Fremdsprachen Lehren und Lernen
flul
0932-6936
2941-0797
Narr Verlag Tübingen
Es handelt sich um einen Open-Access-Artikel, der unter den Bedingungen der Lizenz CC by 4.0 veröffentlicht wurde.http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/121
2005
341
Gnutzmann Küster SchrammL’éveil aux langues – une innovation européenne
121
2005
Michel Candelier
flul3410027
Michel CANDELIER * L' eveil aux langues une innovation europeenne Abstract. The approach known in France as ,fveil aux langues (which is not completely synonymous with what is generally called in English language awareness) is characterized by the use of strategies, stressing the pupils' sensibility for linguistic diversity. lt strengthens their positive attitudes towards languages and their knowledge of them, increasing their interests for languages. lt teaches them to observe and analyse language structures, uses and acquisition in order to make language learning easier and more successful. Eveil aux langues gave birth to at least two initiatives supported by the European Union and the Council ofEurope in which up to sixteen countries were involved. There is no doubt about the positive results of eveil aux langues in the areas which had originally been focussed on, as Janua Linguarum has proven. Moreover, they can easily be fitted to other socio-linguistic contexts and educational situations. 1. Qu'est-ce que « l' eveil aux langues » 1.1 Exemples d'activites D' experience, nous savons combien il est difficile de faire comprendre ce qu' est l' approche « eveil aux langues » uniquement en en parlant. Les representations initiales de la lectrice/ du lecteur relatives a ce qui peut etre fait avec les langues dans un cadre scolaire sont souvent trop pregnantes: il est difficile d'imaginer qu'on puisse faire autre chose a l'ecole avec les langues que de simplement les apprendre. C'est pourquoi quelques exemples d' activites pedagogiques sont souvent necessaires, des le depart, pour eviter des malentendus. Donc, entrons dans la classe ... Il s'agit d'une classe ordinaire, dans un petit village du departement de l'Eure, en France. Les eleves ont en moyenne 9 a 10 ans. Nous sommes en mars 2000, et cette classe participe depuis un an aux activites du programme europeen Evlang. Il aurait pu s'agir d'une autre classe, en ville, en banlieue, avec eventuellement de nombreux enfants migrants, ce qui n'est pas du tout le cas ici. Les eleves travaillent a l'aide d'un support didactique intitule "l, 2, 3 ... 4000 langues", dont un des objectifs consiste a faire decouvrir les relations de parente entre diverses langues du monde. Ils se trouvent a present dans la seconde activite de la premiere seance, et travaillent en petits groupes de trois a quatre eleves. La mai'tresse leur a distribue 9 petites cartes en papier portant des fleurs a 8 petales. Chacune des cartes porte le nom d'une langue (il y a 3 langues latines, 3 langues germaniques et 3 langues slaves) Korrespondenzadresse: Prof. Dr. Michel CANDELIER, Univ.-Prof., Universite du Maine, LE MANS (Frankreich). Privat: 106, rue de l' Abbe Grault, F-75015 PARIS. E-mail: mcandelier@wanadoo.fr Arbeitsbereiche: Didaktik des Französischen als Fremdsprache, Sprachenpolitik, Sprachen an der Grundschule. lFLlllllL 34 (2005) 28 Michel Candelier et dans les petales, on peut lire les 8 premiers chiffres dans cette langue (jedan, dva, tri ... , eins, zwei, drej ... , uno, due, tri ... ). Les eleves cherchent a regrouper les langues en comparant les chiffres dans les petales. Ils savent qu' ensuite, un representant de quelques groupes ira expliquer a l'ensemble de la classe les resultats obtenus, ainsi que la fa9on dont le groupe a procede pour obtenir ces resultats ... Dans cette seance, il n'y a pas d'activite portant sur le son. 11 s'agit pourtant d'une dimension importante de l'approche. Le son est present dans la grande majorite des supports didactiques qui out ete con9us par les equipes d'enseignants et de chercheurs du programme Evlang. Il s'agit 1a bien sfir d'une activite parmi d'autres. Un mois plus töt, par exemple, nous aurions pu voir les eleves effectuer une toute autre täche: Les eleves ecoutent une cassette audio contenant le debut du conte Le Petit Chaperon Rouge dans quatre langues (finnois, portugais, allemand et italien). Devant les yeux, ils out l'expression "Le Petit Chaperon Rouge" ecrite dans ces quatre langues, qu'ils out deja entendue avec la cassette (Punahilkka, 0 Capuchinho Vermelho, Rotkäppchen, Cappuccetto rosso ). Les eleves doivent cocher chacune des quatre expressions lorsqu 'ils l' entendent, et reconnaitre ainsi la langue. 1.2 Definition, finalite et buts On peut retenir la definition qui a ete elaboree par les partenaires du programme europeen Evlang, dont il sera question plus loin: II y a eveil aux langues lorsqu'une part des activites porte sur des langues que l'ecole n'a pas l'ambition d'enseigner (qui peuvent etre ou non des langues maternelles de certains eleves). Cela ne signifie pas que seule Ja partie du travail qui porte sur ces langues merite le nom d'eveil aux langues. Une teile distinction n'aurait pas de sens, car il doit s'agir normalement d'un travail global - Je plus souvent comparatif, qui porte a la fois sur ces langues, sur Ja langue ou ! es langues de l' ecole et sur ! ' eventuelle langue etrangere (ou autre) apprise. C'est au niveau meme des effets de l'ecole sur la societe que l'on se place lorsqu'on formule ce que l'on appelle "les finalites" d'une approche. Pour le programme Evlang, ces finalites out ete exprimees comme suit : Finalite de l'approche « eveil aux langues » Contribuer a la construction de societes solidaires, linguistiquement et culturellement pluralistes. Quant aux buts, ils etaient formules pour Evlang de la fa9on suivante: Buts de l'approche « eveil aux langues » On attend de l'eveil aux langues qu'il induise chez l'eleve des effets favorables dans trois dimensions : A) le developpement de representations et attitudes positives : 1) d 'ouverture a la diversite linguistique et culturelle; 2) de motivation pour l'apprentissage des langues (= developpement des attitudes) ; lFLlllilL 34 (2005) L'eveil aux langues une innovation europeenne 29 B) le developpement d'aptitudes d'ordre metalinguistique / metacommunicatif (capacites d'observation et de raisonnement) et cognitiffacilitant l'acces a la maftrise des langues, y compris a celle de la au des langues de l'ecole, maternelle(s) au non (developpement des aptitudes ou savoir faire) ; C) le developpement d'une culture linguistique ( = savoirs relatifs aux langues) qui 1) sous-tend au soutient certaines composantes des attitudes et aptitudes ci-dessus ; 2) constitue un ensemble de references aidant a la comprehension du monde multilingue et multiculturel dans lequel l'eleve est amene a vivre. Aces