt ni dans l’approche synchronique, ni dans l’approche praxémique, ni dans l’approche pragmatique. Mais sans chercher trop loin, il suffit de prendre comme exemple tous les toponymes mixtes, comme la mer du Japon ou ulica Marszałkowska, pour qu’il soit impossible de ne pas prendre en considération la signification d’au moins un des éléments constituants des toponymes. Dans les exemples cités ci-dessus, il s’agit évidemment des premiers éléments classifiant des toponymes. 3.2.1 Traduction La catégorie « traduction » est la plus volumineuse de toutes les catégories du corpus. Elle est aussi la plus riche et la plus intéressante du point de vue de l’analyse, car c’est la seule catégorie dans laquelle on opère sur le contenu (signifié) et non sur la forme (signifiant): (13) Długi Targ → Long Marché, Kościòł Farny → Eglise Paroissiale, Sukiennice → la Halle aux Draps L’exonymisation par traduction ne concerne pas uniquement le sens. Les toponymes complexes changent de syntaxe selon la langue, les adjectifs des endonymes subissant une transposition dé-adjectivale (qui dans le sens de Tesnière signifie un changement de catégorie linguistique): (14) Błędne (adj) Skały → Roches Errantes (adj.) changement syntaxique, mais Góra Zamkowa (adj) → Mont du Château (nom) transposition À cela, nous pouvons ajouter des variations de la traduction elle-même, comme fausse traduction apparente ou l’ajout d’information comme dans les exemples suivants: (15) Karkonosze → Monts des Géants ; Ostrów Tumski → Ile de la Cathédrale -traduction d’un toponyme opaque ; Łazienki Królewskie → Bains-Royaux « Łazienki »répétition redondante pour un bilingue. Une théorie disant que les noms propres sont intraduisibles, relève de l’idée considérant les Npr comme privés de signification. Certes, on peut proposer une telle constatation en ce qui concerne les Npr opaques, mais cela est discutable dans le cas des Npr transparents. <?page no="274"?> Ma ł gorzata Mandola 274 4 Allonymes Les allonymes constituent l'autre défi de la toponymie synchronique contrastive. En même temps, nous pourrions dire que cette notion est très étroitement liée à l'étude contrastive des toponymes et au projet de standardisation internationale des noms géographiques. 4.1 Définition Il existe des définitions officielles de l'allonyme, crées et employées par les organismes officiels qui travaillent sur la standardisation internationale des noms géographiques: Allonyme l'un quelconque des noms propres, d'origines différentes, servant à désigner un même objet topographique. (GENUNG) et la version en anglais: Allonym: each of two or more toponyms employed in reference to a single topographic feature. (GENUNG, EuroGeoNames) Les deux versions des définitions ne sont pas claires en ce qui concerne le statut des toponymes employés pour l'entité topographique en question. D'après cette définition, il peut s'agir aussi bien des exonymes, ce dont il ne devrait pas être question dans le cas des allonymes. Le sens du préfixe grec alloἄλλος, allos est « autre ». En ce qui concerne les autres termes avec le préfixe allo-, on remarque, en littérature par exemple, qu'un allonyme est un nom utilisé par un auteur qui est le nom d’une autre personne. Mais cela peut être aussi un ouvrage publié sous le nom d'un autre auteur: un livre allonyme. Dans la toponymie, effectivement, la définition courante dit qu'un allonyme est un nom de lieu, parmi d'autres noms utilisés en référence à une seule et même entité topographique. Mais le préfixe allo-, employé dans les termes linguistiques, est à l'origine des termes allophone et allomorphes, qu'on définit ainsi: Un allophone est une personne qui a une autre langue maternelle que celle qui est officielle dans un pays ( ou dans la phonétique, c'est la réalisation particulière d'un phonème dans un environnement phonique déterminé); et dans le cas des allomorphes, il s'agit de la variante d'un morphème en fonction du contexte, par exemple en français, / al-/ dans allons, / v-/ dans vais, / ir-/ dans irai sont trois allomorphes du même morphème du verbe aller. Dans la linguistique, les termes avec le préfixe allone sont pas des variantes facultatives d'une entité (ce qui sera le cas des exonymes dans la toponymie), mais des variantes contextuelles. Cela veut dire que l'allonyme, dans le domaine de la toponymie, devrait aussi être une variante contextuelle d'un toponyme. Dans la pratique, cela signifie que dans un pays donné, on nomme une entité transfrontalière selon son endonyme dans la langue du pays, et dans l'autre pays, où l'entité en question se trouve aussi, <?page no="275"?> Statut du toponyme dans une analyse synchronique contrastive - 275 on la nomme selon l'endonyme qui lui est attribué dans la langue parlée dans ce pays. Donc allonyme dans notre travail sera compris dans le sens restreint, comme un des deux ou un parmi plusieurs endonymes d'une entité. Par exemple La Manche (fr.) et English Channel (ang.). Ce sont deux endonymes pour la même entité, mais vue de différentes perspectives. Ainsi, pour définir plus simplement un allonyme, on pourrait dire que c'est un endonyme parmi plusieurs dans différentes langues faisant référence à la même entité géographique qui est transfrontalière. Pour employer des termes linguistiques, cet ensemble d'allonymes est constitué de variantes contextuelles, qui sont employées respectivement dans les langues dont ils sont issus. Par contre, si on laisse dans la définition le terme toponyme et non endonyme, la définition va englober aussi l’ensemble des exonymes. Un Allonyme, dans un sens large, est donc un ensemble de tous les endonymes et exonymes de même objet. Dans notre travail, nous allons utiliser le terme d’allonyme dans un sens restreint, comme un ensemble d’endonymes pour une unité transfrontalière. La raison pour laquelle nous considérons les allonymes comme le défi de la toponymie synchronique - contrastive est que les entités qu'ils nomment sont souvent des sources de conflits internationaux, les toponymes euxmêmes pouvant provoquer des conflits. 4.2 Allonymes dans la toponymie polonaise Les allonymes des entités géographiques se trouvant en Pologne sont assez proches et il n’y a aucun conflit concernant ces noms dans le domaine international. Qu’il s’agisse des montagnes Tatras (fr) qui ont les mêmes endonymes en polonais et slovaque: Tatry (pl et sl) ou des Carpates (fr) pour: Munţii Carpaţi (roumain); Karpaty (tchèque, slovaque et polonais); Karpaten (allemand); Kárpátok (hongrois); Карпати (serbe et ukrainien). Les exonymes français Tatras et Carpates sont issus d’un de ces allonymes et assimilés avec les suffixes -es ; -s qui apparaît dans les noms français des montagnes. Le cas des allonymes pour la Mer Baltique est très intéressant: Morze Baltyckie (pl), Läänemeri (est), Ostsee (allem), Østersøen (dan), Östersjön (sued), Baltijos jūra (lituanian), Baltijas jūra (lettonien), Bôłt (cashube), Балтийское море (ru), Vālda mer (livinian, N-O de la Lit), Nuortamearra (langue sami), Itämeri (fin). Certains de ces allonymes, comme en allemand, danois, suédois, signifient mer de l’est; en estonien, le nom signifie mer de l’ouest. Mais de tous ces allonymes, c’est la forme latine Mare Balticum (mer des Baltes) qui est la source de l’exonyme français et de celui de plusieurs autres langues. 4.3 Cas de la Mer du Japon Comme nous l’avons déjà signalé, les allonymes peuvent constituer parfois de vrais problèmes à l'échelle internationale. Le « conflit toponymique » le plus connu est celui de la mer du Japon qui est située entre la Corée et le <?page no="276"?> Ma ł gorzata Mandola 276 Japon. Woodman, membre du GENUNG a analysé ce problème de la manière suivante: les toponymes de chacune des langues des pays situés autour de cette mer sont des endonymes. Ils sont les suivants: 동 해 , 日本海 , et Японское море. Les formes romanisées de ces noms sont aussi considérées comme des endonymes, selon le GENUNG. Par contre, les noms issus des langues comme l'anglais, le français ou l'espagnol sont des exonymes « because for those languages the criteria of the UNGEGN [GENUNG] definition of an endonym are not satisfied » dit Woodman, car aucun de ces noms n’est de la langue parlée dans le territoire où se trouve l’objet géographique en question. Par conséquent, les étiquettes anglaises “Sea of Japan“ et “East Sea“ sont toutes les deux des exonymes. Selon Woodman, un éditeur de cartes ou un cartographe qui se trouve devant le choix d’une forme correcte pour une telle entité géographique devra avant tout prendre en considération la langue du public auquel la publication est destinée. Si une publication est destinée au public coréen, la forme qui devra être utilisée pour nommer l’objet en question en entier est: 동 해 ou la forme romanisée Donghae - mer de l'est. Si la publication est destinée au public japonais, la forme qui devra être utilisée pour l’objet dans sa totalité est: 日本海 ou sa forme romanisée Nihon-kai - mer du Japon. Enfin, si la publication est utilisée pour le public russe, c’est le Японское море ou sa forme romanisée Japonskie morie qui devra être utilisée. Et ainsi, les publications vont contenir des endonymes légitimes. Pour les publications destinées aux publics anglais, français, espagnol, etc., on emploiera des exonymes qui sont utilisés traditionnellement dans ces langues pour nommer l’objet géographique en question. (Paul Woodman) Le fait de souligner le statut endonymique des allonymes ne résout pas le problème. La majorité des exonymes des langues occidentales nomment cet objet géographique d’après l’endonyme japonais: Japaneese Sea, Morze Japonskie, Mer du Japon. Malheureusement, l’endonyme japonais est composé du nom du pays, et utiliser cet endonyme pour créer des exonymes dans des langues différentes a provoqué une polémique. L’endonyme coréen signifie « mer de l’est », donc ne contient pas de nom de pays. Cependant, nommer cette mer “mer du Japon” fait effectivement penser que ces noms confèrent au Japon une souveraineté sur la mer en question. Le même conflit pourrait arriver entre la France et l'Angleterre pour La Manche et English Channel, puisqu'on trouve dans l'allonyme anglais le nom du pays, comme dans Nihon-kai - « mer du Japon ». La majorité des exonymes de cette mer est constituée néanmoins du nom français (en russe, tchèque, polonais, espagnol, croate, allemand - une traduction), qui ne contient pas de nom de pays. Il n'y a que les exonymes danois et suédois qui sont constitués à partir de l'allonyme anglais. <?page no="277"?> Statut du toponyme dans une analyse synchronique contrastive - 277 5 Endonymes historiques La dernière question que nous aimerions traiter ici est celle des exonymes historiques. Les endonymes historiques viennent de changements de régime, de situation politique ou de système politique. Un endonyme historique est un nom qui a cessé d’être le nom officiel d’une entité et qui a été remplacé par un nouvel endonyme, toujours de la langue parlée sur le territoire. On a observé un changement de nomenclature topographique et administrative en France après la Révolution et en Pologne lors de l’installation du régime communiste et après la chute du communisme. 5.1 Définition La définition de EuroGeoNames est la suivante: historical endonym: Places-names are subject to changes over time. Their old forms get out of use and new names arise. This can happen gradually or be an official (political) act. Many historical endonyms are in broad use and appear consistently in publications. (Michajlovgrad for Montana (bul.), Karl-Marx-Stadt for Chemnitz (ger.) Il se peut que les exonymes utilisés dans les langues étrangères correspondent à un endonyme historique. À ce titre, nous proposons d'introduire la notion d'exonyme historique. La différence entre l’exonyme et l’endonyme historique est la même qu'entre l’exonyme et l’endonyme actuel. Les exonymes historiques polonais de Byzance en sont un bon exemple: Bizancjum et Konstantynopol n'ont jamais été des endonymes de l'actuelle capitale de la Turquie Istanbul (endonyme İ stanbul). En plus, ils correspondent aux endonymes historiques qui se sont succédé: Βυ ζ άντιον (Byzántion), Constantinopolis. 5.2 Endonymes historiques dans la toponymie polonaise Les deux Guerres Mondiales, qui ont marqué l’Europe, ont laissé beaucoup de traces dans la toponymie en tant qu'endonymes historiques. Si l'on prend l’exemple de la Silésie d'Opole, il y a eu trois changements de noms de villes dans une période qui ne dépasse même pas un siècle. Dans l’arrondissement de Krapkowice et de Gogolin, on trouvait des communes qui portaient des noms d’origine allemande ou issus du dialecte silésien. Prenons l'exemple de la commune Odrowąż: en 1921, après un referendum dans toute la Basse Silésie, la commune a rejoint la République de Weimar sous le nom de Oderwanz. En 1936, le nom a été changé en Oderhöh et rechangé après la Seconde Guerre Mondiale, en 1947, et a pris la forme polonaise Odrowąż. En 2010, le gouvernement local du département Powiat Krapkowicki a décidé, après un referendum, d'introduire la double nomenclature germano-polonaise dans cette région, en raison de la minorité allemande qui y habite. La commission polonaise de la toponymie (Komisja Nazw Miejscowości i Objektów Fizjograficznych) a proposé la forme Oderwanz, qui est un endonyme histo- <?page no="278"?> Ma ł gorzata Mandola 278 rique de l'époque pré-hitlérienne. Une autre vague de transformation toponymique de la Pologne a eu lieu après l'année 1989 quand le système communiste s'est effondré et le système démocratique a été introduit. Tous les odonymes, plateonymes, ainsi que d'autres toponymes qui portaient des noms symbolisant l'époque communiste ont été changés. Parmi de nombreux cas, nous pouvons citer le Plac Czerwonej Armii (la Place de l'Armée Rouge) à Opole qui a été renommée en 1991Plac Miko ł aja Kopernika (la Place Nicolas Copernic). Nous avons observé et nous observons actuellement des changements radicaux de la nomenclature des unités administratives et des entités topographiques dans les pays dans lesquels se déroule ”le printemps arabe”. La toponymie est un domaine assez dynamique, car il ne s'agit pas seulement de l'évolution des toponymes, qui implique un processus assez lent. Elle est en effet pleinement intégrée dans les enjeux politiques. Toutes les transformations politiques doivent être constamment surveillées par les commissions toponymiques dans le monde entier. En ce qui concerne l’usage des endonymes et exonymes historiques, cette question devrait être fortement réglementée à cause de l’impact politique que les toponymes peuvent avoir. Une des recommandations du GENUNG mentionne les endonymes polonais et se prononce favorablement quant à l’emploi des exonymes historiques allemands en cas de difficulté de prononciation. Je les cite: (2.4.2) the endonym is especially difficult to be pronounced and spelled by users of the exonym language. The argument: Compared to endonyms, exonyms often have the advantage to be pronounced and spelled easier by the user of the exonym language. Apart from this general rule, some endonyms can be especially difficult to be pronounced and spelled by the users of a receiver language and consequently to be properly used and kept in mind. In these cases exonyms have special benefits. Examples: To the speakers of German the Polish city names Wrocław and Szczecin compared to Opole or Toru ń . De ce texte, on devrait déduire que l'argument principal en faveur de l’usage des exonymes à la place des endonymes est la facilité de prononciation. Par exemple, en faveur de Breslau et Stettin pour Wrocław et Szczecin. On pourrait effectivement accepter le maintien des formes allemandes, car à l’époque ils étaient des endonymes et dans plusieurs départements de la voïvodie d’Opole réside toujours une minorité allemande. Il est pourtant difficilement acceptable de maintenir dans les autres langues, comme en français, des formes issues des exonymes historiques allemands, en occurrence Breslau en français. Vu l’histoire et la situation géopolitique passée, le maintien en usage international des formes allemandes devrait être banni selon des critères normatifs internationaux. Il est évident que les endonymes historiques sont sémantiquement chargés. Ce ne sont plus les noms actuels de l’entité en question, mais ils renvoient à une époque historique. Cette époque, pour les <?page no="279"?> Statut du toponyme dans une analyse synchronique contrastive - 279 uns, peut être un souvenir nostalgique. À l'inverse, si la société a voulu remplacer un toponyme par un autre, cela peut être pour l’oublier. Au contraire de ce que dit le texte, il serait logique de maintenir le nom de Opole en allemand dans sa version allemande Oppeln, même si Opole est facilement prononçable en allemand, car la région de Silésie d’Opole est habitée par la plus grande minorité allemande de Pologne. Dans plusieurs départements de cette région, le gouvernement local de certaines communes a introduit la double nomenclature des villes, polono-allemande. Ainsi on rencontre de doubles panneaux à l’entrée des villes: en polonais et en allemand - ex.: Strzeleczki et Kleine Strehlitz, dont le premier est un endonyme officiel et le second un endonyme minoritaire (qui est souvent une reprise de l’endonyme historique allemand). Quant à l’usage des exonymes français issus de l’allemand, comme Breslau, Stettin, etc., même si les noms polonais Wroclaw Szczecin, sont difficiles à prononcer pour un francophone et les noms allemands plus faciles, ils ne sont légitimes que dans un contexte historique précis selon les recommandations de la standardisation internationale. Les villes nommées en français selon les endonymes historiques allemands Auschwitz et Birkenau devraient impérativement avoir les noms polonais Oświęcim et Brzezinka en français à l’époque actuelle. Par contre, Auschwitz et Birkenau faisant référence au musée du camp, ou à l’époque passée, sont des toponymes tout à fait légitimes, voire recommandés, en tant qu'endonymes historiques. Les changements de nomenclatures toponymiques qu'on remarque après chaque transformation politique radicale dans un pays laissent des traces telles que les endonymes et exonymes historiques. Ceux-ci sont aujourd’hui la plus grande preuve de l’enjeu politique des toponymes, dans lesquels les notions de pouvoir et de systèmes politiques se révèlent, et dans lesquels on voit les marques des époques. Conclusion Le toponyme, qui est avant tout un nom propre, nous est très familier, nous nous en servons en effet sans cesse dans notre vie quotidienne et dans nos conversations. Il est en réalité une unité linguistique très complexe, dont les propriétés sont difficiles à encadrer dans une simple définition. L'image la plus simple que nous ayons de lui, issue de ses définitions figurant dans la majorité des grammaires et des dictionnaires est une opposition qui relève de la comparaison du Npr par rapport à ce qu’est le nom commun (Nc). Cette opposition, sémantique, formelle, ou autre, est faite à tous les niveaux de comparaison. En réalité, le Npr est une unité linguistique, voire « translangagière » qui passe d’une langue à l’autre, adaptée à l'oral, souvent graphique aussi, voire traduite dans la langue d’arrivée. Il n’est pas « une étiquette rigide » dépourvu de sens, selon la théorie kripkienne, mais il ressemble beaucoup au <?page no="280"?> Ma ł gorzata Mandola 280 nom commun, avec lequel il constitue la catégorie du nom. Si c’était une simple étiquette, elle serait passée d’une langue à l’autre telle qu’elle est, mais on voit bien que ce n’est pas le cas, même pour les noms opaques. De plus, nous avons vu que les toponymes peuvent remplir plusieurs fonctions dans une langue et aussi, qu'ils représentent des structures morphologiques et phonétiques propres à leurs langues d’origine, voire morphosyntaxiques si ce sont des toponymes composés détachés. Les toponymes ont en plus leurs équivalents (les exonymes) dans les autres langues qui à leur tour, représentent les mêmes caractéristiques envers leurs langues d'origine. « Il convient [aussi] d’observer qu’un même lieu peut être désigné par plusieurs toponymes distincts (forme administrative, forme longue, forme courte, surnom, ou autres), et qu’un même toponyme peut désigner des objets géographiques de mêmes coordonnées, mais de nature différente (le Tracol, lieudit et col situés à Saint-Sauveur-en-Rue) » (Commission nationale de toponymie). La catégorie du Npr représente déjà en elle-même beaucoup de variations, car les toponymes n’ont pas toujours les mêmes propriétés linguistiques que les anthroponymes ou les chrématonymes. Par ailleurs, ce ne sont pas exclusivement les critères linguistiques qui nous permettent d’identifier un nom propre dans un contexte, mais également notre intuition linguistique et la connaissance extralinguistique. Le nom propre, dont le toponyme fait partie, est une unité particulière dans le système de la langue. Le statut du toponyme et la façon dont il est traité dépendent de sa transparence et la transparence dépend de sa nature. La catégorie du Npr est tellement vaste qu’il est difficile de définir toutes ses propriétés et de donner des caractéristiques générales. Les toponymes constituent aussi un ensemble hétérogène, du fait qu’ils sont d’un côté, opaques et de l’autre, transparents. Donc, leur statut sémantique, et ce qui va avec, comme nous l’avons vu, à savoir les propriétés syntaxiques, varient. Le problème du transfert des toponymes d'une langue à une autre a été traité dans les textes normatifs élaborés par le Conseil Socio-Economique de l’ONU, où le GENUNG est attaché, et par les commissions nationales de la toponymie qui ont été créées dans plusieurs pays. De même, tout en appliquant les règles d'intégration et de standardisation des toponymes, l’intégration de ces derniers dans une autre langue paraît difficile. L’élément générique, comme le dit le GENUNG, qui a une valeur informative, est le plus souvent traduit dans le toponyme mixte. Pour les entités géographiques connues, il existe souvent des exonymes, ce qui n’est pas le cas pour des entités moins ou peu connues pour lesquelles on doit créer le nom le plus proche de l’endonyme. Il peut être le plus proche possible, mais il sera toujours un exonyme dans sa forme orale, donc exophone, ou dans sa forme graphique donc exographe. Rappelons que dans cet article, nous avons suivi Wolnicz-Pawlowska, la présidente du groupe d'experts polonais <?page no="281"?> Statut du toponyme dans une analyse synchronique contrastive - 281 de GENUNG, d’après qui toute modification de l’endonyme constitue déjà un exonyme. Références CISLARU G (2007), « Les noms de pays: Spécificités structurelles et fonctionnelles d'une sous-catégorie de Noms Propres », The Annals of Ovidius University Constanta - Philology, issue: 18/ 2007, p. 43-58. GARY-PRIEUR M-N. (1991), « Le nom propre constitue-t-il une catégorie linguistique? » dans Gary- Prieur, Marie-Noëlle, Syntaxe et sémantique des noms propres. Langue Française 92. GARY-PRIEUR M-N. (2001), L'individu pluriel. Les noms propres et le nombre. Paris, CNRS Editions. JONASSON K. (1994), Le Nom Propre. Constructions et interprétations. Louvain-la-Neuve, Duculot. LEROY S. (2004), Le Nom Propre en Français. Ophrys. MANDOLA M. (2012 a), « L’exonymisation en français des toponymes de la Pologne -le défi de la toponymie face à la globalisation », dans L'apport linguistique et culturel français à l'Europe: du passé aux défis de l'avenir, sous la dir. de Teresa Tomaszkiewicz et de Grazyna Vetulani, Oficyna wydawnicza Leksem, Lask. MANDOLA M. (2012 b) « Statut linguistique du nom propre: l'exemple d'études contrastives de toponymes », dans Aspects sémantiques et formels dans les recherches linguistiques, sous la dir. de Krzysztof Bogacki et alii, Wydawnictwo Uniwersytetu w Bialymstoku, Bialystok. MANDOLA M. (2012 c) « French exonyms for Polish toponyms », dans: The Great Toponymic Divide, Reflections on the definition and usage of endonyms and exonyms, Glowny Urzad Geodezji i Kartografii, Warszawa 2012. LÖFSTRÖM Jonas, SCHNABEL-LE CORRE Betina (2006) « Description linguistique en toponymie contrastive dans une base de données multilingue ». dans Corela , Numéro spéciaux, Le traitement lexicographique des noms propres. = - http: / / edel.univ-poitiers.fr/ corela/ document.php? id=366 TESNIERE L., Éléments de syntaxe structurale. Klincksieck, Paris 1959. 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Problematyka językowa): human.uwm.edu.pl/ .../ P_J.../ Wolnicz-Pawlowska.doc http: / / gov.genealogy.net/ item/ show/ object_187105 - _blank Résumé Statut du toponyme dans la perspective d'une analyse synchronique contrastive Comme les toponymes (ainsi que tous les Npr) migrent souvent d’une langue à l’autre, le problème de transfert des noms propres de lieu d’une langue à l’autre paraît être difficile. Il a été traité dans les textes normatifs élaborés par le Conseil Socio-Economique de l’ONU (UNGEGN) et par les commissions nationales de toponymie qui ont été créées dans plusieurs pays. Cette difficulté, qui vient de la complexité de la nature des toponymes, sera présentée à l’aide d’exemples d’intégration des endonymes polonais dans la langue française. Le but de cette analyse est, entre autres, de voir le niveau de modification des endonymes et la (les) façon(s) d’envisager la création des exonymes (« l’exonymisation »). Cette recherche s’inscrit dans le courant contemporain concernant la toponymie synchronique contrastive. Summary Toponym status in the perspective of a synchronic contrastive analysis As toponyms (and all other kinds of proper names) often migrate from one language to another, the problem of those transfers seems very complex. It was processed in normative texts elaborated by the Socio-Economical Council of the United Nations (precisely by the UNGEGN) and national Commissions of toponymy, that were created in many countries. We will present this problem with examples of integration of Polish endonyms in French language. One purpose of this analysis is to see the modification level of endonyms so as to consider the creation of exonyms (the ”exonymisation”). This research is part of the contemporary approach, which is the synchronic-contrastive toponymy. <?page no="283"?> Statut du toponyme dans une analyse synchronique contrastive - 283 Zusammenfassung Status des Toponyms unter dem Aspekt einer synchronen kontrastiven Analyse Toponyme, so wie auch weitere Eigennamen „migrieren” oft zwischen den Sprachen. Diese Erscheinung hat sich besonders in der Zeit der Globalisierung verstärkt. Der folgende Beitrag befasst sich mit dem Problem der Bewegung der Endonyme zu den Fremdsprachen, also der Bildung der Exonyme. Die erwähnte Problematik ist mit den Entscheidungen und Verordnungen, die von einer Expertengruppe, die sich mit den Eigennamen in der Organisation der Vereinten Nationen namens UNGEGN (The United Nations Group of Experts on Geographical Names) beschäftigt und durch die Staatskomitees der Toponymie, reguliert. Für eine bessere Erfassung des Problems werden polnische Endonyme mit französischen Exonymen verglichen. Französische Exonyme werden analysiert und klassifiziert auf der Grundlage der deutlich beschriebenen Kategorien. Das Ziel dieser Analyse ist unter anderem, die Modifikationsgrade der Endonyme und die Methoden der Bildung der Exonyme (Exonymisation) zu beschreiben. Diese Forschung ist ein Teil der synchron kontrastiven Toponomie im Zusammenhang mit der Arbeit der Organisation der Vereinten Nationen, deren Ziel die Standardisierung der Toponyme auf der Welt ist. <?page no="285"?