lendemains
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0170-3803
2941-0843
Narr Verlag Tübingen
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2011
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P. Kuon (ed.): Trauma et texte
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2011
Christophe Pérez
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139 Comptes rendus mus sur cet art, sa place dans les romans et les essais de Houellebecq ainsi que la pratique musicale de ce dernier (463-473): tous les trois considèrent que la musique s’adresse aux émotions et non à la raison. Une distinction plus générale est établie: les romans de Houellebecq articuleraient le rationnel et l’analytique, ses poèmes le pathétique, et ses chansons parleraient surtout aux émotions (472-3). Sur cette distinction entre les genres, on se référera aussi à sa pyramide des genres houellebecquiens (463). Ce chapitre est salutaire car il permet d’échapper au rejet pur et simple par la diabolisation et même la haine de l’écrivain tel que le pratique François Meyronnis. Dans un essai paru la même année que la thèse de Julia Pröll (raison pour laquelle il n’en est pas question dans cet ouvrage), Meyronnis accuse, plus violemment encore que Nancy Huston, le nihilisme provocateur et à ses yeux non-littéraire dont se rend coupable la production contemporaine, et dont il fait de Michel Houellebecq et de Jonathan Littell les pires avatars, les traitant respectivement de „pleureur arsénieux“ et de „charogne cérébrale“. 2 Ironiquement, Meyronnis prône comme antidote à ces auteurs une rédemption par l’amour, preuve que le chapitre de Julia Pröll sur ce même sujet n’est pas inutile. Enfin, il faut noter que l’auteur donne aux travaux précurseurs de Rita Schober sur Houellebecq leur juste valeur. Elle rappelle que la grande spécialiste de Zola dans le monde germanophone fut la première, en Allemagne, à consacrer une réflexion universitaire à Houellebecq. Dans plusieurs articles, Rita Schober a fait de cet écrivain le représentant d’une nouvelle tendance littéraire qui se caractérise par un éloignement de l’écriture, issue du Nouveau Roman, et un retour au réel. A l’instar de cette dernière, Julia Pröll lit l’œuvre à rebours (14), c’est-à-dire qu’elle n’en reste pas à l’„actionnisme destructeur“ de Houellebecq. 3 De même, elle reprend l’intuition de Rita Schober concernant le rôle attribué par Houellebecq dans ses essais à la lecture: celui d’être potentiellement un acte de résistance. De fait, la lecture permettrait à l’individu de mener une „révolution froide“ contre la destruction opérée par la société (34). Le texte est rédigé dans un style clair (bien que l’auteur affectionne l’usage actuel des guillemets servant à marquer une distance vis-à-vis de son propre énoncé) et se distingue plusieurs fois par ses trouvailles linguistiques. Vu l’épaisseur de l’ouvrage, un index aurait été le bienvenu, ainsi qu’un classement thématique de la bibliographie secondaire. Aurélie Barjonet, Université de Versailles St-Quentin (Centre d’Histoire culturelle des Sociétés contemporaines, CHCSC) PETER KUON (ED.): TRAUMA ET TEXTE, FRANKFURT A. M., PETER LANG, 2008 (COLL. KZ-MEMORIA SCRIPTA, 4) Le volume Trauma et Texte est issu du colloque international qui s’est tenu à Salzbourg du 28 juin au 1 er juillet 2006. Cet événement a pu être réalisé grâce à la collaboration entre l’université de Salzbourg (KZ-memoria scripta) et l’université de Bordeaux 3 (LA- PRIL). L’intérêt de ce colloque est double; d’une part parce que les contributeurs proviennent de pays très différents (Autriche, France, Allemagne, Italie…), d’autre part parce que ce colloque parvient à faire dialoguer des personnes dont les spécialités demeurent par- 2 François Meyronnis, De l’extermination considérée comme un des beaux-arts, Paris: Gallimard, 2007, Coll. „L’Infini“, 46. 