buts que l'on peut considerer comme propres a l'approche « eveil aux langues », il convient d'ajouter deux dimensions tres importantes des visees de l'approche: • le point B ci-dessus indique clairement que l'approche vise egalement le developpement d' aptitudes relatives a la langue de l' ecole (I' allemand en Allemagne, le polonais en Pologne ... ). Mais gräce a ses potentialites interdisciplinaires, la "matiere pont" 1 que constitue l'eveil aux langues pennet de poursuivre egalement des objectifs propres ade nombreuses autres disciplines, non linguistiques: geographie, education artistique, education musicale, histoire, mathematiques, citoyennete ... ; • par le type et les methodes de travail qui sont pratiquees, d'inspiration resolument socio-constructiviste, l' approche, telle qu' elle a ete pratiquee le plus souvent, se revele susceptible de contribuer au developpement de ce que l'on appelle des "competences transversales", qu'il s'agisse de demarches de recherche (comprendre un questionnement, chercher des indices, elaborer un raisonnement ... ), de capacite a exposer et a negocier les points de vue, ou simplement d'attitudes de curiosite. En fonction des trois buts enonces plus haut, on peut tenter de decrire les enjeux auxquels l'eveil aux langues cherche a repondre en distinguant d'une part les enjeux sociaux et d'autre part les enjeux relatifs aux capacites d'apprentissage linguistique des individus (sans oublier bien sur que les apprentissages linguistiques des individus constituent egalement un enjeu social, puisqu'ils conditionnent les possibilites de communication). C' est ce qui sera fait ci-dessous, en accordant une part plus grande aux premiers, conformement a la perspective qu'il convient de privilegier dans la presente contribution. 1.3 Les enjeux sociaux de l'eveil aux langues 1.3.1 Repondre aux defis de la pluralite l'eveil aux langues, une dimension de l'approche interculturelle : Comme I'exprime la finalite enoncee plus haut, l'ambition premiere de l'eveil aux langues est d'aider a ce que la diversite, trop souvent synonyme de tensions et de rejets, puisse se vivre dans la solidarite, et non dans l'eclatement. 2 Selon l'expression de HAWKINS. Cf. plus loin. 2 On s'inspire par Ja suite du chapitre 1 de l'ouvrage Evlang l'eveil aux langues a l'ecole primaire JFLIUIL 34 (2005) 30 Michel Candelier Apprendre ensemble et l'un de l'autre constitue la reponse pedagogique qu'il convient de donner a l' existence de societes multiculturelles. Cela signifie par exemple, en Europe, l'ouverture aux cultures, langues et litteratures qu'apportent les migrants. 11 s'agit 1a d'ambitions que l'eveil aux langues revendique, mais qu'il n'est pas seul a revendiquer. Ce sont aussi celles dont se reclame l' education interculturelle, depuis son origine : « l'option interculturelle [. .. ] c' est la proclamation des solidarites, dans la conscience des specificites et des communautes » (PORCHER 1988: 121). La convergence est reelle. Et sous cet aspect, l' eveil aux langues apparait comme une dimension particuliere de l'approche interculturelle, dans laquelle il s'inscrit, avec ses propres caracteristiques. On peut regrouper ces specificites en trois rubriques : • Tout en n'ignorant pas la dimension culturelle, l'eveil aux langues a bien un centre de gravite d'ordre linguistique, reprenant ainsi a son compte l'affirmation commune en didactique des langues (et cultures! ) selon laquelle la langue est a 1a fois moyen d'expression d'une culture et d'acces privilegie a cette culture. 11 entend enrichir l' approche interculturelle par une meilleure prise en consideration, d'une part des objets culturels que sont la langue et la communication, et d'autre part par la mise en evidence de ce que langue et communication revelent des representations de ceux qui en font usage ainsi que des structures sociales dans lesquelles ces personnes se meuvent. • L' eveil aux langues s' inscrit resolument dans la perspective de la construction d' attitudes sous l' effet d' activites d' ordre cognitif portant sur la diversite. Tout comme l'approche interculturelle, l'eveil aux langues attend peu des discours sur la necessite de l' acceptation positive de la diffärence. Mais il ne croit pas plus aux effets d'une rencontre a valeur anecdotique de la diversite: pour assurer le developpement d'un veritable ancrage des attitudes d' ouverture et de solidarite, il faut faire de la diversite des langues et des cultures l'objet d'une veritable elaboration de savoirs et de savoir faire scolairementlegitimes, au cours de laquelle l' eleve pourra vivre le plaisir d'une veritable decouverte, d'une decouverte active. • On peut considerer qu'il s'agit 1a d'un chemin indirect. Mais c'est le plus sür. 11 ne s'agit pas de thematiser d'emblee l'injustice et l'inegalite des chances, mais d'amener a concevoir la diversite des langues et de leurs locuteurs comme quelque chose de normal, qui va de soi. 11 n' est pas besoin alors d' argumenter en "faisant la morale", comportement dont on sait qu'il est bien souvent contre-productif, en particulier aupres des jeunes. En faisant de langues habituellement devalorisees des objets pedagogiques legitimes, on favorise la construction d'attitudes positives a leur egard et a l'egard de leurs locuteurs et des cultures qu' elles refletent et expriment. Et cela non seulement aupres des eleves qui ne les parlent pas, mais aussi aupres des eleves qui les parlent, et qui s 'enferment trop souvent (CANDELIER 2003a). lFLllllL 34 (2005) L 'eveil aux langues une innovation europeenne 31 dans une auto-devalorisation nuisible au developpement harmonieux de leur sentiment identitaire. Enfin, alors que l'interculturel en Europe, en particulier a son origine, se cantonnait dans les questions posees par la presence dans l'ecole d'eleves issus de la migration, l' eveil aux langues s 'est situe d' emblee au niveau general de toutes les varietes linguistiques, de tout statut. C'est sans doute une de ses forces que de placer les langues socialement devalorisees dans le paradigme general des langues observees, a "egalite" avec toutes les autres langues. Les varietes habituellement denigrees deviennent un element parmi d'autres de la diversite, legitimees par le fait qu'elles sont etudiees dans le contexte de l'ecole (cf. a ce sujet de GOUMOENS/ de PIETRO/ JEANNOT 1999; PERREGAUX 1995 ; CANDELIER/ MA- CAIRE 2001; ÜOMEN-WELKE, 2003). 