> Michel A. Rateau 1 Constat et conséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe, de classificateurs génériques et de déterminants toponymiques en Dordogne, au XXIe siècle Introduction Le constat général d’une évolution, particulièrement rapide, du contenu orthographique et typographique des textes des annuaires téléphoniques français, pendant ces deux ou trois dernières décennies, m’a conduit à engager une observation de longue haleine. L’occasion de participer à ce colloque, me permet de communiquer une première synthèse ainsi qu’une analyse qui mériterait, sans doute, un plus grand développement. Cette dernière a permis de révéler un résultat, ‘étonnant’ et ‘inquiétant’, de l’évolution de ce contenu. À cet effet, je me suis appuyé sur l’annuaire titré PagesBlanches (PB). - « étonnant » parce qu’il ne reflète pas du tout le potentiel rédactionnel qu’offrent les nouvelles technologies en matière de saisie des données à publier. - « inquiétant » parce qu’il indique une réalité qui apparaît négative à plusieurs niveaux : * une absence de régularité orthographique des données toponymes, odonymes voire des microtoponymes, pour un même nom de lieu, un même lieu, dans une même commune et à une même date. * un manque total de considération concernant l’importance de ce patrimoine orthographique, à transmettre aux générations montantes d’usagers des annuaires. * la création de divers risques de confusions directionnelles. Ayant posé que la toponymie diachronique considère la langue dans la perspective de son évolution temporelle et que la toponymie synchronique s’intéresse à l’ensemble des faits linguistiques, concernant les noms propres et constituant telle langue, en tel lieu et à tel moment donné, sur une durée plutôt courte, cette intervention sera consacrée à l’observation du traitement accordé par le monde commercial et financier, au corpus toponymique et odonymique national français en général. 1 Université du Temps Libre, Onomastique, Bergerac (24) rateaumichel.perigord@wanadoo.fr <?page no="286"?> Michel A. Rateau 286 Le support du corpus de cette étude est circonscrit dans le contenu des PagesBlanches de l’annuaire 2011, pour la commune de Mauzac-et-Grand- Castang, en Dordogne, où je réside depuis 25 ans. 1 Entités, non commerciales, concernées : législation et pratiques, rappel succinct. Il faut ici rappeler que la toponymie française, comme celle d’autres pays, est divisée en deux catégories principales de noms de lieux : - Les toponymes officiels qui sont des entités administratives : régions, départements, arrondissements, cantons, communes (Lejeune, 2003). Le seul document de référence, qui fixe la graphie officielle, est le Dénombrement de la population, de l’INSEE (http: / / www.insee.fr) le plus récent. Lorsqu’un changement de nom de commune, c’est-à-dire un nom de lieu officiel, a été accepté, il est publié dans les pages du Journal Officiel (J.O.) puis, par l’INSEE, par le biais de son Code Officiel Géographique, un document auquel les organismes administratifs sont tenus de se conformer. - Les toponymes non officiels qui représentent la grande majorité des noms parmi lesquels se comptent les noms des lieux habités (hameaux, écarts, habitations isolées), les noms odonymiques et les microtoponymes. 2 L’acteur commercial et financier directement concerné : les éditions PagesJaunes La société éditrice appelée PagesJaunes (les deux morphèmes sont agglutinés) fait partie d’une entreprise commerciale privée. Elle dépendait autrefois de France Télécom qui la céda à Bell Canada qui, en 2000, l’a vendu à Kohlberg Kravis Roberts & Co. (KKR), un fond d’investissement américain multinational basé à New York et spécialiste mondial en ce domaine. Aujourd’hui, l’annuaire titré PagesBlanches présente à ses usagers les patronymes, éventuellement les prénoms ou leurs initiales, les numéros de téléphone (dont les lignes électroniques) et de fax des clients ainsi que leurs adresses domiciliaires, plus ou moins exactes, pour ce qui concerne l’orthographe des noms de lieux (toponymes et microtoponymes) et des odonymes, comme il sera montré. 2.1 Rappel situationnel récent L’an 1988 a vu la création de France Télécom, puis 1998 a vécu la libéralisation, en Europe, du marché concerné, permettant la diversification des ‘annuairistes’ (éditeurs d’annuaires), ‘papier’ inclus. En 2011, les effets d’une politique de gestion financière spécifique répercutent une « manière collective de vivre, de penser, [qui est] propre à notre époque », comme pour parodier le dictionnaire appelé Le Petit Robert. Ici, cette politique mêle topo- <?page no="287"?> Constat et c onséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe 287 nymie, odonymie et noms de lieux de domiciliation. La non prise en considération des soudaines différences de qualité de travail, de collation de données et de saisie informatique existant entre les anciens usages (courrier et téléphone) de nos antiques P.T.T (Poste, Télégraphe, Téléphone) et les dernières exigences des méthodes de rentabilité les plus récentes, est, pour partie, certainement à l’origine de notre constat. 2.2 Politique de présentation et de rédaction des annuaires Le secrétariat des PagesJaunes, du Centre Relations Clients, à Sèvres (92), précise volontiers, par téléphone, que les données publiées dans les PB proviennent de la société éditrice PagesJaunes, qui est approvisionnée par les opérateurs (France Télécom, Orange…) parmi lesquelles se comptent celles qui sont fournies par les clients. Ces derniers ne reproduisent pas toujours leur adresse officielle (celle correspondant au bien acheté et donnée audit lieu par le notaire lors des passages d’actes, qui, pour diverses raisons, n’est peut-être pas celle qu’utilise la Direction générale des Impôts). Cette chaîne de communication et de transfert de données et le nombre important d’opérateurs contribuent certainement à corrompre le contenu des informations onomastiques transmises. En outre, PagesJaunes, qui n’est pas propriétaire desdites données publiées dans les PB et les PJ, n’a pas autorité pour les corriger. Seuls les particuliers en sont propriétaires et seules ces personnes sont en droit d’énoncer leur adresse, d’exiger qu’elle soit exactement celle qui est reproduite dans l’annuaire ou bien d’en demander une modification. Selon le secrétariat de PagesJaunes, depuis la privatisation de 2004, pour des motifs financiers de diminution de charges, des coûts d’impression et de routage, les éditeurs des annuaires français ont décidé de diminuer d’autant plus la longueur du texte à faire saisir puis à faire imprimer, afin de réduire les coûts de la masse salariale (saisie) ainsi que ceux de la fabrication (impression) et de la distribution (transport). Aussi, PagesJaunes, comme éditeur, a ses propres règles d’écriture, c’està-dire de rédaction, de saisie informatique : emploi de nombreuses abréviations, suppression des déterminants / articles, des accents, des traits d’union des noms de communes, tous, pourtant, objets de risques de confusion qui viennent s’ajouter aux erreurs de transmission. Il y a là volonté d’éradication de l’emploi d’une partie de ce qui constitue la toponymie et l’odonymie française. Ceci ayant été précisé, comme il va être montré, bien des irrégularités sont par ailleurs relevées, quand bien même, selon la déclaration du Service aux clients, toute la saisie est réalisée en France et par du personnel francophone (entretiens téléphoniques, janvier et février 2011). <?page no="288"?> Michel A. Rateau 288 2.2.1 Les abréviations Elle sont réduites au minimum et aucun abréviatif ne les termine. Exemple : lot Barrière signifie Lotissement [HLM / Hlm] de La Barrière (formule qui correspond à l’énoncé correct employé par l’Office des HLM de la Dordogne). Enfin, l’organisation de ces abréviations ne découle pas des règles mises en vigueur par d’autres entités, institutions, associations, organismes publics ou privés, de référence ou non (IGN, INSEE, SFO, …). Elles sont internes à PagesJaunes et, mal utilisées, elles sont à risque. Exemple : ld (= lieu-dit) Bourg laisse entendre que Bourg n’est plus le bourg, chef-lieu de commune, mais un hameau ou un écart ainsi dénommé. 2.2.2 L’accentuation 2.2.2.1 Tentative d’éradication Si le terme médical, éradication, peut sembler être fort, il n’en est pas moins correct : il s’agit bien, pour cette entreprise d’éditions d’annuaires, d’extirper, d’arracher du texte original, certains éléments de la langue et du langage onomastiques, dont la plus grande partie concerne, ici, la toponymie et l’odonymie, au risque d’en altérer le contenu. Obéissant à la règle interne aux PagesJaunes, les claviéristes de 2010-2011 doivent omettre la totalité des signes diacritiques suscrits (accents graves et aigus, trémas) sur les majuscules et les minuscules. Exemples : ferme Ecole Centre Detention pour Ferme École du Centre de Détention ; ou encore : [la] Sabliere ; [Hlm de la] Barriere ; [la] Grezotte… Non seulement tous les accents n’ont pas été omis, mais d’autres ont été ajoutés. Exemple : dans Pêche pour Pech ; Péchambert pour Pechambert, sur lequel nous reviendrons plus loin. 2.2.2.2 Échec partiel de tentative d’éradication Notons, cependant, que plusieurs de ces toponymes échappent à cette règle interne de la société PagesJaunes. Ainsi, on relève également : des noms de lieux, dont l’accentuation d’origine est étymologique. Exemples : 12 Barrière / 8 Barriere ; 0 Grézotte / 2 Grezotte ; 4 Molière / 1 Moliere ; 2 Sablière / 2 Sabliere… Au total, 18 occurrences accentuées demeurent contre 13 non accentuées. des noms de lieux, dont l’accent n’est pas étymologique. Exemples : 1 Pechambert / 1 Péchambert ; 16 Pech Brut / 1 Pêche Brut. Dans les deux cas, il s’agit de noms composés. Localement, Pech Brut est prononcé / pébru/ . Le lieu habité se trouve au pied de l’élévation du même nom, à la pente plutôt raide. Il est évident que la graphie pêche est une inexplicable fantaisie. Pour ce qui concerne le nom de hameau Péchambert, il se compose du même substantif occitan, Pech (< latin podium) + Ambert, nom de personne d’origine germanique. Son accentuation n’a pas lieu d’être. Elle n’est due <?page no="289"?> 289 qu’à une adaptation inhabituelle à l’orthographe française. À une occurrence contre 16, elle se présente comme une exception 2.2.3 Les traits d’union 2.2.3.1 Les toponymes officiels : les noms de communes Aujourd’hui, les toponymes officiels composés prennent un / des trait(s) d’union (Code officiel géographique). Cependant, dans les PagesBlanches, on lit Mauzac et Grand Castang, au lieu de Mauzac-et-Grand-Castang, ce qui est le schéma appliqué pour l’ensemble de ces toponymes municipaux dans l’ensemble de l’annuaire. 2.2.3.2 Les toponymes non officiels : noms de hameaux, villages, écarts habités Aujourd’hui, la Charte de toponymie (Lejeune, 2003) ne prévoit pas l’usage du trait d’union pour la catégorie des toponymes non officiels, à l’exception du premier trait d’union dans un hagionyme. Exemple : Saint-Meyme de Rozens. En 2011, on lit dans les PB, le nom du hameau Sainte Meyme de Rozens, sans trait d’union. 2.2.4 Majuscules et minuscules Pour les toponymes officiels, la référence est la dernière édition du Code Officiel Géographique, de l’INSEE. PB s’y est conformé dans l’écriture de Mauzac et Grand Castang (exception faite des traits d’union). Pour les toponymes non officiels, c’est la même référence qui prime : substantifs et adjectifs prennent une majuscule. Les PB ne suivent aucune règle spécifique et l’on relève : ferme Ecole Centre Détention ; hlm (pour HLM voire Hlm) ; bourg Mauzac… Alors que, contrairement à la règle, les déterminants sont notés avec des lettres majuscules. Exemples : Le Bourg ; La Molière Haute ; La Sarmade… 3 Toponymie et odonymie : observations et constats Les résultats de l’étude systématique des énoncés d’adresses domiciliaires de la commune de Mauzac-et-Grand-Castang ont été comparés aux données cadastrales (cartes et matrices), aux remarques et commentaires émanant du personnel du secrétariat municipal, ainsi qu’aux déclarations des locuteurs résidants des différents lieux habités de cette commune. Le corpus est riche de 49 noms de lieux, permettant de relever de très nombreux cas de figure tout à fait probants. Constat et c onséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe <?page no="290"?> Michel A. Rateau 290 3.1 Les déterminants 3.1.1 L’article défini masculin singulier ‘le’ Dans les formes suivantes, publiées dans les PB, le déterminatif masculin singulier le est variablement employé. Il est absent dans øø Bourg pour le Bourg. En apparence, le fait que l’article a été éliminé ne rend pas ce toponyme incompréhensible bien qu’en réalité, il puisse l’être comme il sera montré plus loin. Dans ce corpus municipal, le terme odonymique øø Bourg / le Bourg est utilisé 67 fois. Il semblerait que la règle interne de PagesJaunes l’ait parfois rendu facultatif. Dans le cas du nom de lieu-dit Pech Brut, ce dernier devrait, grammaticalement, être précédé de l’article le, puisque le substantif base est qualifié de brut ‘abrupte’. On dit ‘le grand chien’, ‘la belle ville’ et non ‘grand chien’ ou ‘belle ville’. Cependant, dire le Pech Brut c’est ajouter un article français à un nom composé occitan dont le sens premier a été perdu par les locuteurs d’aujourd’hui qui ne sont plus occitanophones. Quant aux nouveaux arrivants, ils acceptent naturellement l’absence d’un article auquel ils ne pensent même pas. Si grammaticalement, cet article n’est pas facultatif, dans le continuum de son usage, il ne dépend que des locuteurs locaux, sachant que pour le linguiste, le locuteur local (sérieux) est pertinent : article ou non, ça dépend de lui ou d’elle, s’il y a consensus. De nos jours, la règle de saisie de PagesJaunes implique qu’il disparaisse. Il s’agit d’une nouvelle mode et d’un nouveau mode de pratique orthographique. 3.1.2 L’article défini féminin singulier ‘la’ Partant, par exemple, du morphème onomastique Grave, la recherche a permis d’exhumer plusieurs cas de figure d’éradication, parmi lesquels il ne sera traité, ici, que du déterminant féminin singulier la. avec déterminant : La Grave (5 occ.), La Grave Haute Sud (1), Grave Haute Sud La (1 ; avec inversion dans le texte PB). Notons qu’avec la suppression des parenthèses, dans les inversions, comme dans Grave Haute Sud La, on aboutit à une absurdité grammaticale et sémantique. sans déterminant : øø Grave (2), øø Grave Sud (1), øø Grave Basse (11), øø Grave Basse Sud (1), øø Grave Haute (15), øø Grave Haute Sud (1), øø Graves Hautes Sud (1) au pluriel. Il est observé que, dans PB, au moins deux cas, l’article est bien existant, La Grave et La Grave Haute Sud et que l’article n’est pas fossilisé. Le fait qu’il apparaisse et disparaisse à la guise et au gré des locuteurs mériterait une enquête plus approfondie. On est en droit de se demander si l’article n’est pas en voie de disparition dans l’usage. Sur le terrain, il s’agit du même espace, cependant partagé entre le haut du coteau et l’ensemble de la plaine qui s’étend jusqu’au Canal de Dérivation de la Dordogne, de Mauzac à Lalinde. Peut-être est-ce parce qu’il <?page no="291"?> 291 devient un village ou bien, plutôt, parce qu’il connaît une développement démographique récent. Conséquemment, ledit article manque dans toutes les autres occurrences ou bien dans les autres noms de lieux comportant le morphème Grave. En terre de langue d’oc, grava, un terrain graveleux, caillouteux, est la base de nombreux noms de lieux. 3.1.3 L’article défini pluriel ‘les’ La présence du déterminant pluriel les, devant Baudies, dans les textes anciens (les Baudies, Aux Baudies (Registres paroissiaux, Mairie), confirme qu’il s’agit bien d’un pluriel. Ce toponyme est donc aujourd’hui øø Baudies pour un ancien Les Baudies, c’est-à-dire pour ‘le lieu habité par l’ensemble des membres d’une famille dont le patronyme est *Baudi-, *Baudie-, *Baudies. Un second exemple nous est donné avec le toponyme øø Loubats qui porte la marque du pluriel avec un -sfinal, rappelant ainsi que Les Loubats, c’està-dire toutes les personnes portant ce patronyme voire toute la ‘maisonnée qui vivait sous le toit des Loubats’ résidaient alors en ce lieu, comme il vient d’être explicité avec le toponyme øø Baudies. On observe bien ici combien l’article défini masculin pluriel, Les, est absent. Comme à l’image de (les) Loubats, la même observation concernant la règle du pluriel des anthroponymes. C’est une question d’orthographe. 3.2 La préposition ‘de’ Ce cas de figure, l’élimination de la préposition, existe dans Bourg øø Grand- Castang au lieu de Bourg de Grand-Castang, ou bien dans Bourg øø Mauzac au lieu de Bourg de Mauzac. 3.3 Les classificateurs génériques lexicaux ou termes génériques (terminologie IGN). Manques de précision et confusions On l’a déjà précisé, sur la commune de Mauzac-et-Grand-Castang se trouvent deux résidences d’Habitations à Loyers Modérés (HLM), toutes deux situées sur la section cadastrale B dite du Bourg de Mauzac. En France, parmi les différents ‘types’ de logements sociaux, se compte le système de logement social appelé « HLM ». Il est né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et il est aujourd’hui particulièrement formalisé et institutionnalisé, organisé autour des « Offices HLM », des établissements publics qui gèrent le secteur public du logement et de l’habitat social (Santana, 2006). C’est dire si l’énoncé correct de leur adresse est, par principe, bien établi et connu des administrations françaises. Merci de bien vouloir noter, ici, qu’il ne sera pas tenu compte du bon ou du mauvais emploi des lettres majuscules, ce qui ne ferait que compliquer l’exposé. Avant toute autre chose, indiquons que, in situ, le signe HLM correspond à l’existence d’un terrain viabilisé sur lequel ont été construits des « habitats » sous la forme de pavillons, que par leur statut social, ces constructions Constat et c onséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe <?page no="292"?> Michel A. Rateau 292 sont des objets immeubles appelés HLM, lesquels sont organisés en lotissement(s). Les noms de ces lotissements sont alors formés du sigle classificateur HLM, auquel est ajouté un voire plusieurs éléments toponymiques. Dans les PB, on l’a vu, une importante confusion est entretenue par le fait que même l’énoncé « officiel » d’une adresse physique et postale donnée, d’un même abonné au téléphone analogique ou numérique voire les deux avec deux lignes, n’est pas respecté. Après avoir présenté le relevé exhaustif des variantes publiées par PagesJaunes, l’éditeur d’annuaires, nous proposons d’approcher cette diversité d’énoncés, en partant du nom complet. Pour ce qui concerne la commune de Mauzac-et-Grand-Castang, prenons le cas de figure correspondant à l’adresse d’un résident de la ‘cité’ (appellation orale populaire) HLM qui se trouve à proximité du bourg de Mauzac, par opposition aux HLM de la Barrière, dont il sera question plus loin. Ce nom, donné par les propriétaires des Habitats de la Dordogne (anciennement Office), est HLM du Bourg. Ici, le sigle HLM n’est pas un nom de lieudit mais un classificateur entré dans la composition d’un nanotoponyme et d’un microodonyme, HLM du Bourg. Dans HLM du Bourg, Bourg est le microtoponyme communal qui, en l’occurrence, tient également le rôle de toponyme chef-lieu de commune. Pour la suite de cette observation (cas de HLM de la Barrière), il est ici utile de montrer qu’il existe une certaine hiérarchie toponymique, de type : commune : Mauzac-et-Grand-Castang toponyme chef-lieu de commune : Mauzac toponyme(s) : Bourg de Mauzac microtoponyme(s) / odonyme(s) : øø nanotoponyme(s) / odonyme(s) : HLM du Bourg L’adresse complète de ce résident est : « numéro de logement (n° 6, par exemple) + Lotissement des HLM du Bourg de Mauzac + Bourg de Mauzac + Mauzac-et-Grand-Castang » (attestée sur certaines factures HLM). Ici, le terme Lotissement appartient à la catégorie des classificateurs ; HLM du Bourg de Mauzac, est le microtoponyme composé entier, de la résidence, laquelle est localisée au lieu appelé Bourg de Mauzac, enregistré dans la Section cadastrale B, dite du Bourg de Mauzac, et qui est l’un des microtoponymes communaux. Dans les PB, cet énoncé est réduit à « 6 + HLM + Bourg + Mauzac ». Lotissement est éradiqué, même s’il n’en reste pas moins dans nos mémoires ; il est alors graphiquement et oralement remplacé par HLM. Ce dernier sigle quitte ainsi sa fonction partielle d’élément constitutif du nom de lieu, HLM du Bourg de Mauzac, et, en quelque sorte, remplaçant lotissement, devient, à son tour et en apparence au moins, un classificateur. Le microtoponyme est pourtant bien HLM du Bourg de Mauzac. Pour des motifs d’économie ou de paresse linguistique, l’un des deux éléments, appelé Mauzac, est également éradiqué, sans pour autant changer l’indication directionnelle générale, <?page no="293"?> 293 Mauzac, ce qui évite au visiteur de se rendre inutilement à la seconde résidence HLM, dite de la Barrière. L’élément Mauzac peut représenter le microtoponyme ou le toponyme chef-lieu de commune ; c’est indécelable. La fonction de cet élément est alors ignorée et perdue. Bien entendu, on relève l’éradication de ‘des’ (= de + les), ‘du’ (= de + le) et de ‘de’ (= de + øø). Lorsque la variante des PB est limitée à « 6 + HLM + Bourg », employé seul, c’est-à-dire sans Mauzac, elle peut, évidemment, renvoyer à un tout autre lieu et à une autre localisation, celle des HLM de la Barrière. On note que le risque de confusion demeure identique lorsque les PB ne publient que : « 6 HLM ». Dans notre second cas de figure, celui de la résidence des HLM de la Barrière, l’adresse théorique complète est la suivante : « numéro de logement (ici, 25, pour l’exemple ; c’est le nôtre) + Lotissement de la Barrière, lieu-dit de la Sablière, Mauzac-et-Grand-Castang ». Cependant, les variantes des énoncés d’adresses odonymiques et postales de cette résidence sont pléthores. En voici quelques unes à partir de documents officiels. Comme pour le premier cas de figure, on relève nettement la hiérarchie des lieux : commune : Mauzac-et-Grand-Castang chef-lieu de commune : øø toponyme : la Sablière microtoponyme : la Barrière nanotoponyme : HLM de la Barrière Le lieu de la Sablière est ancien : il existait déjà en 1936 (cadastre, Section C). Il s’agit d’une ancienne gravière et sablière. Celui de la Barrière est plus récent : il n’apparaît pas dans la liste de l’INSEE (1946) ni sur le cadastre réédité en 1982, mais peut-être sans actualisation topographique et toponymique. Ceci est probablement dû au fait qu’alors, aucune barrière de passage à niveau n’avait encore été installée à cet endroit de franchissement de la voie ferrée, comme cela a été le cas très tardivement dans certaines régions. Le lieu de la Barrière s’est urbanisé et démographiquement développé il y a une quarantaine d’années, à la suite de la réalisation d’un premier projet de construction de logements professionnels d’abord destinés aux surveillants du Centre pénitentiaire voisin. De ce fait, la Barrière ne représente qu’une partie du lieu de la Sablière. Les résidents de la ‘cité’ ou de la ‘résidence’ considèrent être domiciliés à la Barrière et très rarement à la Sablière qui, localement, est appelée la Gravière, ce qui géologiquement, est beaucoup plus logique… Quelques exemples bien attestés : - « Pavillon n° 25, HLM La Barrière… », facture de l’Office des HLM, 1995. - « 25 Lot. La Barrière, logement 25 (sic)… », facture de l’Office des HLM, 2012. - « Mauzac 4, 25 HLM La Barrière… », facture EDF, 2012. Constat et c onséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe <?page no="294"?> Michel A. Rateau 294 - « 25 La Sabliere HLM La Barrière… », facture S.I.A.E.P. Lalinde (Syndicat Intercommunal d’Alimentation d’Eau Potable de la Région de Lalinde, chef-lieu de canton) : deux versions, sur le même courrier, 2011, et : - « 25 HLM de La Barrière… », facture S.I.A.E.P., 2012, adressée par la mairie de Mauzac. - « 25 HLM de La Barriere…», facture Assainissement, Mairie de Mauzac, 2012. - « 25 HLM La Barrière… », carte grise du véhicule personnel, 2010. - « HLM La Barrière », carte internationale d’Assurance (‘carte verte’), 2011. - « 25, La Barrière… », Carte Nationale d’identité (CNI), 2001. - « 25 Lot Barriere », carte électorale, 2012. - « 25 HLM La Barrière… », 2007, facture d’Orange (téléphonie), 2007, et : - « 25 lot Barriere… », facture d’Orange (téléphonie), depuis mars 2009 Variantes publiées dans les PB (2012) : Dans « 25 + Lotissement de la Barrière, lieu-dit de la Sablière, Mauzac-et- Grand-Castang », les deux ‘la’, de Barrière et de Sablière, à l’origine des articles ou déterminants, ont connu une sorte de fossilisation : ils font partie du nom de façon intégrale et ils sont indissociables des substantifs qu’il déterminent, contrairement à ce que pourraient laisser croire leur éradication par les PagesJaunes ainsi que l’inexactitude émanant du personnel de secrétariat de diverses administrations. On dit bien : je vais à la Barrière et non à Barrière, je viens de la Sablière et non de Sablière. En guise de conclusion On l’aura compris, il ne s’agissait pas, ici, de pointer du doigt quelque responsable pour ces invraisemblables dégâts onomastiques, mais plutôt d’attirer l’attention des autorités concernées sur une situation plutôt paradoxale lorsque l’on prend en compte l’indiscutable intérêt que portent nos contemporains à l’origine des noms de personnes et des noms de lieux. Quelles solutions peut-on apporter à un tel problème ? Et à qui poser de telles questions ? Qui acceptera de se pencher sur une telle situation ? Seules les autorités concernées… s’il en est ! pourront peut-être œuvrer dans un sens favorable au maintien de quelques règles À quoi cela sert-il que tant de publications paraissent, que tant d’enseignants prodiguent leur savoir, que tant de professionnels s’efforcent chaque jour à tenter de préserver notre patrimoine toponymique si, par ailleurs, seul le laisser-aller est la règle ? Devons-nous, comme c’est si souvent devenu le cas, laisser les intérêts commerciaux prendre le dessus sur la conservation de ce patrimoine ? Certains avanceront que ‘l’orthographe, la grammaire, la syntaxe… tout cela, c’est du passé’ et que seuls les ‘locuteurs de la rue’ ont raison dans leur façon de vivre leur langue sans règle aucune, <?page no="295"?> 295 ce dont on peut également douter car lesdits locuteurs n’abandonnent pas les articles qui définissent leurs lieux de résidence aussi facilement que cela. Ce n’est pas mon avis. Tous les excès sont mauvais. Il ne s’agit pas de réglementer la toponymie non officielle à outrance, mais, plutôt, de quitter le monde des incongruités onomastiques et de revenir vers celui d’une logique onomastique plus raisonnable. Je terminerai en rappelant cette phrase énoncée par l’une de mes voisines : J’ai tant d’adresses que je me sens plus riche, mais à la fin, je ne sais plus où j’habite et je pourrais devenir une sans domicile fixe… Références Code officiel géographique (COG / INSEE). 1999, 1 »e édition ; aujourd’hui avec mises à jour électroniques régulières. Paris : Institut National de la Statistique et des Études économiques (INSEE), http: / / www.insee.fr/ fr/ insee-statistique-publique ; http: / / www.insee.fr/ fr/ methodes/ nomenclatures/ cog/ (collectif) Le Petit Robert. Paris. 2012. Le Petit Robert. Paris : Dictionnaire Le Robert. Dénombrement de Population. Paris : INSEE. (http: / / www.insee.fr). Lejeune, Sylvie. Février 2000, révisée 2003. Charte de Toponymie. Toponymie du Territoire français. Saint-Mandé : Institut National d’Information Géographique et Forestière (IGN), http: / / www.ign.fr. Pour la charte : http: / / education.ign.fr/ sites/ all/ files/ charte_toponymie_ign.pdf Journal Officiel (J.O.) Note : de la République Française, dépend du cabinet du Premier Ministre, Direction de l’Information légale et administrative, Paris. Existe en version électronique authentifiée depuis 2004. http: / / www.journal-officiel.gouv.fr. PagesBlanches (PB). 2012. Annuaire téléphonique. Paris : PagesJaunes. Santana, Lilia, et Nowestern, Marcello. 2006. Le logement populaire et social en France. Paris, http: / / base.citego.info/ fr/ corpus_dph/ fiche-dph-6910.html SFO : Société française d’Onomastique, Paris. Résumé Conséquences de l’éradication de certains signes et marqueurs toponymiques L’observation de l’évolution de l’orthographie et de la typographie dans les annuaires téléphonique depuis trente ans est à la base d’une étude approfondie par l’auteur concernant Mauzac-et-Grand-Castang (Dordogne, France) Pages Blanches (PB) 2011. Les informations publiées dans les PB proviennent d’une entreprise commerciale privée, Pages Jaunes (PJ), qui reçoit ces informations de différents opérateurs téléphoniques qui ne fournissent pas toujours des informations correctes ou complètes. D’un point de vue légal PJ n’est pas propriétaire des données imprimées et n’a pas le droit de les modifier de quelle façon que ce soit. La privatisation de PJ en 2004 a incité à une réduction des coûts : logiciels, traitement des données, impression, distribution… On peut actuellement observer une réduction systématique de la longueur de textes ou des mots, ce qui se manifeste par un usage excessif d’abréviations, éradication presque total de déterminants, d’accents et de Constat et c onséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe <?page no="296"?