3 Rita Schober, „Weltsicht und Realismus in Michel Houellebecqs utopischem Roman Les Particules élémentaires“, Zeitschrift für Literaturgeschichte, Heft 1/ 2, 2001, 181, ou comme l’appelle Julia Pröll son „unilatéralité destructive“ („destruktive Eindeutigkeit“, 27). 140 Comptes rendus fois très éloignées entre elles. C’est dans ce dernier point que se trouve l’originalité principale de cette série de réflexions, qui insiste sur l’interdisciplinarité en faisant dialoguer ensemble des psychiatres, psychanalystes, littéraires, linguistes, etc. Ainsi, l’ensemble des articles réunis dans le volume Trauma et Texte donne des points de vues très variés, mais toujours pertinents, sur un sujet qui n’est pas d’un abord facile. La problématique commune qui relie les différentes analyses, s’intéresse au transfert du trauma dans le champ littéraire. Le trauma est en effet ce qui demeure non-dit, c’est-àdire qu’il déborde le symbolique et rend la représentation discursive impossible, ou pour le moins, fortement compromise. Le texte, au contraire, relève du symbolique et d’une représentation discursive de la réalité. Nous avons donc à faire à un vide qui sépare le trauma et le texte, le témoignage traumatique et la fiction littéraire, une réalité sans symbole et du symbole sans réalité; le problème consiste à comprendre si ce vide peut être comblé et comment il peut l’être. La plupart des contributions semblent être en accord sur deux points principaux. Le premier point, très bien formulé par Anne Durand (psychiatre), est que le trauma n’est ni un vide, ni un manque, mais quelque chose qui est en trop. En ce sens, nous pourrions ajouter que le trauma est l’inverse du désir: si l’essence du désir est le manque, l’essence du trauma est le trop plein. François Abalan, auteur d’une étrange contribution qui relève plus de la description médicale que d’une réflexion approfondie, relève néanmoins que les déportés des camps de concentration avaient perdu tout désir sexuel: le trop plein tuant le manque tue le désir. Le second point est le caractère particulier de ce „quelque chose“ en trop; nous n’avons pas à faire à un surplus qui tue le désir en satisfaisant le manque, mais à un élément qui devient en trop, en raison de l’impossibilité de symboliser cet élément perturbant et perturbateur, pour l’intégrer à l’intérieur d’un discours cohérent. Le trauma est „en trop“, dans la mesure où l’événement s’est révélé si aberrant, si inimaginable, si irréel, que le langage ordinaire se trouve désarmé pour l’exprimer dans une trame narrative construite. Hans Höller, à travers Bachmann, Bernhard et Handke, nous montre cette impuissance de symboliser le trauma, et comment ces trois auteurs revisitent la langue pour permettre cette symbolisation. Car là où les intervenants divergent, selon leur sujet d’étude ou selon la ligne théorique défendue, est sur la manière de symboliser l’innommable, c’est-à-dire sur les stratégies à adopter pour intégrer dans un discours ce qui par nature lui résiste. Entre l’esthétique de Claude Simon qui se propose de prendre de biais le trauma sans l’imiter (contribution de Thomas Klinkert), et l’ambition de dépasser les formes traditionnelles du roman dans Être sans destin d’Imre Kertész (dans la communication de Silke Segler-Messner), nous ne pouvons énumérer toutes les stratégies de symbolisation du trauma qui nous sont proposées. Nous noterons cependant qu’elles peuvent être parfois radicalement contradictoires. Le linguiste Mwatha Musanji Ngalasso nous montre comment l’écrivain africain Boubacar Boris Diop dans Murambi, le livre des ossements, à la suite du génocide rwandais, considère que le trauma, ne pouvant être symbolisé dans le simple discours testimonial, peut l’être au moyen de la fiction littéraire: l’imaginaire est ce qui parle du silence. À l’opposé, Jean-Michel Devésa soutient que la fiction traditionnelle est démunie pour symboliser le trauma, et défend une littérature de la représentation qui se fonderait sur le vécu. De même, alors que Judith Kasper, qui s’intéresse à la dimension spatiale du trauma, démontre que l’espace traumatisé se révèle comme impossibilité d’un dehors, Patrick Feyler, à travers la crise vécue par Gustave Flaubert au mois de janvier 1844 (l’écrivain avait 22 ans), orientera l’œuvre du romancier vers une sympathie avec le monde, c’est-à-dire la possibilité d’un dehors. 