1.3.2 L'eveil aux langues et la Citoyennete democratique 11 existe egalement une forte convergence entre l' ambition que se donne l' eveil aux langues d'aider a ce que la diversite puisse se vivre dans la solidarite et les preoccupations qui ont amene le Conseil de l'Europe a developper des activites autour de la contribution de l'education a la Citoyennete democratique. L'action du Conseil de l'Europe dans ce domaine concerne particulierement les langues, puisque les travaux du Groupe de Projet Langues Vivantes se sont inscrits officiellement dans la perspective de la Citoyennete democratique (cf. le titre d'une confärence encore recente: La diversite linguistique enfaveur de la citoyennete democratique en Europe (CONSEIL DE L'EUROPE 2000a)). AUDIGIER (2000) passe en revue les competences-cles necessaires au plein exercice de la Citoyennete democratique et dont, de ce fait, l' education doit favoriser la mise en place. Nous en retiendrons deux apropos desquelles l'apport d'une approche d'eveil aux langues, compare a celui d'un apprentissage des langues plus "classique" est particulierement frappant: les « connaissances sur le monde actuel »et« l'acceptation positive des dif.ferences et de la diversite ». Ce sont la, si on en croit les programmes ou instructions officielles, deux domaines Oll l'enseignement des langues peut faire la preuve de sa valeur formatrice. Certes, l' enseignement des langues a pour ambition de "faire connaitre le pays et les gens". Mais, par nature y compris dans le cas d'une langue parlee dans de nombreux pays son apport est necessairement limite aux pays et aux societes "lies" a cette langue, et les connaissances auxquelles il ouvre la voie ne concernent qu'une partie du « monde actuel ». Les potentialites de l'eveil aux langues, on l'a vu, sont bien plus importantes: la demarche s 'applique bien a la plus grande diversite possible de langues et de cultures, y compris a celles qui sont presentes dans la classe, dans l'environnement immediat, ailleurs sur le territoire national, dans d' autres pays d'Europe et du monde, independamment de la place qu'elles peuvent avoir sur l'echiquier scolaire. Ce dernier point est capital pour ce qui concerne la seconde competence cle d' Aurn- GIER: l 'acceptation positive des dif.ferences et de la diversite. On peut penser que dans le cas evidemment majoritaire - Oll 1a langue etrangere enseignee est une langue mondialement dominante (ce qui vaut dans la plupart des contextes pour l'anglais), l'en- ]F]Llll, 34 (2005) 32 Michel Candelier seignement des langues contribue en fait a enfermer les eleves dans un « bi-ethnocentrisme », constitue de la langue/ culture dominante localement et de la langue/ culture dominante mondialement (CANDELIER 1996). Cette situation est particulierement favorable au rejet de taute langue/ culture tierce, en particulier si elle se trouve etre par ailleurs socialement devalorisee. 1.3.3 L'eveil aux langues et la diversite des langues apprises On a vu plus haut que l' eveil aux langues ambitionnait egalement a contribuer a ce que le choix des langues que les eleves apprennent soit plus diversifie. La necessite de renforcer la diversite des langues dans les systemes educatifs constitue un principe qui fait consensus depuis plusieurs decennies dans les institutions internationales, et tout particulierement europeennes. Malheureusement, les declarations auxquelles y souscrivent les Etats ne sont guere suivies d'effets. Avancer vers plus de diversification demande saus aucun doute un certain nombre d'efforts financiers. Pourtant, lors d'une enquete recente effectuee apropos des pays du Conseil de l'Europe, on a pu decouvrir et montrer que le niveau de diversite atteint n'est pas plus eleve dans les pays les plus riches, ce qui indique que la question financiere n' est peut-etre pas forcement la question ! 'essentielle (cf. CANDELIER/ DUMOULIN/ KOISHI 1999). Et si l' essentiel n' est pas la, il ne peut etre que dans les representations des langues et de l'interet de leur apprentissage quese font les diffärents acteurs. D'ou l'importance et la legitimite d'une question: que fait l'ecole elle-meme pour modifier les representations relatives aux langues dans le sens d'un plus grand interet pour la diversite, susceptible de conduire a une demande en langues plus diversifiee ? Ici aussi, la contribution attendue de l' eveil aux langues semble bien necessaire. 1.4 L'eveil aux Iangues et Ies apprentissages linguistiques Dans cette perspective, ne serait-ce qu' a cause du grand nombre de langues sur lesquelles l'eleve travaille (en general, plusieurs dizaines), la construction de competences de communication apparait essentiellement comme une visee "en seconde instance". Cela ne veut pas dire qu'elle est consideree comme secondaire, mais que l'on developpe des competences qui sont mises au service de l'acquisition de competences de communication, dans quelque langue que ce soit. Il s' agit bien de ce que le Cadre europeen commun de reference appelle la perspective d'une sorte d'education langagiere generale (CONSEIL DE L'EUROPE 2000b: 130), que l'on peut concevoir comme une preparation a l'apprentissage des langues, dont le lieu privilegie serait l' enseignement pre-scolaire et primaire. Cette preparation vise au developpement de l'interet pour les langues et les cultures, de la curiosite a leur egard, de la confiance de l'apprenant en ses propres capacites d'apprentissage, des competences a observer/ analyser les langues, quelles qu'elles soient, de la capacite a s'appuyer sur la comprehension d'un phenomene relevant d'une langue pour mieux comprendre par similitude ou contraste un phenomene concernant une autre langue ... FlLILlL 34 (2005) L 'eveil aux langues une innovation europeenne 33 Mais on peut egalement concevoir cette approche comme un accompagnement des apprentissages linguistiques en cours3, a l'ecole primaire et au-dela. Dans ce cas, la notion de visee "en seconde instance" n'a plus de dimension chronologique d'anteriorite, et renvoie a un developpement continu et parallele des savoirs, aptitudes et attitudes necessaires a la construction d'une competence de communication. Developpement auquel bien entendu, chaque apprentissage linguistique particulier va egalement contribuer. Avec l'eveil aux langues, on quitte donc (pour mieux y revenir) le terrain de l'enseignement/ apprentissage d'une langue particuliere et on entre, cette fois de plein pied, dans le domaine d'une education langagiere globale. 2. L' eveil aux langues dans deux prograrnrnes de recherche et d'innovation europeens 2.1 Auparavant, un peu d'histoire ... L'eveil aux langues tel que nous le concevons descend en ligne directe du concept de langage en tant que « matiere pont » ( "bridging subject") « a travers le curriculum » qui avait ete presentee en Grande-Bretagne par HAWKINS des 1974. L'approche s'est developpee dans ce pays dans les annees quatre-vingt gräce au travail theorique et pratique de HAWKINS (1984) et d'autres chercheurs et enseignants au sein du mouvement "Language Awareness", avec une extension certaine. 