> Michel A. Rateau 296 tirets dans les noms de commune. Le sujet de cette présentation mène l’auteur à se poser les questions suivantes : Devons-nous laisser les intérêts économiques et commerciales s’emparer de notre héritage onomastique ? A quoi cela sert d’essayer préserver notre héritage toponymique si le laisseraller devient la règle ? Qui pourrait être concerné du point de vue légal et prêt à agir pour faire respecter cet héritage ? Summary Consequences of the eradication of certain orthographic signs and toponymic markers The study of the evolution of the French telephone directories orthographic and typographic content, during the last three decades has led the author to undertake a more detailed investigation. He has based his research on Mauzac-et-Grand-Castang (Dordogne, France) PagesBlanches (PB = White Pages) 2011. The data published in the PB are provided by a private commercial company named Pages Jaunes (PJ Yellow Pages), who receive them from various commercial telephone operators who do not always produce correct or complete information. Legally, PJ does not own the printed data and is not allowed to alter them in any way. The privatization of PJ (2004) has encouraged a reduction the costs: software, data-processing / -entry, printing, routing… One now observes a systematic reduction of the length of the texts / words which is manifested by the excessive use of abbreviations, nearly total eradication of determinants, accents, and hyphens within communes names. The object of this presentation leads the author to ask the following questions: Should we let economic and commercial interests take over our onomastic heritage? What is the use of trying to preserve our toponymic heritage if carelessness becomes the rule? Who might be legally concerned and be ready to act in respecting the toponymic heritage? Zusammenfassung Konsequenzen der Auslöschung einiger orthografischer Zeichen und toponymischer Marker Die Beobachtung der Entwicklung von Orthografie und Typografie in franzöischen Telefonverzeichnissen über die letzten drei Jahrzehnte hat den Autor veranlasst, detaillierte Untersuchungen zu unternehmen. Seine Forschungen basieren auf dem Verzeichnis PagesBlanches 2011 der Gemeinde Mauzac-et-Grand-Castang (Dordogne, Frankreich) . Die in den PagesBlanches veröffentlichten Daten stammen von einem privaten Handelsunternehmen namens PagesJaunes, das sie wiederum von verschiedenen Telefonbetreibern erhalten, die nicht immer komplette oder korrekte Informationen liefern. Rechtlich gesehen ist PageJaunes nicht Besitzer des gedruckten Materials, und es ist ihm nicht gestattet, die Angaben in irgendeiner Form zu verändern. Die Privatisierung von PageJaunes (2004) hat Reduzierungen der Kosten mit sich gebracht, wie bei Software, Datenverarbeitung, Drucken, Ver- <?page no="297"?> 297 teilung. So kann nun eine systematische Verkürzung der Text- und Wortlänge beobachtet werden, was sich in dem übertriebenen Gebrauch von Abkürzungen, dem beinahe völligen Verzicht auf Determinatoren, Akzente und Bindestrichen in den Gemeindenamen niederschlägt. Aufgrund des Gegenstands dieser Untersuchung stellt der Autor die Fragen, ob kommerzielle Interessen die Oberhand über unseren überlieferten Namensgebrauch gewinnen dürfen; was die Pflege der Namensüberlieferung nützt, wenn Nachlässigkeit zur Regel wird; und wer juristisch betroffen sein könnte und bereit wäre, sich im Sinne der Namensüberlieferung zu engagieren. Constat et c onséquences de l’éradication de certains signes d’orthographe <?page no="299"?> Riemer Reinsma 1 The Hague: Den Haag or ’s-Gravenhage? Some Pragmatic Differences between Place-name Variants Introduction In The Netherlands scores of place names exist in two, sometimes even more variants. Two main categories can be distinguished: 1) Variants that came into being after a local sound change had created a new variant alongside the existing one (for example: Gorinchem > Gorkum; Doetinchem > Deutekom; Berinchem > Bennekom); 2) Free toponyms that obtained a specifier in order to avoid confusion with namesakes. Example: Die Hage > ’s-Gravenhage (‘the count’s game park’); 2 its namesake was specified as Princenhage (the prince’s game park). 3 In some cases the older variant (for example, Doetinchem) has preserved its status within the standard language domain, thus developing into an exonym while the new variant (Deutekom) has obtained the status of an endonym (the terms exoand endonym being used here within the context of the Dutch-speaking regions); in other cases (Bennekom) the reverse has happened; and in yet other cases (Den Haag/ ’s-Gravenhage, Gorinchem/ Gorkum) both variants have obtained a position within the standard language domain, none of them clearly having the status of an endonym. This paper confines itself to name variants in the standard language. Frisian toponyms that are used as counterparts of Dutch ones have been disregarded. Nor will the paper deal with socially restricted variants, in our case Straattaal (‘Street Language’) toponymic nicknames; Straattaal is a multicultural youth language variant whose lexicon contains many Sranan 4 , Moroccan Arabic, Berber and English elements (like Chillburg, nickname for Tilburg). The same goes for funny toponymic nicknames that have been derived from official names, like Rotjeknor (Rotterdam). Finally, shortened variants of a merely orthographical nature, like A’dam (for Amsterdam), which are not as such used in spoken language, have been ignored. 1 Amsterdam, The Netherlands. Reactions are welcome at r.reinsma@tekstdokter.net 2 Van Loon 1981: 146. 3 Leenders 1982: 220. 4 Sranan is the creole language spoken in the former Dutch colony Surinam; when it became independent in 1985 many of its inhabitants settled in the Netherlands. <?page no="300"?> Riemer Reinsma 300 Problem The question arises as to whether only one variant is to be considered as the official name (i.e., the name that is officially used by the local authorities), or more than one. If two or more variants have an official status, another question arises: do the variants have the same level of official use, or is one or more of them just a ‘tolerated’ form? If only one official variant exists, one might expect it to be used in an unmarked or formal register. Yet another question: Are name variants used in the same register, or in different registers (for example, a formal and an informal one, or an unmarked and an informal one)? Method First of all, a list of over 400 toponymic variants was compiled from Van Berkel & Samplonius (2006), who marked many (but not all) toponyms whose local pronunciation differs from the one in the standard language. 5 Many of these items, however, seem to be purely dialectal, both in the way they are written, and/ or in the way they are pronounced. For example, Mestreech (for Maastricht) is not found in the standard language. In order to determine whether these variants are at any stage in fact supraregional, i.e. known and/ or used in the rest of the country, the naming practice of WP Encarta, a Dutch encyclopedia on cd-rom, was employed to provide a basis for decisions. If two ore more name variants were found in this source - either as headwords or as ‘accepted’ search terms (an entry whose only function is, to refer to a headword), they were included in the data-set. The result of this operation was a list of 6 items that may be supposed to be well-known all over the country. This list largely corresponds to my personal expectations, with one exception: Encarta does not mention the variant Dordt for the city of Dordrecht. This seems astonishing, considering that Dordrecht, the oldest city of Holland, is still a sizable city and is wellknown because of a historically important church synod (1618-19) that lead to a new and authoritative Bible translation, based directly on the source languages of Aramese, Hebrew and Greek. General opinion considers Dordt as a well-known variant; for this reason the Dordrecht/ Dordt name pair is included in this paper. 5 Only a relatively small proportion of all toponyms entered have been provided by the authors with information concerning pronunciation. The authors (p. 7) seem to distinguish between (1) regional variants marked by a dialect label, like “Aalbeek (Limburgs: Aolbaek)” and (2) variants marked by the label Uitspraak (‘pronunciation’), like “Armweide [uitspraak: narmweide]”. It is not quite clear, however, what this distinction is based on. The latter category obviously consists of two subcategories (which unfortunately have not been marked separately), namely (1) purely local / dialectal variants like Deutekom (= Doetinchem) and (2) variants that are both local and supralocal, like Gorkum (= Gorinchem). <?page no="301"?> Some Pragmatic D ifferences between P lace-name V ariants 301 The name variants of an Amsterdam city quarter, namely Amsterdam- Zuidoost (‘South-East’), with its counterparts Zuidoost, Bijlmermeer and Bijlmer are also included in the list. In some cases, the WP Encarta selection is confirmed by anecdotal evidence. A story on the internet mentions someone who was laughed at because he could not pronounce the local name in question correctly. 6 Secondly, the paper examines to what extent name variants are interchangeable in terms of register use. Three registers will be used: 1) unmarked; 2) informal; 3) formal and archaic. Assigning these registers to toponyms has proved to be more difficult than one might expect. For example, Van Groesen & Verhoeven (2002), a guidebook on geographical names, claims that Den Bosch is the informal counterpart of ’s-Hertogenbosch (official name). The latter variant, it is implicitly suggested, is unmarked. I agree with this, but, changing the point of view, I would add that ’s-Hertogenbosch in its turn could be considered as more formal than its counterpart. Thus, Den Bosch might as well be called the unmarked counterpart of ’s-Hertogenbosch. How can the correct (or rather, complete) answer in this and similar cases be assessed? With the aid of Google, texts were sampled in which each of the name variants was found in combination with ‘calibrated’ search words belonging to the respective registers, and thus serving in a way comparable to guide fossils. Sharing the view that Den Bosch is an informal variant, one would be inclined to think that this variant will appear - or mostly appear - in texts that also include the familiar second-person pronouns jij, jouw and jou (singular) and jullie (plural), and rarely or not include the polite pronouns u and uw. On the other hand, I would have expected ’s-Hertogenbosch to appear (almost) exclusively in combination with polite second-person pronouns. Both expectations turned out to be false: both name variants occur in combination with both kinds of personal pronouns. In this respect, both variants are completely comparable to toponyms that only exist in one form, like Amsterdam: this form, too, can be used in a ‘polite’ context as well as in a ‘confidential’ context. The conclusion is, that confidential and polite pronouns together reflect the unmarked register. This refutes the view of Van Groesen & Verhoeven that Den Bosch is exclusively related to the informal register. The following search words were used in order to assess the marked register variants: 6 The story is as follows: ‘Once I was driving with an elderly resident of Rotterdam to the city of his birth when I saw a sign for a turning to a Rotterdam quarter. It said Charlois. “Chic name”, I said, “charlwaah” [French pronunciation; the name has a French origin, RR]. The Rotterdam man doubled over with laughter and almost hit the crash barrier. “You are not from Rotterdam, are you? ” he chuckled. “Saarloos [/ sa: rlos/ , RR] is what that quarter’s called.” <?page no="302"?> Riemer Reinsma 302 1) Informal register: the swear word fokking (‘fucking’, in adjectival and adverbal use). 7 In the case of Den Bosch, this litmus test showed that Den Bosch is used in the company of this informal lexeme, whereas ’s-Hertogenbosch is not. (This confirms Van Groesen & Verhoeven’s view.) 2) Formal register: the archaic adverb immer (‘ever, for aye’). 8 The search proved that both ’s-Hertogenbosch and Den Bosch go well together with this word. (This refutes both my intuition and Van Groesen & Verhoeven’s view.) Out of the 8 cases of name variation, 7 are related to municipalities; only Amsterdam-Zuidoost and its variants belong to a sub-municipal level. The question as to whether a given variant functions as the official name was examined by means of municipality websites: it goes without saying that the name variant used there is the official one. The Amsterdam-Zuidoost/ Zuidoost/ Bijlmermeer / Bijlmer case has a complication. This name cluster can refer to: 1. Amsterdam Zuidoost (official name), one of the seven administrative city districts instituted in 1987. The Amsterdam municipality website applies only the meaning mentioned first. Neither Bijlmermeer nor its shortened variant Bijlmer has an official status as a designation of the administrative district. 9 2. a residential quarter within this district. Results The table summarizes the relationships between name variants and register use, the official or non-official status of the variants, and whether or not they belong exclusively to the written domain. OS WL FR UR IR HC OV Amsterdam-Zuidoost YES YES YES ? Zuidoost YES YES YES YES ? Bijlmermeer YES YES YES 7 Fokking is marked in Van Dale 2005: 1033 as ‘very informal’. 8 Reinsma 1993: 33. Van Dale 2005: 1482 marks it as ‘formal’. 9 When the name Amsterdam-Zuidoost was created for the city quarter, it was felt as an euphemism: the Bijlmermeer (Bijlmer) had obtained a bad reputation due to mass immigration from Surinam. The present municipal terminology is, however, not entirely consistent. In 2006, a book entitled Bijlmerlicious! Wandelen in Amsterdam-Zuidoost (‘Bijlmerlicious: rambling in Amsterdam-South-East’) was published under the auspices of the administrative district of Amsterdam-Zuidoost. The pun in the title (Bijlmerlicious) betrays that the names Bijlmer(meer) and Amsterdam-Zuidoost are synonyms here. <?page no="303"?> 303 Bijlmer YES YES YES Brielle YES YES YES Den Briel YES YES YES YES YES ? Dordrecht YES YES YES YES YES Dordt YES YES YES Gorinchem YES YES YES YES YES Gorkum YES YES YES Groenlo YES YES YES YES YES Grol YES YES YES Den Haag YES YES YES YES YES ‘s-Gravenhage YES YES YES YES ‘s-Hertogenbosch YES YES YES Den Bosch YES YES YES YES Stavoren YES YES YES YES Staveren YES YES YES YES Table: Relationships between name variants and register use. OS = Official status; WL = Only in written language; FR = Formal register; UR = Unmarked register; IR = Informal register; HC = Mostly in historical conexts; OV = Oldest variant. Discussion Curiously, two official names occur almost exclusively in the written language, namely Gorinchem and ’s-Gravenhage. The earliest explicit mention of Gorinchem having developed into a merely written variant dates from 1922. 10 It is probably mainly used in travel news on the radio, or by travellers who are not aware that this name, seen on the road signs, is synonymous with Gorkum. 11 Gorinchem has rightly been called ‘map pronunciation.’ 12 The variant ’s-Gravenhage is probably only heard in notarial offices and the like, 10 Charivarius 1922: 114. 11 Busch 2005. Not all dictionaries agree on this point: Heemskerk & Zonneveld 2000: 279 claim that Gorinchem has a pronunciation of its own. The municipal administration, however, answers the phone with / ’ɣɔrkum/ . Anybody using spelling pronunciation for Gorinchem is looked at with astonishment, according to the information department (Busch 2005). 12 Van Berkel & Samplonius 2006: 64. Some Pragmatic D ifferences between P lace-name V ariants <?page no="304"?> Riemer Reinsma 304 when legal documents are read to someone. The question why the official name variants Gorinchem and ’s-Gravenhage have vanished from the spoken language must be left unanswered. Another curiosity is the competition between two official names: Den Haag (The Hague) and ’s-Gravenhage. The latter was traditionally the official name, but in recent times Dutch municipalities have tended to regard themselves as companies, which implies that they do not necessarily have to use the official name. In 1990, mayor and aldermen decided to adopt Den Haag as the official name with regard to the municipal organization, including the city council, the variant ’s-Gravenhage only being used in cases where this was legally binding or traditionally necessary, as in passports. 13 The railways and the automobile association, however, use Den Haag. The ‘bandwidth’, in terms of register use, of the official names varies. Sometimes, the official name is used in fewer registers than its non-official equivalent(s). For example, Amsterdam-Zuidoost is used in the unmarked and formal register, while a variant like Zuidoost also goes well with the informal register. Official name and non-official names agree in this respect in the case of Dordrecht/ Dordt: both of these fit in the register range that extends from formal via unmarked to informal. In some other cases, the non-official variant has a wider register range than the official one, as in the case of Den Bosch. Two toponymic variants (Den Briel [= Brielle] and Grol [= Groenlo] 14 ) are predominantly used in contexts referring to historical events of a great local or even national importance, and seem to owe their survival to these events. Both are generally related to military victories gained over the Spanish oppressors in 1572 and 1627, respectively, during the rise of the Dutch Republic. Both of these name variants were dominant at the time of the historical event concerned. Grol, renowned because of the 1627 conquest,was the common variant in the period from 1574 to 1627, as well as from 1627 to 1700. 15 It was only in C 19 that Groenlo became a serious competitor to Grol. More or less the same goes for Den Briel. Between C15 and 1572, Den Briel and its variants dominate (7 occurences) its counterpart (one occurence: stede van Briele ‘city of Briele’). This situation continues until the last quarter of C 18, when Brielle begins to dominate. 16 It is hard to see a general pattern in the relationships between ancient variants and official variants. Four out of the ancient variants still function as the official form: Den Haag, Dordrecht, Gorinchem, and Groenlo; but in the 13 Van der Meer & Boonstra 2006: 15. 14 Van Berkel & Samplonius 2006 seem to suggest that Grol is the dialectal variant. The Lower Saxon version of Wikipedia, however, maintains that Grolle is the dialectal variant, Grolle being ‘older Dutch’. The paper follows Wikipedia. 15 A count in DBNL and WNT produced a total of 24 occurrences of Grol as against 2 occurrences of the Groenlo type (1592 Grolle, 1654 Grunloe). 16 A frequency count was made, based on DBNL, ONW, MW, WNT and Historische Kranten. <?page no="305"?> 305 case of Den Haag both the older and the newer variant have an official status, as we have seen. Furthermore, the newer variant of Stavoren 17 has replaced Staveren as the official variant. 18 The ancient variant, Staveren, covers a narrower register range than its official and newer counterpart, Stavoren, 19 and is considerably less used. 20 The variant Staveren was ‘standard’ in C 17 and 18; 21 since then it has been supplanted by its counterpart. The latter became the official status in 1978, apparently because the municipality at the time was afraid that the name Staveren might be confused with Staverden, a hamlet elsewhere in The Netherlands. The small town of Stavoren (1,000 inhabitants) was an important seaport in the Middle Ages, but it owes its presentday nationwide reputation to being an aquatic sports center, and also to a folk tale called Het vrouwtje van Stavoren (‘the woman of Stavoren’), in which the town perishes by silting, as a punishment for the arrogant and prodigal behaviour of one of its inhabitants, a rich, female ship owner. The Stavoren name success may well be related to this myth. If historical newspapers are a reliable indicator of the frequencies of both variants, it can be stated that Het vrouwtje van Stavoren occurred in C 19 more often than Het vrouwtje van Staveren. 22 The myth seems to have become known mainly in C 19, precisely the period in which the Stavoren variant became popular. In the Brielle/ Den Briel case, prudence is called for, because both variants have been attested one after the other within a relatively short time (half a century). The main difference between them is the presence or not of the definitive article. Den Briel contains the obsolete declined form of the definite article, den; Brielle retains the obsolete case ending; no sound change, here. It seems reasonable to assume that Den Briel with its variants (often not preceeded by den but by ten, a combination of the local preposition te and the definite article) is the oldest variant: being accompanied by the article, it 17 Stavoren is the official (Dutch) name of this Frisian town. Its Frisian equivalent is generally supposed to be Starum (cf. Gildemacher 2009: 228; Van Berkel & Samplonius 2006: 424 ). Actually, Staveren is also used in Frisian contexts, although less frequently than Starum (cf. WFT). The inhabitants do not speak Frisian, but Stadsfries, a local variant of Dutch. The Frisian name variant Starum will be disregarded in this paper. 18 Earliest attestation end of C 11. 19 It might seem that the two variants only differ in the vowel of the second syllable, but there is a more striking difference: in Stavoren the second syllable has the accent, whereas Staveren has an initial accent. Stavoren is probably folk etymology, that came into being in C 13, after the form of Staveren had became unintelligible (Reinsma 2012: 212). 20 For what it is worth: a Google search (6-2-2012) shows that Stavoren is used three times more often than its older counterpart (1,990,000 against 693,000). 21 Gildemacher 2007: 229. 22 Historische Kranten mentions Het vrouwtje van Stavoren and variants (like De vrouwe/ Het weeuwtje/ Het vrouwken van Stavoren) 7 x in C 19, against Het vrouwtje van Staveren and its variants 2 x. The count concerns news articles and advertisements (repeated advertisements counting as one mention). Some Pragmatic D ifferences between P lace-name V ariants <?page no="306"?> Riemer Reinsma 306 most resembles the original appellative. 23 If we leave the 1257 variant aside, the oldest and unmistakable variant with the article is ten Briele (1316). Finally, it may be observed that the ancient variants (Den Haag, Den Bosch, Dordrecht, Gorinchem, Groenlo) generally speaking maintain themselves successfully against the more recent counterparts (’s-Gravenhage, ’s-Hertogenbosch, Dordt, Gorkum, Grol). Gorkum, however, is remarkably successful, at least in the spoken language domain, and can even be said to have more or less overruled its official counterpart. 24 It has been suggested that Gorkum owes its overwhelming position in spoken language to the expression martelaren van Gorkum (‘Gorkum martyrs’), dating from an episode in the Dutch Reformation. 25 In 1572, the Water Beggars murdered 19 priests and friars because they would not renounce their Catholic faith. It is true that the usual expression in The Netherlands is martelaren van Gorkum, not martelaren van Gorinchem. 26 Phonologically speaking, the main difference between the two variants is the pronunciation of the initial consonant in the last syllable: / k/ in Gorkum, / x/ in Gorinchem. Although there are no attestations before 1664, we may expect that the expression was pronounced in 1572 with / k/ . This is to some extent corroborated by closer examination. Certainly, the earliest unmistakable attestation of the / k/ variant was in 1290 (Gorcom), 27 and in the period between then and 1572, when the tragedy happened, its frequency was by far surpassed by the / x/ variant. But from 1572 on, the / k/ variant occurred in written texts a little more often than its older counterpart, in contrast to the previous period. 28 It seems improbable, however, that the expression concerning the martyrs on its own could have been responsible for the linguistic success of the / k/ pronunciation of the city name as such. And the question remains unsolved as to why Gorkum has apparently been very successful, and similar non-official variants elsewhere in the country - Dordt, Grol - have been banished to historical discourse. It is hard to believe that the martyr massacre, though tragic, was felt to be much more important than the 1572 victory of the Water Beggars, or the Grol conquest (1627) by the Stadholder, or the 1618-’19 synod, convened by the States General. 23 Van Berkel & Samplonius 2006: 76 mention Briele as the oldest variant in 1257, but they do not give any context; and it is not clear whether the name is preceeded by the definite article. 24 Van Groesen & Verhoeven 2002: 223 consider Gorkum as the informal variant. It is, however, hard to understand how Gorinchem can be the unmarked variant, considering that this variant occurs exclusively in spoken language. 25 Van Berkel & Samplonius 2006: 154. 26 A count in DBNL and WNT concerning the period from C 17 (oldest attestation) until 1900 shows 17 occurrences of martelaren van Gorkum or Gorcumsche martelaren and orthographic variants (attestations from 1664 on), against 4 occurrences of martelaren van Gorinchem (earliest attestation 1770; latest attestation 1866; no C 20 attestations). 27 Van der Donk 1938: 6. 28 Based on a count from ONW, MW, WNT, Van Berkel & Samplonius and Van der Donk 1938). <?page no="307"?> 307 Sources Van BERKEL, Gerald & SAMPLONIUS, Kees. Nederlandse plaatsnamen. Herkomst en historie. Utrecht: Het Spectrum, 2006. BUSCH, A.J. Hoe wordt Gorinchem geschreven en uitgesproken. In: Oud Gorcum Varia no. 61 (2005): 107-18. On the internet: http: / / www.oudgorcum.nl/ index.php? page=shop.product_details&product_id=938&flypage=f lypage.tpl&pop=0&option=com_virtuemart&Itemid=4 Van DALE Groot woordenboek van de Nederlandse taal. Utrecht/ Antwerpen: Van Dale lexicografie, 2005. DBNL -Digitale Bibliotheek voor de Nederlandse letteren. http: / / www.dbnl.org/ index.php Van der DONK, W.A.. De geschiedenis der schrijfwijze van de plaatsnamen Gorinchem en Woudrichem (III). Gorinchem: Van Andel Jzn., 1938. FRUIN, Robert. Geschiedenis der staatsinstellingen van Nederland. 2nd, revised edition. ’s-Gravenhage: Nijhoff, 1922. GILDEMACHTER, Karel. Friese Plaatsnamen. Alle steden, dorpen en gehuchten. Leeuwarden: Friese Pers Boekerij, 2007. Van GROESEN, JAN & VERHOEVEN. Gerard. Wijzer van geografische namen. Den Haag: Sdu Uitgevers, 2002. HEEMSKERK, Josée & ZONNEVELD. Wim. Uitspraakwoordenboek. Utrecht: Het Spectrum, 2000. Historische Kranten [a database of historical newspapers] is on the internet: http: / / kranten.kb.nl/ results http: / / www.meertens.knaw.nl/ nfb/ detail_naam.php? gba_naam=vanOfferen&nfd_ naam=Offeren, van&info=analyse en verklaring&operator=rx&taal= http: / / www.youtube.com/ watch? v=nJOT4cwLqXs LEENDERS, K.A.H.W. Princenhage. Een dorp met twee namen. In: Naamkunde vol. 14 (1982): 220-30. LOON, J. van. De betekenis van toponymische samenstellingen. In: Naamkunde vol. 13 1981): 131-87. Van der MEER, A, & BOONSTRA, O. Repertorium van Nederlandse gemeenten 1812- 2006. Revised edition, July 2006. MW - Middelnederlandsch Woordenboek. On the internet: http: / / gtb.inl.nl/ ONW - Oudnederlands Woordenboek online. Leiden: Instituut voor Nederlandse Lexicologie, 2007-2009. http: / / gtb.inl.nl/ REINSMA, Riemer. Synoniemenwoordenboek. Utrecht: Het Spectrum, 1993. REINSMA, Riemer. Het vrouwtje van Staveren? In: Onze Taal 2012: 212. Wikipedia (Dutch version) Wikipedia (Lower Saxon version) http: / / nds-nl.wikipedia.org/ wiki/ Grolle WFT -Wurdboek fan de Fryske Taal. On the internet: http: / / gtb.inl.nl/ / ? owner=WFT WP Encarta Naslagbibliotheek Winkler Prins, cd-rom (2003) Résumé La Haye: Den Haag ou ’s-Gravenhage? Quelques différences pragmatiques entre variantes de noms de lieu Dans les Pays-Bas, beaucoup de noms de lieux existent en deux variantes: 1) des variantes qui trouvent leur origine dans une mutation phonologique et qui existent à côte de l’ancienne forme (par exemple: Gorinchem > Gorkum; Doetinchem > Deutekom: Berinchem > Bennekom); 2) des noms de lieux qui ont Some Pragmatic D ifferences between P lace-name V ariants <?page no="308"?