141 Comptes rendus Nous pourrions toutefois supposer que si le trauma est ce trop qui n’est pas assimilé par le symbole, le trauma déplace plus le désir qu’il ne l’anéantit. En effet, en étant en trop, le trauma introduit un manque, le manque de symbole précisément; ainsi, le désir se trouve déplacé vers un désir éperdu de symbolisation. En ce sens, le rapport entre le trauma et le texte se trouve être une sorte de donquichottisme inversé: au lieu de chercher à vivre une aventure lue dans les livres par un mouvement qui va du symbole au réel, on essaie de faire un livre impossible à partir d’un événement hors du commun par un mouvement qui va du réel au symbole. Or, cette symbolisation du trauma ne peut se réaliser que dans la fiction, ou autrement dit, dans tout ce qui rejette le monde de la réalité à tout prix, du constat, du „prouvé scientifiquement“ et de l’efficacité rationnelle, dont l’article de François Abalan pourrait être le prototype. Comme le signale Peter Kuon, à propos des récits de déportation, le trauma est sublimé dans une œuvre que lorsqu’il est sous-tendu par une espérance (la solidarité, la patrie, le Christ, etc.). Or, espérer, écrivait saint Paul, consiste à croire en ce que nous ne voyons pas, c’est-à-dire à ce que nous imaginons. Si le trauma parvient à être dépassé par l’espérance, c’est parce que l’espérance est déjà un travail de symbolisation par l’imaginaire. En somme, il nous faut croire en ce que nous ne voyons pas pour accepter ce que nous avons vu. Les contributions de ce volume sont dans l’ensemble stimulantes, notamment parce qu’elles multiplient les perspectives pour éclairer les différentes facettes d’un problème forcément complexe. De plus, si la Shoah est souvent abordée (ce qui est normal pour un tel sujet), le volume ne laisse pas cet événement de poids écraser d’autres événements traumatiques de l’histoire, en faisant une place au génocide rwandais (Mwatha Musanji Ngalasso), au siège de Leningrad (Anja Tippner) ou à la violence en Colombie (Marie Estripeaut-Bourjac). Christophe Pérez (Université Michel de Montaigne Bordeaux 3) GABRIELE WIX: MAX ERNST. MALER, DICHTER, SCHRIFTSTELLER, MÜNCHEN: WIL- HELM FINK VERLAG, 2009 Gabriele Wix’ Studie Max Ernst - Maler Dichter Schriftsteller ist für die Max-Ernst-Forschung ein wichtiges Buch. Die Autorin trägt mit ihrer fundierten Arbeit zu einer vertieften Anbindung der Kunstgeschichte an die literaturwissenschaftliche Forschung bei, denn hier widmet sich eine Forschungsarbeit mit aller Gründlichkeit der schreibenden und literarischen Tätigkeit des Wegbereiters des Surrealismus. Erstaunlicherweise blieb dies bislang ein Desiderat, da der kunsthistorische Blick das literarische Œuvre zwar immer wie selbstverständlich anerkannt und für die Bildanalyse herangezogen hat, deren Inhalte aber letztlich immer der Dominanz des Visuellen unterordnete. Weniger also der Maler, wie der Titel vielleicht etwas irreführend nahelegt, sondern der Literat, der „Dichter und Schriftsteller“ Max Ernst steht im Mittelpunkt von Wix’ Untersuchung, die auf einer überraschenden Feststellung fußt: Während der bildende Künstler seit Jahrzehnten in internationalen Retrospektiven gezeigt wird, sein Werk Eingang in die weltweit bedeutendsten Museen und Sammlungen gefunden hat, die Arbeit am achtbändigen Œuvre-Katalog fast abgeschlossen ist und sein bildnerisches Werk in zahlreichen monographischen oder problemorientierten kunsthistorischen Studien untersucht wurde, ist sein geschriebenes Werk für die Literaturwissenschaft noch zu entdecken. Gabriele Wix hat mit ihrem Buch nun einen Schritt in diese Richtung getan, allein das ist verdienstvoll.