4 Le mouvement n'a ete suivi d'aucune reconnaissance institutionnelle au Royaume Uni, et a connu une reelle regression au cours des annees quatre-vingt dix. 5 Dans d'autres pays d'Europe, les idees issues du courant "Language Awareness" ont donne lieu, dans ces memes annees quatre-vingt dix, a plusieurs initiatives ponctuelles, comme celles menees en France a Grenoble. En Allemagne, a la meme epoque, lngelore ÜOMEN WELKE de la Pädagogische Hochschule de Freiburg travaillait dans la meme ligne, mais essentiellement en direction de classes a forte proportion d' enfants issus de la migration. En Allemagne et en Autriche, deux instituts regionaux de recherche pedagogi- D'une certaine fa9on, on peut penser que c'est toujours Je cas, si on considere que Je travail sur Ja Jangue matemelle (ou Ja Jangue de J'ecoJe), qui commence des Je pre-scoJaire, constitue egalement un « apprentissage linguistique ». 4 Une enquete effectuee en 1982 et 1984 faisait apparaitre J'existence d'activite de type "Janguage awareness" dans un peu plus de 250 ecoJes de Grande-Bretagne. II convient de signaler que cette approche etait egalement presente a la meme epoque en Australie, en particulier sous la forme d'une initiation successive a plusieurs Jangues. 5 Cependant, plus recemment, le Rapport NUFFIELD (The Nuffield Language lnquiry 2000) a indique que « Le programme d'action national pour l'enseignement precoce devrait » (article 6.6) « introduire [... ] des modules de 'language awareness' dont le contenu serait conc; ,u en vue d'etablir un pont entre la formation en anglais et ! es Jangues etrangeres » et devrait (article 6.7) « mettre en evidence Je lien entre ! es Jangues, Ja communication et la Citoyennete afin de mettre en place le plus töt possible ! es notions d'egalite et d'acceptation de la diversite » (p. 89). Rd 34 (2005) 34 Michel Candelier que (le Landesinstitut für Schule und Weiterbildung de Soest (Rhenanie-Westphalie) et le Zentrum für Schulentwicklung de Graz) ont introduit officiellement dans les ecoles de leur Land une approche s'inspirant partiellement du courant Language Awareness (repectivement sous les noms de Begegnung mit Sprachen in der Grundschule et de Sprach- und Kulturerziehung). En Suisse romande, des experiences ont ete menees sous le sigle "EOLE" (Eveil au Langage et Ouverture aux Langues), autour de chercheurs qui ont ensuite contribue a constituer l'equipe Evlang. 6 Toutes ces tentatives ne constituaient pas, bien sfir, l'essentiel de ce qui se deroulait alors en matiere d'introduction des langues a l'ecole primaire. On sait que les vingt demieres annees ont ete marquees, du moins en Europe occidentale car C, etait deja chose faite en Europe centrale et orientale -, par la mise en place progressive de l'apprentissage d'une langue etrangere dans l'enseignement primaire. On sait aussi que cette evolution a renforce les craintes concemant l'accroissement de l'hegemonie des langues deja dominantes dans les systemes educatifs, et que, du moins pour les formes courantes de cet enseignement (a raison d'une heure a deux heures par semaine), les doutes se sont accumules sur l'efficacite meme d'un tel apprentissage pour le developpement des capacites qu'il vise pour l'apprenant (cf. BLONDIN [et al.] 1998 et D. GAONAC'H 2002). Ces interrogations ont contribue a renforcer l'interet pour une approche differente, une approche plurielle, sans pour autant que celle-ci soit necessairement confue comme une alternative a l' approche "monolingue" dominante, dont elle pouvait apparaitre comme un complement. 2.2 Un premier programme europeen : le programme Evlang 2.2.1 L 'enjeu du programme Evlang Ace point de l'evolution de l'approche « eveil aux langues », et dans ce contexte relatif a l'introduction des langues a l'ecole primaire, l'idee qu'il etait necessaire de mettre en place un projet plus vaste susceptible de verifier avec une methodologie suffisamment assuree le bien fonde des attentes dont elle faisait l'objet ne pouvait que s'imposer. C' etait 1a l' ambition programme Evlang, soutenu par la Commission europeenne (Lingua Action D), commence a 1a fin de 1997 et termine en juin 2001. 7 II a reuni les efforts d'une trentaine de chercheurs en didactique des langues, dans cinq pays (Autriche, Espagne, Italie, France, Suisse ). 8 6 7 On reviendra en 2.4 sur ! es developpements actuels de l'approche dans divers pays europeens. On trouvera un bilan complet de ce programme dans CANDELIER (dir.) (2003a). II s'agissait des institutions suivantes: Zentrum für Schulentwicklung de Graz; Universitat Autonoma de Barcelona; Istituto Universitario Orientale di Napoli (et Universita Ca' Foscari di Venezia lors de Ja premiere annee); Universite Rene Descartes Paris 5, Universite Stendhal Grenoble III, Institut Universitaire de Formation des Maitres de La Reunion, Institut de recherche en economie de l'education de l'Universite de Bourgogne; Centre de Linguistique Appliquee de l'Universite de Neuchätel, Faculte de Psychologie et des Sciences de l'Education de l'Universite de Geneve, Institut de Recherche et de Documentation Pedagogique de Neuchätel, Institut pedagogique Neuchätelois. lFJLlllllL 34 (2005) L 'eveil aux langues une innovation europeenne 35 L' activite deployee s'est repartie sur trois domaines: la production de supports didactiques destines a alimenter un cursus de un an a un an et demi (a la finde l' ecole primaire), la formation d'enseignants susceptibles de mettre en ceuvre ces cursus dans leur classe habituelle, et l'evaluation, quantitative et qualitative de ces cursus. Une trentaine de supports didactiques ont ete produits souvent en cooperation etroite avec des enseignants et valides en classe. Ils s'inscrivent dans des domaines thematiques varies. 9 Plus de soixante langues, de tous statuts (officielles, minoritaires, de migration) et de tous continents ont ete ainsi utilisees. La formation des maitres pour le cursus Evlang s'est effectuee dans des actions de formation continue de deux a trois jours. 11 est necessaire de souligner, pour l'appreciation des resultats de l'evaluation, qu'il ne s'agissait pas de maitres "pre-selectionnes". Dans la quasi totalite des cas, ils ne connaissaient pas l'approche « eveil » a l'avance, et se sont souvent inscrits a la formation en pensant qu'on leur proposerait des solutions pour l'enseignement d'une langue particuliere. Dans ces joumees de formation, on a procede d'abord a une mise en question collective des representations de chacun sur les langues (moi et les langues, les langues et la societe, les langues et l'ecole). Les enseignants ont vecu "de l'interieur" la situation d'un apprenant utilisant des supports didactiques Evlang et ont decouvert le fonctionnement pedagogique de ces supports, ainsi que les finalite, buts et objectifs de l'approche. Ils se sont interroges sur le lien entre ces objectifs et ceux que l 'on trouve dans les instructions officielles, ainsi que sur le potentiel interdisciplinaire et transversal de l'eveil. Bien sfu, une formation plus longue aurait ete souhaitable, mais il importait de montrer que l'on pouvait atteindre des resultats avec des moyens qui restaient limites et seraient rapidement generalisables. 