> Riemer Reinsma 308 obtenu un déterminant afin d’éviter la confusion avec un homonyme (exemple: Die Hage > ’s-Gravenhage). En plusieurs cas (par exemple, Doetinchem) la plus ancienne variante a maintenu son statut dans le domaine du langage standard, et s’est développé par conséquent en un exonyme, tandis que la nouvelle variante a obtenu le statut d’endonyme (les termes exoet endonyme sont appliqués, ici, dans le contexte de ‘l’aire linguistique néerlandaise). En d’autres cas (exemple: Bennekom) on observe le phénomène contraire: la nouvelle variante est devenu exonyme. En d’autres cas encore (Den Haag/ ’s- Gravenhage, Gorinchem/ Gorkum) les deux variantes ont obtenu une place dans le domaine du langage standard, évidemment sans qu’aucun des deux ait clairement le statut d’endonyme. Le rapport examine cette dernière catégorie de paires de noms. La question se pose de savoir si c’est ne qu’une seule variante qui doit être considérée comme le nom officiel (c’est à dire, le nom qui est employé par les autorités eux-mêmes), ou tous les deux. Si les deux variantes ont un statut officiel, la question se pose de savoir si les deux variantes sont employées dans le même registre, ou bien dans des différents registres (par exemple, un registre formel et un registre informel). Si il n’existe qu’une variante, on s’attendrait à ce qu’elle soit employée dans un registre neutre ou formel. La recherche montre que dans certains cas deux variantes existent l’un à côté de l’autre. Le rapport propose une explication historique. Summary The Hague: Den Haag or ’s-Gravenhage? Some Pragmatic Differences between Place-name Variants In the Netherlands, scores of place names exist in two variants: 1) Variants that came into being after a local sound change had created a new variant besides the existing one (for example: Gorinchem > Gorkum; Doetinchem > Deutekom; Berinchem > Bennekom); 2) Free toponyms that obtained a specifier in order to avoid confusion with namesakes (example: Die Hage > ’s-Gravenhage). In some cases (for example, Doetinchem) the older variant preserved its status within the standard language domain, thus developing into an exonym while the new variant obtained the status of an endonym (the terms exoand endonym being used, here, within the context of the Dutch-speaking regions); in other cases (Bennekom) the reverse happened: it was the new variant that developed into an exonym. In yet some other cases both variants obtained a position within the standard language domain, none of them clearly having the status of an endonym (Den Haag/ ’s-Gravenhage, Gorinchem/ Gorkum). The paper examines this last category of name pairs. The question arises, whether only one variant is to be considered as the official name (i.e., the name that is officially used by the local authorities themselves), or both. If both variants have an official status, the question arises whether the two forms are used in the same register, or in different <?page no="309"?> 309 registers (for example, a formal and an informal one, or a neutral and an informal one). If only one official variant exists, one would expect that it is used in a neutral or formal register. The research shows that in some cases two official variants exist side by side. The paper proposes a historical explanation. Zusammenfassung Den Haag oder ’s-Gravenhage? Einige pragmatische Unterschiede zwischen den Varianten von Ortsnamen In den Niederlanden existieren viele Ortsnamen in zwei Varianten: 1) Varianten, die entstanden sind, nachdem eine örtliche phonologische Änderung eine neue Variante geschaffen hatte neben der schon bestehenden Variante (z.B. Gorinchem > Gorkum; Doetinchem > Deutekom; Berinchem > Bennekom); 2) Nicht-zusammengesetzte Toponyme, die eine Spezifizierung bekamen, damit Verwechslung von gleich lautenden Namen vermieden wurde (z.B. Die Hage > ’s-Gravenhage). In einigen Fällen (z.B. Doetinchem) behielt die ältere Variante ihren Status innerhalb der Domäne der Standardsprache und entwickelte sich so zu einem Exonym, während die neue Variante den Status eines Endonyms bekam (die Termini exo- und endonym werden hier verwendet im Kontext des niederländischen Sprachgebietes); in anderen Fällen (Bennekom) geschah das umgekehrte, und wurde die neue Variante zum Exonym. In noch einigen anderen Fällen bekamen beide Varianten eine Stellung innerhalb der Domäne der Standardsprache, wobei keine von ihnen den Status eines Endonyms hat (Den Haag/ ’s-Gravenhage, Gorinchem/ Gorkum). Das Paper untersucht diese letzte Kategorie der Namenpaare. Es erhebt sich die Frage, ob nur eine Variante betrachtet werden muss als der offizielle Name (das heisst, der Name der offiziell benutzt wird von den örtlichen Behörden), oder beide. Wenn beide Varianten einen offiziellen Status haben, ergibt sich die Frage, ob beide Formen in derselben Stilebene benutzt werden, oder aber in verschiedenen Stilebenen (z.B. einer formellen und einer informellen, oder einer neutralen und einer informellen). Wenn nur eine offizielle Variante existiert, liesse es sich erwarten, dass diese gebraucht wird in einer neutralen oder formellen Stilebene. Die Untersuchung zeigt, dass in einigen Fällen zwei offizielle Varianten nebeneinander existieren. Das Paper schlägt eine geschichtliche Erklärung vor. S ome Pragmatic D ifferences between P lace-name V ariants <?page no="311"?> Betina Schnabel-Le Corre 1 Prepositional Phrases and Coordinated Phrases in Toponyms: a Contrastive Study of Germanic and Romance Languages Introduction In complex toponyms the generic constituent is often modified, restrained or limited by a specific constituent. The nature of this modifier is mostly an adjective, a common or proper noun, or a syntactic phrase i.e. noun or prepositional phrase. They occur in different structures with quite different frequency according to the family of languages. Anteposed modifiers and close compounds are more frequent in Germanic languages than in Romance languages as show the exonyms in the different languages das Rote Meer (German), the Red Sea (English), Röda Havet (Swedish), Osttimor (German), East Timor (English), Östtimor (Swedish) Postposed modifiers, adjectives as well as nouns (often appositions) occur more often in Romance languages (Leroy, 2004) Mer rouge (French), Mar Rosso (Italian), Mar Rojo (Spanish) Timor-Oriental (French), Timor Orientale (Italian), Timor-Leste (Portuguese) Prepositional phrases as specific constituent and coordinated noun phrases in complex toponyms show on the contrary, the same structure in Germanic and Romance languages, but their frequency, distribution and use is quite different from language to language. I will analyse the structure of mainly oikonyms in some languages which - according to a functional analysis (Stani-Fertl, 2001, Löfström & Schnabel, 2010)) - have often a proper name as generic (Pg) and another proper name in the prepositional phrase, which serves as a specific constituent (Ps) 2 . This structure is rare in Romanian, as for example in Ramnicu de Jos and hardly exists in Swedish, but some toponyms have recently been created as Lidköping vid Vänern. Frankfurt am Main (German), Hay-on-Wye (English) Perales de Tajuña (Spanish), Noyal-sur-Vilaine (French), 1 Université Rennes 2, EA 3874, LIDILE betina.schnabel@univ-rennes2.fr 2 The abbreviation will be used during the whole paper A=appellative, P = proper name or proprial element, g=generic and s= specific <?page no="312"?> Betina Schnabel-Le Corre 312 Morano sul Po (Italian) Compared to prepositional phrases, coordinated structures are quite frequent as well in Germanic as in Roman languages. Their internal structure shows a second noun-phrase combined to the first one by a simple juxtaposition often written with a hyphen or by means of a coordinator. The frequency of either a noun-phrase simply juxtaposed or appended by a coordinator differs from one language to the other: Mecklenburg-Vorpommern (German), Seine-St.Denis (French), Perth and Kinross (English), Toscolano-Maderno (Italian), Ille-et-Vilaine (French) Nevertheless other structures with an appellative specific constituent (As) as Pg + As (Houghton on the Hill (English)) or even two appellative constituents Ag + As (Costa del Sol (Spanish)) are of course possible and taken into account in this study. The different semantic values of prepositions and the use in context of toponyms with preposition and coordinated phrases as modifiers will be examined in detail. 1 Different complexity of toponyms Prepositional and coordinated phrases only occur in complex transparent structures. Transparent toponyms can easily be classified in order to the nature and position of the specific constituent, which is related to the generic one. To determine the topic of this study, a classification of the toponyms in order to their specific constituent has been elaborated: - A first distinction can be made by determining, whether the specific constituent (As/ Ps), or modifier, is an adjective or a noun or noun phrase 3 . - A second distinction can be made by examining the position of the modifier, that means distinguishing anteposed or postposed specific constituents. - And finally a distinction can be made according to the nature of the postposed noun modifier, which is for this study - very important. The postposed modifer can be a case-marked noun phrase, which is often a genitive (Nübling 2012), an apposition, a coordination or prepositional phrase. Case-marked Noun Phrases either postposed or anteposed (Ag/ Pg + case marker + As/ Ps) or (As/ Ps + case marker + Ag/ Pg) Kap der Guten Hoffnung, Land’s End, Dals Ed (in German, English, Swedish and other case-marked languages) Appositions (Ag/ Pg + As/ Ps) Mount McKinley (English), Kloster Ettal (German), Lac Victoria (French), Monte Sella (Italian) Coordinated Noun Phrases (As/ Ps + COORD + As/ Ps) 3 The focus of our study is given in bold face <?page no="313"?> Prepositional Phrases and Coordinat ed Phrases in Toponyms 313 Rheinland-Pfalz (German), Shaw and Compton (English), Robecchetto con Induno (Italian) Prepositional Phrases (Ag/ Pg + PREP + As/ Ps) Reit im Winkel (German), Hay-on-Wye (English), Nogent sur Marne (French), Salerano sul Lambro (Italian) This paper will focus on transparent toponyms with postposed modifiers, which are either prepositional phrases or coordination structures. 1.1 Postposed nominal modifiers To illustrate these cases, here are some examples for postposed structures all of which have - independent from the language - the global functional structure: Ag/ Pg + As/ Ps, i.e. a generic, appellative or proper noun, followed by a specific constituent, which may be an appellative or proper noun related one-another in a hypotactic relation: Prepositional Phrases: German: Frankfurt am Main French: Vern sur Seiche English: Stratford-upon-Avon Italian: Bussi sul Tirino Coordinated Noun Phrases (with or without coordinator): Frequent case in German: Rheinland-Pfalz, Castrop-Rauxel Usual in English: Shaw and Compton, Barnacre-with-Bons Very rare in Swedish: Skanör-Falsterbo Not very frequent in French: Seine-St Denis, Ille-et-Vilaine Frequent case in Italien: Cavalino-Treporti, Pessano con Bornago, Pescarolo ed Uniti The similarity between these examples is even greater as the preposition is semantically close and defines the positions of a town compared to its river: Main, Seiche, Avon and Tirino. On the other hand the coordinated structure in toponyms is analysed and classified. In German, coordinated toponyms are mostly written with a hyphen, but on an oral level they are just two juxtaposed names, i.e. Castrop- Rauxel, Idar-Oberstein. In English, coordinated toponyms are often built with the coordinator ‘and’, Shaw and Compton, but also with the preposition ‘with’, mainly for parishes, like Barnacre-with-Bons. In Swedish, the coordination is quite unusual, but some recent structures can be found like Skanör- Falsterbo. In French, the coordination is mainly applied to administrative units like départements, and in this case the coordination may be a simple juxtaposition (written with a hyphen) i.e. Seine-St. Denis, or a construction with the coordinator et (‘and’), Ille-et-Vilaine. In Italian, the three ways to build a coordinated toponym are used. That means juxtaposition with a hyphen, Cavalino-Treporti, the preposition con (‘with’), Pessano con Bornago and the coordianator e(d) (‘and’), Pescarolo ed Uniti. <?page no="314"?> Betina Schnabel-Le Corre 314 The use of the preposition ‘with’ in English and ‘con’ in Italian is one of the reason why coordinations have been included in this study for they are on the borderline between prepositional phrases and coordinated phrases, another is their similarity of use in context. 1.2 General structure of a prepositional phrase As we have already seen, in opposition to adjective modifiers and compounds, the position of the prepositional phrase is not a question of the familly of languages (i.e. Germanic versus Romance languages). Still the different languages illustrated here show great varieties and differences in this type of specific constituents: German: Reit im Winkel, Spittal an der Drau (a lot of prepositions) English: Hay-on-Wye, Spittal-in-the-Street (a lot of prepositions) Dutch: Bergen aan Zee, Wijk en Aalburg (various prepositions) French: Noyal sur Vilaine, Fontenay sous bois (various prepositions) Italian: Bagno a Ripoli, Campo nell'Elba (various prepositions) Spanish: Santiago de Chile, Costa del Sol (only ‘de’ [+ determiner]) Rumanian: Viçeu de Sus, Fulga de Jos (only ‘de’) 2 Prepositional phrases as modifiers The typical functional structure of a toponym modified by a prepositional phrase is the combination of an appellative or a proper constituent and another appellative or a proper constituent, which is appended by means of an introducing preposition: Ag/ Pg + As/ Ps [= preposition +(determiner)+NOUN] Probably, toponyms with a prepositional phrase as specific constituent are the most ‘transparent structure’, that can be found in toponymy. Unlike compounds, which often ‘lose’ their original sense, e.g. Cambridge (the bridge over the Cam, which is today more than only a bridge), Hamburg (which is not understood as a fortification), or Trollhättan (hättan ‘the bonnet’ of the troll, which is not a geographical concept but a cultural reference associated with the location), prepositional phrases in place-names signify the topographical situation of the designed place. German: Frankfurt am Main / an der Oder English: Houghton on the Hill / le Side Dutch: Wijk aan Zee / en Aalburg French: St Martin d’Uriage / d'Hères Italian: Rocca di Cave / di Papa Spanish: Santiago de Chile/ di Compostella Rumanian: Fulga de Sus/ de Jos Swedish Linköping/ Lidköping vid Vänern <?page no="315"?> Prepositional Phrases and Coordinat ed Phrases in Toponyms 315 The prepositional phrase introduces spatial relationship and it is semantically relevant, for example to distinguish homonyms (or sometimes only understood as homophones Linköpping ≠ Lidköping vid Vänern). In some way they play the role of a deictic constituent. In some rare cases the prepositional phrase itself stands alone as a toponym: German: Zum Haff (preposition zum ‘at’)) French: Chez Bruno (preposition chez ‘by’) Portuguese: Tras Montanhas (preposition tras ‘over’) But the prepositional phrase can also reflect a political necessity when deep geopolitical changes have affected a town, a region or a country. With the help of distinctive geographical or political features new names are created i.e. in French: Corée du Nord ≠ Corée du Sud. 2.1 Prepositional phrase as geopolitical choice Prepositional phrases are not only added to a toponym to disambiguate homonyms but also to attest the growing importance of a town a very frequent reason indeed where a lot of examples can be found in Germany. For instance, the town of Leutkirch has had the right since 1974 to be called Leutkirch im Allgäu (even if there is no other town in Germany called Leutkirch). Another case is the township of Küssnacht am Rigi in Switzerland, a town that obtained the right to append a prepositional phrase in 2004. For English toponyms in general, I found on the home page of Stratfordupon-Avon, that a village: “uses the term ‘on’ to indicate that it covers a much larger area than the town itself”, like the District of Stratford-on-Avon compared to the city Stratford-upon-Avon (home-page of Stratford). In other cases, it’s a means of marketing to promote the locality for the purposes of tourism, as for example, part of a sponsorship deal or publicity stunt. These cases are very frequent in France, but exist of course in other countries, as Roman Stani-Fertl (2011) illustrated in his contribution to the 2011 ICOS meeting in Barcelona: - The little town of Klagenfurt became Klagenfurt am Wörthersee (2004, Austria), to vaunt its geographical situation just on the banks of a lovely lake. - Bahlingen chose to append am Kaiserstuhl (1996, Germany) to point out its geographical situation in the middle of the famous region of wine. - The name of the Côtes du Nord in Bretagne was changed ito the Côtes d’Armor (1990, France), because du Nord (‘from the North’) would sound too cold. - Bernay, nowadays Bernay en Champagne (re-baptised in 2005, France), was very glad to finally benefit from the well-known reputation of French champagne. <?page no="316"?> Betina Schnabel-Le Corre 316 There are towns and townships, which also abdicate their prepositional phrases, often because of their complexity like Barthelémont-lès-Bauzemont in France for example. The renaming may sometimes even create almost poetical names like the town of Cordes in France, which helped to take itself to a higher level in renaming the town in 1993 Cordes-sur-Ciel (‘Cords in Heaven’). The analysis up to here concerned first of all examples having a proper name as generic, which is followed by a prepositional phrase. Indeed, except in structures with the preposition ‘de’ or ‘di’ in Romance Languages, like Lago di Como (Italian), Côte d’Or (French), the generic is nearly always a proper name. It sometimes concerns the preposition 'of' in English as well, but this structure is mostly considered as an apposition (Embleton & Härmä, 1993, Schnabel, 2012). 2.2 Translation of prepositions without semantic value The specific status of these prepositions can be illustrated by comparing similar structures or translations in different languages mainly in translation from Romance languages to Germanic ones. Frequent cases are corresponding toponyms built with preposition ‘d’/ de/ di/ ’ in Romance languages and compound toponyms in Germanic languages, but also with a Saxon genitive, where the specific constituent is as in compounds - an ante-posed modifier (Löfström & Schnabel, 2011): Ag + As As + Ag French: Villeneuve => German: Neustadt Italian: Ciudad Nueva => English: Newtown Swedish: Nystad Ag + prep +As As + Ag French: Côte d’Ivoire => German: Elfenbeinküste English: Ivory Coast Swedish: Elfenbenskusten Ag +prep + Ps Ps + Ag Italian: Lago di Garda => German: Gardasee Swedish: Gardasjön Ag + prep + Ps Ps + Ag French: Détroit de Béring => German: Beringstrasse English: Bering Strait Swedish: Berings sund (genitive) Dutch: Bering Straat 2.3 Semantic value of the preposition Some languages show a great variety of prepositions, which are used to create toponyms or additions to toponyms, which are semantically relevant: <?page no="317"?> Prepositional Phrases and Coordinat ed Phrases in Toponyms 317 German: an, ob, auf, bei, in, über, unter English: at, by, near, with, in, le, on, upon, under, without, within French: en, lès, sous, sur Italian: a, con, di, in, sopra, su What is important is that the preposition allows the relation between the situation of the locality and the geographic or topographic reality related by the preposition to be expressed. As geographic objects are mentioned the name of rivers (very frequent), lakes, but also an appellative topographic indication (wood, sea, hill...), or the toponym of the bigger nearby town or the region. German: Reit im Winkel [As, ‘corner’], Neustadt bei Coburg [Ps, a town] English: Houghton-on-the-Hill [As], Burton-upon-Tyne [Ps, a river] French: Fontenay sous bois [As ‘wood’], Chalons-en-Champagne [Ps, a region] Italian: Francavilla al Mare [As ‘sea’], Rignano sull’ Arno [Ps, a river’] But for nearly all construction with a prepositional phrase it is evident, that the connection between the generic and the specific constituent is quite loose. In the majority of cases, the prepositional phrase is elided in everyday conversation and in non-ambiguous contexts: As shown in the following examples, full forms are not necessary in non-ambiguous contexts: German: “Ich lebe in Frankfurt” (am Main / an der Oder? ) English: “I’m living in Newcastle” (under-Lyme,upon-Tyne? ) French: “Je travaille à Noyal “ (sur Seiche, sur Vilaine? ) Italian: “Andiamo a Rocca” (di Botte, di Cave, di Papa? ) Actually on the Wikipedia web site relevant to Burton, the first sentence deals with the use of the name: “Burton upon Trent, also known as Burton-on- Trent or simply Burton, is a town straddling the River Trent in the east of Staffordshire, England”. The quotation shows without doubt, that the difference between ‘on’ and ‘upon’ is not very important in English toponyms and that the prepositional phrase is easily omitted. 2.4 Status of prepositional phrases in toponyms These examples illustrate another question, which is the limit of proper names in general and here the limit of the toponym. If toponyms like Burton can be used with a prepositional phrase introduced by upon or on or without any modifier at all, what finally makes the difference between the use of the following forms? French: Vienne en Autriche, Vienne en Isère, Noyal sur Vilaine, Noyal sur Seiche, Noyal dans les Côtes-d’Armor English: Rome in Italy, Rome in Pensylvania German: Freiburg im Breisgau, Freiburg in der Schweiz <?page no="318"?> Betina Schnabel-Le Corre 318 Only Freiburg im Breisgau and Noyal sur Seiche, Noyal sur Vilaine, are officially registered names, that means that they are considered as one and only one toponym and not as a toponym followed by a prepositional phrase specifying the geographical localisation. Vienne en Isère is only registered as Vienne just as Freiburg in der Schweiz whereas Freiburg im Breisgau is the official name of the homonym town in Germany. But on a pragmatic level the non-official form composed of two toponyms related by a preposition is as relevant in a conversation to disambiguate dubious contexts: To say in French “Je vais déménager à Vienne” (‘I’m going to move to Vienna’) without specifying that the person is speaking about the city of Vienna in Austria, will easily be understood by a person living in the South-East of France as somebody going to move to the nearby town in Drôme, and not - as the person intended to the big town of Vienna in Austria. The same misunderstanding will occur with a person living in Pennsylvania, who will not stay in Pennsylvania but move to Italy: “ I have got a job in Rome” or in German “Ich besuche einen Freund in Freiburg” (I will visit a friend in Freiburg), when the friend lives in Switzerland and not in Breisgau. These examples show clearly, that the limit of toponyms between complex toponyms and the enumeration of several toponyms and even between proper name and common name is not always as obvious as supposed. Hudson Bay (English), baie d’Hudson, La Croix du loup pendu (French) = considered as one single toponym la baie du Mont St Michel (French), the Georgian capital of Tbilisi (English) = a combination of common nouns and toponyms. Diacritics are used in written language to disambiguate between a complexe toponym and several toponyms, or between proper name and common noun as for example in the use of hyphen between heads in a simple juxtaposition (Baden-Württemberg) or even if the toponym is a combination of a proper name with a prepositional phrase like Bisley-with-Lypiatt, Clacton-on- Sea (English), Reit-im-Winkel (German), when it comes to official use. 3 Coordination in toponyms: In opposition to toponyms with prepositional phrases, coordinated toponyms have the global structure of two specific constituents into a paratactic relation (and not a hypotactic). In other words, both constituents are heads combined in a simple juxtaposition, currently written with a hyphen, or linked by a preposition or coordinator. On a functional level the second head is not a modifier and the first one not a generic, but both heads are considered as a specific proper name, even if the result is one and only one official toponym. <?page no="319"?> Prepositional Phrases and Coordinat ed Phrases in Toponyms 319 3.1 Creating new toponyms Coordinated toponyms often reflect administrative reforms, which unify two or more localities in one. This is often the case of German ‘Länder’ and cities like Baden-Württemberg, Wanne-Eickel, of English parishes like Bagworth-and-Thorton, or Bisley-with-Lypiatt, where several villages are put together to form one parish, or one département in France or one regione in Italy. This form of toponym can be very complex for it is not unusual to combine toponyms with prepositional phases to build a coordinated toponym. The most interesting cases for us are the structures with prepositional phrases, but which - in this case - are not used as specifier, that means they do not semantically situate a toponym in a bigger context, but express the unification of two ore more localities, like the prepositions ‘with’ and ‘con’. On a semantic level the prepositions ‘with’ in English and ‘con’ in Italian can - in this case be considered as coordinators: English: Brobury with Monnington on Wye Italian: Corte de Cortesi con Cignone French: Provence-Alpes-Côte d’Azur But actually, the three examples are different: In the English example, a simple toponym as first constituent has been combined with a prepositional structure (‘on’) by means of the “coordinator” ‘with’; whereas in the Italian example, a prepositional structure (‘de’) as first constituent has been combined with a simple toponym with the coordinator ‘con’. Finally in the French example, three constituents have been combined by a simple juxtaposition (on the orthographic level with the help of hyphens), where only the last one shows the structure of a prepositional phrase. 3.2 Elision of one of the heads In context, toponyms with a coordinator are often reduced to one of the heads. This shows clearly the difference between prepositional phrases as modifier on the one hand, which introduce a specification to the generic toponym, and the prepositions ‘with’ and ‘con’ on the other hand, which put together different localities, which have each a name of their own. Examples for the use of each one of the heads can be easily found on Internet, tourist brochures, schoolbooks and other sources, as show the German town of Wanne-Eickel, the island of the Antilles Trinidad and Tobago, the small town in Italy Cavalino-Triporti, and the big region in France Provence-Alpes-Côte d’Azur: German: “Eickel ist größer als Wanne“ (Wanne-Eickel) English: “Flights from Trinidad to Tobago” (Trinidad and Tobago) Italian: “Andiamo da Cavalino a Treporti” French: “Après mes vacances dans les Alpes, j'irai en Provence et puis sur la Côte d'Azur” <?page no="320"?> Betina Schnabel-Le Corre 320 Complex forms like the parish of Brobury with Monnington on Wye or the township of Trinità d'Agultu e Vignola show the same characteristics as the two sorts of noun modifiers discussed above, the head (or the heads) mostly stands alone in everyday conversation. Certainly people in Brobury with Monnington on Wye just say on the phone: “Sorry darling, I’m late, I’m still in Brobury’ or “Listen, I will be late, I’m still in Monnington’. Both kinds of toponyms, with prepositional or coordinated structure, are frequently created for the reasons mentioned above, i.e. the needs of administrative names after reforms or restructuration of the landscape or geopolitical overthrow. When the constituents of these new toponyms differ in their topographic nature from the result (i.e. two rivers in addition form a new département) the heads can of course not stand alone. This is the case in the following examples: German: Main-Spessart (a river and a mountain) French: Ille-et-Vilaine (two rivers), Seine-St Denis (a river and a town) Italian: Robecchetto con Induno (several farms linked to a village) Conclusion Toponyms with a prepositional phrase or a coordinated headword are loose connections of different structure but which show similarities in use in context. In our study we focused on oikonyms, and showed that in toponyms modified by a prepositional phrase (Pg/ Ag + preposition + Ps/ As), the preposition has a semantic value and allows the introduction of spatial relationship between the generic and the modifier, that may be a town over a river (Stratford-upon-Avon, Frankfurt am Main, Noyal sur Vilaine). Often the prepositional phrase is dropped in everyday conversation and the generic constituent used alone. In a toponym, where two or more heads are coordinated, each head is considered as being a specific proper name (Ps + Ps (+ Ps)). This kind of toponym can be built by simple juxtaposition written with a hyphen or not ), or juxtaposed by the means of a coordinator (East and West Newbiggin). Each constituent can already be a complex toponym (Ps + (coordinator +) Ps (=Pg/ Ag + prep + As/ Ps), like Brobury with Monnington on Wye) and each one of the heads can be used on its one. This special use with an elision of one of the constituents depends of course of the context. It is clear, that the closer the locality is and the more familiar it is in to the user, the easier it is to drop either the prepositional phrase (or specific constituent) or one of the headwords. Similar forms of proper names followed by a prepositional phrase, without forming a new proper name, and a toponym with a prepositional phrase as modifier show clearly the limit between proper name and common name. Diacritic signs are used in written language to disambiguate between proper <?page no="321"?> Prepositional Phrases and Coordinat ed Phrases in Toponyms 321 name and common noun as for example in the use of the hyphen between headwords in a simple juxtaposition (Baden-Württemberg) or even if the toponym is a combination of a proper name with a prepositional phrase like Bisley-with-Lypiatt when it comes to official use. In oral use the distinction is quite difficult and constitutes a real challenge in speech-recognition. Bibliography Cislaru G., 2006. « Les noms de pays: spécificités structurelles et fonctionnelles d’une sous-catégorie de noms propres » in Annalele Stiintifice ale Universitatii Ovidius. Seria Filologie XVI, Constanta, Ovidius University Press. Embleton S. & J. Härmä, 1993. “In the Georgian capital of Tbilis“, the use of the onomastic phrase of apposition, in: Proceedings of the ICOS 1993, VOL.1. Leroy S., 2004. Le nom propre en français. 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Berlin; New York: Mouton de Gruyter. Résumé Groupes prépositionnels et coordinations dans les toponymes: une étude contrastive Dans les toponymes complexes, le constituent générique est souvent modifié, spécifié ou limité au niveau sémantique par un constituent spécifique. Outres des adjectifs, noms communs ou noms propres, ce constituent <?page no="322"?> Betina Schnabel-Le Corre 322 spécifique ou modificateur peut être une phrase syntaxique, comme les groupes nominaux ou prépositionnels. Les modificateurs préposés et les toponymes composés soudés sont plus fréquents dans les langues germaniques, tandis que dans les langues romanes les modificateurs postposés, adjectifs ou noms (souvent sous forme d’apposition) sont en majorité. Par contre, dans les toponymes complexes avec un groupe prépositionnel comme constituent spécifique, ou dans les juxtaposition dans des structures paratactiques, la structure est similaire entre les langues germaniques et romanes. Cependant leur fréquence, distribution et usage diffèrent d’une langue à l’autre. J’analyserai les groupes prépositionnels et les toponymes coordonnés, surtout dans des oikonymes, dans plusieurs langues germaniques et romanes (anglais, allemand, suédois comparé avant tout au français et à l’italien): d’un côte, une analyse fonctionnelle permettra de comparer leur structure particulière et d’un autre côte, l’étude en contexte démontre leur statut communicative. Summary Prepositional Phrases and Coordinated Phrases in Toponyms: A Contrastive Study In complex toponyms the generic constituent is often semantically modified, specified or limited by a specific constituent. Besides adjective, common or proper nouns, this specific constituent or modifier may be a syntactic phrase, i.e. noun phrase or prepositional phrase. Anteposed modifiers and close compounds are more frequent in Germanic languages than in Romance languages, whereas postposed modifiers, adjectives as well as nouns (often appositions) occur more often in Romance languages. Prepositional phrases as specific constituent and complex toponyms with two or more headwords, juxtaposed or combined by a coordinator (paratactic structures), show on the contrary the same structure in Germanic and Romance languages, but their frequency, distribution and use is quite different from language to language. I will analyse prepositional phrases and coordinations in toponyms, mainly oikonyms, in some languages (English, German, Swedish compared mainly to French and Italian): on the one hand by means of a functional analysis, I will compare their special structure, and on the other hand, the study of their use in context, will reveal their status in communication. Zusammenfassung Präpositionalphrase und Koordination in Toponymen: eine kontrastive Untersuchung In komplexen Toponymen wird das generische Element häufig durch ein spezifisches Element in seiner semantischen Tragweite modifiziert, spezifiziert oder eingegrenzt. Neben Adjektiven, Substantiven und <?page no="323"?> Prepositional Phrases and Coordinat ed Phrases in Toponyms 323 Eigennamen können diese Modifikatoren auch syntaktische Phrasen wie Nominalphrasen oder Präpositionalphrasen sein. Vorangestellte Modifikatoren und zusammengeschriebene Komposita kommen in den germanischen Sprachen häufiger vor als in den romanischen, wohingegen nachgestellte Modifikatoren, ob Adjektive oder Substantive (diese häufig in Form von Appositionen) in den romanischen Sprachen in der Mehrheit sind. Präpositionalphrasen als spezifisches Element und komplexe Toponyme mit parataktischen Strukturen und Koordinatoren hingegen weisen in den germanischen und romanischen Sprachen dieselben Strukturen auf. In Frequenz, Verteilung und Gebrauch unterscheiden sie sich allerdings deutlich voneinander. Ich werde in diesem Beitrag Präpositionalphrasen und koordinierte Toponyme, vor allem Oikonyme, in einigen Sprachen dieser beiden Sprachfamilien untersuchen (Englisch, Deutsch und Schwedisch verglichen mit vor allem Französisch und Italienisch): Einerseits werde ich mit Hilfe einer funktionellen Analyse ihre besondere Struktur vergleichen, und andererseits wird die Untersuchung ihres Gebrauchs im Kontext ihren kommunikativen Status aufzeigen. <?page no="325"?> Roman Stani-Fertl 1 Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 1 Introduction When reading the introduction to the names index of “The Times Comprehensive Atlas of the World” [Times 2011] one finds a section with the title “alternative names”. In this section of the introduction of the names index there are described seven different types of toponyms. Beside the main entry for a geographical feature, that is the endonym, these types are: - alternative names (alt.): Alternative name form or spelling currently in use. These may be from parallel local usage, different languages, or different Romanization systems. - conventional names (conv.): English conventional name form normally used in English-language contexts. - former names (form.): Name forms used within the last fifty years, with particularly prominent earlier forms. - historical names (hist.): Historical names and name forms including many from classical times. - long: Full forms of names which are most commonly used in an abbreviated form. - short: Commonly used short versions of names. [Times 2011] But this differentiation is only used in the names index of the Atlas. In its maps editors do not indicate this differentiation; in maps one can only differentiate between endonym and exonym (see section 3.1.3). 2 Types of toponyms When labelling maps, editors are confronted with the problem that there may be more than one name for one single geographical feature. And there are different types of names which editors should use in maps. Dissenting from the terms used in the Times Atlas from the editorial point of view the following three types of toponyms are relevant: - Endonyms are one or more local used names for a geographical feature. Sometimes there are existing parallel names for one object in dif- 1 University of Vienna roman.stani-fertl@univie@ac.at <?page no="326"?> Roman Stani-Fertl 326 ferent languages (Brussel/ Bruxelles, Helsinki/ Helsingfors) but also in one language (Steiner Alpen = Sanntaler Alpen; Den Haag = ’s Gravenhage). Those are equal pairs of toponyms. - The second type are exonyms in the language of publication. Usually exonyms in other languages are not relevant. Together with the appropriate endonym this is an unequal pair of toponyms with a name order depending on the editorial principles. - Historical name forms are toponyms which are nowadays not in use any more but could be indicated in the map to enable locating the site because they are still present in every day’s life (e.g. Budweiser, Gare d‘Austerlitz, > Where is Budweis[er], Austerlitz? ) This also includes the category “former” names of the Times Atlas and is an unequal pair of names with the historical names always subordinated. So an editor has a maximum of four different combinations of geographical names to differentiate in maps. That means beside the main entry for a name (in most cases i.e. its standardized local form(s)) there are three additional different methods necessary to indicate these specific types of toponyms. 3 Examples for multiple labelling 3.1 Analogous maps 3.1.1 Galliae tabulae geographicae [Mercator 1585] First let’s have a look back in the past. Maybe one of the earliest sources for multiple labelling features in maps is more than 400 years ago. Gerardus Mercator was using it in its “map collection” Galliae tabulae geographicae, published in 1585 in Duisburg. The term “Atlas” was introduced by himself as recently as ten years afterwards. For parallel names Mercator is using the Latin linguistic element alius in the abbreviated forms al. or als., which means „another“, „other“? Obviously it is a very old method to use simple linguistic conjunctions like ou, aussi in French; or, also in English and like shown in this example in Latin: alius. It is a method to link two equal name forms with the same value. In modern map production this method is used very rarely. <?page no="327"?> Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 327 Figure 1 and 2: Examples for labelling with two names for selected features in a historical map of Lorraine by G. Mercator (Mercator 1585) 3.1.2 Österreichische Karte 1: 50.000 (Austrian Map 1: 50.000) [BEV 2010] 2 The map detail in Figure 3 is taken from the official Austrian map 1: 50.000. It shows examples for official double naming in the south of Austria close to the border of Slovenia. For many places in this area there exist official toponyms in German and in Slovenian. The typographic means used to distinguish between the names in these two languages are round brackets in combination with a smaller type-size for the second name. These two methods in combination show clearly that there are two different names for the same feature in use. Nevertheless this combination is not suitable for such a pair of names because both names are standardized and officially recognized and therefore homologous. But this method of labelling implies that the German name written in „regular“ size is more important than the smaller name in brackets. One get the impression the Slovenian one is less relevant. 3.1.3 Times Comprehensive Atlas of the World [Times 2011] In the introduction of this paper it was mentioned that the Times Comprehensive Atlas of the World differentiates in its names index seven types of toponyms. But this does not mirror in the maps of this Atlas. In the maps geographical features are almost always labelled with their endonymic local name. Where available an English exonym in common use is added in parenthesis to the respective endonym. For some geographical categories (e.g. national parks, monuments...) the atlas is only providing the English exonym. The local name form is missing. The method used for denoting pairs of names are the round brackets. 2 Austrian Map Fly 5.0 actually is a digital product but the maps contained are derived from the analogous official Austrian maps. Therefore this example of labelling is introduced in the chapter 3.1 Analogous maps. <?page no="328"?> Roman Stani-Fertl 328 Figure 3: Double naming in the official Austrian map with the German name followed by the Slovenian in parenthesis (BEV 2010) 3.1.4 Atlas Universal [Institut Cartogràfic de Catalunya 2009] The Atlas Universal published by the Cartographic Institute of Catalonia uses a different range of methods to indicate more types of names. This Atlas tries to execute a clear differentiation into three different types of toponyms: - standardized endonyms as the usual name form, - Catalan exonyms in common use, and - other (un)official (local) name forms. For depicting these three types of names the atlas is using the following means (see Figure 4): - round brackets and a smaller type-size for Catalan exonyms, and - square brackets and a smaller type-size for unofficial local forms. The endonym is always placed first and is followed if available - by a Catalan exonym in round brackets or - by unofficial local forms in square brackets. <?page no="329"?> Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 329 Figure 4: Some examples for using brackets in the Atles Universal. Green frames indicate examples for the endonym followed by the Catalan exonym in round brackets. Yellow frames show the official endonym and in square brackets other name forms in use. [Institut Cartogràfic de Catalunya 2009] 3.1.5 Atlas Mondial Suisse [Spiess 2002] Swiss cartography is used to a very sensitive handling with multilingual geographical names. The Swiss World Atlas is published in three of the four national languages and is used all over the country for teaching at schools. A closer look at the French edition Atlas Mondial Suisse shows that the Swiss World Atlas is using parenthesis to indicate multitude name forms. Where a French name form exists which is used in common language this name form is preferred shown in the map. The appropriate local form, the endonym is given in parenthesis. Unfortunately this is not the case for all French exonyms. Some features are only labelled with their French exonym, the endonymic name is missing (e.g. Brunswick, Coblence [page 50-51]). An additional typographic element beside the parenthesis is used to mark a toponym as a historical one. Historical toponyms are written in a lighter type-face. Theoretically these two methods differentiate names into two types: - exonyms - historical toponyms Examples could also be found on the map “Europe Centrale” on page 50-51 of the cited atlas. Practically it is very difficult for map users to realize the <?page no="330"?> Roman Stani-Fertl 330 difference between normal type-face and light type-face. Also it might be confusing that names in brackets could either be an endonym or an exonym. There is no clear statement possible by a map user on a type of name. The same map, cited before, shows the French exonym Dantzig followed by the Polish endonym Gdańsk in brackets and the Russian endonym Kaliningrad with the historical name form Königsberg also in brackets but in a light type face: Dantzig (Gdańsk) <> Kaliningrad (Königsberg). 3.2 Digital maps How is multitude naming handled in digital cartographic products? Three digital map products which stand for the wide range of existing products are described. - Google maps - the geographical platform of Google; - Bing maps the counterpart to Google maps from Microsoft and the - “World Atlas” of the Encarta Encyclopaedia - a “historical” product of Microsoft 3.2.1 Bing maps (http: / / www.bing.com/ maps) Bing maps - the map service of Microsoft is going a very chaotic way. The map service is offered in different languages. When entering Bing from a German based provider the map compilation is different from let’s say a platform from a French provider. It follows an example for the Czech Republic. At any platform of Bing one can enter the Czech endonym, or the German historical name or any other name form for a specific feature. The language of a name does not matter for a search. The system is finding Czech, German, as well as French versions of toponyms. For all languages there seems to be the same toponymic database in use. Interesting is the form of visualisation of the results on the map. Figure 5 is the result of a search made from a German service at Bing and shows a very strange situation for the south-eastern part of the Czech Republic. This is a region where actually only Czech names are official. But the map detail shows - only Czech endonyms with no name variants - (green ellipse), - Czech endonyms with its German exonyms - (blue ellipse), and - features labelled only with their German exonym! The Czech endonyms are missing! - e.g. Gaya, Ungarisch Hradisch, Groß Pawlowitz (red ellipse) When executing the same search at Bing maps from a French provider the names database in the background seems to be the same like from the German provider. One can search for name forms in all languages as well. The search for a German exonym leads also to a result but the labelling of the map is completely different. Figure 6 of the same map detail as shown in Figure 5 gives a completely different result. On the map only the Czech en- <?page no="331"?> Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 331 donyms are displayed. Of course there are no German names and for this map detail there are no French exonyms in common use. Figure 5: Screenshot of a Bing map of Southern Moravia in the Czech Republic. This is an area where only Czech names are official. The editor is labelling toponyms either only in Czech (green) or only in German (red) or in both languages (blue). (http: / / www.bing.com/ maps, March 2012) Let’s have a look at a region where French exonyms occur (Figure 7). French exonyms are displayed on the map but not in the chaotic mixture of endonyms, exonyms, and historical names like on the map of the former German example. The map detail shows only one name form namely the French exonym where it is in common use (e.g. Cassel, Brunswick...) and in all other cases the local endonym. There is no double naming in use on the map. That is a pity, because the user cannot distinguish what is a French exonym and what is a local form. <?page no="332"?> Roman Stani-Fertl 332 Figure 6: Search result for the same region as in Figure 5 but executed from a French pro-vider. The German exonyms have vanished; the map is only labelled with official Czech endonyms. (http: / / www.bing.com/ maps, March 2012) Figure 7: Screenshot of a Bing map from a French provider for a region in Germany. Existing French exonyms in common use replace the German endonyms. (http: / / www.bing.com/ maps, March 2012) <?page no="333"?> Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 333 3.2.2 Google maps (http: / / maps.google.com) Google maps gives us a very similar situation. Multitude name forms in many languages could be found in the toponymic database of Google Maps. Figure 8 shows the result of the search for the French exonym Salzbourg from a German platform. The correct endonym is displayed on the appropriate map detail. But there is no information available why the spellings of the city’s name Salzbourg and Salzburg are different. Clicking on the name in the map shows us the next method of handling multiple naming. A window opens and one gets additional information for the feature. It is a pity that Google Maps is not using this function to inform users about different name form for that feature. One finds only the German endonym. The mouse over function or clickable name is a very wide used method in digital mapping to provide additional information for a selected feature. But in our example Salzbourg/ Salzburg this additional information is very poor. Figure 8: Google is not providing any information why there are two different spellings for the city of Salzburg in use (http: / / maps.google.com, March 2012) 3.2.3 Encarta Encyclopaedia [Microsoft Corporation 2005] In the year 2009 Microsoft announced that it will stop publishing Encarta Encyclopaedia including its World Atlas. Nevertheless it is worth to have a look how the World Atlas of Encarta treated geographical name variants. As the intention of this report is to show methods of labelling multiple names in maps, this method must be introduced. It is a very sophisticated approach but the implementation and its execution were not satisfying. All figures and <?page no="334"?> Roman Stani-Fertl 334 details shown have been taken from a German edition of the Encarta published in 2005. Therefore all exonyms are in German language. Within the Encarta World Atlas one has the choice to preset the language of the toponyms: Figure 9: Map on demand: Possible name settings of the World Atlas of the Encarta Encyclopaedia (Microsoft Corporation 2005) - Einträge, voreingestellt - means that toponyms are written in the language of publication. - Einträge, in Landessprache - means that geographical features are labelled with endonyms. If the setting in “map on demand” is Einträge, in Landessprache all features are labelled in their official local language(s). That means that in a map of Belgium all names are either in Dutch or in French or in German depending on the official language in use in the respective region. For Brussels both official names are given. Switching in “map on demand” to the setting Einträge, voreingestellt for the same map detail toponyms are given only in the language of publication, if available i.e. German (Brügge, Brüssel, Lüttich). This is illustrated with Figure 10. Unfortunately this excellent approach has not been executed very thoroughly: - Some German names in common use are missing (yellow framing): Buurgplaatz > Burgplatz, Oostkantons > Ostbelgien, Hainaut > Hennegau, Oost-Vlaanderen > Ostflandern - Ieper / Ypern is double named. There is actually no need for this. The German exonym is Ypern but it is only used in historical context (red framing). - The river Ijzer is lettered only with the Dutch name, the French one is missing despite the fact that is running through French and Dutch speaking regions (red framing). On the endonymic version (Einträge, voreingestellt) both names are provided. Another big disadvantage of this technical method of layer change is that it might be in some cases very complicated to find corresponding pairs of names. Multiple naming is not visible at a glance. One has to switch between the two layers but some names are not written on the same spot in the map. <?page no="335"?> Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 335 Figure 10: Map detail showing some inconsistencies in the use of toponyms; description see above. (Microsoft Corporation 2005) 3.3 Geographical names databases Now a short extension about the handling of multiple names in geographical names databases. Two examples will be introduced. 3.3.1 GeoNames (http: / / www.geonames.org) GeoNames is a comprehensive worldwide names database which offers a wide range of information on toponyms. It uses the map service of Google to display the search results in a map. But these maps are always labelled with the endonym. In Figure 11 the search was executed for the French exonym Salzbourg. Clicking on the symbol for the city of Salzburg placed in the map a tag opens with geographical information and the option for more information. There is one link named “alternate names”. Clicking on this link it opens an almost endless list which shows name forms used for Salzburg in selected languages. It starts with the Korean name and ends with the Chinese. Quite interesting is that there are four rows included in this table which allows a classification of the name forms: - p - for the preferred name - s - for the short name in this language - h - for historical name forms and - c - for colloquial names <?page no="336"?> Roman Stani-Fertl 336 Figure 11: Compilation of content provided by GeoNames. Detailed descriptions see section 3.3.1. On the left is an extract of the table showing the name forms used in selected languages. (www.geonames.org) But at the moment this is only indented information, as these fields are not filled in. Only for very few large cities and country names this information is available. 3.3.2 EuroGeoNames EuroGeoNames is a geographical names platform for Europe hosted by EurogeoGraphics the European umbrella organisation of the national mapping and surveying offices. A search for French exonym Salzbourg results in a list with a couple of attributes and some alternative name forms. To display the result on a map EuroGeoNames is using the map service of Google in combination with the maps provided by EurogeoGraphics. In the map one can find only the endonyms. In a separate list there is some additional geographical information for the feature including name variants. In summary that means that geographical names databases do not provide their own map service but uses existing services and display their enhanced toponymic information by the means of separate tables and windows. <?page no="337"?> Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 337 4 Methods of labelling maps It follows a systematic compilation of methods found in cartographic products used for the differentiation of multiple name forms for one single geographical feature. The first three methods (a.-c.) are used for analogous maps as well as for digital maps. a. A linguistic method is carried out by linking two different names for one geographical feature by - conjunctions like „also“, „or“, “former” - Den Haag ook ‘s Gravenhage; Steiner Alpen oder Sanntaler Alpen b. Typographic methods are using the different possibilities of varying script and its attributes. These attributes could be the - type-size - Rennes , Rennes, Rennes - type-weight - Rennes, Rennes , Rennes - type-face - Rennes, Rennes, Rennes - and so on c. Punctuation marks This method makes use of the wide range of symbols and elements used by languages to structure written words. The most common marks in use are - brackets - (Rennes), [Rennes], {Rennes} - slashes - Rennes/ Roazhon, Rennes\Roazhon, Rennes|Roazhon - quotation marks - „Rennes“, ‘Rennes’, `Rennes´ - underscore - Rennes, Rennes, Rennes d. Technical methods Additionally to these three methods there exist two technical methods which are not possible for analogous maps. These technical methods are limited to digital maps and have the disadvantage that different name forms will not be shown in parallel side by side on such maps. The display is changing between two different spellings of names. - Info tags which will be visible by a simple mouse over or the name is a hyperlink and a mouse click opens a window and provides more or less detailed additional information. This is a little bit comparable to the additional information provided in names indexes of analogous map products. But of course this method is quite more comfortable than leafing through an analogous names index. - Layer change means the possibility to select between different labelling principles. In the example of the Encarta World Atlas there was the choice between names in the language of publication or using the endonyms. <?page no="338"?