2.2.2 Le bilan du programme Evlang On ne peut bien sfu rentrer ici dans le detail des resultats de l' evaluation. 10 On se limitera a un resume de l' essentiel des resultats foumis par l' evaluation quantitative, et a quelques elements foumis par l'evaluation qualitative. L'evaluation quantitative a ete confiee a ! 'Institut de Recherches en Economie de l'Education (IREDU) de Dijon, et a porte sur pres de 2000 eleves (compares a environ la moitie d'eleves temoins), sur la base de tests prealables et terrninaux, et selon un protocole scientifique tres strict. L' evaluation qualitative a porte, pour sa plus grande part, sur un peu moins de vingt classes, avec entretiens (enseignants, eleves) et observation detaillee de la demarche (enregistrements video, 9 Inspires des domaines etablis a l'origine par Je mouvement Language Awareness en Grande-Bretagne, en particulier: ! es langues dans J'espace (l'environnement, l'Europe, Je monde), ! es relations entre ! es langues (histoire et evolution des langues, emprunts), les systemes d'ecriture, ! es sons, les relations entre langues et cultures. Mais aussi : quelques regularites morpho-syntaxiques et textuelles, Ja variation, Je bilinguisme, Je statut des langues, l'apprentissage des langues ... 10 Tous ]es details se trouvent dans ! es quelque mille pages du rapport scientifique qui a ete remis aux responsables du programme Lingua, et qui est consultable en ligne sur Je site du reseau Janua-Linguarum (http: / / jaling.ecml.at/ ). lFlLlUIL 34 (2005) 36 Michel Candelier elaboration d'une grille d'observation specifique). S'y sont ajoutes divers questionnaires adresses a un nombre plus eleve d'enseignants et de parents. L'objet principal de l'evaluation quantitative etait de prendre la mesure des effets du cursus sur les attitudes et les aptitudes des eleves. Les resultats sont la, indeniablement. Ils ne relevent pas du miracle (ce qui est en soi rassurant! ). Ils correspondent a ceux que l'on rencontre habituellement pour des innovations pedagogiques du meme type qui s'exposent aux memes outils d'evaluation, et dont on dit, sur cette base, qu'elles ont porte leurs fruits. Pour ce qui conceme l'effet d'Evlang sur les attitudes, on a teste d'une part l'interet des eleves pour la diversite, et d'autre part leur ouverture a ce qui est non familier. Pour le developpement d' aptitudes. relatives aux langues, l'examen portait sur la discrimination et la memorisation auditives ainsi que sur les capacites d' ordre syntaxiqµe, sous la forme d'une decomposition-recomposition d'enonces dans une langue inconnue. Dans les deux cas, attitudes comme aptitudes, l'impact de l'eveil aux langues sur la premiere des deux composantes citees (interet, competences auditives) est atteste dans une grande majorite d'echantillons. Pour la seconde composante (ouverture et maniements syntaxiques), l' effet est egalement avere, mais seulement dans quelques cas. Ces diffärences sont explicables: l'ouverture constitue a l'evidence une exigence plus forte que le simple interet, et les activites de composition-decomposition ont ete bien moins frequemment exercees que l'ecoute. La seule deception, relative, concerne les effets sur les competences en langue de l'ecole, qui ne sont pas constates, meme si les maitres, dans les entretiens et questionnaires qui ont ete menes, tendent a considerer qu'ils existent. Majoritairement, les initiateurs d'Evlang eux-memes formulaient quelques doutes a ce propos pour des activites intervenant a la fin de la scolarite primaire. Il est essentiel de noter que ces resultats valent pour un cursus d'une duree generale de 35 heures. Or, l'etude des liens entre le nombre d'heures (qui varie dans les classes de 7 heures a .. 95 heures ! ! ) et l'intensite des effets montre clairement qu'un cursus plus long a toutes les chances de conduire a des effets plus generalises et d'ampleur plus importante. On retiendra encore que l'apport d'Evlang au developpement des attitudes conceme essentiellement les eleves les plus faibles scolairement, et que l' eveil aux langues developpe significativement le desir d'apprendre des langues. Dans plusieurs cas, et tout particulierement en France, il renforce l'interet pour l'apprentissage de langues minorisees, y compris de langues de l'immigration. Du foisonnement de donnees recueillies par l'evaluation qualitative, on retiendra seulement ce qui suit : Globalement, les enseignants experimentateurs pensent que l' eveil aux langues developpe/ renforce chez les eleves les aptitudes metalinguistiques et attitudes d'interet et d'ouverture attendues, meme si, dans le detail, on peut constater, gräce aux entretiens, qu'ils sont plus dubitatifs pour les aptitudes que pour les attitudes. Diverses donnees montrent par ailleurs que la pratique de cette approche les a amenes a etre plus "sensibles" a la presence d' eleves allophones dans leur classe, dont ils ont sollicite les ressources et a qui ils n'ont pas hes.ite a donner le röle d'experts. La refärence a plusieurs lFLuL 34 (2005) L'iveil aux langues une innovation europienne 37 langues sinmltanement est vecue comme naturelle par la plupart d'entre eux. L'adhesion intellectuelle a l'approche d'eveil aux langues est predominante, et repose souvent sur la constatation qu' elle est en coherence et en complementarite avec les autres apprentissages de la classe. Les entretiens menes avec les eleves montrent qu'une majorite d'entre eux trouve Evlang utile, voire tres utile, meme si les raisons de cette utilite ne sont pas toujours per9ues ou exprimees clairement (pour apprendre les langues, pour voyager, pour connaitre le monde ... ). A l'exception notable des eleves suisses (beneficiant sans doute plus couramment de methodes "actives"), ils apprecient generalement la fa9on dont ils sont invites a travailler (le travail en grolJpes), qu'ils pen; oivent souvent comme differente de celle utilisee dans d'autres matieres. 2.3 Le reseau Janua Linguarum 2.3.1 Un reseau pour la dif.fusion de l'eveil aux langues et l'etude de son introduction dans les curricula Le programme Evlang ayant ete riche d' enseignements en ce qui conceme les possibilites de mise en place d'une approche d'eveil aux langues et les effets que l'on peut en attendre sur les eleves, l'etape suivante ne pouvait etre que placee SOUS le signe de la diffusion. Mais pour quiconque prend au serieux le principe selon lequel une innovation qui s'est developpee dans un contexte educatif donne n'estjamais directement transposable dans un autre contexte, la question de la diffusion d'une nouvelle approche est inseparable de l'etude des conditions de son implantation dans les curricula de divers systemes educatifs. C'etait bien 1a l'ambition du reseau Janua Linguarum 11 , qui s'est developpe dans le cadre du Premier programme a moyen terme du Centre Europeen pour les Langues Vivantes de Graz (Conseil de l'Europe) et a reuni, de 2000 a 2003, des formateurs d'enseignants et chercheurs en didactique de seize pays : Allemagne, Autriche, Espagne, Federation de Russie, Finlande, France, Grece, Hongrie, Lettonie, Pologne, Portugal, Republique tcheque, Roumanie, Slovaquie, Slovenie, Suisse. 