> Roman Stani-Fertl 338 5 Well established cartographic customs There is a wide range of methods available to distinguish types of toponyms for one single feature on maps. But only a few of these methods have proved suitable to illustrate the difference between these name forms in a way that a common map user realizes that differentiation easily. As shown at the beginning of this paper mostly only three types of differentiation are necessary to create a map with a distinguishable spelling. These three types of names are: - Parallel equal endonyms should be realizable as such. To show the equality of two names both forms should be written in the same style, size, and weight but separated by a slash (e.g. Brussel / Bruxelles) or the names are written under each other. The first method of indicating an equal pair of names is widely spread and accepted. Nevertheless some editors and users see the order of the names as a kind of valuation (The more important one is followed by the less important one). Linguistic conjunctions are also possible but are less in use due to the more space needed on maps for labelling. - Exonyms in common use in the language of publication The second group is the unequal pair of an endonym and its exonymic form. These name forms must differ in a recognizable way regardless of their order “endonym-exonym” or “exonym-endonym”. For this differentiation it is common use to put one name in parenthesis sometimes with a smaller type size - e.g. Vienna (Wien) or Wien (Vienna) . - Historical name forms must be subordinated behind the standardized endonym if the character of a map is not asking for the reverse. For this type of name the use of square brackets is introduced. To boost the difference of the names in round brackets it is sometimes advisable to change the type-face too - e.g. İstanbul [Constantinople]. However, it is a pity that publishers do not use these methods consequently. There is always a discrepancy in the kind of labelling geographical features in maps. Methods of labelling are not consequently used for only one name type but name types are mixed. An inexperienced map user may not be able to differentiate exactly which toponym out of a couple of names is the local form and which name is from outside or which is a historical one. Despite the fact that digital maps have additional technical means available to teach a user the different types of names, especially in digital maps this topic is pretty much neglected. And in only few cases there is an explanation provided about the types of toponyms in use. An introduction in the principles of labelling toponyms is missed in most cartographic products. <?page no="339"?> Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 339 Sources, Literature BEV - Bundesamt für Eich- und Vermessungswesen (2010): Austrian Map Fly 5.0. Wien. EurogeoGraphics (2012): http: / / www.eurogeographics.org/ eurogeonames GeoNames (2012): http: / / www.geonames.org Google (2012): http: / / maps.google.com Institut Cartogràfic de Catalunya (2009): Atles Universal. 2a. ed., Barcelona. Mercator, Gerardus (1585): Lothringia Ducatus. In: Galliae tabulae geographicae. Duysburgi Clivorum [Duisburg]. Microsoft Corporation (2005): Encarta 2006. Enzyklopädie. - (2012): http: / / www.bing.com/ maps Spiess, Ernst (2002): Atlas Mondial Suisse. Conférence Suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique. Berne. Times (2011): The Times Comprehensive Atlas of the World. 13 th edition. All web pages checked and screenshots taken in March 2012. Résumé Implémentation d’allonymie interlinguale dans des produits cartographiques Sur les cartes, les toponymes devraient être distingués selon différents types, à savoir : les endonymes les exonymes communément utilisés les formes historiques de noms de lieu. Il existe des habitudes bien établies en cartographie pour marquer différents types de toponymes pour un seul et unique objet géographique. Quand un éditeur veut indiquer une paire d’endonymes équivalents, l’aspect formel des deux occurrences doit être identique, mais les deux toponymes séparés par slash ou écrit sur deux lignes avec un soulignage entre les deux. une forme de nom subordonnée, de rang inférieur, le nom subordonné doit être entre parenthèses, parfois en caractères plus petit. une forme de nom historique ou antérieurement utilisée, ces noms doivent être marqués entre crochets. Afin de souligner la différence par rapport à d’autres types de nom, la taille de caractère peut également être changée. Mais on peut regretter que les maisons d’édition n’appliquent pas d’une façon cohérente ces méthodes. Il y a toujours un écart dans la façon de marquer les objets géographiques sur les cartes. Les méthodes de marquage ne sont pas seulement utilisées de manière incohérente pour un seul type de différence mais les méthodes sont aussi mélangées. Un utilisateur non avisé ne peut pas exactement savoir, entre deux noms, quel toponyme correspond à la forme endonymique, local et lequel est extérieur ou historique. En dépit du fait que les cartes numérisées disposent de moyens techniques supplémentaires pour renseigner l’utilisateur des différents types de <?page no="340"?> Roman Stani-Fertl 340 noms, c’est plus particulièrement sur les cartes numérisées que ce sujet est négligé. Et ce n’est que rarement que les éditeurs fournissent une explication concernant les types de toponymes utilisés. Dans beaucoup de produits cartographiques, il manque une introduction aux principes de marquage des toponymes. Summary Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products In maps the main types of toponyms which should be recognizable and distinguished are endonyms exonyms in common use and historical name forms. There are well established cartographic customs in use to differentiate types of toponyms for only single geographical feature in maps. If an editor wants to indicate an equal pair of endonyms both appearances should be identical but separated by a slash or written in two lanes with an underscore between them; a lower ranking, subordinated name form the subordinated name should be written in parenthesis sometimes in a smaller type-size; a historical / former name form, these names should be indicated by writing in square brackets. To stress the difference from other types of names the type-face could be altered too. But it is a pity that publishers do not use these methods consequently. There is always a discrepancy in the kind of labelling geographical features have in maps. Methods of labelling are not used consistently or uniformly for only one type of toponym but methods are mixed. An inexperienced map user may not exactly differentiate which toponym out of a couple of names is the local endonymic form and which name is from outside or a historical one. Despite the fact that digital maps have additional technical means available to teach users the different types of names, it is especially in digital maps where this topic is neglected. And only in few cases editors provide an explanation about the types of toponyms in use. An introduction in the principles of labelling toponyms is missed in many cartographic products. <?page no="341"?> Implementation of Interlingual Allonymy in Cartographic Products 341 Zusammenfassung Implementation von interlingualer Allonymie in Kartografischen Produkten Die Haupttypen von Toponymen, die auf einer Karte zu unterschieden sein sollten, sind - Endonyme - Exonyme im üblichen Gebrauch historische Namensformen. Es gibt einen wohletablierten, kartografischen Habitus, der der Unterscheidung der verschiedenen Typen von Toponymen, die nur ein einziges geografisches Objekt auf der Karte bezeichnen, dient. Wenn ein Herausgeber ein Paar von gleichwertigen Endonymen angeben möchte, so sollte es gleich geschrieben und von einem Schrägstriche getrennt sein, oder in zwei Zeilen, mit einem Bindestrich zwischen den beiden; einen untergeordneten, weniger bedeutenden Namen angeben möchte, sollte die untergeordnete Namensform in Klammern, manchmal in typografisch kleineren Buchstaben, stehen; einen historischen, ehemaligen Namen angeben möchte, sollten diese Namensformen in eckigen Klammern stehen. Um den Unterschied zu anderen Namensformen hervorzuheben, sollten die Schriftzeichen auch geändert werden. Aber es ist bedauernswert, dass die Herausgeber diese Methode nicht konsequent einhalten. Es gibt immer Ungereimtheiten in der Bezeichnung von geografischen Objekten auf Karten. Die Methode zur Bezeichnung werden nicht nur für einen Typen nicht konsequent eingehalten, sondern die Methoden werden gemischt. Ein unerfahrener Kartenleser wird nicht genau auseinanderhalten können, welches Toponym in einem Paar das lokale Endonym und welches die nicht lokale oder historische Namensform ist. Obwohl digitale Karten über zusätzliche technische Möglichkeiten verfügen, um den Leser über die unterschiedlichen Typen von Namensformen zu unterrichten, wird gerade in digitalen Karten dieser Habitus total vernachlässigt. Und in nur wenigen Fällen erklärt der Herausgeber die unterschiedlichen, gebräuchlichen Typen. Eine Einführung in die Prinzipien der Bezeichnungen fehlt in vielen kartografischen Produkten. <?page no="343"?> Willy Van Langendonck 1 Une hiérarchie toponymique anthropocentrique Comparaison française - anglaise * 1 Introduction D’abord, je voudrais introduire quelques concepts cruciaux dans mon argumentation : iconique, iconicité : il y a de l’iconicité phonétique dans l’onomatopée (genre coucou), où la forme reflète partiellement le sens et la référence, comme sur une icône. Au niveau morphosyntaxique, on trouve des structures iconiques plus abstraites. Notamment, on emploiera souvent une forme plus courte, moins ou pas marquée, pour rendre un sens qui indique une entité plus fréquente, plus simple, plus typique, plus évidente, qu’on appelle souvent prototypique dans la linguistique cognitive. Ainsi, par exemple, en anglais, le singulier n’est pas marqué, le pluriel est normalement marqué par la terminaison -s, comme dans table table-s. En effet, le singulier est mathématiquement plus simple que le pluriel. Dans ce cas-ci, en français, l’iconicité est disparue sauf dans l’orthographe : table tables. (cf. Van Langendonck, 2007b) anthropocentrique : souvent, la prototypicité est de nature anthropocentrique, c’est-à-dire qu’elle se manifeste dans la tendance de l’être humain, donc du soi-disant ‘locuteur prototypique’, de considérer comme prototypique ce qui dans son expérience, est plus proche de lui ou d’elle, plus évident, plus visible, mieux connu. Dans ce cas, l’interaction humaine avec ces entités prototypiques sera normalement plus intense. Ainsi, par exemple, les noms de personnes, catégorie prototypique par excellence, ne sont généralement pas marqués par l’article ou un suffixe. Il y a donc une relation iconique entre la forme zéro et le sens et la référence de cette catégorie de noms qui indiquent les hommes et les femmes. Examinons maintenant quelle est la situation dans le domaine des noms de lieux. Je voudrais démontrer que dans la grammaire synchronique des toponymes, en français et en anglais, on observe une hiérarchie anthropocentrique (voir aussi Van Langendonck, 1998, 2007a ; Anderson, 2007). On constate alors que dans ces deux langues, existent quatre catégories de noms 1 Department of Linguistics, Leuven Willy.VanLangendonck@arts.kuleuven.be * Je remercie Michel Rateau pour ses remarques ainsi que pour son aide concernant la langue et le style français. <?page no="344"?> Willy Van Langendonck 344 de lieux lesquelles forment un continuum décroissant d’interaction humaine. Les catégories les plus anthropocentriques sont apparemment les noms de villes et de villages, qui n’ont pas d’article; puis viennent les noms de pays, puis ceux de régions, de rivières et de champs, pour terminer avec les noms de montagnes, de déserts, d’océans, etc. Simultanément, le nombre des morphèmes est croissant: de zéro dans les noms de villes jusqu’à un classificateur générique lexical, comme océan ou désert, qui, selon certains psycholinguistes, exprime le sens du niveau de base, lequel est en fait inhérent à tout nom propre, bien qu’il ne soit pas exprimé dans les catégories prototypiques comme les noms de personnes et les noms de villes. Concernant, plus particulièrement, l’usage de l’article défini devant certains toponymes, on observera une nette différence entre l’anglais et le français, avec une plus grande fréquence de l’emploi de l’article pour cette dernière langue. 2 Critères morphologiques Tout d’abord, je maintiens une distinction entre la synchronie et la diachronie, quoiqu’il soit clair qu’il y a un continuum dans le temps jusqu’au temps présent. Cela implique l’existence de reliques historiques dans l’ère contemporaine. D’autre part, sera déterminé le consensus grâce auquel seront clairement choisis les critères qui déterminent si une forme linguistique est un morphème en synchronie ou bien uniquement une forme au sens transparent, mais néanmoins historique. Pour avoir un véritable suffixe ou un autre morphème synchronique, il faudra que la forme en question soit facultative et/ ou remplaçable par d’autres morphèmes. Donnons quelques exemples. Comme nom de lieu français on trouve, par exemple, Philippeville et d’autres noms se terminant en -ville. Bien que la forme ville soit transparente, elle n’est ni facultative ni remplaçable. D’ailleurs, historiquement, il s’agit d’abord d’un terme générique latin (‘villa’) ayant véhiculé le sens de « maison de campagne » à Rome, au Latium, puis très rapidement, en Gaule romaine, il a pris celui de domaine rural, de domaine agricole puis de ferme pour, ensuite, faire référence à une agglomération plus ou moins importante (voir Michel Rateau, Thèse de doctorat à paraître). D’autre part, il y a des cas où des toponymes semblables sont réemployés en tant qu’anthroponymes ou bien pour tout autre dénomination. Ainsi, on pense au nom de famille d’Antoine de Bougainville (1729-1811), le célèbre navigateur. Il peut s’agir aussi d’une île de l’archipel Salomon (d’après le même patronyme). Il en est de même de la forme anglaise ton < town ‘ville’, un élément plus ou moins transparent mais en tout cas étymologique; par exemple, Washington était d’abord un nom de lieu, puis le nom d’un président des Etats-Unis d’Amérique (1789-1797), puis le nom de la capitale américaine et le nom d’un état fédéral. De même, dans le toponyme Georgetown, la forme town n’est pas un morphème synchronique. Dans les <?page no="345"?> Une hiérarchie toponymique anthropocentrique 345 noms de pays, il y a de vrais suffixes ; par exemple, en français, la Bulgarie n’a pas seulement un véritable article défini, mais aussi un suffixe -ie, tandis que le substantif ou l’adjectif B/ bulgare ne contient pas de suffixe. En anglais, on a l’exemple de Finland, où -land est un suffixe (prononcé [ləәnd] et pas [lænd]), qui alterne avec -ish (Finnish) et zéro (Finn). À mon avis, si on s’en tient à cette définition de morphème synchronique, cela donne des résultats intéressants. Également, l’article défini qui accompagne certaines catégories de toponymes n’est un véritable article synchronique que s’il est facultatif et/ ou remplaçable. Dans ce cas, il s’avère séparable. Par exemple, pour ce qui concerne le toponyme national France, les formules bien connues le roi de France, et la belle France, représentent ce cas de figure, ce qui n’est pas le cas de *la belle Rochelle. On entend donc : le La Rochelle d’autrefois. Par conséquent, ici, l’article a été fossilisé. Armé de ces critères, on est à même d’établir ladite hiérarchie anthropocentrique. Je distingue quatre sousclasses toponymiques. 3 Classification hiérarchique 3.1 Noms de villes et de villages Premièrement, il y a des toponymes sans marques morphosyntaxiques. Dès 1930, Albert Dauzat (p. 355) remarque que les noms de villes et de villages n’ont pas d’article: Paris, Berlin, et donc aussi La Rochelle. (voir aussi Grevisse & Goosse, 2008 : 759). Il en est de même de l’anglais : Paris, Berlin, London. Il est vrai qu’il y a certaines exceptions : si dans les noms Le Mans et Le Havre, l’article était complètement fossilisé, il serait erroné de dire : du/ au Mans, du/ au Havre. Bien que ces syntagmes soient toujours corrects, il s’agit de reliques. À l’origine, dans Le Mans, ‘le’ n’était pas un article (Dauzat, ib. : 431). D’ailleurs, localement, les gens diraient (selon A. Goosse, cité dans Leys, 1965: 67, note 115): à Le Mans et à Le Havre, suivant la règle générale du non-marquage des noms de villes. 2 En anglais, existe un problème comparable, avec The Hague (La Haye), où The est également à demi fossilisé, puisqu’à côté de the beautiful Hague, on trouve aussi Beautiful The Hague, et pour échapper à la confusion, aussi : the beautiful City of The Hague. L’absence de l’article défini synchronique dans les noms de villes et de communes indique d’une façon iconique leur statut anthropocentrique prototypique. En effet, ces lieux sont habités, délimités et administrés par des êtres humains. On se rend à la maison communale ou au supermarché… On les connaît mieux que les régions ou les pays qui sont plus étendus. Notons également que ces noms font partie des toponymes les plus anciens. Autrefois, l’état ou 2 Grevisse & Goosse (2008: 759) ajoutent: « L’article fait partie intégrante de certains noms de villes qui originairement étaient des noms communs : La Rochelle, Le Havre, La Haye ». <?page no="346"?> Willy Van Langendonck 346 le département n’existaient pas encore guère. L’iconicité consiste dans le fait qu’une forme réduite, zéro dans ce cas, reflète une réalité évidente, familière, quasi ordinaire. Pour le français, on peut ajouter le fait que pour les noms de villes, on supprime même la préposition avec le verbe habiter ; par exemple, J’habite (à) Paris, ou J’habite (à) Bordeaux, ce qui est un signe de plus de la place la plus élevée des noms de villes et de villages sur la hiérarchie anthropocentrique. 3.2 Noms de continents, de pays, de départements Concernant la deuxième sous-classe toponymique, soit les noms de pays, d’états, de départements ou de provinces, la situation est moins claire, surtout en français. Toutefois, il se manifeste une forte tendance à ajouter un article et/ ou suffixe. Je distingue quatre cas. 3.2.1 Avec seulement un article: les noms de continents et presque tous les noms de pays par exemple l’Afrique (vs A/ afric-ain), la France (vs F/ franç-ais), la Hollande (vs H/ holland-ais), le Gers (vs G/ gers-ois), sauf Israël, sans article. Après la préposition de, l’article est supprimé dans des cas comme le roi de France ; 3.2.2 Avec un article et un suffixe la Bulgar-ie (vs B/ bulgare), la Letton-ie (vs L/ letton), les noms de pays en - (i)stan, comme le Tatar-stan (vs T/ tatare), l’Afghan-istan (vs A/ afghan) ; parfois, le nom et la dérivation ont chacun leur suffixe: l’Angle-terre vs A/ angl-ais. La différence essentielle existante entre l’anglais et le français réside dans le fait que l’anglais n’emploie pas l’article défini devant les noms de pays. En revanche, les cas d’usage de certains suffixes montrent une ressemblance avec le français: Afric-a (vs Afric-an), German-y (vs German), Fin-land (vs Finn / Finn-ish), Eng[l]-land (vs Engl-ish), Kent (vs Kent-ish). En anglais, il y a eu un développement intéressant dans les cas de l’Ukraine, du Liban, du Soudan et du Congo. Les dernières décennies, on a constaté une perte graduelle de l’article devant ces noms : the Ukraine > Ukraine ; the Lebanon > Lebanon ; the Sudan > Sudan, the Congo > Congo. Apparemment, quand une région se développe en un véritable état, le marquage se perd parce que l’entité géographique monte dans la hiérarchie anthropocentrique. Un état est plus organisé qu’une simple région ou contrée. Il y a quelques années, on a vécu les Ukrainiens protester contre l’emploi de l’article devant le nom de leur pays en anglais, alors qu’eux-mêmes ne l’utilisent pas dans leur propre langue. Leur motivation était remarquable : ils ne voulaient plus que leur pays soit encore considéré comme une région géographique autrefois inféodée à l’Union Soviétique. Leur pays était devenu un état à part entière ! <?page no="347"?> Une hiérarchie toponymique anthropocentrique 347 3.2.3 En français et en anglais, il existe quelques noms de pays employés au pluriel Par exemple, on dit les Etats-Unis / the United States, les Philippines / the Philippines. Apparemment, le pluriel va de pair avec l’article, ce qui est clair en anglais, mais pas vraiment en français, puisque quasi tous les noms de pays français ont l’article. 3.2.4 Constituant la quatrième sous-classe, on peut distinguer les noms d’états officiels qui sont employés surtout dans l’administration et la diplomatie. Ainsi, en français, on parle de la République Française, de la République Démocratique du Congo, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord. De même, en anglais on trouve : the United Kingdom, the Federal Republic of Germany, etc. Évidemment, ces noms artificiels assez récents ne confirment guère la hiérarchie toponymique proposée ici. 3.3 Noms de régions, de cours d’eau, de champs, etc. Cela nous mène à la troisième catégorie. À partir d’ici, l’article défini est plus ou moins obligatoire dans les deux langues. Exemples : la Camargue, la Dordogne, les Landes, le Condroz, la Seine, le Chailvet (un champ, Vincent, 1937: 216). Deux remarques concernant le français. Il y a des noms où l’article est facultatif, par exemple : Grange ou la Grange, Cailloux ou Les Cailloux, Croix- Blanche ou La Croix-Blanche (INSEE, 1946). On peut se demander si le nom sans article est considéré comme un nom de hameau. Deuxièmement, certaines régions, comme la Dordogne, ou des forêts, comme les Landes, sont devenues des départements. Ces noms ont donc un double statut. En anglais, l’article ne se manifeste qu’à partir de cette troisième catégorie : the Thames, the Highlands, the Marches, the Fens. 3.4 Noms d’avenues, de forêts, de lacs, de mers, d’océans, de montagnes, de déserts, etc. Dans certains toponymes, l’aspect formel reflète explicitement la sémantique par l’emploi d’un classificateur, ou si on veut un élément générique, un lexème qui peut fonctionner aussi comme un nom commun dans d’autres contextes. Ce lexème indique la classe à laquelle l’entité topographique appartient, par exemple, une avenue, une rue, une forêt, un lac, une mer, un océan, une montagne, un désert. Souvent, ces lexèmes sont traduits dans une autre langue, p. ex. la Forêt Noire / the Black Forest, la Mer du Nord / the North Sea, l’Océan Atlantique / the Atlantic Ocean, le Lac Ontario / Lake Ontario, le Désert du Sahara / the Sahara Desert. La traduction ne se fait pas toujours: le Mont Blanc, Mount Everest, la rue Neuve, Fleet Street, le Val-de-Vire (Vincent, 1937: 209), Silicon Valley. En français, il y a normalement un double marquage : l’article défini et le classificateur. <?page no="348"?> Willy Van Langendonck 348 Comme on peut s’y attendre, en anglais, l’article est omis dans de nombreux microtoponymes avec un classificateur: Big Field, Fleet Street, Fifth Avenue, Sherwood Forest, et dans des formations du type Lake Ontario, Mount Everest, où le classificateur précède. D’autre part, dans le langage parlé, on constate aussi l’omission, par mesure d’économie linguistique, du classificateur au bénéfice du seul article, et cela dans les deux langues : l’Atlantique, le Sahara / the Atlantic, the Sahara. Cette quatrième classe est la plus marquée, probablement parce que les lieux qui lui correspondent sont les moins habités, les moins connus et certainement les moins administrés. 4 Conclusions Si cette analyse est correcte, on peut établir un continuum formel : 1. il y a le non-marquage, comme dans les noms de villes et de villages (Paris, Londres ; Paris, London). 2. il y a souvent suffixation dans les noms de pays pour les deux langues (la France, la Bulgar-ie ; Fin-land, German-y). Le français ajoute l’article, pas l’anglais (sauf au pluriel). 3. il y a l’article dans les deux langues, dans les noms de régions, de cours d’eau, de champs, quoiqu’ il y ait des exceptions (les Landes, la Seine, (la) Grange ; the Highlands, the Thames). 4. La quatrième catégorie est la plus marquée, contenant un classificateur lexical, avec article en français, souvent sans article en anglais (la Mer du Nord, l’Océan Atlantique ; the North Sea, Mount Everest. Cette augmentation des formes va de pair avec une diminution sémantique de nature anthropocentrique : en général, plus les classes sont marquées, moins elles témoignent d’une interaction humaine. Les terrains habitables sont plutôt la terre et la vallée, fertiles et non boisées. C’est là qu’on s’est organisé, qu’en général, on a créé des villages ou des villes, délimité et administré, après des provinces ou des départements, plus tard des pays et des états. Concernant l’usage de l’article devant les quatre sous-classes, il y a une rupture (en anglais : ‘cut-off point’) qui est différente pour les deux langues en question. En français, la rupture se situe entre les noms de villes et de villages (sans article) et les autres toponymes (avec article). En anglais, la rupture se situe entre les noms de villes, de départements et de pays d’une part et les autres noms d’autre part (London, Kent, England vs the Thames, the Highlands). De nouveau, on pouvait s’attendre à cette situation, vu la haute fréquence de l’article en français. D’autre part, la rupture en anglais peut s’expliquer comme une distinction entre la culture et la nature. Les sousclasses des villes et des villages ainsi que des départements et des pays (sans article) sont clairement organisées, gouvernées ou administrées, à la différence des régions, des contrées, des champs, des rivières, des montagnes, <?page no="349"?> Une hiérarchie toponymique anthropocentrique 349 des mers ou des déserts (avec un article et/ ou un classificateur), lesquels sont tout au plus ‘gérés’. Pour terminer, on pourrait proposer une tendance universelle concernant les langues à articles: si les noms non-prototypiques n’avaient pas d’article défini, les noms de villes n’en auraient pas non plus. Par conséquent, des phrases comme *le Paris est beau à côté de *Seine est belle (avec noms de villes avec article et noms de rivières sans article) ne pourraient pas coexister dans la même langue. En tout cas, j’espère avoir démontré que la fonction de l’article dans des noms comme la France est plus qu’une indication superflue du trait défini, comme le suggère Langacker (1991 : 102). Comparez aussi Gary-Prieur, 1991, 1994. Références Anderson, John M. (2007). The grammar of names. Oxford: Oxford University Press. Dauzat, Albert (1930). Histoire de la langue française. Paris : Payot. Gary-Prieur, Marie-Noëlle, ed. (1991). Syntaxe et sémantique des noms propres. Langue française, nr 92. Paris. Gary-Prieur, Marie-Noëlle, ed. (1994). Grammaire du nom propre. Paris. Grevisse, M. & Goosse, A. 2008 14 . Le bon usage. Grammaire française. Bruxelles : De Boeck-Duculot. Langacker, Ronald W. (1991). Foundations of Cognitive Grammar, vol. II: Descriptive Application. Stanford: Stanford University Press. Leys, Odo (1965). De eigennaam als linguïstisch teken [Le nom propre comme signe linguistique]. Mededelingen van de Vereniging voor Naamkunde te Leuven en de Commissie voor Naamkunde te Amsterdam 41: 1-81. INSEE (1946). Nomenclature des hameaux, écarts et lieux-dits habités de la Dordogne, tome I, « Liste alphabétique départementale avec indication de la commune ». Limoges : INSEE (Institut national de la Statistique et des Études économiques), Direction régionale de Limoges. Van Langendonck, Willy (1998). A typological approach to place name-categories. Proceedings of the XIXth International Congress of Onomastic Science. Scope, Perspectives and Methods of Onomastics (Aberdeen 1996), 342-348. Aberdeen: University of Aberdeen. Van Langendonck, Willy (2007a). Theory and typology of proper names. Berlin/ New York: Mouton de Gruyter. Van Langendonck, Willy (2007b). Iconicity. In: Part I: Basic Concepts, Chapter 16. The Oxford Handbook of Cognitive Linguistics. Ed. by D. Geeraerts & H. Cuyckens. Oxford University Press : 394-418. Vincent, Auguste (1937). Toponymie de la France. Wetteren: De Meester. Résumé Une hiérarchie toponymique anthropocentrique. Comparaison français - anglais Dans la grammaire synchronique des toponymes dans les langues européennes occidentales, on observe une hiérarchie anthropocentrique iconique, où la forme reflète le sens du nom, par exemple une forme plus courte pour <?page no="350"?> Willy Van Langendonck 350 un sens évident, mieux connu, et dans ce cas-ci plus anthropocentrique. Ainsi, on constate qu’en français et en anglais, existent quatre catégories de noms de lieux lesquelles forment un continuum d’interaction humaine, dont l’ordre d’importance décroît. En même temps, le nombre des morphèmes est croissant: de zéro jusqu’à un classificateur générique lexical, comme océan, désert… : 1) toponymes sans marques morphosyntaxiques : noms de villes et de villages : a) français : Paris, Berlin ; b) anglais : Paris, Berlin ; 2) noms de pays (états) et de départements/ provinces: a) français : avec essentiellement un article et souvent un suffixe : la France, le Gers, Israël, la Bulgar-ie ; b) anglais : sans article, mais souvent avec un suffixe : German-y, Fin-land, France, Kent ; 3) noms de régions, rivières, etc. : avec un article en français et en anglais : la Seine, les Landes; the Thames, the Highlands ; 4) noms d’océans, de mers, de déserts, de montagnes : a) français : essentiellement avec article et classificateur : la Mer du Nord, l’Océan Atlantique, le Mont Blanc ; b) anglais : avec classificateur, précédé d’un article ou non : the North Sea, the Atlantic Ocean, Lake Ontario. On observe donc une augmentation d’interaction humaine avec le lieu (bien connu, habité, délimité, administré), qui va de pair avec une diminution de la forme : aucune marque pour les noms de villes et de communes, qu’on connaît le mieux, où on habite et où on se rend à la maison communale etc. On voit certains marquages pour les noms de pays et de départements, dont on voit moins les limites. La catégorie des pays et des départements se situe entre les villes/ communes et les régions. Par conséquent, il y a une certaine variation ici, surtout visible en français : la France, le Gers, Israël, la Bulgar-ie. Il existe des lieux qui ne sont pas clairement délimités et qui ne sont pas administrés comme les villes ou les pays, par exemple, les régions, les rivières; ici les noms prennent l’article dans les deux langues: les Landes, la Seine ; the Highlands, the Thames. La quatrième classe est la plus marquée, parce que les lieux qui lui correspondent sont les moins habités, les moins connus, et les moins administrés. C’est pourquoi, souvent, un classificateur est utilisé : la Mer du Nord, l’Océan Atlantique, Mount Everest. Concernant l’article, en français, il y a une césure ou rupture (anglais : ‘cut-off point’) entre les noms de villes et de villages (sans article) et les autres toponymes (avec un article). En anglais, la césure est entre les noms de villes et de pays d’une part et les autres noms d’autre part (London, Britain vs the Thames, the Highlands). L’article dans certains noms de villes français est plutôt fossilisé (historique) : Le Mans, La Rochelle. On pourrait proposer une tendance universelle : si les noms non-prototypiques n’ont pas d’article défini, les noms de villes n’en auront pas non plus. En conséquence, des phrases comme *le Paris est beau à côté de *Seine est belle ne se rencontreront pas. <?page no="351"?> Une hiérarchie toponymique anthropocentrique 351 Summary An anthropocentric toponymic hierarchy. French - English comparison In the synchronic grammar of toponyms in Occidental European languages, we observe an iconic anthropocentric cline in which the form mirrors the sense of the name, e.g., a shorter form for an obvious, better known, and in this case more anthropocentric sense. In this way, we see that in French and English, four categories of place names exist that form a continuum of human interaction of which the degree of importance decreases. At the same time, the number of morphemes grows: from zero to a lexical generic classifier such as ocean, desert: 1) toponyms without morphosyntactic marking: names of cities and villages: a) French: Paris, Berlin; b) English: Paris, Berlin; 2) names of countries (states) and districts/ provinces: a) French: with mostly an article, and often a suffix: la France, le Gers, Israël, la Bulgar-ie; b) English: without an article, but often a suffix: German-y, Fin-land, France, Kent; 3) names of regions, rivers, etc.: with an article in French and English: la Seine, les Landes; the Thames, the Highlands; 4) names of oceans, seas, deserts, mountains: a) French: mostly with an article and a classifier: la Mer du Nord, l’Océan Atlantique, le Mont Blanc; b) English: with a classifier preceded by an article or not: the North Sea, the Atlantic Ocean, Lake Ontario. Thus, we observe an increase of human interaction with the place (wellknown, inhabited, delimited, administered), attended by a decrease of form: no marking of names of cities and villages, which are the best known, where one lives, where one goes to the town-hall, and so on. We see certain markings for names of countries and districts, of which the borders are less conspicuous. The category of countries and districts can be situated between municipalities and regions. Hence, there is a certain variation here, especially visible in French: la France, le Gers, Israël, la Bulgar-ie. There are places without clear borders, which are not administered like municipalities or states, e.g., regions, rivers. Their names take an article in both languages: les Landes, la Seine; the Highlands, the Thames. The fourth class is the most marked one since the places involved are the least inhabited, the least known, and the least administered. Therefore, a classifier is often built in: la Mer du Nord, l’Océan Atlantique; Mount Everest. Concerning the (definite) article, we observe a cut-off point in French between city and village names (no article) and other names (with article). In English, the cut-off point is between names of cities, villages, districts, and countries on the one hand, and other names on the other hand (London, Britain vs. the Thames, the Highlands). The article in certain French city and town names is rather fossilized (historical): Le Mans, La Rochelle. We could propose a universal tendency: if non-prototypical names have no definite article, city <?page no="352"?> Willy Van Langendonck 352 names will not have one either. Thus, sentences like *the London is beautiful besides *Thames is beautiful will not occur. Zusammenfassung Eine anthropozentrische toponymische Hierarchie. Französisch - Englischer Vergleich In der synchronen Grammatik der Toponyme in westeuropäischen Sprachen beobachten wir eine ikonische anthropozentrische Abstufung, in der die Form die Bedeutung des Namens widerspiegelt, z.B. eine kürzere Form für eine evidente, besser bekannte, und ausgeprägter anthropozentrische Bedeutung. So sehen wir, dass es im Französischen und Englischen vier Klassen von Toponymen gibt, die ein Kontinuum menschlicher Interaktion bilden, deren Wichtigkeitsgrad abnimmt. Dabei wächst die Anzahl der Morpheme: von null zu einem lexikalischen generischen Klassifizierer, wie Ozean, Wüste usw. : 1) Ortsnamen ohne morphosyntaktische Markierung: Namen von Städten und Dörfern: a) französisch: Paris, Berlin; b) englisch: Paris, Berlin; 2) Namen von Ländern (Staaten) und Bezirken/ Provinzen: a) französisch: meistens mit einem Artikel und öfters einem Suffix: la France, le Gers, Israël, la Bulgar-ie; b) englisch: ohne Artikel, aber öfters mit Suffix: German-y, Fin-land, France, Kent; 3) Namen von Gegenden, Flüssen usw.: mit Artikel im Französischen und Englischen: la Seine, les Landes; the Thames, the Highlands; 4) Namen von Ozeanen, Meeren, Wüsten, Bergen: a) französisch: durchaus mit Artikel und Klassifizierer: la Mer du Nord, l’Océan Atlantique, le Mont Blanc; b) englisch: mit einem Klassifizierer, dem in bestimmten Fällen ein Artikel vorgefügt wird: the North Sea, the Atlantic Ocean, Lake Ontario. Also beobachten wir eine Zunahme menschlicher Interaktion mit dem Ort (gut bekannt, bewohnt, abgegrenzt, verwaltet), die mit einer Abnahme der Form Hand in Hand geht: keine Markierung von Namen von Städten und Dörfern, die offenbar am besten bekannt sind, wo man wohnt, wo man zum Rathaus geht usw. Wir sehen bestimmte Markierungen für Namen von Ländern und Bezirken, deren Grenzen weniger auffällig sind. Die Kategorie der Länder und Bezirke lässt sich zwischen Gemeinden und Gegenden situieren. Es gibt hier also eine gewisse, zumal im Französischen, sichtbare Verschiedenheit: la France, le Gers, Israël, la Bulgar-ie. Es gibt Orte ohne klare Grenzen, die nicht wie Gemeinden oder Staaten verwaltet werden, z.B. Gegenden, Flüsse. Deren Namen bekommen in beiden Sprachen einen Artikel: la Seine, les Landes; the Thames, the Highlands. Die vierte Klasse ist die markierteste, weil die betreffenden Orte am mindesten bewohnt und bekannt sind und am mindesten verwaltet werden. Deshalb wird öfters ein Klassifizierer eingebaut: : la Mer du Nord, l’Océan Atlantique; Mount Everest. Hinsichtlich des (bestimmten) Artikels sehen wir im Französischen einen Bruch, eine Zäsur (englisch: cut-off point) zwischen Stadt- und Dorfnamen <?page no="353"?> Une hiérarchie toponymique anthropocentrique 353 (ohne Artikel) und anderen Namen (mit Artikel). Im Englischen liegt die Zäsur zwischen Namen von Städten, Dörfern, Provinzen und Staaten einerseits und anderen Namen anderseits (London, Britain gegen the Thames, the Highlands). Der Artikel in bestimmten französischen Stadtnamen ist vielmehr versteinert (historisch): Le Mans, La Rochelle. Wir könnten eine universelle Tendenz vorschlagen: wenn nichtprototypische Namen nicht den definiten Artikel haben, so werden Stadtnamen ihn auch nicht haben. Also werden Sätze wie *das Berlin ist schön und *Rhein ist schön nicht nebeneinander vorkommen. <?page no="355"?> Ouerdia Yermèche 1 Les toponymes algériens durant la colonisation française et après l’indépendance entre retoponymisation et transcription françaises Depuis l’antiquité, l’onomastique algérienne (toponymie et anthroponymie) a été marquée par les invasions permanentes qu’a connues ce pays. Le système des noms propres de lieux et de personnes a évolué sous la pression plus ou moins insistante des différents occupants (O. Yermèche, 2008 ; F. Benramdane, 2008). Les lieux et les personnes ont d’une part, connu de manière ininterrompue des phases de dé-nomination/ re-nomination et d’autre part, les dénominations autochtones ont subi des altérations suite aux transcriptions dans la ou les langue(s) de l’autre (l’occupant du moment). Dans le cadre de la problématique du colloque, nous nous proposons d’analyser l’évolution des toponymes algériens (arabes et berbères) au travers de leur transcription graphique en caractères latins et ce, durant deux périodes essentielles de l’histoire de ce pays, celle de l’occupation française (1830/ 1962) et celle de l’indépendance (après 1962). Dans un souci de comparaison, nous nous intéresserons de fait à l’onomastique dite coloniale et à l’onomastique postindépendance. Ce choix d’étudier les noms propres durant la période de la colonisation française est motivé par le profond bouleversement qu’a connu à cette époque le paysage toponymique algérien 2 . Un processus de transformation/ altération des noms propres autochtones a été enclenché : en sus d’un processus de substitution de noms français aux noms autochtones, les toponymes mais aussi les anthroponymes restés en usage sur le territoire ont été largement modifiés, transformés voire falsifiés lors de leur transcription graphique en français. La seconde période qui va être soumise à notre analyse, celle de l’indépendance du pays, est également intéressante pour notre étude sur la transcription des noms propres car elle va nous permettre d’analyser les politiques de réaménagement toponymique entreprises par l’administration algérienne. Nous verrons ainsi comment cette instance a pris en charge l’écriture des toponymes. Le désir, certes légi- 1 Docteur en sciences du langage, Enseignante-chercheure à l’ENS Bouzaréah Alger ouerdiayermeche@yahoo.fr 2 CHERIGUEN F. 1993, Toponymie algérienne des lieux habités (les noms composés), Epigraphe, p.10 : « Pendant la période coloniale, la force et l’impact de la colonisationmême ont été un catalyseur dans la création onomastique et un facteur de transformation et d’évolution de la désignation et de la fixation d’anthroponymes (patronymes) mais aussi de toponymes. » <?page no="356"?> 356 Ouerdia Yermèche time, de réappropriation de l’identité toponymique nationale a-t-il été accompagné d’une opération de « correction orthographique » des noms propres ou, au contraire, les dysfonctionnements scripturaux ont-ils persistés voire se sont aggravés ? Comment les autorités algériennes ont-elles réagi face à l’héritage de l’onomastique coloniale et en quoi consistent les mesures prises ? Nous ferons, dans un premier temps, un état des lieux de l’onomastique coloniale et de la transcription en français des noms géographiques. Nous analyserons les dysfonctionnements orthographiques qui sont à l’origine du processus de déstructuration / restructuration toponymique des noms algériens et qui sont principalement dus à l’inexistence de normes d’écriture. Dans un deuxième temps, nous montrerons que la transcription graphique des toponymes algériens d’une langue à une autre, en l’occurrence ici du français à l’arabe, est toujours d’actualité, ceci, en raison d’un manque de politique onomastique réfléchie. En conclusion, nous verrons quelles sont les mesures prises ou à prendre concernant la normalisation de la transcription des noms algériens en caractères latins. L’onomastique coloniale : une opération de « toponymisation / retoponymisation » de l’espace algérien En Algérie, le processus de refondation toponymique de l’espace est le fait d’« acteurs toponymiques » (H. Guillorel, 2008) mus par des intentions d’annexion et d’occupation d’un territoire et de domination d’une population. Ainsi la « retoponymisation » française ou francisée des terres colonisées apparaît dès le début de la conquête. L’administration coloniale, dans un désir de renforcer la mission civilisatrice et assimilatrice de l’armée française va œuvrer, dans le cadre de l’occupation des terres conquises et de mainmise sur le territoire et sur les personnes 3 , à la reconstruction de la réalité toponymique locale par une structuration / restructuration des noms propres 4 . Cette opération, entreprise dans un premier temps par l’administration militaire, se développe au fur et à mesure de la création des villes et des villages coloniaux. Ainsi les premières dénominations coloniales 3 BENRAMDANE F. 2008, Toponymie de l’ouest algérien : origines, évolution, transcription, thèse de doctorat 2T, t.2, p.5. « Pensée, posée et imposée en tant que telle, cette toponymie exprimait d'emblée un rapport de domination historique et de subordination culturelle. » 4 MORSLY D. 1983, « Histoire et toponymie. Conquête et pouvoir ». In Voyager en langues et en Littérature. Editions OPU. Alger, p. 234 : elle compare l'entreprise coloniale de francisation de la toponymie algérienne à celle menée par Christophe Colomb en Amérique. <?page no="357"?> Le s toponyme s algérien s durant la colonisation 357 apparaissent dès 1830. 5 La dé/ restructuration du paysage toponymique local est sous-tendue par un discours défendant une étymologie latine des formes toponymiques (Pellegrin, 1956), par la fixation d’un stock onomastique de culture et de civilisation françaises. Pour s’accaparer les terres, l’administration coloniale va manipuler deux paradigmes de refondation de la personnalité algérienne (la terre et la personne) par la mise en place de deux lois à savoir celle du Senatus Consulte du 22 avril 1863, suivi de la loi Warnier en date du 26 juillet 1873 et la loi du 22 mars 1882 édictant l'état civil. La finalité de cette entreprise est de déstructurer le patrimoine foncier, de refonder les modes culturels et symboliques de la société traditionnelle et de restructurer le paysage toponymique local 6 , d’abord par l’instauration d’une dénomination française des espaces nouvellement créés, ensuite par la renomination des lieux déjà nommés et enfin par la transcription française ou francisée des toponymes locaux. L’entreprise de peuplement, d’expropriation et d’occupation des terres agricoles va se dérouler dans un premier temps par une généralisation de noms génériques français dans la nomenclature locale. Une nouvelle grille de qualification de l’espace urbain va rapidement se mettre en place. Toutes les voies de circulation sont désormais classifiées en rues, impasses, places, squares … Des génériques français en rapport avec la topographie des lieux va être installée : barrage, bassin, cap, carrière, cascade, champ, chaussée, chemins, cité, clos, col, ville, faubourg, ferme, forêt, fort, grotte, gué, île, marais, mare, montagne, monts, passage, plateau, puits, ravin, rocher, route, saint, salines, santon, source, (B. Atoui : 1998), domaine, village « réservé plutôt aux centres administratifs (parfois chefs-lieux d’arrondissement) et commerciaux (marchés hebdomadaires, notamment) » 7 , Orléans-ville (ancienne El Asnam et actuellement 8 Chlef), Fort National (Larbaa N’at Irathen), Bidon Cinq (Bordj Badji Mokhtar, à la frontière algéro-malienne), Cap Matifou (Tamentfoust), Bône (Annaba), Port Gueydon (Azzefoun) ; Jardin d’essai (El Hamma), Le Golf (El Mouradia, Rocher Noir (Boumerdes), Fort de l’eau (Bordj El Kiffan), Retour de la chasse 5 BENRAMDANE F. 2008, op.cit. t.2, p.5 : « en effet, tous les noms de rues de la Casbah furent changés dès la prise d’Alger, remplacés par des odonymes, en majorité de souche française. Le régime colonial plaqua rapidement sur le paysage toponymique algérien non seulement une terminologie nouvelle de qualification de l’espace urbain mais également, une nouvelle dénomination étrangère à la culture du pays. » 6 CHERIGUEN F. 1993, op.cit. p.4 : « Ces changements (onomastiques) - c’est-à-dire les variations historiques, en quelque sorte sont particulièrement manifestes dans les zones, où s’est établi le colonisateur, ils concernent la terre et la cité et cela se constate non seulement dans les vestiges toponymiques de la colonisation française, mais aussi dans le mode de désignation. » 7 CHERIGUEN F. 1993, ibidem p.36. 8 Les noms en italique dans les parenthèses renvoient à l’appellation actuelle de la ville. <?page no="358"?> 358 Ouerdia Yermèche (Bab Ezzouar), Camp de Maréchal (Naciria), Ferme Aïne Tolba (Nedroma), Col de Tandji (Tiaret). Ce travail « d’organisation onomastique » (création d’une terminologie nouvelle) fait partie des nombreux dispositifs mis en place par les autorités militaires françaises pour contrôler et s’approprier l’espace. Une « retoponymisation » de l’espace, concrétisée par une opération d’effacement ou de francisation des entités toponymiques symboliques autochtones tels que les ethniques (B. Atoui, 1998) et de substitution de nouveaux modes culturels va se décider conjointement à la mise en place de génériques français. Les villes et villages les plus importants vont être dénommés puis renommés 9 par l’attribution systématique de toponymes de culture française 10 Des créations toponymiques « systématiques », (A. Dauzat, 1960, p.9), des noms officiels renvoyant aux noms de personnalités militaires, écrivains, philosophes, poètes, savants, hommes politiques, saints vont servir à désigner ces nouveaux lieux : Lavigerie (Mohamadia) ; Ménerville (Thénia) ; Lamartine (Karimia) ; Périgaud (Mohamadia) ; Aumale (duc d’) (Sour El Ghozlane) ; Michelet (Ain El Hammam) ; Trézel (Sougueur) ; Duperré (Aïn Defla) ; Lamoricière (Oued Mimoun) ; Georges-Clémenceau (Stidia) ; Marengo (Hadjout) ; Philippeville (Skikda) ; Mayot (Mechedellah) ; Mirabeau (Draa Ben Khedda) ; Lartigue (Tafraoui) ; Saint- Lucien (Zahana, Chlef) ; Saint Arnaud (El Eulma) ; Saint Eugène (Bologhine) ; Saint Leu (Bethioua, Oran) ; Sainte Marguerite (Sidi Lahcene). L’autre moyen utilisé, en l’occurrence celui de la « composition toponymique », va être largement exploité pour l’existant : les lieux et villages déjà nommés vont être affublés d’une dénomination hybride composée d’un nom français qui va se surajouter au nom autochtone, un composant de souche berbère ou arabe et un générique français ainsi Colomb-Béchar (Béchar) ; Condé-Smendou (Zirout Youcef) ; Saint Denis du Sig (Sig) ; Arthur Tlelat Ed Douair (Oran) ; Sainte-Barbe-du-Tlélat (Oued Tlelat) ; Trolard Taza (Bordj Emir Abd el Kader ) 11 . Un autre procédé, dont les objectifs étaient identiques aux autres, consiste en une francisation / traduction des noms autochtones par l’écriture en français et qui vont donner lieu à des désignations francisées comme cela va être illustré dans la suite de l’étude. 9 MERCIER G. 1920, Toponymie antique…. p.288 : « Les Romains ont généralement respecté dans les pays conquis les noms préexistants à leur venue, à l’inverse de ce qui se passe de nos jours, où des noms de lieux français sont journellement substitués aux noms indigènes. » 10 PELLEGRIN A. 1949, Les noms d’Algérie…, p.213 citant Janier E. Bettawa de Saint Leu, Revue Africaine, 1945, Alger p.349 : « La coutume administrative qui était en usage en ces temps-là (en 1848 et après) pour la dénomination de villages nouveaux était la suivante : pendant toute la durée d’un mois, on prenait les noms des saints du calendrier, le mois suivant on prenait ceux des grands hommes de l’histoire de France ou ceux des victoires célèbres. » 11 Exemples extraits de la thèse de F. Benramdane, 2008, op.cit. <?page no="359"?> 359 L’écriture française des toponymes algériens : un désordre onomastique L’opération de fixation des noms par le biais de l’écriture en français a eu pour résultat une « désalgérianisation » de la toponymie locale et une francisation accrue et accélérée du système toponymique algérien. Dès les premières années de la colonisation, la transcription graphique a largement concouru à l’altération / transformation des noms propres algériens. Les orthographes non respectueuses de l’intégrité du nom ont eu une incidence sur son phonétisme du fait de la déformation de la prononciation originelle. (O. Yermèche, 2008) Pendant que les noms exogènes sont introduits dans l’onomastique locale, les noms autochtones ont subi des adaptations phonétiques par la transcription graphique : les noms algériens (arabes et berbères) sont transcrits avec les ressources dont dispose le système phonétique et phonologique français. La transcription a été caractérisée par une grande cacographie (mauvaise graphie) tant sur les cartes géographiques que sur les documents officiels car, effectuée par des transcripteurs, souvent ignorants des spécificités phonétiques des langues locales (Ch.-R. Agéron, 1968b ) d’autant qu’aucune norme préétablie de transcription réglementaire tenant compte des spécificités phonétiques des langues autochtones n’a été instaurée. Cet état de fait a été dénoncé officiellement par Napoléon III, le 25 juin 1855, dans une lettre adressée au Gouverneur général de l’Algérie. 12 Le 16 octobre 1858, il exige impérativement la réalisation d’un dictionnaire des noms propres algériens tout en délimitant les règles de leur transcription : «pas de lettres ou de signes étrangers à l’alphabet français ni de points ou d’accents placés au-dessus des lettres ». Dans une lettre en date du 25 juin 1865 13 , adressée au Gouverneur général de l’Algérie, il recommande pour l’Algérie un système cohérent de correspondance phonétique. Le 18 juillet 1856, la direction des affaires d’Algérie avait donc demandé un dictionnaire des noms arabes de personnes et de lieux afin de fixer l’orthographe des noms. En 1866, le gouverneur institue dans les trois provinces d’Algérie, une commission chargée de fixer les noms de personnes et de lieu « d’après la prononciation locale ». En 1868, l’imprimerie impériale de Paris, sous la direction de deux interprètes militaires, De Slane et Gabeau, lance enfin une opération de 12 QUEMENEUR J. 1963, « Liste des communes d’Algérie », Cahiers nord-africains n°99 ; nov-déc. p.65 : l’empereur des français écrit en substance que «les noms arabes sont d’une transcription difficile en caractères français ; en les écrivant comme on croit les entendre prononcer, tout le monde ne les orthographie pas de la même manière. Chacun suit un système différent de transcription. Ainsi le même nom figure tantôt d’une façon, tantôt d’une autre (…)». Il énonce qu’«une orthographe uniforme et rigoureuse est cependant indispensable pour les actes de l’état civil… ». 13 QUEMENEUR J. 1963, op. cit. p.65. Le s toponyme s algérien s durant la colonisation <?page no="360"?> 360 Ouerdia Yermèche recensement anthroponymique et toponymique en Algérie et publie un fascicule consacré aux noms de personnes et de lieux intitulé «Vocabulaire destiné à fixer la transcription en français de personnes et des lieux usités chez les indigènes de l’Algérie». Ce fascicule, publié le 26 juillet 1873 et comprenant 13500 noms propose un système de correspondances phonétiques de l’arabe vers le français, destiné à uniformiser l’orthographe des noms propres les plus courants. En 1880, le Général Parmentier publie à son tour un ouvrage qui se présente comme un complément au système de transcription proposé par De Slane et Gabeau intitulé «De la transcription pratique du point de vue français des noms arabes en caractères latins» 14 . Il y relève la multitude des réalisations graphiques d’un même nom dans les documents administratifs et d’usage courants : cheikh/ cheik / chaik/ chikh / cheikr. Le 25 janvier 1884, le problème de l’uniformisation de l’écriture des noms n’étant toujours pas réglé, le Gouverneur général soumet au Conseil du gouvernement la question de «la transcription des noms arabes», opération qui devait être portée au préalable à l’examen d’une commission spéciale composée, en majeure partie, d’arabisants dont les objectifs étaient de fixer le modèle de transcription (une orthographe uniforme et rigoureuse des noms arabes), d’imposer l’emploi obligatoire du modèle de transcription par tous les agents de l’état civil et d’établir un système de transcription graphique basé sur les ressources dont dispose le système phonétique français. En 1946, l’institut national de géographie sous la direction de J. Mangenest dénonce ce manque d’uniformisation et de rigueur de la transcription en français des noms algériens en ces termes : « aucune règle que celle du bon plaisir du topographe n’est appliquée ». A son tour, il propose son «Vocabulaire arabe français pour les pays de l’Afrique du Nord» 15 . Le 22 février 1948, les linguistes de l’Institut d’Alger d’études orientales, dans un compte-rendu de la séance de l’IEO, réitèrent encore l’urgence de « réformer les graphies adoptées et d’instituer un système de transcription uniforme et logique ». Ils conçurent à leur tour « un système de correspondances à l’usage du grand public, mettant en œuvre des ressources typographiques courantes, à l’exclusion des signes diacritiques. » Il s’agissait pour ces derniers de « forger un système imparfait mais suffisant » avec les recommandations suivantes : une reproduction aussi fidèle que possible des sons originaux ; l’obligation de conformer la graphie à l’usage d’un public non spécialiste et la mise en œuvre des ressources typographiques courantes. 