12 Pour ce faire, des activites de divers types ont ete entreprises: • diffusion de la connaissance de l' approche (confärences, publications dans des revues specialisees, sites intemet) et contacts avec les autorites educatives ; • production/ adaptation de materiaux didactiques, y compris pour des enfants plus 11 Le nom meme de Janua Linguarum souvent abrege en Ja-Ling a ete emprunte il un ouvrage de Jan Arnos KoMENSKY, pedagogue tcheque plus connu sous Je nom de COMENIUS, qui a publie en 1631 un livre consacre il l'enseignement des langues: Janua linguarum reserata (La porte des langues ouverte). 12 On trouvera des renseignements sur ce reseau il l'adresse (http: / / jaling.ecml.at/ ). La majorite des partenaires du reseau se sont regroupes parallelement au sein d'un programme Comenius de ! 'Union europeenne qui a poursuivi ses activites jusqu' en septembre 2004. ]FJLJJL 34 (2005) 38 Michel Candelier jeunes, des la matemelle (et donc, non-lecteurs) et pour des eleves de l'enseignement secondaire 13 ; • formation / sensibilisation des enseignants et mise en place des activites dans les classes ; • production d' outils destines a l' observation de l'implantation de l' approche (representations des eleves sur les langues, questionnaires destines aux enseignants et aux parents, observations de classes), collecte et analyse des donnees recueillies. 2.3.2 La diversite des contextes et de l'interet pour l'eveil aux langues Dans les quelques lignes que nous pouvons consacrer ici a ces travaux, et en fonction meme de ce que nous avons dit en introduction a propos de l' adaptabilite de l' approche, il semble interessant de developper essentiellement ce qui touche a la diversite des contextes. 14 Pour des raisons de divers ordres, leur etude systematique n'a pu etre effectuee que sur dix pays (Allemagne, Autriche, Espagne, Finlande, France, Grece, Hongrie, Pologne, Portugal, Slovenie). Ces dix pays sont tres divers en ce qui conceme leur degre de multilinguisme et le statut des langues qui y sont parlees en plus de la ou des langues officielles. Cependant, seuls trois pays connaissent un pourcentage de locuteurs alloglottes ne depassant pas 4 % (Finlande, Pologne, Portugal). Parmi les sept pays restant, trois sont proches de la barre des 10 % ou 1a depassent (Allemagne, Autriche, Grece). 15 Dans six de ces sept pays, le multilinguisme est dü principalement a un nombre important de migrants (Allemagne, Autriche, Espagne-Catalogne, France, Grece, Slovenie), et dans un d'entre eux, a la presence de langues minoritaires autochtones (Hongrie). C'est dans deux pays d'Europe centrale (Hongrie et Pologne) que le pourcentage de migrants est le plus faible. Le Portugal se distingue par un nombre de locuteurs de langues minoritaires autochtones extremement bas. Dans l'ensemble des dix pays, l'anglais est la langue etrangere la plus enseignee, meme si c'est de justesse en Hongrie (ou l'allemand atteint presque le meme nombre d'eleves). A l'autre extreme, Oll trouve l' Autriche et la Catalogne, ou les eleves apprenant une autre langue que l' anglais sont respectivement cinq fois ou huit fois moins nombreux que ceux qui l'apprennent. L'anglais est premiere langue obligatoire du cursus en Grece. Dans plusieurs autres pays, elle est de fait la langue choisie en premier par la quasitotalite des eleves (Allemagne, Autriche, Catalogne, Finlande). Dans le domaine de l' enseignement des langues minoritaires autochtones, les compa- 13 Une des conclusions des travaux precedents etait que l'approche devait s'etendre, de fa<; ; on plus ou moins intensive, sur plusieurs cycles d' enseignement. Nous avons souvent rencontre des difficultes a la mettre en place dans l' enseignement secondaire, ou on accorde generalement peu de place a des enseignements qui ne sont pas strictement lies a une discipline particuliere. 14 On trouvera Je bilan complet de Janua Linguarum dans Candelier (dir.) (2003b). 15 On gardera bien a l 'esprit que dans beaucoup de cas, ! es chiffres dont on peut disposer sont approximatifs, beaucoup de pays ne procedant pas a un recensement rigoureux des locuteurs d'autres langues. lFLlllL 34 (2005) L'eveil aux langues une innovation europeenne 39 raisons sont beaucoup plus difficiles, en particulier parce que les chiffres disponibles sont souvent imprecis, incomplets, voire inexistants. Ce qui frappe cependant, a nouveau, c' est la diversite des situations. Dans plusieurs cas, l'offre peut etre qualifiee sans hesitation de satisfaisante. 16 C' est le cas du danois en Allemagne, du sami en Finlande, d 'une grande partie des langues minoritaires autochtones de Pologne ( Oll des droits sont ouverts des qu'un nombre suffisant de familles le demandent, avec aide de l'Etat), du mirandes au Portugal (gräce au secteur associatif) et tout particulierement de l'italien et du hongrois en Slovenie, qui sont enseignees egalement aux eleves de langue slovene dans les regions bilingues. C' est en Grece que la situation est 1a plus defavorable, le turc etant la seule langue beneficiant d'un enseignement bilingue, lirnite a une partie du pays oll s'impose l'application d'un traite internationalen fonction de considerations religieuses qui releguent au second plan les distinctions d'ordre linguistique. Parmi les langues particulierement defavorisees, on trouve regulierement les langues tsiganes. Pour les langues de migrants, la situation est au moins aussi diverse que pour les langues minoritaires autochtones, et globalement beaucoup plus insatisfaisante. 11 semble bien que les eleves migrants ou issus de la migration ne peuvent beneficier d'aucun enseignement de (ou dans) leur langue d'origine dans les systemes educatifs de Catalogne, Grece, et Pologne. Au Portugal et en Slovenie, cet enseignement est sporadique, lie ade rares experimentations ou innovations. A l'oppose, de reels droits sont ouverts a ces eleves en Autriche et Finlande, ainsi qu'en Hongrie (oll s'appliquent les memes possibilites et limites que pour les langues minoritaires autochtones). Dans d'autres pays encore (Allemagne, France), les autorites en charge de l' education s 'en remettent le plus souvent aux initiatives des pays d'origine, initiatives que seuls peuvent prendre les pays qui en ont les moyens et la volonte politique, ce qui exclut les pays d' Afrique subsaharienne et d' Asie du Sud-Est. On peut considerer que l'approche eveil aux langues etait inconnue dans quatre pays (Finlande, Grece, Hongrie, Slovenie) au moment Oll des contacts ont ete pris en vue de la mise en place du futur reseau Ja-Ling. II en allait quasiment de meme en Pologne, mais pas au Portugal, Oll en Allemagne, ni bien silr dans les trois pays (Autriche, Espagne- Catalogne, France) oll l'eveil aux langues avait deja connu une premiere diffusion par l'intermediaire du programme Evlang auquel des equipes de ces pays avaient participe. 2.3.3 Les resultats Une interrogation sur ce que le programme Janua Linguarum nous a appris des conditions et possibilites d'insertion de l'eveil aux langues dans les curricula fait ressortir les elements suivants : Dans les seize pays participant au reseau, en depit de de contextes sociolinguistiques et de traditions pedagogiques differentes, aucune "contre-indication" au recours a cette approche n'est apparue. 16 On laisse ici de c6te Je cas particulier du catalan, langue officielle de la Catalogne. lFLd 34 (2005) 40 Michel Candelier Du point de vue des origines de l'interet pour l'eveil aux langues dans ces divers pays, nous avons pu verifier l'effetevidemment facilitateur de la diffusion prealable qu'avaient assuree des programmes d'innovation anterieurs dans certains contextes nationaux. Il s' agissait souvent du programme Evlang, mais aussi plus generalement du mouvement Language Awareness et d'autres initiatives qu'il avait inspirees. Les traces pouvaient en etre visibles au sein meme des programmes officiels et en tout cas dans les representations des chercheurs en didactique et de certains enseignants. Nous avons vu aussi l'importance de la motivation que peut susciter un contexte national ou regional multilingue, et tout particulierement la presence d'eleves migrants. Et cela que cette presence soit clairement pers; ue comme une realite d'aujourd'hui ou de demain, ou que les enseignants et avec eux la societe en generaltardent a en prendre totalement conscience, auquel cas l' eveil aux langues apparait non pas tant comme une consequence de la perception de la diversite, mais plutöt comme une demarche qui favorise cette perception. Dans une certaine mesure, ce phenomene etait deja perceptible dans le cadre d'Evlang, ou certains enseignants montraient qu'ils avaient vraiment vecu, grace a ce programme, une experience personnelle de decouverte de la diversite. L'experience Ja-Ling a confirme l'interet que l'eveil aux langues rencontre tres generalement aupres des autorites educatives. Mais elle ne nous a guere permis d'en apprendre plus sur les raisons pour lesquelles cet interet, selon les cas, debouche ou ne debouche pas sur des mesures concretes d'officialisation. Sans doute parce que ces raisons constituent un reseau complexe de motivations qui se renforcent mutuellement et dans lesquelles il est bien difficile d'isoler un element particulier que l'on pourrait considerer comme determinant. Il etait interessant aussi de constater que les difficultes eprouvees par les coordinateurs nationaux lors de la mise en reuvre du programme semblent .etre plus d'ordre materiel que representationnel. Faute d'une inscription officielle dans des plages determinees du curriculum (comme c'est le cas en Grece), la question se pose sans cesse de la place a prendre dans les emplois du temps, et la solution deja formulee dans le cadre d'Evlang reste semble-t-il la meilleure: en tant que demarche interdisciplinaire, l'eveil aux langues doit s'inscrire simultanement dans plusieurs disciplines. L'etude des representations des enseignants a confirme que, comme cela etait deja apparu dans le bilan du programme Evlang, leurs attitudes vis-a-vis de l'approche sont tres generalement positives, et souvent tres positives. Ponctuellement, des difficultes peuvent apparaitre, que les coordinateurs nationaux ont contribue a cerner : a propos des langues sur lesquelles on travaille, a propos des publics (conception selon laquelle il s'agirait d'une approche valable uniquement pour les classes a forte proportion de migrants), en raison des cultures educatives dominantes. Comme cela etait deja apparu dans l' evaluation d' Evlang, on constate que les enseignants sont plus convaincus des effets potentiels de la demarche sur les attitudes des eleves vis-a-vis de la diversite des langues et des cultures que d'effets sur leurs aptitudes metalinguistiques. On ne peut s 'empecher de rapprocher ceci de ce qui a ete dit plus haut du multilinguisme en particulier issu de la migration en tant que facteur d'interet pour l'eveil aux langues. lFlLulL 34 (2005) L 'eveil aux langues une innovation europeenne 41 De l' observation de la pratique de classe, nous retenons essentiellement la conclusion selon laquelle la capacite de l'enseignant a adapter les materiaux d'enseignement a la situation particuliere de sa classe est determinante, pour peu cependant que cela se produise dans le cadre de l'approche socio-constructiviste de l'apprentissage, qu'il doit avoir suffisamment interiorisee. Generalement, les parents adherent a Ja-Ling, meme si des craintes sont exprimees de voir l'eveil aux langues remplacer l'enseignement d'une langue, auquel ils restent attaches. L'aspect de l'approche qu'ils remarquent le plus n'est autre que celui dont nous venons de dire qu'il convainc spontanement les enseignants et suscite le plus facilement l'interet : tout en notant que les enfants cherchent a comprendre des enonces en langue etrangere ce qui releve au moins partiellement du developpement d'aptitudes ils evoquent surtout des changements dans le domaine des attitudes que les enfants developpent face a ce qui est etranger. 2.4 Les progres de la reconnaissance institutionnelle de l'eveil aux langues en Europe Il ne servirait a rien de se le cacher: l'introduction officielle de l'approche plurielle des langues et des cultures dans les programmes scolaires doit surmonter diverses resistances, d'origines diverses. Il y ad' abord la volonte politique de satisfaire la demande parentale qui s 'exprime en faveur de l' enseignement d'une langue dans l' enseignement primaire, et tout particulierement de l'anglais : meme s'il est vrai qu'il n'y a pas en soi d'opposition entre cette demande et une approche destinee entre autres a equiper les eleves pour un meilleur apprentissage des langues, les contraintes materielles le temps disponible amenent souvent les acteurs a considerer que les deux options sont contradictoires. Mais il y a aussi la difficulte qu'ont beaucoup de didacticiens et de decideurs, impregnes de la culture educative dominante, a imaginer que les langues peuvent avoir a l'ecole un autre röle que celui d'etre apprises. Dans certains cas, cette incapacite peut amener a croire que l'objectif de l'approche est de faire apprendre plusieurs langues a la fois, ce qui renforce la crainte d'un surmenage et les doutes sur le realisme de ce qui est propose. Il y a aussi l'idee, contraire a la realite 17 , que l'approche est une simple "sensibilisation", sans objectifs d'apprentissage. Et peut-etre egalement le fait que des objectifs qui relevent d'un "equipement" de l'eleve pour un meilleur apprentissage des langues n'apparaissent pas comme ayant un effet immediat, contrairement a l'apprentissage lui-meme, dont les objectifs semblent plus tangibles. Dans certains pays, on a pu voir l' effet nocif de l'idee selon laquelle il s'agirait la d'une solution "au rabais" choisie par simple souci d'economie! Face ade tels freins, les progres recents de l"'institutionnalisation" de l'eveil aux langues peuvent surprendre. 