16 A la suite de quoi, ils vont concevoir un système de correspondance qui met en œuvre les ressources 14 G. PARMENTIER, 1880, De la transcription pratique du point de vue français des noms arabes en caractère latins, Secrétariat de l’Association, Paris. 15 J. MANGENEST, 1948, op.cit. p.14. 16 A propos de la nomenclature des cartes d’Algérie, publié dans Onomastica, IADC Lyon, France p.155. <?page no="361"?> 361 typographiques de la langue française, tout en reconnaissant la difficulté d’une reproduction fidèle des sons de l'arabe et du berbère. L’administration française a mis au point des procédés qui visaient un accès facile aux noms algériens par les Français et non une transcription fidèle de ces noms. Elle s’est contentée de transcrire les noms algériens en caractères latins avec les ressources dont dispose le système phonétique et graphique de la langue française. Malgré toutes ces recommandations, ces décrets et ordonnances, les personnes en charge de transcrire les noms algériens n’ont jamais respecté un système unique. Alphabet arabe Transcription française Alif آﺁ a, e, i, o et rarement ou Ba بﺏ b Ta تﺕ t Ta (très emphatique) طﻁ t Ta (th anglais) ثﺙ t Ta marbouta ةﺓ a (sauf en état d’annexion, où il devient « at » ou « et » Djin جﺝ dj Ha حﺡ h He هﻩ h Kha خﺥ kh Dal دﺩ d Dzal ذﺫ d Dod (très emphatique) ضﺽ d Da (très emphatique) ظﻅ d Aïn عﻉ a, e, i, o Ghaïn غﻍ gh, gr ou r Fa فﻑ f Qaf قﻕ k ou g Le s toponyme s algérien s durant la colonisation <?page no="362"?> 362 Ouerdia Yermèche Gaf ڤﭪ k ou g Kef كﻙ k Lam لﻝ l Mim مﻡ m Noun نﻥ n Ouaou وﻭ ou Ya يﻱ y, i Ra رﺭ r Tableau de transcription des noms algériens (arrêté du 27 mars 1885) Les problèmes de transcription des noms algériens en français vont être résolus de manière un peu hâtive par l’occultation des spécificités phonétiques et par la simplification de leur écriture à l’instar de Bir Mourad Raïs qui devient Birmandreis ; Maascar devient Mascara, Bachdjarah devient Badjarah ; Qsentina devient Constantine ; Sidi Fredj devient Sidi Ferruch, Tihert qui devient Tiaret, Begayet devient Bougie, Wahran devient Oran, Iâazuggen qui devient Azazga, El Djazair devient Alger, El Qalla devient La Calle… Ces manipulations vont donner lieu à un renouvellement des formes toponymiques à la fois « par inscription et par adaptation ». (P. Fabre, 1998, p.117) Les documents cartographiques se caractérisent par des relevés et des reproductions d’une grande incohérence dans les graphies adoptées. Ces mêmes documents édités en langue française sont reproduits tels quels par l’Institut Géographique National français et par l’Institut National de Cartographie et de Télédétection. Comme l’illustre le tableau ci-dessus, la transcription graphique des toponymes algériens est loin d’être résolue malgré les recommandations de l’institut National de Géographie et l’institut des Études Orientales. En plus de l’occultation des spécificités phonétiques berbères, certains sons de l’arabe sont reproduits par le même symbole orthographique, engendrant ainsi de nombreuses confusions de prononciation. La plupart des phonèmes consonantiques et vocaliques sont transcrits avec différents symboles graphiques ainsi [ x ] : k, r, kr, kh, gh, km ; [ g ] : g, gu, gh, gn qu, k ; [R] a 6 formes (g, gu, gh, k, kh, r), les phonèmes [x, r, g, h, q] qui ont chacun 5 formes [γ] : gh, gu, g, kh, k, [h] : h, k, kh, gu, gh ; [X] : ch, gh, qu, sh, t ; [ q ] : k, c, g, h ; [ ς ] : a, ï, h. <?page no="363"?> 363 Ex : Taksebt/ Taksept/ Tagsebt ; El Kalaa/ El Kala/ Kalla ; EtToumiett/ Tomiet/ Toumiat/ Toumiet/ Toumiette/ Toumiettes ; Merbeh/ Merbeuh (F. Benramdane, 2008) Les voyelles sont également transcrites de façons multiples : [ əә ], a, i, e, u, o, ou, eu, en ; [ a ] : a, i, e, ou, eu, a i, ain ; [ i ] : a, i, e, y, ou, ai ; [ u ] : i, e, o, ou, ol ; [ o ] : a, i, y, o ; de mêmes pour les semi-voyelles : [w(i)] : ou(i,a), w(i), u(i), e ; [w(a)] : ou(i,a), oi ; [j] : i, aï : Ex : Graïne/ Grine ; Tayeb/ Taïeb ; Touileb/ Tuileb ; Aïssaoui/ Essawi ; Kouidri/ Quedri ; Souleïman/ Souliman ; Merouah/ Meroih ; Seghaïer/ Seghier (O. Sadat-Yermeche, 2008) Certains phonèmes ont des graphies identiques tandis que la longueur, la gémination, l’article, le trait d’union et l’apostrophe sont transcrits de manière hétérogène. Phonèmes Transcriptions relevées Toponymes [t ] et[ ṭ ] t-tt-th Talha, Ettalha, Thalha [ ḥ] et [h] h Hank Haouar [x] k-r-kr-kh Sidi Bakhti, Sidi Bakrti, Bled Sidi Lardar, Kerba [ ḍ ] et [d] d-dh-dd Ed-Dalaa, Bled Fodda, Dahrania, Ain Dheb [ ẓ] et [z] z-s Zmala -La Smala [s] et [ṣ ] s-ss-c Chet nsara, Djebel Nessara Dar Senouci, Dar ben Senoussi Le s toponyme s algérien s durant la colonisation <?page no="364"?> 364 Ouerdia Yermèche Tableau des différentes graphies relevées des consonnes La cacographie se manifeste entre autre par la troncation ou chute d’éléments consonantiques ou syllabiques tant à l’initiale qu’en médiane ou en finale du nom : Agrourt au lieu de Tagrourt ; Iguert pour Tiguert ; Aitzai/ Ait Zai au lieu de Ait Ziane ; Oubah/ Oubih au lieu de Ourabah ; Timsi au lieu de Timsilt ; par la substitution d’une lettre à une autre, certainement due à une surdité phonologique des transcripteurs Ouzeggane/ Ouzhene/ Ouzeghane ; Harrath/ Harrate/ Harrat/ Harrats sont les différentes écritures du nom [ḥarraθ] ; Tabelout/ Tebelout ; Tibourtine devient Tibourting ; la métathèse ou interversion de lettres, induite probablement par le phénomène de l’assimilation consonantique : Tibourtine/ Tirboutine ; Lghoul/ L'hgoul ; l’agglutination , qui consiste à transcrire un nom composé ou complexe en une forme simple : Raseloued pour Ras El Oued ; la gémination ou dédoublement de consonnes : Assefsaf/ Assefssaf ; Mechta/ Mechtta ; Ait Ouares/ Aittouares ; le découpage monématique se fait de manière incohérente sans aucun rapport avec les différents composants du nom : Ouled-Azzouz «les enfants de Azzouz» qui s’écrit tantôt Oulid-Azzouz / Oulid Azzouz, tantôt Oulidazzouz / Ouli Dazzouz et même Oulida Zouz 17 . La toponymie algérienne postcoloniale : entre normalisation et uniformisation Mais qu’en est-il de la transcription des noms algériens en caractères latins depuis le recouvrement de l’indépendance du pays? Les autorités algériennes ont-elles remédié, tant que faire se peut à toutes les aberrations scripturales décrites ci-dessus ? Du point de vue juridique, l’Algérie indépendante a connu deux opérations fondamentales de « normalisation » de la toponymie algérienne, celle 17 Les exemples cités dans ce passage sont extraits de la thèse de O. Yermèche, 2008 [? ] aaâ Chet el Cherchoura, Chett Barbara [ γ ] gh-rh-rr Douar Aouisset, Oued Chaïr, Mausolée Zoudj, Djemâ [ k] et [q] k-g-q Bled Tighermatine, Oued Rhasla ; Oued Marrassel, El Galaa, Kelaat Hadi, Qalaa Salama <?page no="365"?> 365 débutant en 1962 et celle de 1981. Une série de textes officiels ayant trait au réaménagement de la nomenclature officielle du lexique toponymique et anthroponymique (patronymique et prénominal) sont promulgués dans le journal officiel de la République Algérienne JORA. Cette entreprise, chargée d’aprioris idéologiques, se fixe pour objectif principal la réappropriation symbolique d’un patrimoine nominal et identitaire et la réhabilitation des schémas traditionnels de la toponymie locale (sic). Dès 1963, sont promulgués dans le JORA des décrets portant changement de noms de communes en Algérie. Cette opération de changement des noms semble réhabiliter les schémas traditionnels de la toponymie locale sur la base d’un ordre logique de priorités : remplacement systématique des appellations de souche française, restitution des appellations restées ancrées dans les usages onomastiques, attribution de nouveaux noms, inexistants dans la toponymie locale. En 1981, trois nouveaux textes officiels en rapport avec l’onomastique algérienne furent promulgués. La publication du décret n° 81-26 du 07 mars 1981 portant établissement d’un lexique national des noms de villages, villes et autres lieux 18 fait obligation aux assemblées populaires communales (APC) de revoir certaines dénominations non conformes aux traditions, d’attribuer des dénominations plus conformes aux spécificités locales et de consigner par écrit « les noms en langue nationale vocalisée. (…) les noms sont transcrits en caractère latins sur la base de la phonétique arabe » 19 , ironie du sort, tout comme le texte français préconisait de transcrire les noms en arabe sur la base de la prononciation française. Il préconise d’étudier et d’arrêter, de manière précise la dénomination de tous les lieux possédant déjà un nom, de revoir certaines dénominations non-conformes à nos traditions et de prévoir, le cas échéant, une nouvelle dénomination plus adaptée aux spécificités locales. 20 Cela supposait à la date de la promulgation de ce décret que la toponymie algérienne n’était pas fixée, du moins du point de vue des usages traditionnels, ce qui évidemment pouvait susciter des difficultés, au moins administratives ; que la transcription en langue française posait des difficultés de lecture : on imagine que certains noms prêtaient à confusion ou à ambiguïté … 21 Les autorités françaises n’avaient-elle pas menée la même réflexion (les noms arabes sont difficiles voire impossibles à transcrire en français, disaient-ils) ? De même que l’administration coloniale préconisait des noms de culture française, l’administration algérienne revendique la culture arabo- 18 JORA du 10/ 03/ 1981 pp.163-164 19 JORA du 10/ 03/ 1981 pp.164 20 JORA du 10/ 03/ 1981 pp.163 21 JORA du 10/ 03/ 1981 pp.164 Le s toponyme s algérien s durant la colonisation <?page no="366"?> 366 Ouerdia Yermèche musulmane faisant fi de la dimension berbère de l’onomastique algérienne. Par ailleurs, aucune précision n’est donnée sur cette non-conformité aux traditions contenue dans la nomenclature toponymique. Les opérations majeures ont été là encore, la débaptisation/ rebaptisation des toponymes de souche française et la suppression de la forme patronymique SNP (sans nom patronymique) de tous les usages anthroponymiques officiels. L’opération de 1981 s’apparente à une action d’uniformisation et de standardisation, d’esprit jacobin de rejet du caractère plurilingue de la société algérienne. Un seul modèle linguistique, l’arabe littéraire, a servi de norme exclusive dans la restitution aussi bien orale qu’écrite des toponymes et de référence pour « corriger » le paysage toponymique national, faisant fi des langues nationales (berbère et arabe algérien). C’est une opération partielle et partiale de recouvrement du patrimoine toponymique local de souche arabe et de déni de la toponymie de souche berbère. Elle représente en cela une continuation et une reproduction de la représentation onomastique coloniale. Trop empreinte d’idéologie, cette entreprise, loin de régler le problème de la transcription des noms propres, va être une opération de remplacement des appellations de souche française par des désignations « systématiques » faisant référence à des figures de la guerre de libération nationale, de la religion et de la culture arabo-musulmane (cela ne nous rappelle-t-il pas les procédures utilisées par l’administration coloniale ? ). Comme dans les textes français, le texte officiel algérien ne fait aucune mention à la toponymie de souche berbère (le terme berbère n’est mentionné à aucun moment dans le texte officiel). N’est-ce pas là une confusion entre « normalisation » et arabisation ? Aucune indication n’est donnée sur cette non-conformité aux traditions contenue dans la nomenclature toponymique. Les autorités, mues par le désir de réappropriation, ont mené une opération d’algérianisation des toponymes par l’arabisation. Ils ont procédé à leur tour, à des campagnes de débaptisation-rebaptisation des lieux, citons à titre d’exemple, la Place Loubet, du nom d’Emile Loubet qui fut Président du Sénat (1896) à Tiaret qui fut rebaptisé après l’indépendance « Place de la Victoire ». (F. Benramdane, 2002, p.65). La démarche qui devait aboutir à une normalisation de la toponymie algérienne et de son écriture va aller à contre-courant des usages et des pratiques dénominatives du fait qu’elle a voulu imposé des formes écrites selon la prononciation de l’arabe littéraire : Aït Douala/ Beni Douala ; Aït Yenni/ Beni Yenni ; Skikda/ Soukaykida ; Qsentina/ Qousentina ; Blida/ Bouleida ; In Aménas/ Ain Amenas/ Ain Oumenas ; Tlemcen/ Tilimsen/ Tilemsen/ Trimizen ; Laazib Nzamoum/ Naciria ; Mchedela/ Mchedellah. Par ailleurs, ce décret n’ayant pas été officiellement abrogé, nous nous trouvons actuellement devant un vide juridique car les textes ne prennent pas en charge la dimension berbère reconnue depuis par la constitution. Confrontée à une toponymie plurilingue complètement déstructurée ainsi <?page no="367"?> 367 qu’aux exigences d’une normalisation et d’un aménagement standardisé, les institutions en charge de cette tâche peinent à gérer le patrimoine toponymique, hérité de l’administration coloniale et à élaborer une politique linguistique et onomastique cohérente et rigoureuse. La problématique de l’écriture des noms propres algériens de souche aussi bien arabe que berbère reste posée. La transcription des toponymes algériens en caractères latins, depuis l’indépendance à nos jours, à l’instar de la toponymie coloniale, est marquée par une absence totale de réflexion et de normes orthographiques. Les mêmes représentations mentales onomastiques contenues dans le dispositif mis en place par l’administration coloniale, fondées sur des a priori idéologiques et politiques sont reproduits. De ce fait, la gestion actuelle de la toponymie et de l’anthroponymie algérienne se caractérise par de profonds dysfonctionnements : les noms ont continué à être transcrits sous plusieurs orthographes aussi bien sur les panneaux de signalisation que sur les cartes géographiques. L’absence d’une base de données toponymique et anthroponymique nationale et régionale qui aurait permis de jeter les bases d’une politique sérieuse de normalisation et d’adopter un système de transcription et de translittération des noms algériens aussi bien de langue amazigh qu’arabe algérien et/ ou maghrébin n’a pas été mise en place. La normalisation toponymique n’est toujours pas entamée et la transcription des noms propres se caractérise par une anarchie graphique française ou francisée et maintenant arabe ou arabisée avec des variantes morphologiques arbitraires et incohérentes d’un même nom comme l’illustrent les exemples suivants : In Trik, In Amenas, In Salah vont être transcrits successivement Ain Trik s’écrira Ain Tarik ; Ain Amenas et Ain Salah ; Ait Douala et Aït Yenni se déclineront en Beni Douala et Beni Yenni ; Bach-Djarah s’écrit aussi Badjarah, Benjarah et Bachrajarah ; Oued Fodda s’écrit aussi Oued el Fada et Oued el Fida ; Ouargla s’écrit aussi Wargla et Ouergla ; Oran se déclinera en Wahran et Wihran; Tamanrasset a également plusieurs écritures telles que Tammenraset, Tamanghaset, Tamenrasset, Thamenrasset et Thamenghasset … Conclusion : quel avenir pour la transcription de la toponymie algérienne ? Nous conclurons cette analyse en disant que l’inexistence d’institutions chargées de réfléchir à l’orthographe des noms géographiques et en mesure d’instaurer des règles de transcription a favorisé jusque-là les dysfonctionnements graphiques. Faute d’une politique onomastique rationnelle et réfléchie donc crédible de normalisation de l’écriture des noms géographiques, le processus de déformation orthographique entamé par l’administration coloniale française se poursuit (orthographes anarchiques et multiples, non prise en compte de la prononciation du nom). Comment remédier à cet état de fait ? Comment faut-il procéder pour écrire les noms propres en tenant Le s toponyme s algérien s durant la colonisation <?page no="368"?> 368 Ouerdia Yermèche compte de leurs spécificités phonétiques et redonner aux noms leur algérianité ? Il est absolument primordial que les autorités procèdent de suite et de manière rigoureuse à installer les bases d’une politique sérieuse de normalisation graphique qui passe nécessairement par une unification de l’écriture à travers tout le territoire national. Pour se faire, il est urgent qu’elles nomment enfin une commission en charge de fixer les critères sur lesquels se fera la normalisation des noms algériens et qui tiennent obligatoirement compte des réalités phonétiques de l’arabe et du berbère. Il est donc urgent qu’elles optent pour un système de transcription et/ ou de translittération unique et homogène en mesure de transcrire tous les noms algériens qu’ils soient de souche arabe ou berbère selon une seule variante graphique parmi toutes celles existantes, en même temps que sera menée une opération d’envergure nationale de normalisation graphique de la dénomination des lieux et des personnes. L’officialisation graphique et la mise en place d’une base de données toponymiques et anthroponymiques, nationales et régionales, mettront enfin un terme aux dysfonctionnements accumulés au fil du temps. Par ailleurs, les instances gouvernementales devraient impérativement réfléchir aux contraintes juridiques et aux particularités linguistiques régionales préalablement à la mise en place d’un système de translittération, celui recommandé par le Groupe des Experts des Nations Unies sur la normalisation des Noms Géographique dit de Beyrouth 1972, celui de dit l’IGN de 1997 voire à un système spécifique au Maghreb vu les particularités linguistiques propre à cette sphère géographique. Pour un souci d’optimiser la réflexion sur les problèmes liés à la transcription des noms propres et à la normalisation des noms géographiques et des personnes, les autorités viennent d’agréer une unité de recherche sur les systèmes de dénomination en Algérie, comprenant deux laboratoires (l’un en toponymie et l’autre en anthroponymie) et qui regroupera tous les chercheurs du domaine. De plus, un collectif de chercheurs algériens (B. Atoui, F. Benramdane et O. Yermèche) est sur le point de créer la Société Algérienne d’Onomastique (SAO) qui regroupera les chercheurs de toutes les disciplines concernées directement ou indirectement par les sciences onomastiques. Ces deux organismes participeront à la réflexion sur notamment la normalisation graphique des noms propres de lieux et de personnes. Eléments de bibliographie AGERON, Ch.R., 1968b, La création de l’état-civil pour les musulmans. Les Algériens musulmans de France (1819/ 1871) T.1, PUF Paris. 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YERMECHE O., 2009, « L’état civil et le système patronymique en Algérie : entre rupture généalogique et modernité », Journées sur la nomination Amazighite et histoire : onomastique et identité (antiquité, période médiévale, 19 ème siècle), HCA, Zéralda 17-18 décembre 2008, actes du séminaire national de Zéralda par le HCA Alger. Le s toponyme s algérien s durant la colonisation <?page no="370"?> 370 Ouerdia Yermèche Résumé Les toponymes algériens durant la colonisation française et après l’indépendance entre retoponymisation et transcription françaises En Algérie, les noms propres de lieux (toponymes) et de personnes (anthroponymes), ont, de tout temps, été au centre d’enjeux de pouvoir (O. Yermèche, 2008). Toujours manipulés, remodelés et falsifiés par l’occupant du moment, ils vont connaître des bouleversements multiples tout au long de l’histoire de ce pays, faite d’invasions successives. L’espace algérien va être territorialisé par l’attribution de dénominations nouvelles données par les différents envahisseurs. Des procédures de nomination, dénomination et renomination, en référence à la culture de ces derniers vont être régulièrement mises en place. Avec l’occupation française (1830/ 1962), la transcription en caractères latins va altérer les toponymes algériens tant arabes que berbères. Ces derniers vont connaître des transcriptions multiples et souvent fantaisistes. La raison principale de ces dysfonctionnements graphiques est l’inexistence d’une norme de transcription réglementaire qui tienne compte des spécificités phonétiques des langues autochtones, laissant ainsi la transcription des noms au bon vouloir des transcripteurs qui méconnaissaient souvent les langues autochtones dont sont issus les toponymes. A l’indépendance, l’Algérie, désirant se réapproprier son patrimoine onomastique dans son authenticité, va d’abord mener une opération hâtive d’arabisation des noms de lieux. Le processus de déformation orthographique des noms de lieux entamé par l’administration coloniale française va continuer, faute d’une politique de normalisation graphique des noms géographiques. Les toponymes vont être souvent écrits avec plusieurs orthographes aussi bien sur les panneaux de signalisation que sur les cartes géographiques, à l’exemple du toponyme Tamanrasset qui s’écrira aussi Tamenghasset, Thamenrasset ou encore Thamenghasset. Notre communication se propose, dans le cadre de la problématique du colloque, de réfléchir sur l’écriture des toponymes algériens (arabes et berbères) en français et sur leur normalisation. Nous analyserons, dans un premier temps, le processus de francisation de la toponymie algérienne et les procédés de transcription des noms géographiques durant la période coloniale française. Nous décrirons par là-même les différents dérèglements orthographiques constatés. Dans une perspective comparative, nous nous intéresserons, dans un deuxième temps, à la politique de retoponymisation entreprise par les autorités algériennes après 1962. Nous verrons comment s’est opérée la prise en charge de la toponymie héritée de la colonisation française, dans quelles conditions et sur quels paradigmes s’est faite l’attribution des dénominations et leur transcription. Nous conclurons par une réflexion sur la problématique de la transcription graphique des noms propres de lieux en milieu plurilingue. <?page no="371"?> 371 Summary Algerian toponyms during French colonisation and after the independence between retoponymisation and French transcription In Algeria, the names of places (toponyms) and people (anthroponyms), have historically been at the centre of power issues (O. Yermèche, 2008). Always manipulated, reshaped and altered by the occupier of the moment, they experienced multiple changes throughout the history of this country, made up of successive invasions. Algerian Space was territorialized by assigning new names given by various invaders. Procedures for appointment, re-appointment and designation, in reference to the culture of the latter were regularly implemented. During the French occupation (1830/ 1962), the transcription in Latin characters altered the Algerian names, both Arab and Berber. These transcripts experienced multiple and often fanciful spellings. The main reason for these graphic failures is the lack of a regulatory and standard transcription taking into accounts the phonetic characteristics of indigenous languages, thus leavening the transcription of names to the whims of transcribes who often disregarded indigenous languages from which the names are coming. At independence, Algeria, seeking to reclaim its onomastic heritage in its authenticity, first conducted an early operation of name Arabization. The place name spelling distortion process initiated by the French colonial administration continued in the absence of a geographical name graphic standardization policy. The names were often written with multiple spellings both on road signs on maps, as exemplified by the name Tamanrasset also spelled Tamenghasset, Tamanrasset, Thamenrasset or Thamenghasset. Our communication proposes, in the context of the problems of the conference, to reflect on writing Algerian names (Arab and Berber) in French and their standardization. We analyse, in a first step, the process of francization of Algerian toponymy and processes of geographical names transcription during the French colonial period. We thereby describe the different spelling disorders observed. From a comparative perspective, we will study in a second part the re-toponymisation policy undertaken by the Algerian authorities after 1962. We will see how the management of the names inherited from the French colonial era is made, under what conditions and what paradigms the allocation of names and their transcription was made. We conclude with a reflection on the issue of graphic transcription of places names in a multilingual environment. Le s toponyme s algérien s durant la colonisation <?page no="372"?> 372 Ouerdia Yermèche Zusammenfassung Algerische Toponyme während der französischen Kolonisation und nach der Unabhängigkeit zwischen Retoponymisierung und Französischer Transkription In Algerien waren die Namen der Plätze (Ortsnamen) und Menschen (Anthroponyme), stets im Zentrum der Macht (O. Yermèche, 2008). Immer manipuliert, umgeformt und verfälscht durch die jeweiligen Besatzer, erfahren sie mehrere Änderungen in der Geschichte dieses Landes, das aus aufeinanderfolgenden Invasionen entstand. Der algerische Raum wird durch die Zuweisung neuer Namen von verschiedenen Invasoren territorialisiert. Verfahren zur Benennung, Umbenennung und Wiederbenennung aus der Kultur der Invasoren heraus werden regelmäßig durchgeführt. Mit der französischen Besatzung (1830/ 1962), ändert die Transkription in lateinische Buchstaben sowohl die Ortsnamen der Araber als auch die der Berber. Letztere erleben vielfältige und oft phantasievolle Transliterationen. Der wichtigste Grund für diese grafischen Fehlleistungen ist das Fehlen einer Transkriptionsnorm, welche die phonetischen Besonderheiten der eingeborenen Sprachen berücksichtigt und so die Umschreibung der Namen dem guten Willen des Transkriptoren überlässt. Diese kannten oft die eingeborenen Sprachen nicht aus welchen die Ortsnamen entstanden. Nach der Unabhängigkeit will Algerien sein authentisches Erbe bezüglich der Namengebung zurückgewinnen und führt zunächst eine hastige Aktion durch zur Arabisierung der Ortsnamen. Der Prozess der orthografischen Verformung von Ortsnamen, den die französische Kolonialverwaltung begann, wird infolge des Fehlens einer Politik der grafischen Normierung von Ortsnamen fortgesetzt. Die Ortsnamen werden oft in mehreren Schreibweisen auf Verkehrsschildern und auf Landkarten geschrieben. Beispielsweise wird der Ortsname Tamanrasset auch Tamenghasset, Thamenrasset oder Thamenghasset geschrieben. In unserem Papier schlagen wir vor, im Rahmen der angesprochenen Problematik die französische Schreibweise von algerischen (arabische und berberische) Ortsnamen und deren Normung zu überdenken. Wir analysieren zunächst den Prozess des Französierens von algerischen Ortsnamen und die Transkriptionsweisen von geografischen Namen während der französischen Kolonialzeit. Wir beschreiben dann die verschiedenen beobachteten orthografischen Unregelmäßigkeiten. In einer vergleichenden Perspektive werden wir uns danach für die Politik der Ortsumbenennungen interessieren welche die algerischen Autoritäten nach 1962 durchgeführt haben. Wir werden sehen, wie die Übernahme der von der französischen Kolonialverwaltung ererbten Ortsbenennungen erfolgte, unter welchen Umständen und nach welchen Mustern Namen zugeteilt wurden und wie deren Transkription erfolgte. Wir werden mit einer Reflexion über die Problematik der graphischen Transkription von Ortsnamen in einer mehrsprachigen Umgebung schließen. <?page no="373"?> Due to globalization, synchronic approaches in toponymy arise increasing interest among linguists. This volume takes stock of different approaches to synchronic toponymy presenting linguistic studies on toponyms - in as various fields as grammar, morphosyntax, semantics, and pragmatics - which describe their structure and lexical status, their semantic facets, applied to the psychological, sociological and political implications of their use and function in discourse. All these factors account for the great variety of linguistic projects related to toponyms, i.e. modelling, as well as the use and normalization of toponyms in spoken and written contexts.