17 On trouvera dans CANDELIER (dir.) (2003a), une ebauche de refärentiel d'objectifs que l'on a renonce a produire ici. lFlLllllL 34 (2005) 42 Michel Candelier On a deja mentionne le travail important accompli des avant Evlang par les chercheurs et enseignants de Suisse romande dans le domaine de l'innovation en eveil aux langues. On y trouvera 18 de larges echos des initiatives ministerielles prises au sein de la Communaute frarn; : aise de Belgique. En Grece, l'eveil aux langues est integre depuis septembre 2001 dans le curriculum du primaire et plus precisement dans la zone d'innovations et d' activites interdisciplinaires (duree: 2 heures hebdomadaires). Cette mesure a ete prise suite a l'experimentation reussie de Ja-Ling dans dix ecoles primaires en 2000-2001, qui a aide a convaincre de l'importance de l'approche aussi bien le Ministere de l'Education Nationale et des Affaires Religieuses que ! 'Institut Pedagogique et le Directeur de l'Enseignement Primaire. La production du materiel a ete financee par ! 'Institut Pedagogique qui a egalement mis en place des stages de formation pour les cadres de l' enseignement et plusieurs centaines de maitres. En Autriche, le Zentrum für Schulentwicklung, partenaire du programme Evlang et organisme de recherche pedagogique officiel, a entrepris la diffusion electronique des supports didactiques utilises pendant le programme. 19 Dans d'autres pays, comme au Portugal2°, l'approche trouve un echo dans les nouveaux programmes d' enseignement. En France, les nouveaux programmes parus au debut de 2002 ont manifestement ete sensibles aux idees vehiculees par Evlang, meme si l'approche n'a pas ete entierement et explicitement reconnue. On y trouve en effet a cöte de l'enseignement d'une langue particuliere dorrt la generalisation se poursuit la volonte que les eleves decouvrent « que l'on parle differentes langues dans leur environnement comme sur le territoire national», pour l'ensemble de l'ecole maternelle et le debut de l'elementaire. 3. Conclusion Les programmes d'innovation dont nous avons expose le deroulement et le bilan doivent etre consideres comme une source d'inspiration pour la reflexion et l'action, et non comme des banque de ressources dorrt il suffirait de tirer des elements "prets a porter", qu'il s'agisse de materiaux pedagogiques, de demarches ou de concepts. Si l'eveil aux langues doit vivre dans d'autres contextes et d'autres pays, il sera construit par ceux qui y vivent et y travaillent. 18 Sur Je site http: / / www.mag.ulg.ac.be/ eveilauxlangues/ commfranc.html. 19 Sur Je site http: / / www.zse3.asn-graz.ac.at/ (SKE-KIESEL: Lehrmaterialien). 20 Cf. ! es programmes parus en 2001 (Curricula Nacional do Ensino Basico - Competencias Essenciais - Unguas Estrangeiras). Le premier « principe d'orientation » pour Je Cycle 1 est Ja « Sensibilisation a Ja diversite linguistique et culturelle », explicitee de Ja fac; : on suivante: « Les apprentissages en langues etrangeres, au premier cycle, devront etre orientes dans Je sens d'une sensibilisation a Ja diversite linguistique et culturelle. L'ouverture de l'ecole a cette pluralite se traduira par Ja creation d'espaces de receptivite aux autres langues et aux autres cultures eventuellement presentes dans l'environnement -, a l'etablissement de relations entre celles-ci et Ja langue maternelle et au partage avec d'autres fac; : ons d'etre et de vivre » [traduction par moi, MC]. lFLIIIL 34 (2005) L 'eveil aux langues une innovation europeenne 43 C'est dans cet esprit que nous pensons que cette approche peut egalement, a l'avenir, faire partie de la panoplie des instruments pedagogiques destines a apporter des solutions aux problemes complexes auxquelles l 'ecole doit faire face dans des contextes fortement multilingues, dans toute region du monde. Des reflexions ont ete menees concemant l'Ile de la Reunion, la Guyane et des contextes africains (CANDELIERILAUNEY/ TUPIN 2003 ). Un nouveau terrain est ouvert, riebe d'espoirs et d'enseignements. Pour ce qui est des buts poursuivis, G. Mba et J. Messina Ethe indiquent: Chaque enfant apprend a aimer et a connaitre la culture de son prochain, en plus de savoir ce qu'il apprend. Une langue parlee par un eleve et qui n'est pas la sienne, ne sera plus un objet de raillerie de la part de ce dernier mais une curiosite qu'il voudra satisfaire: celle d'apprendre la culture et la langue de l'autre. Ce que la majorite des adultes n'ont pas su ou voulu entreprendre, ! es enfants le realiseront et seront moins tribalistes ou pas du tout. Comment ne pas penser a cet enseignant du programme Evlang, qui pratiquait l' eveil aux langues dans une ecole primaire plutöt monolingue de Bourges (ville situee en plein creur de la France) et qui notait avec une evidente satisfaction, lorsque nous l' avons interviewe, que si, au debut, il y avait bien eu quelques petits rires plus ou moins nerveux lors de l' ecoute de langues non familieres, tres vite, la surprise avait fait place a la curiosite, a l' interet, a l' attention ? En echo, un eleve disait: « Les langues etrangeres, Oll dit que C' est pas bien. Mais quand on les ecoute, on dit c'est bien ». 21 Bibliographie AUDIGIER, Frans; ois (2000): Concepts de base et competences cle de l'education a la citoyennete democratique. Strasbourg: Conseil de l'Europe. BLONDIN, Christiane/ CANDELIER, Michel/ EDELENBOS, Peter/ JOHNSTONE, Richard/ KUBANEK-GER- MAN, Angelika/ TAESCHNER, Traute (1998): Les langues etrangeres des l'ecole primaire au maternelle : quels resultats, a quelles conditions ? Bruxelles: De Boeck. CANDELIER, Michel (1996): « Et ! es effets sociaux dans tout s; a? » In: Cahiers de l'Asdifle 8, 24--36, CANDELIER, Michel / DUMOULIN, Berengere/ KOISHI, Atsuko (1999): La diversite des langues dans les systemes educatifs des Etats membres du Conseil de la cooperation culturelle - Rapport d'enquete preliminaire. Strasbourg: Conseil de I'Europe. 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